Le spectre de la mutualité dans le contrat d’assurance · inc., [1992] R.R.A. 959 (C.A.): «En second lieu, le représentant de l'assurée avoue qu'il n'a pas lu le contrat dans

Droits dauteur copy Faculteacute de droit Section de droit civil Universiteacute dOttawa2009

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Revue geacuteneacuterale de droit

Le spectre de la mutualiteacute dans le contrat drsquoassuranceAndreacute Beacutelanger and Joeumllle Manekeng Tawali

Volume 39 Number 2 2009

URI httpsideruditorgiderudit1027071arDOI httpsdoiorg1072021027071ar

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Publisher(s)Eacuteditions Wilson amp Lafleur inc

ISSN0035-3086 (print)2292-2512 (digital)

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Cite this articleBeacutelanger A amp Tawali J M (2009) Le spectre de la mutualiteacute dans le contratdrsquoassurance Revue geacuteneacuterale de droit 39 (2) 297ndash328httpsdoiorg1072021027071ar

Article abstractThe principle of mutuality is repeatedly called upon in doctrinal orjurisprudential material to justify the contractual bond in insurance Howeverthere is hardly nothing left anymore of mutuality in the field of insurance andthis notwithstanding the fact that it is a plural notion In general jurists referto a spectre of mutuality Hence so as to favour a better understanding of theinsured in regard to the juridical content of the contract the normative basis ofthe obligations of the parties should be redefined in a sense that is less loadedideologically This redefinition would allow to better address the technicaleconomic and actuarial characters of the service that insurers offer thusestablishing more precise markers to contractual obligations

D O C T R I N E

Le spectre de la mutualiteacute dans le contrat dassurance1

ANDREacute BEacuteLANGER Professeur agrave la Faculteacute de droit de lUniversiteacute Laval

JOEumlLLE MANEKENG TAWALI Doctorante agrave la Faculteacute de droit de lUniversiteacute Laval

RESUME

Le principe de mutualiteacute est reacuteguliegraverement invoqueacute en doctrine et en jurisprudence pour justifier les obligations des parties au contrat dassurance Or la mutualiteacute savegravere deacutesormais quasi inexistante en matiegravere dassurance et ce bien que la notion soit plurielle Cest en geacuteneacuteral agrave un spectre de mutualiteacute que renvoient les juristes En ce sens et afin de favoriser une meilleure compreacutehension du preneur quant agrave la teneur juridique de son contrat la base normative des obligations des parties devrait ecirctre redeacutefinie dans un sens moins chargeacute au plan ideacuteologique Ceci permettrait de refleacuteter

ABSTRACT

The principle of mutuality is repeatedly called upon in doctrinal or jurisprudential material to justify the contractual bond in insurance However there is hardly nothing left anymore of mutuality in the field of insurance and this notwithstanding the fact that it is a plural notion In general jurists refer to a spectre of mutuality Hence so as to favour a better understanding of the insured in regard to the juridical content of the contract the normative basis of the obligations of the parties should be redefined in a sense that is less loaded ideologically This

1 Cette eacutetude fait partie dun projet financeacute par le Fonds de recherche sur la socieacuteteacute et la culture (FQRSC) Nous remercions les eacutevaluateurs anonymes du preacutesent texte pour leurs judicieux commentaires

(2009) 39 RGD 297-328

298 Revue geacuteneacuterale de droit (2009) 39 RGD 297-328

davantage le caractegravere technique eacuteconomique et actuariel du service quoffrent les assureurs eacutetablissant ainsi des balises obligationnelles plus preacutecises

Mots-cleacutes Assurances capitalisme compagnie dassurances contrat deacutemutualisation gestion des risques mutualiteacute mutuelle dassurances obligations theacuteorie des contrats

redefinition would allow to better address the technical economic and actuarial characters of the service that insurers offer thus establishing more precise markers to contractual obligations

Key-words Capitalism contract contract theory demutualization insurance law insurance company mutual insurance society mutuality obligation risk management

SOMMAIRE

Introduction 298

1 Les diffeacuterentes deacutefinitions du concept de mutualiteacute 303

2 Le pheacutenomegravene contemporain de deacutemutualisation 311

3 Ueacuterosion de la mutualiteacute dans le contrat dassurance 318

Conclusion 326

INTRODUCTION

laquo [] croit-on vraiment que le jurisconsulte puisse deacuteterminer les conditions de validiteacute des contrats eacutedifier la theacuteorie de Terreur et de la leacutesion fixer les limites agrave la liberteacute conshytractuelle et preacuteciser les notions dordre public et de bonnes mœurs sans se faire une opinion sur le fondement de la force obligatoire des conventions et sur le principe dautonomie sans posseacuteder in petto une doctrine sur les rapports de la loi et

BEacuteLANGER ET TAWALI Mutualiteacute et contrat dassurance 299

de la volonteacute priveacutee de la justice commutative et du commerce juridique en un mot sans avoir une philosophie du droit raquo

E Gounot Le principe de Vautonomie de la volonteacute en droit priveacute

laquoSeulement cette theacuteorie na pas toujours conscience delle-mecircme et beaucoup de juristes ladoptent comme M Jourdain faisait de la prose sans sen apercevoir Or rien nest plus dangereux quune doctrine qui signore elle-mecircme Elle tend fatalement agrave se deacuteposer dans les esprits agrave leacutetat dhabitude de plus en plus tyrannique agrave devenir un pli du cerveau une sorte de tempeacuterament intellectuel Elle se cristallise en ces formules toutes faites ces brocards admis sans examen qui ne sont le plus souvent que des reacutesidus simplistes de speacuteculations et de controverses anteacuterieures mais qui apparaissent bientocirct parce quon en ignore ou quon en oublie lorigine et quon les redit machinalement comme aussi ineacutebranlables et aussi eacutevidents que les axiomes matheacutematiques raquo


1 Lassurance remplit aujourdhui une fonction capitale tan t au plan eacuteconomique2 politique3 que juridique4 E tan t donneacute ce rocircle majeur et strateacutegique fondamental quant agrave la structure socieacutetale de notre environnement immeacutediat5 il est justifieacute de sinterroger agrave savoir si le deacuteploiement du pheacutenoshymegravene dassurance affecte le deacuteveloppement du contrat dassushyrance lui-mecircme et son interpreacuteta t ion par les jur is tes La question se pose dautant plus que le contrat dassurance est

2 Selon les chiffres du rapport Sigma de la Swiss Re 4 060 milliards $ US de primes en assurances vie et non-vie ont eacuteteacute payeacutees dans le monde en 2007 Pour le Canada et pour la mecircme peacuteriode le total des primes verseacutees pour les assurances vie et non-vie est de 107 milliards $ CA Voir http wwwswissrecomresources Ia58ff004a27fcee97a3d71eleec54e8-sigma3_2008_fpdf (2 octobre 2008)

3 Que lon pense aux eacuteveacutenements de la Louisiane agrave ceux du 11 septembre 2001 ou encore agrave la deacutelicate question du reacutegime dassurance maladie agrave adopter au Queacutebec

4 Sur la transformation du droit de la responsabiliteacute par le biais de lassushyrance nous ne pouvons que reacutefeacuterer agrave louvrage fondamental de Franccedilois EWALD LEacutetat providence Paris Grasset 1986

5 Voir Michel ALBERT laquoLe rocircle eacuteconomique et social de lassuranceraquo dans Franccedilois EWALD Jean-Herveacute LORENZI (dir) Encyclopeacutedie de lassurance Paris Economica 1998 p 3-26


tout sauf un modegravele dentente conventionnelle classique avec son vocabulaire technique son texte imposeacute et ladheacutesion geacuteneacuteralement aveugle quil emporte6 Pour beaucoup le contrat dassurance est agrave Favant-garde de la transformation de notre compreacutehension du contrat Ainsi il sagit de lune des premiegraveres formes de contrat dadheacutesion7 plusieurs de ses regravegles laquo protectrices raquo se sont deacuteveloppeacutees en marge du droit de la consommation8 son interpreacutetation par les tribunaux est tregraves favorable agrave la prise en compte du deacuteseacutequilibre qui lui est inheacuterent9 Tout ceci alors que lassurance constitue lun des contrats de services les plus accessibles les plus deacuteveloppeacutes et les plus reacutepandus 2 La mutualiteacute est souvent invoqueacutee pour justifier lobligashytion du preneur de deacuteclarer agrave lassureur tous renseignements pertinents10 Or aujourdhui il est paradoxal de reacutefeacuterer agrave la notion de mutualiteacute pour justifier les obligations de lassureacute

6 Des exceptions existent eacutevidemment par exemple en matiegravere de risques commerciaux Dans lensemble toutefois la regravegle demeure celle du preneur-adheacuterent

7 Voir Didier LLUELLES Preacutecis des assurances terrestres 4e eacuted Montreacuteal Eacuteditions Theacutemis 2005 p 33 et suiv

8 Pour les regravegles de protection de lassureacute Alain GOURD laquo Le droit des assushyrances et la protection du consommateurraquo (1972) 32 R du B 527 529 Nathalie GlGUEgraveRE La notion de contrat dadheacutesion en droit civil meacutemoire de maicirctrise Unishyversiteacute Laval 1996 p 73 et suiv

9 Agrave titre dexemple significatif rappelons les propos du juge Baudouin dans laffaire Groupe Commerce (Le) compagnie dassurances c Service dentretien Ribo inc [1992] RRA 959 (CA) laquoEn second lieu le repreacutesentant de lassureacutee avoue quil na pas lu le contrat dans son entier La jurisprudence exige de lassureacute dans un tel cas le comportement dun assureacute raisonnable en tenant compte de toutes les cirshyconstances de lespegravece Il sagit en fait de ce que lon deacutesignait autrefois sous le vocable du bon pegravere de famille Dans cette affaire il me semble quun assureacute raishysonnable prenant connaissance de la page frontispice ne pouvait faire autrement honnecirctement et logiquement que de deacuteduire quil eacutetait proteacutegeacute contre ce risque et leacutegishytimement sabstenir de prendre connaissance des 10 pages suivantes raquo (nos italiques)

10 Desbiens c Socieacuteteacute nationale dassurances inc JE 2004-427 (CS) St-Denis c Beacutelair Direct SOQUIJ AZ-50256741 (CQ) Lemay-Paquette c Unique (L) compagnie dassurances geacuteneacuterales (CS 2004-05-20) BE 2004BE-741 GMAC Location Iteacutee c ING Groupe Commerce Cour du Queacutebec SOQUIJ AZ-50256262 (CQ) Beacuterubeacute c Axa Assurances BE 2005BE-980 (CS) Beacutelanger c Axa Assurances inc BE 2006BE-82 (CS) Minville c Assurances geacuteneacuterales des Caisses Desjardins BE 2006BE-1253 (CS) Transport R Larouche amp Fils inc c ING compagnie dassurances [2007] RRA 326 (OS) Cardin c SSQ socieacuteteacute dassurances geacuteneacuterales inc [2007] RRA 631 (CS) RV c RBC Assurances (CQ 2007-11-22) JE 2008-150 (CQ) Creacutedit VW Canada inc c Assurances geacuteneacuterales Banque Nationale inc (Innovassur assurances geacuteneacuterales inc) SOQUIJ AZ-50495708 (CQ)


preneur (ou de lassureur11) alors que la deacutemutualisation est devenue la norme modelant de ce fait lassurance aux besoins et aux principes du capitalisme actionnariat12 En somme la question pourrait se reacutesumer ainsi alors que la bancassu-rance13 (et la vente de produits dassurance sans repreacutesenshytant) est deacutejagrave une pratique eacutetablie et que sa laquo leacutegalisation raquo ne saurait tarder legravere de la morale et des bons sentiments nest-elle pas deacutepasseacutee pour permettre la bonne compreacutehension du contrat dassurance Ou encore ne devrions-nous pas en tant que juristes tenter de trouver dautres voies pour mieux expliquer les obligations reacuteciproques des parties agrave ce contrat qui demeure on ne peut loublier tregraves particulier dans son fonctionnement

11 La mutualiteacute peut aussi servir dargument critique contre les obligations de lassureur face agrave lassureacute En ce sens Reacutemi Moreau eacutecrit laquo Sans vouloir deacutenier le droit de lassureacute agrave linformation et sa leacutegitime protection nous croyons que dimposer agrave lassureur par une seacuterie dinterpreacutetations et de circonvolutions des obligations auxquelles il na pas consentie dans sa police sape les fondements mecircmes de lassushyrance et peacutenalise la mutualiteacute que constitue lensemble des assureacutes raquo Reacutemi MOREAU laquo La protection des consommateurs et lassurance raquo (1996) 63 Assurances 563 572

12 En se reacutefeacuterant aux travaux de Martin Hocircppner le philosophe Axel Honneth eacutecrit laquo Dans une perspective plus interne aux entreprises la reacutevolution neacuteo-libeacuterale est deacutecrite comme une expansion de la gestion dentreprise orienteacutee vers lactionnariat ce qui entraicircne un accroissement de linfluence des actionnaires proshyportionnel au reacutetreacutecissement de celle des autres groupes prenant part aux activiteacutes des entreprises laquo Le cours des actions reflegravete la valeur des entreprises agrave travers les lunettes de lactionnaire et est aveugle agrave la valeur que les entreprises produisent pour tous les autres groupes qui y prennent part pour les salarieacutes les banques les reacutegions lEacutetat les sous-traitants les acheteurs et les consommateursraquo [reacutef omise] On a pu deacutecrire ce capitalisme comme un capitalisme actionnariat raquo Axel HONNET La socieacuteteacute du meacutepris Paris La Deacutecouverte 2006 p 282

13 Deacuteveloppement qui sinscrit eacutevidemment dans une optique plus globale au plan eacuteconomique leffet est ineacutevitable sur les assurances En ce sens et agrave titre dexemple laquo Les transformations des systegravemes financiers deacutependent fortement des formes prises par leacutepargne des meacutenages Or le reacutegime de basse inflation coupleacute aux eacutevolutions deacutemographiques dans les pays industrialiseacutes a profondeacutement modifieacute les formes prises par leacutepargne et cette tendance va aller en saccentuant En effet le vieillissement des populations en Europe et plus geacuteneacuteralement dans le monde occishydental suscite des motivations deacutepargne lieacutees au cycle de vie ce qui favorise leacuteparshygne financiegravere agrave viseacutee longue [] Les principaux investisseurs institutionnels sont les socieacuteteacutes dinvestissement les fonds de pension et les compagnies dassurances raquo Laurence SCIALOM Eacuteconomie bancaire Paris La Deacutecouverte 2004 p 15 Voir aussi pour une analyse plus directe du contrat dassurance Veacuteronique NICOLAS Essai dune nouvelle analyse du contrat dassurance Paris LGDJ 1996 p 16 et suiv


3 La mutualiteacute est dabord une notion technique14 et en ce sens elle devrait ecirctre plus objective que celle de la plus haute bonne foi ou de la moraliteacute contractuelle15 bien quelle y soit parfois directement associeacutee16 Or la transformation imporshytante du domaine assurantiel ces derniegraveres deacutecennies impose certains questionnements pour le juriste questionnements qui sont il est vrai de nature politique et eacuteconomique davanshytage que strictement juridique Ceci agrave notre point de vue nenlegraveve rien agrave la pertinence de ces interrogations surtout lorsque la notion de mutualiteacute acquiert un rocircle normatif En ce sens un auteur rappelle que

Le caractegravere social du risque est subordonneacute agrave son inscription en dehors dun marcheacute concurrentiel Le clivage est ainsi constitueacute par le deacutebat entre une gestion par les assurances prishyveacutees et une gestion par les organismes de seacutecuriteacute sociale ou mutualiteacutes Des logiques diffeacuterentes preacutesident au fonctionneshyment de ces institutions Il est ainsi traditionnel dopposer la mutualiteacute agrave lassurance en soulignant que la premiegravere repose sur la solidariteacute une gestion deacutemocratique et labsence de lucre tandis que la seconde poursuit but lucratif et profit17

14 Au strict plan juridique on lira avec inteacuterecirct la thegravese de V NICOLAS op cit note 13 p 50 et suiv qui deacutemontre quagrave plusieurs eacutegards la mutualiteacute peut ecirctre absente de la gestion des risques et quen ce sens elle doit ecirctre distingueacutee du contrat dassurance lui-mecircme

15 Michaud c Socieacuteteacute mutuelle dassurances geacuteneacuterales du comteacute de Riviegravere-du-Loup JE 97-1108 (CQ)

16 laquo Vu le principe de mutualiteacute la simple bonne foi ne peut disculper un preshyneur qui aura mal deacutecrit le risque sa deacuteclaration neacutecessitant la plus haute bonne foi raquo Patrice DESLAURIERS La deacuteclaration preacutecontractuelle de risque en droit queacutebeacuteshycois Cowansville Eacuteditions Yvon Biais 1994 p 13 Eacutegalement laquo Lassureur doit au nom de la mutualiteacute eacutevaluer le risque agrave lavantage de tous de sorte que contraireshyment aux contrats ordinaires le contrat dassurance doit se deacuterouler dans un contexte de la plus entiegravere bonne foi raquo Claude BELLEAU Droit des assurances Recueil de textes Universiteacute Laval 1973 p 130 laquo Ce caractegravere abstrait de la bonne foi en assurance sexplique par la mutualiteacute dont lassureur a la charge raquo D LLUELLES op cit note 7 p 31 laquo De plus le contrat dassurance eacutetant fondeacute sur la mutualiteacute la simple bonne foi est insuffisante pour remeacutedier au risque dabus et cest lensemble des assureacutes qui peuvent ecirctre ainsi leacuteseacutes raquo Christiane DUBREUIL laquo Lassurance un contrat de bonne foi agrave leacutetape de la formation et de lexeacutecution raquo (1992) 37 RDMcGill 1087 1092

17 Florence MILLET La notion de risque et ses fonctions en droit priveacute Paris LGDJ 2001 p 249


4 Appreacutecier degraves lors le pheacutenomegravene de la deacutemutualisa-tion face agrave la compreacutehension des obligations reacuteciproques des parties au contrat dassurance est neacutecessaire Dans la mesure ougrave Ton reacutefegravere au principe de mutualiteacute l assureacute dune mutuelle doit-il ecirctre soumis aux mecircmes regravegles et obligations contractuelles que celui dune compagnie agrave but lucratif La reacuteponse semble eacutevidente mais il faut toutefois eacutetablir si la mutualiteacute agrave laquelle le juriste reacutefegravere dans chacun de ces cas est la mecircme 5 Somme toute la veacuteritable question est de savoir si ce concept de mutualiteacute est toujours preacutesent en assurance soit dans le contrat qui unit le preneur agrave lassureur et si cest le cas agrave quel titre et avec quelle ampleur Ceci devrait eacuteclairer les juristes quant agrave la valeur theacuteorique contemporaine dune telle justification normative Si le concept de mutualiteacute paraicirct toujours essentiel au fonctionnement de lassurance (la loi des grands nombres au centre de la gestion des risques assureacutes) il est de moins en moins compris ou compreacutehensible pour lassureacute dans la mesure ougrave lassurance tend deacutesormais agrave prendre la forme exclusive dune activiteacute lucrative de financeshyment Cest ce qui ressort du constat deacuterosion du concept de mutualiteacute dans le monde assurantiel et de son impact sur le contrat dassurance (3) dont le pheacutenomegravene de deacutemutualisa-tion observeacute ces derniegraveres anneacutees nest quune illustration (2) Pour tenter de comprendre les effets de ces transformations sur le contrat dassurance il nous faut dabord preacuteciser ce agrave quoi reacutefegravere aujourdhui le concept de mutualiteacute (1)

1 LES DIFFEacuteRENTES DEacuteFINITIONS DU CONCEPT DE MUTUALITEacute

6 Preacutesenter les diffeacuterents sens que revecirct agrave notre eacutepoque le concept de mutualiteacute exige de garder agrave lesprit le rocircle les aspects et les transformations quil a connus depuis plusieurs siegravecles Cest pourquoi sans preacutetendre refaire une eacutetude hisshytorique de la mutualiteacute nous chercherons agrave faire ressortir cette dimension eacutevolutive tout au long de notre eacutetude18

18 Pour une preacutesentation plus approfondie de lhistoire de la mutualiteacute voir par exemple Jack A FlNGLAND An Introduction to the History of Life Assurshyance Londres Ed EP Dutton amp Company 1912 Pierre J RICHARD Histoire des


7 On retrouve le principe de mutuali teacute autant au sein des compagnies dassurances que des mutuelles dassurances19 L importante ut i l isa t ion du te rme est en quelque sorte proportionnelle au deacuteveloppement spectaculaire des assushyrances au cours des 50 derniegraveres anneacutees Agrave cette preacutesence reacutecurrente du concept de mutuali teacute il faut ajouter deacutesorshymais le pheacutenomegravene de deacutemutualisation Nul doute que le preneurassureacute agrave qui lon demande de respecter le principe de mutualiteacute en deacuteclarant agrave son assureur tout ce qui est susshyceptible dinfluencer leacutevaluation du risque2 0 soit quelque peu confus Pour le juriste qui doit lui aussi donner un sens au contrat litigieux appreacutecier le degreacute de respect dun terme qui semble si malleacuteable nest pas une tacircche aiseacutee 8 Pour mieux appreacutecier le rocircle de la mutualiteacute au sein des assurances et mieux cerner les conseacutequences de la deacutemutualishysation il faut en preacuteciser le cadre geacuteneacuteral Dabord une disshytinction fondamentale que lon a trop tendance agrave neacutegliger

Le terme mutualiteacute est particuliegraverement ambigu Ce terme deacutesigne indistinctement deux notions distinctes dune part une technique de reacutepartition et de compensation des risques commune agrave toutes les entreprises dassurances quelle que soit leur forme dautre part une forme particuliegravere de socieacuteteacute dassurances dans laquelle les assureacutes sont en mecircme temps des associeacutes dits socieacutetaires21

institutions dassurance en France Journal International des Assurances Paris Eacuteditions de lArgus 1956 Michegravele RUFFAT Edouard VINCENT Bernard LAGUERRE LUAP et lhistoire de lassurance Malesherbes Eacutedit ions Jean-Claude Lat tes Maison des Sciences de lHomme 1990 Patricia TOUCAS -TRUYEN Histoire de la mutualiteacute et des assurances Lactualiteacute dun choix Paris Syros 1998 Alain PLESSIS Andreacute STRAUS laquo Le deacuteveloppement des assurances en Europe jusquau deacutebut de l industr ial isat ionraquo (2000) 68(1) Assurances 65-88 Mart in PETITCLERC laquoUne question de just ice Reacuteforme assurant iel le et tradit ion mutual is te au Queacutebec (1890-1910)raquo [En ligne] httpafheehessfrdocumentphpid=249 (consulteacutee le 18 octobre 2008) Michel DREYFUS Bernard GlBAUD Mutualiteacutes de tous les pays un passe riche davenir Paris Mutualiteacute franccedilaise 1995

19 Voir Kimberly M INMAN laquo The Mutual Holding Company A New Opporshytunity for Mutual Insurance Companies raquo (1997-1998) 42 Saint Louis University Law Journal 677-698 Voir eacutegalement Alain TEMPELAERE Les mutuelles dassurances en France et dans le monde Paris Economica 2001 p 149

20 Articles 2408 et 2409 CcQ 21 Jean BIGOT laquoLes diffeacuterentes formes de socieacuteteacutes dassurancesraquo

dans Franccedilois EWALD Jean-Herveacute LORENZI (dir) Encyclopeacutedie de lassurance Paris Economica 1998 p 198


9 Ainsi il y a la technique de gestion des risques dun cocircteacute et les entreprises dassurances agrave but non lucratif de lautre Il est important de mieux deacutecrire lopposition entre technique de gestion des risquesforme dentreprise en soulignant quau sein mecircme de la forme dentreprise qui reacutefegravere strictement agrave linteacuterecirct des assureacutes mdash ce que lon pourrait qualifier de mutuelles contemporaines mdash sopegravere une certaine confusion quant au sens de la mutualiteacute En fait on accorde deacutesormais agrave cette derniegravere beaucoup moins dimportance quil ny paraicirct Cest ce qui ressort dune eacutetude historique sommaire des mutuelles dassurances 10 Au sein des mutuelles que nous pourrions aujourdhui qualifier dhistoriques la mutualiteacute deacutesigne lensemble des mutualistes Le mutualiste est agrave la fois assureacute et assureur Il fait partie de la collectiviteacute envers laquelle il sest engageacute La mutualiteacute est dans ce cas un mode de gestion deacutemocratique du risque fondeacute sur la solidariteacute entre les membres Ces mutuelles se sont deacuteveloppeacutees au moyen des socieacuteteacutes de secours La mutuelle peut alors ecirctre deacutefinie comme un mode de socieacuteteacute dentraide dans lequel les membres paient une cotishysation fixe dans le but de garantir une aide reacuteciproque et ce sans discrimination sur les qualiteacutes des assureacutes La mutualiteacute au sens historique ainsi deacutefinie exclut la classification et la seacutelection des risques puisquelle fonctionne sur un modegravele duniciteacute des cotisations et en vue de la participation de tous aux beacuteneacutefices eacuteventuels Cette mutualiteacute repose sur lautoshygestion qui consiste pour les mutualistes agrave la fois membres et socieacutetaires agrave respecter des regravegles deacutemocratiquement accepshyteacutees22 En conseacutequence la logique de la mutualiteacute historique reacutefute agrave la fois la gestion de lassurance sociale par lEacutetat et la logique lucrative des compagnies dassurances priveacutees Elle suppose la participation et la contribution reacuteelles des pershysonnes mutualiseacutees agrave la gestion de leurs risques De telles socieacuteteacutes de secours visaient la protection contre les coups du

22 P TOUCAS-TRUYEN op cit note 18 p 50 montre les limites de ces regravegles et des initiatives prises afin de les ameacuteliorer mecircme si les gestionnaires ont quelques fois peacutecheacute par excegraves damateurisme Voir aussi Caroline BRADLEY laquo Demutualization of Financial Exchange Business as Usual raquo (2001) 21 Nw J Intl L amp Bus 657


sort face auxquels les membres eacutetaient particuliegraverement vulneacuterables et deacutemunis (misegravere maladie incendie grecircle) Ainsi parce que la mutualiteacute historique repose sur la solidashyriteacute collective elle suppose des rapports humains eacutetroits entre les membres23 Bref les mutualistes formaient un cercle relashytivement restreint et partageaient un sentiment dapparteshynance communautaire Par ailleurs les socieacuteteacutes de secours nexistaient pas seulement dans un but charitable24 mais aussi en vue deacutetablir des relations humaines au moyen de rencontres entre des personnes qui eacuteprouvaient le mecircme senshytiment de vulneacuterabiliteacute combattant ainsi leurs craintes La mutualiteacute historique est donc un amalgame agrave la fois dinteacuterecircts collectifs et dautres valeurs telles lamitieacute la solidariteacute ou la fraterniteacute 11 La solidariteacute se preacutesente ainsi comme la pierre angulaire des pratiques mutualistes historiques Cest elle qui fonde les principes de tarification fixe et unique ou dexercice deacutemocrashytique du pouvoir ou encore deacutegaliteacute entre les mutualistes25 Cependant soumises agrave la rudesse de la concurrence agrave la deacutesueacutetude de leur fonctionnement empirique agrave la lutte contre la seacutelection adverse ou laleacutea moral et les transformations survenues dans le monde des assurances26 les mutuelles hisshytoriques ont progressivement adopteacute les nouvelles meacutethodes scientifiques et eacuteconomiques de gestion des risques Lune des principales transformations du passage des mutuelles histoshyriques aux mutuelles contemporaines reacuteside dans ladoption

23 Par exemple les mutualistes sassistaient en cas de deuil ou organisaient des grandes fecirctes entre eux pour eacuteviter toute deacuterive bureaucratique agrave la gestion de leur collectiviteacute Toutes ces pratiques vont sestomper au deacutebut du XXe siegravecle Voir P TOUCAS-TRUYEN op cit note 18 p 49-50

24 Si la solidariteacute est assimileacutee agrave la chariteacute cest souvent parce quelle a une connotation religieuse (catholique) Voir leacutetude de Philippe CHANIAL Justice don et association Paris La Deacutecouverte 2001 p 303-325 qui rapporte que les actes de chariteacute existaient avant decirctre encourageacutes par lEacuteglise En ce sens lassurance se preacuteshysente comme lexemple parfait de la socialidariteacute dont faisait mention lauteur de politique-fiction Guido Morselli et qui avait pour but de remplacer sous une forme politique moderne la chariteacute chreacutetienne Voir Guido MORSELLI Rome sans pape chroshyniques romaines de la fin du XXe siegravecle Paris Gallimard 1974

25 Voir P TOUCAS-TRUYEN op cit note 18 p 171 26 Voir P TOUCAS-TRUYEN op cit note 18 A TEMPELAERE op cit note 19

Herveacute MAUROY La mutualiteacute en mutation les pratiques solidaristes en question Paris LHarmattan 1996


des proceacutedeacutes complexes deacutevaluation du risque27 La mutuashyliteacute contemporaine a ducirc dans une large mesure abandonner la cotisation agrave taux fixe qui fut longtemps lune de ses speacutecifishyciteacutes28 Deacutesormais t an t les mutuelles que les compagnies cherchent agrave analyser le maximum de renseignements disposhynibles sur lassureacute avant de lui accorder un contrat dassushyrance sinscrivant de ce fait dans la pratique moderne de lactiviteacute assurantielle fondeacutee principalement sur le traiteshyment de donneacutees29 Il sagit dun changement de philosophie quant agrave la mutualiteacute En ce sens un auteur eacutecrivait

Agrave Finverse lassurance commerciale seacutetait deacuteveloppeacutee en disshysociant complegravetement la dimension sociale de la dimension eacuteconomique de lassurance ce qui lui avait dailleurs valu decirctre critiqueacutee pour sa participation agrave la deacutesacralisation de la vie humaine par le marcheacute Mais une fois les reacutesistances vainshycues lassurance preacutesente le modegravele mecircme de ladministration bureaucratique moderne et de la laquo politique des grands nomshybres raquo En effet lassurance a trouveacute par la science actuarielle une base scientifique qui lui permet de reacuteclamer un pouvoir consideacuterable dans la socieacuteteacute contemporaine laquo On ne sait pas assez rappelle Franccedilois Ewald que le grand eacuteveacutenement politique des deux derniers siegravecles a sans doute eacuteteacute lapplicashytion du calcul des probabiliteacutes au gouvernement de la socieacuteteacute raquo [Reacutef omise] En faisant cela la laquo technologie de lassurance raquo

27 Soulignons quau Queacutebec depuis le 6 juin 2002 aucune personne morale ne peut ecirctre constitueacutee pour pratiquer des secours mutuels en vertu de larticle 94 de la Loi sur les assurances LRQ c A-32 De plus selon larticle 107 de cette mecircme loi laquo [sleules les socieacuteteacutes de secours mutuels peuvent employer dans leur nom ou dans le cadre de leurs activiteacutes les mots socieacuteteacute de secours mutuels sauf dans la mesure deacutetermineacutee par regraveglement du gouvernement raquo

28 Voir H MAUROY op cit note 26 p 155-194 29 Sur limpact en matiegravere de geacuteneacutetique Franccedilois EWALD laquoGeacuteneacutetique et

assuranceraquo (1999) 3 RGDA 539-555 Michael HOY Mattias POLBORN laquoThe Value of Genetic Information in the Life Insurance Marketraquo (2000) 78 Journal of Public Economies 235 Marcus RADETZKI Marian RADETZKI Niklas JUTH Genes and Insurshyance Ethical Legal and Economie Issues Cambridge Law Meacutedecine and Ethics Cambridge University Press United Kingdom 2003 Trudo LEMMENS laquo Genetics and Insurance Discrimination Comparative Legislative Regulatory and Policy Developments and Canadian Options raquo (2003) Health Law Journal 41 Bartha Maria KNOPPERS laquo Genetics and Life Insurance in Canada Points to Considerraquo (2004) 170 CMAJ 9 Trudo LEMMENS Yann JOLY Bartha Maria KNOPPERS laquo Geacuteneacutetique et assurance-vie analyse comparativeraquo (2004) GenEdit 1-13 Beacuteatrice GODARD Mireille LACROIX Bartha Maria KNOPPERS laquo Warning Patients Relatives of Genetic Risks Policy Approaches raquo (2005) GenEdit 1-8

308 Revue geacuteneacuterale de droit (2009) 39 R GD 297-328

donnait effectivement des moyens consideacuterables agrave lEacutetat moderne pour intervenir dans la socieacuteteacute Mais cela ne pouvait se faire quen transfeacuterant le problegraveme de la solidariteacute dune pratique de lentraide communautaire dans laquelle puisait largement le mouvement mutualiste agrave une logique technoshycratique des grands nombres La technologie de lassurance participait ainsi agrave une transformation fondamentale des rapshyports entre la socieacuteteacute civile et lEacutetat Consideacuterant cela on peut facilement comprendre que la mutualiteacute ait eacuteteacute rapidement absorbeacutee par la logique assurantielle Il faut dailleurs prendre en consideacuteration que la mutualiteacute et lassurance commerciale sont de plus en plus en compeacutetition sur le laquo marcheacute raquo de la proshytection des travailleurs nord-ameacutericains Conseacutequemment la mutualiteacute traditionnelle avec sa gestion approximative des risques est perccedilue comme un obstacle au deacuteveloppement dun marcheacute national de lassurance La solution consiste donc agrave appliquer les principes de la science actuarielle qui permettent de calculer le laquoprix coucirctantraquo de la protection sans quoi lexpansion dun marcheacute de lassurance hors les classes moyennes et bourgeoises est tout simplement impossible30

12 Dans un tel contexte la distinction entre mutualiteacute et compagnie dassurances au plan du fonctionnement contracshytuel savegravere teacutenue 13 Aussi bien quelles ne reposent plus sur les mecircmes prinshycipes que les mutuelles historiques les mutuelles contemshyporaines ont gardeacute l appellation de mutuelle En fait les mutuelles contemporaines deacutesignent des socieacuteteacutes de pershysonnes dont le fonctionnement sappuie sur un ensemble speacuteshycifique de principes qui le distingue encore des compagnies dassurances31 Il sagit notamment du but non lucratif de la proprieacuteteacute collective des assureacutes de lexercice deacutemocratique du pouvoir de labsence de capital social et de leacutegaliteacute des socieacutetaires Ces particulariteacutes justifient encore lappellation de mutuelle3 2 En effet certains aspects de la mutual i teacute t radi t ionnel le sont res teacutes p reacutesen ts dans les mutua l i t eacute s

30 Martin PETITCLERC laquo Eacutetat libeacuteral socieacuteteacute civile et mutualiteacute au Canada au XIXe siegravecle raquo dans Les solidariteacutes 2 du terroir agrave lEacutetat Maison des sciences de lhomme dAquitaine 2001 59 p 67

31 Loi sur les assurances LRQ c A-32 32 Voir P TOUCAS-TRUYEN op cit note 18 p 181


contemporaines malgreacute les changements opeacutereacutes au fils des ans 3 3 Dans les mutuelles contemporaines il demeure en geacuteneacuteral important deacuteviter toute deacuterive vers une viseacutee pureshyment eacuteconomique La mutual i teacute en ce sens continue de chapeauter le contrat entre preneurassureacute et assureur Elle donne au contrat dassurance une double dimension agrave la fois inteacuteresseacutee et deacutesinteacuteresseacutee La mutualiteacute renvoie reacuteellement ici agrave lensemble des assureacutes agrave leur collectiviteacute et leur qualiteacute d assureacutes et de socieacutetaires Les membres eacute t an t agrave la fois mutualistes et codeacutetenteurs de la socieacuteteacute dassurances ils sont en principe moins enclins agrave œuvrer pour leur inteacuterecirct individuel dans la mesure ougrave cet inteacuterecirct est lui-mecircme dilueacute dans celui de la communauteacute Selon cette conception la mutualiteacute constitue donc au plan juridique mdash en theacuteorie agrave tout le moins mdash un vecteur agrave la fois dobligations et de sens Elle demeure volontaire et manifes te l appar tenance agrave la socieacuteteacute 14 Signalons cependant que si leacutegaliteacute des socieacutetaires est consideacutereacutee comme un principe elle est appliqueacutee avec des exceptions ou de maniegravere adapteacutee Ainsi elle laquo implique simshyplement que pour deux socieacutetaires preacutesentant exactement les mecircmes caracteacuteristiques la tarification sera identique raquo34 On est alors plus pregraves dun principe assurantiel moderne que de celui des mutuel les t radi t ionnel les De plus les mutuel les contemporaines oscillent aujourdhui entre un taux variable (la norme) et un taux fixe (lexception) En outre ces principes sont doreacutenavant qualifieacutes dans la docshytrine de principes deacutequiteacute et non plus de solidariteacute chegravere aux mutualiteacutes historiques35 15 En conseacutequence le terme mutualiteacute revecirct aujourdhui trois sens distincts

1 Il peut ecirctre consideacutereacute comme un principe de reacutepartition des pertes en assurance mais aussi en matiegravere de faillite et dans diffeacuterents groupes dentraide Agrave titre de systegraveme de reacutepartition des pertes historiquement la mutualiteacute preacutecegravede lassurance

33 H MAUROY op cit note 26 p 170 et 185 34 Voir A TEMPELAERE op cit note 19 p 21 35 Id p 13 P TOUCAS-TRUYEN op cit note 18 p171 Lauteure affirme

page 172 que laquo les compagnies dassurances instaurent une tarification diffeacuterencieacutee [] au nom de llaquo eacutequiteacute actuarielle raquo antithegravese absolue de la solidariteacute raquo

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et reacutevegravele le besoin des humains en certaines circonstances de se grouper pour pallier la survenance deacuteveacutenements nuishysibles36 Cette forme de mutualiteacute est agrave la base de toutes les mutuelles des mutuelles dassurances et aussi des compashygnies dassurances Il sagit en somme de la gestion des risques qui prendra en compte de maniegravere plus ou moins importante la solidariteacute entre les assureacutes selon le but rechercheacute de lentreshyprise soit le profit des actionnaires ou encore mdash avec toutes les nuances possibles entre ces deux extrecircmes mdash la mise en commun dun service de protection

2 La mutualiteacute est ensuite une laquoancienne formeraquo dassushyrance dans laquelle chacun payait la mecircme prime au nom des principes dentraide et de solidariteacute souvent motiveacutes par des motifs dordre religieux En ce sens la mutualiteacute renvoie agrave un organisme laquo qui cherche agrave respecter autant que possible les regravegles solidaristes institution dune tarification non discrishyminante [] non-instauration de meacutecanismes restrictifs non tarifaires [] mdash mise en place dun seul reacutegime de couvershyture raquo37 De telles organisations sopposaient agrave la tarification discriminante et aux propositions de plusieurs niveaux de coushyvertures38 soit celles que lon retrouve aujourdhui dans les entreprises dassurances agrave capital social ou mutualiseacutees

3 La mutualiteacute renvoie enfin agrave une forme laquomoderneraquo de socieacuteteacute dassurances agrave but non lucratif qui applique tous les principes assurantiels deacutecoulant des matheacutematiques actuashyrielles mais qui nest pas une socieacuteteacute par actions39 La gestion des risques se fait alors sans viseacutee lucrative

36 Alain GUERREAU laquo LEurope meacutedieacutevale une civilisation sans la notion de risque raquo (1997) 31 Risques 11 Alain PLESSIS Andreacute STRAUS laquo Lessor des assurances dans lEurope du XIXe siegravecleraquo (2001) 69(2) Assurances 201-228 A PLESSIS A STRAUS op cit note 18 Jacques ST-PIERRE Diane ST-PIERRE laquoLassurance de personnes au Queacutebec depuis 1930raquo (2002) 70(1) Assurances 51-71 Jean DELUMEAU Rassurer et proteacuteger Le sentiment de seacutecuriteacute dans lOccident dautrefois Paris Fayard 1989

37 H MAUROY op cit note 26 p 83-84 38 M p 84 39 Agrave titre dexemples les mutuelles suivantes exercent au Queacutebec Promushy

tuel La Capitale La SSQ Financial Group et eacutevidemment le Mouvement Desjardins Voir speacutecifiquement en ce qui concerne Desjardins Daniel COcircTEacute (dir) Les holdings coopeacuteratifs Eacutevolution ou transformation deacutefinitive Bruxelles Eacuted De Boeck 2001 p 309 et suiv Voir eacutegalement Paul MORENCY Alphonse Desjardins et le Cateacutechisme des caisses populaires Queacutebec Septentrion 2000 Voir aussi les eacutetudes tregraves riches de M PETITCLERC op cit note 18 Martin PETITCLERC laquoLassurance mutualiste


16 Il semble que les juristes reacutefegraverent geacuteneacuteralement agrave la preshymiegravere forme de mutualiteacute soit le principe de reacutepartition des pertes entre les assureacutes Or ces distinctions subtiles ne pershymettent pas loin sen faut la bonne compreacutehension du contractant quest le preneur dautant plus que la financiari-sation croissante du domaine de lassurance depuis la fin du XXe siegravecle tend agrave transformer ce mode de gestion des sinistres en processus de creacuteation de beacuteneacutefices pour les actionnaires Par conseacutequent demander agrave lassureacute de respecter la mutuashyliteacute alors que son vis-agrave-vis contractuel est un geacuteant financier dont les activiteacutes deacutegagent dimportants profits anneacutee apregraves anneacutee40 savegravere trop souvent un argument sinon fallacieux agrave tout le moins peu convaincant Tout ceci sans compter limpact du pheacutenomegravene de deacutemutualisation

2 LE PHEacuteNOMEgraveNE CONTEMPORAIN DE DEacuteMUTUALISATION

17 La deacutemutualisation est lun des reflets importants de la mutation du lien unissant les assureacutes41 La deacutemutualisation est un processus qui consiste agrave transformer le reacutegime de proshyprieacuteteacute dune compagnie mutuelle (cest-agrave-dire appartenant

lassurance commerciale et la grande entreprise dans la prise en charge du risque maladie au 20e siegravecle au Queacutebec raquo dans Dominique ASSAYAG Franccedilois GUEDJ Michel PlNAULT Patricia TOUCAS-TRUYEN (dir) Lapproche mutualiste de la santeacute en Europe Actions de preacutevention et services agrave la personne Paris Alternatives eacuteconomiques 2005 p 73-83 Martin PETITCLERC laquoLa r iante banniegravere de la deacutemocrat ie les socieacuteteacutes de secours mutuels queacutebeacutecoises au 20e siegravecle raquo (70 1 avril 2002) Revue Assurances p 73-92

40 Ou encore est une structure eacuteconomique en proie agrave la tourmente des marshycheacutes financiers ce qui ne constitue au plan du fonctionnement de lentreprise il faut bien le reconnaicirctre que le revers de la mecircme meacutedaille capitaliste

41 laquoLa perte de repegraveres est en grande partie agrave lorigine de la volonteacute de deacutemutualisation dune socieacuteteacute Lorsque les dirigeants nont plus pour prioriteacute la member value cet attachement eacutetroit et personnel aux socieacutetaires lorsque le sentishyment dappartenance sest dilueacute il est alors normal que les socieacutetaires preacutefegraverent receshyvoir un chegraveque de deacutemutualisation et que les dirigeants soient tenteacutes de faire passer linteacuterecirct de la socieacuteteacute voire leur propre inteacuterecirct avant celui des socieacutetaires Rechershycheacutee dans le cadre de la compeacutetition eacuteconomique laccroissement de la taille peut agrave certains eacutegards constituer un danger en raison de laffaiblissement naturel des liens entre la mutuelle et ses socieacutetaires ainsi que des risques de concentration de pouvoir au profit de certains deacuteleacutegataires ou de deacuterives technocratiques Une distance consishydeacuterable peut ainsi sinstaurer entre les deacutecideurs eacuteconomiques et les vrais proprieacuteshytaires que sont les socieacutetaires raquo Jean-Jacques ROY laquo Lavenir des mutuelles passe-t-il par la deacutemutualisation raquo (2003) 54 Risques 111 113


aux souscripteurs) pour en faire une compagnie agrave capital-actions (cest-agrave-dire appar tenan t agrave ses actionnaires) En contrepartie des droits de proprieacuteteacute et de la participation des souscripteurs on attribuera des avantages offerts sous forme dactions ou de dividendes La deacutemutualisation est geacuteneacuteraleshyment totale bien quelle puisse ecirctre partielle 18 On retrouve la deacutemutualisation totale dans la grande majoriteacute des pays occidentaux principalement aux Eacutetats-Unis en Grande-Bretagne de mecircme quau Canada Les motifs dun tel recours var ient peu et se reacutesument pour lessentiel agrave la recherche de financement au besoin dexpanshysion ou encore agrave la feacuterociteacute de la concurrence42 Dans leur eacutetude David Mayers et Clifford W Smith Jr ont deacutemontreacute que les coucircts de gestion dans les mutuelles dassurances peushyvent ecirctre plus importants que ceux des compagnies notamshyment lorsquelles exercent leurs activiteacutes dans un secteur plus propice aux compagnies dassurances ou lorsque cette activiteacute comporte dimportants coucircts doccasions laquoassociated with foregone investments arising because of higher increshymental capital cost inherent in the mutual or reciprocal forms of ownership raquo Ces auteurs preacutecisent que laquothese costs can in particular circumstances offset the advantage mutual ownershyship affords in controlling incentives to transfer wealth from policyholders to equity holders raquo43 Les principaux motifs de deacutemutualisation reposent autant sur la recherche du financeshyment et de croissance du capital en vue des investissements que sur ladaptation et la modernisation de la mutuelle Elle

42 Voir agrave cet eacutegard C BRADLEY op cit note 22 p 669 qui cite un ensemble de raisons auxquelles les mutuelles ont recours Lauteure mentionne aussi que cershytaines compagnies utilisent de maniegravere paradoxale comme argument de la deacutemushytualisation le profit qui pourrait en reacutesulter pour les mutualistes Voir aussi Edward X CLINTON laquoThe Rights of Policyholders in an Insurance Demutualization raquo (1992) 41 Drake Law Review 657-704 666 et suiv Pour ce dernier les raisons de la deacutemushytualisation se reacutesument agrave des motifs eacuteconomiques Dautres auteurs mettent en relief ces mecircmes raisons Voir David MAYERS Clifford W SMITH Jr laquo Ownership Structure and Control Property-Casualty Insurer Conversion to Stock Charterraquo (2002) 21 Journal of Financial Services Research 117 123 Harry D GARBER laquo DemutualizashytionmdashWave of the Future or a Passing Fad raquo (1986) Journal of the American society ofCLU March 1986Vol XL No 2 p 59 Janet EHRENREICH BELKIN laquo Demutualizashytion To Do or Not to Doraquo dans Annual Meeting of American Bar Association Chicago Illinois American Bar Association 1984 p 326-341

43 D MAYERS C W SMITH Jr op cit note 42 p 117


permettrait ainsi une plus grande flexibiliteacute44 Certains sinterrogent toutefois sur la pertinence des motifs geacuteneacuteraleshyment invoqueacutes45 Quoi quil en soit un eacuteleacutement important lieacute agrave lexistence de la mutuelle est ainsi occulteacute il sagit des caractegraveres secondaires et conditionnels de la recherche du profit dans les mutuelles contemporaines Rappelons que les compagnies dassurances et les mutuelles dassurances eacutevoshyluent en principe selon des philosophies eacuteconomiques diffeacuteshyrentes Paradoxalement cest pour des raisons lieacutees agrave la rentabiliteacute et agrave la recherche de profit quon deacutemutualise 19 Certains pays ont reacutesisteacute plus facilement agrave la pression deacutemutualiste par le recours agrave la deacutemutualisation partielle46 Elle permet laccegraves aux marcheacutes des capitaux en conservant partiellement loptique deacutesinteacuteresseacutee agrave la base de la creacuteation des mutuelles Neacuteanmoins un tel choix ne va pas sans creacuteer de nombreux embarras lieacutes agrave la gestion de la compagnie qui en reacutesulte ou aux divers droits entre les actionnaires les dirishygeants et les souscripteurs devenus actionnaires47 Puisque le propos de cette eacutetude nest pas lanalyse compareacutee des diverses formes de groupements dassureacutes mais bien la crishytique de la confusion qui entoure la reacutefeacuterence au concept de mutualiteacute dans la reacutegulation du contrat dassurance il importe de sarrecircter sur le rocircle reacuteserveacute aux mutualistes et sur la possibiliteacute pour eux de saisir les enjeux dune telle

44 J-J ROY op cit note 41 45 Voir lanalyse de Betty M Ho laquo Deacutemutualisation of Organized Securities

Exchanges in Hong Kong The Great Leap Forward raquo (2002) 33 Law amp Poly Intl Bus 283 Lauteure deacutemontre que la deacutecision de deacutemutualiser certaines entreprises agrave Hong Kong eacutetait deacutenueacutee de toute logique Dautres soulignent que ce foisonnement est peut-ecirctre moins une veacuteritable solution davenir quune simple lubie voir Harry D GARBER op cit note 42

46 Pheacutenomegravene observeacute aux Pays-Bas par exemple ougrave lon parle de laquo mutuelle en actionsraquo Voir A TEMPELAERE op cit note 19 p 119 Lauteur note que cela permet deacuteviter la deacutemutualisation complegravete Dans le mecircme ordre dideacutees laquo Cershytaines leacutegislations comme aux Eacutetats-Unis mais aussi en Autriche preacutevoient agrave cocircteacute de dispositifs de deacutemutualisation pur et simple des formules plus souples telles les mutual holding companies structure regroupant banques socieacuteteacutes de gestion et assureurs Dans ce type de structure les socieacutetaires originaux restent proprieacutetaires agrave 51 par le biais de droits de souscription La mutuelle est deacutemutualiseacutee et le holshyding devient proprieacutetaire agrave 100 des actions non souscrites Une telle formule peut sassimiler agrave une deacutemutualisation partielle raquo J-J ROY op cit note 41 p 111

47 Des auteurs se demandent sil faut y voir une occasion de survie pour la mutuelle Voir K M INMAN op cit note 19 A TEMPELAERE op cit note 19 p 145 et suiv


transformation Ceci contribuera agrave notre avis agrave mettre en eacutevidence le glissement de sens mdash si ce nest la perte de sens mdash qui affecte le concept de mutualiteacute 20 Pour des raisons eacuteconomiques eacutevidentes lieacutees au nombre eacuteleveacute des souscripteurs-proprieacutetaires ceux-ci ne peuvent tous devenir actionnaires en cas de deacutemutualisation La solution consiste alors agrave leur verser diverses compensations en contreshypartie de leur qualiteacute de proprieacutetaires4 8 Le processus de changement ne semble pas propice agrave la compreacutehension par les mutualistes des enjeux et de la leacutegitimiteacute des motifs de la deacutecision49 Dans plusieurs cas il semble que ces motifs naient pas eacuteteacute suffisamment expliqueacutes aux membres et que laquo the paper position are more promotional documents than discussion papers50raquo Sans compter que les mutualistes ne disposent pas toujours du temps neacutecessaire leur permettant de preacuteparer une veacuteritable offensive de former des groupes de reacuteflexion ou des coalitions de trouver des moyens financiers et des experts en vue de reacutepliquer valablement aux proshypositions Dans ce contexte il est leacutegitime de se demander agrave qui appart ient5 1 la mutuelle et agrave qui profite reacuteellement la deacutemutualisation lorsque les membres ne votent pas en toute connaissance de cause52

48 Voir par exemple httpwwwinsstatenyuslifedemutpho_dupdpdf (13 octobre 2008) de mecircme que httpwwwinsstatenyuslifedemutmetlifepdf (13 octobre 2008)

49 M PETITCLERC op cit note 39 (2002) p 74 eacutecrit laquoUn constat semble simposer face agrave la rapiditeacute impressionnante de la deacutemutualisation le sentiment mutualiste apparaicirct globalement tregraves peu enracineacute au Queacutebec Et si certaines reacutesisshytances se manifestent les compensations financiegraveres que versent les nouvelles comshypagnies agrave capital actions aux anciens mutualistes permettent visiblement den atteacutenuer les effets raquo Rappelons eacutegalement quaussi inteacuteressants que puissent ecirctre les indemniteacutes et deacutedommagements il ne sagit pas seulement de la perte de la qualiteacute de proprieacutetaire mais plus encore du fruit defforts communs et du deacutesir de construire une socieacuteteacute qui favorise leacutegaliteacute lexercice deacutemocratique du pouvoir et la proprieacuteteacute collective

50 Voir B M Ho op cit note 45 51 Peter KEATING laquo Money Whose Company Is It Anyway raquo Proquest New

York Oct 1998 vol 27 ndeg 10 52 laquoAgrave lheure des grands mouvements de deacutemutualisation amorceacutes depuis

une deacutecennie il nest pas inutile de signaler malgreacute tout que les mutuelles demeushyrent un terreau fertile de la relation client [] Les mutuelles sont largement preacutesenshytes sur les critegraveres dempathie ou de proximiteacute dinformation et de conseils clairs et de plus-value dans les services raquo Reacutemi MOREAU laquo Faits dactualiteacute raquo (2005) 72 Assushyrances 681 687 De maniegravere plus insidieuse laquo [] je voudrais revenir sur lanalyse


21 Dans le contexte nord-ameacutericain53 les mutuelles se font de plus en plus rares et les lois nexigent quun controcircle de forme54 encourageant ainsi la deacutemutualisation des mutuelles dassurances55 Lexception notable de Desjardins qui continue encore aujourdhui agrave redistribuer les beacuteneacutefices aux souscripshyteurs et qui conserve un esprit mutualiste56 contribue en quelque sorte mdash et dautant plus dans le contexte dopposition bancassurancecaissassurance mdash au flou qui entoure le prinshycipe de mutualiteacute Dans un tel contexte ideacuteologique eacuteconomishyque et juridique un contrat conclu avec Desjardins implique-t-il de la part du preneur un plus grand respect de la mutualiteacute Si la complexiteacute lieacutee agrave linterpreacutetation juridique des divers

des raisons pour lesquelles une socieacuteteacute mutuelle se transforme en socieacuteteacute anonyme La premiegravere raison eacutevidente est le financement [] La deuxiegraveme raison est la resshytructuration [] Troisiegraveme raison mdash ou plutocirct codicille mdash les dirigeants de socieacuteteacute anonyme lorsque leur entreprise marche bien ont droit agrave des stocks options souvent fructueux En revanche un dirigeant dune mutuelle qui a bien fonctionneacute ne reccediloit pour toute reacutecompense de ses efforts quun bel objet dart agrave la fin de sa carriegravere raquo FFSA laquoCauses et enjeux de la deacutemutualisationraquo (1997) Les Entretiens de lassushyrance 1-13 p 9

53 Gerald GOLDSTEIN Projet de loi c-59 loi modifiant la loi sur les socieacuteteacutes dassurances mdash les enjeux 1998 Il est inteacuteressant de noter que dans la description des exemples de mutuelles internationales seuls les Eacutetats-Unis sont pris en compte

54 Il suffit pour sen convaincre danalyser les motifs de rejet qui se reacutesument souvent agrave rappeler que la deacutemutualisation est permise par la loi Or dans ce contexte il nest nullement pris en compte des aspirations des efforts et des valeurs dont la mutualisation nest que la reacutealisation et laboutissement Toute chose qui naide pas agrave la compreacutehension de la (deacute)mutualisation Voir laquo Opinion and Decision of Gregory V Serio Superintendent of Insurance raquo in The Matter of the Plan of Reorgashynization ofPheonix Home Life Mutual Insurance Company from a Mutual Life Insurshyance Company into a Stock Life Insurance company State of New York Insurance Department June 1 2001 p 17 Voir aussi httpwwwinsstatenyuslifedemut pho_dupdpdf (13 octobre 2008) Neil D LEVIN Superintendent of Insurance In the Matter of the Plan of Reorganization of the The Metropolitan Life Insurance Company from Mutual Life Insurance Company into a Stock Life Insurance Comshypany State of New York Insurance Department April 4 2001 p 16-18 http wwwinsstatenyuslifedemutmetlifepdf (13 octobre 2008)

55 Dans le cas du Canada un certain nombre de mesures visent agrave proteacuteger les inteacuterecircts des souscripteurs de police y compris lexigence davis dexperts indeacutepenshydants sur la seacutecuriteacute des polices des souscripteurs et sur leacutequiteacute de la reacutepartition de la valeur de la socieacuteteacute parmi les souscripteurs de police admissibles

56 Daniel COcircTEacute laquo Le Mouvement des caisses Desjardins holding coopeacuteratif agrave la croiseacutee des chemins raquo dans Daniel COcircTEacute (dir) Les holdings coopeacuteratifs Evolution ou transformation deacutefinitive Bruxelles Eacuted De Boeck 2001 p 309 et 327 Malgreacute la speacutecificiteacute de lesprit coopeacuteratif qui caracteacuterise encore le Mouvement Desjardins lauteur estime quen raison de sa taille et de son accroissement constant Desjardins est eacutegalement menaceacute par les tensions que connaicirct aujourdhui le marcheacute


contrats dassurances impose eacutevidemment une reacuteponse neacutegative le recours reacutecurrent que font les juristes au principe de la mutualiteacute laisserait pourtant croire le contraire Ceci contribue lagrave encore agrave vider la mutualiteacute de son sens 22 Pour les partisans de la deacutemutualisation la croissance et la modernisation sentendent au deacutetriment de lideacutee de solidashyriteacute voire de mutualiteacute57 Lenjeu aujourdhui est justement de savoir si la mutuelle est capable de croissance58 si elle est susceptible de fonctionner agrave leacutechelle planeacutetaire Dans la mesure ougrave une telle perspective est envisageable il faut reconnaicirctre quil paraicirct difficile de concilier lexigence de proxipiiteacute et de solidariteacute avec le caractegravere diffus des memshybres agrave leacutechelle internationale59 Plusieurs autres questions peuvent encore ecirctre poseacutees le marcheacute auquel les mutuelles sadressent existe-t-il encore Est-ce que la mutualiteacute neacutetait pas voueacutee agrave disparaicirctre avec lavegravenement de la socieacuteteacute de consommation de masse Et la consommation geacuteneacuteraliseacutee de lassurance impliquant lanonymat leacutegoiumlsme et linteacuterecirct est-il uniquement possible pour certaines cateacutegories dassureacutes de se reacuteunir selon le modegravele de la mutualiteacute60

57 Voir C BRADLEY pp cit note 22 p 671 ougrave lauteure affirme en citant le NYMEX que la deacutemutualisation est laquo indicative of the progressive and innovative manner in which we will proceed as a profit corporation to reposition the exchange as a 21st-century business enterprise that will create and pursue profitable new opportunities raquo

58 Miguel Angel MARTINEZ laquo The Organization of Insurance Companies Mutuals Demutualization and Beyond Comments on Paper by A Henniquin and P Peugeot raquo (2001) 26(3) The Geneva Papers on Risk and Insurance 327

59 Certains soulignent toutefois quau contraire lassurance tend agrave seacuteloigner de son but premier de protection contre les risques de lexistence pour prendre de plus en plus la forme dune solidariteacute plus ou moins publique selon les besoins laquo Dailleurs avant linstitution de la Seacutecuriteacute sociale en France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale cest agrave des assurances sociales que les salarieacutes avaient recours pour se proteacuteger Lon voit bien cependant si lon met agrave part le cas de lassushyrance maladie laquelle effectivement a pour but de proteacuteger lassureacute contre un des aleacuteas de la vie que cest moins la notion de risque qui est aujourdhui mise en avant que celle de solidariteacute et de justice sociale ce qui seacuteloigne du concept originel dassushyrance La distinction entre assurance et solidariteacute nest cependant pas infranchisshysable on observera en effet que de nombreuses entreprises dassurances se sont constitueacutees sous forme mutualiste de sorte quil existe une parenteacute reacuteelle entre ces deux ordres de preacuteoccupations raquo Claude JESSUA Le capitalisme 2e eacuted Paris PUF 2004 p 78

60 Voir par exemple Bernard DESCHAMPS laquoLa Mutuelle des municipaliteacutes du Queacutebec mdash une reacuteponse au deacuteseacutequilibre raquo (2005) 72(4) Assurances 661


23 Face agrave ces multiples interrogations il est important de garder agrave lesprit que la vague de deacutemutualisation que connaissent aujourdhui les mutuelles ne constitue quun retour du balancier puisque les XLXe et XXe siegravecles ont eacuteteacute trashyverseacutes par de vastes mouvements de mutualisation cest-agrave-dire la transformation des socieacuteteacutes anonymes en socieacuteteacute de personnes61 En ce sens la deacutemutualisation pourrait ne pas ecirctre la panaceacutee annonceacutee62 et ne constituer quun effet de mode63 Des auteurs se demandent sil est possible de preacuteshyserver une dimension solidariste dans un environnement eacutecoshynomique domineacute par le capitalisme et la mondialisation64 De maniegravere geacuteneacuterale les transformations du concept de mutuashyliteacute mettent de lavant le dilemme entre la solidariteacute le seacutelec-tionnisme et la recherche du profit dans lunivers de la couverture du risque Selon certains on oublie trop souvent que la mutualiteacute vise agrave construire le lien social quau centre de la mutualiteacute il sagit de la protection de lhumain par la construction dun lien social65 et non lunique prise en compte de la valeur marchande de ses craintes66 Tout ceci ne

61 A TEMPELAERE op cit note 19 p 162 Pour le Canada de maniegravere preacutecise voir Robert PARIZEAU laquo Le marcheacute de lassurance et de la reacuteassurance au Canada quelques aspects de son eacutevolutionraquo (2002) 70(1) Assurances 3 J S T -PIERRE D ST-PIERRE op cit note 36

62 laquo [] les changements sont importants La pression des actionnaires est tregraves forte et implique un reporting puissant [] Sur le plan des objectifs financiers nous sommes toujours dans une approche de long terme (puisque Ton me demande daugmenter la valeur de Yembedded value) agrave laquelle sest ajouteacutee une exigence de court terme (les dividendes) Il est vrai que nous pouvons un jour ecirctre nous-mecircmes racheteacutes ce qui change par rapport au confort des mutuelles cela fait peser un cershytain Stress sur le personnel raquo FEacuteDEacuteRATION FRANCcedilAISE DES SOCIEacuteTEacuteS DASSURANCES laquo Causes et enjeux de la deacutemutualisation raquo (1997) Les Entretiens de lassurance 1-13 p 5

63 B M HO op cit note 45 64 P TOUCAS-TRUYEN op cit note 18 p 179 rappelle que la mutualiteacute

relegraveve dune logique diffeacuterente aussi laquo avant decirctre un mouvement le mutualisme sest pratiqueacute agrave linteacuterieur de petites structures neacutees du besoin de reacutesoudre com-munautairement des problegravemes individuels raquo Voir aussi H MAUROY op cit note 26 p 195 et suiv

65 Le rappel est eacutenonceacute par P TOUCAS-TRUYEN op cit note 18 p 183 et suiv 66 Antoine HENNIQUIN Patrick PEUGEOT laquo The Organization of Insurance

Companies Points for Discussion on Mutuals Demutualization and Beyondraquo (2001) 26(3) The Geneva Papers on Risk and Insurance 325 H MAUROY op cit note 26 p 197 et suiv Signalons que mecircme un mouvement comme Desjardins ne semble pas agrave labri de telles critiques Reneacute CROTEAU Le Mouvement Desjardins 1997-2003 Un patrimoine coopeacuteratif deacutefigureacute et deacutenatureacute Queacutebec Eacuted Multimondes 2003


peut que se reacutepercuter sur la perception et linterpreacutetation du contrat dassurance67 si la mutualiteacute ne parvient plus agrave se deacutefinir elle-mecircme comment les juristes arrivent-ils agrave lui donner un sens lorsque vient le moment de lui faire jouer un rocircle normatif

3 LEacuteROSION DE LA MUTUALITEacute DANS LE CONTRAT DASSURANCE

24 Un changement sopegravere au sein mecircme du rapport assureacute preneur-assureur Pour les compagnies dassurances par actions ineacutevitablement linteacuterecirct de lassureacute soppose agrave celui des actionnaires Le gain de lun ne peut que repreacutesenter la perte de lautre Le lien est dabord eacuteconomique et actuariel68 Cest pourquoi il est possible de nos jours de soutenir que laquo la relation entre principe deacutegaliteacute et regravegle de seacutelection est de pure logique raquo69 La seacutelection des risques est doreacutenavant preacuteshysenteacutee comme une neacutecessiteacute En reacutealiteacute tout est question de perspective historique puisque la prime fixe paraissait tout aussi logique aux yeux des mutualistes traditionnels70 Dans le contexte contemporain de segmentation des risques et des primes71 les assureacutes non seulement nont pas le sentiment dappartenir agrave un cercle ou une collectiviteacute avec laquelle ils auraient un quelconque lien mais encore ils ne perccediloivent plus cet aspect fondamental de la mutualiteacute quest la reacutepartishytion des risques sur lensemble des assureacutes Le processus est trop abstrait technique noyeacute de plus dans le pheacutenomegravene de la mondialisation de leacuteconomie Il faut ajouter agrave ce constat la

67 Harold SKIPPER laquo Why Do They Dislike Us raquo (2005) Geneva Association Information Newsletter mdash Insurance Economics Marc GUILLAUME laquo Les jeux de lassurance et du hasard raquo (2005) 53 Risques 24

68 Sur le rocircle et leacutevolution de lactuariat voir le laquo dossier raquo dans Jean BER-THON laquoRisques et solutions Actualiteacutes de lactuariatraquo (2006) 67 Risques 15-61

69 Franccedilois EWALD laquo Les valeurs de lassurance raquo dans Franccedilois EWALD Jean-Herveacute LORENZI (dir) Encyclopeacutedie de lassurance Paris Economica 1998 p 399 et 418

70 Voir Ph CHANIAL op cit note 24 p 296 P TUcircUCAS-TRUYEN op cit note 18 p 29 et suiv quant agrave elle insiste sur laversion des socieacuteteacutes de secours pour les pratiques de seacutelection Voir aussi M PETITCLERC op cit note 18

71 Quant agrave la tendance actuelle agrave la segmentation des risques et aux impacts sur la tarification voir Luc MAYAUX laquo Aspects juridiques de lassurabiliteacute raquo (2003) 54 Risques 72


mauvaise presse dont les compagnies d assurances font lobjet72 Lexigence de confiance et de sympathie qui caracteacuteshyrisait et qui justifiait la mutualiteacute nexiste agrave peu pregraves plus dans les socieacuteteacutes par actions En effet le contrat dassurance est plutocirct caracteacuteriseacute par un climat de meacutefiance et de suspishycion En se t ransformant en produit de consommation le contrat d assurance perd un eacuteleacutement de socialite qui est partie prenante de toute forme de mutualiteacute Au strict plan assurantiel il ne reste de la mutualiteacute dans le contrat dassushyrance que la technique de partage du risque deacutenoueacutee de toute ideacuteologie solidariste Ce contexte favorise la dissociation entre solidariteacute et mutua l i teacute Ainsi Ewald affirme que laquotoute mutualiteacute nest pas solidaire raquo73 Que signifie par conseacutequent la reacutefeacuterence moralisante agrave la mutual i teacute afin de discipliner le preneur 25 La relation contractuelle elle-mecircme suppose que lassureacute se perccediloive dabord agrave t i tre dindividu face agrave l assureur La mutualiteacute reacutealiteacute abstraite qui implique la prise en compte des besoins dun ensemble de tiers tend agrave seffacer au profit des inteacuterecircts immeacutediats du preneur En ce sens une auteure eacutecrivait

[] la personne morale masque la reacutealiteacute juridique et humaine quelle repreacutesente Mecircme si elle suppose le regroupement dun nombre important de sujets de droit chacun deux a une pershysonnaliteacute juridique propre Chaque individu contracte seul avec lassureur Il naccepte pas de se fondre au sein dune insshytitution dans laquelle il perdrait son identiteacute et surtout son particularisme lieacute agrave son engagement contractuel personnel Chaque futur assureacute sentend de faccedilon seacutepareacutee avec le gestionshynaire de lentreprise dassurances pour beacuteneacuteficier moyennant une contribution financiegravere de sa prestation dans telles ou telles circonstances74

72 Leacutetude de P TOUCAS-TRUYEN op cit note 18 p 13-64 permet de constater que cette mauvaise presse nest pas daujourdhui et est dailleurs eon-substantielle agrave lexistence de lassurance priveacutee

73 F EWALD op cit note 69 p 415 74 V NICOLAS op cit note 13 p 12


26 Il est eacutevident que lindividu demeure preacutesent dans lorgashynisation mutualiste qui reste agrave la base lassurance mais la difficulteacute relative agrave la compreacutehension des conseacutequences jurishydiques de lengagement contractuel par les parties deacutecoule sans doute de la disparition de toute dimension collective ou sociale au profit de lindividu Ce faisant cest linstitution mecircme de lassurance qui est deacutenatureacutee dans sa perception mdash et non dans son fonctionnement matheacutematiques obligent mdash isolant toujours davantage le preneurassureacute de lassureur soit les deux parties au contrat dans leurs positions opposhyseacutees En mat iegravere de deacutemutual isa t ion par exemple on a deacutemontreacute que le changement de qualiteacute placcedilait les assureacutes en situation de concurrence par rapport aux nouveaux actionshynaires75 Cette opposition dinteacuterecircts contribue agrave laccroisseshyment des cas de fraude76 de laleacutea moral et de lantiseacutelection La mutualiteacute ne repreacutesente plus quune fiction dont le rocircle normatif ne peut que satteacutenuer pour cause de perte de sens Et le recours agrave la morale par le biais de la regravegle de Yuberrimea fides ne creacutee pas la solidariteacute ou la mutual i teacute au sein du contrat Un tel recours agrave la morale est au contraire une reacuteacshytion non juridique mdash parce que morale jus tement mdash agrave un immoralisme lui-mecircme qualifieacute aujourdhui domnipreacutesent dans le domaine des affaires et des contrats77 27 Il faut donc opter pour des mesures juridiques concregravetes baseacutees sur des principes significatifs ou qui peuvent agrave tout le moins lecirctre Agrave cette fin il convient de distinguer le fonctionshynement de l assurance baseacute sur la loi des grands nombres (mutualiteacute) et lentreprise qui vise la gestion de cette derniegravere (compagnie ou mutuelle) Selon une auteure

Si le contrat dassurance est aleacuteatoire lentreprise dassushyrances elle vise agrave lecirctre le moins possible Une confusion ne

75 Voir Russel E GREENBLATT Jeffrey J BARKER laquo ERISA Issues in Distribushytions from Insurance Company Demutualizations raquo (2001) 14(3) Benefits Law Journal 91 Le problegraveme est aussi souleveacute par le pheacutenomegravene de laquowalling offraquo deacutecrit par J EHRENREICH BELKIN op cit note 42 p 330

76 Agrave ce titre il est inteacuteressant de noter que des eacutetudes auraient reacuteveacuteleacute que la fraude tend agrave augmenter avec le coucirct des primes http wwwcamagazinecom indexcfmci_id22573la_id2htm (18 octobre 2008)

77 Ph LEacuteTOURNEAU Encyclopeacutedie Dalloz droit civil Vdeg Bonne foi


doit pas ecirctre commise entre dune part le rapport contractuel liant lassureur et lassureacute et dautre part les relations entre lassureur et lensemble de ses assureacutes Le premier est le contrat dassurance lui-mecircme Le second concerne ce que lon appelle lassurance Si un lien incontestable les unit elles ont neacuteanmoins une existence propre-et autonome Mais surtout le terme dassurance recouvre lui-mecircme deux ideacutees lentreprise dassurances et la mutualiteacute [] Il est indeacuteniable que dans la plupart des cas la mutualiteacute et la loi des grands nombres vont jouer de maniegravere cumulative Toutefois dans des hypothegraveses speacutecifiques celles ougrave leacuteveacutenement envisageacute nest pas lobjet freacutequent de contrats dassurance la mutualiteacute sera eacutecarteacutee de fait78

28 Ainsi lorsque la doctrine79 et la jurisprudence reacutefegraverent80

agrave la mutuali teacute pour justifier les obligations des parties au contrat dassurance il est trop souvent difficile deacutetablir agrave quel niveau de mutualiteacute Ton reacutefegravere Sagit-il du fonctionnement de l assurance elle-mecircme De la protection de lensemble des assureacutes De la rentabil i teacute de la compagnie d assurances

78 V NICOLAS op cit note 13 p 50 79 Selon les commentaires du ministre de la Justice relatifs agrave larticle 2493

CcQ laquo Cet article est de droit nouveau Il vise agrave obliger Tassureur agrave couvrir un bien mecircme si lassureacute refuse de lassurer pour sa pleine valeur Par contre pour resshypecter les principes de mutualiteacute inheacuterents agrave lassurance larticle preacutevoit quen cas de perte partielle du bien assureacute lassureacute naura droit quagrave une indemniteacute proporshytionnelle raquo Code civil du Queacutebec Commentaires du ministre de la Justice et la Loi sur lapplication de la reacuteforme du Code civil Queacutebec Les publications Dacfo inc 1993 p 822 Voir aussi Pierre CATALA laquoLa deacuteclaration de risques en droit franccedilais et anglais compareacuteraquo (1966) 37 RGAT 449 453 D LLUELLES op cit note 7 p 5 37 et 241 Sylvain PROVENCHER La nulliteacute ab initio du contrat dassurance et son impact sur les coassureacutes dans SERVICE DE LA FORMATION CONTINUE DU BARREAU DU QUEacuteshyBEC Deacuteveloppements reacutecents en droit des assurances Cowansville Eacuteditions Yvon Biais 2007 p 87

80 Cest dailleurs souvent en reacutefeacuterence agrave la doctrine que les tribunaux invoshyquent la mutualiteacute agrave titre de justification normative par exemple Creacutedit VW Canada inc c Assurances geacuteneacuterales Banque Nationale inc (Innovassur assurances geacuteneacuterales inc) SOQUIJ AZ-50495708 (CQ) RV c RBC Assurances JE 2008-150 [2008] RRA 215 (CQ) Cardin c SSQ socieacuteteacute dassurances geacuteneacuterales inc [2007] RRA 631 (CS) (en appel) Transport R Larouche amp Fils inc c ING compagnie dassurances [2007] RRA 326 (CS) Minville c Assurances geacuteneacuterales des Caisses Desjardins BE 2006BE-1253 (CS) Beacuterubeacute c Axa Assurances BE 2005BE-980 (CS) Lemay-Paquette c Unique (U) compagnie dassurances geacuteneacuterales BE 2004BE-741 (CS) Desbiens c Socieacuteteacute nationale dassurances inc JE 2004-427 (CS) Beacutelanger c Axa Assurances inc BE 2006BE-82 (CS)


Est-ce le profit des actionnaires deacutegageacute par le biais du prinshycipe de mutualiteacute assurantielle quil sagit de proteacuteger Invershysement si cest agrave lensemble des assureacutes qui se regroupent dans une optique de collaboration geacuteneacuterale (les mutuelles) comment interpreacuteter le vaste mouvement de deacutemutualisation qui a contribueacute agrave capitaliser le monde de lassurance et agrave favoshyriser le deacuteveloppement de la bancassurance Peut-on toujours affirmer que laquo [p]roteacuteger l assureur revient agrave proteacuteger la mutualiteacute et par conseacutequent lensemble des assureacutes8 1 raquo Ou encore quen vertu de la mutualiteacute laquo ce sont les preneurs eux-mecircmes qui groupeacutes contribuent au regraveglement des sinistres lassureur neacutetant quun intermeacutediaire chargeacute de geacuterer la mise en commun des contributions82 raquo Si tel est le cas le deacutesir des banques doffrir des services dassurances fait preuve dun deacutesinteacuterecirct digne de mention Il vaudrait mieux pour eacuteviter toute ambiguiumlteacute dans linterpreacutetation du contrat unissant le preneur agrave lassureur reacutefeacuterer agrave la tacircche de laquo gestion des risshyques raquo remplie par lensemble des prestataires de services assurantiels plutocirct quagrave limage toujours forte mais deacutesormais trop deacuteformeacutee pour faire sens quest la mutualiteacute La reacutefeacuterenshyce directe agrave la gestion des risques savegravere plus neutre et plus repreacutesentative du froid calcul opeacutereacute par les assureurs quils soient ou non des mutuelles83 29 Lorsque les tribunaux reacutefegraverent au neacutecessaire respect de la mutualiteacute il semble a priori que cest agrave laspect technique

81 P DESLAURIERS op cit note 16 p 63 82 D LLUELLES op cit note 7 p 4 83 Notons que Les commentaires du ministre de la Justice sur les regravegles du

Code civil du Queacutebec relatives aux assurances utilisent ces deux termes agrave titre de synonymes laquo Le nouveau code tient compte de la nature mecircme du contrat dassushyrance terrestre qui dans les faits constitue le plus souvent un contrat dadheacutesion dont la lecture et la compreacutehension exigent une connaissance technique soit des regravegles de droit applicables soit des regravegles de mutualiteacute ou deacutevaluation des risques raquo 1993 p 790 (nos italiques) Dans le mecircme esprit une auteure suggegravere pour faire leacutetude du contrat dassurance et de ses regravegles de distinguer la relation contractuelle entre le preneur et lassureur de la gestion des risques que repreacutesente la mutualiteacute voir V NICOLAS op cit note 13 Pour notre part et bien que nous partagions le senshytiment dimportance lieacute agrave Yobjectivation du processus de gestion des risques nous soutenons que le preneur doit ecirctre pleinement conscient du processus assurantiel dans son ensemble (contrat et mutualiteacute) et quen ce sens lun ne peut et ne doit pas ecirctre dissocieacute de lautre


et statistique quils renvoient84 Pourtant cette justification savegravere souvent teinteacutee de moralisme et ce dautant plus que le terme mutualiteacute est associeacute agrave celui de plus haute bonne foi et du respect des inteacuterecircts de tous les assureacutes Or ce que nous voulons souligner ici cest que le fait de respecter le principe de mutualiteacute assurantielle comme fondement matheacutematique de lassurance na en soi rien agrave voir avec une quelconque oblishygation morale Cest le principe mecircme de lassurance qui est enjeu et donc le but du contrat que lon se doit de respecter agrave titre de contractant En reacutefeacuterant agrave laspect moral agrave linteacuterecirct du groupe lorsquon traite de la mutualiteacute alors que manifesshytement il ne sagit plus que dune simple technique de gestion reacutemuneacutereacutee par le biais du versement de primes les juristes ne contribuent quagrave creacuteer la confusion dans lesprit des preshyneursassureacutes Ceci puisquil est deacutesormais eacutevident que la compagnie dassurances comme toute entreprise agrave viseacutee lucrative utilise dabord et avant tout le principe de mutuashyliteacute pour le beacuteneacutefice de ses actionnaires et non de ses assureacutes Le rocircle du juriste nest pas ici de juger mais deacutetablir un simple constat Agrave lexception des mutuelles dassurances lentreprise qui choisit dexploiter la gestion et la reacutepartition des risques dun groupe dassureacutes le fait dans le but strict de deacutegager une marge de profit Ainsi si lassureacute ne respecte pas les regravegles de lassurance ce nest pas dabord lensemble des assureacutes qui sera peacutenaliseacute mais bien lentreprise elle-mecircme qui subira une perte et qui devra choisir si elle doit ou non la faire supporter par son actionnariat ou par ses clients en augmentant les primes Sous cet angle le comportement de lassureacute nest donc pas diffeacuterent de celui de nimporte quel

84 Aspect strictement technique que lon retrouve par exemple dans cette deacutefinition de la mutualiteacute laquo Groupe de personnes soumises aux mecircmes risques qui les mettent en commun et qui deacutecident par la constitution dun fonds commun alishymenteacute par la contribution proportionnelle de chaque membre de prendre en charge le regraveglement des sinistres affectant certaines dentre elles La gestion de cette mutualiteacute est en geacuteneacuteral confieacutee agrave un assureur Lexistence de cette mutualiteacute est agrave la base de la technique de lassurance le rocircle de lassureur quel que soit son statut juridique (assurance mutuelle ou socieacuteteacute anonyme) est de mutualiser les risques de les mettre en commun de les reacutepartir et de les compenser selon des lois matheacutematishyques Ce travail qui suppose la collecte et lexploitation de statistiques est reacutealiseacute par des actuaires raquo James LANDET Martine CHARRE-SERVEAU Lexique des termes dassurances Paris Eacuteditions lArgus de lassurance 2003 p 308


autre client dune entreprise de biens et de services Reacutepeacutetons-le il est question ici du respect pur et simple du contrat On ne peut faire porter au preneurassureacute le poids moral du mieux-ecirctre de lensemble des assureacutes si son vis-agrave-vis contracshytuel mdash soit l assureur mdash nagit dabord et avant tout que pour la bonne santeacute financiegravere de la compagnie Cest pourtant trop souvent ce que font les juristes lorsquils justifient les obligations contractuelles de lassureacute en reacutefeacuterant au concept de mutualiteacute85 30 Bien que notre propos soulegraveve davantage de questions quil napporte de reacuteponses cette eacutetape de reacuteflexion preacutelimishynaire nous paraicirct essentielle pour permettre agrave la theacuteorie jurishydique de demeurer un tant soit peu en lien avec un domaine juridique en mutation tout aussi profonde que rapide Notre dessein n es t pas de faire l apologie d une socieacuteteacute dans laquelle la solidariteacute serait le moteur mecircme de lassurance mais bien de souligner lexistence dun deacutecalage important entre les notions conceptuelles utiliseacutees par les juristes et leur sens actuel On ne peut le nier la reacutegulation de lassushyrance suppose ineacutevitablement des choix de nature politique et la perception juridique de la mutuali teacute en est affecteacutee Un auteur rappelait les deux origines de l assurance mdash alpine axeacutee sur lentraide et maritime fondeacutee sur la speacuteculation mdash en ces termes

Ces deux origines renvoient aujourdhui agrave un veacuteritable choix de socieacuteteacute dans le systegraveme laquo alpin raquo lassurance constitue une forme dorganisation de la solidariteacute dans le modegravele laquo marishytime raquo elle tend au contraire agrave diluer la solidariteacute par la preacutecariteacute des contrats et surtout on le verra par lhyper-segmentation des tarifs Dun cocircteacute lassurance est une affirmashytion de lautre une neacutegation du lien social Cest pourquoi les deux origines de lassurance se projettent aujourdhui avec une

85 Par exemple le professeur Bergeron reacutefegravere agrave Andreacute Besson qui deacutefinit lassurance comme laquo une technique la technique de la solidariteacute par la mutualiteacute raquo Jean-Guy BERGERON Les contrats dassurance Lignes et entre-lignes Tl Shershybrooke Eacuteditions SEM inc 1989 p 23 Le profeagraveseur Bergeron ajoute quil laquoest agrave remarquer que le principe de la mutualiteacute est lacircme des entreprises dites mutuelles comme celles agrave capital-actions raquo id p 24 Or si sur le plan technique de la gestion des risques cette affirmation est exacte la reacutefeacuterence agrave la solidariteacute apporte une dimension morale qui ne simplifie pas le rapprochement


clarteacute nouvelle sur les deux modegraveles du capitalisme contemshyporain Dune part le capitalisme anglo-saxon fondeacute sur la preacutedominance de Factionnaire le profit financier agrave court terme et plus geacuteneacuteralement la reacuteussite financiegravere indivishyduelle dautre part le capitalisme rheacutenan ougrave la preacuteoccupation du long terme et la preacuteeacuteminence de lentreprise conccedilue comme une communauteacute associant le capital au travail sont des objecshytifs prioritaires86

31 Et le mecircme auteur dans un autre texte preacutecise sa penseacutee quant au contexte preacutecis de lassurance

Avec la chute du mur de Berlin laffrontement entre deux systegravemes eacuteconomiques sest estompeacute Progressivement un nouvel ordre eacuteconomique mondial se met en place Lassushyrance nest bien eacutevidemment pas agrave leacutecart de ce mouvement Au cours des derniegraveres anneacutees elle sest mondialiseacutee Mais elle se trouve aussi devant un choix crucial choix qui corresshypond agrave la conception et agrave la philosophie mecircme du meacutetier Lassurance doit-elle reposer sur des notions de solidariteacute et de mutualiteacute ou au contraire comme toutes les autres indusshytries doit-elle reconnaicirctre la preacutedominance de lactionnaire Lassurance doit-elle ecirctre obligatoire ou facultative Quelle est sa place dans les meacutecanismes de protection sociale La preacutevoyance priveacutee est-elle compatible avec une seacutecuriteacute natioshynale Les reacuteponses agrave toutes ces questions correspondent agrave des choix de socieacuteteacute profonds87

32 Au plan juridique et contractuel il importe deacutetablir sil est possible et pert inent de reacutefeacuterer agrave ce double niveau de mutualiteacute celui qui concerne le mode de gestion de lentreshyprise dassurances et celui qui simmisce mdash ou qui devrait simmiscer mdash au cœur de la relation contractuelle Il semble que lon fasse trop facilement le lien entre le premier niveau et le second et que lon surestime le degreacute dimplication tant a s su ran t i e l que contrac tuel du p r eneu r a s su reacute dans la majoriteacute des contrats dassurance Or reacutefeacuterer agrave la mutualiteacute

86 Michel ALBERT Capitalisme contre capitalisme Paris Seuil 1998 p 101 Voir eacutegalement Michel ALBERT laquo Lavenir de lassurance Modegravele alpin ou modegravele maritime raquo (1991) 5 Risques 181

87 M ALBERT op cit note 5 p 21


dans un contexte de deacutemutualisation et de deacutemutualisme des mutuelles dassurances ne favorise pas la compreacutehension reacuteciproque des parties quant agrave la nature assurantielle particuliegravere de leur contrat Et ce justement parce que dans un contexte de deacuteveloppement de la bancassurance et de l assurance capitaliste l assureacute ne peut que prendre conscience de maniegravere plus ou moins preacutecise de leacuterosion du principe de mutualiteacute Autrement dit au plan juridique on lui demande de respecter un principe qui lest de moins en moins au plan assurantiel Dans une telle optique il semble que la reacutefeacuterence moralisante agrave la laquo mutualiteacute raquo agrave titre de justification normative soit fortement ambigueuml sinon trompeuse Trop eacutequivoque agrave tout le moins pour servir de preacutesupposeacute juridique aux obligations du preneurassureacute Si lon tient agrave ce que le contrat soit compris par les parties elles-mecircmes ne faut-il que sa matiegravere soit compreacutehensible Il nest pas question ici des mentions obligatoires du document contractuel mais bien de la capaciteacute pour lassureacute de saisir pleinement la nature de son engagement Il doit cesser dagir par crainte de la sancshytion qui le priverait de lindemniteacute par peur de faire preuve dun comportement frauduleux ou par reacuteaction agrave des presshysions mutualistes davantage spectrales que reacuteelles Le preshyneur agrave titre de contractant doit reacutealiser ce quil fait et ce quil peut faire par le biais de ce levier que demeure ou que peut demeurer le levier assurantiel pour la socieacuteteacute Le deacutefi est de taille puisque cest en partie le sens de la theacuteorie des contrats qui est enjeu rien de moins Si le contrat dassurance comme tout autre contrat doit demeurer un acte de volonteacute les parshyties doivent ecirctre en mesure de reacutefleacutechir agrave la porteacutee de leur engagement respectif

CONCLUSION

33 Il paraicirct deacutesormais opportun de soumettre le lien obliga-tionnel entre lassureacute et lassureur agrave une nouvelle forme de reacuteflexion Compte tenu des reacutealiteacutes sociales eacuteconomiques et juridiques la convention dassurance peut difficilement ecirctre justifieacutee par lideacutee de mutualiteacute Le contrat dassurance reflegravete deux reacutealiteacutes juridiques dimportance une theacuteorie du contrat en crise perpeacutetuelle depuis pregraves dun siegravecle et le


deacuteveloppement marqueacute de la socieacuteteacute assurantielle Aussi les normes reacutegissant le lien obligationnel entre lassureacute et lassureur sont repreacutesentatives du changement paradigma-tique ineacutevitable qui devra affecter la theacuteorie geacuteneacuterale du contrat Conseacutequemment il sagit de permettre la reconsideacuteshyration du rocircle social du contrat de mecircme que limportance de la coopeacuteration des parties dans le cadre de la formation et de lexeacutecution du contrat dassurance mais agrave partir dune base theacuteorique significative La mutualiteacute a eacuteteacute videacutee de son sens tant pour lassureacute que pour lassureur Les juristes doivent le reacutealiser et tabler sur de nouvelles bases justificatives 34 Nous vivons au cœur dune socieacuteteacute assurantielle Le besoin de seacutecuriteacute croicirct au mecircme rythme quaugmente la creacuteation de nouveaux risques88 Parallegravelement le deacuteveloppeshyment du capitalisme moderne a permis agrave lactiviteacute dassushyrances de prendre la forme dune entiteacute eacuteconomique fort lucrative au sein de laquelle la rentabiliteacute des investisseshyments est devenue plus importante que le principe de la mutualiteacute Le deacuteveloppement du droit des assurances en reacutefeacuterence agrave une notion aussi ambigueuml que la mutualiteacute nest plus satisfaisant Il sagit de tenter denvisager la culture du contrat dans le nouvel imaginaire social eacutelaboreacute par la socieacuteteacute assurantielle contemporaine Sil doit sinscrire dans une eacuteconomie capitaliste deacutenueacutee de consideacuteration mutuashyliste le juriste doit le reconnaicirctre Quil laccepte ou non est une autre question Il doit le reconnaicirctre pour mieux faire comprendre aux contractants la teneur de leurs obligations respectives Pour notre part et tel que nous venons de le deacutemontrer nous demeurons perplexes face agrave cette notion quest la mutualiteacute Cette perplexiteacute peut sexprimer sous la

88 Louvrage deacutesormais classique mdash acceacuteleacuteration de lhistoire oblige mdash dUlrich BECK La socieacuteteacute du risque sur la voie de la moderniteacute Paris Flammarion 2003 paru en Allemagne la mecircme anneacutee que louvrage de F EWALD op cit note 4 œuvres que lon pourrait dailleurs qualifier de compleacutementaires deacuteveloppe la thegravese selon laquelle notre socieacuteteacute ne redistribuerait plus la richesse mais bien les risques qui eux-mecircmes ne seraient plus exogegravenes mais endogegravenes et par conseacutequent multi-pliables agrave linfini Cette reacutefeacuterence simpose ici pour bien souligner le champ de creacuteashytion illimiteacute de nouveaux services dans lequel opegraverent les entreprises dassurances contemporaines


forme dune interrogation mdash la derniegravere mdash calqueacutee sur les propos de Gounot citeacutes en exergue par contrat aujourdhui peut-on vraiment faire de la mutualiteacute sans sen apercevoir

Andreacute Beacutelanger Faculteacute de droit Universiteacute Laval Bureau 3131 pavillon Charles-De Koninck Queacutebec (Queacutebec) G1K 7P4 Teacutel 418 656-2131 poste 2318 Teacuteleacutec 418 656-7230 AndreBelangerfdulavalca

Joeumllle Manekeng Tawali Faculteacute de droit Universiteacute Laval Faculteacute de droit Universiteacute de Nantes manikenmoeyahoofr

D O C T R I N E

Le spectre de la mutualiteacute dans le contrat dassurance1

ANDREacute BEacuteLANGER Professeur agrave la Faculteacute de droit de lUniversiteacute Laval

JOEumlLLE MANEKENG TAWALI Doctorante agrave la Faculteacute de droit de lUniversiteacute Laval

RESUME

Le principe de mutualiteacute est reacuteguliegraverement invoqueacute en doctrine et en jurisprudence pour justifier les obligations des parties au contrat dassurance Or la mutualiteacute savegravere deacutesormais quasi inexistante en matiegravere dassurance et ce bien que la notion soit plurielle Cest en geacuteneacuteral agrave un spectre de mutualiteacute que renvoient les juristes En ce sens et afin de favoriser une meilleure compreacutehension du preneur quant agrave la teneur juridique de son contrat la base normative des obligations des parties devrait ecirctre redeacutefinie dans un sens moins chargeacute au plan ideacuteologique Ceci permettrait de refleacuteter

ABSTRACT

The principle of mutuality is repeatedly called upon in doctrinal or jurisprudential material to justify the contractual bond in insurance However there is hardly nothing left anymore of mutuality in the field of insurance and this notwithstanding the fact that it is a plural notion In general jurists refer to a spectre of mutuality Hence so as to favour a better understanding of the insured in regard to the juridical content of the contract the normative basis of the obligations of the parties should be redefined in a sense that is less loaded ideologically This

1 Cette eacutetude fait partie dun projet financeacute par le Fonds de recherche sur la socieacuteteacute et la culture (FQRSC) Nous remercions les eacutevaluateurs anonymes du preacutesent texte pour leurs judicieux commentaires

(2009) 39 RGD 297-328






SOMMAIRE

Introduction 298




Conclusion 326

INTRODUCTION







































































































































































CONCLUSION














SOMMAIRE

Introduction 298




Conclusion 326

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Documents

Le spectre de la mutualité dans le contrat d’assurance · inc., [1992] R.R.A. 959 (C.A.): «En second lieu, le représentant de l'assurée avoue qu'il n'a pas lu le contrat dans