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MAGAZINE N° 145 DÉCEMBRE 2011 www.poly.fr à Kirrwiller Tomi Ungerer Expo phare pour ses 80 ans José Bové Du Larzac au Parlement européen Vincent Macaigne Le beau cadavre d’Hamlet à La Filature Portrait Renaud Herbin, nouveau directeur du TJP Vegas

Poly n°145 Décembre 2011

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Poly, le magazine où la culture se cultive !

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Tomi UngererExpo phare pour ses 80 ans

José BovéDu Larzac au Parlement européen

Vincent MacaigneLe beau cadavre d’Hamlet à La Filature

PortraitRenaud Herbin, nouveau directeur du TJP

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BRÈVES

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BE BRaVESamuel Rousseau investit l’espace du CEAAC jusqu’au 12 février 2012. Connu en Alsace pour le projet monumental Helioflore, installation étincelante aménagée sur les parois du château d’Andlau, l’artiste élit cette fois domicile à Strasbourg. L’espace d’exposition lui sert de labo où sont rassemblées dif-férentes pièces dont Brave old new world, présentée en 2011 pour le prix Marcel Duchamp, mêlant sculpture et vidéo. www.ceeac.org Brave old new world © G. Wagner

commEau cinémaSi Silvi Simon fait des films, elle aime aussi les défaire et en interroger le mode de fabrication. À La Chambre (Strasbourg), du 9 au 18 décembre et du 4 au 22 janvier, elle donne corps au cinéma, matérialisant l’image dans l’espace et dans le temps, investissant l’interstice entre projecteur et écran. Filmatruc en construction est le nom de cette expo / installation peu com-mune qui nous fait entrer dans les entrailles du ciné. Quand fiction et réalité ne font plus qu’un…www.la-chambre.org Silvi Simon, Filmatruc à verre n°2, oiseau, 2010

Sophie Zazzeroni : Miss Panda

PEndEz-lE haut Et couRt1953. Deux maîtres du design, Charles et Ray Eames, conçoivent une patère dont le succès ne sera jamais démenti. Preuve avec ces trois modèles – en édition limitée – qui revisitent l’esthétique de l’objet original, sans pour autant en changer les principes fondamen-taux : une armature en fils d’acier soudés, surmontée de boules de plastique. Hang it all est le nom évoca-teur de ce standard, et il faut dire qu’on accroche bien ! Distribués jusqu’en février seulement et disponibles au magasin le Fou du roi, à Strasbourg. www.fouduroi.org

million dollaR BaBy Vous pensiez que seules les cimaises de votre salon étaient dignes d’accueillir des œuvres d’art ? Baby Art Shop prend cette idée à rebrousse-poil : cette galerie strasbourgeoise à destination des – petits et grands – enfants rassemble des œuvres signées Ourida Dif, Sophie Zazzeroni, Ana Gabriela Moreno Campos, Virginie Van Den Bogaert ou encore Marina Jolivet. Univers mul-tiples, esprit ludique, ces créations devraient faire ger-mer l’imaginaire de nos graines d’artistes…www.babyartshop.fr

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C’EST UN NOËL TRÈS DESIGN.

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8 quai Kellermann 67000 Strasbourg – tél. 03 88 23 16 235 rue du Commerce 67202 Wolfisheim – tél. 03 88 78 22 26

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BRÈVES BRÈVES BRÈVES

En 1855, Le rail manquant compromet l’inauguration de la ligne de chemin de fer, pa-roxysme de la modernité, qui doit desservir la commune de Soultz-sous-Forêts. L’enquête est ouverte, promettant bien vite d’être riche en rebondis-sements. Avec cette pièce de théâtre, Gilles Chavanel donne à l’Histoire des sonorités lo-cales, mêlant marche collective et parcours individuels. Les co-médiens fouleront les planches de La Saline, les dimanche 4, 11 et 18 décembre, à 17h.www.la-saline.com

déSéquiliBREIntérieur Nuit, c’est le récit d’une introspection minu-tieuse et obsessionnelle (au Théâtre de Hautepierre, les 13 et 14 janvier 2012). Celle d’un homme évoluant dans un espace confiné, amené à éprouver la solitude et ses implications. À la confluence de la vidéo, de la danse et de la performance, l’audacieuse scénographie, fruit de la collaboration de Jean-Baptiste André, Jacques Bertrand et Christophe Sechet, sert efficacement le propos, bouscu-lant les repères sensoriels du spectateur et le conduisant à revisiter sa perception de l’espace et du temps. www.lesmigrateurs.org

tRaVail d’oRfÈVRELes ateliers strasbourgeois de Sarah Lang et de Série-K, spécialisés en graphisme et en sérigraphie, accueillent dans leur espace d’expo quatre créateurs de bijoux à la croisée du design et du savoir-faire artisanal : les pièces en argent d’Olfie, ancienne collaboratrice des maisons Dior et Cartier, côtoient celles en bois peint présentées par Natha-lie Rolland Huckel. De leur côté, Hirn et Herz (voir photo) revisitent avec talent des motifs issus de la culture visuelle moderne alors que Starpunch réalise l’alliance originale des influences fifties et extrême-orientales. Un bel éventail de la jeune création contemporaine, à découvrir jusqu’au 17 décembre.www.ateliersarahlang.fr – www.serie-k.fr

un hommE ExtRaoRdinaiREJP Nataf (en concert vendredi 9 décembre, aux Sheds de Kingersheim et samedi 10 décembre, au Cheval Blanc de Schiltigheim), ex-chanteur des Innocents, mêle, en solo, pop façon Beatles (il est fan) et chanson française à la Nino Ferrer (dont il a repris le Oh ! Hé ! Hein ! Bon !). Pour ce barbu et lunettu, la musique est un sacerdoce et la scène son terrain de prédilection. À découvrir !www.ville-schiltigheim.fr – http://noumatrouff.fr

la ViE du Rail

C’EST UN NOËL TRÈS DESIGN.

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8 quai Kellermann 67000 Strasbourg – tél. 03 88 23 16 235 rue du Commerce 67202 Wolfisheim – tél. 03 88 78 22 26

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> 11 décembre 20112 lignes TGV se croisent à Strasbourg

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Ville et Communauté urbaine1 parc de l’Étoile67 076 Strasbourg Cedex - France

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> 11 décembre 20112 lignes TGV se croisent à Strasbourg

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Ville et Communauté urbaine1 parc de l’Étoile67 076 Strasbourg Cedex - France

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européenneBRÈVES

Jusqu’au 11 décembre, le Frac Alsace (Sélestat) expose le travail de Chantal Michel, artiste suisse qui se met en scène dans des photos et vidéos, des œuvres à l’étrangeté saisissante où il est question de corps et de féminité. Les photographies expo-sées, natures mortes ou portraits, sont autant de références à la peinture. Et ses vidéos, présentées dans l’obscurité, autant d’invitations à l’égarement. Pour mieux se familiariser avec son univers, la plasticienne – qui nous convie à une performance, mardi 6 décembre, à 20h au Frac – propose une sélection de vidéos à Pôle Sud (Strasbourg) les soirs de spectacle (jusqu’au 13 décembre). www.culture-alsace.org − www.pole-sud.fr

aRtiStE ch. autRE aRtiStEPartenaires particuliers, expo présentée au Crac Alsace (du 4 décembre au 29 avril), conçue par Sophie Kaplan et la plasticienne Virginie Yassef, interroge la notion de signature artistique et s’emploie à rentrer dans le secret de fabrication des œuvres. Fischli & Weiss, Clédat & Petitpierre (voir photo), Philippe Quesne & Vivarium Studio… Un large panorama de la création contemporaine est présenté à Altkirch selon une muséographie qui connecte audacieusement les différents travaux entre eux. www.cracalsace.com

lE couP dE BamBouOn y trouve Pêle-Mêle bijoux, mobilier et objets vintage, figures de proue et nouvelles têtes de la planète design. Ce lieu situé rue des veaux à Strasbourg, entre galerie, espace d’expo et boutique, rassemble un heureux melting-pot de tendances. Nouvelles découvertes : Sengtaï (voir visuel) et Coco&Co édition. Les pre-miers conçoivent des meubles en bambou, rehaussés de lignes colorées qui leur confèrent un esprit contemporain, les seconds fabriquent des luminaires épurés et fonctionnels. www.pelemele.eu

lE ciné PREnd l’o… dySSéEMais qui donc va reprendre le cinéma de la Ville de Strasbourg, L’Odyssée ? Au bout de longs mois de discussions, réflexions et coups de théâtre, il semblerait que la municipalité ait tranché parmi les différents candidats. L’heureux élu ? Les Rencontres cinématographiques d’Alsace… association qui gère actuellement la salle. Réponse définitive jeudi 8 décembre au Conseil Municipal, sauf nouveau rebondissement. www.cinemaodyssee.com

fEmmE, fEmmE, fEmmE

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lE GoSPEl du cŒuR Fondé par José-Geraldo de Lima, les Elijah’s Gospel Sin-gers explorent un répertoire oscillant entre tradition et modernité… puisque José compose lui-même des spiri-tuals tels Sing sing ou Over yonder. Et comme sa devise est « Là ou il y a un petit souffle de vie, il y a un grand espoir », il n’hésite jamais à se mettre au service des justes cause. À découvrir en l’Église Saint-Thomas (Strasbourg), samedi 17 décembre à 17h dans un concert au profit de l’ARAME, Association régionale d’action médicale et so-ciale en faveur d’enfants atteints d’affections malignes.http://elijahsgospelsingers.free.fr

Vol dE chauVES-

SouRiSFin d’année joyeuse à Strasbourg (du 10 au 27 décembre puis à Mulhouse, du 4 au 8 janvier 2012 et Colmar, le 20 janvier 2012) et Nancy (du 18 au 31 décembre) puisque l’Opéra national du Rhin et l’Opéra national de Lorraine proposent chacun une production de l’opérette de Johann Strauss, La Chauve-souris. Que la fête commence ! www.operanationaldurhin.eu www.opera-national-lorraine.fr

faSt faSt foodUne envie subite de vous enfiler, vite fait, bien fait, un burger, classique ou insolite ? Ne cherchez plus ! Speed Burger, chaîne de fast-food fraîchement entrée sur le marché, ouvre une enseigne, quai de Paris, à Strasbourg. Tenez-vous bien : le restaurant a développé une gamme de succulents sandwiches élaborés à partir… de standards de la gastronomie française. Pour Noël, goûtez le Merry Burger (voir image) avec ses aiguil-lettes de canard au piment d’Espelette. Livraison à domicile possible… www.speed-burger.com

cEci n’ESt PaS qu’un PaRaPluiEPhilippe Starck, qui a aménagé la Maison Baccarat à Paris en 2003 et dessiné la collection Darkside en 2005, a récemment créé le lustre Marie Coquine (140 cm de hauteur et 110 cm de largeur). Mariage insensé d’un luminaire classique en cristal clair et… d’un parapluie, il s’agit d’un objet luxueux et doucement surréaliste, à découvrir à Strasbourg, 4 rue des Hallebardes. Magritte aurait adoré. www.baccarat.fr

© Jutta Missbach

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En 1955, le sociologue Pierre Bourdieu s’embarque pour l’Algérie afin d’y effectuer son service militaire. Il découvre un pays miné par la guerre et décide, armé de son appareil photo 6X6, de collecter des clichés d’une société en pleine mutation. Les belles Images d’Algérie, exposées à la galerie strasbourgeoise Stimultania jusqu’au 12 février 2012, témoignent d’un sens aigu du cadrage et de l’observation et d’une volonté de faire de la photographie (en noir et blanc) un outil de travail.www.stimultania.org

h.i.c. À ShoPPER Accessoires homemade ou pièces vestimentaires stylées… Pour Noël, faites (vous) des cadeaux ori-ginaux, loin des grandes enseignes, à la boutique éphémère et nomade Hic & Nunc Store. Une di-zaine de jeunes créateurs seront représentés durant trois week-ends à Strasbourg : les 3 & 4 et les 10 & 11 décembre à La Boutique (10 rue Sainte-Hélène) et les 16, 17 & 18 décembre à L’Atelier (1 rue d’Andlau). À découvrir : les corsets d’Aurélie Poret, les bijoux en porcelaine d’Alexandra François ou les pochettes d’Allo ici Sab (voir photo)… www.hicetnunc-store.com

faut PaS décalER !Danse, théâtre, cirque, marionnettes, magie… Riche programme que celle de la quatrième édition du festival Décalages (du 17 au 28 janvier 2012), orga-nisée par Les Scènes du Nord. Sept structures cultu-relles du Nord de l’Alsace accueilleront ainsi artistes et troupes pour célébrer les arts du spectacle vivant. On retient, entre autres, la présence des Compagnies (dé)battements (théâtre gestuel), azHar (marion-nettes) ou Dorina Fauer (danse, voir photo). www.scenesdunord.fr

JERu maRiE JoSEPhPelpass a beau se présenter comme une simple “association de troubadours fan-faro’disco’hip’rock qui vend des crêpes”, elle nous concocte de sacrés concerts… Mardi 13 décembre, Pelpass propose le show de Jeru the Damaja en guise de cadeau de Noël (pour 8 € à peine, avec également les groupes 1995 et Ancient Mith), au Molodoï. Géant du hip-hop US, proche de Gang Starr, l’auteur du grand classique Come Clean fera souffler un vent new-yorkais sur Strasbourg. Ambiance bang bang garantie. www.molodoi.net – www.pelpass.net

la Photo ESt un SPoRt dE comBat

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THÉÂTRE, DANSE / SUISSE

GINAD’EUGÉNIE REBETEZ

JEU 12 + VEN 13 JANVIER / 20H30REITHALLE OFFENBURG

EN CO-RÉALISATION AVEC LE KULTURBÜRO OFFENBURG

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SommaiRE

20 cinq questions à José Bové, défenseur de “l’esprit du larzac” au Parlement européen

22 Portrait de Renaud herbin, nouveau directeur du tJP

24 le Rêve de Van Gogh, première application pour iPad en forme de livre d’art 3.0

27 Reportage au Royal Palace, cabaret de renommée mondiale installé à Kirrwiller

30 l’ososphère se pose à la laiterie pour une nuit electro

36 interview avec les Peeping tom autour d’À louer, leur dernier spectacle présenté par Pôle Sud

38 tomi et ses maîtres, l’exposition dédiée à ungerer pour ses 80 ans

44 Pour Regionale 12, rendez-vous transfrontalier d’art contemporain, le jeu s’installe à la Kunsthalle de mulhouse

56 un regard sur les photos de Patrick Bailly-maître-Grand et laurence demaison exposées à la filature

72 noël et la gastronomie

80 Kilo, la nouvelle boule de noël design de meisenthal

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« Royal Palace, c’est Las Vegas en pleine Alsace, c’est la cerise au kirsch sur le gâteau. » La chanson diffusée à la fin du nouveau spectacle du cabaret de Kirrwiller, Crescendo, résume bien l’esprit de cet établissement qui attire les artistes et le public du monde entier… faisant exploser Google après chaque reportage télé. L’article (voir page 27) que nous lui avons consacré dans Poly fera-t-il sauter les moteurs de recherche ?www.royal-palace.com

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THÉÂTRE, DANSE / SUISSE

GINAD’EUGÉNIE REBETEZ

JEU 12 + VEN 13 JANVIER / 20H30REITHALLE OFFENBURG

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PMC Salle ÉraSMe - 20H30

• Jesus lopez Cobos direction

• Adam Laloum piano

revueltaSSensemaya

DebuSSyFantaisie pour piano et orchestre en sol majeur

FranCkSymphonie en ré mineur

JEUDI 15 & VENDREDI 16 DÉCEMBRE

OrchestrePHILHARMONIQUE DE STRASBOURGORCHESTRE NATIONAL

SAISON 2011>2012experts-comptables

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Capitale

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Renseignements : 03 69 06 37 06 / www.philharmonique.strasbourg.euBilletterie : caisse OPS entrée Schweitzer du lundi au vendredi de 10h à 18h Boutique Culture, 10 place de la cathédrale du mardi au samedi de 12h à 19h

www.poly.fr

RÉDACTION / [email protected] – 03 90 22 93 49

Responsable de la rédaction : Hervé Lévy / [email protected]

RédacteursEmmanuel Dosda / [email protected] Flagel / [email protected]ée Lachmann / [email protected] rédaction / Sébastien Meyer

Ont participé à ce numéroClaire Perret, Geoffroy Krempp, Éric Meyer, Pierre Reichert, Laure Roman, Irina Schrag, Daniel Vogel et Raphaël Zimmermann

GraphistesPierre Muller / [email protected]ïs Guillon / [email protected]

MaquetteBlãs Alonso-Garcia en partenariat avec l'équipe de Poly

© Poly 2011. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. Tous droits de reproduction réservés. Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs.

ADMINISTRATION / PublICITÉDirecteur de la publication : Julien Schick / [email protected]

Co-fondateur : Vincent Nebois / [email protected]

Administration, gestion, diffusion, abonnements : 03 90 22 93 38Gwenaëlle Lecointe / [email protected] Hemmendinger / [email protected]

Publicité : 03 90 22 93 36Julien Schick / [email protected] Prompicai / [email protected] Nebois / [email protected]

Magazine bimestriel édité par BKN / 03 90 22 93 30S.à.R.L. au capital de 100 000 e16 rue Édouard Teutsch – 67000 STRASBOURG

Dépôt légal : décembre 2011SIRET : 402 074 678 000 44 – ISSN 1956-9130Impression : CE

COMMuNICATIONBKN Éditeur / BKN Studio – www.bkn.fr

OursListe des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert)

Photo de Stéphane Louis

dorothée lachmann (née en 1978)Née dans le Val de Villé, mulhousienne d’adop-tion, elle écrit pour le plaisir des traits d’union et des points de suspension. Et puis aussi pour le frisson du rideau qui se lève, ensuite, quand s’éteint la lumière. [email protected]

Emmanuel dosda (né en 1974)Il forge les mots, mixe les notes. Chic et choc, jamais toc. À Poly depuis une dizaine d’années, son domaine de prédilection est au croisement du krautrock et des rayures de [email protected]

Stéphane louis (né en 1973)Son regard sur les choses est un de celui qui nous touche le plus et les images de celui qui s’est déjà vu consacrer un livre mono-graphique (chez Arthénon) nous entraînent dans un étrange ailleurs.www.stephanelouis.com

léna tritscher (née en 1989) Issue des industries graphiques, jeune

photojournaliste, Léna apprécie tous les aspects de son métier, du reportage au por-trait. Elle aime faire des images et écrire…

www.lenatritscher.fr

thomas flagel (né en 1982)Théâtre moldave, danse expérimentale, graffeurs sauvages, auteurs algériens… Sa curiosité ne connaît pas de limites. Il nous fait partager ses découvertes depuis trois ans dans [email protected]

Pascal Bastien (né en 1970)Libération, Télérama, Le Monde… et Poly : Pascal Bastien est un fidèle de notre magazine. Il alterne commandes pour la presse et travaux personnels.www.pascalbastien.com

Benoît linder (né en 1969)Cet habitué des scènes de théâtre et des plateaux de cinéma poursuit un travail d’auteur qui oscille entre temps suspen-dus et grands nulles parts modernes.www.benoit-linder-photographe.com

ouRS

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aBonnEmEnt Poly est un magazine gratuit. Mais pour le recevoir, dès sa sortie, abonnez-vous.

5 numéros 20 �

10 numéros 40 �Envoyez votre règlement à Magazine PolyService abonnement 16 rue Teutsch 67 000 Strasbourg

FlASHEz ET RETROuvEz

POly.FR

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PMC Salle ÉraSMe - 20H30

• Jesus lopez Cobos direction

• Adam Laloum piano

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DebuSSyFantaisie pour piano et orchestre en sol majeur

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JEUDI 15 & VENDREDI 16 DÉCEMBRE

OrchestrePHILHARMONIQUE DE STRASBOURGORCHESTRE NATIONAL

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Capitale

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Renseignements : 03 69 06 37 06 / www.philharmonique.strasbourg.euBilletterie : caisse OPS entrée Schweitzer du lundi au vendredi de 10h à 18h Boutique Culture, 10 place de la cathédrale du mardi au samedi de 12h à 19h

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16 Poly 145 Décembre 11

Alors que la traduction française du volume 15 de Walking dead, saga phé-nomène de Rick Kirkman et Charlie

Adlard, est annoncée pour février (chez Del-court) et que la diffusion de la saison 2 de la série TV adaptée de la BD vient de débuter aux États-Unis (11 millions de téléspectateurs pour le premier épisode), on ne peut que s’interro-ger sur la place du zombie dans la société ac-tuelle. Venu en droite ligne du vaudou haïtien, il est une des rares mythologies nées au XXe siècle. Il a été médiatisé par l’épopée cinéma-tographique de George A. Romero qui débute en 1968 avec The Night of the living dead.

les zombies, la crise et noël

édito

« Le mort-vivant, c’est la phase terminale de l’humain. (…) Pour Romero, c’est une façon de dire non pas “regardez ce que l’homme, au fond de lui, a toujours été”, mais “observez ce qu’il est en train de devenir” », écrivait Jean-Sébastien Chauvin dans Les Cahiers du Ciné-ma en 2001. Attaque politique contre la vision du monde made in USA, refus du racisme, critique violente de la consommation… Dans les différents volets – Day of the dead, Land of the dead, etc. – les créatures de Romero possèdent une puissante charge symbolique. Nous sommes en effet tous en train de devenir des êtres errant entre la vie et la mort : pour le constater, il suffit d’observer les yeux vitreux et la démarche saccadée des joyeux touristes arpentant les allées bondées des différents marchés de Noël. Tous aux abris, une horde de zombies coiffés d’un bonnet de Santa Claus clignotant va se ruer sur l’Alsace !

Reste qu’en ces temps de crise, l’allégorie s’est renversée : dans Walking dead, les héros ne sont plus les morts-vivants, ce sont bien les humains (avec leurs histoires de cœur et de cul en pleine catastrophe mondiale) qui ten-tent désespérément de s’en sortir. Le parallèle avec un autre survival, plus intime et émou-vant celui-la, La Route de Cormac McCar-thy, est évidemment tentant. Le zombie n’est plus qu’une métaphore de la menace mul-tiforme qui pèse sur l’humanité – effondre-ment économique, catastrophes écologiques, attaques terroristes… – et une incarnation des angoisses contemporaines. Il fait tapisserie. Tapisserie effrayante, mais tapisserie quand même, vidé qu’il est de tout sens. Très loin du mort-vivant old school, son homologue contemporain n’est donc plus qu’un élément du décor qu’on explose à coups de flingue ou de hache dans de grands flots cracra d’hémo-globine. Cette inversion symbolique est le signe inquiétant d’une société malade, repliée sur elle-même, dans laquelle chacun ne pense plus qu’à lui, oubliant les combats collectifs essentiels.

Par Hervé LévyIllustration signée Éric Meyer pour Poly

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La Folie des sapins

NOËL AU MUSÉE • EXPOSITIONS • CONCERTS • DÉCOUVERTES

MUSÉE DE LA FOLIE MARCO • 30 RUE DU DR SULTZER • BARR

EXPOSITIONSLe Sapin : des regards neufs, variés et personnelsC’est au Musée de la Folie Marco que l’association «la Cigogne à Tiroirs» et «les

Artistes Barrois» sont invitées à exposer durant les trois week-ends du marchéde Noël. De manière classique ou abstraite, chacun a exprimé sa sensibilité

avec différentes techniques de peinture ou de sculpture. Des illustrations,des formes abstraites ou contemporaines permettent ainsi de voir le

sapin sous un autre jour.

Un sentier photographiqueDepuis la place de l’Hôtel de Ville, une vingtaine de photographies

permettra aux visiteurs de découvrir le sapin sous d’autresregards.

PERFORMANCEARTISTIQUE

Dans la cour du musée, juste à côté du parc arboré, vous découvrirezle monumental sapin de Jean-Jacques Rath, ferronnier d’art : six mètres de haut pour une installation pleine d’originalité. Ses branches accueillent des socles arborant fièrement sculptures et

peintures extérieures.

ANIMATIONS MUSICALES• Samedi 3, 10 et 17 décembre à 16h, 16h30 et à 17h :

Spectacle de danse «WORMS» • Dimanche 4 décembre à 15h : Concert

• Dimanche 11 décembre 2011 : Concert• Dimanche 18 décembre 2011 à 16h: Spectacle de la Compagnie Art’Thémis

BARRDE 14H À 18H • ENTRÉE LIBRE

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18 Poly 145 Décembre 11

liVRES – Bd – cd – dVd

En 208 pages, près de 800 photos et bon nombre de documents d’archives inédits, le wissembourgeois Ambroise Perrin (ancien journaliste à FR3 devenu administrateur du Groupe Socialiste européen) et l’alsacienne d’adoption Irena Tatiboit (ancienne danseuse à l’Opéra de Varsovie, créatrice de Carré d’Art) content les diverses péripéties de “l’événement du XVIIIe siècle” : le mariage à Stras-bourg, le 16 août 1725, d’une prin-cesse étrangère et du roi de France... L’on découvre le quotidien de Maria Leszczynska, polonaise quittant sa résidence de Wissembourg pour vivre à Versailles, chez son époux Louis XV. Mêlant habilement histoire et enquête sur le mode du feuilleton, l’originalité de l’ouvrage réside en son mélange de danseurs, musiciens ou comédiens replacés dans des décors d’époque, et inversement. (D.V.)

Paru aux éditions Bourg Blanc, à Schiltigheim (32 e)www.editionsbourgblanc.com

dERRiÈRE lE muR dE BRiquESEncore une trouvaille des éditions strasbourgeoises La Dernière Goutte. En sept nou-velles, traduites du hongrois et réunies dans ce recueil, l’in-croyable diversité de plume de Tibor Déry (1894-1977) nous submerge et nous emporte. L’insurgé de 1956 à Budapest, emprisonné pour ses mérites, dépeint le quotidien des sans-le-sou, l’écrasement de l’usine ou encore les bassesses hu-maines avec une douceur effi-lée et une justesse tranchante. Le mur de briques entourant l’usine de la nouvelle donnant son titre au livre n’est pas sans rappeler celui de Sartre : mur des consciences en chacun de nous mais aussi brutalité concrète d’un système carcéral. Dans un réalisme truculent, l’auteur use d’une savou-reuse ironie pour dévoiler les preuves d’amour fraternelles, les postures de résistance et l’imagination débordante de gens ordinaires vivant au cœur d’un communisme moribond, peu enclin à tolérer la contra-diction et, finalement, à placer l’homme en son centre. (T.F.)

Paru aux éditions la dernière Goutte (18 e)www.ladernieregoutte.fr

Avec cet ouvrage, Jean-Noël Grand-homme, Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg, entraîne son lecteur sur les mers en compagnie des Mal-gré Nous alsaciens et mosellans de la marine. Des redoutables U-Boote aux immenses destroyers, de l’Océan atlantique à la Mer Égée, voilà d’éton-nantes odyssées. Les nombreux témoignages et documents d’archive (agrémentés d’une riche iconographie, le plus souvent inédite) se mêlent en effet dans un livre passionnant qui met en lumière un aspect des plus mécon-nus de l’histoire du deuxième conflit mondial dans notre région. Certains, par exemple, sont “volontaires” pour embarquer afin d’éviter d’aller mourir sur le front russe et retarder le plus possible le moment du combat : dans la Kriegsmarine, les périodes de for-mation sont plus longues que dans l’infanterie… Ce sont ces stratégies et

bien d’autres – des actes de résistance à l’engagement idéologique – qu’ex-plorent quelque 400 pages très docu-mentées et fort bien écrites. (H.L.)

Paru à la nuée Bleue (25 e) www.nueebleue.comRencontre avec l’auteur à la librairie Kléber (Strasbourg) samedi 17 décembre à 11 hwww.librairie-kleber.com

lES malGRé nouS dE la KRiEGSmaRinE

il faut maRiER

maRia

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hERmEtic dEliGht

Le saviez-vous ? Une curieuse faune se meut dans nos villes une fois nos paupières et nos volets fermés. Et pas que les chats (tous gris, forcément), les papillons (de nuit, logique) et les oiseaux (idem). Durant notre sommeil, chats domestiques, bufo bufo (des crapauds, comme on l’apprend dans les pages “pédagogiques” de la fin du bouquin) ou pipistrelles (chauves-souris) se livrent à un étrange ballet nocturne, entre chasse urbaine et partie de cache-cache dans les rues et les squares. Bestioles grignotant les câbles des voitures ou fouillant dans

les poubelles… voici tout un remue-ménage(rie) que la chouette, haut perchée, observe de ses grands yeux scintillants. Réalisé par les strasbour-geois Stéphanie Baunet (textes) et Claude Grétillat (illustrations), Safari nuit évoque à la fois les photomon-tages de Max Ernst et les silhouettes animales d’Enzo Mari, Les Fables de La Fontaine vues par Gustave Doré et une Nuit du chasseur transposée au cœur de la cité. (E.D.)

le baron perché, dès 4 ans (16 e)www.editionslebaronperche.com

Le crapaud, confus, attrape la lune tombée dans la mare.

quinzE JouRS En RouGE Après une aventure de Sherlock Holmes dont le cadre était l’Al-sace (voir Poly n°130), Jacques Fortier récidive… Cette fois, le journaliste des DNA ne met pas en scène le personnage de Sir Arthur Conan Doyle, mais Jules Meyer, un jeune garçon, croisé dans le roman précédent, qui a maintenant vingt ans. L’hommage cependant est clair puisque notre détective en herbe a des méthodes des plus holmésiennes ! Le lec-teur est transporté en novembre 1918, pendant l’éphémère soviet de Strasbourg : dans ces circons-tances troubles, notre héros, troublé lui-même par deux jeunes femmes, devra élucider le meurtre d’un professeur de harpe. Dans cette intrigue à rebondissements multiples – qui montre que l’auteur est un fin connaisseur de l’univers musical – se croisent soldats mutins, Alsaciens bon teint et Russes blancs ou rouges. Le livre se lit d’une traite et vaut autant pour les mécanismes (poli-ciers et autres…) qu’il développe que pour la description historique scrupuleuse d’une période ou-bliée, où le drapeau rouge flottait sur la Cathédrale… D’ailleurs c’est Jules Meyer qui l’y a hissé. (H.L.)

Paru au Verger dans la collection “les Enquêtes rhénanes” (9,50 e) – www.verger-editeur.fr

Ne pas se fier aux apparences. Si, sur la pochette, les choses sont bien ran-gées, à plat, ordonnées, les six titres du premier (mini) album d’Hermetic Delight s’avèrent bouillonnants, dés-tructurés, hirsutes. On songe à une collaboration hypothétique entre des Pixies supra énervés et une PJ hargneuse. La voix perçante de Zey K. (attention les tympans), les guitares tranchantes (attention les doigts) et

la batterie qui marque le rythme (très soutenu), mêlées dans une urgence punkoïde, composent le disque de ce jeune quintet strasbourgeois, balan-çant ses riffes et criant sa rage. Hermetic déboîte. (E.D.)

Universe Like Thousands of Red Alternatives (6 e, en vente sur le site du groupe) – http://hermeticdelight.com

En concert jeudi 15 décembre à metz (Péniche lucarne)tournée en turquie début 2012

SafaRi nuit

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josé bovéDéputé européen depuis 2009, l’ex-faucheur d’OGM et démonteur de fastfood s’est-il assagi ? Pas tant… Au sein d’Europe Écologie-Les Verts, il a toujours l’ambition de faire souffler “l’esprit du Larzac” sur l’hémicycle. Rencontre avec un loup altermondialiste dans la bergerie libérale.

cinq quEStionS À…

Par Hervé LévyPhoto de Benoît Linder pour Poly

Tous au Larzac est sorti mercredi 23 novembre dans les salles

Pour en savoir plus, on lira Du Larzac à Bruxelles, un long entretien avec Jean Quatremer, correspondant de Libération auprès de l’Union européenne, paru au Cherche midi en février www.cherche-midi.com

www.jose-bove.eu

Alors que sort un documentaire, Tous au Larzac, que reste-t-il du combat que vous avez mené au début des an-nées 1970 ? Cette histoire parle encore aux gens. Même si le mouvement à proprement parler n’a duré qu’une dizaine d’années là-bas, il ne s’est pas achevé en 1981, lorsque François Mitterrand a décidé d’annuler l’extension du camp mi-litaire. Le Larzac est devenu le symbole de la mobilisation des citoyens face au pouvoir de l’Armée et de l’État. Ce combat du pot de terre contre le pot de fer a ouvert un espace de résistance nouveau, devenant la matrice des luttes futures, celles contre la mondialisation – le démontage d’un Mac Do – ou contre les OGM. Le Larzac illustre le présent et donne de l’espoir à des jeunes – pas encore nés au début des années 1980 – qui ont appris à ne jamais renoncer à leurs idéaux… Ce n’est pas parce que tout est ligué contre vous et que vous êtes tout petit qu’il faut baisser les bras !

Qui porte aujourd’hui cet “esprit du Larzac” ? Les Indignés ? Le Parti pi-rate ? Le Larzac n’est pas un label. Tous peuvent s’en revendiquer librement… Les deux mou-vements que vous citez sont de bons exemples. Si les Pirates ont fait des résultats intéressants dans les urnes en Allemagne, c’est peut-être parce que les écolos sont devenus mous du genou en s’institutionnalisant. Ce type d’ini-tiative, qui n’est lié à rien, ni à personne et n’est tributaire d’aucun accord électoral, est salutaire. Ces mouvements montrent que cer-tains ont dépassé le stade du ras-le-bol non constructif pour aller plus loin. Les cadrer ou vouloir les récupérer politiquement n’a pas de sens. Ce qui compte est qu’ils posent les bonnes questions, qu’ils bousculent le ronron

des institutions traditionnelles. D’une certaine mesure, en effet, ils sont tous les héritiers du Larzac.

Vous êtes aujourd’hui vice-président de la Commission de l’agriculture et du développement rural du Parlement européen alors que vous avez long-temps combattu la politique agricole commune. Avez-vous souhaité deve-nir député européen pour faire entrer l’esprit du Larzac dans l’institution ? J’ai voulu continuer le combat d’une autre manière : pour moi, la politique n’est pas un métier, mais un engagement. Un exemple concret de mon action ? L’année passée, nous avons réussi à montrer que la présidente de l’Autorité européenne de sécurité des aliments était aussi membre de la direction d’un des plus importants lobbys agro-alimentaires ras-semblant les entreprises les plus puissantes du secteur.

Quelle est votre Europe rêvée ? Je m’étais battu de manière très claire pour le “non” au traité constitutionnel : il ne s’agissait pas de s’opposer à l’Europe, mais de lutter contre l’Europe des marchands et contre l’Eu-rope qui déshumanise. La situation actuelle me fait dire que j’avais raison sur le fond en dénonçant les institutions économiques et financières et la façon dont les États font face à la crise. On le voit de manière caricaturale avec ce qui se passe en Grèce et en Italie où sont nommés, à la tête des gouvernements, les anciens des Banques centrales ou de Goldman Sachs ! C’est ça la solution à la crise ? C’est du grand n’importe quoi ! La seule possibi-lité aujourd’hui est un surcroît d’Europe, une Europe sociale écologique et solidaire !

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Les politiques, qu’ils soient à l’UMP ou au PS, se servent de l’écologie lorsque ça les arrange, pour appâter l’électeur

Pensez-vous que l’écologie sera au cœur de la campagne présidentielle à venir en France ? Elle s’y trouve déjà, et de manière frontale, même si je ne sais pas, aujourd’hui, sur quoi cela va déboucher. Lorsque j’entends le can-didat du Parti socialiste parler du nucléaire et avouer, sans honte, qu’il a pris ses ordres chez Areva et EDF avant de prendre position, cela me paraît invraisemblable. Je suis choqué qu’il n’apparaisse pas de manière évidente à tous les politiques que, plus que jamais, les questions d’écologie, de réchauffement cli-matique ou d’énergie doivent être au centre

du débat. Prenez le Grenelle de l’environ-nement : la discussion entre les partenaires a été correcte et c’était tout à l’honneur de Sarkozy de l’initier. Mais à un moment, la contradiction a été totale entre cette volonté écologique et la réalité des lobbys industriels, le poids de tous ceux qui n’acceptent pas que les choses changent. Deux ans après Sarkozy a dit, en résumé : « L’écologie, ça commence à bien faire. » Aujourd’hui, les politiques, qu’ils soient à l’UMP ou au PS, se servent de l’écologie lorsque ça les arrange, pour appâter l’électeur. Ça a un nom : le green washing…

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un homme (pas) presséMarionnettiste à la ligne artistique plutôt “expérimentale”, Renaud Herbin vient d’être désigné pour tirer les ficelles du Théâtre Jeune Public à Strasbourg. Choix audacieux, mais sage : le jeune homme a la tête bien vissée sur les épaules.

PoRtRait

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Parce qu’il est auteur de spectacles par-fois un peu flippants comme Vrai ! Je suis très nerveux, en 2003, on se ques-

tionne… Va-t-on avoir affaire à un anxieux, un agité ? « Au contraire, je suis du genre à prendre du temps avant de dégainer », affirme, calmement, celui qui vient d’être nommé1 pour remplacer Grégoire Callies à la tête du TJP dès janvier 2012. Renaud Herbin était-il prédestiné à remplir cette fonction ? Pas vraiment…

Vers 18 ans, au début des années 1990, ce fils de parents travaillant dans l’Éducation nationale tombe « par hasard », dans le Vieux Lyon, sur un spectacle de rue. « Voir une marionnette – matière inerte à laquelle on donne du souffle, de la vie, par le mouve-ment – s’animer sous mes yeux a été un choc esthétique, une expérience forte et fonda-trice. » Après un cursus scientifique, il devient documentaliste, fait un stage rue de Valois, au Ministère de la culture, avant de postuler, au culot, à l’École supérieure nationale des Arts de la marionnette de Charleville-Mézières, « une école qui ne formate pas ». Il en sortira diplômé, en 1999, et y dégottera ses acolytes, Julika Mayer, puis Paulo Duarte, membres de sa compagnie, LàOù2, sorte de monstre tricéphale où chacun « se nourrit de l’histoire et de la sensibilité des autres ».

La structure rennaise monte Un Rêve (d’après Kafka, en 1999) et Vrai ! Je suis très nerveux (basé sur une nouvelle de Poe), spectacles « un peu nostalgiques avec des décors expression-nistes, faisant référence à des maîtres comme Gavin Glover3 » dont il revendique l’héritage. Ces pièces de Renaud Herbin mettent en scène des personnages tourmentés, confrontés à leurs propres angoisses. Il tempère : « Mais ça n’est jamais très grave : ce sont des ma-rionnettes. Elles sont troublantes car elles permettent d’aller très vite dans l’illusion » et peuvent nous rappeler aussitôt leur condition de simples pantins articulés.

Progressivement, Renaud Herbin cherche « à inventer des esthétiques plus contemporaines, affirmer les choses plastiquement, être sur des écritures moins narratives pour interro-ger le plateau, la marionnette, les corps… » Dans ses spectacles, souvent portés par une musique electro aiguisée, il se donne à voir sur scène. « Je n’ai rien inventé : depuis les années 1970, les marionnettistes sont sortis du castelet4, mais je m’intéresse à ce qui relie

l’homme à la marionnette, comment leurs mouvements se rencontrent. Ceci m’amène à fréquenter des danseurs, à me pencher sur l’écriture chorégraphique », affirme un artiste privilégiant l’interdisciplinarité.

Sa curiosité l’amène à développer, en 2003, le projet Centres Horizons avec l’architecte et vi-déaste Nicolas Lelièvre. Fascinés par les villes en construction, « en évolution tangible », ils s’interrogent – « comment se croisent les échelles du politique, de l’urbaniste, de l’architecte et de l’habitant ? » – puis livrent un travail vidéo et des spectacles, comme Mitoyen (2006) et Lopin (2008). Mis de côté depuis 2008, Centres Horizons renaîtra sans doute… à Strasbourg. « Je suis fasciné par la morphologie de cette ville qui ressemble à un puzzle, avec des tranches bien découpées. J’ai envie de la sonder au travers de pièces : ça serait un beau moyen de me présenter. »

Le nouveau directeur du TJP, Centre drama-tique national d’Alsace « qui a pour mission la diffusion et la création », rappelle-t-il, dé-sire implanter la structure dans le territoire, notamment en programmant des spectacles (comme Reprendre son souffle de LàOù) dans l’espace public. « Jouer sur le dedans et le de-hors d’un théâtre » auquel il veut associer des artistes « qui ont cette capacité à s’inscrire dans la cité et de tricoter avec les associa-tions, les Musées, l’Université ou les théâtres pour développer leurs propositions ».

Aussi, Renaud Herbin poursuivra l’ouverture du CDN aux adultes et valorisera encore la marionnette, « un art à part entière et une pratique poreuse ». Sans pour autant délais-ser le jeune public et la pédagogie, le TJP deviendrait donc, « progressivement », un théâtre des arts de la marionnette, un « pôle européen », notamment en favorisant les échanges avec l’Allemagne où il a vécu. Ce créateur qui revendique la dimension expé-rimentale de son travail, mais fait la distinc-tion entre ses préoccupations artistiques et sa « responsabilité par rapport à ce bel outil qu’est le TJP », annonce dès lors « une évolu-tion, sans révolution ».

1 Par le Ministère de la culture et de la communication, la Ville de Strasbourg, le Conseil régional d’Alsace, le Conseil général du Bas-Rhin et la CUS 2 Julika Mayer et Paulo Duarte de la compagnie LàOù seront conviés durant la saison du TJP et lors du festival des Giboulées de la marion-nette pour présenter leurs nouvelles créations – www.laou.com3 Marionnettiste britannique polyva-lent qui a fondé la compagnie Faulty Optic à la fin des années 19804 Élément de décor où se cachent les marionnettistes

Par Emmanuel DosdaPhoto de Benoît Linder pour Poly

TJP Grande Scène, 7 rue des Balayeurs & Petite Scène, 1 rue du Pont Saint Martin à Strasbourg

03 88 35 70 10 www.theatre-jeune-public.com

Prochains spectacles

Un chant de Noël, TJP Grande Scène, du 3 au 8 décembre

Thelma, TJP Petite Scène, du 9 au 11 décembre

Tours et Détours, TJP Petite Scène, du 7 au 14 janvier 2012

L’été où le ciel s’est renversé, TJP Grande Scène, du 17 au 21 janvier 2012

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iVanGogh

En créant l’une des premières applications pour iPad conçue comme un livre d’art mêlant toiles interactives, vidéos, photos et textes, la Manufacture numérique d’édition strasbourgeoise (MNESTRA) signe une grande première. Le rêve de Van Gogh ou l’art version 3.0.

Par Thomas Flagel Jusqu’ici, le développement des applica-tions destinées aux nouveaux supports numériques comme l’iPad se limitaient

à des fonctionnalités, des jeux ou du conte-nu (type pdf) calqué sur les magazines ou les livres. Lorsque l’Institut Van Gogh com-mandite un projet autour du Rêve de Van Gogh – organiser un jour une exposition à lui dans un café –, son conseiller scientifique, le strasbourgeois Wouter van der Veen saute sur l’occasion pour se lancer dans l’aventure. Avec deux autres membres d’Arthenon1, Loïc Sander (graphiste) et Fouzi Louahem (vidéaste et journaliste à Alsace 20), il fonde MNESTRA. Depuis les sorties des premières tablettes, ils « partageaient déjà un fort inté-rêt pour l’incroyable potentiel technologique qui se profilait dans la création de contenu mélangeant l’animation et la photo, en pas-sant par les textes et la vidéo, le tout pouvant être combiné de manière interactive pour les utilisateurs », explique Fouzi.

En janvier 2011, Adobe met à disposition sa Digital Publishing Suite, version Beta, en test public. L’équipe s’empare alors de cet outil entièrement intuitif, en pionniers défri-chant un terrain vierge où tout est à inventer. S’appuyant sur l’expertise de Wouter sur Van Gogh2, ils opèrent des choix éditoriaux précis : ne rien sacrifier du contenu (ni les 80 toiles

peintes à Auvers, ni ses lettres, ni les inter-views vidéos de Michel Cieutat sur Van Gogh au cinéma), une écriture concise adaptée au support et le souci de redécouvrir un person-nage au-delà de son image romantique. Le “chapitrage” linéaire à multiples entrées qui en découle permet, dans une belle fluidité, une lecture intégrale mais aussi d’astucieux sauts d’une toile à son esquisse, des lettres aux analyses vidéos, pour plus de liberté.

Au total, malgré les contraintes techniques liées au poids des vidéos et photos, l’appli-cation recèle plus de 80 minutes de vidéos, 150 pages documentées réparties dans trois grandes parties, de la bio raisonnée (démys-tifiant sa folie, sa pauvreté, sa solitude…) à ses héritiers plus ou moins anonymes en passant par un décryptage de sa pratique picturale (vous découvrirez la possibilité d’isoler dans ses tableaux les couples de couleurs complé-mentaires utilisées). S’ajoutent à cela douze mises à jour de contenus additionnels prévues pour l’an prochain. Totalement séduits, Apple et Adobe deviennent partenaires du projet présenté à Art Basel Miami, fin novembre. Nul doute qu’au milieu des 600 applications sortant chaque jour, Le rêve de Van Gogh, qui devrait être disponible sur l’AppStore début décembre, tirera son épingle du jeu…

nouVEllES tEchnoloGiES

1 Entreprise de communication, de photographie et d’édition www.arthenon.com2 Spécialiste de la correspondance de l’artiste, il a publié de nombreux livres, notamment Van Gogh – Auvers, aux éditions du Chêne

7,99 €www.mnestra.frwww.vangoghsdream.org

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Fondé en 1968 à Leningrad par six ar-tistes, ce théâtre de clowns et de mimes n’a eu de cesse de porter un regard

critique, amusé et acerbe sur son pays et les comportements de ses concitoyens. Malgré une absence totale de mots, leurs spectacles ne seront jamais du goût des autorités de la grande URSS. Seuls la ténacité et le talent de ces agités du geste leur permettront d’obte-nir des bons de sortie pour se produire dans les plus importants festivals du monde. Avec la fin du bloc soviétique, Saint-Pétersbourg remplace Leningrad et les fondateurs de ce qui est devenu une École de clown au sein de l’Académie Théâtrale de l’Université voient leur avenir s’ouvrir. La plupart réalisent leurs envies d’ailleurs en poursuivant une carrière solo ou en intégrant le prestigieux Cirque du soleil. L’âme de Licedeï est confiée à la relève, de jeunes artistes aussi doués et frappadin-gues que leurs aînés. Exit les nez rouges. Place à la mise en abîme, à l’abolition des frontières du théâtre, de la musique et des genres.

Par-delà les rêvesSemianyki – la famille, en russe – est nourri à l’atmosphère brutale du réel : un père com-plètement alcoolo, une mère à deux doigts d’accoucher et quatre enfants jouant à qui sera le plus terrible ! S’appuyant sur une vive

folie poétique et une totale absence de logique narrative, cette fratrie nous emmène au bout de ses rêves cauchemardesques et surréalistes. Les relations familiales détraquées sont bro-cardées sans ménagement avec, comme sou-vent dans les spectacles venus de l’Est, une violence contenant cette dose d’amour im-mense qui bouleverse nos sentiments. Dans ce quotidien fait de bric et de broc, tout apparaît laid, foutraque et injuste. On rit de l’humour noir et du grotesque irriguant les dix-neuf ta-bleaux qui se succèdent sur un rythme effréné, mais dans un capharnaüm scénique maîtrisé. Chacun défend sa place avec panache, audace et inventivité. Les bravades face à l’autorité parentale sont une obsession, l’acharnement sur le plus faible que soi une règle, les coups bas un moyen pour arriver à ses fins, et la prise à partie du public un plaisir partagé (préparez-vous, entre autres, à une bataille de polochons dantesque et à un concert sous la coupe dictatoriale d’un chef dangereuse-ment pointilleux). Au milieu des poussettes instables, d’un rocking-chair pour cinq, d’une partie de hockey sur draps, de poupées déca-pitées par le petit dernier, les cœurs de cette tribu de clowns battent d’un même rythme : rapide, intense et aussi diablement cruel que généreux.

bons baisers de russieDepuis six ans, le Teatr Licedeï parcourt l’Europe avec Semianyki, spectacle à l’humour corrosif et décapant sur la famille. Entre clowns et pantomimes, voyage dans le chaos quotidien d’une fratrie russe.

Par Irina SchragPhoto de Bernard Palazon

À Haguenau, au Théâtre de Haguenau, mardi 6 décembre

03 88 73 30 54www.relais-culturel-haguenau.com

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henri dès metalLa nouvelle édition de TGV GéNéRiQ, festival fouineur orchestré par l’équipe des Eurockéennes, propose des lives pour les grands tout en pensant à leurs enfants.

Par Emmanuel DosdaPhoto des Brigitte par Mark Maggiori

Brigitte pour les enfants à Kingersheim, à l’Espace Tival, dimanche 4 décembre à 15h et à 17hhttp://tival.ville-kingersheim.fr

Stromae pour les enfants à Besançon, à La Rodia, jeudi 1er décembre à 17hwww.larodia.com

Le festival GéNéRiQ, dans divers lieux à Belfort, Dijon, Mulhouse, Besançon ou à Kin-gersheim, du 1er au 11 décembrewww.generiq-festival.com

Depuis 2007, TGV GéNéRiQ pro-gramme des « tumultes musicaux » dans différentes villes et salles du

Grand Est : à Dijon, Épinal, Belfort, Besançon ou Mulhouse. Sorte de laboratoire des Eu-rockéennes, la manifestation mêle pointures (cette année les gars masqués d’Underground Resistance, monstres sacrés de la techno made in Detroit) et artistes pointus d’aujourd’hui ou d’hier (le combo punk US The Men, Michel Gloup de Diabologum…). Les styles embras-sés ? Ils vont du hip-hop ardent à la pop pas banale. Dans la première catégorie, citons le tout jeune groupe 1995 (comme l’année de sortie de Paris sous les bombes de NTM) met-tant un peu de son neuf dans le rap d’ici, Orel-san qui, lui aussi, rend hommage aux années

muSiquE – GRAND EST

1990 (l’émission Rap Line, le Walkman écouté le volume à donf en mangeant un Raider…) sur son dernier album (Le Chant des sirènes) ou encore le collectif mancunien excité Mur-kage. Trop de scratches et de tchatche ? Lais-sons-nous porter par les chansons douces de Baxter Dury, fils de celui qui scanda Sex & drugs & rock’n’roll en 1977 et auteur de trois magnifiques albums faussement flegmatiques et réellement addictifs. Abandonnons-nous en écoutant celles, étranges, de High Places ou, lunaires, de Connan Mockasin.

Diabolo menthe & fraises tagada & rock’n’rollGéNéRiQ, c’est aussi pour les petits, les orga-nisateurs proposant des concerts jeune public, des shows expressément destinés aux bam-bins, sans pour autant vouloir leur offrir une récré avec comptines gnangnan et reprises de Chantal gaga. L’idée ? Convier des artistes qui ne sont justement pas estampillés “pour les mômes”. Selon Kem, programmateur de l’évé-nement, les gamins « n’écoutent pas qu’Henri Dès, mais aussi et surtout des gens comme Stromae ou le groupe Brigitte ». L’interprète d’Alors on danse et le duo de filles, respon-sable d’une cover “qui fait bander les ban-dits” du Ma Benz de NTM, sont conviés à se produire devant les petits, à l’occasion de sets un peu plus courts que pour les adultes (45 minutes environ), un peu moins fort, fidèles à leur répertoire, mais sans gros mots. « Nous avions demandé à Philippe Katerine, qui s’est prêté au jeu en 2007, de biper les grossièretés de ses chansons »… mais le chanteur n’a pas vraiment suivi les recommandations, balan-çant impunément des “putain” le torse nu et peinturluré devant une salle conquise qui « adooore ». Se sont également déjà essayés à l’exercice, Gaëtan Roussel, Moriarty ou le chanteur des Wampas pour un moment mé-morable, selon Kem qui se souvient : « Didier Wampas aime beaucoup les enfants. Ils enva-hissaient la scène et le concert a fini en pyra-mide humaine. » Pas de doute, cette année, ça va “zoom zoom zang”.

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las vegas mégalo

Vision scintillante… Le clinquant édi-fice apparaît une fois le petit bled de Kirrwiller (même pas 500 habitants)

traversé. Impossible de passer à côté de cette imposante bâtisse recouverte de milliers d’ampoules, comme pour mieux dénoter dans le paysage rural. Temple du kitsch ? Antre du tape-à-l’œil ? Le Royal Palace, qui accueille 200 000 spectateurs par an, c’est d’abord une impressionnante success story en rase campagne.

Attablés au bar du Carrousel, dans un des salons du Majestic, vaste restaurant (sur six niveaux) dont la déco évoque à la fois Les Mille et une nuits, la Russie des Tsars et l’univers du cirque, Pierre Meyer, une cra-vate constellée d’étoiles et frappée du logo Royal Palace nouée autour du cou, prévient

d’emblée : « Nous devons notre succès à la qualité de nos spectacles, pas au caractère incongru de la situation de l’établissement qui est plutôt handicapante car il faut faire venir le public jusqu’ici. » Tandis qu’au-des-sus de nous défilent les bouteilles, pleines ou vides, notre hôte revient sur l’histoire de l’ins-titution, étroitement liée à celle de l’auberge familiale des Adam-Meyer, dîner / dancing de l’après-guerre. En 1980, lorsqu’il reprend la petite entreprise, Pierre Meyer, des images de Las Vegas plein la tête, réalise son rêve en pro-grammant des shows empruntés aux cabarets parisiens. « Les gens partaient à six heures du matin. On savait faire la fête à l’époque », se souvient le maître des lieux qui gérait tout, de A à Z. « J’étais en cuisine, je cherchais les artistes à la gare de Saverne, assistais aux répétitions et faisais la régie. »

Depuis un peu plus de trente ans, le Royal Palace glisse strass, pail-lettes et plumes multicolores dans le vignoble alsacien, à Kirrwiller. Ça, c’est Palace !

Par Emmanuel DosdaPhotos de Pascal Bastien

Royal Palace, 20 rue de Hochfelden à Kirrwiller

03 88 70 71 81 www.royal-palace.com

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En 1989, exit la scénette sur roulettes, place à un vrai plateau de 200 m2 et à des spec-tacles qu’il produit lui-même. Pari audacieux, triomphe grandissant… Au milieu des années 1990, le Cabaret Adam-Meyer, financé par « les banques de Bouxwiller », s’agrandit et se transforme en Royal Palace. L’ensemble du site fait aujourd’hui 8 000 m2, avec un théâtre de 1 000 places, une scène de 25 mètres de large pour 20 mètres de haut et deux res-taurants, de 800 (Le Majestic) et 160 places (Le Versailles). Petit à petit, boosté par une presse curieuse qui apporte de l’eau au moulin (rouge), le Royal Palace (130 salariés environ), troisième cabaret de France, devient aussi célèbre que le château du Haut-Kœnigsbourg et attire une clientèle internationale, étant le passage obligé des tour-opérateurs.

La maison ne se repose pas pour autant sur ses lauriers dorés. « Tous les ans, il faut se remettre en question », en proposant de nou-veaux spectacles (pas très chers, à partir de 24 € par personne), avec un nouveau cho-régraphe et de nouveaux artistes, recrutés dans les festivals et écoles de cirque à tra-vers le monde… tous logés / nourris / blan-chis ici, une année durant. « Nous faisons de gros investissements pour notre clientèle. » Dernière folie (bergère) en date : un rideau de LED (600 000 € quand même…), sorte d’écran vidéo qui « permet de dynamiser

caBaREt– KIRRWILLER

Papa noëlOn vante beaucoup le paternalisme de Pierre Meyer vis-à-vis de ses employés. Selon lui, « c’est normal, nous vivons tous ensemble sous un même toit, telle une famille. » Comme toute grande fratrie qui se res-pecte, le Royal Palace a concocté de belles fêtes de fin d’année avec des formules Noël d’or (trois menus au choix, de 23 à 46 € par personne, sans le spectacle) et Saint Sylvestre (210 € tout compris). Je goûterais bien la queue de langouste au lait de coco…

www.royal-palace.com

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Crescendo ». Porté par 35 danseuses, chan-teurs ou équilibristes de douze nationalités, ce récent show mêle comédie musicale, revue de music-hall et numéros circassiens. Il y a même des stars : un ténor de la Scala de Milan, des interprètes de Notre-Dame de Paris ou de Starmania et, surtout, l’illusionniste sexy So-phie Edelstein, « la fille Pinder », par ailleurs jury de l’émission La France a un incroyable talent sur M6. « Je l’imaginais plus grande », entend-on souffler dans le public au moment de son arrivée, en grande pompe, sur scène…

Pierre Meyer nous avait prévenus : « C’est pas du french cancan. Il faut aller dans le sens de la nouvelle génération qui veut que ça bouge ! » Ballets de girls emplumées et topless, tours de magie pyrotechniques bluf-fants (mais comment a fait le type pour sortir de la boîte sans avoir été transpercé par les flèches enflammées ?), chorégraphies rappe-lant Madonna ou les clips de MTV, concours de biceps entre acrobates bodybuildés accro-chés dans les airs, boys qui se déhanchent et autres numéros de haute voltige s’enchaînent à un rythme effréné, dans des décors évoluant sans cesse.

Nous sortons abasourdis par deux heures intenses, fixant benoîtement une fresque représentant le big boss. Alors, qui est vrai-ment le patron du Royal Palace ? Un doux

rêveur ? « Non, on ne peut pas investir des millions sans rester réaliste. » Un requin du business ? « Je viens d’enregistrer une émis-sion chez Mireille Dumas, avec les Rothschild et les Dassault, des personnalités qui ont fait fortune… mais personnellement, j’ai réussi, c’est tout. » Un mégalomane ? « Je viens de refuser un reality show à Alexia Laroche-Joubert, avec moi en vedette. Je suis flatté d’être sollicité, mais je ne cherche pas du tout à me mettre en avant. Sinon, je ferais comme Michou qui prend un micro pour lancer les numéros ! » Pierre Meyer est « un homme de spectacle, tout simplement ».

Photos de Passion, la revue précédant Crescendo

caBaREt – KIRRWILLER

alsacia’s ParadiseDu glam, des lights, des danseuses dénu-dées et des repas / spectacles de music-hall : le Paradis des Sources à Soultzmatt, c’est une ambiance Belle époque dans le Haut-Rhin, à 30 minutes de Colmar ou Mulhouse. Nouveau décor, nouveau spec-tacle, nouveau directeur… le cabaret vient de rouvrir ses portes (le 14 octobre) après de sérieux problèmes financiers. Show must go on… again.

www.music-hall-sources.com

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On ne peut pas investir des millions sans rester réaliste

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Avant-hier dans le quartier gare de Strasbourg, hier au Môle Seegmuller près de la Médiathèque André Mal-

raux, aujourd’hui dans les salles de La Laite-rie. Le festival L’Ososphère est décidemment imprévisible… même si nous ne sommes pas vraiment déconcerté par une affiche rassem-blant des artistes fidèles à la manifestation electro strasbourgeoise : le duo bordelais surexcité Kap Bambino, Tarwater le combo aux sonorités profondes (mises au service d’al-bums, d’opéras ou de films), Agoria le compo-siteur lyonnais (qui a réalisé la bande originale du speedé Go Fast d’Olivier Van Hoofstadt) ou Para One et Mondkopf, les cinéphiles.

L’électronicien Para One, Jean-Baptiste de Laubier de son vrai nom, est fan de rap et de techno comme de ciné. De TTC comme de JLG. Auprès des premiers, il a fait ses armes en tant que “vrai” musicien professionnel, notamment en produisant le tubesque Dans le club et cinq autres titres de l’album Bâtards sensibles. Il vénère le second, Godard étant un de ses maîtres avec Chris Marker auquel il vient de rendre hommage avec son film expérimental It was on earth that I knew joy. Para One, diplômé de la Fémis (École nationale supérieure des métiers de l’image et du son), est dans la recherche et la créa-tion permanentes. Entre un morceau écrit pour les dance-floors et une production pour Birdy Nam Nam (ou… Alizée), il s’occupe de son propre label, Marble, et compose pour la réalisatrice Céline Sciamma. Naissance des pieuvres : beau film, chouette BO.

la science des ravesAgoria, Para One, Mondkopf… L’Ososphère offre un condensé du meilleur de la scène électronique à La Laiterie qui nous catapulte, une nuit durant, dans un monde cinématique.

Par Emmanuel Dosda

À Strasbourg, à La Laiterie, samedi 10 décembre

03 88 237 237 www.artefact.org

muSiquE – STRASBOURG

Mondkopf, Paul Régimbeau dans le civil, tou-lousain né en 1986, représente la nouvelle génération de musiciens electro hexagonaux. Ce jeune homme songeur (Mondkopf signifie quelque chose comme “tête de lune” dans la langue de Kraftwerk) a hérité son nom d’ar-tiste de l’enfance. Paul, éternel rêveur ? « Je l’étais, je le suis et je le resterai sans doute. Je ne sais pas si c’est une qualité car cela relève surtout d’un manque de concentration qui peut être handicapant dans la vie de tous les jours », remarque l’auteur de titres hyp-notiques et torturés sur lesquels plane une mélancolie tenace. Pas étonnant de la part d’un fan de Smog et de folk US en général (« Il y a quelque chose de rassurant dans cette musique ») qui a d’ailleurs réalisé un étonnant remix de Johnny Cash (God’s gonna cut you down), sans même se poser la question du type “mon dieu Johnny Cash, faut pas y tou-cher !”. C’est cependant le rap sombre, notam-ment celui du Wu-Tang Clan, qui a influencé les premiers enregistrements de Mondkopf,

Mondkopf en plein DJ set...

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guidé par la pratique de DJ Shadow, guru de l’échantillonnage qui l’a convaincu de la pos-sibilité de « faire du hip-hop sans rappeur », armé, au début, de logiciels rudimentaires et de matériel sommaire. Également fasciné par l’électronique cérébrale du label anglais Warp, il sort Galaxy of Nowhere sur Asphalt Duchess en 2009. Avec Rising Doom (Fool House, 2011), il semble s’écarter du style de ses débuts pour glisser vers un univers technoïde plus glacial et martial, plus direct aussi, avec moins de fioritures et sans samples d’enfants jouant dans une cour de récré. Mondkopf conteste : « Je ne pense pas m’être éloigné du hip-hop, au contraire même ! Je crois que The W du Wu-Tang est un album qui me reste toujours derrière la tête quand je compose. The Cold Vein de Cannibal Ox aussi. Ces deux disques sont très sombres et pesants, super urbains et en même temps d’un autre monde. J’ai donc voulu me rapprocher de ce genre d’ambiances pour Rising Doom. » Dont acte.

Sa musique est à la fois physique – avec des beats qui tapent fort –, mentale, s’adressant à la Kopf, mais aussi « au cœur et aux émotions. C’est vrai qu’elle fait travailler l’imaginaire, mais sans aucune image préconstruite. » C’est forcément un peu tarte à la crème concernant l’electro instrumentale, mais on imagine très bien les compos de ce garçon, qui rêvait d’embrasser une carrière dans le ciné, illustrer un long-métrage, une fresque épique et noire si possible. « Le travail d’une BO est quelque chose de vraiment intéressant et de très subtil. J’ai failli en réaliser une, mais des problèmes de production ont annulé le tournage du film. » Si l’occasion se représen-tait, il n’aurait pas de cinéaste de prédilection, mais penche quand même sérieusement pour quelqu’un qui le laisserait « aller assez loin ».

L’artiste ne doit pas prendre le pas sur sa créationMondkopf

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théÂtRE – STRASBOURG

réversibilitéLe collectif belge tg STAN revient au Maillon avec Le Chemin solitaire de l’autrichien Arthur Schnitzler (1862-1931), analyste hors pair des tréfonds de l’âme. Rencontre avec Damiaan De Schrijver, l’un des comédiens fondateurs de Stop Thinking About Names.

Comment résumeriez-vous cette pièce ? Ce n’est pas une histoire qu’on peut racon-ter (rire)… Après un long moment d’absence, un homme revient voir des amis, une famille dont la mère est déjà morte. Le père légitime n’est pas le père biologique, qui n’est autre que cet homme qui réapparaît. Il y a des artistes ratés, dont le professeur Wegrat qui se qualifie lui-même de « fonctionnaire artistique ». La pièce est pleine de ratés : l’une veut se suici-der pour un amour perdu, l’autre s’échappe à l’étranger pour fouiller des ruines d’anciennes civilisations… Tous fuient !

Écrite en 1904, la pièce a pour toile de fond le milieu bourgeois de Vienne. Vous vous dégagez de cette époque et l’on découvre la contemporanéité criante du texte…C’est très contemporain car nos problèmes restent les mêmes : les désirs qu’on ne peut assouvir, les amours non réciproques… La vie ne fait pas de cadeaux. Arthur Schnitzler était médecin, comme Tchékhov avec lequel il par-tage cette capacité d’analyser les âmes au scal-pel, mettant à jour les pensées, les habitudes et les stratagèmes de ses personnages. Notre plateau sera nu, quelques petits objets jalon-nant l’espace. Pas question de jouer dans le noir, ni entre des rideaux rouges et un canapé d’analyste, nous éclairons le tout de lumière blanche pour mieux montrer les difficultés existentielles des gens.

Les comédiens s’échangent sans cesse les rôles au fil de la pièce, dynamitant les codes habituels de la narration. Cela accentue l’écoute tout en insistant sur l’universalité du propos…Nous avions déjà fait jouer plusieurs rôles à un même comédien ou mis des femmes dans la peau d’hommes. Ici, nous allons plus loin. Pendant un même dialogue, nous intervertis-sons les rôles, ce qui donne au comédien la

Par Thomas FlagelPortrait de Damiaan De Schrijver par Kris DewittePhoto du spectacle par Tim Wouters

À Strasbourg, au Maillon-Wacken, du 5 au 7 janvier 2012

03 88 27 61 81www.le-maillon.com

Rencontre avec l’équipe de tg STAN et le metteur en scène Mathias Moritz (qui crée Antiklima (x) d’après Werner Schwab, du 15 au 18 mai 2012 au Maillon) autour des auteurs autrichiens, samedi 7 janvier, à 15h, à la librairie Kléber

possibilité de comprendre le point de vue de l’autre. Nous évitons ainsi de tomber dans la psycho-analyse. Nous préférons dévoiler les personnages de la manière la plus dépouillée possible, sans rien cacher. Le public devient notre complice et notre témoin. Il permet de jouer la pièce car, sans lui, on ne saurait l’ou-vrir. C’est le public qui décidera à la fin et l’on espère qu’il sera difficile de dire qui a raison…

Freud disait de Schnitzler : « Je pense que je vous ai évité par une sorte de crainte de rencontrer mon double. » Les personnages livrent leur mépris, aspirations, peur du devenir et de l’ave-nir. Tous cherchent quelque chose dans leur passé…Ils ne cessent de le clamer. Les phrases que

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Schnitzler leur met en bouche sont pleines d’une beauté et d’une sagesse incroyables. Il livre le cerveau de l’homme. À nous, comé-diens, d’être les avocats des personnages pour le faire comprendre au public.

Vous avez travaillé avec l’artiste Erwin Wurm sur les éléments de décor : quelques objets éparpillés au sol (grille-pain, tourne-disque, valise…). Que re-cherchiez-vous, l’humour et l’étrange de ses installations détournant le quo-tidien ?La pièce est assez statique et nous avions be-soin de corporel car nous ne sommes pas dan-seurs. Que faire avec nos corps durant toute la pièce ? Mettre les mains dans les poches ne suffit pas… Nous avons donc cherché à ma-nipuler des objets qui sont autant d’images abstraites du quotidien, étranges à souhait. Je mets par exemple un livre ouvert comme un chapeau, d’autres se baladent fourchette et couteau en main… Autant d’approches dif-férentes des personnages que le public peut interpréter de multiples façons.

tg STAN s’est constitué dans le refus du metteur en scène. Parlez-nous de ce mode de fonctionnement et de création atypique, plaçant l’acteur au centre de tout…Cela fait 25 ans que nous travaillons ensemble, sans leader ni directeur artistique. Le noyau créateur de quatre comédiens décide de tout : dramaturgie, décors, lumières, traductions des textes… Nous discutons de toutes les pos-sibilités dans la recherche d’un consensus qui

est une réinvention collective de démocratie car chaque comédien se bat pour ses mots, ses synonymes, ses coupures. Quelques jours avant la première, on règle “le trafic” et ne garde que ce qu’il faut. Au comédien, ensuite, de remplir et de surprendre l’autre en réinven-tant, chaque soir, les intonations, les pauses et la façon de se regarder des personnages qu’il interprète. Nous essayons de ne pas être paresseux, de nous renouveler, sans cesse, n’improvisant que la façon de dire, pas le texte.

Il y a une certaine verticalité, une rai-deur des postures et des corps mais aussi beaucoup d’humour…Il en faut suffisamment. L’auteur ne se prend pas trop au sérieux et le rire qui naît dans le public montre notre complicité et notre com-préhension mutuelle de ce qui est en jeu.

Votre volonté de mettre « en évidence les divergences éventuelles dans le jeu » est poussée à son plus haut point lorsque différents comédiens s’empa-rent des mêmes rôles dans la pièce, leur donnant leur propre résonance…Nous essayons d’enlever la poussière, de ne pas devenir les personnages mais de dévoiler la stratégie à l’œuvre entre eux. À nos yeux, les arguments priment sur la métamorphose d’un comédien en devenant un autre. Il est d’ail-leurs intéressant de voir pourquoi le texte de-vient plus clair comme cela. Ce n’est pas moi qui l’invente, mais Diderot : les personnages ne sont que les fantômes et les fantasmes d’un écrivain.

Vous qui continuez à vivre, arrêtez de pleurer

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Il y a des colères salutaires. Celles de la compagnie Mémoires Vive en font partie. Avec le spectacle À nos morts (2006), elle

posait la première pierre d’un puissant projet artistique : mêler rap, slam, théâtre, danse hip-hop pour évoquer, de façon documentée, l’histoire des immigrations et de la mémoire collective. Après cet hommage rendu aux com-battants indigènes, elle mit en scène l’exposi-tion coloniale de 1931 dans Folies-Colonies. Place désormais au troisième volet de ce trip-tyque, baptisé Beautiful Djazaïr. « La forme est totalement différente des deux premiers spectacles, moins didactique, plus introspec-tive, avec un vrai travail sur l’esthétique », explique Yan Gilg, metteur en scène, auteur et interprète. Une nouvelle approche due à la rencontre avec le danseur et chorégraphe Hamid Ben Mahi. « Lui est issu de l’immigra-tion, moi pas : on n’a pas le même rapport à la France. Moi j’ai envie d’expliquer l’histoire, de dire ma colère, Hamid est plus dans une intériorité », poursuit Yan Gilg.

« Le propos du spectacle est le besoin de par-ler de cette déchirure entre la France et l’Al-gérie parce que le silence fait trop souffrir. On est face à deux jeunes hommes issus des deux

rives de la Méditerranée, qui n’ont pas direc-tement vécu cette histoire mais qui disent en-semble la nécessité d’en débattre aujourd’hui. Parce que ça nous bouffe et qu’on se bouffe entre nous à cause de ça ! » Beautiful Djazaïr est un voyage profond dans l’intimité des deux artistes, l’un s’exprimant avec ses mots, l’autre avec son corps. Une pièce plus complexe, où « il faut lire entre les lignes. On évoque nos souffrances personnelles, les méandres, les traumatismes, les séquelles qu’on porte tous les deux. Ça nous implique corps et âme », souligne Yan Gilg. Mais quelles souffrances, quelles séquelles quand on n’est pas soi-même le fruit d’une immigration ? Celles des valeurs républicaines bafouées, de l’huma-nisme oublié, de la vérité niée. « Arrêtons d’être dépendants des considérations écono-miques : tant qu’on n’aura pas mis l’humain au-dessus de tout, l’humain sera en dessous de tout. Avec les peuples méditerranéens, on est une grande famille que les dirigeants ont divisée. Ce qui me met le plus en colère, c’est que je sais combien les rapprochements sont faciles, il suffirait d’une volonté, de connaître et d’admettre notre propre histoire. Parlons-en ! Parlons-en ! C’est ça que nous crions dans ce spectacle. »

à corps et à crisLa compagnie strasbourgeoise Mémoires Vives poursuit son œuvre de « décolonisation des esprits » avec Beautiful Djazaïr, un duo poignant de mots et de danse qui dit l’urgence de regarder l’Histoire en face.

Par Dorothée LachmannPhoto d’Agathe Poupenet

À Strasbourg, au TAPS Scala, du 29 novembre au 4 décembre

03 88 34 10 36 www.taps.strasbourg.eu

À Colmar, à La Comédie de l’Est, mardi 6 décembre

03 89 24 31 78www.comedie-est.com

www.cie-memoires-vives.org

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ExPoSition – HAGUENAU

S’il semble que le monde de la forêt soit un univers aux possibilités infinies, Haguenau s’est employé à en offrir une

vision aussi large que possible, convoquant artistes et fervents défenseurs d’un environ-nement dont la richesse et la fragilité ne sont plus à démontrer. Parmi les créateurs, authen-tiques “gardes forestiers artistiques”, l’illus-tratrice Émilie Vast présente 38 estampes issues de deux petits traités de botanique dont elle est l’auteure, Arbres feuillus d’Europe et Petite flore des bois d’Europe. Ses représen-tations, très stylisées, privilégient l’épure et le contraste, adaptés à la vocation didactique de ce type d’ouvrages. Le fort contenu historique et mythologique des espèces représentées est mentionné en marge. Dans la même lignée, Isabelle Mazzucchelli a elle aussi choisi de présenter des planches d’herbiers. Ses tra-vaux rendent hommage à Buffon, dont l’His-toire naturelle, publiée entre 1749 et 1788, marqua durablement l’étude des sciences

de la vie et de la terre. Par ailleurs, la faune est mise à l’honneur avec Animaux de la forêt de France et d’Europe, des images où l’on met en exergue la multiplicité d’espèces peuplant nos bois... La forêt – Une commu-nauté vivante, opère une synthèse en insis-tant sur l’équilibre fragile des écosystèmes forestiers, où espèces végétales et animales interagissent. Vingt photographies légendées, signées Marc Dozier, Jurgen Freund ou encore Yann Arthus-Bertrand ont été rassemblées à cet effet. Plus contemplatives, les images de GRAPh – groupe de recherches et d’actions photographiques – sont une méditation sur les variations de la nature liées aux saisons. De son côté, Patrick Straub s’inscrit dans la tradition du land art, imaginant un dispositif capable de détecter les sons environnants, bruissements et craquements, qui sont autant de signes d’une vie végétale et animale foison-nante. On n’a jamais autant apprécié de se mettre au vert...

prenons-en de la graineDidactiques et poétiques, six expositions consacrées à la forêt prennent racine à Haguenau. Herbiers revisités, photographies, land art… La palette est vaste.

Par Sébastien Meyer

À Haguenau, à la Médiathèque de la Vieille Ile et à la Bibliothèque des Pins, jusqu’au 11 février 2012

03 88 90 68 10http://mediatheque.ville- haguenau.fr

Ramifications haguenoviennesL’année 2011 a été décrétée année inter-nationale des forêts par l’assemblée gé-nérale des Nations Unies. À Haguenau, commune réputée pour sa surface boi-sée de plus de 14 000 hectares, l’appel lancé a été volontiers entendu. Jusq’au mois de février 2012, La forêt s’invite à la médiathèque autour d’un ensemble d’expositions, de conférences, d’ateliers, de projections, de contes et de présen-tations documentaires. Au moment où la question environnementale apparaît comme cruciale, cette manifestation s’inscrit dans une dynamique générale de sensibilisation devenue vitale

À Haguenau, à la Médiathèque de la Vieille Ile et à la Bibliothèque des Pins, jusqu’au 11 février 2012

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D’où est venue cette idée de départ que tout pourrait être « à louer » ?D’une multitude d’idées qui s’accumulent : Gabriela Carrizo (co-metteuse en scène, NDLR) est argentine. Suite à la crise de 2001 qui a abouti à la dévaluation de la monnaie, son pays était étouffé. Un grand théâtre de Buenos Aires s’est retrouvé à louer et même à vendre. Des gens se sont mobilisés contre le projet d’en faire un business center. Plus tard, sur un marché aux puces de Bruxelles, une femme d’une cinquantaine d’années, interpel-lée par un vendeur lui a dit : « Ma maison a brûlé, j’ai perdu toutes mes photos. Toute ma vie. Alors ces petits objets ne m’intéressent plus… » Nous sommes partis de la perte, de cette idée que rien n’est capitalisable. La pièce prend place dans un décor de théâtre à l’infi-ni, avec une multitude de salles qui partent à droite et à gauche. On circule de porte en porte. À Louer est l’histoire d’une écrivaine ou d’une créatrice qui raconte une histoire, doute d’elle-même et de ses propres doutes. Elle décrit la vie d’une soprano qui vieillit. Ses succès de jeunesse s’éloignent et elle se met à décliner. Tout s’en va et nous file entre les doigts.

Il y a un parallèle avec votre pratique de danseur et de créateur qui est, elle aussi, incertaine et peut s’arrêter bru-talement…Oui, pour un danseur, à 40 ans, c’est fini ! L’artiste est très fragile, surtout en période de crise. On se questionne : Sommes-nous nécessaires ? Mais aussi à l’inverse, les grosses coupes dans la culture sont-elles indispen-sables ? N’y a-t-il pas un autre moyen d’envi-sager les choses ? Nous explorons ce déclin, cette décadence. Si tout brûlait, que se passe-rait-il après ? Cette perte et ce feu, c’est peut-être nous. Comme l’écrivait Marcel Schwob :

« Bâtis ta maison toi-même et brûle-la toi-même. » Peut-être est-ce une étape dans la vie. Peut-être faut-il, à un moment donné, tout brûler…

Vous jouez à mélanger l’espace mental et la réalité…Nous avons essayé de créer et d’explorer un monde parallèle à la réalité. Comme lorsque vous discutez avec quelqu’un tout en pensant à autre chose. Quand on revient à la personne qui nous parle, on ne peut dire combien de temps nous avons passé dans ce monde de la pensée. Nous utilisons ces décalages dans le mouvement car ils sont très beaux, jouant d’accélérations, de ralentis, à “freezer” le temps et les corps. La pièce s’échappe de la réalité vers la fiction.

Les temps de recherche de mouvements sont assez longs dans votre processus créatif. On sent les personnalités de chaque danseur…En effet, nous recherchons du matériel et des pistes chaque jour, pendant plusieurs mois. On s’engouffre dans plusieurs directions, poussant les idées le plus loin possible. À la fin, 90% part à la poubelle. Mais ce travail est nécessaire car les scènes disparues ont tout de même été vécues par les danseurs et restent dans leur corps, dans leur tête. Ils en sont riches, même s’ils ne les reproduisent pas.

Vous mélangez danse, théâtre et chant pour habiter des espaces aux am-biances et à l’esthétique très cinémato-graphiques qui créent des univers sur-réalistes où tout semble simple alors que rien ne l’est, ni techniquement, ni dans les sujets abordés ?Nous aimons partir d’un décor et d’images as-sez réalistes pour les travestir et les dépasser.

danSE – STRASBOURG & MULHOUSE

burn after livingDepuis plus de dix ans, la compagnie Peeping Tom nous délecte de trouvailles gestuelles au service de spectacles renversants. Rencontre avec le chorégraphe Franck Chartier autour d’À louer, leur nouvelle création sur la finitude des choses. Une plongée de l’autre côté du miroir.

Par Thomas Flagel

À Mulhouse, à La Filature, jeudi 1er et vendredi 2 décembre

03 89 36 28 28 www.lafilature.org

À Strasbourg, au Théâtre de Hautepierre, mardi 6 et mercredi 7 décembre

03 88 39 23 40 www.pole-sud.fr

www.peepingtom.be

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Le montage de la pièce débute par la psycha-nalyse des personnages, chose qu’on n’aborde pas du tout lors de la recherche du matériel chorégraphique. Au montage, on recadre et choisit. Dans À louer, l’abîme était immense puisque nous voulions nous perdre dans la pensée des personnages. Il nous fallait dés-tructurer en permanence, choisir des lignes claires et les casser. La pensée est très volatile et nous devions en rendre compte.

La pièce reste un travail en cours que vous peaufinez…Absolument. On sait dans nos têtes ce qu’on veut mais on travaille encore sur deux ajus-tements. Pour des raisons techniques, il y a une ou deux scènes qui sont en stand-by. Ce sont des dédoublements de personnages tel-lement incroyables qu’ils sont très compliqués à organiser.

Vous vous livrez beaucoup. N’est-il pas difficile de piocher aussi loin en soi dans ses souvenirs, ses peurs, ses cau-chemars ?Nous avons beaucoup parlé de ça durant la création suite à la mort d’Amy Winehouse. Amy écrivait sa vie comme dans Rehab et d’autres chansons. Elle a dû la chanter pen-dant quatre ans, même après l’avoir dépas-sée et avoir changé. Si on chante les textes

d’un autre, on est protégé. Nous écrivons nos propres choses. La fragilité de notre position est délicate, même si ce sont des fictions et des emprunts à nos réalités.

Vos ambiances sonores sont toujours très travaillées. Que nous avez-vous concocté ?Nous sommes partis d’une structure classique avec des arias. Quand on passe dans la tête des gens, retentissent des sons déformés de vinyles ralentis et accélérés pour renforcer l’impression du temps qui s’arrête et redé-marre. Ces sensations sont aussi données par de la musique électronique et des arrange-ments faits avec des instruments classiques à grands renforts de pizzicatos au violon.

Vous êtes un couple à la vie avec Gabrie-la Carrizo. Qu’est-ce que cela apporte à vos mises en scène ?Il y a dans notre travail commun la féminité et la masculinité, la recherche d’un équilibre entre les deux. Nous nous sommes rencontrés dans le travail et avons évolué comme cela. Lorsque notre fille a eu trois mois nous l’avons intégré au Salon qui a pris la direction de nos questionnements : la peur de perdre un enfant et l’élaboration d’une fiction à partir de là. C’est très inspirant de partir d’une histoire de couple. Un couple c’est toujours un rêve…

Bâtis ta maison toi-même et brûle-la toi-mêmeMarcel Schwob

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ExPoSition – STRASBOURG

le monde de tomiTomi Ungerer et ses maîtres est le point d’orgue de la célébration du 80e anniversaire de l’artiste. L’exposition ressemble à une mise en perspective, puisqu’y sont explorées ses influences, ses connexions et ses affinités.

C’est sans aucun doute l’écrivain alle-mand Friedrich Dürrenmatt qui, dans la préface du cultissime Babylon, dé-

crit le mieux le rapport de Tomi Ungerer aux autres créateurs en affirmant qu’il « n’imitait personne, mais utilisait beaucoup ». Preuve en est apportée avec éclats dans cette exposi-tion, dont l’essence est toute entière résumée dans son titre, Tomi Ungerer et ses maîtres, et son sous-titre, Inspirations et dialogues. Pour une des premières fois, sont illustrés les liens complexes et multiples existant entre le dessin d’illustration et l’histoire de l’Art, avec son “A” majuscule, un brin prétentieux et inti-midant. « Enfant, j’ai été essentiellement im-pressionné par Mathias Grünewald, Dürer, Schongauer, ainsi que par Hansi et Schnug, tous les deux des artistes alsaciens. Plus tard par Goya, Bosch, les dessinateurs japonais (Hokusaï, etc.), les vieux numéros du Simpli-cissimus et Wilhelm Busch » explique Tomi.

Souvent, la juxtaposition de ses œuvres avec celles de ses prédécesseurs est saisissante. Ses sorcières dépenaillées – qui tirent le diable par la queue (au sens propre), caressant, mu-tines, les testicules du démon avec la paille de leurs balais – ressemblent à une version de la fin du XXe siècle du sabbat que dessina Hans Baldung Grien vers 1510. Les deux en-tretiennent, dans leur ambiance chromatique brunâtre, une indéniable parenté.

Dans l’esprit de Tomi Ungerer, toute l’histoire de l’art semble s’être sédimentée de manière curieuse, comme s’il avait absorbé un gigan-tesque flot d’images et en recrachait de su-blimes fragments transfigurés. Les portraits au vitriol que fait George Grosz des bourgeois des années 1920 trouvent leur expression dans la haute société décadente et grotesque des sixties de The Party. Le cas de la relation à Hansi, lui, est (très) particulier puisque s’y développe une surprenante dialectique ad-miration / répulsion ou amour / haine, pour parler plus clairement. Après l’avoir servile-ment copié dans son enfance, il prend une belle distance critique à l’âge adulte avec le patriotisme sans nuances de Jean-Jacques Waltz. Lorsque le premier chausse de lourds croquenots pour caricaturer la relation entre France et Allemagne avec un brio extrême, certes, mais de manière ultra cocardière, le second pose un regard plus affuté et distan-cié sur une situation éminemment complexe, dont l’Alsace est l’épicentre… Et le plus acerbe n’est pas toujours celui qu’on croit ! L’univers intellectuel de Tomi se nourrit aussi de l’art de Dubout ou de Savignac, du cinéma, de la bande dessinée… L’on découvre que son éro-tisme ressemble à un curieux mélange entre le glamour soft des années 1960 version Bar-barella dessinée par Jean-Claude Forest et celui, plus hard, tout en cuissardes et latex, de la Sweet Gwendoline de John Willie.

Par Hervé Lévy

À Strasbourg, au Musée Tomi Ungerer, jusqu’au 19 février 2012 03 69 06 37 27www.musees.strasbourg.eu

Pour célébrer les 80 ans de Tomi Ungerer se tiendra aussi un colloque, Image modèles, images déplacées, jeudi 1er et vendredi 2 décembre à l’Audito-rium des Musées Dans le même lieu, dimanche 11 décembre à 15h son anni-versaire sera fêté… pour les enfants (dès 5 ans)

le point sur tomi Ce passionnant livre est le fruit d’entretiens menés par Stephan Muller. Divisé en huit chapitres, il ressemble à une (auto)biogra-phie qui aurait pris l’insolite forme d’une interview. Des réponses définitives ? Le titre de l’ouvrage, Un Point c’est tout, pourrait le laisser penser… mais chez lui rien n’est jamais gravé dans le marbre, l’imprévu

étant toujours au coin de la page. L’Art de la provocation, vous le pratiquez depuis longtemps ? Comment avez-vous décou-vert l’idéologie nazie ? Comment expliquez-vous ce besoin de collectionner et d’accu-muler ? Les réponses à ces questions – et à beaucoup d’autres – dans les 180 pages et quelques du livre !

Paru chez Bayard (24 €)www.bayard-editions.com

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1. Tomi Ungerer, dessin pour The Party, vers 1966. © Diogenes Verlag AG Zurich / Tomi Ungerer. Musées de la Ville de Strasbourg / Mathieu Bertola2. Georg Grosz, Paris, 1925. Stiftung Stadtmuseum, Berlin. Photo : Stiftung Stadtmuseum Berlin. © Adagp, Paris 20113. Tomi Ungerer, projet pour la campagne publicitaire Regenbogen Sie-gwerk Farben, 1975. © Tomi Ungerer .Musées de la Ville de Strasbourg/ Mathieu Bertola4. André François, Novum Gebrauchsgraphik, 1982 Bibliothèque Forney, Paris. La Parisienne de Photographie, © Adagp, Paris 2011

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4.

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ExPoSition – STRASBOURG & ERSTEIN

culture nature Dans le cadre de la Biennale internationale du verre, découvrons les œuvres de l’artiste néerlandaise Caroline Prisse dans deux expositions, l’une mono-graphique à La Chaufferie, et l’autre collective au Musée Würth.

Toutes les œuvres de Caroline Prisse reposent sur une volonté simple, celle de tisser « des liens entre ce qui est

créé par la main de l’homme et ce qui est créé par la nature ». Un de ses matériaux de base est la verrerie utilisée dans les laboratoires. Avec des tubes et des ballons – qui servent aux chimistes à essayer de comprendre la structure du vivant – elle recrée des plantes arachnéennes se déployant en complexes arborescences translucides et argentées dans la salle d’exposition. Ces fragiles forêts de verre oscillent entre l’artificiel – celui de leurs composantes élémentaires – et le naturel de ce qu’elles sont supposées “représenter”. Cette ambiguïté se retrouve dans des titres possédant plusieurs lectures possibles. Ainsi Chemical plant pourrait signifier, au premier degré, “plante chimique” mais est générale-ment traduit par “usine chimique”. Toujours cette même dualité…

Comme le personnage central de La Carte et le territoire de Michel Houellebecq, l’artiste se sert, dans un autre volet de sa création,

de cartes routières comme matière première. Elles représentent « notre capacité à asso-cier une pure abstraction et le réel le plus tangible » mais sont aussi significatives de la dialectique artificiel / naturel et de la possibi-lité de les faire se rapprocher – si ce n’est coïn-cider – dans l’esprit humain. Caroline Prisse découpe la carte, la colle sur un support et l’accole à une planche anatomique représen-tant la circulation sanguine. Les deux réseaux sont proches, tellement proches… « J’essaie de m’interroger sur l’idée que la nature dépen-dra de plus en plus de l’homme, qu’elle jouera simplement un rôle dans notre environne-ment manipulé. Je veux mettre en évidence la manière dont le corps humain se compor-tera face à cette situation », explique l’artiste. Au-delà de toute tentative de compréhension cependant, les œuvres de la plasticienne font sens par elles-mêmes et entrainent le visiteur, même celui qui n’en a pas le “mode d’emploi”, dans un univers intriguant où la délicatesse et la fragilité des matériaux utilisés donnent une singulière force à l’ensemble.

Par Hervé LévyPhoto de Geoffroy Krempp (Chemical plant n°1 et n°2)

À Strasbourg, à La Chaufferie, jusqu’au 17 décembre

03 69 06 37 77www.esad-stg.org

À Erstein, au Musée Würth (dans le cadre de l’exposition Éclats), jusqu’au 4 mars 2012

03 88 64 74 84www.musee-wurth.fr

www.carolineprisse.nl

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Décembre 2006. Le metteur en scène Bru-no Meyssat voyage au Japon. Sur le conseil d’une amie qui connaît son intérêt pour l’his-toire, il se rend à Hiroshima, « étonné qu’elle existe encore » après la terrible explosion de la bombe nucléaire du 6 août 1945. Sensation de trouble, si bien décrit par Marguerite Duras1 : pouvoir marcher dans cette ville sans avoir de clé pour comprendre et voir ce qui s’y est passé. La visite du musée de la Paix provoque un choc. Au-delà de ce qu’il pouvait imaginer. Il appréhende les reliques qu’il y découvre « comme les seules traces de centaines de milliers de personnes qui ont été pulvérisées. Autant d’attestations que cela avait eu lieu, de signes parvenant jusqu’à nous de gens qui n’étaient plus. » La décision d’en faire un spectacle prendra deux ans et demi, beaucoup de lectures et de documentation pour arriver à Observer, englobant les événements des 6 et 9 août 1945 croisés avec ce que le nô et l’écriture traditionnelle japonaise génèrent de fantoma-tique. La difficulté d’un théâtre visuel sur un sujet où le visuel fait défaut.

Chape de plomb. L’histoire de ces deux attaques nucléaires mettant fin à la Seconde Guerre mondiale est enseignée dans les écoles mais n’en demeure pas moins recou-verte, idéologiquement et historiquement, d’une chape de plomb. Dans les écrits du philosophe allemand Günther Anders – no-tamment L’Homme sur le pont2, journal rédigé en 1958 – Bruno Meyssat trouve un surplomb philosophique lui ayant permis de comprendre ce qu’il y avait comme travail à entreprendre. « Anders m’a appris que si l’on n’est pas épaulé par le savoir, on ne peut se représenter les choses, et donc avoir de rapport sensible à elles. Et si nous ne sommes pas sensibles, nous quittons l’éthique. » Après la bombe, les Japonais ont hésité à recons-truire, mais pas longtemps, pressés par les Américains occupant l’île. Il ne reste rien de cela. Une réalité s’éloigne. « Et quand on veut savoir, on se rend compte que les livres sur la Guerre du Pacifique et Hiroshima manquent. »

hiroshima mon amourPorteur d’un théâtre de peu de mots, Bruno Meyssat nous convie avec Observer, sur les traces de la première utilisation de la bombe nucléaire. Comment représenter ce qu’on peine à imaginer ? Comment approcher un passé et une réalité en pensée et en sensibilité ?

Par Thomas Flagel Photos de Michel Cavalca

À Strasbourg, au Théâtre national de Strasbourg, du 10 au 22 janvier 2012

03 88 24 88 24 www.tns.fr

Rencontre avec Bruno Meyssat, lundi 16 janvier 2012, dans le cadre de “Théâtre en pensées”, au TNS

SPEctaclE – STRASBOURG

1 (Re)lire Hiroshima mon amour,scénario et dialogues de Marguerite Duras, éditions Gallimard (1972) et (re)voir le film d’Alain Resnais, sorti en 19592 Dans Hiroshima est partout, Éditions du Seuil, collection La Couleur des idées (2008)

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L’invisible et le silence. L’échelle des choses est troublée, sans commune mesure avec d’autres faits de l’Histoire. « C’est le contenu d’une cuillère et demie de matière fissile qui a déclenché tout ça. » Les Améri-cains avaient, eux, prévu la destruction de la majeure partie de cette ville de 250 000 habi-tants, interdisant même à leur avions d’appro-cher à moins de 80 km. L’avant et l’après sont silencieux. « Les Ibakusha (les irradiés) se sont soignés comme ils pouvaient, et on les a laissés à leur propre vie. Souffrants de mala-dies chroniques, on disait d’eux qu’ils étaient mauvais travailleurs. Ils cachaient leur condition à leur famille. Les kanjis3 relatifs à la Bombe atomique ont été ôtés des imprime-ries du pays par les Américains. Impossible donc d’en parler comme d’en montrer des photos. Le black-out fut total jusqu’à l’indé-pendance. »

Distance. Anders rappelle que dans la tech-nologie moderne, le déclenchement d’une action et son effet ne cessent de se séparer et de s’éloigner, empêchant la représentation de

ses actes. Bruno Meyssat nous fait entendre la réalité crue de la mort avec son cortège de mouches, de verre projeté dans les corps, de brûlures… « Je fais entrer en collision ce qui se passe dans l’avion lâchant la bombe à 9 500 mètres d’altitude et l’en dessous », insiste le metteur en scène.

« Quand on rentre dans le musée, le seul plan bref de l’explosion qui existe, vu de l’avion, est projeté. Ce qui m’a saisi, c’est qu’on sent qu’il faut faire un effort d’imagination pour se représenter ce qui se passe au pied du cham-pignon atomique, dans une magnifique jour-née d’été. L’horreur et l’invraisemblable de cette situation hors norme est inimaginable dans le confort et la plénitude à 9 000 mètres. Ça parle de notre société, de ruptures an-thropologiques des perceptions humaines que procure l’usage des technologies modernes : de l’horreur industrielle des camps où la confrontation est directe, nous passons à une irresponsabilité que l’on reconnaît à cette façon dont personne ne pourra être tenu pour responsable de cette chaîne de décision. »

3 Caractères (ou sinogrammes) japonais

L’intensité mémorielle et sensorielle atteint des zones propre-ment intimes sur lesquelles travaillent les comédiens

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Voyage. Il était nécessaire de retourner avec ses comédiens sur les lieux. Tokyo, Kōbe… Hiroshima. Sortir d’un rapport livresque avec l’événement, leur faire rencontrer des gens, voir des paysages. Rapporter des objets. Sentir une ville, appréhender une culture. « L’in-tensité mémorielle et sensorielle atteint des zones proprement intimes. C’est là-dessus que travaillent les comédiens, sur ce qu’ils ont emmagasiné en mémoire profonde, des moments d’émotion intimes. » Travaillant avec l’objet en improvisation, il faut bien de l’humain pour y répondre. Pas de l’intellectuel.

Esthétique cérémoniale. Un homme en kimono fixe le public en pleurant. Lentement, il s’allonge dans un espace délimité par des bûches posées verticalement au sol. Cette séquence ouvrant la pièce a quelques attri-buts de “japonicité” : bois, kimono, socques anciennes et cheveux artificiels. « Ce n’est pas quelque chose que j’ai voulu et dessiné. Les images que je garde dans un spectacle sont arrivées à l’improvisation, à un moment qui procède aussi du voyage d’un comédien découvrant le japon du XVe siècle. Cette scène d’ouverture permet de rentrer dans la pièce par une action qui décélère le temps, peut-être la seule action lente d’ailleurs. Ses che-veux qui s’échappent sur un crâne chauve, rasé, nous rappellent ces récits de gens dissi-mulant leur cancer derrière des perruques. »

Hors norme. « 194 000 morts, la hauteur du champignon représentant deux fois celle du Mont Blanc… Tout est hors norme et donc avoir 100 mètres carrés de plateau lorsqu’on débute une création comme celle-là est diffi-cile. On sait qu’on sera dans la métaphore continuelle. » Reste à éviter deux écueils : la sur-représentation tombant dans le pathos et, inversement, la création d’images totalement déconnectées du sujet qui empêcheraient le spectateur de faire le lien. « La troisième partie de la pièce vient de là : au départ le spectacle était presque entièrement silencieux mais ça n’allait pas dans le sens du partage. Nous l’avons donc ouvert en deux, plaçant 20 minutes de paroles au milieu. Ça le changeait beaucoup, mais c’est un moment précieux qui a levé une inhibition quant à la parole dans mon travail. »

Plateau nu. Sur scène, peu de décors, beau-coup de matières froides (verre, métal…) dominées par des objets éparpillés : carcasse de lit, lavabo, valise contenant des centaines

de moulages de dentiers… Une esquisse du jour d’après dans toute sa complexité qui s’est « élaborée au fur et à mesure. Le décor n’existe qu’à la fin, lorsque le ressenti des choses s’est confronté à son partage. » L’eau tient un rôle prépondérant pour étancher la soif, panser les plaies… « Beaucoup de bois a brûlé. Béton, ferrure et verre cassé sont le plus restés. Les objets “meubles” devaient nous permettre d’improviser et d’être le sup-port d’un resurgissement de la mémoire d’un geste. Ils sont comme un crayon par lequel l’action doit s’écrire. » Reste au spectateur à agencer les morceaux. À reconstruire les histoires. À se laisser envahir par la nuit et le brouillard.

SPEctaclE – STRASBOURG

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faites vos jeuxDans le cadre de l’exposition d’art contempo-rain transfrontalière Regionale 12, la Kunsthalle de Mulhouse se transforme en terrain de jeux en rassemblant de nombreux works in progress d’artistes. Rien ne va plus…

Par Emmanuel Dosda

Remise en jeu, à La Kunsthalle de Mulhouse, jusqu’au 8 janvier 2012

03 69 77 66 47 www.kunsthallemulhouse.fr

Regionale 12, jusqu’au 8 janvier 2012 dans divers lieux en Alsace (Le Maillon-Wacken à Stras-bourg, la FABRIKculture de Hégenheim…) en Suisse (Bâle) et en Allemagne (Fribourg)

www.regionale.org

Le but de Regionale ? Encourager la com-plémentarité et la coopération entre une quinzaine de pôles artistiques suisses,

allemands et français. Faire en sorte que les acteurs culturels, les créateurs et les publics du canton de Bâle, du Bade-Wurtemberg et d’Alsace circulent, traversent les frontières. Regionale, ce sont des centaines de dossiers envoyés, épluchés et sélectionnés… mais aussi, depuis deux ans, des plasticiens directement sollicités par les structures qui construisent un propos à partir d’œuvres reflétant la création contemporaine. Accélérateur de Particules rassemble par exemple une vaste sélection de vidéos au Maillon-Wacken (Strasbourg) tandis que l’Ausstellungsraum de Bâle invite des plasticiens à transformer l’architecture de leur espace d’exposition. Il sera question de solitude au Kunsthaus Baselland (Bâle), de vitesse, ou plutôt d’éloge de la lenteur, au Pro-jektraum M54 (Bâle), de flux d’information au Kunstverein Freiburg ou de Remise en jeu (titre de l’expo) à la Kunsthalle de Mulhouse…

Jeux (pas) interditsUne exposition foisonnante, ludique, joyeuse comme une veillée de Noël dans le très sé-rieux centre d’art contemporain de la Ville de Mulhouse ? Non, Sandrine Wymann, direc-trice de la Kunsthalle, n’est pas tombée sur la tête et n’a pas décidé de changer de cap : « Nous revendiquons le choix d’accueillir des artistes qui sont parfois difficiles d’accès, comme Benoît Maire, mais il y a un temps

pour tout. » Elle envisage cette manifesta-tion « trépidante », qui invite créateurs et visiteurs à « jouer », comme une parenthèse (enchantée) en cette fin d’année. Pour Régio-nale 12, la Kunsthalle n’a pas eu recours à un commissariat d’exposition, mais a rassemblé un jury qui a choisi des artistes et un cadre pour une exposition vivante, offrant beau-coup d’entrées possibles et permettant des participations multiples. L’ancienne fonderie sera divisée en différents espaces avec leur propre modus operandi. Certains, comme la poignée d’élèves en cinquième année du Pôle Alsace d’enseignement supérieur des arts (soit Le Quai + l’Ésad), font évoluer leurs pièces durant le temps de l’exposition. Ils ont été invités à consulter les dossiers des candidats avant de choisir un artiste et de développer un dialogue. Les étudiants et leurs binômes (parfois confirmés et bien souvent d’une autre

aRt contEmPoRain – GRAND EST

Exfoliant, 2011 © Encastrable

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nationalité) ont, depuis septembre, commencé à produire des œuvres originales résultant d’une conversation et donnant naissance à des formes sculpturales, de très nombreuses performances (avec des rendez-vous précis au cours de l’expo), de (nombreux) dessins, des travaux vidéo ou peintures in situ.

Nettoyage à secOutre les œuvres participatives (« pour impli-quer les visiteurs ») issues des collections de L’espace Gantner de Bourogne, la Kunsthalle présentera aussi une projection permanente d’une vingtaine de vidéos. Mises bout à bout et diffusées en boucle, ces six heures font songer aux « 24h du Mans : ça tourne sans arrêt durant toute la journée. » L’espace se transforme également en atelier, voire en offi-cine, avec les Strasbourgeois d’Encastrable. « Enfin, ce sera plus la fête de la science que le

labo scientifique », s’amuse la directrice de la Kunsthalle. Le collectif composé d’Antoine Le-jolivet et de Paul Souviron a pour habitude de squatter les grands magasins type Casto pour y puiser la matière nécessaire à leurs sculp-tures faites à partir d’outils et matériaux. Avec le projet Exfoliant, ces bricol’boys mettent en marche des machines à laver durant le temps de l’exposition (sponsorisée !). L’idée ? Lessi-ver d’anciennes toiles, des “vieilles croûtes” dégottées sur les étalages poisseux de mar-chés aux puces. Le 5 janvier, une vente aux en-chères, en présence d’un commissaire-priseur, permettra d’acquérir ces œuvres “nettoyées” et ré-encadrées. Démarche hygiéniste ? Atti-tude iconoclaste ? Critique de la société de consommation ? Ironie quant au système qui uniformise ? Geste éco-citoyen visant à recy-cler des toiles oubliées dans les greniers, afin de les “remettre en jeu” ?

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Par Hervé LévyPortrait de Kirill Karabits par Sasha Gusov

À Strasbourg, au Palais de la musique et des congrès, jeudi 15 et vendredi 16 décembre (programme Revueltas /Debussy / Franck) ainsi que jeu-di 12 et vendredi 13 janvier 2012 (programme Sibelius / Grieg)

03 69 06 37 06 www.philharmonique.strasbourg.eu

Au cœur de la froidure de décembre, Jesús López Cobos a décidé de plon-ger l’auditeur dans l’univers méconnu,

sous nos latitudes, de Silvestre Revueltas, compositeur mexicain du début du XXe siècle. Avec Sensemayá, page inspirée d’un poème du cubain Nicolás Guillén, il « évoque un rituel magique s’achevant par la mort d’un serpent. Cette pièce – notamment employée dans la bande originale de Sin City – utilise nombre de rythmes populaires mexicains et laisse une grande place aux percussions jusqu’à, parfois, faire penser à Stravinsky », explique le chef espagnol. Après ces crépite-ments caribéens, il nous propose deux pages françaises tout aussi chaleureuses et lumi-neuses : la Fantaisie pour piano et orchestre de Debussy et la Symphonie en ré mineur de Franck qui ressemble à une brillante réflexion introspective sur l’homme.

Changement complet d’atmosphère avec un deuxième concert dirigé par Kirill Karabits, un habitué des scènes strasbourgeoises. Il a en effet souvent été au pupitre de l’OPS et entre-tient une relation privilégiée avec la phalange. Le chef ukrainien a choisi de nous entrainer

du nord au sudDeux chefs charismatiques, Jesús López Cobos et Kirill Karabits, ont imaginé deux programmes passionnants pour l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Le premier nous entraine dans la chaleur cubaine, tandis que le second met le cap au nord.

dans les solitudes glacées du nord de l’Europe. L’image de Sibelius est celle d’un composi-teur qui, à la fracture du XIXe et du XXe siècle, s’est transformé en barde de sa terre natale, la Finlande, exprimant le lien puissant et indis-soluble l’unissant à sa patrie : Karelia (1893) est une belle illustration de cette relation char-nelle, puisque l’œuvre exalte le berceau de la nation finlandaise. Réduire le musicien à son image de porte-parole des aspirations natio-nalistes bouillonnantes de tout un peuple se-rait cependant une profonde erreur puisqu’il fut, selon le musicologue britannique Cecil Gray, le « plus grand symphoniste depuis Beethoven ». Preuve en est apportée avec cette Symphonie n°4. Entre les deux partitions du compositeur finlandais, sera joué le Concerto pour piano et orchestre d’Edvard Grieg in-terprété par le virtuose macédonien Simon Trpčeski : s’y croisent lyrisme et tendresse, accents schumanniens (il est écrit en la mi-neur comme l’unique Concerto pour piano du compositeur allemand) et influences folklo-riques norvégiennes. Voilà sans doute la pièce maîtresse de cette odyssée sonore nordique.

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théÂtRE – MULHOUSE

Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark. Définitivement. Metteur en scène impétueux, Vincent Macaigne

s’offre le luxe d’exploser le texte le plus emblé-matique de Shakespeare. Dans un décor de fin de partie, tout le monde a la gueule de bois. Hamlet, lui, est une bête assoiffée de sang et de vérité, plongeant jusqu’aux paupières dans la tombe pleine de boue de son père assassiné par Claudius. L’image romantique du per-

natural born killersPièce phare du dernier festival d’Avignon pour lequel Vincent Macaigne l’a créée, Au moins j’aurai laissé un beau cadavre revisite Hamlet, entre folle irrévérence et totale démesure.

Par Thomas FlagelPhoto de Christophe Raynaud de Lage

À Mulhouse, à La Filature,jeudi 5 et vendredi 6 janvier 2012

03 89 36 28 28www.lafilature.org

sonnage est électrifiée au profit de convul-sions et d’éructations endiablées formant le geste théâtral de la bande à Macaigne. En chef d’orchestre survolté, il harangue le public dès son entrée, depuis le haut des gradins, faisant monter la sauce et augmentant avec furie le désordre ambiant. Tout commence par un massacre à la tronçonneuse, sanguinolent à souhait. Une violence puisée dans le conte danois de Saxo Grammaticus qui aurait ins-piré Shakespeare himself ! Un énorme néon surplombant le fond de scène nous avait mis en garde : « Il n’y aura pas de miracle ici. »

Dans une violence jamais contenue, le dépas-sement de toutes les limites amène la déme-sure d’un humour volontairement potache et gras, mettant à l’épreuve les corps et les voix. Car chez Macaigne, le théâtre déborde de cris, de sexe cru, d’éclaboussures de boue (gare aux premiers rangs !) et d’engueulades successives. On hurle sa difficulté de vivre et de vouloir ce que même nos enfants ont abandonné. La désacralisation du théâtre est totale. La frontière avec le public bannie, cette agora vivante et habituellement pas-sive est poussée à apporter du tragique à la pièce en tenant son rôle. Choqué, emballé, dégoûté ou endiablé, n’hésitez pas, criez-le ! Cette fête funèbre de 3h30 n’en sera que plus folle. Quant à l’entracte, sortez, si vous ne voulez pas vous prendre vingt minutes de Ti Amo dans les oreilles. Au milieu de ces choix dramaturgiques – qui en exaspéreront plus d’un – se dévoileront quelques déclamations lumineuses de modernité et de sensibilité, un déluge de surprises en tous genres à base d’hélium et de souffleries, d’illustrations psy-chanalytiques bien senties ou de meurtres au poignard et au pistolet. Hamlet est comme un artiste, un poète qui se ferme au monde et ne peut qu’écrire une pièce (dans la pièce) pour trouver la vérité. Le jeu de l’outrance pour tomber les masques. Finalement, nous en prendrons plein la gueule car « nous sommes tous des barbares malgré notre culture. »

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Dans le monde du hip-hop, on n’a pas attendu d’être champion du monde pour savoir que la France était black

blanc beur. En baptisant ainsi sa compa-gnie en 1984, Christine Coudun annonçait la couleur. Ou plutôt les couleurs, car la choré-graphe est nourrie d’une formation multiple : danse classique et contemporaine, orientale, africaine, jazz, claquettes, flamenco… Paral-lèlement, elle étudie l’histoire de l’Afrique tout en côtoyant les déracinés des banlieues et la génération hip-hop naissante. Depuis plus d’un quart de siècle, elle explore les pos-sibles de cet art né dans la rue en le portant toujours plus loin, hors des sentiers battus et jusque sur les scènes des théâtres. Bousculant constamment les codes du genre, Christine Coudun y introduit la musique classique, la théâtralité… et la féminité.

Dès 2001, en créant Défilles, la chorégraphe et ses danseuses s’emparent d’un domaine jusqu’alors réservé aux hommes ; mais c’est surtout avec Au féminin (2006) – évoquant la maternité version breakdance – que prend forme une passionnante réflexion sur l’appro-priation de cette danse hyper physique par les femmes. My Tati Freeze creuse avec un bon-heur communicatif ce sillon, surfant cette fois

sur les stéréotypes de la féminité pour mieux leur tordre le cou. La ménagère armée de son plumeau, breake et freeze avec la jeune cadre débordée en tailleur et talons aiguilles dans cette pièce ludique et pleine d’autodérision où la légèreté n’est jamais qu’une apparence. Il y a les souffrances, petites ou grandes, les colères et les révoltes mais aussi la tyrannie de la beauté et le froid d’une société déshu-manisée.

Fluide, virtuose, la danse est sublimée par huit breakeuses qui ont tôt fait de balancer les talons hauts pour affirmer qui elles sont, les pieds sur terre et le poing levé, mais la tête à l’envers, libres de leur fantaisie. « Je n’ai aucune théorie sur la Femme. Je souhaite juste que ce spectacle exprime, bien au-delà du genre hip-hop, que nous sommes capables de mener notre vie sans sacrifier notre fémi-nité et notre intégrité. Pour construire My Tati Freeze, j’ai frappé à la porte de chacune d’entre nous, pour tenter l’imprévu et faire une histoire de femmes qui dansent », confie la chorégraphe. En explorant la singularité de ces danseuses, leurs façons d’être au monde, leurs rapports au corps, Christine Coudun signe un spectacle sensuel, drôle et puissant. Elle relève surtout un bien joli défi.

girl powerPionnière de la danse hip-hop en France, la compagnie Black Blanc Beur poursuit sa révolution avec un spectacle 100% féminin, My Tati Freeze, présenté à La Coupole.

Par Dorothée LachmannPhoto de Laurent Paillier

À Saint-Louis, à La Coupole, vendredi 20 janvier 2012 (dès 9 ans)

03 89 70 03 13 www.lacoupole.fr

www.blackblancbeur.fr

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à La Filature, Scène nationale – Mulhouse

samedi 14 janvier

CARTE BLANCHE À ALBIN DE LA SIMONECiné-concert, sieste acoustique, concerts, exposition, performances, after… au programme de cette joyeuse carte blanche offerte à Albin de la Simone qui invite ses amis, artistes aux multiples talents.

à 15 h 30 / musique / dès 5 ans LES PIEDS DANS LE PLAT Pascal Parisot

à 16 h 30 / musiqueSIESTE ACOUSTIQUE Bastien Lallemant

à 19 h / ciné-concertFILMS FANTÔMES Albin de la Simone

dès 19 h 45 performance – exposition ENTRACTECABINET PAYEN Marie PayenPOCHETTE SURPRISE Gilles Kneusé

à 21 h / concertALBIN DE LA SIMONE

dès 22 h 30 / concert dansantAFTER 50’s - 60’s Radiomatic

pass carte blanche 30 € l’intégralité des spectacles dans la limite des places disponibles

bar – espace restauration

T +33 (0)3 89 36 28 28

WWW.LAFILATURE.ORG

musique

danse

arts plastiques

théâtre

Mes poupées ont

beaucoup maigri,

elles ne comprennent

pas les langues

étrangèresVendredi 20 janvier à 19h

Cie Les acteurs de Bonne foi

Quatuor pour

la fi n du temps

Olivier Messiaen

+ DSDVendredi 17 février à 19h

Ensemble Orchestral Contemporain

/ VMC Production

La Maison des Arts

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Réservations : 03 88 78 88 82

> [email protected]

> ou à l’accueil de la Maison des Arts

(tous les jours de 14 à 20h)

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50 Poly 145 Décembre 11

claire perretD’après la légende familiale, la petite Claire décrète, à trois ans, qu’elle fera des livres pour enfants, après avoir dessiné un diplodocus broutant une fougère arborescente. Elle débute par des cours de dessin divers et variés, puis passe trois ans dans l’atelier d’illustration des Arts déco de Strasbourg. Depuis son diplôme en 2006, elle travaille essentielle-ment pour la presse et l’édition jeunesse, aspirant à écrire ses propres histoires pour “boucler la boucle”. Claire Perret aime sortir des sentiers battus : ses images se font volumes et tendent vers l’objet… Des allées et venues autorisées par la technique des papiers découpés.

http://perretclaire.ultra-book.com

À découvrir jusqu’au 7 janvier 2012, au restaurant La Vignette, 78 route des Romains à Strasbourg-Koenigshoffenwww.lavignette.fr

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Cette exposition est reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture et de la Communication/ Direction générale des patrimoines / Service des musées de France. Elle bénéficie à ce titre d’un soutien financier exceptionnel de l’État.

Sous le patronage de Monsieur Thorbjørn Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.

OU LA FASCINATION DE L’OCCULTE, 1750-1950

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52 Poly 145 Décembre 11

Né en 1955, Douglas Kennedy qui se dé-crit comme « un enfant de la guerre froide », commence une carrière de

dramaturge avant de connaître le succès lit-téraire, à 42 ans, avec un deuxième roman L’Homme qui voulait vivre sa vie. Depuis, il est plébiscité par le public et la critique, ses œuvres sont adaptées au cinéma… Dans ses livres, il utilise certains éléments auto-biographiques, les adapte et les injecte dans les évolutions des personnages. Comme le narrateur de son dernier roman, « je suis américain, j’ai une cinquantaine d’années, je vis dans le Maine et j’ai aussi rédigé des récits de voyage » explique-t-il. L’histoire est celle d’un écrivain new-yorkais, Thomas Nesbitt qui reçoit, en plein divorce, un mys-térieux paquet envoyé depuis l’Allemagne par un certain Johannes Dussmann. La valse du souvenir peut commencer puisque tout le livre tourne autour d’une histoire d’amour qui s’est déroulée vingt-cinq ans plus tôt entre le nar-rateur et Petra, jeune est-allemande passée à l’Ouest. On découvrira, au fil des pages qu’elle n’est pourtant pas celle qu’elle paraît être de prime abord…

Pour parvenir à reconstituer Berlin alors coupé en deux, Douglas Kennedy s’est évi-demment énormément documenté, mais a aussi utilisé ses souvenirs d’enfance et ceux d’un voyage effectué en 1983 au cours duquel il réside à cinq mètres du Mur et rencontre des habitants du quartier de Kreuzberg, ber-ceau de la contestation anarchiste. La RDA est décrite comme un univers oppressant où règne une « ambiance noir et blanc ». Le contraste avec le bouillonnement coloré de la RFA est énorme. On replonge avec joie dans ces années en compagnie d’un héros parti en Allemagne pour y écrire un récit de voyage et qui travaille, pour gagner quelques Marks, dans une station de radio américaine chargée de faire de la propagande. Grace à une resti-tution historique minutieuse et à une méca-nique dramatique bien huilée dans laquelle les destins basculent irrémédiablement, le livre fait mouche et bouleverse son lecteur… pour longtemps.

Pour son dixième opus, Douglas Kennedy nous emmène dans le Berlin, d’avant la chute du Mur. Rencontre, à Paris, avec le romancier améri-cain à l’occasion de la sortie de Cet instant-là, un ouvrage singulier, entre reconstitution historique, réflexion philosophique et love story.

Par Léna Tritscher (texte et photo)

Rencontre avec l’auteur à Strasbourg, à la Librairie Kléber, mercredi 7 décembre à 16h

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Cet instant-là est paru chez Belfond (22,50 €)www.belfond.fr

www.douglas-kennedy.com

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Passion Godard/ Deuxième !Les dernières minutes d’Adrienne

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C’est dans un immeuble historique situé au centre de Strasbourg que se cache l’un des studios de post-production

les plus importants de la région. En 1993, lorsque le siège d’Arte s’installe à Strasbourg, Télétota Paris décide d’ouvrir une antenne dans la capitale alsacienne. Bernard Lapointe y débute comme stagiaire ingénieur du son, trois mois seulement après l’ouverture : « Je me rappelle même avoir posé la moquette, cela crée des liens et pour preuve, j’y exerce depuis maintenant 16 ans ! » Aujourd’hui di-recteur artistique, il est responsable d’un film dans son ensemble, de son arrivée en V.O. à sa transformation en langue française. Si Arte est son principal client, Télétota Strasbourg tra-vaille également pour la publicité, des musées ou des éditeurs de méthodes de langue. Les facettes de ce métier sont nombreuses et le travail est réparti entre les cinq employés.

Pour que naisse la V.F. d’un documentaire pour Arte, il faut compter en moyenne trois semaines. « Les étapes sont précises », ex-plique Bernard : « À la réception du film, nous l’envoyons d’abord en traduction puis, dans un second temps, chez un adaptateur qui réoriente la traduction pour répondre à la ligne éditoriale de la chaîne. » Dans ce même temps débute la phase de casting. Si Télétota Strasbourg regroupe aujourd’hui près de 300 voix, constituées à 80% d’acteurs de théâtre ou de cinéma, le casting se fait cependant au quotidien pour tenter de dénicher, encore et toujours, de nouveaux timbres. Une fois ces voix choisies et validées par le producteur, une journée d’enregistrement est générale-ment nécessaire pour un “52 minutes”. Pour gagner en temps et en efficacité, les comédiens doublent souvent seuls.

Les dialogues et la narration sont ensuite assemblés lors du mixage. Installé dans une cabine d’enregistrement à côté du studio, le comédien se repère à l’aide d’un timecode figurant sur le texte dactylographié et sur l’écran vidéo où défile le film. Les indica-tions de Bernard sont dans un premier temps d’ordre général : contexte du film, style, am-biance, degré d’énergie que le comédien ne peut avoir à la simple lecture du texte. Une grande liberté est laissée pour conserver le na-turel et quelques retouches techniques – mot à mettre en avant, articulation, ouverture de phrases – sont ensuite apportées. « Ce que je préfère dans mon métier c’est ce lien, cet échange… C’est à ce moment que se fabrique vraiment le film en français », explique-t-il. Aujourd’hui, après tant d’années à travailler sur des documentaires, son rêve serait néan-moins de sortir de l’ombre et de réaliser le sien.

dialogue de sonsComment passe-t-on d’un film étranger en version originale à sa version française? Bernard Lapointe nous révèle les secrets du doublage au cœur du studio de post-production Télétota.

Par Laure Roman Photo de Benoît Linder pour Poly

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Le Pays de Montbéliardse réinvente à GRANDE VITESSE !

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un REGaRdLe propre corps de la photographe demeure son modèle de prédilection. Peut-être par simple commodité. Ses séries d’autoportraits – son visage se réfléchissant, tel Narcisse, à la surface de l’eau, par exemple – ne sont souvent que des “reflets”, dans tous les sens du terme, de la réalité. Jeu d’effets lors des prises de vue, travail chimique sur le film… l’image de Laurence Demaison,

la figure brouillée, déformée, voire en-sanglantée, n’est parfois plus que celle de son fantôme. Ici, la Strasbourgeoise se dissimule sous une Bobine de laine, sorte de masque tissé, moelleux mais inconfortable, doux et SM. Telle une chrysalide, elle semble attendre sa mue. Bientôt, elle sortira de son cocon, trans-formée, évoquant encore les Métamor-phoses d’Ovide.

bobine de laurence demaisonPar Emmanuel Dosda et Thomas Flagel

Exposition de Laurence Demaison & Patrick Bailly-Maître-Grand, à la galerie de La Filature (Mulhouse), jusqu’au 18 décembre

03 89 36 28 28 www.lafilature.org

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Poly 145 Décembre 11 57

Voilà trente ans que Patrick Bailly-Maître-Grand nous délecte de séries étranges, d’images travaillées pour leur singularité fantastique. Cette Gueule cassée est celle d’une poupée en car-ton que le photographe strasbourgeois s’est amusé, en 2009, à écrabouiller sans ménagement, aplatie comme la tête d’un héros de cartoon à la Tex Avery. Son « plaisir à décortiquer les

choses » se fait jour, le caractère obsé-dant et dérangeant des billes formant le regard des poupées – les mêmes que celles utilisées par les taxidermistes pour donner un supplément d’âme à leurs bêtes empaillées – continuant de nous transpercer. Seul le maquillage rappelle l’état antérieur de ce jouet dé-formé par la torture sadique d’un grand gamin photographe donnant naissance

à une face qui n’est pas sans rappeler Le Voyage dans la Lune de Georges Méliès, astre humain percuté dans l’œil droit par une cabine en forme d’obus. Lorsque l’imaginaire de l’enfance pas-sée bouscule la raison adulte…

gueule cassée de patrick bailly-maître-grand

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À Pforzheim, Serpentina est une exposition fascinante et intrigante. Le Schmuckmuseum y explore avec finesse la symbolique du serpent dans le bijou à travers les âges et les civilisations.

L a symbolique du serpent est difficile-ment saisissable. Elle glisse, ondule et varie selon les lieux et les époques.

Nul autre animal ne possède de signification aussi protéiforme. Parfois, le reptile renvoie à l’éternité et au cycle sans fin de la vie : en témoigne l’Ouroboros – le serpent qui se mord la queue – de la mythologie égyptienne. Chez les Grecs et les Romains, il est synonyme de guérison (et s’enroule autour du caducée d’Esculape). Dans la chrétienté, il est indis-solublement lié au pêché originel, tandis que le toltèque Quetzalcóatl connaît des interpré-tations multiples… et parfois contradictoires. C’est toute cette variété que l’exposition nous permet d’explorer à travers 140 pièces excep-tionnelles de toutes les cultures et des époques les plus variées. « Plus nous nous sommes occupés de ce thème, plus il apparaissait clai-rement qu’il était riche et fascinant » explique la directrice du musée, Cornelie Holzach. De l’antiquité au XXe siècle, un étonnant voyage… Autour de 1900, voilà un briquet d’agent de la maison Fabergé en forme d’inquiétant crotale.

Plus angoissant encore est ce nid de vipères (qu’on entend presque siffler) imaginé, à la même époque, par René Lalique… Drôle de bijou où se mêlent volupté et danger de mort. Plus apaisés sont ce bracelet torsadé glamou-rissime aux têtes serpentines stylisées venant de Suède et datant du troisième siècle ou cette étonnante chope de bière berlinoise avec son dragon aux ailes déployées faites de subtiles efflorescences argentées. Voilà un bestiaire d’or, de diamants, d’émail, de vermeil et de platine bien séduisant. Dommage simplement que ces chefs-d’œuvre demeurent enfermés dans des vitrines alors qu’on leur rêverait une utilisation plus… baudelairienne :

d’or et de diamants

ExPoSition – PFORZHEIM

Par Raphaël Zimmerman Photo du Bracelet au serpents (troisième siècle, Musée historique national de Suède) par Gabriel Hildebrand

À Pforzheim, au Schmuckmu-seum, jusqu’au 26 février 2010

+49 7231 39 21 26www.schmuckmuseum-pforzheim.de

« Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur / Ce monde rayonnant de métal et de pierre / Me ravit en ex-tase, et j’aime à la fureur / Les choses où le son se mêle à la lumière. »

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Complément idéal de l’exposition ré-cemment présentée au Musée Würth d’Erstein1 – qui faisait la part belle

à l’œuvre de jeunesse de l’artiste – celle de Baden-Baden est centrée sur les trente der-nières années. Elle est composée d’une sélec-tion d’une trentaine de pièces de la collection rassemblée par Hans Grothe, aujourd’hui âgé de 81 ans, qui est venu à l’art « en voulant acheter une Porsche. Le concessionnaire était fermé. Je me suis alors promené à Düssel-dorf, suis entré dans une galerie et ai acquis un tableau. » La passion, rapidement dévo-rante, est centrée sur les peintres allemands majeurs : Baselitz, Polke, Richter et Kiefer dont il possède un ensemble imposant. Les œuvres exposées, de dimension monumen-tale pour leur plus grande part, reflètent le rapport étroit et complexe qu’entretient Kie-fer à l’histoire de l’Europe… Wege der Wel-tweisheit : Die Hermannschlacht ressemble ainsi à une réflexion sur l’âme germanique dans ses multiples replis, y compris les plus sombres : s’y déploient notamment les visages d’Arminius, Kant, Heidegger, Hölderlin… ou Horst Wessel2.

Plus énigmatique est le versant mystique de la création d’un artiste qui ne cesse d’inter-roger la place de l’homme dans le cosmos, prenant, pour point de départ, les mytholo-gies fondatrices et certains courants de pensée ésotériques. Dans The Secret Life of Plants for Robert Fludd – un ensemble 14 tableaux de grande taille où domine le plomb – il fait, par exemple, référence à un des Grands Maîtres des Rose-Croix3 au XVIIe siècle, à la fois al-chimiste, médecin et kabbaliste. S’y trouvent développées, des cosmogonies en noir, gris et blanc, formant une réflexion sur le rap-port entre micro- et macrocosme, étoiles et composantes de la vie terrestre. Le regard se perd dans ces constellations complexes où apparaissent des branches d’arbres peintes en blanc ou une oie empaillée. Et Kiefer nous apparaît soudain pour ce qu’il est : le grand alchimiste de la peinture du XXIe siècle com-mençant.

l’antre de l’alchimistePlomb, peinture, plantes séchées, avions ou bateaux de métal… Les immenses tableaux d’Anselm Kiefer ornent les murs du Museum Frieder Burda. Entre histoire et mystique.

Par Hervé Lévy

À Baden-Baden (Allemagne), au Museum Frieder Burda, jusqu’au 15 janvier 2012

+49 72 21 398 980 www.museum-frieder-burda.de

ExPoSition – BADEN-BADEN

Der Fruchtbare Halbmond, 2009 © Anselm Kiefer, 2011

1 Voir Poly n°139 ou au www.poly.fr2 Militant du NSDAP et membre de la SA (1907-1930) abattu par un militant communiste au cours d’échauffourées et devenu la figure, par excellence, du martyr pour les nazis. Le Horst Wessel Lied était l’hymne officiel du parti3 Un ordre hermétiste dont les membres apparaissent souvent comme les héritiers des chevaliers du Graal et des Templiers

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Aujourd’hui, le Ballet du Théâtre Ma-riinsky est redevenu une des plus importantes compagnies du conti-

nent, avec pour seul rival en Russie, celui du Bolchoï. Depuis le début du XIXe siècle, le Ma-riinsky – ainsi appelé pour honorer l’épouse du tsar Alexandre II, Maria Alexandrovna – est, avec sa façade verte et blanche, un des temples européens de la danse. La réputation du lieu s’était quelque peu effritée au cours de la période communiste, où il changea de nom pour se nommer Kirov (en hommage à l’un des premiers bolchéviques) mais, depuis 1991, et grâce à l’action du chef d’orchestre Valery Gergiev, la maison a retrouvé son lustre, se positionnant à nouveau comme un centre de premier plan pour l’opéra et le bal-let. Aujourd’hui, danseurs et danseuses per-pétuent une tradition d’exigence et de pureté : technique exceptionnelle, lyrisme revendi-qué, classicisme maîtrisé… Le corps de ballet et les étoiles du Mariinsky restent fidèles à leurs immenses prédécesseurs : Anna Pavlova, Vaslav Nijinski, Rudolf Noureev ou Mikhaïl Barychnikov.

Premier rendez-vous de cette “mini rési-dence”, le classique des classiques, le célé-brissime Lac des cygnes. La musique est de Tchaïkovski, la chorégraphie, où se mêlent

indissolublement extase et introspection, de Konstantin Sergeyev (d’après Marius Petipa et Lev Ivanov). Les corps corsetés par une tradition qui hésite entre vélocité et hiéra-tisme virevoltent, les danseuses du corps de ballet évoluent avec la précision d’une pha-lange spartiate. Pas une jambe, ni un bras plus haut que l’autre. Tout comme dans une choré-graphie bien moins célèbre, Anna Karénine… Du chef-d’œuvre fleuve de Tolstoï, Alexeï Ratmansky a fait, en 2010, une chanson sans paroles sur une musique quelque peu acadé-mique des années 1970 de Rodion Chédrine qui fut président de l’Union des compositeurs soviétiques de 1973 à 1990. Le résultat ? Un ballet cinématographique, une épopée drama-tico-glamour à laquelle on se laisse prendre avec jubilation. De cette rencontre improbable entre Hollywood – pour la danse – et Brej- nev – pour la musique – nait un spectacle hypnotique, une réinvention pleine d’esprit de la grande tradition, dans laquelle les tour-ments intérieurs des protagonistes atteignent le spectateur en plein cœur. Changement d’at-mosphère avec Don Quichotte chorégraphié par Alexander Gorsky (d’après Marius Petipa) où la danse se fait perpétuelle et sensuelle arabesque et avec le gala final kaléidoscopique en forme de best of des meilleurs moments du répertoire.

éclats de balletC’est en habitué des lieux que le Ballet du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg prend ses quartiers d’hiver au Festspielhaus pour quatre spectacles placés sous le signe de l’élégance et de l’exigence.

Par Hervé LévyPhoto d’Alexander Gulyaev

À Baden-Baden, au Festspiel-haus, Le Lac des cygnes mer-credi 21 et jeudi 22 décembre, Anna Karénine vendredi 23 et dimanche 25, Don Quichotte lundi 26 ainsi qu’un Gala mardi 27 décembre

+49 7221 3013 101www.festspielhaus.de

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Souvent mésestimé, le cirque contempo-rain est pourtant en perpétuelle réin-vention, cultivant le décloisonnement

des arts avec brio, sans oublier les dimensions particulière de ses disciplines fondatrices : acrobaties, polyvalence des techniques, prise de risques… Mathurin Bolze est de cette géné-ration d’artistes formés au Centre national des Arts du cirque de Châlons-en-Champagne qui ne s’est jamais enfermé dans sa pratique. Le trampoliniste a tourné sous la houlette de Josef Nadj et pourrait « parler pendant deux heures de ce que François Verret lui a apporté et transmis » au fil des quatre créations du chorégraphe auxquelles il a participé. Cirque dansé ou danse circassienne ? « Peu importe, seul l’art du mouvement compte. » Le style a le mouvement et l’image, disait Anatole France. Celle qui préside dans le spectacle, son point de départ même, est ce décor. Une sorte de plateforme suspendue (ou de vaisseau mouvant) comme en apesanteur. Un immense

objet de ballant, « espace de métaphore chan-geant, tout à la fois sol stable quand il repose au sol, oppressant quand il s’élève au-dessus des personnages et comme un radeau dans la tempête lorsqu’il oscille ». Autant d’images du monde, de lectures ouvertes dont le metteur en scène et interprète se garde bien « de don-ner les réponses ».

D’histoire ou de narration classique, il n’y a pas. Les cinq personnages (quatre hommes et une femme) du spectacle sont « comme des bannis » d’on ne sait où, évoluant entre une grande légèreté de mouvements, d’aspirations et le « côté goudronneux de la vie ». Rien du western donc dans Du Goudron et des plumes mais des instantanés de la vie d’un groupe humain, sans cesse dans le déséquilibre, s’appuyant et s’aidant de planches de frêne dans des corps à corps de pantomime. On se touche, s’enlace, chute et se relève pour mieux défier les lois de la pesanteur, s’arracher de son humaine condition, à la recherche d’un ailleurs, de ceux qui « président à la constitu-tion de mes images » confie Mathurin Bolze. Ainsi, du numéro traditionnel de clown en miroir, dos à dos, il crée un saisissant axe ho-rizontal où les personnages sont comme collés par les pieds, tête en haut et tête en bas. « Ces individus cherchent une issue. L’ensemble de mouvements, de tableaux et d’images qui s’imposent constituent une métaphore de la vie soutenue par l’entraide, la douleur, les efforts et la difficulté. Le cirque a cette vertu d’évoquer… » N’oublions pas que sa com-pagnie s’appelle MPTA pour “Les mains, les pieds et la tête aussi”.

y a p’t’être un ailleursLe nouveau cirque de Mathurin Bolze et de sa compagnie MPTA se pose au Carreau de Forbach. Du Goudron et des plumes, un voyage onirique et fantastique pour cinq acrobates, bannis sur un radeau de fortune.

Par Irina SchragPhoto de Christophe Raynaud De Lage

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Carte postale, aux alentours de 1912

Trop rarement donné, Palestrina de Hans Pfitzner est monté à l’Opéra de Zurich : voilà une belle occasion de découvrir, sous la baguette experte d’Ingo Metzmacher, l’œuvre maîtresse de celui qui fut directeur musical à Strasbourg, au début du XXe siècle.

A ujourd’hui, Hans Pfitzner (1869-1949) est bien oublié… Sans doute les com-promissions avec le troisième Reich

d’un compositeur qui dédia, en 1944, l’ouver-ture Krakauer Begrüssung à Hans Franck, le gouverneur général de la Pologne, y sont-elles pour beaucoup. Au cours du premier conflit mondial, « l’artiste national s’était politisé pour devenir un nationaliste antidémocra-tique » explique Thomas Mann dans ses Considérations d’un apolitique. Le musicien n’en demeure pas moins un créateur fasci-nant, un héritier (très) inspiré de Wagner à qui l’on doit des Lieder parmi les plus beaux du répertoire – que Dietrich Fischer-Dies-kau magnifia par de remarquables enregistre-ments – et des opéras comme les rarissimes Der arme Heinrich (1895) ou Die Rose vom Liebesgarten (1901). Plus souvent monté – il faut le dire vite – Palestrina demeure son chef-d’œuvre. Si l’opéra fut créé à Munich en 1917, il a été composé, pour sa plus grande part à Strasbourg, où Pfitzner, également chef de grand talent, est Generalmusikdirektor entre 1910 et 1916 : au cours de cette période, il dirige en effet non seulement l’orchestre et le Conservatoire (entre 1907 et 1918) mais aussi l’opéra.

Dans le prolongement du XIXe siècle ger-manique – Pfitzner est le dernier “grand ro-mantique” – Palestrina, opéra héritier d’une longue tradition, est l’ultime écho « de la sphère schopenhauerienne-wagnérienne » selon Thomas Mann qui y voit logiquement « la dernière pierre apportée à l’édifice de l’opéra romantique » et « la mélancolique note finale d’un mouvement artistique na-tional qui (…) s’achève glorieusement ». En s’attachant à la figure de Palestrina, compo-

le chef-d’œuvre inconnu

oPéRa – ZURICH

Par Hervé Lévy

À Zurich, à l’Opéra, du 10 décembre au 12 janvier 2012

+ 41 44 268 66 66www.opernhaus.ch

siteur italien du XVIe siècle considéré comme le sauveur de la musique sacrée et le « père de l’harmonie » (Victor Hugo), Pfitzner pro-pose notamment une réflexion sur les rap-ports entre deux sphères mentales, l’existence intellectuelle et la vie réelle. Comment ne pas se sentir concernés ? Le questionnement cen-tral initié par le musicien qui se déploie dans cet opéra se déroulant à la fin du Concile de Trente est tout aussi actuel, puisqu’il porte sur la dialectique permanente entre tradition et modernité dans l’art.

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C R A C A l s a c e

Julien Bismuth & Jean-Pascal Flavien &

Giancarlo Vulcano, Clédat & Petitpierre,

Dector & Dupuy, Jeremy Deller, Peter

Fischli & David Weiss, Jan Kopp avec

Anton, Ulysse & Aurélien, Seulgi Lee

avec Simon Boudvin, Marie Losier &

Genesis Breyer P-Orridge & Lady Jaye,

Mahony, Adolphas Mekas, Philippe

Quesne / Vivarium Studio, Jean Rouch

par Pierre-André Boutang

+ Project Room:

Matthew Schieppe & Willy Meyer

Exposition

du04/12/11

-au29/04/12

Partenaires Particuliers

Vernissage Brunch dimanche 4 décembre à partir de 11h

Le CRAC Alsace bénéficie du soutien de : la Ville d’Altkirch / le Conseil Général du Haut-Rhin / le Conseil Régional d’Alsace / la DRAC Alsace - Ministère de la Culture et de la Communication ainsi que du partenariat du club d’entreprises partenaires du CRAC Alsace – CRAC 40

CRAC Alsace 18 rue du château F-68130 Altkirch : + 33 (0)3 89 08 82 59 / www.cracalsace.com

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la montagne sacréeCanonisée par le “pape alsacien” Léon IX (1002-1054), Sainte-Odile donne son nom à un des sites les plus charmants de la région. Promenade avec vue(s) entre réminiscences celtiques, foi catholique et forteresse médiévale.

PRomEnadE

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«Parfois, vers midi, notre montagne est dans le soleil, mais la plaine pas-sera la journée sous un brouillard

impénétrable. À quelques mètres au-dessous de nous, commence sa nappe couleur d’opale. Sur ce bas royaume de tristesse reposent nos glorieux espaces de joie et de lumière ! C’est un charme à la Corrège, mais épuré de langueur, un magnifique mystère de qualité auguste. » Que l’on aime Maurice Barrès ou que l’on voue aux gémonies le nationalisme échevelé de l’auteur d’Au service de l’Alle-magne – dont sont extraites ces phrases – il est impossible de ne pas lui reconnaître la qualité, désormais rare, d’impeccable styliste. C’est avec ces quelques lignes consacrées au Mont Sainte-Odile, lues au lever du soleil, que débute la promenade, devant la plaque ren-dant hommage à l’écrivain. Elles décrivent étrangement ce que nous voyons : un soleil étincelant dans un ciel d’un bleu d’azur au-dessus de nous et le brouillard qui enveloppe le couloir rhénan au-dessous. Mais foin de littérature, il faut se mettre en route…

Chrétien / Païen Nous quittons d’un pas encore alerte le havre de paix dédié à la sainte patronne de l’Alsace (depuis 1807) qui naquit aux environs de 650 (et mourut vers 720). La légende ? On la

connaît par la tardive Vita sanctae Odiliae et nombre de documents plus ou moins authen-tiques, dont le (faux) Testament de Sainte-Odile n’est que le plus célèbre. La tradition orale a fait le reste. Née aveugle, la jeune noble provoque le courroux de son père qui décide de la faire tuer, ne souhaitant pas d’infirme dans la famille. Paniquée, sa mère cache l’en-fant, l’envoie au monastère – sans doute à Baume-les-Dames – où, miraculeusement, elle recouvre la vue à l’instant du baptême. Le paternel repentant fonde un monastère sur le Hohenbourg. Les pèlerins affluent, Odile mul-tiplie les miracles, faisant par exemple jaillir une source. Des siècles que cela dure et que l’endroit est un sanctuaire ouvert à tous où souffle un puissant vent mystique : chapelles (des Anges ou des Larmes) délicatement mo-saïquées, chemin de croix en fine marqueterie signé Charles Spindler (1935)…

Sur le rocher, au début de notre promenade, quatorze autres stations, monumentales celles-ci, déploient leur foi sulpicienne dans la céramique aux dominantes bleues de Léon Elchinger, à qui l’on doit aussi la très pro-fane façade des Arts déco de Strasbourg. Au fil des pas, le christianisme laisse la place à des rochers immenses et la puissance tellu-rique des croyances oubliées enveloppe

Par Hervé LévyPhotos de Stéphane Louis pour Poly

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le marcheur à l’approche du mur païen. Voilà une fascinante énigme archéologique : le lieu serait, selon les interprétations, une forte-resse défensive de l’Âge du bronze, un parc à bestiaux de l’Âge du fer ou une place forte de la Tène finale. Peu importe… La rêverie face à ces blocs soigneusement taillés et as-semblés avec intelligence est contrariée par des rabatteurs pas très subtils nous déclarant avec grande acrimonie qu’il faudrait peut-être changer de chemin parce que « l’action de chasse » en cours est susceptible de nous mettre en danger en raison des « ricochets potentiels des balles sur les rochers ». Ces zo-zos en treillis ne respectent donc rien… Cette grossièreté à tendance agressive est d’autant plus malvenue que nous sommes à quelques dizaines de mètres du lieu où 87 personnes perdirent la vie dans un accident aérien de triste mémoire, en 1992.

Médiéval / ModerneLe sentier descend paresseusement vers la vallée. La pente se fait néanmoins progressi-vement plus raide. Avant de s’enfoncer dans la purée de pois, l’arrêt au Kiosque Jadelot est impératif : dans cet octogone massif fait de planches et de troncs, se trouve un des plus beaux balcons – une sorte de plongeoir, plutôt – sur la forêt de toutes les Vosges. Nous dominons les nuages une dernière fois, avant l’entrée dans le brouillard et l’arrivée au Landsberg, où, par miracle (un de plus), le ciel est à nouveau dégagé. Datant du XIIIe siècle, le château – où pousse la très rare Eranthis hyemalis, petite fleur jaune de mars – est des plus fascinants, puisque s’y mêlent comme nulle part ailleurs une lourdeur toute militaire et une étonnante finesse. L’oriel notamment, semble flotter entre terre et ciel. Après le pas-sage devant un centre de vacances à la criarde et incongrue modernité, le Domaine Saint-Jacques (remarquez son golf miniature gla-mour vraisemblablement conçu par un admi-rateur de Miró), nous voici devant les altières , et grillagées, ruines de l’Abbaye de Nieder-munster, fondée pour accueillir les pèlerins trop faibles ou trop pauvres pour grimper au sommet du Hohenbourg. Ne reste plus que la longue montée devant nous : nous sommes à 511 mètres d’altitude et notre but – qui était également notre point de départ – est situé 253 mètres plus haut. Heureusement, en che-min, la source miraculeuse et glougloutante de Sainte-Odile nous donne les forces nécessaires pour achever cette longue randonnée.

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765m

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790m

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336m

548m

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Mont Sainte-OdileChapelleSt Nicolas

Saint Jacques

Chapelledes Roches

Château du Landsberg

Mur païen

Kiosque Jadelot

Truttenhausen

NORD

Barr12 km

Obernai10 km

Abbaye deNiedermunster

mont Sainte-odile et landsberg

Par-delà les nuages Pour une fois, nous laisserons de côté les jérémiades et n’affirmerons pas que « c’était mieux avant »… même si l’hôtellerie du Mont Sainte-Odile possédait un charme suranné et puissant avec ses planchers recouverts de linoléum qui grinçaient, ses lumières tremblotantes, sa literie d’une autre époque et ses radiateurs antédiluviens. Complètement refaites, ses 105 chambres offrent un niveau bien supérieur à l’unique étoile dont est parée le lieu. Dans un écran de bois clair, meublé avec goût – on y trouve même des chaises Eames venues de chez Vitra –

et sobriété, les nuits sont d’autant plus douces qu’il n’y a pas de télévision. Le repas est exquis (de succulentes paupiettes de bœuf, lors de notre passage, arrosées d’un jaja des plus corrects) et les prix sont imbattables (moins de 100 € pour deux en demi-pension). On repense alors aux mots de Gustave Doré invitant l’écrivain Édmond About à séjourner au Mont : « On loge dans un couvent qui est une auberge, on y boit le vin de l’évêque au mi-lieu des ruines splendides, à quatre pas du mur païen et dans un paysage dont tu me diras des nouvelles. » En effet…

03 88 95 80 53 – www.mont-sainte-odile.fr

distance 17 kmtemps estimé 5 hdénivelé 610 m

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JamaiS maRRE dE maRmEladESAlain Ducasse est fan. Normal, les produits de Christine Fer-ber, concoctés à Niedermorschwihr, sont aussi appétissants qu’étonnants. Confiture d’ananas, vanille et rhum ou de fram-boises et chocolat au lait, confit d’oignons blancs au riesling, gelée de vin de Gewurztraminer… Pour les fêtes, la maison Ferber propose une exquise confiture de Noël (7 € en boutique, 8,75 € par correspondance), faite à base de fruits secs. 220 grammes de délices suaves. www.christineferber.com

no

Ël

noËl SPicy

tout ESt Bon… Au Bürestubel (Pfulgriesheim), on ne fait pas les choses à moitié. Dimanche 4 décembre s’y tient une grande cochonnaille annoncia-trice des banquets magistraux de fin d’année. Amateurs de gastrono-mie alsacienne, vous serez servis… Au menu, des grands classiques : la choucroute royale et le presskopf, mais aussi des mets moins connus comme le sorbet kalamansi arrosé au marc de Gewurtz… www.restaurantburestubel.fr

aloha alSacEUne touche d’exotisme dans le traditionnel foie gras des fêtes ? C’est ce que propose la vénérable maison Artzner (fondée en 1803) – qui sait aussi saisir la vague de la hype – avec ce foie gras de canard entier au sel noir de Hawaï (120 grammes, 18,50 €). Lorsque le sillon rhénan rencontre l’Océan pacifique, naissent de savoureuses saveurs iodées, toniques et extravagantes à la fois. www.edouard-artzner.com

À Gertwiller, les papilles se réjouissent au Palais du pain d’épices. Accueillis par le Mannele, guide bien-heureux de ce temple de la friandise, les enfants auront la possibilité, tous les mercredis de décembre, de déco-rer eux-mêmes leur pain d’épices. Les 3 et 4 du mois, ils devraient aussi y rencontrer Saint-Nicolas qui, entre deux gourmandises, prendra le temps de les saluer. www.lepalaisdupaindepices.com

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C’est déjà Noël au Vaisseau !

1 bis rue Philippe Dollinger 67100 StrasbourgTél : 03.88.44.65.65 - www.levaisseau.com

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et votez pour le plus beau

sapin de Noël ! Participez au tirage au sort

et faites le plein de cadeaux !

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Le château au ravissement tout versaillais d’Esclimont (Île-de-France), le manoir du Prieuré (Anjou) dominant la Loire, le

Château d’Artigny (Vallée de la Loire) planté dans un magnifique parc de vingt-cinq hec-tares, ou, plus proche de nous, les Châteaux d’Isenbourg et de l’Ile font partie du presti-gieux parcours “Grandes étapes françaises”. De quoi s’agit-il ? D’une belle aventure initiée par Simonne et René Traversac, couple qui, dès 1957, commença à transformer de fas-tueuses bâtisses en espaces hôteliers luxueux. Aujourd’hui, pas moins de neuf lieux font partie des “châteaux-hôtels et demeures de charme” des Grandes étapes françaises, un peu partout dans l’Hexagone.

En 1973, les Traversac décident de restaurer le Château d’Isenbourg, au beau milieu des vignes de Rouffach. Bâti sur des caves voû-tées des XIIe et XIVe siècles, cette admirable résidence est l’endroit idéal pour se délecter

luxe, calme et cotillonsDes festivités de fin d’année quatre étoiles, dans un cadre majestueux et apaisant ? Une étape aux Châteaux d’Isenbourg et de l’Ile s’impose. Au menu pour l’occasion…

noël ne tombe pas à l’eauNouveau : du 3 au 30 décembre, le Château de l’Ile et Batorama organisent des promenades sur l’eau, à bord d’un bateau-bar menant du pied du château… au Marché de Noël strasbour-geois, en évitant les bouchons et pour 19 € par personne. Débar-quement au Palais des Rohan. Cette année, Santa Claus a troqué son traîneau contre un bateau.

www.batorama.fr

Par Edgar Dynamo

Château d’Isenbourg ,à Rouffach 03 89 78 58 50 www.isenbourg.com

Château de l’Ile, 4 quai Heydt à Ostwald03 88 66 85 00www.chateau-ile.com

www.grandesetapes.fr

Le parvis du Château de l’Ile illuminé Le Château d’Isenbourg, sa fontaine et ses décorations

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d’une cuisine délicate, inspirée par la région et de profiter du panorama, ouvert sur les vi-gnobles. Ça n’est que bien plus tard, en 1994, que Pierre et Sophie Traversac, la nouvelle génération, rénovent le Château de l’Ile, tou-jours dans un bel écrin de verdure, à quelques kilomètres à peine de Strasbourg, à Ostwald.

Les Châteaux d’Isenbourg et de l’Ile : des sites rêvés pour réveillonner en cette fin d’année, les deux lieux proposant une formule fes-tive (220 € par personne) pour passer le cap de 2012 en beauté. La soirée dansante de la Saint-Sylvestre s’accompagnera d’amuse-bouches, de plats succulents, de desserts et mignardises. Impossible de résister aux mi-gnons de veau cuisson basse température ser-vis avec des panais au caramel de Champagne et un râpé de truffes de Bourgogne (Château de l’Ile) ou au foie gras de canard poêlé et sa mijotée de céleri à la truffe noire (Isenbourg). Et pour trinquer ? Champagne, bien sûr ! Pour profiter pleinement de cette nuit d’exception, n’hésitez pas à vous offrir un forfait (333 et 370 € par personne) comprenant la soirée de réveillon, la nuit en chambre double, le brunch du Nouvel an et un libre accès au spa… pour un – nécessaire – moment de détente, après avoir tant festoyé. Notons enfin que les deux sites proposent également des formules de Noël, du 24 au 30 décembre. Demandez la carte… Ambiance féerique et senteurs épicées assurées.

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mon BEau chÂtEau À l’occasion des fêtes de fin d’année, le Haut-Koenigsbourg se pare de ses plus beaux atours. Sur la base de recherches historiques, les décors montés temporairement retracent l’histoire de Noël et de ses coutumes, plongeant le visiteur dans l’atmosphère médiévale du château et recréant l’environnement des grandes réceptions organisées par Guillaume II. À découvrir en famille, dans le cadre d’ateliers ou de visites ludiques, commentées et insolites. www.haut-koenigsbourg.fr

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edric P

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lE “it BaG” dE fin 2011Noël rime avec consumérisme exacerbé… Certes, mais pas que ! Les fêtes sont aussi l’occasion de soutenir des actions caritatives. À cet effet, Handicap international récolte des fonds avec la commercialisation d’un sac à sapin. Les gains réalisés permettent à l’association d’intervenir dans les régions sinistrées confrontées à de graves crises humanitaires. Cette année, la corne de l’Afrique et la Libye sont ses principaux terrains d’action.www.boutique-handicap-intenational.com

tRanS-fRontaliERPour Armand Peter, l’âme de BF éditions, le “transfronta-lier” n’est pas une notion abstraite : il s’est associé avec un éditeur de Gutach (en Forêt noire) pour proposer En Che-min / Unterwegs, anthologie de Noël multilingue (français, allemand, dialectes…). Poèmes, méditations, contes… 28 auteurs livrent leur version des “fêtes”… et elle est souvent décapante, comme le sont les dessins en noir et blanc de Franz Handschuh qui illustrent ce (beau) livre. Publié conjointement par Bf éditions et drey Verlag (19 €) Soirée de présentation jeudi 15 décembre au fEc (Strasbourg)www.bfeditions.com – www.drey-verlag.com

BluE VElVEtÀ Guebwiller, Noël se fête en bleu… en hommage au maître céramiste Théodore Deck, figure emblématique de la ville. À l’occasion de cette troisième édition, le thème des boules de Noël a été retenu pour habiller les façades de plusieurs édifices selon le principe du map-ping video (projection sur bâtiment). Les animations ont été réalisées sous la direction artistique d’André Masson. D’autres événements sont prévus : expos, visites en musique, jardins lumineux… sans oublier le traditionnel marché de produits bio du terroir.www.noelbleu-alsace.eu

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En 2009, Christian Artzner, maître brasseur à Schiltigheim, rouvre l’entreprise fondée en 1882 par son aïeul qui avait fermé ses portes en 1971. Répondant à un procédé de fabrica-tion artisanale, sa gamme de bières, déjà colorée, s’enrichit de nouvelles notes à l’occasion des fêtes de fin d’année : la Perle de Noël* est une boisson élaborée à partir de malts caraméli-sés, d’une fermentation haute et d’un subtil mélange d’épices. www.biere-perle.com

tRoP dE PRESSion ?Quelques gorgées de bière de Noël Me-teor* s’imposent ! Son parfum épicé se mêle aux arômes d’agrumes qui lui donnent cette saveur si caractéristique. Un élixir à retrou-ver temporairement dans les tireuses de nos bars favoris, les rayons des supermarchés et les marchés de Noël de Metz, Colmar et Strasbourg, à consommer à l’apéro comme à la maison. www.brasserie-meteor.fr

whiSKy À GoGo Non contente de produire un large éventail d’eaux-de-vie et de liqueurs de fruits, la distillerie Meyer, éta-blie à Hohwarth (Val de Villé), s’est lancée dans la fabrication de whis-kies, savourés par les amateurs de-puis novembre 2007. Ces précieux nectars – le Blend supérieur* (assemblage de whiskies de malt d’orge et de grain ; 20,90 € ) et le Pur Malt* (obtenu par la seule dis-tillation du malt d’orge ; 48,80 € ) – sont élaborés selon de savants procédés. www.distillerie-meyer.fr

ça BullE ? La maison Malard (située à Aÿ, dans la Marne) fête cette année ses 15 ans… L’occasion de découvrir sa cuvée embléma-tique, le Champagne Grand Cru Blanc de Noirs*, vendu dans un joli coffret (environ 40 € dans les magasins Nicolas de la région) avec deux flûtes aux courbes gracieuses. Complexité, naturel et puissance sont les trois termes qui définissent le mieux l’élégance de ce divin breuvage aux arômes de manda-rine et de mirabelle mêlés. www.champagnemalard.com

* L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.76 Poly 145 Décembre 11

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uand Rudolf Steiner voit le jour en Autriche-Hongrie, en 1861, la société occidentale est en profonde mutation et les repères traditionnels sont sur le

point de voler en éclats. L’art suit ce mouve-ment. L’exposition Rudolf Steiner – L’alchi-mie du quotidien s’ouvre sur ce contexte foi-sonnant, clef de la pensée et des travaux d’un étonnant réformateur.

Les deux Goetheanum Déterminante aussi, fut sa fréquentation fusionnelle des œuvres de Goethe, dont il a publié les écrits scientifiques qui nourrissent sa vision du monde et sa conception de l’hu-main, inspirant notamment sa théorie de la métamorphose. À tel point qu’il baptise sa

réalisation architecturale majeure du nom du poète : le Goetheanum. Construit entre 1913 et 1920 pour abriter le centre d’anthroposophie dont l’enseignement est développé par Steiner dès 1910, cet édifice est totalement novateur pour l’époque. Érigé sur la commune de Dor-nach (Suisse), à une douzaine de kilomètres au sud de Bâle, le premier Goetheanum est entièrement en bois et englobe une double coupole très imposante, qui surplombe la scène et une salle de spectacle. Le reste du bâtiment suit des lignes fluides et arrondies, tandis que les bordures de toit et les enca-drements de fenêtres sont marqués par des formes de lèvres, donnant au lieu le caractère d’un être vivant. L’architecture organique fait ainsi son apparition : comme dans une

métamorphosesArtiste et penseur universel, père de l’anthroposophie1, Rudolf Steiner (1861-1925) fut également l’un des précurseurs de l’architecture organique. Découverte de l’autre côté du Rhin, à Weil-am-Rhein, d’un personnage controversé.

Par Dorothée Lachmann

À Weil-am-Rhein, au Vitra Design Museum, jusqu’au 1er mai 2012

+49 7621 702 32 00 www.design-museum.de

aRchitEctuRE

Oswald Dubach (attribué à),

intérieur de style anthroposophique

dans les années 1930 © Rudolf

Steiner Archiv, Dornach

1 L’anthroposophie est une science de l’esprit visant à étudier et à expliquer les phénomènes spirituels de la même façon que la science décrypte le monde sensible. Elle cherche à développer en l’homme les forces nécessaires pour appréhender ce qui existe au-delà des sens2 www.goetheanum.org

Maison européenne de l’architecture – Rhin supérieurEuropäisches Architekturhaus – Oberrhein

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plante, chaque partie, chaque forme, chaque couleur est en rapport étroit avec l’ensemble et cet ensemble se relie aux éléments par des métamorphoses. Pour Rudolf Steiner, cette architecture fait pleinement écho à sa vision du monde selon laquelle tout, dans le cos-mos, est lié de manière intelligente. Mais en 1922, pendant la nuit de la Saint-Sylvestre, un incendie, probablement d’origine criminelle, ravage entièrement le premier Goetheanum, détruisant nombre d’archives et de docu-ments. Très rapidement, sur le même site, Steiner engage la réalisation d’un deuxième Goetheanum2 : il sera le tout premier édifice monumental construit en béton, matériau ré-cent dont les qualités plastiques sont idéales pour obtenir la forme sculpturale propre à l’architecture organique. Le bâtiment contient quatre salles de spectacle, dont une de mille places. À l’intérieur, colonnes, fresques et vi-traux évoquent la théorie de la métamorphose, l’évolution de l’humanité, les développements cosmiques et terrestres. Dans la deuxième partie de l’exposition, des croquis, maquettes, vidéos et images révèlent les étapes de ce vaste projet. Cette réalisation emblématique est aujourd’hui le centre de la Société anthropo-sophique universelle, active dans le monde entier.

Maisons organiques Autour de ces monuments successifs, une véritable colonie sort de terre, en raison de l’installation de plus en plus d’adeptes de Stei-

ner, sorte de gourou spirituel à Dornach. La plus spectaculaire parmi la centaine de mai-sons est celle du sculpteur Jacques de Jaager, construite en forme de cristal. Le transforma-teur électrique est également remarquable, avec ses deux pignons qui semblent se croi-ser. Le site de Dornach peut être considéré aujourd’hui comme le seul ensemble repré-sentatif de l’architecture organique et expres-sionniste de cette époque. Avec le temps, le style anthroposophique glisse de la fluidité des courbes vers des formes toujours plus cris-tallines et polygonales, où affleure l’influence du cubisme : comme le mobilier réalisé par Rudolf Steiner, particulièrement ses chaises, dont la plupart des modèles sont présentés au Vitra Design Museum. « On doit être ca-pable de penser en couleurs et en formes de la même manière qu’on pense avec des termes et des pensées », résumait-il. Représenter plas-tiquement l’invisible, au point qu’il devienne une force agissante… La suite de l’exposition développe la mise en pratique de la pensée de Steiner dans la société : écoles Waldorf, méde-cine anthroposophique, biocosmétique, agri-culture biodynamique, triarticulation sociale, eurythmie… Loin de tout l’occultisme dont on a pu l’accuser, le visiteur est invité à découvrir, à travers les 350 pièces exposées, les infinies facettes d’un homme, à la fois sculpteur, dra-maturge, designer, architecte et philosophe, qui a façonné sa vision du monde à la façon d’une œuvre d’art universelle.

Façade ouest du deuxième Goetheanums © Vitra Design Museum. Photo: Thomas Dix, 2010

On doit être capable de penser en couleurs et en formes de la même manière qu’on pense avec des termes et des penséesRudolf Steiner

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Gare aux apparences ! Ce Kilo pèse en réalité 140 grammes. Qui s’en saisit est surpris. Et c’est justement ce décalage

qui amuse le plus les deux compères de l’Ate-lier BL119, Grégory Blain et Hervé Dixneuf, habiles à « réinterpréter les objets du quo-tidien ». En quête d’une idée ludique pour succéder au Cumulus de Mendel Heit dans la collection du CIAV (voir Poly n°137), les deux jeunes créateurs stéphanois ont choisi de prendre franchement le contre-pied de la tradition. « Grégory avait chez lui des poids

anciens qui lui servaient de cale porte, l’idée de la forme nous est venue comme ça. Mais est-ce que ça allait fonctionner ? C’était toute la question », confie Hervé Dixneuf. La ré-ponse, ils la trouvent finalement dans le plai-sir de la contradiction, en créant une boule « anguleuse et pleine d’arêtes ». L’avantage est que l’on peut aussi bien la suspendre que la poser. En copiant cette forme évocatrice et en baptisant leur trouvaille Kilo, ils font de la même façon un pied de nez à la notion de légèreté liée à la boule de Noël.

Détournement Malgré ce détournement plastique, la légende qui entoure cet objet de décoration n’est pas perdue de vue par les deux designers. « Jadis, les sapins de Noël étaient ornés de pommes. On dit que la boule a été inventée par un ver-rier pour pallier à la pénurie de fruits suite à une sécheresse. Sur la balance de l’épicier, on pesait les pommes avec des poids. Nous avons juste inversé l’idée. » C.Q.F.D. Pour autant, n’allez pas y voir une démarche triste-ment prosaïque. « La boule possède sa propre poésie, faite d’humour et de décalage. Elle est inspirée d’un objet ancestral appartenant à l’inconscient collectif. Évidemment, il y a un côté magique à créer une boule de Noël, mais pour nous, le plus étonnant a été de travail-ler sur un objet de décoration, sans utilité », poursuit le duo.

Une fois la maquette réalisée, les proportions définies, c’est le choix des couleurs qui les a occupés. « Nous tenions à rester dans du fumé, qu’on a décliné dans les fuchsia, ambre, gris, bleu, vert…» La boule existe ainsi en huit coloris. Quant à la fabrication, elle n’a pas été sans peine et a mis à contribution toute la science des verriers de Meisenthal. « Nous avons été confrontés à une difficulté tech-

le poids de la traditionLa collection contemporaine du Centre international d’art verrier de Meisenthal s’enrichit d’une douzième boule de Noël. Kilo a été imaginée par les designers de l’Atelier BL119… avec un certain esprit de contradiction.

dESiGn

© Frédéric Goetz

Par Dorothée Lachmann

On trouve Kilo à Meisenthal, au CIAV (démonstrations de soufflage, exposition et vente jusqu’au 29 décembre) ainsi que sur de nombreux marchés de Noël de la région

03 87 96 87 16 www.ciav-meisenthal.fr

www.atelier-bl119.com

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La boule possède sa propre poésie, faite d’humour et de décalage. Elle est inspirée d’un objet ances-tral appartenant à l’inconscient collectif

“nique, car notre boule a un petit rebord sur le dessus. À cause de cela, il a fallu fabriquer un moule en trois parties au lieu des deux habituelles, qui sont utilisées à la façon d’un gaufrier. La boule est entièrement en verre, il n’y a pas de rajout en métal pour l’attache », explique Hervé Dixneuf.

SimplicitéDepuis septembre, 3 000 boules ont été souf-flées au CIAV. Un travail collectif, avec une équipe que Grégory Blain et Hervé Dixneuf connaissent bien pour avoir déjà séjourné au Centre International d’Art Verrier en 2010. « Nous étions venus faire des recherches. Ici, nous avions pris le temps d’essayer de mul-tiples techniques : l’émaillage, le soufflage, le verre à froid, etc. De manière générale, nous sommes très attachés aux savoir-faire traditionnels. » Suite à ces travaux, l’Atelier BL119 a créé Lanterne, une série de lampes sans artifices, qui utilisent les propriétés et les traitements du verre pour nuancer la lumière par un dispositif low tech la laissant se propa-ger ou l’atténuant. Auparavant, les designers avaient déjà expérimenté ce matériau en ima-ginant 100 Watts, leur première création en commun. L’objet rend hommage à l’archétype

de l’ampoule et revisite le fonctionnement de la baladeuse : grâce à différentes potences, elle se fait liseuse, applique ou lampadaire. « Nous aimons détourner des formes pour réinventer leur usage, l’objectif étant de res-ter dans la simplicité et la forme juste. D’où un attachement au dessin, sans doute aussi à cause de notre formation aux Beaux-Arts de Saint-Étienne. Il est très important pour nous de conserver l’âme du dessin. »

L’Atelier BL119 a également réalisé la scéno-graphie de plusieurs expositions, pour la mai-rie de Saint-Étienne ou l’École du Magasin de Grenoble. Il est l’auteur aussi d’une signalé-tique composée de mâts pour la Médiathèque d’Yssingeaux, en Haute-Loire. Dans le design d’espace, Grégory et Hervé sont toujours en quête de cette extrême simplicité qui est leur marque de fabrique.

© Guy Rebmeister

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StraSbourg auditorium de la Cité de la muSique et de la danSe 11h• Evelina Antcheva violon• Katarina Pavlovic violon• Agnès Maison alto• Juliette Farago violoncello• Richard Bianco contrebasse

WebernLangsamer Satz pour quatuor à cordes M.78

SChubertQuatuor à cordes n° 12, Quartettsatz en ut mineur D 703

dvo r ̌ ákQuintette à cordes en mi bémol majeur op. 97 B180

DIMANCHE 4 DÉCEMBRE

OrchestrePHILHARMONIQUE DE STRASBOURGORCHESTRE NATIONAL

SAISON 2011>2012experts-comptables

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Capitale

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Renseignements : 03 69 06 37 06 / www.philharmonique.strasbourg.euBilletterie : caisse OPS entrée Schweitzer du lundi au vendredi de 10h à 18h Boutique Culture, 10 place de la cathédrale du mardi au samedi de 12h à 19h

Dernière folie. Croire que ce serait la dernière.

Dernier coup de gueule. Nom de… Où sont mes lunettes ?

Dernier coup de foudre pictural. L’exposition Sempé à Hôtel de Ville de Paris.

Dernier sujet en peinture. Un portrait de Tripoux d’Auvergne.

Dernier délire adolescent. Un mélange hasardeux d’alcool et de substances.

Dernier sujet d’inquiétude. Le circuit électrique de la maison.

Dernière lassitude. L’actualité politique.

Dernière frustration. Pas d’idées géniales.

laSt But not lEaSt

claire bretécherdessinatrice

Dernier désir d’avenir. Une idée de temps en temps, même bête.

Dernière prédiction. Demain, je bosse.

Dernière joie. Le Lacrimosa de Zbigniew Preisner (Erato).

Dernier voyage. Place Vendôme.

Dernier mot. Aïe !

Dernière volonté. Un cercueil de Philippe Starck.

Dernières parutions. Claire Bretécher, dessins et peintures (39,90 €) et Le Tarot divinatoire de Claire Bretécher (19,90 €) aux Éditions du Chêne. www.editionsduchene.fr

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StraSbourg auditorium de la Cité de la muSique et de la danSe 11h• Evelina Antcheva violon• Katarina Pavlovic violon• Agnès Maison alto• Juliette Farago violoncello• Richard Bianco contrebasse

WebernLangsamer Satz pour quatuor à cordes M.78

SChubertQuatuor à cordes n° 12, Quartettsatz en ut mineur D 703

dvo r ̌ ákQuintette à cordes en mi bémol majeur op. 97 B180

DIMANCHE 4 DÉCEMBRE

OrchestrePHILHARMONIQUE DE STRASBOURGORCHESTRE NATIONAL

SAISON 2011>2012experts-comptables

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Renseignements : 03 69 06 37 06 / www.philharmonique.strasbourg.euBilletterie : caisse OPS entrée Schweitzer du lundi au vendredi de 10h à 18h Boutique Culture, 10 place de la cathédrale du mardi au samedi de 12h à 19h

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