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    Damien SAUZEMATISSE - UMR 8595 CNRS

    Universit Paris I - Panthon-Sorbonne

    106-112 Boulevard de l'Hpital

    75647 Paris Cedex 1301-44-07-81-70

    [email protected]

    Forum 2001 de la Rgulation

    Paris, 11 et 12 octobre 2001

    Construction et stabilit du CDI comme norme d'emploi en France:enjeux de la matrise de la dure de la relation salariale

    (Version provisoire)

    Lanalyse du recours des entreprises aux contrats dure dtermine (CDD) et

    lanalyse du recours au licenciement sont deux phnomnes qui relvent dune mme

    problmatique : celle de la matrise par lemployeur et le salari de la dure de larelation contractuelle.

    Lobjet de cette contribution est de montrer en quoi cette problmatique est devenue

    depuis les annes 70 un enjeu majeur des relations salariales et comment dans ces

    conditions les droits de chacune des parties sur la dtermination de la dure du contrat

    de travail ont t reconfigurs. Cet enjeu et ses consquences seront envisags

    uniquement dans le cas de la France qui reprsente un cas particulier de configuration

    des conditions de mobilit sur le march du travail.

    Il sagit ensuite de montrer dans quelle mesure la reconfiguration des conditions de

    mobilit sur le march du travail engendre par la conjoncture conomique et

    lvolution du cadre lgislatif et rglementaire ont influ sur la dtermination de la

    norme demploi : la fois sur la dtermination de la dure de lemploi et sur la nature

    des liens entre salaris et employeurs.

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    mailto:[email protected]:[email protected]
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    I Enjeu de la matrise de la dure du contrat de travail

    1.1 De la protection contre la servitude la scurit de l'emploi

    Lenjeu de la rglementation de la dure du contrat a chang au cours des deux

    derniers sicles. Si aujourdhui il sagit de protger le salari contre le risque de

    chmage en recherchant maintenir le plus longtemps possible lengagement de

    lemployeur envers le salari, il n'en tait pas de mme au dbut du dix-neuvime sicle.

    Il sagissait alors de protger le salari contre toute forme desclavage en limitant la

    dure dengagement du travailleur.

    La recherche de la limitation du contrat de travail dans le temps par la conclusion de

    CDD n'a pas toujours t dfavorable aux intrts des salaris.

    Au XIXime sicle seuls deux articles du code civil rglementent plus

    spcifiquement les relations de travail dans le cadre du contrat de louage de services.

    Mis part ces deux articles, ce contrat est avant tout rglement par le droit des

    obligations. Cependant les prcisions apportes dans ces articles concernent la dure de

    lengagement. Le principe contenu dans larticle 1780 est celui de la prohibition de

    lengagement perptuel : "on ne peut engager ses services qu' temps ou pour une dure

    dtermine" (art. 1780), alors que l'engagement pour une dure indtermine n'est admis

    qu' condition qu'il puisse "toujours cesser par la volont d'une des parties

    contractantes". Ces principes avaient pour but de protger le salari contre le risque de

    l'instauration de liens de vassalit ou d'esclavage.

    Ainsi CDD et CDI sont mis sur le mme plan par le code civil (Gaudu, 1996). Mais

    cette poque, du point de vue de la technique juridique, seul le CDD parat permettre

    dassurer la stabilit de la relation, le CDI pouvant tre rompu tout moment par lunedes parties. Encore au dbut du XXime sicle, comme le note F. Gaudu (1996), le

    droit du licenciement na pas encore fait son apparition, et par voie de consquence le

    contrat dure indtermine est extrmement prcaire. A cette poque selon F.

    Gaudu (1996), la situation des employs, en gnral, est plus stable que celle des

    ouvriers, parce que les employs sont recruts sous contrat dure dtermine .

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    Par ailleurs, l'instabilit de l'emploi n'est pas toujours un phnomne compltement

    subi par les salaris. Au XIXime sicle, les fluctuations saisonnires importantes de

    l'activit, font que les travailleurs ne gardent pas le mme emploi toute l'anne. A

    certaines priodes de l'anne (par exemple au moment des rcoltes) ou lors de priodes

    de crise, la main d'uvre industrielle est capte par les activits agricoles.

    La forte mobilit des salaris est un moyen dassurer leur indpendance lgard

    des patrons tout-puissants de l'industrie. Malgr la prcarit qui rsultait de cette

    mobilit, elle semble dans une certaine mesure tre prfre par les salaris la

    stabilisation au sein dune entreprise.

    Selon C. Topalov, historien de l'conomie qui a tudi linstabilit du lien salarial

    au XIXime sicle, " Toutes ces formes de mobilit tmoignent de possibilits multiples

    de sortir du salariat industriel, souvent d'enracinement durable hors de celui-ci, et

    constituent des manires efficaces de se soustraire ses contraintes. La prcarit de

    l'emploi faisait perdre aux travailleurs des salaires et leur imposait l'incertitude du

    lendemain [] Mais les mobilits qui lui taient associes leur procurait en mme

    temps de l'indpendance vis vis des patrons et, plus largement du salariat". (Topalov,

    1994)

    Dans ce contexte la stabilit de l'emploi n'merge pas encore comme une

    revendication.

    Encore au XXime sicle, dans les annes cinquante, la forte mobilit des salaris

    tait un moyen de pression pour ces derniers. Daprs Fourcade (1992) selon les propos

    de M Neidinger, responsable dans les annes cinquante la Fdration parisienne de la

    Mtallurgie, la raction patronale lapparition des premires socits de travail

    temporaire, dans les annes cinquante a t ngative parce quelle captait les meilleurslments des entreprises et amplifiait les surenchres salariales, en pleine pnurie de

    main uvre.

    Les progrs du droit du travail ont cependant permis depuis de limiter lemprise du

    patron sur la vie de ses salaris. Le problme actuellement pour le salari nest plus tant

    de borner lautorit patronale que dtre assur de la poursuite de la relation

    contractuelle. En effet les deux sicles couls ont vu la gnralisation du salariat et par

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    consquent la ncessit pour les travailleurs davoir constamment un employeur, ce qui

    ntait pas le cas quand le travail indpendant prvalait.

    Cependant il a fallut attendre la crise des annes 70 pour que lenjeu de la dure des

    relations salariales se rvle pour les salaris. Jusqu cette poque mme si le salariat

    se gnralise pendant la priode daprs guerre, la situation de plein emploi se traduit

    par le fait que chaque individu dsirant tre salari trouve un employeur pour

    lembaucher.

    Cest donc avec la gnralisation du salariat et la remise en cause du plein emploi

    que linscription des relations contractuelles dans la dure devient un enjeu pour les

    salaris.

    Aujourd'hui l'instabilit de l'emploi ne peut plus jouer autant ce rle de rsistance au

    patronat. Elle dcoule de la stratgie mme des employeurs pour limiter leur

    engagement dans la relation salariale.

    1.2 Intrts contradictoires des parties depuis les annes 70

    Plusieurs indicateurs tmoignent de lenjeu conflictuel que la matrise de la dure

    des contrats de travail a pris au cours des annes 70.

    Un premier indicateur de cet enjeu est le problme de la distinction entre CDD et

    CDI qui apparat ds les annes 60, le CDI tant le contrat permettant la meilleure

    matrise des salaris sur la dure du contrat. C'est en effet cette poque que la Cour de

    cassation est amene se prononcer plusieurs reprises sur le sujet. Elle dveloppe une

    jurisprudence particulirement favorable aux salaris, d'une part en exigeant de la

    prcision dans la dtermination du terme du contrat, d'autre part en requalifiant en CDI,des successions de CDD. Au terme d'une analyse dtaille de la jurisprudence de la

    chambre sociale de la Cour de cassation des annes 60 et 70, le juriste Guy Poulain qui

    a consacr sa thse la distinction CDD/CDI (Poulain, 1971), conclut en effet : "Le

    domaine du contrat dure dtermine se rduit donc aux contrats terme certain et

    aux contrats temporaires par nature c'est dire ceux dans lesquels la nature de la tche

    effectuer et l'intrt des parties commandent qu'il en soit ainsi. Quant au contrat

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    renouvelable, il est juste titre disqualifi en contrat dure indtermine" (Poulain,

    1978).

    Un autre rvlateur de l'enjeu que prend depuis les annes 70, la matrise de la dure

    du contrat de travail, est la cration de normes conventionnelles ou contractuelles qui

    ont un impact sur la dure de la relation demploi. Pour ce qui est des normes

    contractuelles, on peut noter la multiplication rcente des accords dentreprise intgrant

    des clauses de garantie demploi.

    La scurit de lemploi devient un thme de ngociation collective

    interprofessionnelle ds la fin des annes 60. Ce sont les confdrations syndicales de

    salaris qui sont demandeuses de telles ngociations. Depuis 1965, elles sollicitent le

    CNPF sur plusieurs thmes de ngociations dont l'emploi. Selon Y. Delamotte qui a

    retrac les origines de l'accord de 1969 sur la scurit de l'emploi, c'est le 20 fvrier

    1967 que la CGT et la CFDT dans une lettre commune au CNPF l'invitant la

    ngociation au niveau interprofessionnel, voquent pour la premire fois, au sujet des

    problmes d'emploi, "l'ide d'une action cohrente et de grande ampleur face aux

    problmes poss par la modernisation et la concentration des entreprises" (Delamotte,

    1969). Cependant le CNPF considre que le niveau confdral n'est pas le niveau

    normal de discussion et refuse de ngocier ce niveau. Il faut attendre les vnements

    de mai 1968 et linstauration dun rapport de force plus favorable aux salaris, pour que

    dans le protocole de Grenelle, le CNPF accepte l'ouverture de ngociations au niveau

    interprofessionnel en matire de scurit de l'emploi (Delamotte, 1969).

    Ces ngociations ont donn lieu l'accord interprofessionnel du 10 fvrier 1969 sur

    la scurit de lemploi entre le CNPF et la CGPME dune part et FO, CFDT, CGT,

    CGC et CFTC dautre part. Cet accord instaure des procdures de consultation ducomit dentreprise et des commissions paritaires de lemploi ayant des comptences

    dans le domaine du reclassement et de l'adaptation des salaris.

    Enfin cet enjeu est aussi rvl par la volont des pouvoirs publics de mieux

    apprhender le dveloppement des contrats dure limite, notamment par

    l'amlioration de l'appareil statistique dans le domaine de l'emploi. Les premires

    statistiques sur la part des diffrentes formes de contrats de travail (CDI, CDD) parmi

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    les salaris datent de la fin des annes 70 et du dbut des annes 80 (premire enqute

    acemo du ministre du travail spcifique au CDD en avril 1977, premier recensement

    des CDD dans l'enqute emploi en 1982). Avant 1982, lenqute emploi dcomposait la

    nature de lactivit des salaris selon la frquence de cette activit : rgulire,

    saisonnire ou occasionnelle. La stabilit de lemploi nest plus apprhende par le

    critre de la frquence de lactivit mais par un critre juridique.

    II Reconfiguration des droits

    Face cette mergence du problme de la matrise de la dure du contrat,

    l'intervention du lgislateur de multiples reprises a t dterminante et a aboutit une

    reconfiguration des droits des salaris et des employeurs.

    2.1 La limitation du droit de rupture unilatrale l'initiative de l'employeur

    Le droit du licenciement vise encadrer la libert de rupture unilatrale du CDI de

    l'employeur. La limitation de ce pouvoir a conduit distinguer deux types de motif de

    licenciement : le motif personnel et le motif conomique.

    Dans les deux cas la limitation de la libert de l'employeur a consist instaurer une

    procdure d'information du ou des salaris et leur accorder la possibilit d'exiger d'tre

    informs de la "cause relle et srieuse" du licenciement afin de pouvoir le contester.

    Ces avances ont t obtenues par les lois de 1973 (loi sur le licenciement pour motif

    personnel) et 1975 "loi relative au licenciement pour cause conomique" reprenant les

    principales dispositions de l'accord interprofessionnel de 1969.

    Auparavant la contestation du licenciement pour motif personnel ncessitait que le

    salari prouve le caractre abusif du licenciement. A partir de la loi de 1973, il ne s'agit

    plus de prouver un abus de droit mais de demander l'employeur de justifier l'exercice

    de son droit. Saisi par le salari, le juge apprcie le caractre rel et srieux de la cause

    invoque par l'employeur. Cependant si le juge n'a pas les moyens de contester la

    justification de l'employeur, la charge de la preuve incombe toujours au salari.

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    Le licenciement pour motif conomique bnficie cette poque de protections

    supplmentaires pour les salaris.

    L'accord du 14 octobre 1974 a cr une allocation supplmentaire d'attente dont

    seuls les licencis pour motif conomique bnficient. La loi de 1975 renforce le

    contrle administratif qui s'applique aux licenciements conomiques en systmatisant

    l'autorisation administrative pralable. Cependant lautorisation est accorde dans la

    plupart des cas et elle est supprime en 1986.

    A partir de 1986, il s'agit moins d'empcher les licenciements que d'essayer de les

    prvenir et de grer leurs consquences pour les salaris. Cette tendance est renforce

    par la loi de 1989 "relative la prvention du licenciement et au droit la conversion"

    et celle de 1993 qui concerne le plan social et les mesures de reclassement. La premire

    gnralise les conventions de conversion et instaure le principe de priorit de

    rembauchage. La seconde prcise le contenu minimum du plan social.

    Si ces lois ont rendu plus difficile la possibilit pour les employeurs de se sparer de

    leurs salaris, elles n'ont pas pu empcher les vagues de licenciements massives qui ont

    eu lieu au cours de ces deux dernires dcennies.

    Par ailleurs lobligation lgale de reclassement des salaris est une obligation de

    moyen et non de rsultat.

    Enfin nombre de ces dispositions ne sappliquent pas aux petites entreprises

    commencer par lobligation de plan social qui ne concerne que les entreprises de plus de

    50 salaris. Il en dcoule une incitation rduire la taille des entreprises pour

    contourner ces obligations.

    2.2 L'largissement des possibilits pour l'employeur de limiter la dure de larelation

    La difficult croissante pour les employeurs se sparer de salaris embauchs en

    CDI, a rendu attrayant pour eux le recours un type de contrat qui tait tomb en

    dsutude : le contrat dure dtermine (CDD) qui permet ds sa conclusion d'en fixer

    le terme. Le CDD prend fin l'chance du terme sans que l'employeur ait se

    soumettre aux rgles de la rupture. Les protections attaches au CDI ont invers par

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    rapport au XIXimesicle lintrt respectif du CDD et du CDI par rapport la stabilit

    de lemploi. Cest prsent le CDI qui permet le mieux dassurer la stabilit de

    lemploi.

    En ce qui concerne le problme de la distinction entre CDD et CDI et par

    consquent de l'application ou non du droit du licenciement, la jurisprudence, on l'a vu,

    s'tait dj charge d'apporter des solutions.

    Comme le montre le juriste G. Poulain (Poulain, 1979) la solution du recours au

    lgislateur ne s'imposait pas. Poulain note que le lgislateur avait d'ailleurs refus

    d'intervenir en ce domaine quelques annes auparavant. Il rfute l'argument avanc dans

    l'expos des motifs de la loi de 1979, selon lequel la solution jurisprudentielle serait

    insatisfaisante parce que l'absence de caractre gnral de la jurisprudence entranerait

    la mfiance des salaris comme des employeurs par rapport ce type de contrat. En

    effet les annes qui ont prcd la loi ont vu un fort accroissement du nombre de

    salaris lis par des CDD. Cette rfutation n'est que renforce par lobservation des

    multiples interventions du lgislateur au cours de la dcennie suivante (ordonnances de

    1982 et 1986, lois de 1985 et 1990) qui n'ont pas donn au cours de cette priode un

    caractre plus stable et gnral au rgime du CDD.

    Poulain montre qu'en ralit que le souci du lgislateur est de favoriser un recours

    plus massif ce type de contrat. Il interprte cette loi "donnant notamment une

    dfinition largie du CDD" comme la rponse "une demande pressante du patronat"

    (Poulain, 1979).

    Llargissement de la possibilit de recours au CDD a t permis par cette loi de

    deux manires : par la rhabilitation des contrats dure dtermine terme incertain1

    et par lautorisation du renouvellement des contrats. Selon G. Lyon-Caen (1980), "La

    loi a ainsi coup les ailes la jurisprudence".C'est donc le problme de l'emploi qui est au cur de cette premire loi sur le CDD.

    Cette loi est conue comme un des lments de la politique de lutte contre le chmage

    du gouvernement de l'poque. Selon le ministre du travail dfendant son projet de loi

    devant l'assemble nationale "la bataille de l'emploi impose [] des mesures de

    1La loi distingue en effet deux types de CDD selon la dfinition de leur terme: les CDD conclus de date date, les

    CDD conclus pour une tche dtermine dont le terme correspondant la fin de l'excution de la tche ne peut pastoujours tre connu avec certitude, on parle donc de terme incertain.

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    clarifications nergiques, qui, [il] en est convaincu, auront un effet certain."2Il s'appuie

    alors sur "une estimation du patronat" selon laquelle "le niveau de l'emploi serait

    actuellement de 6 7 % infrieur aux besoins potentiels, et cela en raison des hsitations

    des entreprises". Ces propos illustrent bien la stratgie du gouvernement face au

    chmage travers cette loi sur les CDD, il s'agit de rduire les hsitations qu'ont les

    employeurs embaucher et pour cela de satisfaire toutes leurs revendications. Le fait

    que le ministre ne cite d'autre tude que celle du patronat nous amne nous interroger

    sur les circonstances d'laboration de la loi. Cette loi est-elle fonde sur une pluralit

    dtudes conomiques concluant que l'largissement du recours aux CDD devrait avoir

    des effets positifs sur l'emploi, ou est-elle simplement le rsultat d'une campagne de

    pression du patronat en faveur d'une drglementation du droit du travail ?

    Ce qui est certain c'est que les employeurs ont profit de cette loi pour accrotre leur

    recours aux CDD, sans que l'on puisse observer des effets positifs sur l'emploi. Il n'en

    est pas rsult une baisse du chmage mais une augmentation de la part des CDD dans

    l'emploi.

    A la faveur du changement de majorit politique, le lgislateur par une ordonnance

    de 1982, est cependant intervenu nouveau pour restreindre les possibilits de recours

    ce type de contrats.

    Cette ordonnance affirme le principe selon lequel "le contrat de travail de droit

    commun est le contrat dure indtermine, le recours au contrat dure dtermine

    tant limit des cas o l'emploi pourvu ne prsente manifestement pas un caractre

    permanent"3.

    Plusieurs mesures sont prises dans cet objectif : une liste limitative des cas de

    recours est labore, un seul renouvellement du CDD est autoris, une prime de fin de

    contrat gale 5% des salaires verss est instaure, la dure du contrat est limite entresix mois et un an selon les cas de recours.

    Cependant la liste a t rapidement largie ds 1985 par la mme majorit politique

    puis supprim la faveur d'une nouvelle alternance en 1986. Elle a finalement t r

    instaure en 1990.

    Seule l'ordonnance de 1982 a permis de stopper le dveloppement du recours au

    CDD, mais ce reflux est bref puisque ds 1985 la croissance des CDD repart. Elle ne

    2 JO, Compte rendu des dbats, assemble nationale, sance du 5 dcembre 1978, p. 8837

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    s'arrte qu'au dbut des annes 90. Cependant la loi de 1990 ne semble pas tre la

    principale explication de cette nouvelle dcrue. La reprise de l'emploi puis de la

    rcession pendant cette priode semble plus pertinente pour en rendre compte. Dans un

    premier temps, la reprise de l'emploi qui dure dj depuis quelques annes finit par se

    traduire par une amlioration du pouvoir de ngociation des salaris qui parviennent

    obtenir davantage de CDI. La rcession qui suit renforce cette dcrue des CDD, les

    employeurs commenant rduire leurs effectifs par une diminution du recours aux

    CDD. Mais la rcession de 1993 passe, la reprise de la croissance s'accompagne d'une

    nouvelle hausse du recours au CDD qui n'est stoppe que trs rcemment4par la baisse

    considrable du chmage qui redonne du pouvoir de ngociation aux salaris.

    Si en matire de licenciement, le lgislateur a entrin les avances obtenues par les

    salaris au moyen de la ngociation collective, en ce qui concerne la rglementation du

    CDD, du point de vue des salaris, il est d'abord revenu en arrire par rapport aux

    solutions qui avaient t labores par la jurisprudence, ses interventions successives au

    cours des annes 80 n'ont pas permis d'enrayer le dveloppement du recours au CDD.

    III Consquences et perspectives

    3.1 le cercle vicieux de l'instabilit de l'emploi

    Afin de comprendre les consquences de cette reconfiguration des droits sur la

    dure du contrat de travail, il parat ncessaire de revenir sur le conflit d'intrt entre

    salaris et employeurs au sujet de la dure de la relation de travail qui est aviv cettepoque.

    Il s'agit ici de mettre l'accent sur le rle du dveloppement du chmage dans

    l'mergence de ce conflit. En effet la situation de chmage a pour effet d'allonger la

    dure du contrat dsire par les salaris. Plus le chmage est lev, moins les salaris

    dmissionnent car ils craignent de ne pas retrouver d'emploi. La dure du contrat

    3Ordonnance n82-130 du 5 fvrier 1982.4

    Lenqute emploi de mars 2001 a rvl une baisse du nombre de CDD de 30 000 par rapport mars 2001 soit3,13%.

    Damien Sauze Construction et stabilit du CDI comme norme demploi en France10

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    souhaite par les employeurs ne s'allongeant pas, il se cre un conflit sur la dure du

    contrat. Chacune des parties cherche donc accrotre son pouvoir sur la dure de la

    relation pour imposer la dure qu'elle souhaite l'autre. Or la situation de chmage

    augmente mcaniquement le pouvoir de force des employeurs. On a vu comment la

    premire loi sur les CDD leur a accord plus de libert au nom de la lutte contre le

    chmage. Ils se servent donc plus largement du recours aux CDD pour limiter la dure

    du contrat. Cependant de telles pratiques ont eu pour rsultat d'accrotre le conflit

    d'intrt. En effet non seulement, elles n'ont pas permis de rduire le chmage, mais en

    plus elles ont eu pour rsultat d'augmenter la part des emplois dure limite et par

    consquent l'aspiration des salaris garder leur emploi le plus longtemps possible.

    Tout comme la prsence de chmage, la prsence d'emplois prcaires rend toute

    dmission plus risque.

    Ainsi il est possible que la recherche d'un march du travail plus flexible par

    l'accroissement du pouvoir des employeurs sur la dure de la relation, rende ce march

    plus rigide travers la limitation de la mobilit volontaire des salaris qui en rsulte.

    Il est galement possible que l'augmentation du pouvoir des employeurs sur la dure

    de la relation aggrave le conflit d'intrt d'une autre manire. En limitant ainsi la dure

    d'emploi des travailleurs, les employeurs gnrent des consquences sur les normes de

    consommation de ces salaris.

    L'incertitude des revenus des salaris qui dcoule de ces comportements des

    employeurs, se traduit par une difficult d'accs au crdit et par consquent des

    comportements de consommation plus instables. Cette instabilit se rpercute alors sur

    les carnets de commande des entreprises. Face une augmentation de l'incertitude sur la

    demande, les employeurs sont incits limiter encore plus la dure des contrats detravail.

    3.2 Vers llargissement de la base de la stabilisation ?

    Le problme pos serait donc celui de l'organisation de la mobilit sur le march du

    travail dans un contexte de chmage de masse. On a vu lchec de la stratgie qui

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    consiste accorder plus de libert lemployeur dans la dtermination de la dure du

    contrat.

    Face la remise en cause de lorganisation de la mobilit qui prvalait lors de la

    priode fordiste, on peut sinterroger sur le rle que peuvent jouer les intermdiaires du

    march du travail.

    Cest la mme poque (fin des annes 60) quest cre lANPE et que se

    dveloppent les entreprises de travail temporaire. Le dveloppement du chmage dans

    les annes 70 est un dfi pour ces organisations dont lobjectif commun est de mettre en

    relation offreurs et demandeurs demplois. Cependant ces organisations malgr le

    rapprochement quelles ralisent entre employeurs et demandeurs demplois ne

    garantissent pas un accs permanent lemploi tout leur public.

    Dautres organisations intermdiaires tendent se dvelopper, comme par exemple

    les groupements demployeurs. Ces groupements sont des associations demployeurs

    dont lobjet est dembaucher des salaris qui sont mis successivement la disposition

    des diffrents employeurs adhrents selon un calendrier tabli par lassociation en

    fonction de leurs besoins.

    Le salari dispose dun contrat de travail avec le groupement. Ce contrat peut tre

    dure dtermine ou a dure indtermine. Les salaris sont assurs dtre rmunrs

    quils soient ou non mis la disposition dun adhrent. La mutualisation des emplois

    des diffrentes entreprises doit permettre daugmenter la scurit de lemploi pour les

    salaris. Cependant si ce type dassociations est autoris par la loi depuis 1985, elles

    sont encore peu dveloppes hormis dans le secteur agricole au sein duquel les

    traditions de coopration ont pu constituer un terreau fertile ces groupements. Le

    degr lev de coordination entre les employeurs quexige cette forme de gestion de

    lemploi constitue un frein leur dveloppement. (Sauze, 2000)

    On peut se demander si certaines socits de service aux entreprises ne constituent

    pas elles aussi des intermdiaires du march du travail. En effet certaines de ces

    entreprises, par exemple les SSII (Socit de Service en Ingnierie Informatique),

    emploient des salaris dont la quasi-totalit est mise disposition dautres employeurs.

    Comme dans le cas de lintrim il y a un ddoublement de lemployeur et de

    lutilisateur du travail. Ces socits emploient leurs salaris en CDD ou en CDI et leur

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    garantissent une rmunration quils soient ou non mis disposition dun autre

    employeur.

    Ces deux exemples laissent entrevoir une nouvelle configuration possible de la

    relation salariale dans laquelle le lieu de la stabilisation des travailleurs ne serait plus

    lentreprise mais une organisation intermdiaire du march du travail.

    Dautres propositions amnent aussi considrer un largissement du lieu de la

    stabilisation des travailleurs. La responsabilit de lemploi pourrait tre assume un

    niveau plus large que celui de lentreprise. Il existe dj des rgles de mobilit au niveau

    du groupe. Marie-Laure Morin (2001) propose dtendre ces rgles des ensembles

    dentreprises ayant des relations contractuelles stables.

    Llargissement du lieu de la stabilisation peut aussi se raliser sur une base

    territoriale. Limplication territoriale des groupes peut tre un atout pour la mise en

    uvre des reconversions (Raveyre M., 2001). Cette implication territoriale des groupes

    risque dtre plus largement incite par le projet de loi de modernisation social

    actuellement en discussion au parlement, qui intgre la notion de bassin demploi

    comme lieu dans lequel doivent seffectuer les reclassements des salaris.

    Une telle implication des entreprises dans une gestion territoriale de lemploi

    impliquerait toutefois le dveloppement de ngociation collective territoriale, la

    ngociation de branche ntant pas adapte pour aborder une telle reconfiguration des

    relations entre entreprises (Morin M.-L., 2000). Cependant la ngociation collective ce

    niveau reste encore peu dveloppe.

    Ces diffrentes volutions ou propositions convergent sur lide que pour assurer un

    plus grand degr de stabilit de lemploi, il est ncessaire de dpasser les frontires de

    lentreprise, pour aller vers des ensembles (rseaux) dentreprises, lies par des relations

    contractuelles stables ou par leur appartenance un mme territoire. Cependant lenjeu

    dun tel largissement du primtre de la stabilisation rside dans le contrle que les

    salaris sont en mesure dexercer sur la mobilit lintrieur de ce primtre.

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    La matrise de la dure de la relation salariale est depuis quelques dcennies un

    enjeu majeur de la relation salariale. Le conflit d'intrt sur la dure de la relation qui

    oppose salaris et employeurs s'est jou dans la jurisprudence et la ngociation

    collective, il a galement et surtout t tranch par le lgislateur.

    Il en rsulte que la dure de la relation dpend dsormais davantage des

    employeurs. Les salaris sont de plus en plus confronts des fins de contrat quils

    nont pas souhaites.

    Lorientation de lintervention du lgislateur et certaines pratiques qui commencent

    se dvelopper visent donner des droits aux salaris qui sans viter le licenciement

    leur permettent damliorer la matrise de leur parcours professionnel.

    Ce qui est en cause cest le mode de stabilisation des salaris. Jusqu prsent cest

    lentreprise qui tait le lieu de la stabilisation. Des organisations intermdiaires du

    march du travail, des rseaux demployeurs vont-ils tre en mesure dassumer un tel

    rle ?

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