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La crise de 1898

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Collection "Prépa Capes-Agrégation" dirigée par Nadine Ly et Jean-Marie Bonnet

Yves Aguila, Ecrire le Mexique. Carlos Fuentes, La région más transparente (1998), 90 FF

Elisabeth Pagnoux, Ecrire le Mexique. Mexico dans la littérature mexicaine contem- poraine. Lexique des mexicanismes (1998), 90 FF

Jean-Marc Buiguès, La « Monarchie catholique » de Philippe Il et les Espagnols (1999), 90 FF

Nadyne Ly, La vie est un songe, Calderon (1999), 90 FF

Evelyne López-Campillo. La crise de 1898.

Paris : Ed. Messene, 1999.

100 p., 22 cm. (Coll. "Prépa Capes-Agrégation")

ISBN 2-911043-74-X

© 1999 Editions Messene 99-103, rue de Sèvres 75006 PARIS

En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partielle- ment le présent ouvrage sans autorisation de l'éditeur ou du Centre Français de l'exploitation du droit de copie, 3, rue Hautefeuille, 75006 Paris.

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Evelyne López-Campillo

La crise de 1898

EDITIONS MESSENE

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Introduction

L a formule crise de 1898 a une signification immédiate qui réunit deux concepts différents: tout d'abord, l'évè-

nement, la défaite militaire de l'Espagne face aux Etats- Unis d'Amérique aux Antilles et aux Philippines, donnant lieu au Traité de Paris qui entérine la perte de ses colonies d'outremer, et, d'autre part, un état diffus de crise politique et culturelle de la société espagnole elle-même, après une vingtaine d'années de fonctionnement du système de la Restauration et l'assassinat de son principal artisan, Canovas del Castillo en 1897, par un anarchiste italien. On a longtemps accepté comme allant de soi l'idée que cette crise de la fin du dix-neuvième siècle avait marqué de son sceau l'évolution spécifique de l'Espagne pendant ce ving- tième siècle, où son histoire allait être ponctuée par deux dictatures militaires et une Guerre Civile et qu'elle symbo- lisait en quelque sorte la difficile entrée de pays dans l'ère moderne, pays qui semblait condamné à ne pas pouvoir se doter de structures démocratiques stables.

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Une autre interprétation qui s'imposait comme un sté- réotype difficilement contournable était que cette perte des restes de l'Empire d'Outremer donnait le signal pour la modernisation et la restructuration de la nation espagnole. En même temps, s'accélérait un processus, déjà en marche pendant la Restauration, dans le monde intellectuel: l'ex- pression d'un sentiment d'appartenance à cette nation espa- gnole en projet, en opposition avec l'Espagne officielle, de la part de certains auteurs qui publient alors leurs premières grandes oeuvres entre 1894 et 1902, comme Ganivet, Maeztu, Unamuno, Baroja, Azorín ou Antonio Machado et qui proviennent tous de zones périphériques de l'Espagne (Pays Basque, Andalousie ou Alicante).

La célébration du Centenaire de 1898 (Désastre National) a permis a bien des travaux critiques nouveaux de voir le jour et certains d'entre eux apportent une touche de révisionnisme à ces conceptions bien ancrées, en suggé- rant que cette fameuse crise de 1898 n'a pas eu le sens qu'on a voulu lui donner par la suite et qu'elle a été mani- pulée en quelque sorte, tout au long du vingtième siècle, par les tenants d'un nationalisme espagnol étroitement cen- traliste et d'un catholicisme intransigeant qui allaient deve- nir l'étendard, à partir des années 1927-1930, de différents groupes de droite, plus tard partie prenante dans la consti- tution du Mouvement franquiste.

Et pourtant, dans les régions périphériques dites histo- riques et en pleine croissance économique, sociale et cultu- relle, comme par exemple la Catalogne ou le Pays Basque, s'étaient aussi formés des groupes d'écrivains ou d'artistes qui, tout en ne se réclamant nullement du centralisme espa- gnol, bien au contraire, étaient également empreints de cet esprit de réaction contre le personnel politique en place de la Restauration et contre le Désastre national, et de régé-

nération de leur propre région: des personnalités comme

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Valentí Almirall, Maragall ou Prat de la Riba en Catalogne, Sabino Arana au Pays Basque, en étaient des exemples. Un phénomène analogue se produisait également dans des régions à forte identité culturelle et économique, comme celle de Valence où le républicanisme restait bien implanté (Blasco Ibáñez, républicain centraliste, en était la person- nalité la plus marquante), ou encore aux Baléares, à Majorque, avec Gabriel Alomar ou Miquel del Sants Oliver, ou en Galice, où le régionalisme à tendance conser- vatrice se renforce.

L'existence de cette crise de 1898 en Espagne est, tout compte fait, indéniable: dans tous les secteurs déjà sensibi- lisés de la société du pays; dans toutes les régions, à condi- tion toutefois d'en élargir la portée chronologique, et elle va déclencher un sursaut qui confirmera les prises de conscience déjà existantes et en déclenchera d'autres enco- re balbutiantes. Cette crise servira, en fait, à accélérer l'ac-

cession du pays, dans son ensemble, à la modernité et pro- voquera, dans les milieux intellectuels et artistiques, des reclassements idéologiques dont on peut suivre le chemi- nement tout au long du vingtième siècle.

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I

Un système politique bloqué Canovas, artisan de la restauration

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L a période de la Restauration commence par le dernier des Pronunciamientos du dix-neuvième siècle: le

Général Martínez Campos se met à la tête, le 29 décembre 1874, d'un soulèvement destiné à rétablir la dynastie des Bourbons après les six années agitées qui avaient suivi le départ de la reine Isabelle II du trône espagnol (1868). Lors de cette période révolutionnaire, s'étaient succédés trois régimes (dont une Monarchie et une République) et deux guerres civiles (les soulèvements cantonalistes et la derniè- re guerre carliste). La guerre carliste était une guerre anti- bourgeoise, conservatrice, favorable à la monarchie d'Ancien Régime, d'un catholicisme exalté, de type ven- déen et elle avait eu pour base sociale essentielle les petits propriétaires ruraux de Navarre, des franges pyrénéennes et de certaines parties du Levant et d'Andalousie, hostiles à toutes les formes de libéralisme, politiques, économiques ou religieuses. Les cantons, quant à eux, représentaient une révolution républicaine et fédéraliste de certaines

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régions méditerranéennes, comme celle de Carthagène, par exemple.

L'artisan de la Restauration fut Antonio Canovas del

Castillo, homme politique et intellectuel qui avait représen- té aux Cortes constituantes de la période provisoire d'après 1868 la minorité conservatrice. Ce ne fut que le 22 août 1873 qu'Isabelle II le nomma officiellement chef du parti alphonsin, en présence de son fils, le Prince des Asturies Alphonse, en faveur duquel elle avait abdiqué le 25 juillet 1870. Canovas considérait que le retour de la monarchie des Bourbons en la personne du fils d'Isabelle II, devenu Alphonse II, permettrait aux espagnols de mettre un terme aux luttes civiles diverses qui avaient secoué le pays depuis 1868 et il employait le concept de conciliation pour dési- gner cette paix civile retrouvée.

Quelques principes de base guident Canovas dans son rétablissement de la Monarchie: tout d'abord, l'acceptation par la Couronne du rôle du Parlement qui partagerait avec elle la souveraineté (la Monarchie étant donc constitution- nelle) ; d'autre part, les militaires doivent cesser d'interve- nir dans la vie politique du pays (les pronunciamientos avaient été nombreux sous la Régence de Marie-Christine et sous le règne d'Isabelle II puisque ni le Parlement, ni les élections ne jouaient correctement le rôle de déclencheur de l'alternance des partis au pouvoir), l'alternance se fera donc plutôt par le système du turno. Canovas crée lui- même le parti conservateur, et le parti libéral, aux destinées duquel présidera Sagasta, sera l'autre parti qui le remplace- ra au pouvoir à la suite d'élections préparées à l'avance, selon de savantes combinaisons, bien étrangères à la volon- té populaire. Cette institutionnalisation de l'alternance exi- gera, à partir de la création du suffrage universel masculin en 1890, un recours encore plus systématique aux manipu- lations des élections dans les différentes régions.

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Les premières élections de ce nouveau régime auront lieu le 15 février 1876. Lors de l'élaboration de la

Constitution, l'article qui souleva le plus de discussions fut le fameux article 11 qui fixait les règles de la relation entre l'Eglise et l'Etat: celui-ci était confessionnel (catholique), mais une certaine tolérance était admise à l'égard des autres confessions, malgré de fortes réticences du côté des catho- liques les plus intransigeants. Toutefois des restrictions existaient quant à la liberté de la presse et un serment de fidélité à la Monarchie et à la religion catholique était exigé des enseignants. Canovas se prétendait réaliste et, en même temps, il privilégiait, dans sa conception de la nation, le poids de l'histoire nationale, du passé et de la tradition. Contrairement à Renan qui considérait la nation comme l'expression d'un plébiscite permanent, Canovas croyait que les nations étaient l'œuvre de Dieu 1 et donc théorique- ment indestructibles, la tradition représentant, contraire- ment à l'expression trop changeante du suffrage universel, la véritable volonté nationale.

La reconquête d'un consensus après les échecs du carlisme et de la Première République

Les idées providentialistes de Canovas concernant la nature de la nation peuvent s'expliquer, dans une certaine mesure, comme une réaction de survie du concept de nation face aux soubresauts révolutionnaires de la période 1868- 1875, aux soulèvements cantonalistes et à la guerre carlis- te qui avaient secoué le pays jusqu'à l'été 1875. Le préten- dant carliste Charles VII croyait encore en 1874 à une vic- toire prochaine, mais la présence du nouveau roi d'Espagne Alphonse XII sur le front du nord en janvier 1875 avait relancé l'offensive et permis la levée du siège de Pamplune. A partir d'août 1875, le carlisme ne dominait plus que la Navarre et le Pays Basque. Le lendemain de l'ouverture des nouvelles Cortes constituantes, le 19 février 1876, la capi-