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Immanuel Wallerstein Y a-t-il une crise du XVIIe siècle ? In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 34e année, N. 1, 1979. pp. 126-144. Abstract Was there crisis of the seventeenth century Immanuel WALLERSTEIN The concept of the crisis of the seventeenth century is examined first theoretically then empirically Theoretically crisis defined as moment of basic structural change has been asserted to have occurred roughly in 1500 in 1650 in 1800 each date reflecting different theory of the modern world If one assumes that the basic structural change occurring in the long sixteenth century was the creation of capitalist world-economy then the so-called crisis of the seventeenth century turns out to be simply the first major B-phase in the history of this world- economy The empirical literature is reviewed in detail to show what this meant in terms of the economy the state structures the cultural themes The conclusion is that the seventeenth century was both slowdown of growth and moment of consolidation of the capitalist mode of production Citer ce document / Cite this document : Wallerstein Immanuel. Y a-t-il une crise du XVIIe siècle ?. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 34e année, N. 1, 1979. pp. 126-144. doi : 10.3406/ahess.1979.294028 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1979_num_34_1_294028

Y a-t-il une crise du XVIIe siècle ?

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  • Immanuel Wallerstein

    Y a-t-il une crise du XVIIe sicle ?In: Annales. conomies, Socits, Civilisations. 34e anne, N. 1, 1979. pp. 126-144.

    AbstractWas there crisis of the seventeenth century Immanuel WALLERSTEIN The concept of the crisis of the seventeenth century isexamined first theoretically then empirically Theoretically crisis defined as moment of basic structural change has been assertedto have occurred roughly in 1500 in 1650 in 1800 each date reflecting different theory of the modern world If one assumes thatthe basic structural change occurring in the long sixteenth century was the creation of capitalist world-economy then the so-calledcrisis of the seventeenth century turns out to be simply the first major B-phase in the history of this world- economy The empiricalliterature is reviewed in detail to show what this meant in terms of the economy the state structures the cultural themes Theconclusion is that the seventeenth century was both slowdown of growth and moment of consolidation of the capitalist mode ofproduction

    Citer ce document / Cite this document :

    Wallerstein Immanuel. Y a-t-il une crise du XVIIe sicle ?. In: Annales. conomies, Socits, Civilisations. 34e anne, N. 1,1979. pp. 126-144.

    doi : 10.3406/ahess.1979.294028

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1979_num_34_1_294028

  • CONOMIES ET SOCI

    YA-T-IL UNE CRISE DU XVIIe SI CLE

    Les travaux des historiens des prix en Europe entre les deux guerres mondiales une part la thorie des cycles conomiques sculaires alternant phase et phase telle elle t labore par Fran ois Simiand autre part ont familiaris les historiens avec une priodisation globale il est commode de rsumer ainsi le xvie sicle correspond en Europe une phase expansion le xviie une phase de contraction ou encore de dpression ou de crise Les dates qui encadrent ces deux phases la nature des changements intervenus mme si nous limitons notre propos aux aspects strictement conomiques) les modulations rgionales et surtout les causes et les consquences de ces mouvements ensemble peuvent tre amplement discutes mais les faits paraissent hui encore admis par tous

    En 1954 Hobsbawm publiait dans Past and Present un article qui devait ouvrir un important dbat de spcialistes Il affirmait que conomie europenne avait travers une crise gnrale pendant le xvne sicle correspon dant la dernire phase de la transition globale de conomie fodale conomie capitaliste On retrouve ce mme thme de la crise dans la synthse publie en 1953 par Mousnier ainsi que dans les deux plus importants ouvrages consacrs agriculture europenne celui de Abel La tendance majeure des prix europens t la baisse pendant la seconde moiti du xviie sicle et la premire moiti du xvine et celui de Slicher van Bath qui parle pour la mme priode de dpression anormalement prolonge2

    autres formulations plus prudentes encore permettraient largir le consensus des spcialistes Vilar parle un recul relatif du xvne sicle3 tandis que Chaunu dfinit alternance entre les phases et non comme une opposition croissance/dcroissance mais plutt comme une succession

    croissance/moindre croissance4 Baehrel est le plus rticent reconnatre existence une crise mais lui aussi finit par admettre pour une priode trs limite de 1690 1730 mesure que le terme de crise voit son sens affaiblir et applique des priodes plus brves on peut se demander ce qui reste de la thse initiale

    Mais derrire ces dbats de terminologie se dessinent importantes

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    implications thoriques Une premire question serait de savoir si en conomie il existe de tels trends sculaires6 ils existent comment se rpercutent-ils dans le domaine politique ou culturel Et intrieur de ces mouvements longs successivement ascendants et descendants sur une priode environ 250 ans chaque ensemble du Moyen Age nos jours correspond-il un type conomie diffrent comme affirme Imbert7 Ou ne agit-il que des squences une seule longue phase de prlvement agricole indirect qui courrait de 1150 environ jusque vers 1850 comme le prtend Slicher van Bath8 Ou encore faut-il tenter de situer quelque part une rupture dcisive et quand

    cette dernire question plusieurs rponses bien connues ont t proposes une elle situe la cassure fondamentale la fin du xvine sicle avec la Rvolution industrielle9 Une autre cole de pense la place bien plus tt au moment de expansion europenne et de la cration un march mondial la naissance du capitalisme en gros pendant le long xvie sicle 10 Un troisime point de vue situe le tournant essentiel mi-chemin des deux hypothses prcdentes et suggre que le milieu du xvne sicle pourrait tre le grand tournant de la modernit est semble-t-il le cas de Hobsbawm Chaunu en fait plus explicitement le thme central de sa synthse sur Europe classique 11 Trois dates rondes donc pour cette rupture 1500 1650 1800 Mais aussi trois thories du dveloppement historique 1800 est accent mis sur industrialisa tion comme transformation essentielle 1650 on insiste tantt sur apparition des premiers tats capitalistes Angleterre les Provinces-Unies) tantt sur la modernit culturelle dont les traits fondamentaux se marqueraient alors Descartes Leibniz Spinoza Newton Locke 1500 on souligne la cration une conomie-monde capitaliste radicalement diffrente de toutes les formes conomiques connues

    a-t-il une crise du xvne sicle II est maintenant vident que la rponse est fonction de interprtation que chacun donne du monde moderne On ne saurait rduire le terme de crise un simple synonyme de changement cyclique Il devrait tre rserv ces moments de tension dramatique qui signalent plus une inflexion conjoncturelle une mutation dans des structures de longue dure La crise dsignerait alors ces rares moments historiques o les mcanismes de compensation qui jouent habituellement intrieur un systme social avrent si inefficaces du point du vue un si grand nombre acteurs sociaux que devient ncessaire une restructuration ensemble du systme conomique et pas seulement une redistribution des avantages intrieur du systme Rtrospectivement elle apparatra plus tard invitable Il va de soi elle ne tait pas mais il avait alternative que dans un effondrement de ancien systme que bien des acteurs sociaux la plupart entre eux auraient per comme un bouleversement et une catastrophe bien plus graves que la mutation de structure qui permis en faire conomie

    Si nous dfinissons la crise ainsi la question a-t-il une crise du xviie sicle prend une signification neuve Elle revient demander quand et comment est produite historiquement la transition du feodalisme au capita lisme son tour la rponse suppose une dfinition du capitalisme en tant que systme social en tant que mode de production et bien sr en tant que civilisation Avec une chronologie nous choisissons un rpertoire de similitudes et de diffrences

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  • CONOMIES ET SOCI

    Le systme mondial moderne selon nous pris la forme une conomie- monde capitaliste et cette conomie-monde capitaliste est dfinie en Europe pendant le long xvie sicle Elle est associe au passage un mode de production spcifique redistributif ou tributaire celui de Europe fodale ou de

    Ancien Rgime conomique selon Braudel un systme social qualitativement diffrent Depuis lors conomie-monde capitaliste se caractrise par les traits suivants elle est tendue aux dimensions du monde tout entier

    elle volu selon un modle cyclique alternant des phases expansion et de contraction les phases et de Simiand et selon une distribution gographique des rles conomiques essentiellement changeante monte et dclin des hgmonies dveloppement et contraction des centres des semi-priphries et des priphries elle est soumise un processus sculaire de transformation interne qui se traduit tout ensemble par le progrs technologique industrialisa tion la proltarisation et apparition une rsistance politiquement structure au systme lui-mme Cette transformation est pas acheve de nos jours

    Dans une telle perspective le xvne sicle en gros la priode 1600-1750 illustre essentiellement le second des processus voqus plus haut Du point de vue de la gographie du systme mondial les frontires mises en place vers 1500 ne changent pas significativement aprs 1750 De mme volution sculaire du systme uvre par dfinition ne connat pas de rupture qualitative notable pendant la priode observe Nous posons donc existence une continuit essentielle entre le long xvie sicle et le xviie sicle Avec une diffrence importance pourtant une phase oppose une phase un temps expansion conomique un temps de contraction une croissance une moindre croissance

    Quels tmoignages fournir appui de cette esquisse Un premier niveau de rponse est relativement simple On peut tenter de recenser empiriquement les diffrences entre expansion et contraction suggrer des explications ce modle cyclique et dgager les consquences un tel retournement de la conjoncture sur la formation des classes sociales sur les luttes politiques ou sur les reprsentations culturelles partir de cette description empirique on pourra essayer noncer plus clairement une thorie du dveloppement capitaliste comme un des lments une thorie plus large du changement socio-historique

    Nous avons affirm que dans les limites en gros stables de conomie- monde entre 1500 et 1750 la distribution interne des ressources des rles conomiques de la richesse et de la pauvret la localisation de la force de travail salarie et celle de entreprise industrielle avaient chang entre la priode 1500-1650 ou mme 1450-1650 et la priode 1600-1750 le chevauchement chronologique est dlibr Il est pas facile de dmontrer cette affirmation car nous manquons de toute une gamme indicateurs conomiques entirement nouveaux il faudrait constituer est l une tche en elle-mme difficile et peut-tre en fait impossible raliser

    Il nous faudrait pour ce faire une srie de cartes chronologiques qui figureraient tous les 25 ans le volume la valeur et les directions du commerce des articles de luxe et des biens de premire ncessit ainsi que des cartes rcapitulatives cumulant cette information pour les deux priodes 1500-1650 et

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  • WALLERSTEIN SUR LA CRISE DU XVIIe SI CLE

    1600-1750 Si notre hypothse est juste elles feraient apparatre que la frontire au-del de laquelle le commerce europen porte essentiellement sur les articles de luxe et non plus sur des biens de premire ncessit passe entre Europe orientale une part la Russie et les Balkans turcs de autre entre Europe chrtienne et la Mditerrane musulmane elle inclut enfin les Amriques mais elle laisse extrieur Afrique et Asie Surtout ces cartes montreraient que une priode

    autre les limites extrieures de cette conomie ont pas substantiellement chang

    En revanche nous constaterions des transformations significatives des structures conomiques politiques et culturelles intrieur du domaine de conomie-monde europenne La distribution spatiale et la concentration des industries seraient diffrentes au moins tendanciellement Les termes de change entre industrie et agriculture auraient chang La part du travail salari aurait volue une zone autre comme le niveau du salaire rel Certains appareils tat seraient renforcs autres seraient affaiblis Les taux de croissance agricole industrielle ou dmographique auraient vari La distribution de conomie-monde selon un noyau central une zone intermdiaire et une priphrie aurait chang mais par-dessus tout la redistribution du surplus mondial entre les diffrentes zones

    Avant mme de prciser les lignes matresses de volution que nous esquissons il convient insister sur le fait que les donnes quantitatives que requiert notre thorie du dveloppement capitaliste sont rares au mieux partielles et irrgulirement disponibles Surtout nous manquons de donnes globales sur conomie-monde qui autoriseraient leur tour apprciation de situations particulires et interdpendantes intrieur du systme La situation est encore pire si on imagine parvenir des conclusions solides sur la structure sociale cette fois Car il nous faudrait pouvoir rendre compte de la formation et de la transformation des classes sociales et de leur rle dans la dfinition des frontires ethniques et nationales une priode autre surtout si on aborde le problme dans le cadre de conomie-monde et non dans celui de chaque tat particulier Or ici les donnes disponibles sont plus minces encore

    Dans immdiat nous devons nous contenter analyser les lments disperss qui ont t runis ici de signaler ce qui parat solide ou ce qui semble moins assur de passer en revue les modles explicatifs susceptibles de rendre compte de ces donnes de suggrer une position thorique du problme de mieux situer enfin les lacunes empiriques et les impasses thoriques sur quoi nous aurons but est dans cet esprit que on aborde ici examen de la littrature du sujet a-t-elle identifi comme la crise ou la rcession relative ou encore la croissance ralentie du xvne sicle

    Pour Slicher van Bath est la hausse ou la baisse des prix craliers par rapport aux autres prix et aux salaires qui depuis poque carolingienne dtermine les phases expansion ou de contraction agricole en Europe selon que les termes de change sont favorables ou non aux crales Il enregistre ainsi une contraction cralire entre 1600 ou 1650 et 1750 dates rondes12 Sa dfinition de la rcession doit tre souligne car Slicher van Bath estime une baisse relative des prix du bl est bien plus importante une baisse en valeur absolue 13

    ct une volution des termes de change laissons de ct pour instant

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    tout enchanement causal) Glamann situe autour de 1650 le tournant fondamental du grand commerce cralier est-ouest Il voit la consquence apparente une donne neuve Europe occidentale et mridionale parat dsormais subvenir elle-mme ses besoins craliers Cette auto-suffisance est

    son tour attribue la croissance de la production vivrire dans la seconde moiti du xviie sicle dans un temps de stagnation globale de la population Il

    donc surplus Et Glamann note au mme moment Europe est inonde de poivre 14 Mais en quoi une surproduction vivrire peut-elle faire problme une poque o on craignait bien plutt la pnurie Pourtant certains pensent que la production augment plus vite que la population au xvne sicle vidence nous nous heurtons ici une anomalie qui ne peut tre comprise que par une meilleure connaissance de cet enchanement Mais il convient auparavant examiner autres lments

    Du point de vue agricole le xvne sicle est caractris par un certain nombre de tendances propres On estime gnralement que la demande de terres diminu ou elle plus vraisemblablement cess il se peut mme que on assiste une contraction de espace cultiv Le xvne sicle surtout aprs 1650 est pas comme le xvie et le xvine sicles un des sicles inventeurs de terres selon heureuse formule de Chaunu est plutt un temps de consolidation et de consolidation sans mrite 15

    En outre le rendement moyen des crales est la baisse dans Europe tout entire pour la priode 1600-1699 le phnomne est plus marqu pour orge et avoine que pour le bl et le seigle il est plus sensible dans Europe du Centre du Nord et de Est que dans la zone occidentale 16

    Troisime trait majeur le choix des cultures chang Les terres cralires reculent devant les ptures dans les rgions froides devant le vignoble dans les rgions climatiquement plus favorises Par ailleurs sur les labours les grains reculent devant les fourrages et les cultures intensives ou commerciales lin chanvre houblon navette garance pastel Parmi les grains le seigle et le bl crales chres cdent le pas devant orge avoine et le sarrasin de moindre valeur Enfin on recourt moins engrais terreau ou fumure pour amender les labours 17

    ct de ces transformations strictement agronomiques les conditions sociales de la production agricole voluent De Maddalena parle une

    dgradation du monde paysan gnrale au xvne sicle les propritaires invoquant une urgens et improvisa ncessitas confisqurent des fermes que les paysans avaient tenues jusque-l Il note aussi que expropriation ou mieux usurpation un tiers des biens communaux touch des terrains o les paysans jouissaient du droit de pture et du ramassage du bois 18 Slicher van Bath estime lui-aussi que la population rurale plus souffert que celle des villes mais il distingue le cas des petits fermiers et tenanciers relativement plus dfavoriss de celui des journaliers et des domestiques catgories salaries De mme

    Meuvret Pour un laboureur qui se plaignait du manque gagner sur le prix du bl combien de manouvriers ou artisans qui se rjouissaient de le payer moins cher lorsque occasionnellement ils avaient acheter 19 Slicher van Bath soutient en gros que la situation financirement dfavorable du paysan propritaire ou fermier est accompagne une rduction des fermages et particulirement du nombre des petits fermiers cette double rosion une explication commune exploitation agricole tendait agrandir Pourtant

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  • WALLERSTEIN SUR LA CRISE DU XVIIe SI CLE

    malgr cet accroissement en taille et malgr le cot relativement plus lev du travail agricole le xvne sicle connu moins amlioration des quipements agricoles que le xvie il plus innov en revanche pour ce qui est de outillage laitier avec la baratte par exemple 20)

    Comme agriculture industrie est rpute avoir perdu sa force acc lration un peu plus tard dans le sicle21 Mais quel est le sens de cette affirmation si on considre la production europenne totale Sella affirme que les fluctuations sont restes assez faibles L o la population avait augment pendant le xvie sicle les salaires rels avaient baiss la situation serait

    fondamentalement inchange aprs 1650 augmentation du revenu par tte aprs 1650 et donc accroissement de la consommation individuelle devrait avoir t globalement compense par affaiblissement des courbes dmogra phiques 22 Mais analyse reste fort hypothtique comme Hobsbawm brutalement exprim en est-il de la production nous en savons proprement rien23

    Le fait le plus assur est le transfert gographique des localisations industrielles Slicher van Bath rappelle qu il est bien connu que industrie rurale et singulirement industrie textile apparat dans les priodes de rcession agricole ainsi la fin du Moyen Age ou pendant le xvne sicle 24 La faiblesse du cot de la main-d uvre rurale dsormais sous-employe attire alors industrie au milieu du xvne sicle au moins de telles entreprises exigeaient un capital fixe minime Romano en conclut il tait donc extrmement facile de liquider une entreprise en retirant son capital explication vaut sans doute pour industrie textile mais elle est plus difficilement recevable pour les deux autres activits industrielles importantes de poque selon Romano lui-mme exploitation minire et la construction navale 25 La ruralisation de la production textile est par ailleurs associe la seule innovation industrielle de quelque importance celle qui intresse la transforma tion des crales prcisment la brasserie la distillerie ou la fabrication des ptes 26

    La contrepartie de la baisse des prix craliers parat avoir t la hausse du salaire rel La situation est donc exactement inverse de celle du long xvie sicle Il faut sans doute invoquer ici la plus grande inertie du salaire mais surtout la contraction sensible du march du travail dans Europe tout entire entre 1625 et 1750 27 Mais comment concilier alors cette constatation avec le fait que on considre gnralement le xviie sicle comme une priode de chmage ou de sous-emploi important Glamann not Le manouvrier salari peut-tre bnfici une hausse du salaire rel Encore fallait-il il ait du travail ce qui tait en rien assur dans une conjoncture conomique aussi trouble Bien des conomistes du xvne sicle tablaient sur un fort taux de sous-emploi de la population28

    Toute discussion sur les prix il agisse de ceux des crales ou des salaires est greve surtout pour cette poque par le problme du rapport entre les prix nominaux et les prix mtalliques Si nous nous tournons avec Vilar du ct des prix mtalliques une certitude internationalement les prix exprims en argent se sont effondrs autour de 1660 et sont passs par un premier minimum au cours des annes 1680 et sans doute par un autre minimum vers 1720-1721 29 Cette baisse des prix mtalliques doit tre rapporte celle de la masse de monnaie en circulation Geoffrey Parker estime

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  • CONOMIES ET SOCIETES

    que le stock net de mtaux prcieux de Europe commenc dcliner partir des annes 1620 et que accroissement net du stock montaire europen depuis 1500] si important il ait t pas t en rapport avec augmentation rapide de la demande en moyens de paiement surtout aprs 1600 30 Au rtrcissement du stock montaire ajoutait un rtrcissement du crdit o pour au moins un demi-sicle de 1630 1680 une vie montaire malaise et mdiocre qui explique invasion de fausse monnaie cette pidmie envahissante du xvne sicle selon le mot de Spooner31

    Quelles ont t les consquences de cette volution des prix sur la masse globale des changes Ici encore nous manquons de donnes ensemble

    Mauro toutefois propos une estimation de ce il appelle les relations commerciales intercontinentales 32 Il partage le monde en cinq zones continenta les Europe Afrique Amrique tempre Amrique tropicale et Asie Ces divisions ne sont pas entirement satisfaisantes de notre point de vue dans la mesure o Afrique et Asie restent en dehors de conomie-monde tandis que les Amriques font partie de sa priphrie de mme Mauro runi dans ensemble europen des rgions qui font partie du noyau central et des lments priphriques et laisse donc se perdre une information essentielle Il pourtant l la matire une premire approximation que nous traduisons dans le tableau suivant

    TABLEAU volution sculaire du commerce intercontinental

    par rapport au sicle prcdent du XVIe au XVIIIe sicle

    Importations et

    Exportations XVIe XVIIe XVIIIe

    Europe Afrique Amrique tempre Amrique tropicale Asie Monde

    Posons provisoirement que ces approximations sont solides Deux faits sont patents volution du commerce europen et celle du commerce mondial sont parallles et sur les deux courbes le xvne sicle reprsente un temps de stabilit intercal entre deux phases expansion

    Tournons-nous enfin vers la dernire variable significative volution dmographique Les valuations des spcialistes peuvent varier lger recul selon Reinhard et Armangaud lger gain selon Mois Mais ici encore le thme de la stagnation emporte33

    est donc image un long plateau qui parat au terme de ce survol le mieux caractriser la conjoncture conomique des annes 1600-1750 par rapport

    la priode antrieure 1450/1500-1600 un temps de rpit attentif une reprise

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  • I. WALLERSTEIN SUR LA CRISE DU XVIIe SICLE

    de souffle. Mais peut-on parler de crise , comme on parle de crise du fodalisme pour les annes 1 300-1450 34 ? Il ne semble gure, dans la mesure o les symptmes en furent moins brutaux ; ce qui requiert au moins une explication. Nous avancerons donc que la rcession au xvne sicle n'est pas une crise , prcisment, parce que le seuil critique a dj t pass, le tournant pris, la crise du fodalisme rsolue. Il s'agit bien plutt d'un dysfonctionnement dans les rouages dsormais en place de l'conomie-monde capitaliste, la premire d'une srie de rcessions ou de dpressions mondiales qui vont caractriser le systme. Mais ce systme faisait dj assez efficacement corps avec les intrts des couches politiques dominantes l'intrieur de conomie-monde pour que, loin de le mettre en cause, elles s'efforcent, collectivement, de trouver les moyens de l'utiliser leur profit, mme (ou peut-tre tout particulirement ?) dans un temps de rcession conomique.

    Les milieux capitalistes restaient un ensemble ml, une classe en formation, mais ne constituaient peut-tre pas encore une classe en soi, en aucun cas une classe consciente d'elle-mme et sre de ses droits diriger, rgner autant qu' faire du profit. Mais ces couches sociales taient effectivement trs capables de raliser des profits contre les circonstances les plus dfavorables. P. Jeannin l'a montr en analysant les mthodes de calcul extraordinairement complexes des marchands de Dantzig, vers 1 600 : elles font voir qu'ils avaient compris les mcanismes du profit. Ils commeraient de telle faon que l'on peut rellement penser qu'ils avaient form la notion de 'termes de l'change' en son sens le plus concret 35 . Or ces profits, fonds sur l'volution des termes de l'change, constituent l'explication centrale des comportements conomiques au xvne sicle. Selon P. Vilar, les mouvements des prix la hausse ou la baisse doivent moins retenir l'attention que la disparit dans les mouvements 36 , tant chronologique que gographique. La signification de ces disparits ne rside pas seulement dans les profits qu'elles autorisent, mais dans leur effet sur le systme considr comme un tout. Un dsquilibre dans une priode de contraction est en fait l'un des mcanismes cls du fonctionnement capitaliste, l'un des facteurs que permettent la concentration et l'accumulation croissante de capital.

    Observons maintenant les dplacements qui affectent la distribution gographique de l'activit conomique. Il y a, en gros, accord sur les grands dcoupages gographiques, mme si les spcialistes en discutent beaucoup le dtail. E. J. Hobsbawm note la relative immunit des tats que la 'rvolution bourgeoise' a touchs, c'est--dire des Provinces-Unies et de l'Angleterre 37 .

    Ailleurs, il divise conomie europenne en quatre zones. Trois d'entre elles ont, selon lui, connu un dclin conomique (sans qu'il introduise entre elles une hirarchie) : les anciennes conomies dveloppes de l'poque mdivale, la Mditerrane et l'Allemagne du Sud-Ouest ; le domaine colonial d'outre-mer ; l'arrire-pays baltique. La quatrime zone qui regroupe les nouvelles rgions dveloppes connat une situation conomique bien plus complexe : on y trouve non seulement la Hollande et l'Angleterre, mais aussi la France 38. Cette distribution peut tre nuance, ou encore affine 39. Les diverses classifications de zones sont presque concordantes.

    Examinons prsent les squences chronologiques. La confusion est ici plus grande, parce que les dates qui encadrent la phase de rcession varient selon les pays, parce qu'elles varient entre prix nominaux et prix-argent, et parce que les analystes sont en dsaccord en invoquant le cas particulier de chaque pays et de

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  • CONOMIES ET SOCITS

    chaque type de prix. F. Braudel et F. Spooner ont prsent un gros dossier de sries de prix. Leur thme est simple : La fin du xvie sicle est aussi prcise que son dbut 40. Pour les prix mtalliques, le tournant sculaire se marque au sud entre 1 590 et 1 600 ; au nord entre 1 620-1 630 et mme 1 650 . Mais pour les prix nominaux, ils identifient un processus assez diffrent, en trois phases successives : le retournement a lieu dans les annes 1620 en Allemagne ; vers le milieu du sicle sur des places aussi diverses que Sienne, Exeter, Raguse, Naples, Amsterdam, Dantzig et Paris; en 1678, en Castille, trs dmarque. Selon eux, en fait, les prix nominaux ne suivent exactement les prix exprims en grammes d'argent que dans le cas anglais, et, d'assez prs, dans le cas hollandais . Les deux pays apparaissent nouveau unis. Ailleurs, il y a un cart qui va d'une dcennie trois quarts de sicle (dans le cas castillan). Des vagues successives d'inflation... ont soutenu les prix nominaux dans ces diffrents pays 41.

    Voici donc une piste. L'inflation peut-elle tre un indice de dclin relatif dans une priode de rcession de conomie-monde ? Peut-on dire que le taux d'inflation nominal, particulirement lorsqu'il est mesur par rapport aux prix- monnaie, donne la mesure d'un dclin relatif ? Il convient de garder prsente cette question lorsqu'on examine les diffrentes chronologies (dont les critres d'tablissement ne sont pas toujours explicites). Selon Slicher van Bath, la dpression se manifeste d'abord en Espagne vers 1 600, puis en Italie et dans une partie de l'Europe centrale en 1619, en France et dans une partie de Allemagne en 1630, en Angleterre et en Hollande en 1650. Elle atteint sa plus grande dimension en Europe centrale entre 1640 et 1680, mais entre 1720 et 1740 dans les Provinces-Unies. Elle s'achve en Angleterre et en France en 1730, vers 1750 en Allemagne, vers 1 755 en Hollande. Il conclut : Les pays conomiquement les plus dvelopps, l'Angleterre, la Hollande, ont pu rsister plus longtemps. Les producteurs de matires premires au xvne sicle, les pays exportateurs de crales de l'aire baltique ont t pratiquement sans dfense 42.

    P. Vilar, qui rflchit sur des prix en argent, identifie deux modles conjoncturels essentiels : le premier, espagnol et portugais, marque un dclin prcoce ( 1 600- 1610), mais sort aussi plus tt de la dpression (vers 1680-1 690) ; le second, en Europe du Nord, connat un recul plus tardif (1650-1 660), mais qui se prolonge jusque vers 1730-1735. Dans ce tableau, la France apparat comme un espace partag, dont le Midi li la conjoncture marseillaise, mditerranenne, a plus de parent avec l'Espagne qu'avec le Beauvaisis 43 .

    W. Abel, sur la base de prix craliers en argent regroups en moyenne de 25 ans, conclut : un trend la baisse cheval sur la seconde moiti du xvne sicle et sur la premire moiti du xvine. Cela vaut, selon lui, pour l'Angleterre, les Pays-Bas espagnols, la France, l'Italie du Nord, les Provinces- Unies, le Danemark et la Pologne, non pour l'Allemagne et l'Autriche dont les courbes de prix remontent dans le dernier quart du xvne sicle . De fait, un examen plus attentif de celles-ci dvoile une configuration autrement plus complexe 44. Deux faits essentiels s'en dgagent : l'cart le plus large se marque en 1650, quand le niveau des prix polonais est nettement haut, alors que les prix allemands sont nettement dprims ; et c'est la Pologne qui connat les variations de prix les plus fortes pendant la priode, passant de maxima absolus en 1650 des minima absolus en 1725 (les variations allemandes sont beaucoup moins amples). Il conviendra de ne pas oublier, dans une tentative d'interprtation globale, cette sensibilit de l'conomie polonaise. Mais revenons pour l'instant

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  • WALLERSTEIN SUR LA CRISE DU XVIIe SI CLE

    Allemagne une abondante littrature pos le problme du rle de la guerre de Trente Ans dans le dclin allemand

    analysant en 1962 Rabb rappelait existence de deux thses celle qui fait de la guerre catastrophique le moteur de la rcession et celle qui estime que le dclin prcd la guerre et en fait porte On souvent tent de concilier ces positions Carsten par exemple est sceptique sur le fait un retournement conjoncturel prcdant la guerre selon lui le dclin un certain nombre de villes pas ncessairement de signification conomique globale vidence il agit l des symptmes du glissement de Allemagne vers la priphrie de conomie-monde45 Rabb avance que nos connaissances font apparatre tout ensemble prosprit et rcession en termes absolus dans espace allemand souvent juxtaposes ds avant la guerre de Trente Ans46 Quant Kamen il rappelle que Allemagne ne constitue pas alors une unit conomique ou politique que distinguer entre dpression avant-guerre et dclin d la guerre est souvent irraliste et que le dbat est ainsi mal pos47

    Mais toutes ces tentatives pour prendre la mesure conomies nationales chouent rendre compte du fait que la guerre t tout ensemble une consquence politique et le symptme de la rcession conomique europenne Une tentative importante dans cette direction t faite par Poli ensky pour qui la guerre de Trente Ans doit tre comprise comme la premire guerre mondiale de conomie-monde capitaliste Aprs Vajnshtejn il la situe en relation troite avec la rvolution de Hollande et les rvoltes mancipation espagnoles ce il faut savoir plus prcisment est comment une rvolution bourgeoise nationale pu devenir une sorte pouvantail pour tous ses adversaires travers Europe Pour Poli ensky au-del du rle dterminant du fait hollandais dans la gnralisation de la guerre le rsultat fondamental t la victoire europenne des Provinces-Unies Il remarque que la guerre trouva une issue prcisment au moment o les Hollandais emportaient en Europe En 1645 pour la premire fois la flotte des Hollandais empara du contrle du Sund et des routes commerciales de la Baltique Le patrici marchand de la province de Hollande et la ville Amsterdam avaient plus de raison de continuer avec Espagne une guerre dont seule la France pouvait sortir vainqueur...48 Mais si tel est le cas comment expliquer que la guerre indpendance des Provinces- Unies inaugure avec la rvolte de 1566 ait pas provoqu une conflagration europenne avant 1621 et le dbut de ce que Poli ensky nomme la priode hollandaise de la guerre 1621-1625 aurait-il pas l une date mettre en rapport avec la grande crise de 1619-1622 identifie par Romano est plus que vraisemblable car la rcession europenne signale par la crise aigu de ces annes valorisait fortement la possession du contrle politique les cots de la destruction par la guerre paraissaient moindres aux partenaires que ceux un affaiblissement de leur position commerciale dans un temps de contraction conomique

    est dans cette perspective que les Provinces-Unies jourent et gagnrent et autant plus que le prix de la guerre de ses dommages fut en fait pay par Allemagne et ne oublions pas par la Bohme49 Kamen donc raison de dire que le dbat pos propos de Allemagne t mal pos Il ne agit pas de savoir si Allemagne aurait ou non connu le mme dclin sans la guerre de Trente Ans est l une hypothse sans intrt La guerre t une rponse au retournement

    135

  • CONOMIES ET SOCI

    de la conjoncture conomique elle est en outre devenue un des facteurs de la redistribution gographique des rles conomiques et du renforcement des disparits conomiques

    1.1

    Rassemblons maintenant les lments que nous venons de passer en revue Vers 1600-1650 comme cela avait t le cas aux environs de 1300-1350 une priode expansion conomique parat achever Cette expansion t essentiellement dcrite en termes de monte des prix selon approche coutumire aux historiens conomistes de entre-deux-guerres elle est pas fausse en soi Mais elle est ambigu car un prix est par dfinition une donne relative Il de signification que par rapport toute une srie autres prix sur un march donn au mme moment Le mouvement des prix pas de signification absolue certains prix montent ce qui signifie du mme coup que autres baissent Par ailleurs ces phases expansion ont pas tre saisies en prix nominaux II agit expansions concrtes celle de la production cralire abord peut-tre dcisive Elle t obtenue par la hausse des rendements comme par extension des surfaces mises en grains la faveur de bonifications et de avance des crales sur les ptures et sur les terres vigne volution des termes de change plus favorables aux crales aux autres produits port cette premire srie de transformations

    On peut en outre identifier au moins quatre autres facteurs expansion le facteur dmographique en gros index moyen terme sur la production vivrire industrie urbaine relativement montarise en amont et en aval de ses activits propres cratrices de forts contingents de salaris et dont expansion est associe une baisse des salaires rels le stock montaire sous ses diverses formes espces papier crdit) le nombre entrepreneurs marginaux tant ruraux urbains Tous ces facteurs supposent que expansion soit saisie dans une conomie globale Aucun eux est immuable travers les diffrents secteurs de conomie En les mesurant dans le cadre units politiques plutt que dans celui un march global on en donne donc une image partielle dont la signification conomique reste incomprhensible et dont les consquences politiques demeurent inexplicables sauf les replacer dans un contexte plus large

    Dans les deux cas ces expansions achvent Ce qui diffre nettement pourtant entre 1300-1350 et 1600-1650 est la rponse du Systme cette situation La chose est claire si on en donne une approche quantitative La priode 1300-1450 vu une chute des diffrentes variables ampleur en gros comparable la monte qui avait prcde La priode 1600-1750 est au contraire un temps de stabilisation de ces indices Mais plus profondment une diffrence de structure oppose les deux situations La rcession du bas Moyen Age dtermin une crise de la structure sociale celle du feodalisme europen

    alors que la crise du xvne sicle inaugure un temps de consolidation et organisation selon le mot Schffer50 elle marque pour Chaunu la fin de la croissance facile et le commencement de re des fcondes difficults 51 Consolidation difficults fcondes mais de quoi de conomie-monde capitaliste sans aucun doute

    136

  • WALLERSTEIN SUR LA CRISE DU XVIIe SI CLE

    Recensons maintenant les lments positifs constructeurs de la rcession du xviie sicle abord un fait dont on ne soulignera jamais trop importance le renforcement des structures des tats au moins pour ceux qui se situent au ur de conomie-monde et pour les tats semi-priphriques en ascension est un moyen de faire face la dpression alors au bas Moyen Age la crise avait aiguis les rivalits guerrires intrieur de aristocratie annon ant le crpuscule de Europe fodale Certes les guerres ont pas manqu au xviie sicle Mais elles ne saignent plus comme par le pass les classes dirigeantes Les formes de la guerre ont chang avec entre autres le recours massif des mercenaires Surtout les luttes ont lieu entre les tats non plus entre des fodaux elles renforcent certaines puissances conomiques

    Seconde observation des centres activit conomique synonymes de prosprit continuent fonctionner Passons sur les cas les plus patents la Hollande du Sicle or la reprise allemande de la fin du xvne sicle les progrs continus de agriculture anglaise Il faut insister sur des phnomnes moins souvent pris en compte les bonifications foncires par exemple ont jamais cess mais sont dsormais payes en corves non plus en argent comme rappel Romano 52 On apprend sans surprise que pour beaucoup entrepre neurs du xviie sicle poque offrait pas de possibilits sres et rentables investissement53 est aprs tout le sens mme une rcession Et quand Chaunu voque un temps o le profit reflue mais o la rente victorieuse triomphe54 il nous induit en erreur il dcrit en fait un phnomne de transfert de investissement vers agriculture dans les pays situs au ur de conomie- monde capitaliste

    Hobsbawm note Nous voici donc devant le paradoxe le capitalisme ne peut se dvelopper que dans une conomie qui est dj substantiellement capitaliste car dans toute conomie qui ne le serait pas les forces capitalistes tendraient adapter conomie et la socit dominantes et auraient donc pas effets rvolutionnaires suffisants55 Mais agit-il rellement un paradoxe est-ce pas au fond dire que conomie-monde capitaliste industrielle ne peut surgir que dans une conomie-monde capitaliste dj forme Et est-ce pas exactement ce qui est pass est parce que conomie-monde capitaliste survcu et est stabilise entre 1600 ef 1750 contrairement ce qui est pass au bas Moyen Age prcisment parce que expansion des annes 1150-1300 avait pas russi dfaire de ses entraves fodales la socit europenne) que le xvne pu prparer le surgissement de la

    Rvolution industrielle conomiquement politiquement socialement et intellectuellement

    La Rvolution industrielle est-elle pas dj uvre pendant le xvne sicle Charles Wilson suggr un certain nombre de ressemblances entre le dveloppement conomique de la Hollande au Sicle or et le dveloppement industriel du xixe sicle 56 oublions pas par ailleurs que la priode 1600-1750

    vu se continuer et affirmer un processus essentiel la dfinition de conomie- monde Braudel et Spooner ont montr la trs nette rduction des carts entre les prix dans les trois zones fondamentales qui partagent alors Europe En surexploitant les diffrences de prix le capitalisme marchand contribu un processus de nivellement la cration de voies de communication et permis des intrts de se dtourner en trouvant ailleurs des conditions plus favo rables 57 Effectivement du xvne au xvine sicle un processus capitaliste en

    137

  • CONOMIES ET SOCIETES

    cours cr les conditions de possibilits un surgissement industriel alignement des prix internationaux en t un des aspects essentiels

    Reste enfin selon moi une diffrence fondamentale entre la priode 1450-1750 qui voit la naissance et la stabilisation une conomie-monde capitaliste et la priode 1150-1450 dont la tentative homologue est heurte la cohsion politique de la socit et de conomie fodales maintenue au-del de ses contradictions internes Cette diffrence fondamentale il faut la chercher dans le modle de distribution du revenu intrieur de conomie globale

    Wilhelm Abel crit un petit ouvrage sur les masses pauvres dans Allemagne pr-industrielle dont argument essentiel consiste dmontrer que

    Engels est compltement tromp dans La situation de la classe laborieuse en Angleterre Alors Engels selon Abel affirmait que la condition ouvrire se dtriorait avec industrialisation il rappelle que la pauvret comme phnomne de masse existe bien avant la socit industrielle Le xvie sicle connu une chute svre des salaires rels Puis les salaires rels repartirent la hausse en Allemagne ds aprs la guerre de Trente Ans et partout au dbut du xvine sicle Ces salaires taient nanmoins. gure suprieurs ceux de la seconde moiti du xvie sicle et bien infrieurs ceux du xve sicle ge du pauprisme 1791-1850 prolonge ces sries en inscrivant une nouvelle baisse mais est dans Angleterre des dbuts de industrialisation que cette baisse est la moins sensible58 On retrouve ce thme fond sur autres preuves dans autres ouvrages Minchinton suggre qu il valait mieux tre riche en 1750 en 1500 et que cart entre les riches et les pauvres est accentu entre ces deux dates59 Braudel et Spooner concluent de mme sur la foi des sries de prix Europe connat de la fin du xve sicle au dbut du xvine sicle une baisse du niveau de vie qui survient aprs un ge or du travail60 Je renvoie enfin au tableau que ai constitu ailleurs61 partir des donnes rassembles par Slicher van Bath sur le salaire rel du charpentier anglais de 1251 1850 elles font apparatre une monte importante entre 1251 et 1450 qui correspond en gros un doublement puis un dclin assez marqu au-del de cette date avec un retour au point de dpart dans cette baisse un plateau exceptionnellement bas correspond aux annes 1601-1650

    Comment interprter ce phnomne Il nous faut revenir sur la crise du feodalisme Perry Anderson justement not que un des acquis les plus importants de historiographie des dernires dcennies t la conscience ont pris les historiens du dynamisme du mode de production fodal62

    Pourtant au xine sicle aprs trois ou quatre sicles expansion soutenue le systme entre en crise ai dj montr comment mon sens se contrarient ici les effets une rgression cyclique une transformation climatique et une exacerbation sculaire des contradictions fondamentales du systme fodal63 Dans un ouvrage ultrieur Anderson analys plus en dtail cette conjoncture historique et mis accent sur le fait que la mise en valeur rurale facteur essentiel et qui port les progrs de conomie fodale tout entire probablement dpass les limites objectives tant du ct des sols disponibles que de la structure sociale64 Il critique ensuite explication empiriquement douteuse et thoriquement rductrice propose par Dobb et Kosminsky qui fait de la crise la consquence un alourdissement linaire continu de exploitation noble qui parat mal compatible avec le mouvement gnral des redevances pendant cette

    138

  • WALLERSTEIN SUR LA CRISE DU XVIIe SI CLE

    priode Une confusion grave mrite ici tre releve Il existe des preuves empiriques appui de la thse une escalade linaire et jusque dans le livre de Anderson Il note ainsi la rduction de la taille moyenne de la tenure paysanne une centaine acres peut-tre au ixe sicle 20 ou 30 acres au xme Il enregistre aussi la russite sociale et conomique du groupe des petits nobles et des officiers ministriaux intermdiaires entre les grands et la paysannerie il est donc vraisemblable une part plus importante du surplus t accapare par des lments non productifs alourdissant ainsi exploitation noble Ce serait la conjonction un puisement socio-conomique en profondeur et une exploitation alourdie le premier dterminant la seconde il agissait de garantir le revenu individuel des dominants qui renforce on dit serait origine de la crise des revenus seigneuriaux quand ouvrent les ciseaux entre prix urbains et prix industriels65

    Anderson semble proposer enchanement suivant les ciseaux des prix provoquent une raction seigneuriale qui provoque son tour une rsistance paysanne relativement efficace le tout dbouchant la fin sur une dissolution du servage Je vois les choses de fa on assez diffrente La crise conomique et sociale affaibli la noblesse si bien que les paysans ont vu accrotre nettement la part du surplus qui leur revenait entre 1250 et 1450-1500 La chose est vraie dans toute Europe est comme ouest66 est amlioration du niveau de vie des classes infrieures la tendance un moindre cart relatif des revenus qui ont constitu pour les dominants le vrai facteur de crise le dilemme rel auquel il agissait de faire face bien plus un puisement du systme Il aurait plus issue sans une transformation sociale en profondeur La voie retenue fut la cration une conomie-monde capitaliste est--dire la mise en place une forme nouvelle appropriation du surplus67 La substitution du mode de production capitaliste au mode de production fodal se traduisit par une raction seigneuriale un intense effort social et politique des dominants pour prserver leurs privilges collectifs au moment mme o il leur fallait bien accepter une rorganisation en profondeur de conomie avec tous les risques elle comportait pour les stratifications et les rapports sociaux en place Il tait vident que certaines familles allaient perdre cette volution mais beaucoup perdraient rien68 et ailleurs le principe une hirarchie sociale non content tre privilgi en sortait mme renforc

    De 1500 1800 au moins malgr enchanement une phase expansion et une phase de contraction le niveau de vie des classes pauvres baiss en Europe cela ne suffit-il pas prouver la russite de la stratgie de transformation conomique retenue

    Nous pouvons maintenant revenir interprtation de la contraction des annes 1600-1750 Quand comment et pourquoi interviennent les transforma tions majeures des structures sociales Les descriptions idologiques que les systmes donnent eux-mmes ne sont jamais crdibles Il est donc toujours ais de trouver des exemples de comportement non capitaliste dans toute Europe de 1650 ou de 1750 mais aussi en 1850 ou encore 1950 Car la coexistence de comportements dits capitalistes entreprises ou selon une expression plus critiquable encore tats capitalistes avec des comportements des entreprises et des tats non capitalistes intrieur de conomie-monde capitaliste est ni une anomalie ni un phnomne de transition Elle est de la nature du systme capitaliste en tant que mode de production et fait comprendre comment

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  • CONOMIES ET SOCI

    historiquement conomie-monde touch les civilisations qui partageaient son espace social

    ai affirm que le capitalisme avait t une solution la crise du feodalisme Mais unesolution est par dfinition un choix qui rallie une majorit et triomphe de la rsistance de ceux qui seront perdants Les perdants sont nombreux et divers les alliances sont donc surprenantes et le processus complexe et souvent malais suivre On pouvait chercher autres solutions Charles Quint tent sans succs de reconstituer une monarchie universelle Les classes infrieures auraient pu profiter de la rcession cyclique de 1600-1750 pour mettre mal le systme et redistribuer massivement un surplus maintenant bien plus important en chiffres absolus Mais prcisment ce ne fut pas le cas peut- tre cause de la force des appareils tat dans les pays capitalistes dsormais au centre du systme Les pays cherchrent de fa on souvent complique rconcilier des forces contraires mais dans le long terme ils ne survcurent et ne prosprrent que dans la mesure o ils favorisrent les intrts globaux de la classe conomique dominante dans conomie-monde Pour Anderson absolutisme t essentiellement. le redploiement et le renforcement un

    systme de domination fodale destin repousser les paysans vers leur position sociale traditionnelle en dpit des avantages gagns par eux la faveur de la commutation gnrale des redevances et contre ces avantages69 Je souscris cette analyse condition en retirer pithte fodale Car il semble que ce redploiement prcisment consist dans la substitution une domination capitaliste une domination fodale quelle que soit la terminologie en cours en trouve confirmation chez Anderson lui-mme Car il reconnat existence un paradoxe de absolutisme tout en protgeant la proprit et les privilges aristocratiques celui-ci pu en mme temps assurer les intrts essentiels des classes marchandes et manufacturires en train de natre Pour expliquer ce paradoxe Anderson invoque le fait que pendant la phase qui prcd le machinisme industriel en gros avant 1800) le capital marchand et manufacturier avait pas besoin un march de masse et pouvait donc viter une rupture radicale avec organisation fodale et agricole70 La remarque est juste mais elle vaut pour conomie-monde capitaliste dans son ensemble au xxe sicle le besoin un march de masse ne concerne pas encore ensemble de la population mondiale

    Nous comprenons du mme coup pourquoi toutes les monarchies absolues ont pas t des tats forts et tous les tats forts des monarchies absolues important est ici la force de tat non le degr absolutisme de la forme de gouvernement Il faut sans doute rendre compte de cette forme Mais il faut alors noter que pendant le xviie sicle les tats les plus forts ont t les tats conomiquement dominants les Provinces-Unies abord puis Angleterre et enfin la France La Rvolution anglaise renforc tat au moment o la maxime de Louis XIV tat est moi avouait une faiblesse relative de tat en France

    La contraction du xvne sicle pas t une crise du systme Bien au contraire elle t un temps de consolidation Le long xvie sicle lui avait pas seulement t une phase inflation il tait structurellement un temps de rvolution en particulier de larges masses montraient prtes se rallier des ides nouvelles et radicales celles de humanisme et celles de la Rforme Sur ce plan aussi le xvne sicle est une priode apaisement et de calme Le classicisme

    140

  • WALLERSTEIN SUR LA CRISE DU XVIIe SI CLE

    comme absolutisme est en rien une description de la ralit est un programme qui marque le retour initiative politique et culturelle des classes dirigeantes les plus aptes assimiler le changement social fondamental associ la mise en place de conomie-monde capitaliste Bouwsma caractrise ainsi affirmation intellectuelle du xviie sicle comme le retour partout une mentalit systmatique fonde sur une valuation positive de intelligence des hommes qui contraste fortement avec la conception sous-j acente aux mouve ments de scularisation et qui reliait fortement tous les aspects de exprience humaine un noyau central de vrit universelle et partant abstraite 71

    Du point de vue politique et culturel comme du point de vue conomique le xviie sicle est un moment de stabilit de ralentissement du taux de dvelop pement de renforcement des structures hirarchiques en place Il est le pralable ncessaire au bond qualitatif qui suivi Il est pas pour autant le temps une

    crise mais un changement allure ncessaire il est pas un temps de dsastre mais une phase essentielle pour la consolidation des intrts des principaux bnficiaires du systme capitaliste Et est prcisment parce que la priode 1600-1750 t si importante pour la consolidation de conomie-monde europenne elle mrite tre analyse aussi attentivement Nous compren drons alors selon quels mcanismes la classe capitaliste fait face aux retours des phases de contraction dans conomie-monde

    Immanuel WALLERSTEIN State University of New York at Binghamton

    NOTES

    HoBSBAWM The crisis of the Seventeenth century Past and Present 1954 repris dans ASTON d Crisis in Europe 1560-1660 Londres 1965 pp 5-58

    MousNiER Les XVIe et XVIIe sicles vol de Histoire gnrale des civilisations Paris 1954 ABEL Crises agraires en Europe XIIIc-XXe sicle) d frse Paris Flammarion 1973

    SUCHER VAN BATH The agrarian history of Western Europe New York 1963 206 VILAR Or et monnaie dans histoire Paris 1974 46 Il agit de la priode 1598-1630

    1680-1725 CHAUNU Le renversement de la tendance majeure des prix et des activits au

    xvne sicle Studi in onore de Amintore Fanfani IV Milan 1962 224 BAEHREL Une croissance la Basse-Provence rurale Paris 1961 29

    La critique de Simiand par CROUZET The economic history of modem Europe Journal of Economie History XXXI 1971 pp 135-52 un autre point de vue cf POSTEL- VINAY La rente foncire dans le capitalisme agricole Paris 1974

    IMBERT Les mouvements de longue dure Kondratieff Aix-en-Provence 1959 SLICHER VAN op cit. partie est le cas de Cipolla ou de Coleman Toute une tradition marxiste insiste par

    ailleurs sur le rle de la priode 1500-1750 comme transition vers le capitalisme 10 Simiand pla ait ainsi au xvie sicle le dbut des priodes de fluctuations longues

    Sweezy insiste sur le fait que la manufacture et industrie modernes sont deux moments une

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  • CONOMIES ET SOCI

    mme phase capitaliste et Braudel rappelle avec force unit conomique des xii -xvn0 sicles pour mettre en cause ide un Ancien Rgime conomique

    11 CHAUNU La civilisation de Europe classique Paris 1966 pp 20-21 12 SUCHER VAN BATH op cit. 38 13 important est volution du rapport entre les prix des grains et ceux des produits

    comme le beurre le fromage ou la laine dans le long terme de mme entre les prix du bl et ceux des produits industriels comme le lin le colza le tabac entre le bl et le vin le bl et les produits textiles entre le bl et la rente enfin SUCHER VAN Die europaischen Agrarverhltnisse im 17 und der ersten Hlfte des 18 Jahrhunderts A.A.G Bijdragen no 13 1965 144)

    14 GLAMANN European trade 1500-1750 dans C.M CIPOLLA d. The Fontana economie history of Europe II The Sixteenth and Seventeenth centuries Glasgow 1974 pp 427-526 464-465 et 485

    15 CHAUNU op cit. 272 Voir aussi SUCHER VAN op cit. 18 16 SUCHER VAN Yield ratios 810-1820 A.A.G Bijdragen no 10 1963 17 17 ROMANO Tra xvi xvii secolo Una crisi economica 1619-1622 Rivista Storica

    Italiana 1962 pp 512-513 SUCHER VAN Les problmes fondamentaux de la socit prindustrielle en Europe occidentale une orientation et un programme A.A.G Bijdragen no 12 1965 pp.15 33 39

    18 DE MADDALENA Rural Europe 1500-1750 dans CIPOLLA d. op cit. 1974 pp 288-294

    19 SUCHER VAN op cit. 1965 147 Jean MEUVRET Les mouvements des prix de 1661 1715 et leurs rpercussions Journal de statistique 1944 116

    20 SUCHER VAN op cit. 1965 pp 34-39 21 ROMANO op cit. 520 22 SELLA European industries 1500-1700 dans C.M CIPOLLA d. op cit. 1974

    pp 366-367 23 HoBSBAWM op cit. 24 SUCHER VAN op cit. 1965 37 Il mentionne Irlande Ecosse le Maine les

    Flandres le Twente la Westphalie les environs de Munster la Saxe la Silsie 25 ROMANO op cit. pp 500 et 520 26 SLICHER VAN BATH op cit. 1965 336 27 ABEL op cit. 225 28 GLAMANN op cit. 431 29 VILAR op cit. 246 Mais il prcise que hors de France il est difficile de ne pas tenir

    compte une priode de hausse entre 1683-1689 et 1701-1710 30 PARKER The emergence of modem finance in Europe dans CIPOLLA d.

    op cit. pp 529-530 31 SPOONER conomie mondiale et les frappes montaires en France 1499-1680) Paris

    1956 pp et 35-36 32 MAURO Toward an Intercontinental model European overseas expansion between

    1500-1800 Economic history review 1961 pp 1-17 33 REINHARD et ARMENGAUD Histoire gnrale de la population mondiale Paris 1961

    114 MOLS Introduction la dmographie historique des villes Europe du XIIe au XVIIIe sicle Paris 1956 39

    34 Cf la question en discussion dans WALLERSTEIN The modem world-system New York 1974eh.l

    35 JEANNIN Preis- Kosten- und Gewinnunterschiede im Handel mit Ostseegetriede 1500-1650 dans Wirtschaftliche und soziale Strukturen im saekularen Wandel vol.11 Ingomar BOG et al d. Die vorindustrielle Zeit Ausseragrarische Probleme Hanovre 1974 p.495

    36 VILAR op cit. 52

    142

  • WALLERSTEIN SUR LA CRISE DU XVIIe SI CLE

    37 HoBSBAWM op cit. 13 38 HOBSBAWM Seventeenth century revolutions Past and Present no 13 avr 1958

    63 39 ROMANO Italy in the crisis of the Seventeenth century dans EARLE d Essays in

    European economic history 1500-1800 Oxford 1974 pp 185-98 CIPOLLA Introduction The Fontana economie history of Europe op cit. 1974 pp 7-13 GEREMEK recension de

    ouvrage de Jersy TOPOLSKI tak zwanym kryzysie gospodarczym XVII Europie Sur la prtendue crise conomique du xvne sicle en Europe) Kwartalnik Historyczny LXIX 1962 pp 364-79 dans Annales E.S.C. 1963 pp 1206-1207

    40 BRAUDEL et SPOONER Prices in Europe from 1450 to 1750 Cambridge economic history of Europe IV Londres 1967 404

    41 BRAUDEL et SPOONER op cit. 405 42 SLICHER VAN op cit. 1965 136 43 VILAR op cit. 303 Voir aussi CHAUNU op cit. 1962 pp 251-252 44 ABEL op cit. 1973 pp 221-223 45 RABB The effects of the Thirty Years War on the German economy Journal of

    modern history XXXIV 1962 pp 40-51 LLJTGE Economic change agriculture New Cambridge modem history II Cambridge U.P. 1958 pp 26-28 est un bon exemple de la premire thse pour lui conomie allemande est florissante entre 1560 et 1620 et est la guerre de Trente Ans qui la ruine Contre lui cf SLICHER VAN 1963 op cit. 18 CARSTEN Was there an economic decline in Germany before the 30 Years War English historical review LXXI no 279 1956 p.241

    46 RABB op cit. 1962 51 47 Henri KAMEN The economic and social consequences of the Thirty Years War Past

    and Present no 39 1968 pp 44-48 48 POLI ENSKY The Thirty Years War Berkeley Univ of California Press 1971

    pp 236 264 49 POLI ENSKY op cit. 294 Cf aussi KAMEN op cit. 60 50 Ivo SCH FFER Did Golden Age coincide with period of crisis Acta

    Historiae Neerlandica 1966 106 51 CHAUNU Rflexions sur le tournant des annes 1630-1650 Cahiers histoire

    1967 pp 249-268 52 ROMANO op cit. 1962 512 53 MINCHINTON Patterns and structure of demand 1500-1750 dans CIPOLLA d.

    op cit. 1974 160 54 CHAUNU op cit. 1967 264 55 HOBSBAWM The Seventeenth century in the development of capitalism Science

    and society XXIV 1960 104 56 WILSON Transport as factor in the history of economic development Journal of

    European economie history II 1973 331 57 BRAUDEL et SPOONER op cit. 1967 395 58 ABEL Massenarmut und Hungerkrisen in vorindustriellen Deutschland Gttingen

    Vandenhoeck and Ruprecht 1972 59 MINCHINTON op cit. 168 60 BRAUDEL et SPOONER op cit. 1967 429 61 WALLERSTEIN op cit. 80 tableau 62 Perry ANDERSON Lineages of the absolutist state Londres 1974 197 63 WALLERSTEIN op cit. pp 21-37 64 ANDERSON op cit. 197 Pour Anderson la crise pas t seulement rurale mais

    touch aussi conomie urbaine le manque de moyens montaires touch la banque et le commerce

    143

  • CONOMIES ET SOCI

    65 ANDERSON op cit. 200 Sur les consquences cf pp 200-209 66 volution divergente de Europe occidentale et de Europe centrale est un thme

    fondamental Andersen mais il doit admettre que la mme crise du feodalisme touch une et autre avec des effets plus graves Est Ouest Anderson cherche des origines diffrentes la crise dans les deux zones mais il est vident que ce fut une mme crise avec les mmes consquences bnfiques pour les paysans

    67 WALLERSTEIN op cit. pp 37-38 68 ANDERSON op cit. 56 Il nomme vincolismo les diverses procdures juridiques qui

    la fin du xvne et au xvnie sicle visent protger la grande proprit foncire familiale contre les effets dsintgrateurs du march capitaliste

    69 ANDERSON op cit. 1974 18 70 ANDERSON op cit. 40 71 BouwsMA The secularization of society in the Seventeenth century XIIe Congrs

    international des sciences historiques Moscou 1970 10

    144

    InformationsAutres contributions de Immanuel Wallerstein

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    IllustrationsTableau 1. - volution sculaire du commerce intercontinental par rapport au sicle prcdent, du XVIe au XVIIIe sicle