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Pathologie non traumatique de l’articulation temporomandibulaire JF Chassagne S Chassagne L Deblock P Gillet JP Kahn JE Bussienne F Pierucci JP Fyad E Simon Résumé. Comme toute articulation, l’articulation temporomandibulaire peut être intéressée par toutes les affections rhumatologiques : arthrites septiques, rhumatismes inflammatoires, lésions dégénératives, arthropathies métaboliques, dont la prise en charge ne diffère pas alors fondamentalement des atteintes rhumatologiques d’autres articulations. Elle peut aussi être le siège de lésions tumorales ou malformatives. Mais l’articulation temporomandibulaire est aussi une articulation particulière, d’une part en raison de la présence d’une structure tendineuse qui la traverse, et d’autre part du fait que ses conditions de fonctionnement sont étroitement dépendantes de l’occlusion dentaire. Ces caractéristiques expliquent les pathologies le plus fréquemment rencontrées : les dysfonctionnements discocondyliens et les luxations condyloglénoïdiennes. La prise en charge de cette pathologie est multidisciplinaire. Le traitement doit tendre à être étiologique : ajustement occlusal, réhabilitation prothétique, orthodontie, rééducation, orthophonie. Les prothèses amovibles de recouvrement occlusal constituent essentiellement un moyen de diagnostic et de détermination de la position mandibulaire souhaitable. Elles peuvent être utilisées comme un recours thérapeutique lorsque le traitement étiologique ne peut être fait. Les traitements symptomatiques sont parfois nécessaires : antalgiques, myorelaxants, arthrocentèses. Les indications chirurgicales sont rares et ne représentent bien souvent également qu’un traitement symptomatique. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : dysfonctions de l’appareil manducateur, pathologie de l’articulation temporomandibulaire, luxation condylodiscale, luxation condyloglénoïdienne, dysfonctions de l’articulation temporomandibulaire. Introduction L’articulation temporomandibulaire est une articulation comme les autres : elle possède des surfaces articulaires, une synoviale, une capsule et des ligaments. Elle peut être le siège de toutes les affections rhumatologiques, comme n’importe quelle articulation. Mais elle est également une articulation particulière car elle possède entre autres deux caractéristiques uniques : elle est divisée en deux par une structure fibrocartilagineuse, le disque, qui n’a pas de points communs avec une structure méniscale telle que l’on peut en rencontrer au genou et à la hanche (fig 1), et elle est le siège, outre de mouvements de rotation, de mouvements de translation qui n’ont pas d’équivalents (fig 2). De plus, elle fonctionne en synergie obligée avec l’articulation controlatérale et toute anomalie de l’une de ces deux articulations retentit à terme sur l’autre. Enfin, elle fonctionne aussi en relation avec une troisième articulation : l’articulation dentodentaire, constituée par l’occlusion dentaire. Là aussi, toute anomalie de l’une de ces articulations retentit sur l’autre. Aspects cliniques SYMPTOMATOLOGIE CLINIQUE Syndromes douloureux La douleur est la cause la plus fréquente de consultations dans le cadre de la pathologie de l’articulation temporomandibulaire. Il convient naturellement de préciser les caractéristiques de cette douleur : sa localisation, son caractère localisé ou diffus, son intensité, sa durée, sa fréquence, sa périodicité, son évolution dans le temps. Il faut essayer de déterminer les causes déclenchantes apparentes des premières douleurs, les facteurs d’atténuation et les facteurs d’accentuation de cette douleur. On s’intéresse aussi à son évolution si des traitements antérieurs ont été tentés. En pratique, la douleur peut être localisée dans la région prétragienne en regard de l’articulation elle-même et/ou se localiser aux différents muscles intéressés par la manducation (fig 3), voire siéger dans des zones erratiques correspondant aux zones de projections douloureuses classiques (fig 4). Naturellement, des douleurs articulaires signent l’existence d’une inflammation capsulaire ou synoviale, alors que des douleurs musculaires traduisent des « contractures » ou des « crampes », créées par des modifications biochimiques intramusculaires, dues à l’hyperfonction d’un muscle ou de faisceaux musculaires (ce que les Anglo-Saxons désignent sous le terme de « spasme » et qui peut être décrit comme une contracture douloureuse plus ou moins furtive). Les douleurs peuvent également traduire une tendinite, signe de l’inflammation du tendon terminal d’un muscle, comme on en Jean-François Chassagne : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Sorana Chassagne : Praticien adjoint contractuel. Jean-Pascal Fyad : Maître de conférence des Universités, praticien hospitalier. Etienne Simon : Assistant-chef de clinique. Service de chirurgie maxillofaciale, hôpital Central, 54035 Nancy, France. Pierre Gillet : Professeur des Universités, praticien hospitalier, laboratoire de pharmacologie, toxicologie et pharmacovigilance, hôpital Central, 54035 Nancy, France Jean-Pierre Kahn : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service de psychologie médicale, hôpital Jeanne d’Arc, CHU de Nancy Jean-Eric Bussienne : Attaché de médecine physique, service d’ORL. Francis Pierucci : Praticien hospitalier, service de radiologie. Hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy cedex, France. Louis Deblock : Professeur des Universités, orthodontiste, Vandœuvre-les-Nancy, France Encyclopédie Médico-Chirurgicale 23-446-D-10 23-446-D-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Chassagne JF, Chassagne S, Deblock L, Gillet P, Kahn JP, Bussienne JE, Pierucci F, Fyad JP et Simon E. Pathologie non traumatique de l’articulation temporomandibulaire. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-056-R-10, Odontologie, 23-446-D-10, 2003, 46 p.

Pathologie Non Traumatique

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Pathologie non traumatiquede l’articulation temporomandibulaire

JF ChassagneS ChassagneL DeblockP GilletJP KahnJE BussienneF PierucciJP FyadE Simon

Résumé. – Comme toute articulation, l’articulation temporomandibulaire peut être intéressée par toutes lesaffections rhumatologiques : arthrites septiques, rhumatismes inflammatoires, lésions dégénératives,arthropathies métaboliques, dont la prise en charge ne diffère pas alors fondamentalement des atteintesrhumatologiques d’autres articulations. Elle peut aussi être le siège de lésions tumorales ou malformatives.Mais l’articulation temporomandibulaire est aussi une articulation particulière, d’une part en raison de laprésence d’une structure tendineuse qui la traverse, et d’autre part du fait que ses conditions defonctionnement sont étroitement dépendantes de l’occlusion dentaire. Ces caractéristiques expliquent lespathologies le plus fréquemment rencontrées : les dysfonctionnements discocondyliens et les luxationscondyloglénoïdiennes.La prise en charge de cette pathologie est multidisciplinaire. Le traitement doit tendre à être étiologique :ajustement occlusal, réhabilitation prothétique, orthodontie, rééducation, orthophonie. Les prothèsesamovibles de recouvrement occlusal constituent essentiellement un moyen de diagnostic et de déterminationde la position mandibulaire souhaitable. Elles peuvent être utilisées comme un recours thérapeutique lorsquele traitement étiologique ne peut être fait. Les traitements symptomatiques sont parfois nécessaires :antalgiques, myorelaxants, arthrocentèses. Les indications chirurgicales sont rares et ne représentent biensouvent également qu’un traitement symptomatique.© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : dysfonctions de l’appareil manducateur, pathologie de l’articulation temporomandibulaire,luxation condylodiscale, luxation condyloglénoïdienne, dysfonctions de l’articulationtemporomandibulaire.

Introduction

L’articulation temporomandibulaire est une articulation comme lesautres : elle possède des surfaces articulaires, une synoviale, unecapsule et des ligaments. Elle peut être le siège de toutes lesaffections rhumatologiques, comme n’importe quelle articulation.Mais elle est également une articulation particulière car elle possèdeentre autres deux caractéristiques uniques : elle est divisée en deuxpar une structure fibrocartilagineuse, le disque, qui n’a pas de pointscommuns avec une structure méniscale telle que l’on peut enrencontrer au genou et à la hanche (fig 1), et elle est le siège, outrede mouvements de rotation, de mouvements de translation qui n’ontpas d’équivalents (fig 2).De plus, elle fonctionne en synergie obligée avec l’articulationcontrolatérale et toute anomalie de l’une de ces deux articulationsretentit à terme sur l’autre. Enfin, elle fonctionne aussi en relationavec une troisième articulation : l’articulation dentodentaire,constituée par l’occlusion dentaire. Là aussi, toute anomalie de l’unede ces articulations retentit sur l’autre.

Aspects cliniques

SYMPTOMATOLOGIE CLINIQUE

¶ Syndromes douloureux

La douleur est la cause la plus fréquente de consultations dans lecadre de la pathologie de l’articulation temporomandibulaire.

Il convient naturellement de préciser les caractéristiques de cettedouleur : sa localisation, son caractère localisé ou diffus, sonintensité, sa durée, sa fréquence, sa périodicité, son évolution dansle temps. Il faut essayer de déterminer les causes déclenchantesapparentes des premières douleurs, les facteurs d’atténuation et lesfacteurs d’accentuation de cette douleur. On s’intéresse aussi à sonévolution si des traitements antérieurs ont été tentés.

En pratique, la douleur peut être localisée dans la régionprétragienne en regard de l’articulation elle-même et/ou se localiseraux différents muscles intéressés par la manducation (fig 3), voiresiéger dans des zones erratiques correspondant aux zones deprojections douloureuses classiques (fig 4).

Naturellement, des douleurs articulaires signent l’existence d’uneinflammation capsulaire ou synoviale, alors que des douleursmusculaires traduisent des « contractures » ou des « crampes »,créées par des modifications biochimiques intramusculaires, dues àl’hyperfonction d’un muscle ou de faisceaux musculaires (ce que lesAnglo-Saxons désignent sous le terme de « spasme » et qui peut êtredécrit comme une contracture douloureuse plus ou moins furtive).Les douleurs peuvent également traduire une tendinite, signe del’inflammation du tendon terminal d’un muscle, comme on en

Jean-François Chassagne : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Sorana Chassagne : Praticien adjoint contractuel.Jean-Pascal Fyad : Maître de conférence des Universités, praticien hospitalier.Etienne Simon : Assistant-chef de clinique.Service de chirurgie maxillofaciale, hôpital Central, 54035 Nancy, France.Pierre Gillet : Professeur des Universités, praticien hospitalier, laboratoire de pharmacologie, toxicologie etpharmacovigilance, hôpital Central, 54035 Nancy, FranceJean-Pierre Kahn : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service de psychologie médicale, hôpitalJeanne d’Arc, CHU de NancyJean-Eric Bussienne : Attaché de médecine physique, service d’ORL.Francis Pierucci : Praticien hospitalier, service de radiologie.Hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy cedex, France.Louis Deblock : Professeur des Universités, orthodontiste, Vandœuvre-les-Nancy, France

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Chassagne JF, Chassagne S, Deblock L, Gillet P, Kahn JP, Bussienne JE, Pierucci F, Fyad JP et Simon E. Pathologie non traumatique de l’articulation temporomandibulaire. EncyclMéd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-056-R-10, Odontologie, 23-446-D-10, 2003, 46 p.

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rencontre dans beaucoup d’autres pathologies, en dehors del’appareil manducateur. Les caractéristiques du syndromedouloureux décrites par le patient doivent être notées, et on doitégalement apprécier leur retentissement, en particulier sur lesommeil.Une palpation de l’articulation, externe et endaurale, doit êtreeffectuée, ainsi qu’une palpation des différents muscles masticateurs,à la recherche de zones sensibles, en particulier aux zones d’insertion

musculaire. La palpation du masséter, du temporal, du ptérygoïdienmédial, est facile. La palpation du ptérygoïdien latéral est presqueimpossible. On peut espérer atteindre avec le doigt ou avec unecompression instrumentale le bord inférieur du chef inférieur duptérygoïdien latéral derrière la tubérosité maxillaire. On peutégalement compléter l’examen par la palpation des musclescervicaux (digastrique, sus-hyoïdien, sterno-cléido-mastoïdien,trapèze).On demande au patient d’effectuer des mouvements de lamandibule contre résistance. Ces mouvements sont ceux d’ouvertureet de fermeture habituelles, mais il est surtout intéressant de faire

1 Appareil discal.

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2 Les cinq degrés de liberté de la mandibule dans l’espace (d’après Meyer). 1. Abais-sement en rotation pure (mouvement charnière) ; 2, 3. rotations condyliennes autourd’axes obliques (diduction droite et gauche) ; 4. mouvement de translation (mouvementde Bennet) ; 5. déplacement antérieur (propulsion).

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3 Sites de palpation musculaire à la recherche de points douloureux (d’après Rozen-cweig [77]). 1. Faisceaux antérieurs, moyens et postérieurs du muscle temporal ; 2. ten-don inférieur du temporal (voie buccale) ; 3. attaches supérieure et inférieure et corpsdu masséter ; 4. bord inférieur du ptérygoïdien médial ; 5. ventres antérieur et posté-rieur du digastrique ; 6. parties supérieure, moyenne et inférieure du sterno-cléido-mastoïdien ; 7. insertion supérieure et corps du trapèze.

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4 Douleurs référées (d’après Rozencweig [77]). 1. Masséter : région sous-orbitaire,région mandibulaire (branche horizontale), région frontotemporale, oreille ; 2. tempo-ral : région maxillaire antérieure, région sus-temporale, région frontale ; 3. ptérygoï-dien médial : région rétroangulomandibulaire, région préauriculaire ; 4. ptérygoïdienlatéral : région maxillaire supérieure, oreille ; 5. digastrique : région sous-auriculaire etjugale ; 6. sterno-cléido-mastoïdien : région du vertex, région fronto-orbitaire, oreille,région jugale et mentonnière ; 7. trapèze : région temporale et fronto-orbitaire, régionangulomandibulaire.

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effectuer des mouvements d’ouverture et de fermeture enpropulsion, ainsi que des mouvements de latéralité, ce qui permetde tester le ptérygoïdien latéral, tant dans son chef inférieur quedans son chef supérieur, muscle difficilement explorablecliniquement.Le test de morsure d’un bâtonnet de bois (Krogh-Poulsen) est trèsfacile à réaliser. Il suffit d’introduire une cale en bois (abaisse-langue) entre les dernières molaires et de demander au patientd’exercer une pression forte sur cette cale. Lorsque l’on met cebâtonnet de bois du côté douloureux, une diminution de la douleurlors de la contraction musculaire évoque une participation articulairedans la douleur, alors qu’une augmentation de la douleur signeplutôt l’existence d’une pathologie musculaire. Lorsque ce bâtonnetde bois est introduit du côté opposé au syndrome douloureux dupatient, une augmentation de douleur lors de la contraction évoqueune participation articulaire.On peut également réaliser le test de provocation des bruxofacettes :on guide la mandibule de manière à réaliser un contact entre deuxfacettes d’usure opposées dues à un bruxisme. Le patient est alorsinvité à contracter fortement sa musculature pendant 3 minutes. Siune douleur apparaît, elle confirmerait l’étiologie parafonctionnellede la pathologie [77].On note parfois l’existence d’une hypertrophie musculaire dumasséter ou du temporal cliniquement visible, pouvant faireévoquer à tort un diagnostic tumoral. Les hypertrophies musculairessont classiques et un certain nombre de formes asymétriques ont étédécrites dans la littérature. Le diagnostic positif est assuré par lapalpation de l’hypertrophie et la perception de la contractionmusculaire lors des mouvements de fermeture buccale.Il n’y a que rarement des problèmes de diagnostics différentiels : ilspourraient se poser essentiellement avec des douleurs dues à unemaladie de Horton, à un syndrome d’Eagle (styloïde longue), unebursite du crochet de la ptérygoïde, une carotidodynie.

¶ Bruits articulaires

Les bruits articulaires sont également très fréquents et constituentun motif de consultation courant. Quelquefois très discrets, ils nesont perçus que par le patient lui-même (alors que d’autres fois ilssont très intenses et peuvent être entendus à distance parl’entourage). Ils ont été étudiés par de nombreux auteurs dontRohlin (1985), Gay [33], Runge (1989), Motoyoshi (1994). Ces bruitsarticulaires sont habituellement perçus par l’examinateur, soitspontanément, soit par la palpation externe ou intra-auriculaire,éventuellement par l’auscultation des articulations temporo-mandibulaires.Les bruits articulaires anormaux sont facilement différenciables desbruits articulaires physiologiques qui peuvent exister dans toutesles articulations et qui sont créés par un mouvement d’écartementdes extrémités osseuses, par augmentation de la dépressionarticulaire : craquements secs, uniques, audibles et reproductiblesseulement après un certain temps d’attente. Ce type de bruitsphysiologiques semble exceptionnel à l’articulation temporo-mandibulaire.Les bruits articulaires pathologiques se divisent essentiellement endeux types : les claquements (ou craquements) et les crissements (ougrincements). Le premier type (claquements) correspond à unproblème de dysfonctionnement discocondylien, le deuxième type(crissements) correspond au frottement des extrémités osseusesdénudées de leur revêtement articulaire, ou des surfaces articulairescartilagineuses très irrégulières l’une sur l’autre. Il est intéressant denoter la chronologie des bruits articulaires lors des mouvements dela mandibule. Ces claquements articulaires surviennenthabituellement d’une façon superposable lors des mouvementsd’ouverture et de fermeture buccale, mais selon les cas, ils peuventn’exister qu’à l’ouverture ou qu’à la fermeture (ce qui ne s’observeque rarement). Plus le claquement est précoce lors de l’ouverturebuccale, moins la luxation discale antérieure est importante (etinversement). Des claquements dans les mouvements de latéralitésont parfois rencontrés. Lorsqu’il existe un claquement en latéralité

travaillante, il signe une luxation externe du disque (exceptionnelle).Lorsqu’il existe un claquement en latéralité non travaillante, il signeune luxation interne du disque.

¶ Troubles de la motilité mandibulaire

Les limitations d’ouverture buccale sont également un motiffréquent de consultation. Cependant, les troubles de la motilitémandibulaire ne se résument pas à ces anomalies d’amplitude enouverture.Il convient non seulement de mesurer l’ouverture buccale enamplitude maximale, mais également de vérifier ce trajetd’ouverture, qui doit se faire en rectitude, et d’explorer lesmouvements de propulsion et de latéralité de la mandibule (fig 5).On peut rappeler les mesures moyennes normales chez l’adulte(Cornu et Dechoux) : ouverture maximale à 50 mm (± 6), propulsionà 7 mm (± 2), latéralité à 9 mm (± 3). On regarde le trajet de lamandibule lors de l’ouverture, en observant attentivement ledéplacement de la pointe du menton ou du point interincisifinférieur, de l’occlusion d’intercuspidation maximale à l’ouverturemaximale (fig 6).

5 Latérodéviation à l’ouverture buccale.

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6 Examen du trajet d’ouverture.a. Chemin rectiligne ; b. Ouverture en baïonnette ; c. Fermeture en baïonnette ; d. Dé-viation latérale avec réduction ; e. Mouvements erratiques.

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Les limitations d’ouverture buccale avec une ouverture rectilignetraduisent le plus souvent des luxations discales antérieuresirréductibles bilatérales. Les ouvertures buccales déviées d’unemanière régulière orientent plutôt vers un dysfonctionnementmusculaire, ou une inflammation articulaire, ou une contracturemusculaire unilatérale, ou une luxation discale irréductibleunilatérale. Les ouvertures buccales déviées amples avecmouvement en baïonnette évoquent une luxation discale réductibleunilatérale ou, si elles se produisent en fin de mouvement, uneluxation condyloglénoïdienne. Les ouvertures buccales déviées avecressauts bilatéraux le plus souvent asynchrones évoquent desluxations discales réductibles bilatérales asynchrones.Un cas particulier est en effet représenté par la déviation seproduisant à la fin de l’ouverture buccale : « la mâchoire sedéboîte ». Dans ce cas, un des condyles translate trop et franchit enouverture buccale maximale la racine transverse du zygoma(luxation condyloglénoïdienne).Il est intéressant d’effectuer une synthèse de ces observations sousla forme du diagramme de Farrar [28] (fig 7).Plus rarement, le motif de consultation est un phénomène deblocage. Il s’agit généralement d’une limitation d’ouverture buccalequi peut être assez sévère, d’installation brutale, et qui traduit leplus souvent une luxation méniscale antérieure réductible anciennedevenue irréductible. Lorsqu’elle s’accompagne d’unelatérodéviation, cette luxation est unilatérale, le menton se déviantdu côté où existe la luxation. Exceptionnellement, on ne note pasune telle latérodéviation, la luxation irréductible s’est installée desdeux côtés en même temps, ou bien il existait une anciennelatérodéviation due à une luxation irréductible ancienne et le côtéopposé est le siège d’une luxation devenue irréductible.Lorsqu’il s’agit d’un blocage bouche ouverte, sans possibilité defermeture, il s’agit naturellement d’une luxationcondyloglénoïdienne (anciennement appelée « luxationsquelettique »). Il existe alors une béance incisive, avec une déviationde la pointe du menton vers le côté sain, en cas de lésion unilatérale.

¶ Sensations de ressautCes phénomènes perçus par le patient (« la mâchoire se décroche »)surviennent à l’ouverture et/ou à la fermeture buccale. Ils

s’accompagnent habituellement de claquements articulaires. Ilspeuvent être unilatéraux ou successifs, d’abord d’un côté puis del’autre, et ils s’accompagnent d’une modification du chemind’ouverture. Ils traduisent une (ou des) luxation(s) discale(s)antérieure(s) réductible(s) ou bien, lorsqu’ils se produisent en find’ouverture buccale, une (ou des) luxation(s) condyloglénoï-dienne(s).

¶ Signes otologiques

Acouphènes, voire hypoacousie, sont parfois des signes deconsultation ou coexistent avec une symptomatologie articulaire [64].Historiquement, la relation acouphènes-occlusion a été suggérée parPrentiss en 1918. Deux explications ont été proposées.

– Explication anatomoembryologique : lors de la formation del’articulation, la zone discale se trouve, dans sa partie distale, entrele blastème condylien et le blastème temporal. La partie distale ducartilage est alors reliée au malleus (marteau). Anatomiquement, leligament de Pinto, qui est le résidu de cette union, glisse par lafissure pétro-tympano-squameuse, reliant les osselets de l’oreillemoyenne à la zone bilaminaire (Alkofide, 1997) et cette dispositionanatomique pourrait rendre compte, dans certains cas, de lasymptomatologie otologique. Cependant, la majorité des auteurspense qu’il n’y a pas de possibilité réelle de transmission descontraintes articulaires sur les osselets de l’oreille via cette fissure.

– Explication fonctionnelle : Myrhaug, en 1964, a observé lescontractions du muscle tenseur du tympan lors du grincement oudu serrage des dents et, pour Gola [34], les hypoacousies et lesacouphènes s’expliqueraient par des spasmes des muscles tenseursdu voile et du tympan (en raison de leur innervation commune etde leur proprioception commune avec le ptérygoïdien médial), lapreuve en étant apportée par la diminution ou l’abolition du réflexede Klockoff (contraction brève du muscle tenseur du tympan aprèsprojection d’air sur la cornée, visible sur un oscilloscope). Unphénomène de myoclonie du tenseur du tympan semble de pluss’installer progressivement (ce qui expliquerait la difficulté de traiterles acouphènes anciens). Ren et Isberg (1995) ont mis en évidence detelles relations entre les dérangements internes de l’articulation

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7 Diagramme de Farrar. 1. Trajet condylien physiologi-que ; 2a, 2b. inflammation articulaire (déviation vers le côtésain, ouverture réduite) ; 3a. luxation discale réductible ;3b. luxation discale réductible à rattrapage tardif ; 4a. luxa-tion discale irréductible (mouvements limités et déviationvers le côté bloqué) ; 4b. luxation discale irréductible chro-nique (augmentation de l’amplitude d’ouverture) ; 4c. luxa-tion discale irréductible ancienne ; 5. arthrose (réductionimportante de l’amplitude) ; 6. distension ligamentaire.

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temporomandibulaire et les acouphènes. Mais les thérapeutiques pargouttière ou par réhabilitation occlusale semblent ne donner que desrésultats partiellement positifs [78].

Lorsque le motif de consultation du patient consiste dans cestroubles otologiques, il convient d’envisager un bilan otologique.Mais, si une étiologie oto-rhino-laryngologique n’est pas découverte,on ne peut que lui expliquer qu’il est possible qu’il y ait un rapportavec une pathologie occlusale, mais que le résultat d’unethérapeutique ainsi orientée est incertain.

EXAMEN DES DENTS ET DES RAPPORTS OCCLUSAUX

Quelles que soient les hypothèses étiologiques évoquées, l’examenocclusal est indispensable dans tous les cas de pathologie del’articulation temporomandibulaire.

¶ Examen dentaire

Il faut bien sûr noter les malpositions dentaires, les éventuelles carieset reconstitutions coronaires importantes, les édentations tant dansleur nombre que dans leur situation, l’alignement des dents surl’arcade, ainsi que leur intégration dans la convexité des courbes decompensation, courbes de Wilson et de Spee (fig 8). Les facettesd’abrasion (facettes d’usure), fendillements, fêlures des dents dues àun bruxisme, l’existence d’atteinte parodontale, sont égalementnotés.

En effet, toute variation de la courbe de Spee peut entraîner uneperturbation des mouvements fonctionnels. Une courbe de Spee tropprononcée au niveau des molaires crée des interférences durant lesmouvements de protrusion et de latéralité.

La perte d’une dent non compensée, en particulier, provoque desperturbations de la courbe occlusale (fig 9). La dent postérieure à lazone édentée subit une mésioversion, tandis que la dent antagonistecontinue son éruption, tant que le contact n’est pas établi avec ladent opposée : il en résulte un effondrement de la courbe de Spee.Les mouvements de protrusion et de latéralité ne peuvent plus êtreréalisés sans interférer avec les dents versées ou égressées.

Les modifications de la courbe de Wilson doivent également êtrenotées : cuspides linguales inférieures trop hautes ou cuspidesvestibulaires supérieures trop longues (qui provoquent desinterférences travaillantes latérales), inclinaison linguale tropmarquée des molaires inférieures ou inclinaison vestibulaire desmolaires supérieures (qui provoquent des interférences nontravaillantes latérales).

On note également les facettes d’usure résultantes d’un bruxisme,qui peut être soit centré (action parafonctionnelle de serrer fortement

les dents en position d’intercuspidation maximale), soit excentré(action dysfonctionnelle de crisser ou de grincer les dents lors desexcursions rétrusives, protrusives ou latérales). Dans le bruxismecentré, les facettes d’usure sont situées sur les cuspides support,dans les fosses ou sur les crêtes marginales des dents maxillaires etmandibulaires. Dans le bruxisme excentré, les facettes d’usure sontvariables suivant les mouvements réalisés : en rétrusion, elles serencontrent en général sur le versant mésial interne des cuspidespalatines supérieures ; en protrusion non travaillante, elles serencontrent sur le versant distal interne des cuspides vestibulairessupérieures ; en latéralité travaillante, elles se situent sur le versantmésial interne et le sommet des cuspides vestibulaires supérieures ;en latéralité non travaillante, elles se trouvent sur le versant distalinterne et le sommet des cuspides palatines supérieures.

¶ Étude de l’occlusion d’intercuspidation maximale

L’occlusion d’intercuspidation maximale (occlusion terminale, ouocclusion positive, ou occlusion de convenance) est l’occlusionobtenue en position habituelle de fermeture (fig 10), position delaquelle partent et à laquelle reviennent tous les mouvementsmandibulaires [3].On recherche déjà simplement une instabilité mandibulaire danscette position. L’inspection simple permet de noter les édentations,les supraclusions et les infraclusions, les occlusions croisées, lesprématurités occlusales en intercuspidation maximale. Dans cetteposition, les points de contact sont évalués selon leur nombre, leuremplacement et leur intensité (marquage en bouche à l’aide d’unpapier encré fin et souple, de cire ou de silicone pour mordu, defilm plastique, de strips fins ou de rubans de Shimstock). Enocclusion d’intercuspidation idéale, il existerait 172 points de

8 Courbes de compensation (d’après Dawson).A. La courbe de Spee commence à la pointe canine et suit les pointes cuspidiennesdes prémolaires et molaires.B. La courbe de Wilson est la courbe transversale passant par les pointes cuspi-diennes vestibulaires et linguales des dents mandibulaires.

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C. La courbe de Spee, la courbe de Wilson et la courbe des bords incisifs formentla courbe d’occlusion (plan d’occlusion).

9 Perte dentaire non compensée (première molaire inférieure) (d’après Dupuiset Brunet). Mésialisation des deux dernières molaires, distalisation des prémolairesinférieures, extrusion de la première molaire supérieure.

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contacts occlusaux représentant 3 mm2 de surface d’appui (Shaw).Les contacts occlusaux normaux doivent être multiples (plusieurspar dent), répartis uniformément, bien marqués sur toutes les dentspostérieures et moins marqués sur les dents antérieures (fig 10). Ilssont parfaitement répartis sur les deux côtés, sans surchargeantérieure ni postérieure [77]. Dans le cas d’un véritable équilibreocclusal, la fermeture brusque des arcades produit un bruit clair etunique (test du claquement occlusal, recherche du déplacement desdents par l’occlusion ou du « fremitus »).En position d’intercuspidation maximale, la correspondance despoints interincisifs médians supérieurs et inférieurs est appréciée.La non-concordance des médianes incisives entraîne obligatoirementune occlusion différente entre les hémiarcades droite et gauche, avecun risque d’instabilité articulaire. Elle est extrêmement fréquente.Les étiologies en sont nombreuses et radicalement différentes, etl’observation clinique doit permettre de les classer dans différentescatégories [18] (fig 11).

– Déviation fonctionnelle mandibulaire : elle est occasionnée par unedéviation latérale du chemin de fermeture entre la position de reposet l’occlusion d’intercuspidation maximale. Les médianes incisivescoïncident au repos et en relation centrée, et leur discordancen’apparaît que pendant la fonction. Cette déviation fonctionnelle apour origine une prématurité occlusale.

– Latérognathie maxillaire et mandibulaire : il s’agit d’unedéformation structurale dissymétrique de la mandibule ou/et dumaxillaire. La déviation des médianes incisives est donc d’originesquelettique. L’examen endobuccal montre que les médianesincisives restent déviées en relation centrée, au repos et en bouchegrande ouverte ; on note une occlusion croisée latérale, des rapportsmolaires droites et gauches inversés, une forme d’arcade et unevoûte palatine dissymétrique. Dans les formes sévères, il existe uneasymétrie faciale visible ; dans les formes légères, il existe souventdes compensations dentoalvéolaires dans les secteurs latéraux,

particulièrement à l’arcade inférieure avec, du côté de la déviation,des versions mésiales et, du côté opposé, des versions distales etvestibulaires.

– Déviation positionnelle mandibulaire : elle est le résultat d’uneluxation discale, surtout unilatérale. Les médianes incisives sontdéviées en occlusion et au repos, mais elles correspondent lorsquela bouche est grande ouverte (lors d’une luxation réductible).L’arcade inférieure est le plus souvent symétrique et ne présentepas de compensation dentoalvéolaire.

– Déviations dentaires : les incisives maxillaires et/ou mandibulairessont plus ou moins éversées latéralement au sein de leur proprearcade. Le point incisif et l’insertion du frein labial sont déviés,l’insertion du frein est oblique. Cette déviation persiste en relationcentrée, au repos, et bouche grande ouverte. Dans les cas où l’arcadeconcernée est complète, on observe l’existence d’un encombrementplus important du côté de la déviation. Dans les cas d’agénésie dusecteur antérieur, en présence de canine incluse ou ectopique, onobserve fréquemment une déviation de la médiane du côté concerné.

¶ Étude de la relation centrée et recherche des contactsprématurés

Recherche de la relation centrée

Cette position dite de relation centrée est une position de référencede l’équilibre articulaire (obtenue par le praticien). Définieinitialement par Mc Cullum comme la position « la plus haute et laplus reculée, non forcée, des condyles dans leur cavité glénoïde, d’où

a

b

c

10 A. Occlusion d’intercuspidation maximale (d’aprèsLatino).B. Points de contact occlusaux (d’après Gola [34]). a.Vestibulaire ; b. médian ; c. lingual ou palatin.C. Zones de contact en occlusion d’intercuspidationmaximale (d’après Latino).

*A *B

*C

Intercuspidationmaximale

Relationcentrée

Reposphysiologique

Trajet mandibulaire

Bouchegrande ouverte

Intercuspidationmaximale

Relationcentrée

Reposphysiologique

Trajet mandibulaire

Bouchegrande ouverte

Intercuspidationmaximale

Relationcentrée

Reposphysiologique

Trajet mandibulaire

Bouchegrande ouverte

Intercuspidationmaximale

Relationcentrée

Reposphysiologique

Trajet mandibulaire

Bouchegrande ouverte

11 Déviation des médianes incisives (d’après De-block [18]).

A. Déviation fonctionnelle mandibulaire.B. Latérognathie.C. Déviation positionnelle mandibulaire.D. Schéma d’une déviation dentaire.

*A *B *C

*D

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la mandibule peut effectuer des mouvements latéraux », elle estactuellement considérée comme étant « la situation de coaptationcondylo-disco-temporale bilatérale, haute, simultanée, enregistrableà partir d’un mouvement de rotation ». Elle est obtenue par« guidage, mais non forcé ». Elle est « répétitive avec précision, dansun temps donné, pour une position donnée » (Collège nationald’occluso-odontologie, 1984). Cette évolution prend en compte leconcept de relation myocentrée définie par Jankelson en 1965 [46]

comme étant « la position statique mandibulaire, dans laquelle lamandibule se trouve en parfait état d’équilibre et de confort ».

Comme le souligne Rozencweig [77], avec la relation musculaireintégrale, toute relation centrée devient automatiquement unerelation myocentrée. Le corollaire en est que cette recherche derelation centrée ne peut se faire qu’après avoir obtenu le relâchementle plus complet possible des muscles masticateurs, grâce à unerelaxation psychologique, gymnique, éventuellement créée par untraining autogène, ou bio-feedback électromyographique, ou desmoyens mécaniques (rouleau de coton ou abaisse-langue placé entreles incisives pendant 20 minutes, interposition de plusieurs fils deplomb ou de strip de celluloïd, plan de morsure rétro-incisif) etsurtout grâce à une gouttière occlusale.

De nombreuses techniques permettent de rechercher la position derelation centrée. Elle peut être obtenue par le sujet lui-même s’ilcontracte fortement ses muscles rétracteurs en inclinant la tête versl’arrière ou en portant la pointe de la langue au fond du palais(autoguidage par positionnement lingual) : dans la position bouchedemi-ouverte, le sujet place la pointe de la langue au point le plusprofond et le plus postérieur de la voûte palatine, puis il doits’efforcer de reculer la mandibule en gardant la langue dans cetteposition. Cette manœuvre conduit à une traction vers l’arrière de lalangue et, par l’intermédiaire du génioglosse, la mandibule estplacée dans une position postérieure satisfaisante.

En pratique, cette position est recherchée par le médecin lui-même :des différentes méthodes proposées (méthode de Lauritzen, méthodede Tomas, méthode Jankelson, méthode de Shore, méthode de Lucia,méthode de Wirth), la méthode la plus utilisée est celle de Dawson.Le patient est couché, l’opérateur assis derrière lui, immobilisant latête entre ses avant-bras et sa cage thoracique, les trois derniersdoigts de chaque main étant placés sous le bord oriental de lamandibule, les pouces et l’index encadrant la symphysementonnière, formant ainsi un losange sur l’éminence osseuse. Lamandibule est dirigée en position axiale terminale par la pressionen arrière des pouces et des index, et par la pression en haut desautres doigts (fig 12).

Théoriquement, il devrait y avoir correspondance entre cetteposition de relation centrée et la position d’intercuspidationmaximale. Cependant, il existe pratiquement toujours une différenceentre ces deux positions, sans que cela traduise une pathologie : lesstructures articulaires ont subi des modifications, au fil du temps lesdents ont connu des altérations (soit spontanées soit iatrogènes) oudes déplacements (fig 13).

Recherche des contacts prématurés

Lorsque l’on amène les dents au contact en maintenant la mandibuleen position de relation centrée, pour obtenir une relation enintercuspidation maximale, les dents doivent glisser les unes sur lesautres d’une certaine distance, dans une certaine direction [2].

Le plus souvent, la position de contact en relation centrée se situeen arrière de la position d’intercuspidation maximale. Cemouvement de fermeture en relation centrée est alors interrompupar un contact sur une ou plusieurs dents. À partir de ce premiercontact, la mandibule glisse en haut et en avant pour joindre laposition d’intercuspidation. Ce glissement antérieur est comprisentre 0,1 et 1 mm. Ce glissement en position d’intercuspidation (slidein centric) doit se faire sans heurt, d’une manière continue, et lamandibule effectue un déplacement rectiligne jusqu’à la positionintercuspidienne. Ce glissement est harmonieux dans la mesure oùles surfaces occlusales de plusieurs dents participent auxmouvements, sur tout le trajet. Si le premier contact en relationcentrée est localisé à une seule dent, ce contact devient obstacle : ils’agit d’un contact prématuré (fig 14).

Ce contact prématuré est le premier obstacle occlusal, lors de lafermeture en relation centrée. Il s’oppose au glissement harmonieuxposition en relation centrée/position d’intercuspidation maximale etengendre un dérapage mandibulaire qui peut être :

– soit antérieur, dans le plan sagittal médian ;

– soit antérolatéral, en dehors du plan sagittal médian ; dans ce cas,le dentalé se déplace latéralement.

Ce dérapage est considéré comme traumatisant pour la dentincriminée sur l’antagoniste, non seulement pour les musclesmasticateurs et l’articulation temporomandibulaire, mais égalementpour les dents et les tissus de soutien.

Dans ce mouvement de fermeture, le premier contact interdentairequi se produit est donc appelé contact prématuré. Il se situehabituellement sur les versants mésiaux des dents maxillaires et surles versants distaux des dents mandibulaires. Les mouvements deglissement qui se produisent à partir de certains contacts jusqu’à lasituation d’intercuspidation maximale doivent être notés. Lorsque lepatient effectue spontanément son mouvement de fermeture, on ne

12 Recherche de la position centrée. E 13 A. Concordance de la relation centrée et de l’occlusion d’intercuspidation maxi-male (OIM).B. Différence entre l’OIM et la relation centrée.

*A *B

RC

14 Contact prématuré sur la 25 (d’aprèsLatino). RC : relation centrée.

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peut découvrir le contact prématuré car il est automatiquementcontourné pour attendre l’occlusion d’intercuspidation maximalepar un réflexe conditionné.

¶ Recherche des interférences

L’examen se poursuit à la recherche d’interférences, c’est-à-dire decontacts dentaires anormaux qui perturbent les mouvements de lamandibule dans le sens horizontal, soit lors des mouvementslatéraux, soit lors des mouvements antéropostérieurs.On peut reprendre les définitions que donne Valentin (1996) pourles interférences. Ce sont :

– des rapports occlusaux qui empêchent l’accomplissement desfonctions dentaires ;

– des rapports occlusaux qui engendrent des mouvements ou descomportements délétères ;

– des rapports occlusaux qui engendrent des adaptations dentairesou parodontales délétères ;

– des rapports occlusaux qui engendrent des adaptationsmusculosquelettiques délétères.

Examen des contacts en protrusion

Le mouvement fonctionnel de protrusion représente le trajetqu’effectue la mandibule, lorsque les incisives inférieures glissentsur les faces palatines des incisives supérieures, depuis la positiond’intercuspidation maximale jusqu’au bout à bout : c’est le trajetfonctionnel qui est à examiner. Ce trajet fonctionnel dépend de deuxparamètres : le recouvrement et le surplomb. Le recouvrement estfacilement déterminé : il suffit de tracer un trait sur les incisivesinférieures en suivant le bord libre des incisives centralessupérieures en position d’intercuspidation maximale, la distance dutrait au bord libre des incisives mandibulaires représente lerecouvrement. L’inclinaison des incisives supérieures se traduit,dans le plan horizontal, exception faite des cas de classe II, par unespace entre le bord libre des incisives supérieures et la facevestibulaire des incisives inférieures. Cet espace, en positiond’intercuspidation maximale, est appelé surplomb incisif.Tout obstacle empêchant d’aller d’une façon harmonieuse de laposition d’intercuspidation maximale à la position de protrusion estappelé interférence protrusive. Les faces palatines des deux incisivescentrales maxillaires (auxquelles s’ajoutent parfois celles des deuxincisives latérales), depuis les points supérieurs de l’occlusionjusqu’au bord libre, constituent le guide incisif. Ce guide incisif doitpermettre une désocclusion immédiate et totale de toutes les dentspostérieures. Il doit pouvoir conduire la protrusion sur un trajetrectiligne, dans le plan sagittal médian. Si une seule dent entre encontact durant la protrusion, cette dent constitue un obstacle quipeut entraîner une déviation en dehors du plan sagittal. C’est cequ’on appelle une interférence travaillante protrusive. La localisationet la direction de ces interférences sont notées.Durant cette protrusion, la désocclusion des dents postérieures doitêtre immédiate et totale. Si le contact des dents antérieures estinterrompu durant le glissement par un ou des contacts postérieurs,ceci représente une interférence non travaillante protrusive.L’emplacement et la direction de ces interférences protrusives nontravaillantes sont notés. Elles sont généralement situées sur leversant interne distal des cuspides vestibulaires supérieures.

Examen des contacts occlusaux en latéralité

Le mouvement de latéralité représente le trajet qu’effectue lamandibule lorsque les dents inférieures glissent latéralement sur lesfaces internes des cuspides vestibulaires des dents maxillaires, etplus particulièrement sur la face palatine de la canine supérieure.Les surfaces sur lesquelles glissent les cuspides supéro-inférieuressont appelées surfaces de guidage. Elles comprennent la facepalatine de la canine, depuis le point support jusqu’au sommet dela canine, les versants internes des cuspides vestibulaires

supérieures, depuis le point support jusqu’au sommet de la cuspide.Les versants internes des cuspides linguales et inférieures sontparfois appelés « surfaces de guidage », mais, en réalité, ces cuspidesne doivent pas participer à la fonction latérale. Lorsque la mandibulese déplace latéralement, il y a un côté travaillant et un côté nontravaillant. Ainsi, lorsque la mandibule se déplace vers la droite, lecôté droit devient le côté travaillant ; les cuspides vestibulaires desdents mandibulaires s’opposent aux cuspides vestibulaires des dentsmaxillaires : c’est le côté fonctionnel. Du côté gauche, les cuspidesne doivent pas en principe se rencontrer, c’est le côté non fonctionneldénommé « côté non travaillant ».Du côté travaillant, on recherche la ou les surface(s) de guidage quiconduisent à cette fonction latérale :

– soit fonction canine (la canine supérieure conduit seule lemouvement durant tout le trajet dès le départ et, durant tout lemouvement, la désocclusion de toutes les autres dents est immédiateet totale) ; la fonction canine est très fréquente et peut être considéréecomme la fonction latérale idéale ;

– soit fonction groupe ; plusieurs dents, y compris la canine, guidentla fonction latérale depuis la position d’intercuspidation maximalejusqu’au bout à bout ; les forces occlusales sont distribuéesharmonieusement et il existe une désocclusion immédiate et totaledu côté non travaillant.L’interférence travaillante en latéralité (fig 15) est un obstacle à ceglissement durant l’excursion latérale. Le mouvement est alorssupporté par une autre dent que la canine pendant une partie dumouvement, ou pendant la totalité du mouvement. Les interférenceslatérales sont généralement situées sur les versants mésiaux internesdes cuspides vestibulaires maxillaires.Lorsqu’il existe une fonction groupe, il faut contrôler, avec l’indexplacé sur la face vestibulaire des dents maxillaires, le déplacementque pourraient provoquer les forces latérales.De ce côté travaillant, la dernière étape consiste à rechercher lesinterférences qui peuvent se produire sur les trajectoiresfonctionnelles, qui peuvent être utilisées entre le mouvement deprotrusion et le mouvement de latéralité.Du côté non travaillant, durant l’excursion latérale, il ne doit pas yavoir de contact. Une interférence latérale du côté non travaillantdétruit l’harmonie du mouvement de latéralité. Les interférences nontravaillantes sont généralement situées sur les dents postérieures(troisième molaire inférieure en particulier).

¶ Évaluation de la dimension verticale

« La dimension verticale d’occlusion est la hauteur de l’étageinférieur de la face quand les arcades sont en occlusion centrée » [8].Selon Dawson, la dimension verticale d’occlusion correspond à unpositionnement musculaire de la mandibule. La positionmandibulaire est déterminée par la longueur maximale decontraction des muscles élévateurs et elle est reproductible. Lesdents s’égressent jusqu’à rencontrer leurs antagonistes au point decontraction musculaire optimale, déterminant ainsi la dimensionverticale d’occlusion. Cette dimension est remarquablement stable,même s’il y a abrasion dentaire (fig 16).

15 Interférence en latéra-lité travaillante sur la 24(d’après Latino).

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Cette hauteur de la face est donc en relation avec l’organisationsquelettique et dentaire, et le comportement neuromusculaire. C’està cette dimension verticale que les dents doivent être reconstruites.Toute augmentation de la hauteur de couronne clinique place lesdents en conflit direct avec la contraction musculaire d’intensitémaximale et souvent conduit à des contraintes préjudiciables [90].L’effondrement de la dimension verticale d’occlusion est plusfréquent que son augmentation. Chez le sujet denté, la recherche dela bonne hauteur se fait par l’intermédiaire d’une gouttière occlusalequi rehausse la dimension, très prudemment, par étapes de 1 mmenviron. Chez l’édenté, les prothèses existantes sont utilisées, avecdes ajouts de résine autopolymérisable dans les mêmes conditions.En cas d’augmentation toujours iatrogène, là aussi les prothèsesexistantes sont modifiées progressivement, très prudemment.

EXAMEN DE LA DÉGLUTITION, DES PARAFONCTIONSET DE LA POSTURE

La déglutition, première fonction coordonnée qui apparaît dans lavie intra-utérine est « innée », génétiquement déterminée. Son tempsbuccal est le précurseur de la succion-déglutition du nouveau-né.Vers le troisième anniversaire de l’enfant, il se produit unchangement dans ce stéréotype nutritionnel, changement induit parla présence des dents temporaires et par la présentation des alimentsadaptés à la denture lactéale et à la manducation. Dans la succion-déglutition initiale, la dynamique était labiolinguale antérieure,conjuguée à des mouvements d’abaissement mandibulaires. Dèsl’apparition de la manducation, normalement, le comportementchange et la mise en tension des élévateurs de la mandibule et duptérygoïdien latéral entraîne un contact incisif « sécant » et uncontact molaire « triturant », le dôme lingual venant en positionhaute contre la voûte palatine et le voile par la mise en tension dustyloglosse (fig 17).Dans près de 30 % des cas, ce passage de la déglutition de typeinfantile à une déglutition de type adulte ne se fait pas correctementet les anomalies de la déglutition constituent une parafonction quijoue un rôle sur la dynamique musculaire régionale [14]. La détectiondes déglutitions anormales fait partie de l’examen clinique dansl’optique d’envisager une rééducation propre à les corriger.

Lors de l’inocclusion physiologique (« position de repos »), les lèvresdevraient être au contact, et la langue appliquée contre la voûtepalatine. Lors de la déglutition salivaire, il ne doit pas y avoir decrispation de la musculature labiale, la distance nez-menton eststable ou diminue légèrement, avec apparition d’un angle droitcervico-pelvi-mandibulaire, contemporaine d’une contraction desmasséters, avec élévation du dôme lingual au niveau de la partiepostérieure de la voûte palatine, la pointe de la langue s’appuyantau palais contre la papille rétro-incisive sur 1 cm en avant. Lesanomalies de la déglutition (intimement liées au schéma demastication), quelles qu’elles soient, jouent certainement un rôledans l’apparition des syndromes de dysfonctionnements, à la foispar les anomalies occlusales dont elles sont responsables et par lesdysfonctionnements musculaires qu’elles entraînent.Par ailleurs, le bruxisme doit être recherché (cf infra). Les autresparafonctions : succion de doigts, succion et pression de la langue,tics de mordillements des lèvres ou de la face interne des joues,mordillements d’un crayon ou des ongles, doivent être notées.Enfin, la posture est appréciée, en particulier au niveau cervical.Selon Gola [34], un trouble unilatéral des muscles cervicaux provoqueune rotation de la tête entraînant une modification de la positionmandibulaire, avec trouble de l’occlusion par contraction réflexe desmuscles sous- et sus-hyoïdiens. De même, un trouble bilatéralmusculaire cervical entraîne un recul mandibulaire, avec contactmolaire prématuré et béance bascule réflexe du complexe tête-couvisant à maintenir l’horizontalité du regard.

EXAMEN PSYCHOLOGIQUE

Les relations entre les troubles de l’articulationtemporomandibulaire et les troubles psychologiques constituentdepuis de très nombreuses années un sujet discuté.Il est évident que, comme dans toutes les pathologies, en particuliercelles qui comprennent un élément « douleur », le comportementpsychologique du patient joue un rôle très important [29].Ces facteurs « psychologiques » jouent indirectement un rôle,certainement parfois très important, dans la genèse de cettepathologie, en particulier en générant un bruxisme. De là à faire dela pathologie de l’appareil manducateur un syndrome d’originepsychosomatique, il y a un pas très discutable à franchir. Dire qu’ily a « indépendance des signes fonctionnels du syndrome » car« 15 % de la population n’ayant aucun signe fonctionnel présententles mêmes déplacements méniscaux que ceux décrits dans leSADAM( 1 1) » (Fleury, 1997) est méconnaître qu’il existe des patientsasymptomatiques dans de nombreuses autres pathologies, enparticulier rhumatologiques. L’exemple de la coxarthrose, où existelà aussi, dans un certain nombre de cas, une dissociation entre leslésions radiologiques et leur traduction clinique, est le plus connu.Affirmer que, dans la population des patients porteurs d’unepathologie de l’articulation temporomandibulaire, il y a un« terrain » particulier, « dystonique » ou autre, semble égalementdiscutable. Ce terrain « dystonique » ou « psychologique », ou« psychique », ou « psychiatrique », est-il plus fréquent ou plusmarqué chez les patients porteurs d’une pathologie de l’articulationtemporomandibulaire que dans la population générale ? Cela nesemble pas une notion établie (Marbach, 1992 ; Spruijt, 1995). Seulesde rares publications amènent des éléments chiffrés en ce quiconcerne la pathologie de l’articulation temporomandibulaire(Vimpari, 1995 ; Korszun, 1996 ; Gatchel, 1996) et les chiffres yvarient de 20 à 80 % ! Anxiété, angoisse et dépression y sont lessignes le plus souvent rencontrés (Zautra, 1995 ; Madland, 2000).Il faut en rapprocher les chiffres concernant la population généraledans l’enquête réalisée dans le cadre du programme EpidemiologicCatchment Area (1991) : 15 % d’ « états anxieux » ; dans le cadre duNational Comorbidity Survey (1991) : 13, 3 % de « phobies sociales »et 11, 3 % de « phobies simples » ; dans l’étude de Lépine [58] :17, 3 % de troubles anxieux chez les hommes et 36 % chez lesfemmes.

(1) SADAM : syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur.

16 Dimension verticaled’occlusion.

17 Position de la langue dans la déglutition adulte nor-male.

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Hardy [37] estime que 30 à 45 % des consultants de médecine généraleprésentent un niveau élevé de détresse psychologique d’après lesquestionnaires d’autoévaluation type general health questionnaire ouself reporting questionnaire tandis que 25 % d’entre eux souffrent d’untrouble psychiatrique repérable par les systèmes diagnostic andstatistical manual of mental disorders-III (selon la classification del’Association psychiatrique américaine), research diagnostic criteria deSpitzer (1978) ou PSE-PD-categories (Ormel, 1990). Les états anxieuxet/ou dépressifs sont largement majoritaires : ils représentent 79 %des troubles observés en médecine générale. Un grand nombre deces états est caractérisé par une évolution transitoire, une faibleintensité et/ou une intrication de symptômes anxieux et dépressifs.Hardy souligne que « l’association entre un trouble mental et unepathologie organique peut occasionner un chevauchementsymptomatique et une perte de la validité de la critériologiediagnostique. Elle impose que soit précisée l’existence ou l’absencede liens étiopathogéniques entre les pathologies, et éventuellementla nature de ces derniers ». Certains symptômes peuvent être à lafois la manifestation d’une affection somatique et celle d’unedépression et, en cas de pathologie organique, ces symptômesperdent de leur spécificité pour le diagnostic de dépression. Katholet Petty (1981) ont montré que la prévalence des symptômesdépressifs somatiques observée chez les patients organiquesdéprimés diffère peu de celle retrouvée chez les patients organiquesnon déprimés, cette différence étant d’autant moins nette que lamaladie somatique est sévère.L’existence d’un chevauchement symptomatique peut être pourHardy à l’origine de deux erreurs :

– l’erreur par défaut, qui serait le plus souvent le fait dessomaticiens et qui consiste à attribuer le(s) symptôme(s) à l’affectionorganique, alors même que le patient développe une authentiquedépression ;

– l’erreur par excès, qui conduit à porter le diagnostic de dépressionen se fondant sur la seule présence d’une telle symptomatologie, etqui serait le plus souvent celle de cliniciens qui méconnaissent lacontribution de la maladie organique (Goldberg et Blackwell, 1970).À la vue de ces travaux, on peut se demander en quoi les troublesde l’articulation temporomandibulaire diffèrent des autrespathologies, quant à leurs relations avec les anomalies psychiquesou psychiatriques.Il faut également souligner que les psychiatres s’accordent pourjuger que les termes de « terrain dystonique », de « terrainpsychologique » ou de « dystonie neurovégétative » doivent êtredéfinitivement rayés du vocabulaire, ces notions ne recouvrant riende précis en clinique psychiatrique et que l’ère « lyrico-interprétative », où l’appréciation psychologique ou psychiatriqueétait plus liée à la subjectivité de l’évaluateur et à son lyrisme qu’àun certain nombre d’éléments cliniques, sémiologiques oupsychopathologiques objectifs et clairement définis, est terminée.Ainsi que le remarquent certains auteurs, il est vrai que la plusgrande partie des consultations pour ce type de pathologiesarticulaires sont souvent le fait de patients (ou plutôt de patientes)qui semblent plus attentifs que le reste de la population à desmanifestations cliniques gênantes, mais non réellement invalidantes.Dans tous les cas, le facteur psychique ne peut jouer un rôle dans lagenèse des troubles dysfonctionnels, sans qu’existe un troubleorganique [51]. En revanche, il est évident que ces facteurs psychiquesdoivent être pris en compte dans la prise en charge du patient(Rugh, 1976 ; Parker [74]).

Examens complémentaires

EXAMENS BIOLOGIQUES

La réalisation d’un bilan biologique peut s’inscrire dans le cadre dusuivi d’une pathologie rhumatismale, et est dans ce cas réduite auminimum, ou dans le bilan initial, pour lequel les résultats, qu’ils

soient positifs ou négatifs, prennent toute leur valeur, encomplément de l’examen clinique, pour orienter l’enquêteétiologique.

¶ Examens de l’inflammation et dosages biochimiquesparticuliers

La présence d’un syndrome inflammatoire (élévation de la vitessede sédimentation [VS], de la protéine C réactive) n’est en rienspécifique, mais permet, dans la plupart des cas, de faire la partentre une atteinte dégénérative ou inflammatoire.

Une perturbation de l’hémogramme peut être contingente decertaines connectivites (anémie inflammatoire, éosinophilie,leuconeutropénie).

Les stigmates d’auto-immunité se révèlent particulièrementinformatifs si l’on suspecte une maladie de système : sérologierhumatoïde (polyarthrite rhumatoïde [PR]), facteurs antinucléaires,anti-Sm, antiacide désoxyribonucléique (ADN) natifs (lupusérythémateux systémique), recherche d’un syndrome desantiphospholipides, voire mise en évidence d’autres anticorpsantiorganes évocateurs d’entités cliniques et biologiquesparticulières : anti-SSA et anti-SSB (syndrome de Gougerot-Sjögren),anti-Scl70 (sclérodermie), anticentromères (CREST (2)), antirécepteursà l’acétylcholine (myasthénie), antiribonucléoprotéines (syndrome deSharp), anti-JO1 (poly- et dermatomyosite). Leur prescription restedu domaine spécialisé.

La recherche de sérologies prend toute sa valeur dans le cadre decertaines arthrites septiques à germes spécifiques (maladie de Lyme,brucellose), de rhumatismes postinfectieux (rhumatisme articulaireaigu), voire d’arthrites réactionnelles (Chlamydia, Shigella,Yersinia…).

La présence de certains antigènes d’histocompatibilité peut orientervers une spondylarthropathie (B27), une maladie de Behçet (B51),une PR (DR4) ou certains thésaurisomes comme l’hémochromatose(A3 B14).

Les arthropathies métaboliques ont par ailleurs leurs propresstigmates : hyperuricémie et goutte, dyschromie des urines etalcaptonurie, hypercuprémie et maladie de Wilson, diathèsemétabolique et chondrocalcinose.

¶ Analyse du liquide synovial

L’analyse du liquide synovial, exceptionnellement réalisée, peut êtreégalement informative : germe à l’examen direct, voire en culture(bacille de Koch) en cas d’arthrite septique, mise en évidence enmicroscopie de cristaux d’urate monosodique (goutte), depyrophosphate de calcium (chondrocalcinose), d’apatite, voire decorps amyloïdes.

En revanche, les nombreux éléments qui ont été identifiés cesdernières années dans le liquide synovial de l’articulationtemporomandibulaire ont un intérêt essentiellement pathogéniqueet encore peu ou pas d’applications cliniques, bien que de nombreuxtravaux sur ces nouvelles cibles pharmacologiques soient en cours.Ainsi, plusieurs acteurs prennent une part active à la modulationdu processus dégénératif du cartilage :

– les cytokines pro-inflammatoires dont le chef de file estl’interleukine (IL) 1 bêta (Kubota [53] ; Nordhal, 1998 ; Takahashi [88]),mais également le tumor necrosis factor (TNF) alpha (Takahashi,1998), le leukemia inhibitory factor, l’IL6 (Sandler [79]), et l’IL8(Takahashi, 1998), l’IL17, l’IL18 [27], l’interféron gamma (Fang, 1999) ;

(2) CREST (syndrome) : calcinose sous-cutanée, syndrome de Raynaud, dysfonction del’œsophage, sclérodactylie, télangiectasies.

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– certaines cytokines y exercent, en revanche, des propriétés anti-inflammatoires (IL 4, IL 10 [27], IL 13) et des facteurs de croissance(transforming growth factor beta [27], insulin-like growth factor), fontpreuve, au sein du site articulaire, d’une activité proanabolique ;

– des neuropeptides, comme la neurokinine A (Alstergren, 1995), lecalcitonin gene-related peptide [13], le neuropeptide Y (Appelgren,1995), la substance P (Fu, 1996) participent activement auxphénomènes douloureux et/ou inflammatoires ;

– les métalloprotéases (matrix metal loproteinase [MMP])interviennent dans la dégradation matricielle (Kubota [54] ;Zardaneta, 1998) : collagénase interstitielle (MMP1), gélatinases de72 kDa (MMP2) et de 92 kDa (MMP9), stromélysine (MMP3)(Yoshida [ 9 9 ]) et collagénase 3 (MMP13) ; les agrécanasesinterviennent également dans les processus de dégradation descomposés non collagéniques ;

– le taux de protéoglycanes (Israel [45] ; Murakami [69] ; Axelsson,1992 ; Shibata, 1998) semble corrélé avec la sévérité des lésions, maiségalement avec l’augmentation des pressions intra-articulaires (Mao,1998) ;

– l’hémoglobine intra-articulaire, en favorisant la production deradicaux libres (Zardeneta [100]), pourrait activer les voies dumonoxyde d’azote (Takahasi, 1996 ; Anbar [6]) et des prostaglandines(Murakami [69]) qui sont par ailleurs des effecteurs majeurs de laréaction inflammatoire.

IMAGERIE

L’imagerie de l’articulation temporomandibulaire fait appelactuellement, soit à l’examen tomodensitométrique (TDM), soit àl’examen par résonance magnétique nucléaire (IRM). Les autresprocédés n’ont plus que des applications ponctuelles.

¶ Radiographies sans préparation

Les radiographies standards ont été, à une certaine époque, l’uniquemoyen disponible pour l’exploration de cette articulation. Elles ontrendu de grands services, mais sont incapables de fournirprécisément les informations désirées pour une prise en chargecorrecte des troubles.On peut ainsi rappeler les incidences standards antérieurementutilisées.

Incidences permettant d’avoir les deux articulations sur le mêmecliché

– De face : la face basse en bouche fermée ou mieux, en boucheouverte, donnant une image des deux condyles de face et des deuxcols du condyle, était surtout intéressante dans les asymétries.L’incidence sous-occipitofrontale (Worms et Breton) donne uneimage dans le sens antéropostérieur, l’incidence de Bonneau est unevariante de l’incidence précédente.

– Verticale : incidence vertex-menton-plaque de Hirtz ; incidencerétrobregmatique sous-maxillaire de Freidel ; incidence bregmatiquesous-maxillaire de Dupuis.

– De profil : elles donnent une superposition parasite des deux côtéset sont peu intéressantes.

Incidences permettant d’obtenir séparément les deux articulations

– De face : incidences transorbitaires antéropostérieure etpostéroantérieure ; incidence transsinusienne ; face latéralisée.

– De profil : incidence de Cielinski (position 3) ; incidence deLacronique ; incidence de Parma ; incidence de Schuller.Seule l’incidence de Schuller, bouche fermée et éventuellementbouche ouverte, donne une image précise des contours articulaireset pourrait intervenir en tout début de bilan. Certains programmesspécifiques d’appareillages particuliers (Scanora) ont le mêmeintérêt.

Orthopantomogramme

Les radiographies panoramiques (panorex, orthopantomogramme)sont des clichés de débrouillage qui restent en revanche très utiles etqui font partie du bilan standard.

Téléradiographies

Un cas particulier est représenté par les téléradiographies (de face,de profil, et en position de Hirtz) qui sont presque toujoursnécessaires pour établir un diagnostic dans le cadre d’unedysharmonie maxillo-mandibulo-dentaire.

¶ Coupes tomographiques

Il y a encore quelques années, la place primordiale revenait à cestomographies en balayage complexe, pratiquées bouche ouverte etfermée, en incidence dite de « faux-profil ». L’examen commençaitpar un cliché en Hirtz ou en incidence axiale, qui permettait dematérialiser l’axe transversal des condyles. Il était donc possible, àpartir de cette mesure, de connaître la position qu’il fallait donner àla tête du malade, de manière à placer l’articulationtemporomandibulaire strictement de profil [91]. Des coupestomographiques, de l’ordre de 2 mm d’épaisseur, jointives, étaientalors réalisées à l’aide d’un balayage complexe hypocycloïde. Desséquences bouche fermée puis ouverte étaient pratiquées. Descoupes frontales, bouche fermée, étaient également faites (fig 18).Cette technique avait l’avantage d’être d’exécution facile : maladecouché en décubitus, le crâne positionné de face, puis en « faux-profil » (cf supra). Les amalgames dentaires ou les élémentsmétalliques n’entraînaient aucun artefact, contrairement à ce qui seproduit au scanner. Cette technique avait le handicap de ne montrerque l’état osseux et on devait déduire de la comparaison des imagesobtenues en bouche fermée ou ouverte la position du disque : unpincement articulaire avec déplacement de la tête condylienne enhaut et en arrière, en position bouche fermée, évoquait undéplacement méniscal antérieur. Le faible déplacement antérieur ducondyle, voire son absence de propulsion, était en faveur d’undéplacement irréductible. En dehors des parties molles, dont lavisualisation était purement « imaginative », cette technique donnaitune bonne appréciation de l’état osseux : régularité des contours,présence d’« encoches » corticales, état de l’os sous-chondral.Longtemps, la tomographie a occupé une place quasi exclusive dansl’exploration et la caractérisation des dérangements internes del’articulation temporomandibulaire. Le remplacement desinstallations qui les réalisaient par le scanner et l’IRM a eu

18 Tomographies de l’articulation temporomandibulaire (profil).

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évidemment pour conséquence leur quasi-disparition. Seulespourraient encore être pratiquées, de façon très ponctuelle, dans descentres insuffisamment équipés, quelques coupes en balayagelinéaire. Peut-être persistent encore quelques indications de cetexamen, indications qui relèvent uniquement à notre sens descontre-indications de la réalisation de l’étape TDM ou de l’examenIRM, soit pour des raisons générales (claustrophobie), soit pour desraisons techniques (présence d’éléments métalliques réalisant desartefacts empêchant l’interprétation des images).

¶ ArthrographieL’arthrographie, ou mieux la vidéoarthrographie, courammentpratiquée par certains auteurs, principalement dans les pays anglo-saxons, a été longtemps le standard pour juger de la positionméniscale. Méthode invasive et douloureuse, nécessitant la ponctiond’au moins un, voire des deux étages de l’articulation, elle avait lemérite de donner du disque une image en soustraction, qui révélaitfidèlement sa topographie et certaines anomalies de son freinpostérieur. Malgré les améliorations (arthrographie gazeuse sousscanner), cette technique a perdu beaucoup de son intérêt. Trèsinconfortable pour le patient, non dénuée de complicationspotentielles, elle s’est tout naturellement effacée devant la techniquereine : la résonance magnétique nucléaire. Cependant, elle conservel’intérêt de permettre la visualisation de la perforation méniscale,qu’il est pour le moment difficile de visualiser par une IRM.

¶ ScannerL’examen TDM a suscité de grands espoirs, en raison du traitementdes images, propre à faire apparaître successivement à partir d’unemême coupe les éléments osseux et tissulaires de la région examinée,ce qui laissait entrevoir la possibilité d’avoir enfin du disque uneimage directe (fig 19). Il fallait au préalable obtenir des coupessagittales. Un équipement adéquat, positionné derrière le gantry duscanner, a permis un temps leur acquisition directe. Toutefois, laposition très inconfortable imposée au patient et la difficulté derepérage précis des coupes nécessaires l’ont fait rapidementabandonner, malgré la bonne qualité des images obtenues.Un artifice technique (blink-mode) faisant apparaître en surbrillancedes points d’une densité imposée (70 UH pour le ménisque) serévéla en pratique fournir des informations aléatoires. Un autremoyen était de juger du déplacement méniscal éventuel, en s’aidantd’un repère facile à identifier sur l’image tomodensitométrique : lebourrelet graisseux occupant l’espace entre les deux faisceaux duptérygoïdien latéral, immédiatement en avant de l’articulation. Sadisparition faisait déduire qu’il était occupé par une structuretissulaire, nécessairement représentée par le disque luxé en avant.Cette technique s’est également révélée trop aléatoire à l’usage,d’autant que le triangle graisseux préarticulaire n’apparaissait passystématiquement sur tous les examens normaux.L’amélioration constante des scanners avec, tout récemment,l’acquisition volumétrique multicoupes (quatre coupes simultanées

de 1 mm d’épaisseur actuellement sur notre équipement) a enfinouvert la voie à l’obtention de coupes reconstruites de qualitécomparable à celle des images natives. Ainsi, l’examen effectué surun patient en décubitus dorsal atteint désormais un niveau deconfort et de rapidité (quelques minutes) inégalé.L’exploitation sur une console dédiée à cet effet de la sommeconsidérable des données numériques acquises lors de l’examen,permet l’obtention de coupes reconstruites dans un plan déterminé(MPR [Multiplanar Reconstruction]), frontal ou sagittal par exemple,ainsi que d’un rendu volumique (VRT [Volume RenderingTechnique]) de très grande qualité informative sur l’état osseux del’articulation.Le scanner n’a donc pas, pour nous, d’indication pour l’étude dusystème discoligamentaire, mais cette étape scanographique devientà notre sens incontournable chaque fois que l’appréciation desconstituants osseux est utile (lésions post-traumatiques, lésionsdégénératives, ankylose…).

¶ Imagerie par résonance magnétique

L’IRM est actuellement l’examen le plus apte à montrer de façonatraumatique, indolore et sans irradiation, le disque, sonenvironnement tissulaire, et également à donner de l’état osseux uneimage de plus en plus précise, notamment avec les aimants à hautchamp (1,5 T), dont les informations sont supérieures aux imageursà bas et moyen champ (0,3 à 0,5 T).Les appareillages munis de haut champ (1 ou 1,5 T) permettent lesexamens les plus rapides avec la plus grande qualitéiconographique. Les plans de référence sont les plans sagittaloblique et frontal. Le plan de repérage initial est axial, de manière àdéterminer le grand axe des condyles. L’utilisation d’antennesdédiées (antenne tête) permet d’imager simultanément les deuxarticulations.On utilise habituellement des séquences pondérées en T1, les plusinformatives. Leur réalisation en écho de spin rapide permet d’allervers des images en densité de protons dont le signal est de meilleurequalité, avec une résolution en contraste élevée entre le disque etson environnement tissulaire et osseux. Des coupes de 3 à 4 mmd’épaisseur sont un bon compromis. La pondération T2 n’est passystématique. Elle démontre bien un épanchement intra-articulaire(fig 20), voire une hypertrophie synoviale ou une pathologieintrinsèque (tumeur, fracture). L’injection de contrasteparamagnétique est exceptionnelle, réservée à l’exploration desprocessus tumoraux ou des lésions des parties molles.Le déroulement de l’examen est le suivant :

– séquence de repérage, dans le plan axial, pour chaque articulationtemporomandibulaire, d’acquisition rapide, en écho de gradient ;

– séquence sagittale en densité de protons, bouche fermée ;

– séquence sagittale, en densité de protons, bouche ouverte ;

– séquence frontale, en densité de protons, bouche fermée ;

19 Examen tomodensitométrique.A. Examen standard.B. Surbrillance.C. Reconstruction tridimensionnelle.

*A

*B

*C

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– quand elles sont indiquées, des séquences pondérées en T2,frontales et sagittales, bouche fermée, sont effectuées.Des séquences dynamiques sont parfois pratiquées par certaineséquipes (ciné-IRM). Des coupes sont obtenues, pour chaquearticulation, en incidence sagittale oblique, à des degrés d’ouvertureet de fermeture progressifs, en écho de gradient rapide (au moinsquatre positions différentes dans les deux sens). Ces différentesimages, obtenues chacune à un temps statique, sont ensuite montéesen boucle par le logiciel et offrent, sur la console d’enregistrement,voire sur un magnétoscope, une « animation » de l’exploration. Ils’agit toutefois d’une dynamique artificielle, à la résolution spatialeet en contraste de qualité moyenne, du fait de la nécessaire rapiditéd’acquisition. Leur obtention est souvent pénible pour le patient,des artefacts dynamiques ou fausses images (perte du disque) sontfréquemment constatées. Cette séquence est actuellement moinsutilisée.L’examen IRM permet d’apprécier l’état des parties molles (disque,ligaments, muscles) et donne des éléments osseux une appréciationsatisfaisante.

Vues sagittales

Le disque apparaît normalement sous la forme d’un hyposignal, deforme biconcave, sa partie centrale amincie mesurant environ 1 mmd’épaisseur et ses parties antérieure et postérieure étant « renflées »,plus épaisses, l’antérieure mesurant environ 2 mm d’épaisseur et lapostérieure environ 3 à 4 mm. Le disque coiffe normalementfidèlement la tête du condyle mandibulaire, la zone d’attachepostérieure étant précisément située à l’aplomb du point le plusélevé du condyle, ceci en position bouche fermée. On admet qu’undécalage de 2 mm vers l’avant est tolérable. Il pourrait s’agir d’unevariante de la normale et non d’une situation pathologique, bienque cette notion reste discutable (pour certains cela peut préfigurerun dérangement interne à venir). La bande d’attache postérieure nedépasse jamais en arrière le sommet du condyle mandibulaire. Lazone bilaminaire est visible dans environ 60 % des cas. Le freinméniscal postérieur est habituellement vu, hyposignal linéaire,concave en bas, mais il est exceptionnellement suivi sur l’ensemblede son trajet. Les traumatismes répétés sur l’insertion méniscale dufrein postérieur engendrent un état de fibrose exceptionnellementrévélé par un hypersignal.Capsule, synoviale, ligaments articulaire et extra-articulaire ne sontpas aisément mis en évidence. En revanche, le système manducateur(en particulier les muscles ptérygoïdiens latéraux et masséter) estbien visualisé. Les muscles ont un signal intermédiaire, gris, en T1et T2. Les deux faisceaux du ptérygoïdien latéral sont normalementséparés par un hypersignal, triangulaire, correspondant au bourreletgraisseux interptérygoïdien. Certains rapportent la possibilité de levoir remplacé par une image trompeuse, de même forme, mais de

signal opposé (hyposignal), cloison fibreuse interfasciculaire que l’onpourrait à tort interpréter comme un disque déplacé.Les déplacements du disque lors de la dynamique articulaire sontévidemment aisément appréciés. Leur analyse permet laclassification des éventuelles anomalies. Lors de l’ouverture buccale,il y a d’abord rotation des condyles mandibulaires autour d’un axetransversal, puis l’appareil discocondylien, solidaire, se déplace versl’avant, venant se placer sous l’éminence temporale. À la fin del’ouverture buccale, le condyle mandibulaire se trouve juste àl’aplomb, voire légèrement en avant de l’éminence temporale, la têtecondylienne est alors en contact avec le bourrelet antérieur. Lesbourrelets antérieur et postérieur viennent se placer de façonsymétrique de part et d’autre du condyle mandibulaire (aspect en« nœud papillon »).La souffrance méniscale engendre des variations morphologiques,épaississement de la partie centrale, puis ovalisation, et desdifférences de comportement graphique : hypersignal d’une zoned’involution myxoïde, hyposignal de calcifications discales,traduction d’altérations histologiques jusque-là non documentéespar l’imagerie. L’IRM se révèle cependant incapable de déceler uneéventuelle perforation méniscale.L’image des éléments osseux est bien connue : absence de réponsecorticale (qui apparaît noire) et hypersignal médullaire. L’analysede l’état osseux (aplatissement de la tête condylienne, microgéode,ostéophytose antérieure, zone d’hyposignal médullaire évoquantune souffrance osseuse) est possible mais la précision de l’IRMdemeure cependant présentement inférieure à celle des vuessagittales directes du scanner (et même des coupespolytomographiques en balayage complexe).

Vues frontales

En position bouche fermée, la coupe passe par l’éminence temporale,en avant du condyle mandibulaire. Le disque « coiffe » le condyle,son épaisseur diminuant habituellement de dehors en dedans. Si lacoupe passe par le sommet du condyle mandibulaire, le disque n’estpresque plus visible.L’IRM s’impose actuellement comme la technique de référence dansl’étude des dérangements internes temporomandibulaires. Elle estla seule à donner du disque une image directe, de qualité acceptable,suffisante pour définir le type de dérangement incriminé, sansdésagrément notable pour le patient. Ses informations sont d’unequalité supérieure aux constatations peropératoires, faites sousanesthésie générale, dans des conditions trop éloignées de l’étatphysiologique, qui donnent à l’appareil discoligamentaire uncomportement impropre à l’analyse rigoureuse de sondysfonctionnement.Le déroulement de l’examen est fonction de l’appareillage et deshabitudes de chaque équipe. Certains discutent l’utilité de la

20 Imagerie par résonance magnétique normale.A. Profil, bouche fermée.

*A *B *C

B. Profil, bouche ouverte. C. Face.

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séquence en ouverture buccale maximale. Le maintien prolongé decette position inconfortable imposée par des dispositifs rigides estsource de fatigue, de spasmes musculaires, qui créent des conditionsnéfastes à l’obtention d’imagerie de qualité, correspondant à laréalité. Ils pensent que l’examen devrait être effectué en ouverturepartielle, juste avant l’apparition du bruit articulaire, position oùl’image du disque leur apparaît la meilleure. Il semble actuellementdifficile de se passer du temps d’examen en « bouche ouverte », ledegré d’ouverture étant une affaire d’école et d’habitude, sujet d’undébat que l’avenir arbitrera. Seuls les cas où la réductibilité estcliniquement certaine pourraient permettre de s’en dispenser.L’incidence frontale devrait être systématique. Elle montreprécisément l’éventuel déplacement discal en dedans ou en dehorsdu condyle, et révèle parfois un aspect dentelé microgéodique descontours de la tête condylienne, éventuellement méconnu sur leprofil. L’imagerie pondérée en T2 apporte des informationssupplémentaires, notamment une meilleure appréciation de l’étatméniscal, et révèle la présence de liquide intra-articulaire oud’adhérence capsulosynoviale. Il faut convenir que, pourintéressantes qu’elles soient, ces informations n’ont, pour l’instant,qu’une valeur décisionnelle modeste. Les séquences d’acquisition enT2 accroissent malheureusement le temps de l’examen, doncl’occupation d’un appareillage très fortement sollicité.L’IRM doit logiquement continuer à occuper une positiondominante dans l’avenir. Le raccourcissement du temps d’examenpar l’utilisation de séquences nouvelles (bascule angulaire partielle,GRASS [Gradient Recall Acquisition in the Steady State]) fourniraprobablement dans un avenir proche des vues dynamiques,approchant la vision articulaire en temps réel, d’une qualitésatisfaisante. D’implication bien plus lointaine nous semble l’analysespectroscopique (pH, accumulation de lactate) de la structureméniscale et de son environnement immédiat. Les problèmesmajeurs consistent en une accessibilité difficile de l’IRM compte tenudu petit nombre d’appareils en service, mais aussi en la réalisationd’examens parfois de piètre qualité qui ne vont pas rendre lesservices attendus. Cette mauvaise qualité de bon nombre d’examensnous semble directement fonction de l’intérêt que le radiologueporte à cette pathologie.

¶ Échographie

La possibilité d’exploration échographique de l’articulationtemporomandibulaire a été soulignée par Stefanoff [85]. Le disquearticulaire est identifié par une image hypoéchogène cernée pardeux liserés hyperéchogènes, se situant au pôle supérieur ducondyle. Dans les articulations normales, en position de repos,l’image discale se situe à la partie antérosupérieure du condyle.Pendant les mouvements d’ouverture-fermeture, elle suitharmonieusement et sans à-coup les mouvements de translationcondyliens. Dans les luxations discales réductibles, on peut juger dela position antérieure du disque ainsi que du rattrapagecondyloméniscal. Dans les luxations discales irréductibles, le disqueest en général non visible. Il est parfois possible d’appréciergrossièrement les anomalies structurales méniscales.Cependant, cet examen semble dans l’ensemble difficile à interpréterdans la majorité des cas, en raison de la distinction difficile entredisque et tissus rétrodiscaux, et des difficultés anatomiques liées àl’existence de structures osseuses. Il s’agit d’un examen trèsopérateur-dépendant. Des progrès technologiques doivent êtreréalisés avant que cet examen ne soit utilisable, surtout commeexamen de dépistage (Emshoff, 1997 ; Scheffer, 1997). Son intérêtactuel semble être surtout dans les études épidémiologiques.

¶ Scintigraphie

La scintigraphie osseuse a été proposée pour l’étude de l’articulationtemporomandibulaire. Ses inconvénients majeurs sont bien sûr sonabsence de spécificité et son manque de résolution. La plupart deslésions peuvent être détectées par une hyperfixation, mais l’examenest incapable de déterminer s’il s’agit d’une lésion tumorale,inflammatoire, ou dégénérative. La seule indication de la

scintigraphie semble concerner certaines tumeurs bénignes osseusesoù l’on recherche une forme polyostotique par un balayage corporel.

Allwright a évoqué plus récemment l’intérêt d’un examen de typesingle photon emission computed tomography pour évaluer l’évolutivitédes hyperplasies condyliennes, Katzberg (1984) propose de l’utiliserpour détecter les atteintes osseuses dans les dysfonctionnementsarticulaires.

AXIOGRAPHIE

L’axiographie est un enregistrement graphique des mouvements ducondyle mandibulaire. C’est Slavicek [83] qui a montré son intérêtdans l’étude spécifique de la pathologie de l’articulationtemporomandibulaire. Cet examen devrait être réalisé dans tous lescas, mais il est indispensable lorsqu’un traitement orthodontique estprogrammé. Avant la réalisation de l’axiographie, il est souhaitablede lever les spasmes musculaires, et donc de faire porter au patientune plaque de libération occlusale. L’avantage de l’axiographie estd’être un témoin objectif de l’évolution du fonctionnementarticulaire. Il s’agit d’un document médicolégal dans les traitementsprothétiques de grande envergure ou les traitements orthodontiques.

L’axiographe est par conséquent un pantographe qui transcrit lesmouvements des condyles mandibulaires. Ces mouvements sontenregistrés dans les trois dimensions de l’espace. Un axiographe estdonc composé de deux parties : un arc péricrânien, qui s’appuie surla région frontonasale et supporte des « drapeaux » d’enregistrementlatéraux, et un arc mandibulaire mobile (arc d’enregistrement),solidarisé aux dents mandibulaires au moyen d’une fourchette defixation occlusale. Cet arc d’enregistrement est relié à deux braslatéraux qui supportent des stylets de détermination de l’axecharnière, des porte-mines pour tracer les mouvements condyliensdans le plan sagittal et un comparateur à cadran destiné àenregistrer les mouvements transversaux des condyles.

L’examen débute par la localisation du point d’émergence de l’axecharnière, qui se fait par tâtonnements successifs, cettedétermination nécessitant l’absence de contracture au niveau desmuscles masticateurs pour être valable. Deux séries de tracés sonteffectuées de chaque côté, une série de tracés avec des mouvementsguidés par l’opérateur et une série avec des mouvements non guidés(fig 21).

Dans le plan horizontal, les tracés sont normalement rectilignes enpropulsion et à l’ouverture. Une déviation supérieure à 0,5 mmmontre une entrave à la translation antérieure. Lors desmouvements de latéralité, le condyle non travaillant décrit unecourbe à convexité interne qui résulte du mouvement de Bennet. Unmouvement transversal supérieur à 1 mm est considéré commepathologique. Après 2 ou 3 mm d’excursion, le processus condyliensuit une ligne orientée d’arrière en avant de 8° à 10° vers le côtémédial. Toute déviation latérale du condyle évoque un processuspathologique.

Dans le sens sagittal, les enregistrements décrivent une courbe àconcavité supérieure. Les tracés d’ouverture de propulsion et demédiotrusion sont superposés dans les 8 à 10 premiers millimètres.Au-delà, le tracé d’ouverture remonte en direction crâniale et sonrayon de courbure diminue. Les tracés d’aller et de retour sontconfondus. L’amplitude moyenne des enregistrements est de 14 mmà l’ouverture, 11 mm en propulsion et 13 mm en latéralité. La pentedes tracés par rapport au plan axio-orbitaire de référence estcomprise entre 40° et 60° dans les 5 premiers millimètres d’excursioncondylienne. Les mouvements de retour doivent se terminer aupoint de référence.

Ces tracés axiographiques peuvent subir un grand nombred’altérations, suivant les pathologies rencontrées.

– En cas de luxation discale réductible, l’amplitude des tracés estsouvent augmentée à l’ouverture et on observe une déviationcaudale du tracé signant le passage de la tête condylienne sous lebourrelet postérieur, la déviation se reproduit lors des mouvementsde fermeture. Dans le sens horizontal, les tracés indiquent les

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déviations transversales de la translation condylienne à l’ouvertureet à la propulsion. En latéralité, ils indiquent des déviations dumouvement de Bennet.

– En cas de luxation discale irréductible, l’amplitude des tracésaxiographiques est réduite. Dans le plan sagittal, les tracés sontcourts et pentus. Dans le plan horizontal, les enregistrements sontdéviés latéralement.

– En cas d’hyperlaxité ligamentaire, l’amplitude des tracés estexagérée : les enregistrements à l’ouverture et en latéralité atteignent20 mm et la course du processus condylien en propulsion approche14 mm. Les tracés d’aller et retour dans le sens vertical peuvent êtredissociés.

– Dans les phénomènes arthrosiques, la pente des enregistrements estfaible et les tracés des mouvements mandibulaires qui impliquentune rotation dans l’articulation quand elle est discale sont dissociésdes mouvements qui s’opèrent par translation pure. Dans les cas delésions avancées, les tracés axiographiques sont particulièrementheurtés.

– Au stade de la pathologie musculaire, les tracés des mouvementsde retour s’arrêtent en dessous et en avant du point de référence, en

cas d’hyperactivité des muscles abaisseurs. On note un arc de cercleà concavité inférieure lors des mouvements de retour en casd’hyperactivité du muscle temporal. Ces enregistrements ne sont pasreproductibles (Slavicek [84]).Une version électronique de cet appareillage existe, qui offre denombreux avantages par rapport au système mécanique, mais quiest naturellement d’un coût plus élevé.

MODÈLES D’ÉTUDE DENTAIRES

L’examen occlusal clinique doit être complété par la réalisation demoulages, qui reproduisent fidèlement les arcades et qui permettentd’examiner en détail les anomalies parfois difficiles à voircliniquement : facettes d’usure, orientation des cuspides, orientationcoronaire, points de contact interdentaires, etc. Ces modèles doiventêtre particulièrement précis, réalisés selon une technique analogue àcelle décrite par Lauritzen [57]. Leur validité doit être vérifiée unefois les modèles en plâtre réalisés, en transcrivant sur le modèle lasituation des contacts relevés en bouche et en effectuantd’éventuelles retouches sur ces modèles [77]. Il convient souvent demonter ces modèles sur articulateur. Rappelons que l’articulateurest un instrument analogique destiné à simuler les déplacements del’appareil manducateur et à reproduire les contacts dentodentairesdans les différentes positions d’occlusion.Cet examen facilite l’observation des rapports occlusaux et doncl’étude des prématurités et des interférences occlusales.L’articulateur semi-adaptable est parfaitement indiqué dans ce typed’étude. La situation des modèles maxillaires doit naturellementreproduire la relation spatiale existant entre l’arcade dentairesupérieure et les articulations temporomandibulaires parl’intermédiaire d’un arc de transfert. Le moulage mandibulaire estpositionné sur le moulage maxillaire grâce à un mordu en cire, puissolidarisé à l’articulateur, mordu réalisé en relation centrée. Laprogrammation de la position condylienne est réalisée à partir desmesures axiographiques ou à l’aide des mordus en cire enregistrantles occlusions en propulsion et en diduction. L’analyse occlusale estreprise de la même manière que cliniquement sur les modèlesmontés en articulateur permettant de visualiser les prématurités etles interférences.

EXAMEN ÉLECTRIQUE

Il n’existe pas de tableau typique dans les altérationsélectromyographiques ou électrophysiologiques en pathologie del’articulation temporomandibulaire. L’examen électromyographiquepeut permettre d’apprécier l’existence d’une activité spastique etpeut analyser l’aspect symétrique ou asymétrique des contractionsmusculaires, lors des mouvements physiologiques et lors de laposition de repos. L’exploration électromyographique est facile pourle masséter et pour le temporal, mais l’exploration la plusintéressante, celle du muscle ptérygoïdien latéral, est difficile àenvisager comme examen de routine. Ces électromyographies desmuscles masticateurs ont été pratiquées par de nombreux auteurs,en particulier pour le ptérygoïdien latéral par Ekholn et Grand, pourle temporal et pour le masséter avec en particulier l’étude de lapériode de silence électrique (De Laat et Lavigne) et pour l’étude dutemps de latence, du réflexe d’étirement et de l’étude de la phased’activité initiale (Verkindere).Ont également été étudiés les réflexes de clignement, anormaux dans64 % des syndromes dysfonctionnels de l’articulationtemporomandibulaire, avec existence d’une réponse R1controlatérale, existence d’asymétries supérieures à 1,5 ms entre lesdeux côtés ou modification de la réponse tardive R2 (latencesupérieure à 43 ms, différence de latence supérieure à 5 ms entre lesdeux côtés, diminution relative de la latence, absence de R2homolatérale). Les potentiels évoqués somesthésiques du trijumeausont anormaux dans 60 % de ces cas, avec en particulier desdifférences d’amplitude droite-gauche importantes.L’examen électromyographique n’est pas un examen courant dansla pathologie de l’articulation temporomandibulaire. Il pourrait être

5

26

RC PAO

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21 Axiographie (d’après Rozencweig [77]).a. Axiographe ; b. tracés normaux en propulsion (P), à l’ouverture (O), en médiotru-sion (M) ; c. tracé de luxation discale antérieure réductible - 1 : position de fermeture -2 : moment où le condyle atteint le bord postérieur du disque lors de l’ouverture - 3 : po-sition de relation normale discocondylienne à l’ouverture - 4 : position d’ouverturemaximale - 5 : position de relation normale discocondylienne en fermeture - 6 : momentoù le condyle quitte sa relation normale avec le disque de fermeture ; d. tracé de luxa-tion discale antérieure irréductible ; e. tracé de luxation discale interne ; f. tracé de phé-nomènes arthrosiques (aplatissement du processus condylien) ; g. tracé d’hyperlaxitéligamentaire aller (1), retour (2) ; h. tracé de luxation condyloglénoïdienne ; i. tracéd’hyperactivité du muscle temporal ; j. tracé d’hyperactivité des muscles abaisseurs.

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utile dans certains cas difficiles, soit de trismus inexpliqué pourconfirmer une contracture partielle du ptérygoïdien latéral, soit dansdes cas exceptionnels de difficultés de détermination de ladimension verticale où une réhabilitation prothétique peut êtreparfois aidée par la mesure du tonus musculaire.

THERMOGRAPHIE

La thermographie met en évidence des modifications de latempérature cutanée, parfois corrélées avec les anomalies desstructures articulaires sous-jacentes (Gratt, 1993 ; Kalili, 1996). Dansl’absolu, cet examen pourrait aider à un diagnostic différentieldifficile. En pratique, il n’est plus utilisé, sauf cas exceptionnels.

SONOGRAPHIE

Elle enregistre les vibrations temporomandibulaires à l’aide d’unappareillage adapté (Ekensten, 1952). La sonographie a l’avantagesur l’examen clinique de pouvoir garder une trace de ces bruitsarticulaires et de leur évolution dans le temps, et de bien préciserleur chronologie d’apparition par rapport aux mouvements(Combadazou, 1991). Selon Gay et Bertolami, à chaque pathologiearticulaire correspond une condition mécanique différente, qui apour effet d’émettre un bruit particulier à un moment donné.Cependant, elle n’a guère d’autre supériorité par rapport à l’examenclinique.

ANALYSEUR DES CONTACTS OCCLUSAUX

Des appareillages (T-scan) permettent d’enregistrer la chronologie(au 1/100e de seconde), la pression et la répartition des points decontact occlusaux. Les résultats obtenus par cet appareillage sontcomparables à ceux obtenus à l’aide d’un ruban d’occlusion pour lamesure de la répartition ou la chronologie des points de contact(fig 22). L’intérêt majeur de ce type d’appareillage est là aussi degarder une trace de ces points de contact occlusaux et de leurévolution dans le temps, soit spontanée, soit sous l’influence d’unethérapeutique (Mizui, 1994). Il permet également de mesurerl’intensité de la pression occlusale [16]. Incontestablement, il seraitsouhaitable de pouvoir pratiquer systématiquement cet examen,mais son coût fait qu’il n’est pas utilisé actuellement.

ANALYSEUR DES MOUVEMENTS MANDIBULAIRES(MANDIBULOGRAPHE)

Ces appareillages permettent un enregistrement de la cinématiquemandibulaire. Cet enregistrement est réalisé grâce à des aimants (oudes diodes) qui sont appliqués sur les incisives mandibulaires. Lesondes ou les champs magnétiques sont captés par une antenneréceptrice (ou une caméra) placée sur le visage. Cet appareil dedétection transmet des signaux à un ordinateur qui permet unereprésentation graphique de ces mouvements, en fonction du temps,de la vitesse et de l’accélération. Là aussi, cet examencomplémentaire est théoriquement intéressant, mais non utilisé enpratique.

ARTHROSCOPIE

La première arthroscopie temporomandibulaire a été réalisée en 1964par Ohnishi. Pour l’articulation temporomandibulaire sont utilisésdes arthroscopes de faible diamètre (1,7 à 2,4 mm de diamètre). Il

existe un système d’irrigation articulaire. Le grossissement utiliséest d’environ 10 à 50 fois. Des arthroscopes sont disponibles envision directe ou oblique (10°, 25°, 30°, 70°, 90°).Le point de ponction classique est situé 2 mm en dessous d’une ligneallant du tragus au canthus externe, 10 mm en avant du tragus.Après distension de la cavité articulaire par une aiguille de typeintramusculaire introduite dans le compartiment supérieur del’articulation, l’arthroscope est introduit à travers un trocart-guide.Une irrigation continue du compartiment supérieur est associée àun drainage à haut débit, à l’aide d’une aiguille de drainage de petitdiamètre. Il est possible d’explorer les différents secteurs de cecompartiment supérieur de l’articulation en faisant exécuter àl’arthroscope des mouvements de balayage, de piston ou de rotation.On y combine des mouvements mandibulaires permettant ainsi àl’exploration d’être à la fois statique et dynamique.Il est ainsi possible d’examiner les surfaces articulaires au niveaucondylien ou glénoïdien, les anomalies de position, de mobilité oude structure de l’appareil discal, les réactions synoviales etéventuellement ainsi certains corps flottants. Le compartimentinférieur de l’articulation n’est pratiquement jamais exploré. Iln’existe pas de technique fiable pour la ponction de cecompartiment.Les complications sont possibles et de fréquence variable selon lesauteurs : par exemple 1,77 % pour Carls (1996), 10,3 % pourTsuyama [92]. Il s’agit habituellement de lésion nerveuse, souventtransitoire dans la littérature, de lésions des structures articulaires(raclage de la surface articulaire), de plaie du conduit auditif, debaisse d’acuité auditive (peut-être dans les cas de persistance duforamen de Huschke selon Herzog, 1989), de vertiges séquellaires,d’exceptionnelle perforation de la fosse glénoïde avec brècheméningée (Sugisaki, 1995). La complication la plus à craindrepotentiellement est bien sûr l’arthrite postopératoire. Il sembleexister expérimentalement un risque d’induction de lésiondégénérative (Bjornland, 1994). Le problème le plus fréquent estreprésenté par les lésions vasculaires qui, si elles sont sans gravité,empêchent la réalisation de l’examen dans des conditions correctes.L’arthroscopie se réalise sous anesthésie générale, bien qu’il soitthéoriquement possible de la réaliser sous anesthésie locale. Aprèsune grande vogue dans les années 1980, l’arthroscopie diagnostiquen’est plus qu’exceptionnellement réalisée en raison de la qualité desrenseignements fournis par l’IRM.

Différentes atteintes articulaireset leur prise en chargeL’articulation temporomandibulaire possède des structuresidentiques à celles des autres jointures : cartilage hyalin derecouvrement des surfaces articulaires (sans périchondre), synoviale,capsule, ligaments. Elle peut donc être le siège des différentsrhumatismes inflammatoires ou dégénératifs. De plus, sescaractéristiques anatomiques et physiologiques propres (enparticulier l’existence du « disque », qui a une structurefibrocartilagineuse) lui confèrent quelques originalitésphysiopathologiques.

ARTHRITES SEPTIQUES

Les arthrites septiques évoluent selon les cas sur le mode aigu,subaigu ou chronique. Comme pour toute articulation, l’expressionclinique est marquée par la douleur locale, la tuméfaction

22 Exemple de diagramme fourni par le T-scan (d’aprèsCombadazou [16]).

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inflammatoire de l’articulation et par l’impotence fonctionnelle quise traduit ici par une limitation des mouvements (trismus). Labouche reste entrouverte et les tentatives de mobilisation active oupassive sont douloureuses. L’examen otoscopique peut mettre enévidence un mouvement douloureux du conduit auditif externe. Desadénopathies prétragiennes et cervicales spatiales basses sont parfoisperçues. Une hyperthermie est fréquente.

Le bilan radiologique ne révèle pas d’anomalie à la phase initiale.Vers le huitième jour, une hypertransparence osseuse apparaît,associée à un pincement de l’interligne articulaire, précédant lasurvenue (en l’absence de traitement) d’érosions osseuses floues etmal limitées, puis de destructions plus sévères (irréversibles). Unescintigraphie osseuse, rarement réalisée en pratique, permettrait demontrer un foyer hyperfixant avec le gallium 67 et les complexesphosphatés technétiés. L’IRM confirme la présence d’unépanchement articulaire, d’une prolifération synoviale et d’uneéventuelle ostéite de contiguïté, d’une atteinte de l’interligne, voired’une collection. Le bilan biologique montre inconstamment unehyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, mais la présenced’un syndrome inflammatoire est très fréquente.

Devant un tableau de monoarthrite aiguë fébrile, ce diagnostic estassez facilement évoqué, le plus souvent dans un contexte évocateur,conduisant à une ponction articulaire qui permet l’examen direct duliquide retiré (cellularité supérieure à 25 000/mm3), sa mise enculture avec identification des germes et antibiogramme.

Les arthrites aiguës sont classiquement, soit la conséquence d’uneeffraction articulaire, soit la conséquence de l’extension d’uneaffection de voisinage (ostéite mandibulaire, otite, otomastoïdite,parotidite, cellule massétérine), soit d’une localisation hématogène.Les germes le plus souvent retrouvés sont les staphylocoques (60 %)ou les streptocoques (10 %), mais d’autres germes peuvent être encause. Ces arthrites aiguës sont devenues exceptionnelles, et on nerencontre plus guère que des arthrites au décours d’injections intra-articulaires, particulièrement de corticoïdes locaux.

Les arthrites subaiguës et chroniques sont le plus souvent dues soità Actinomyces (où l’atteinte articulaire est secondaire à l’atteinteosseuse) ou au bacille de Koch, toutes les deux exceptionnelles. Lesarthrites de la syphilis survenant dans sa période secondaires’expriment par des réactions séreuses régressives et sont égalementexceptionnelles.

L’arthrite gonococcique est à citer, et, malgré la recrudescence desmaladies sexuellement transmissibles, elle reste elle aussi très rare(elle apparaît après un délai de quelques semaines aprèsl’écoulement blennorragique).

Autrefois, l’évolution de ces arthrites se faisait vers une collectionsuppurée intra-articulaire, avec accentuation du trismus et fièvreoscillante, insomnie, altération de l’état général. On observait ensuiteune fistulisation vers la peau, le conduit auditif externe ou la cavitébuccale. Il existait des délabrements articulaires qui aboutissaient engénéral à l’ankylose temporomandibulaire. Ces évolutions ne sevoient plus.

Le traitement de toute arthrite septique constitue une urgencemédicale et dans certains cas une urgence chirurgicale.L’antibiothérapie doit être mise en œuvre le plus rapidementpossible une fois les prélèvements bactériologiques effectués(hémoculture et ponction articulaire), afin d’éradiquerdéfinitivement le germe intra-articulaire et de préserver l’étatanatomique et fonctionnel de l’articulation temporomandibulaire. Lechoix des antibiotiques est dicté par l’antibiogramme, leur capacitéde diffusion au sein du site articulaire et de l’os adjacent, leur spectred’activité antibactérienne et bien entendu les antécédents du patient.L’association initiale de deux antibiotiques bactéricides etsynergiques administrés par voie intraveineuse est le plus souventindispensable en traitement d’attaque.

En cas d’infections à staphylocoques sensibles à la méticilline, lesassociations font volontiers appel à la rifampicine, la fosfomycine,l’oxacilline, les fluoroquinolones et l’acide fusidique. En cas destaphylocoque doré résistant à la méticilline, les associations le plus

régulièrement efficaces sont actuellement : rifampicine-fluoroquinolone ou fosfomycine-fluoroquinolone. Les infections àstreptocoques (ou à méningocoques, ou à pneumocoques) peuventbénéficier d’un traitement par amoxicilline ou d’une céphalosporinede troisième génération, voire d’une association amoxicilline-aminoside. Pour les infections à Gram négatif, il semble possible deproposer une association bêta-lactamine-aminoside ou uneassociation fluoroquinolone-céphalosporine de troisième génération(en cas d’infection à pyocyanique). En cas d’infections à anaérobiesà Gram négatif, on associe céphalosporines de troisième générationet métronidazole.L’évacuation articulaire est recommandée, permettant dedébarrasser l’articulation du matériel nécrotique : soit évacuationmédicale à l’aiguille, soit drainage chirurgical. Il est rare que l’onsoit amené à réaliser une immobilisation mandibulaire par blocageintermaxillaire, bien que l’immobilisation fasse partie du traitementde début des arthrites. Une mobilisation douce et progressive,pluriquotidienne, indolore, doit être entreprise dès l’infectionmaîtrisée.Un cas particulier est représenté par l’arthrite de Lyme qui intéresseparfois les articulations temporomandibulaires [ 5 5 ] . Lasymptomatologie est intermittente, avec plusieurs crisesmonoarticulaires ou oligoarticulaires asymétriques de quelques joursà quelques semaines, pouvant persister plusieurs mois, séparées pardes rémissions de quelques semaines. Entre les accès, la rémissionn’est pas toujours complète, le patient gardant un gonflementarticulaire modéré et une raideur matinale. Le diagnostic est fait surla notion de piqûre de tique 1 à 6 mois auparavant et l’associationéventuelle à d’autres signes de la maladie (neurologique oucardiologique). Il est confirmé par une sérologie spécifique (enzyme-linked immunosorbent assay et western blot). Le traitement antibiotiqueest d’autant plus efficace que le diagnostic est porté précocement.

RHUMATISMES INFLAMMATOIRES

La localisation à l’articulation temporomandibulaire desrhumatismes inflammatoires est assez fréquente, avec une certaineprédilection pour la polyarthrite rhumatoïde (PR).

¶ Polyarthrite rhumatoïde

La PR est une polysynovite destructrice à médiation immune. Elleaffecterait de 0,4 à 0,8 % de la population, avec une très netteprédominance chez la femme, atteinte deux fois plus souvent quel’homme, le plus souvent entre 30 et 50 ans. L’articulationtemporomandibulaire est atteinte en moyenne 3 ans après l’âge dedébut de la maladie. Ce tropisme est connu depuis Garrod en 1859.La prévalence de l’atteinte de l’articulation temporomandibulairelors de la PR varie selon les statistiques de 4 à 71 % des patients, laplupart des études semblant montrer qu’elle est supérieure à 50 %des cas.L’atteinte de l’articulation temporomandibulaire peut être révélatricede l’affection, ce qui est un cas exceptionnel. Elle se révèle par unedouleur unilatérale, accompagnée de sensations de froissement àl’ouverture buccale. Le bilan radiologique est très longtemps normal,puisque l’atteinte initiale est synoviale. Les images radiologiques ontété décrites en 1941 par Zimmer (fig 23). La fréquence de l’atteinteradiologique a été soulignée par Cadenat et Blanc en 1958 (71 %).Les études ultérieures font varier cette atteinte radiologique de 19 à86 %. L’IRM visualise au début l’intégrité des surfaces articulaires,le pincement de l’interligne, les signes dégénératifs de la médullaireosseuse (perte du signal normal intraspongieux), un épanchementintra-articulaire donnant un hypersignal en T2. Les tableauxcliniques et radiologiques peuvent être plus ou moins évolués,pouvant aller jusqu’à la lyse osseuse, avec ankylose articulairefibreuse ou installation d’une rétromandibulie induisant parfois unsyndrome d’apnée du sommeil (Izumiyama, 1994 ; Omaya, 1995).L’inflammation synoviale est l’élément pathologique majeur. Lasynovite rhumatoïde s’accompagne d’une importantenéovascularisation facilitant le recrutement local de nombreux

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éléments figurés du sang. Les lymphocytes B intrasynoviaux sontresponsables de la production d’autoanticorps, dont les facteursrhumatoïdes. L’activation des autres contingents cellulaires,notamment macrophagiques et fibroblastiques, conduit alors à laproduction de cytokines pro-inflammatoires (IL1, TNF…),d’enzymes de type métalloprotéases, de monoxyde d’azote et deprostaglandines. De plus, une diminution des phénomènesapoptiques (mort cellulaire programmée) participe activement aucaractère invasif et prolifératif du pannus synovial. Dans la PR, laquantité de liquide synovial est augmentée, le liquide est plus fluide,et ses qualités de lubrification et de nutrition sont égalementaltérées. Ainsi la distension de l’articulation est due non seulementà l’exsudat inflammatoire, mais aussi à l’épaississement de lasynoviale.Au fur et à mesure de l’évolution, le pannus synovial érode lecartilage et altère les surfaces osseuses adjacentes. Ce tissu entraînedes érosions osseuses, des géodes osseuses, qui vont confluer etéventuellement entraîner le collapsus du condyle. Des destructionsligamentaires vont ajouter au tableau une instabilité de l’articulation.Il est admis que le tissu synovial est immunologiquement actif.Munthe et Pahle ont montré que les destructions étaient en relationavec les niveaux de complexe immunoglobuline (Ig) G de facteursrhumatoïdes dans la membrane synoviale.Le diagnostic repose sur un faisceau de données :

– contexte clinique (arthrites inflammatoires avec synovite),ténosynovites, bursites, nodules rhumatoïdes… ;

– manifestations extra-articulaires (atteinte de l’état général,syndrome sec, pleuropéricardite, vascularite, éventuellesplénomégalie) ;

– signes radiologiques, scanographiques ou IRM ;

– perturbations immunologiques : présence de facteursrhumatoïdes, anticorps antifilagrine ;

– biopsie synoviale, présence de l’antigène tissulaire human leucocyteantigen (HLA)-DR4…Le traitement est habituellement pris en charge par le rhumatologue.Lors des phases initiales de la PR, la thérapeutique repose sur lesantalgiques banals de niveau 1 ou 2 et les anti-inflammatoires non

stéroïdiens classiques ou sélectifs de la cyclo-oxygénase de type 2 encas de facteurs de risque digestifs (célécoxib). Les corticoïdes ne sonthabituellement pas prescrits en première intention, sauf exceptionsparticulières (vascularite, atteinte viscérale grave, effets indésirablessévères des traitements de la PR…). La corticothérapie locale est enrevanche volontiers utilisée. Les traitements de fond(antirhumatismaux d’action lente), instaurés une fois le diagnosticconfirmé, nécessitent une surveillance régulière, leur efficacitédurant parfois plusieurs semaines avant de se manifester ;

– les antipaludéens de synthèse (Plaquenilt) sont habituellementprescrits lors des formes bénignes ou débutantes ;

– les dérivés de l’or (Ridaurant, Allochrysinet), les sulfhydrilés(Trolovolt et Acadionet) et la sulfasalazine (Salazopyrinet) sontclassiquement préconisés pour les formes intermédiaires, bien quele méthotrexate (Novatrext) y soit de plus en plus souvent prescriten première intention ;

– les immunomodulateurs comme le léflunomide (Aravat) ou laciclosporine (Néoralt) sont habituellement réservés aux formes plussévères, formes qui peuvent bénéficier en seconde intention, enmilieu spécialisé et sous surveillance stricte, d’agents anti-TNF(Embrelt et Rémicadet) dont l’efficacité est parfois rapide mais lecoût particulièrement élevé.Une corticothérapie générale (0,1 mg/kg/j d’équivalent prednisone)est parfois associée, sous couvert des mesures hygiénodiététiquesd’usage, en cas d’inefficacité ou de contre-indications des anti-inflammatoires non stéroïdiens, de PR particulièrement actives(cliniquement et biologiquement) ou non contrôlées par lestraitements de fond successifs. Les traitements locaux(synoviorthèses à l’Hexatrionet ou isotopique) peuvent enfin serévéler d’un appoint thérapeutique utile, en permettant ladestruction du pannus synovial. Dans tous les cas, la kinésithérapieest à associer.Les lésions séquellaires sont parfois importantes et peuventnécessiter un geste chirurgical. Une fois l’apaisement du processusévolutif, on peut parfois être amené à poser l’indication d’unremplacement prothétique ou biologique d’une tête condyliennedétruite (Ferguson, 1993 ; Bettega [11]).

¶ Arthrite chronique juvénile (ACJ)

Les rhumatismes inflammatoires de l’enfant (ACJ, décrite par Stillen 1896) sont fréquemment à l’origine de localisation au niveau del’articulation temporomandibulaire, avec des destructions osseusesmajeures malgré le traitement médical, pouvant aboutir à unedestruction totale d’un ou le plus souvent des deux condylesmandibulaires, entraînant le cortège habituel de troubles decroissance au niveau de la mandibule, localisation que Still lui-même avait déjà évoquée. La nosologie, la classification et lesrapports de cette affection avec les rhumatismes inflammatoires del’adulte restent discutés.On distingue actuellement :

– les formes systémiques (maladie de Still) touchant aussi souventles filles que les garçons, qui associent des manifestationsarticulaires, une fièvre, des signes cutanés, des adénopathies, uneatteinte hépatique, splénique et des séreuses ; s’il n’existe aucunsigne biologique spécifique, on note classiquement unehyperleucocytose prononcée, une hyperplaquettose et des signesnon spécifiques d’inflammation ;

– les formes pauciarticulaires (moins de cinq articulations affectées),parmi lesquelles on distingue les ACJ à début précoce (moins de 5ans) affectant quatre filles pour un garçon (avec présence de facteursantinucléaires) et les formes à début tardif, en majorité masculines ;ces dernières, souvent porteuses de l’antigène HLA B27, sont pourla plupart des formes de début des spondylarthropathies ;

– les formes polyarticulaires représentent le tiers des ACJ ; elles sontconstituées de deux groupes d’importance inégale, les unesséronégatives, plus nombreuses, et les autres avec présence de

23 Lésions de polyarthrite rhumatoïde.

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facteurs rhumatoïdes (IgM, de titre élevé, à au moins deux reprisesà 3 mois d’intervalle), plus rares (6 % des ACJ) mais s’accompagnantde manifestations extra-articulaires.

Les formes à début aigu ou subaigu commencent en général entre 2et 7 ans avec fièvre, érythème, adénopathies, splénomégalie etarthralgies intéressant surtout les genoux, les poignets, les chevilleset le rachis cervical. L’articulation temporomandibulaire est danscette forme rarement atteinte. L’aspect est parfois celui d’unsyndrome de Wissler-Fanconi. Les signes radiologiques restentlongtemps discrets, se résumant en une déminéralisation en bandesans pincement articulaire, sans atteinte des épiphyses et sansankylose. L’évolution est en général favorable grâce à lacorticothérapie, mais certaines formes passent à la chronicité avecdestruction articulaire (François).

Les formes chroniques d’emblée apparaissent vers l’âge de 8 ans,avec une prépondérance féminine. L’atteinte mandibulaire est plusfréquente. Karhulahti (1993) et Tanchik (1994) l’estiment à plus de50 % des cas, Mericle (1996) parle de 62 % de déformationsradiovisibles des articulations temporomandibulaires dans cettepathologie. Douleur et raideur s’installent rapidement et l’atrophiemusculaire peut devenir importante si l’on n’y prend garde. Dansl’articulation temporomandibulaire les condyles sont aplatis,diminués de volume, à contours irréguliers, voire totalementdétruits [25], l’ankylose ne s’installant que dans de rares cas (Ogus,1975) (fig 24). Le retentissement, à la fois de cette perte de hauteur etde la destruction du cartilage de croissance, amène l’existence d’unerétromandibulie, voire d’une brachygnathie importante, confinantau profil en bec d’oiseau (Larheim, 1983). Il peut exister unerétromandibulie de ce type sans destruction articulaireradiologiquement visible (Ronning et Valiaho, 1978).

Le traitement des formes systémiques repose sur l’aspirine et, en casd’inefficacité, sur la corticothérapie par voie générale. Les formesoligoarticulaires sont l’indication de choix d’une corticothérapie parvoie locale. Les formes polyarticulaires et systémiques en bénéficientet ne nécessitent que rarement un traitement par méthotrexate, etles immunosuppresseurs restent d’indication exceptionnelle et

spécialisée (syndromes d’activation macrophagique ou amylosenotamment). La rééducation doit être effectuée dès qu’une atteintearticulaire persiste.Les indications chirurgicales à l’articulation temporomandibulaireconcernent essentiellement une reconstruction par des méthodesbiologiques (en général par greffes chondrocostales [87]) ouprothétiques de l’articulation détruite, ces reconstructions étant pourcertains repoussées à la fin de la croissance et la correction destroubles de croissance entraînés par l’affection par ostéotomie oudistraction mandibulaire.

¶ Spondylarthrite ankylosante (fig 25)

La spondylarthrite ankylosante est une affection fréquente,essentiellement de l’homme, et qui atteint les articulationstemporomandibulaires dans un nombre de cas relativementimportant : 24 % pour Resnick (1974), 11 % pour Davidson (1975).Dans la grande majorité des cas, il existe des manifestationsrachidiennes et sacro-iliaques qui sont révélatrices (60 %) et quicontinuent de dominer le tableau clinique ultérieurement.À l’articulation temporomandibulaire, au début, les manifestationsradiologiques les plus évocatrices sont des érosions condyliennes surses parties antérieure et postérieure, et la présence d’ostéophytes.

24 Lésions d’arthrite chro-nique juvénile. D : droite ;G : gauche ; BF : bouche fermée.

25 Lésions de spondylarthrite ankylosante. D : droite ; G : gauche.

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Selon Hu (1996), le scanner révèle des destructions osseuses dans62 % des cas et l’examen clinique est insuffisant pour les détecter.Dans les formes évoluées, on peut se retrouver devant une ankyloseosseuse complète de l’articulation (Resnick).L’antigène tissulaire HLA B27 (et plus particulièrement les sous-types B*2702, B*2704, B*2705) est retrouvé dans 90 % des cas dansles populations caucasoïdes. Un syndrome inflammatoire avecaccélération de la VS est inconstant. Les autres manifestationsbiologiques sont rares et modérées : discrète augmentation des IgAou des phosphatases alcalines d’origine osseuse et de la créatinephosphokinase.Le traitement est pris en charge par les rhumatologues. Il reposeessentiellement sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens, lesantalgiques associés dans certains cas à de la Salazopyrinet et laphysiothérapie. Des injections intra-articulaires de corticoïdespeuvent donner de bons résultats sur les signes fonctionnels del’articulation temporomandibulaire (Wenneberg, 1983).La reconstruction osseuse par des moyens biologiques (greffechondrocostale) dans les cas de destruction importante semblesouhaitable pour minimiser les troubles de croissancemandibulaire [87]. Une indication chirurgicale de traitement d’unevéritable ankylose est parfois nécessaire, comprenant la levée dubloc d’ankylose et éventuellement la mise en place d’une prothèsed’articulation.Les troubles de la croissance induits par l’atteinte de l’articulationtemporomandibulaire doivent être combattus par un traitementorthopédique (Kjelberg, 1995).

¶ Rhumatisme psoriasique

Le rhumatisme psoriasique est un rhumatisme inflammatoirechronique appartenant au groupe des spondylarthropathies. Il estcaractérisé par l’existence de formes axiales et périphériques avecune liaison moindre avec l’antigène tissulaire B27. Dans lapopulation, la fréquence du psoriasis est de 1 à 3 %. Chez lespsoriasiques, la prévalence du rhumatisme psoriasique est de 5 à8 % (Bourdillon, 1818). La localisation au niveau de l’articulationtemporomandibulaire est relativement peu fréquente (Zhu, 1996).Elle se traduit radiologiquement habituellement par des érosionsosseuses (Kononen, 1986).Pour envisager ce diagnostic, il doit exister un psoriasis (cutané ouunguéal) associé à des manifestations articulaires (douleurs,tuméfaction et/ou limitation des mobilités d’au moins unearticulation depuis plus de 6 semaines). Les critères secondaires dediagnostic prennent en compte l’atteinte polyarticulaire axiale oupériphérique (atteinte volontiers asymétrique), la présence de signesinflammatoires dans les articulations interphalangiennes distales, laprésence de doigts ou orteils en « saucisse », l’absence de nodulessous-cutanés, l’absence de facteurs rhumatoïdes, l’existence d’unliquide synovial inflammatoire, des signes radiologiques de sacro-iliite et/ou d’érosion et/ou d’enthésites. La majorité des patients ontdes formes de rhumatisme psoriasique oligoarticulaires, d’évolutioncapricieuse faite de poussées durant quelques semaines à quelquesmois, entrecoupées de rémissions souvent prolongées, ne laissantaucune séquelle clinique ni radiologique. Plus rarement, certainesformes évoluent progressivement d’un seul tenant et sont à l’originede graves lésions ostéocartilagineuses, pouvant aller jusqu’àl’ankylose (Kudryk, 1985).Le traitement est similaire à celui des rhumatismes inflammatoireschroniques : antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens (endehors de l’aspirine classiquement contre-indiquée, tout comme lacorticothérapie générale). Certains traitements de fond peuvent êtreactifs sur la dermatose et le rhumatisme psoriasique, comme laSalazopyrinet (hors autorisation de mise sur le marché [AMM]), leméthotrexate et la ciclosporine qui restent réservés à certainesformes cliniques graves et rebelles. Les traitements locaux (injectionsintra-articulaires de corticoïdes, synoviorthèses, physiothérapie)représentent un appoint thérapeutique utile. Bien entendu, ilconvient d’y associer un traitement dermatologique adapté, localet/ou général (PUVA-thérapie, rétinoïde…).

¶ Arthrites réactionnellesOn désigne sous le nom d’arthrites réactionnelles un ensemble derhumatismes postinfectieux caractérisés par un terrain génétiqueprédisposé, avec présence de l’antigène tissulaire B27 et leursurvenue à la suite d’infections extra-articulaires à certains germes :infections génitales (Chlamydia trachomatis ou Ureaplasmaurealyticum), infections intestinales (Yersinia, Shigella, Salmonella…),infections pulmonaires (Chlamydia pneumoniae, Klebsiellapneumoniae). La symptomatologie des arthrites réactionnelles et leurliaison avec l’antigène B27 expliquent leur rattachement nosologiqueaux spondylarthropathies inflammatoires.Les manifestations cliniques sont indépendantes du germe. Lesdiverses combinaisons cliniques « conjonctivite, urétrite, entérite,arthrite » sont très évocatrices, évoquant un syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter, mais ce tableau clinique est souvent observé sous uneforme incomplète. La porte d’entrée génitale est la plus fréquente, etChlamydia trachomatis est le premier germe responsable, les autrescas étant dus essentiellement à Shigella, Salmonella, Yersinia ouCampylobacter. Pour Henry [42], on note la présence de Chlamydiatrachomatis dans 20 % des ATM opérées pour un dysfonctionnementdiscocondylien. D’après cet auteur, cette infection pourrait jouer unrôle dans la pathogénie des dysfonctionnements et même expliquerla prédominance féminine de cette affection.Le diagnostic se fait devant une séquence clinique évocatrice, unsyndrome inflammatoire biologique, la présence de l’antigènetissulaire B27, l’isolement de la bactérie responsable à la ported’entrée extra-articulaire, et par étude sérologique (avecséroconversion en 15 jours). Il a été mis en évidence, grâce à destechniques de biologie moléculaire, des antigènes bactériens ou desmicro-organismes vivant dans les articulations atteintes.Les traitements symptomatiques par antalgiques et anti-inflammatoires sont habituellement utilisés, éventuellementcomplétés par des gestes locaux (infiltration ou synoviorthèse).L’antibiothérapie s’impose si persiste une infection de la ported’entrée. En cas de porte d’entrée génitale, elle doit être précoce etpeut être prolongée. Les formes chroniques peuvent bénéficier detraitements de fond par Salazopyrinet.

LÉSIONS DÉGÉNÉRATIVES

La plupart des articulations montrent de bonne heure des lésionsérosives du cartilage peu évolutives, cliniquement silencieuses, dontla fréquence et la précocité contrastent avec le caractère plus tardifet plus clairsemé des altérations arthrosiques vraies, bien que lalésion élémentaire initiale soit la même. La séparation définitiveentre la lésion du cartilage « vieillissant » et celle du cartilagearthrosique ne remonte qu’à une vingtaine d’années (Mazières [65],Tressol-Verrouil).Selon la définition de l’American Academy of Orthopaedic Surgeons(1994), « l’arthrose est la résultante des phénomènes mécaniques etbiologiques qui déstabilisent l’équilibre entre la synthèse et ladégradation du cartilage et de l’os sous-chondral ». Ce déséquilibrepeut être initié par de multiples facteurs : génétiques, dedéveloppement, métaboliques et traumatiques. L’arthrose touchetous les tissus de l’articulation dite arthrodiale et se manifeste pardes modifications morphologiques, biochimiques, moléculaires etbiomécaniques des cellules et de la matrice cartilagineuse,conduisant à un ramollissement, une fissuration, une ulcération etune perte du cartilage articulaire, une sclérose de l’os sous-chondralavec production d’ostéophytes et de kystes sous-chondraux.Quand elle devient symptomatique, l’arthrose entraîne douleurs etraideurs articulaires, un éventuel épanchement articulaire avec desdegrés variables d’inflammation locale. L’histoire naturelle de lamaladie est mal connue. On sait cependant que, 10 à 15 ans après lediagnostic d’une gonarthrose, 50 % des malades se sont aggravés etque 50 % sont dans un état stable. Pour la hanche, 10 à 15 % de casd’amélioration importante sont observés 10 ans après le début de lamaladie (Mazières).Sa prévalence générale relevée par des dépistages radiologiquessystématiques est de 52 % des adultes. Dans les tranches d’âge les

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plus élevées, cette prévalence est de 85 %. La corrélation entrearthrose radiologique et arthrose clinique est variable suivant lesarticulations. Selon l’enquête National Health Nutrition ExaminationSurvey (1989), 40 % des malades ayant une arthrose modéréeradiologique sont symptomatiques, pour 60 % de ceux ayant unearthrose avancée.Cliniquement, douleurs et limitations des mouvements sont lessignes essentiels. La douleur est typiquement une douleur d’effort,de mise en charge. Elle se produit après un certain tempsd’utilisation de l’articulation et donc se manifeste plus volontiers enfin de journée. Elle est calmée par le repos. Classiquement, elle neréveille pas le malade endormi, cependant la douleur arthrosiquepeut réveiller le malade lors des mouvements dans son sommeil(bruxisme). Ce type de douleur peut également s’accompagner dedérouillage matinal, comme dans le cadre d’une douleur« inflammatoire ». La raideur articulaire de l’arthrose n’apparaît quetardivement, au début discrète et limitée, pouvant réveiller ladouleur spontanée du malade. Elle peut entraîner des déformationsconsidérables de la tête condylienne et génère, lorsqu’il existe unerupture ou une perforation méniscale, des crépitations intra-articulaires (crissements, grincements, crepitus) témoignant d’unfrottement des surfaces articulaires l’une sur l’autre, comme danstoute articulation arthrosique. Ces bruits articulaires, fort différentsdes claquements évoqués précédemment, sont perceptibles à tousles degrés d’ouverture ou de fermeture buccale et sont d’uneintensité variable, ressentis comme un frottement de papier de verreou un bruit de sable. Dans les formes évoluées, la hauteurcondylienne peut être diminuée, engendrant une béance antérieureou une latéralité mandibulaire dans les atteintes unilatérales.Sur le bilan radiologique, les signes cardinaux classiques del’arthrose sont une sclérose sous-chondrale plus ou moins associée àdes géodes, une ostéophytose implantée à la jonction os-cartilage etun pincement articulaire longtemps localisé. Ce dernier signe estd’interprétation délicate à l’articulation temporomandibulaire enraison de l’existence du disque (fig 26).À l’articulation temporomandibulaire, l’IRM visualisel’aplatissement et la perte de sphéricité des condyles, les formations

ostéophytiques, tant du versant temporal que condylien (à ce niveauelles sont souvent antérosupérieures). Les condensationsostéochondrales des deux condyles, de même que les géodes sous-chondrales, sont fréquentes.Classiquement, on distingue deux grands groupes étiologiquesd’arthrose :

– les arthroses « mécaniques » ont un cartilage, normal au départ, quisupporte des pressions trop importantes ; ces arthroses mécaniquesexistent dans les dysplasies (dysplasie du cotyle), les désaxations(Reimann, 1973), les instabilités (rupture du ligament croiséantérieur : Pond, 1973), les surcharges (pondérales ou fonctionnelles)ou les compressions élastiques (Gritzka, 1983) ou permanentes(Salter, 1960), les incongruences articulaires (Bennet, 1937 ;Moskowitz, 1973) ; ces arthroses recouvrent le groupe des arthrosesdites habituellement secondaires ;

– les arthroses « structurales » où le fonctionnement du jeu articulaireest normal, mais la structure anormale du cartilage le rend plusfragile aux pressions s’exerçant habituellement sur lui ; il s’agit doncd’une hyperpression relative pour ce cartilage moins résistant quela moyenne ; les causes de cette fragilisation peuvent êtreintracartilagineuses (chondrocalcinose, contusion du cartilage), dansl’os sous-chondral (ostéonécrose épiphysaire, hyperparathyroïdie),ou à point de départ synovial (synoviale inflammatoire doncfragilisation par IL1 et la collagénase MMP1 venant d’une synovialeinflammatoire).La physiopatholologie est encore mal connue et il semble que lefacteur de départ soit une hyperpression sur un cartilage normal,ou une mauvaise répartition des pressions en raison d’un os sous-chondral anormal, ou une pression normale sur une fibre anormale.Ces facteurs mécaniques ont des conséquences intriquées : desmodifications de la trame fibrillaire et une « activationchondrocytaire ». Le filet collagénique se rompt par place,permettant une hyperhydratation du cartilage et une expansionanormale des protéoglycanes. Cet œdème cartilagineux est lepremier signe biologique de l’arthrose. Sous l’effet de la persistancedes pressions, ce cartilage hyperhydraté perd ses caractéristiques

26 Lésions arthrosiques : lacunes, déformations osseuses et ostéophytes. ATM : articulation temporomandibulaire.

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biomécaniques. L’élasticité du cartilage diminue. On note unediminution de la teneur en acide hyaluronique et unedépolymérisation des agrégats de protéoglycanes. Cette perted’élasticité cartilagineuse entraîne une mauvaise transmission despressions à l’os sous-chondral, qui réagit en se condensant et endéveloppant une ostéophytose réactionnelle. Cette anomalie de latrame fibrillaire permet une augmentation de perméabilité auxenzymes synoviales, qui vont, associées aux facteurs mécaniqueseux-mêmes, réaliser une activation chondrocytaire. Les chondrocytesdeviennent hyperactifs (« activés ») : on note une proliférationchondrocytaire avec perte de la répartition normale en colonne deces chondrocytes qui se réunissent en grappes avec uneaugmentation de leur métabolisme (synthèse accrue de collagène etde protéoglycanes) qui traduisent une tentative de réparation quireste insuffisante. Les chondrocytes s’épuisent, dégénèrent et senécrosent. Cette phase d’activation des chondrocytes s’estaccompagnée d’un certain nombre de modifications dans leursécrétion, en particulier une augmentation de la productiond’enzymes de dégradation de la matrice. On note ainsi uneaugmentation des MMP1, de stromélysine (MMP3), de protéasesacides, de prostaglandines E, de radicaux libres et d’oxydesnitriques. Les produits de dégradation de la matrice, les cytokines,également sécrétés par les chondrocytes activés sont libérés dans leliquide synovial et phagocytés par la synoviale, qui répond par unprocessus inflammatoire avec comme conséquence la production deradicaux libres, de prostaglandines et de métalloprotéases quiviennent renforcer la destruction du cartilage. Tous ces mécanismesincomplètement connus s’intriquent et interagissent les uns sur lesautres.Dans l’articulation temporomandibulaire, tous les facteursdéclenchants évoqués précédemment, valables pour les autresarticulations, s’appliquent certainement. L’existence d’anomaliesocclusales, en particulier de perte de hauteur occlusale, estsusceptible de générer un déséquilibre des forces musculaires dansles articulations temporomandibulaires, ce qui explique que leslésions de type arthrosique soient quasi constantes au niveau desarticulations dans le cadre de la pathologie articulaire d’origineocclusale. Ce n’en est certainement pas la cause unique, mais sansdoute la cause prédominante.L’arthrose étant une maladie plurifactorielle, les troubles de l’articulédentaire y jouent certainement un rôle. Que ces troubles de l’articulédentaire soient réellement le facteur étiologique principal ou qu’ils’agisse d’un facteur favorisant, cette coexistence pose de nombreuxproblèmes. Même si une apparition de l’arthrose est estimée sansrapport avec l’anomalie d’occlusion, on ne peut affirmer quel’évolutivité de l’arthrose ne soit pas conditionnée par la persistanceou la disparition de ce trouble occlusal. Si l’arthrose a été induitepar ce trouble occlusal, y a t-il des cas où son évolution est devenueindépendante ? On peut estimer que dans tous les cas de lésionsarthrosiques il serait souhaitable de normaliser les forces occlusales.Le traitement de l’arthrose, en dehors de cette normalisation desforces intra-articulaires, ne peut être que similaire à celui del’arthrose en général (Boering, 1990). Il faut simplement rappeler icique :

– au début de la maladie arthrosique, il n’existe que quelquesdouleurs vagues et on peut conseiller le respect d’une économiearticulaire et la prescription d’un traitement de fond ; ces traitementsde fond ou antiarthritiques d’action lente ont une activitéessentiellement symptomatique, retardée et rémanente par rapportà celle obtenue par les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Cestraitements de type diacéréine (Art 50t), chondroïtine-sulfate(Structumt, Chondrosulft), insaponifiables d’huiles d’avocat et desoja (Piasclédinet 300), constituent un traitement d’appoint de ladouleur arthrosique ; ils sont habituellement prescrits lors d’arthrosedes membres, celle du genou (gonarthrose) pouvant par ailleursconduire à un traitement local par acide hyaluronique (Hyalgant) ;

– lors des poussées douloureuses, il faut conseiller un reposarticulaire associé à des anti-inflammatoires non stéroïdiens prescritspour une courte période de 2 à 3 semaines, en y associant bien sûr

des antalgiques périphériques, essentiellement le paracétamol ; ausortir de la crise, en fonction de l’état articulaire, on peut prescrire lapoursuite ou la mise en route d’un traitement antiarthrosiqued’action lente précédemment évoqué, associé à une kinésithérapie ;

– dans les formes invalidantes, avancées, dans lesquelles ladestruction articulaire est importante radiologiquement et danslesquelles le traitement médical se révèle insuffisant, se pose laquestion, comme pour toute articulation, d’envisager unremplacement prothétique. Cette indication reste exceptionnelle,compte tenu de la fréquence de ces lésions arthrosiques.Pour le moment, il n’existe pas de médicament capable de prévenirla détérioration du cartilage quand celui-ci n’est pas encore touché,voire de médicament capable de restaurer un cartilage altéré.

CHONDROMATOSE SYNOVIALE

La chondromatose (Reichel, 1900) est la conséquence d’unemétaplasie chondroïde du tissu synovial (métaplasie des cellules B).Cette affection est responsable de la formation intra-articulaire demultiples petites images arrondies. Elle se caractérise par la présencede corps cartilagineux, enchâssés ou libres, secondairement calcifiés.Cliniquement, elle associe des signes articulaires (douleurs, bruits,limitation d’ouverture buccale) avec une tuméfaction articulaire(hydarthrose) et parfois des phénomènes de blocage.Le diagnostic est confirmé par des explorations radiologiques, quimontrent de multiples petites images arrondies, hypo-intenses àl’IRM, de nodules synoviaux, pouvant se situer dans l’articulation.La radiographie standard pourrait montrer ces petits nodules s’ilssont très calcifiés. L’examen TDM les visualise finalement mieux quel’IRM. Des signes de dégénérescence osseuse sont souvent associés(encoche osseuse temporale ou condylienne).Plus de 250 cas ont été publiés à l’articulation temporomandibulaire(Noyek, 1977 ; Blankestinj, 1985 ; Norman, 1988 ; Quinn, 1992).Le traitement est chirurgical, permettant la découverte et l’ablationde ces corps étrangers, éventuellement réalisable sous arthroscopie.En cas de récidive, une discectomie avec synovectomie peut êtreproposée [62].

SYNOVITE VILLONODULAIRE

Décrite en 1882 par Chassaignac, la synovite villonodulaire ousynovite villonodulaire hémopigmentée atteint parfois l’articulationtemporomandibulaire [89].Les principaux signes sont une douleur mécanique et ungonflement ; au début intermittents et modérés, ils augmentent etpeuvent devenir permanents. Des blocages peuvent aussi survenir.L’extension dans les parties molles peut être telle qu’elle évoque unetumeur maligne, cette extension pouvant intéresser la fosseinfratemporale, voire la fosse cérébrale moyenne (Kessler, 1997). Lesexamens biologiques montrent l’absence de syndromeinflammatoire. La ponction articulaire, si elle est pratiquée, montreun liquide sérosanglant avec une teneur moyenne en cellules de3 000/mm3 dont 25 % de polynucléaires. Les radiographiesstandards sont parfois normales, voire montrent parfois des érosionsen « coups d’ongles » situées à la zone de réflexion de la synovialeet surtout des géodes polycyliques cernées d’un liseré fin, opaque.L’IRM montre, sur les séquences pondérées en T2, des zonesd’hypersignal modéré et des zones d’hyposignal. L’injection degadolinium rehausse en partie les zones d’hyposignal (tissusynovial). En séquences pondérées en T2, les zones d’hypersignalmodéré en T1 restent en hypersignal (graisse) et les zonesd’hyposignal en T1 rehaussé par le produit de contraste restent enhypersignal mais surtout les zones d’hyposignal en T1 non rehaussépar le gadolinium restent en hyposignal (calcifications ouossifications ou dépôts d’hémosidérine). L’IRM permet d’évoquer lediagnostic et d’évaluer l’extension des lésions osseuses.L’étude histologique reste indispensable, par arthrotomie ou sousarthroscopie. La tumeur apparaît comme une masse lobulée bien

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circonscrite, de coloration allant du jaune au brun, de quelquesmillimètres à quelques centimètres. Dans les formes diffuses, latumeur s’étend dans le tissu osseux, dans la capsule, voire dans lesparties molles.L’hypothèse pathogénique la plus probable est l’hypothèseproliférative : la présence d’une trisomie 7, observée dans 35 % desmétaphases des cellules, semble être assez spécifique des tumeursbénignes, de même que l’hyperexpression de l’oncogène C-erB.Le traitement repose sur la synovectomie qui peut être chirurgicale,arthroscopique, chimique ou isotopique. Dans les formes agressives,l’exérèse chirurgicale doit se faire en zone saine comme pour toutepathologie tumorale (Tanaka [89] ; Chow, 1998).

OSTÉONÉCROSES DU CONDYLE

L’ostéochondrite disséquante, ou ostéonécrose idiopathique ducondyle, touche essentiellement la jeune fille (cheer-ladder). Elle setraduit par des douleurs articulaires et une limitation d’ouverturebuccale d’apparition brutale. La radiographie met en évidence uneencoche puis une lacune souvent sur le contour articulaire condylienautrement normal. Le scanner, en coupes fines, voire avecreconstruction tridimensionnelle, est très efficace pour montrer uneatteinte osseuse précoce. L’IRM montre que l’appareil discal estnormal et en place. Elle peut montrer l’aplatissement voire, à unstade plus évolué, la déformation en cupule de la tête condylienne.La nécrose condylienne se traduit en IRM par une hétérogénéité dessurfaces articulaires et des zones hypodenses dans les régions sous-chondrales. L’association d’amincissements corticaux etd’hypodensité T1 de la médullaire spongieuse se rencontre dans cetype de nécrose aseptique. Les tests biologiques sont normaux.L’évolution se fait classiquement spontanément en quelques moisvers la guérison de l’ostéonécrose avec remodelage et parfoisraccourcissement de la hauteur condylienne.Le traitement habituellement recommandé se limite à éviter lessurcharges articulaires (mise en place d’une gouttière), mais cetteostéonécrose « idiopathique » survient le plus souvent chez desjeunes filles en classe II avec ou sans béance et il semble souhaitabled’envisager la correction orthodonticochirurgicale de cesdysmorphoses, d’autant que cette lésion peut être à l’origine delésions arthrosiques sévères (Wolford [98] ; Hoppenreijs, 1999).Des cas d’ostéonécrose du condyle ont été rapportés aprèstraumatisme. Leur traitement est similaire et, dans la mesure dupossible, conservateur.L’ostéonécrose du condyle peut également faire partie du tableauclinique d’un lupus érythémateux aigu disséminé, ainsi que l’ontrapporté Jonsson (1983) et Grinin (1999), ou d’une dermatomyosite(Brennan, 1999).Enfin, il faut noter la possibilité de survenue de résorptioncondylienne après chirurgie orthognathique, éventuellement aprèstraitement orthodontique (De Clercq, 1994 ; Hoppenreijs, 1998 ; Kato,1999).Toutes ces résorptions condyliennes posent le problème d’unechirurgie reconstructrice.

ARTHROPATHIES MÉTABOLIQUES

¶ Chondrocalcinose

Les manifestations pathologiques sont liées à la présence, dans lesdiverses structures de l’articulation, de microcristaux constitués dansla très grande majorité des cas de pyrophosphate de calciumdihydraté sous forme tricalcique. Beaucoup plus rarement ou à titred’association, ces cristaux peuvent aussi être faits de phosphatedicalcique dihydraté (ou hydrogénophosphate de calcium). Lesmicrocristaux n’incrustent pas seulement les formationscartilagineuses (cartilages hyalins et fibrocartilages), ils précipitentet/ou pénètrent le liquide articulaire et imprègnent aussi lasynoviale. Cette affection est pour cette raison dénommée aussi« maladie à dépôts de cristaux de pyrophosphate de calcium

dihydraté », crystal deposition disease , ou « arthropathie àpyrophosphate » ou « pseudogoutte » ou « goutte calcique ».Individualisée par Sitaj et Zitnan (1957), la chondrocalcinose est uneaffection fréquente, apparaissant essentiellement à partir de 50 à 60ans. Elle évolue de pair avec une autre affection, ostéoarticulaire ounon, dans 10 à 15 % des cas (hyperparathyroïdie, hémochromatose,goutte…). Toutes les articulations peuvent être intéressées.Considérée comme rare à l’articulation temporomandibulaire, il fautcependant noter qu’on retrouve de nombreuses publications quiprésentent des cas de ce type (Pritzker, 1976 ; de Vos, 1981 ; Good,1982 ; Mogi, 1987 ; Zemplenyi, 1985 ; Combelles, 1992 ; Ishida [43]).Les crises fluxionnaires aiguës, dites de pseudogoutte, constituentles manifestations les plus évocatrices, mais l’aspect clinique peutêtre celui d’une inflammation d’apparence rhumatismale subaiguëou chronique : douleurs et signes fluxionnaires modérés, volontierspolyarticulaires. L’association à des lésions d’apparencedégénérative est considérée comme très fréquente. Parfois, lachondrocalcinose peut ne se traduire que par des douleurs de typemécanique ou par une hydarthrose. Elle peut prendre l’apparenced’une ostéochondromatose synoviale où existent des corps étrangersintra-articulaires dus à l’hypertrophie et à l’ossification secondairedes îlots de métaplasie chondroïde qui parsèment les synovialessoumises à l’irritation microcristalline. De nombreux auteurs ontdécrit des destructions articulaires parfois majeures : effondrementde la plaque sous-chondrale, érosion ou ulcération des massifsosseux sous-jacents, disparition des extrémités articulaires,apparition d’ostéophytes exubérants, corps étrangers articulaires.Le diagnostic repose sur la démonstration de la présence desmicrocristaux de pyrophosphate de calcium dihydraté dans lestuniques articulaires, les aspects radiologiques, l’analyse du liquidearticulaire et la biopsie de la synoviale (sous arthroscopie). Laradiographie montre une incrustation du fibrocartilage dessinant depetits amas à bords flous. Il existe souvent des calcificationspériarticulaires.Le traitement de la crise de pseudogoutte repose sur la prescriptiond’anti-inflammatoires non stéroïdiens, associés en cas d’échec à lacolchicine (2 à 3 mg les 2 premiers jours). Les formes chroniquesnon destructives sont traitées par l’association d’antalgiques banalset/ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, complétéséventuellement par une corticothérapie locale. Les formesdestructives peuvent mener à la mise en place d’une prothèsearticulaire.

¶ Goutte

La goutte est un syndrome constitué d’arthrites aiguës récidivantes(accès goutteux) et d’infiltration urique des tissus qui progresselentement. Sans traitement, cette infiltration finit par provoquer unedétérioration articulaire, par créer des dépôts d’urate de sodiumvisibles sous la peau (tophus) et par altérer la fonction rénale.L’accès goutteux atteint rarement l’articulationtemporomandibulaire, surtout dans les formes monoarticulaires. Lescaractéristiques cliniques sont bien connues : brutalité d’apparitionde la crise, intensité douloureuse à type de broiement, caractère trèsinflammatoire localement. Le diagnostic repose sur un faisceaud’arguments cliniques (terrain goutteux, éventuel facteurdéclenchant), biologiques (hyperuricémie, présence de microcristauxuriques dans le liquide synovial) et thérapeutiques (effethabituellement spectaculaire de la colchicine). L’arthropathie uriquechronique touche également rarement l’articulationtemporomandibulaire. Les dépôts de cristaux d’urate de sodiumentraînent une destruction du cartilage et des érosions osseuses(tophus intraosseux).Le traitement de la crise continue de reposer sur la colchicine et/oules anti-inflammatoires non stéroïdiens. Durant l’intercrise, laprésence d’une maladie goutteuse (plus de trois crises) peut faireretenir l’indication d’un traitement hypo-uricémiant(uricofreinateurs ou uricoéliminateurs), si le patient adhère à un teltraitement prolongé en plus des mesures hygiénodiététiquesd’usage.

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MALFORMATIONS

¶ Agénésie et hypoplasie condylienne

Il existe parfois des lésions congénitales se traduisant par uneagénésie ou une hypoplasie de l’articulation temporomandibulaire(fig 27). Il est tout à fait exceptionnel que cette malformationn’atteigne que l’articulation et, le plus souvent, ces anomaliesintéressent à un degré plus ou moins sévère la branche montante oul’hémimandibule. Ces hypoplasies entrent habituellement dans lecadre des syndromes du premier arc (fig 28), plus ou moins associéesà une atteinte du deuxième arc. Elles sortent alors du cadre de lapathologie de l’articulation temporomandibulaire proprement dite,pour entrer dans celui des syndromes malformatifs.Ces différentes atteintes sont parfaitement connues, ainsi que leurretentissement régional, avec en particulier les troubles del’occlusion qu’elles vont entraîner. Lorsqu’il existe une articulationtemporomandibulaire fonctionnelle, le traitement s’oriente vers ladistraction. Lorsqu’il existe une absence d’articulationtemporomandibulaire, il est envisagé habituellement de mettre enplace une greffe costale chondro-osseuse ou éventuellement, dansdes cas exceptionnels, un lambeau libre microanastomosé demétatarsien.

¶ Anomalies de développement

Les anomalies de développement de la région condylienne sontclassiquement de cause infectieuse ou post-traumatique(éventuellement obstétricale). Les destructions d’origine infectieusede l’articulation temporomandibulaire par affection de voisinage detype otite ou mastoïdite sont devenues actuellement tout à faitexceptionnelles ; en revanche, les troubles de croissance entraînéspar une fracture condylienne ou sous-condylienne sont relativementplus fréquents. Ces deux causes peuvent naturellement entraîner desankyloses temporomandibulaires qu’il convient de lever le plus tôtpossible et qui doivent être suivies par la reconstruction del’articulation temporomandibulaire par des matériaux biologiqueschez l’enfant (cf supra).Il était classique de décrire des troubles de développement condylienà la suite de traitement radiothérapique. Ces étiologies sont

devenues également exceptionnelles puisque la radiothérapie estformellement contre-indiquée pour tout traitement d’une tumeurbénigne de type angiome ou lymphangiome, et puisque, dans lestumeurs malignes de la face, les oncologues pédiatriques essayentd’éviter toute irradiation, la base du traitement reposant sur lachimiothérapie.

TUMEURS ET HYPERPLASIE CONDYLIENNE

Comme toute structure articulaire, l’articulationtemporomandibulaire peut être le siège de tumeurs d’origineosseuse, cartilagineuse ou synoviale. Les manifestations cliniquesintra-articulaires ne sont pas spécifiques : ces tumeurs peuvententraîner des douleurs locales, une symptomatologie d’apparencedysfonctionnelle de l’articulation, surtout des troubles ostéitiquesmandibulaires, soit limitation d’ouverture de bouche, soitlatérodéviation à l’ouverture de la bouche. Plus tardivement,apparaît naturellement une tuméfaction dans la région articulaireen avant du tragus.Le bilan radiologique de débrouillage est naturellement fait surl’orthopantomogramme, mais le bilan tumoral impose la réalisationd’un examen TDM et éventuellement d’une IRM. Ce biland’imagerie, dans le cadre des tumeurs malignes, sert de biland’extension locale et d’opérabilité.

¶ Tumeurs bénignes

Les tumeurs bénignes sont relativement rares. On peut rencontrerdes ostéomes (Weinberg, 1977) et des ostéochondromes (Allan, 1974 ;Chaussé, 1978 ; Pellerin, 1981) (fig 29). Les autres tumeurs sontexceptionnelles : tumeurs à cellules géantes, fibrome, localisationd’une dysplasie fibreuse (Donazzan, 1981 ; Deboise [19]). On rencontreoccasionnellement des tumeurs bénignes développées aux dépensde la région glénoïdienne, surtout dans le cadre des dysplasiesfibreuses ou des méningiomes.Un cas de figure particulier est représenté par les kystes synoviaux(Heydt, 1977 ; Chang, 1997), pathologie qui regroupe le kystesynovial (synovial cyst), expansion de la synoviale des articulations,et le pseudokyste synovial (ganglial cyst), tuméfaction développéeau voisinage des articulations mais également dans l’épiphyseosseuse, résultat d’une dégénérescence mucoïde du tissu conjonctifpara-articulaire. Le diagnostic en est essentiellement clinique,l’échographie et/ou l’IRM pouvant être utiles dans les formesdouteuses. Les coupes axiales IRM montrent une image liquidiennejuxtacondylienne (hypo-intense en T1, hyperintense en T2).Pour les tumeurs bénignes, le traitement est bien entenduchirurgical, devant assurer la résection de la tumeur avec une margede sécurité satisfaisante adaptée à la nature histologique. Lorsquel’exérèse tumorale est limitée au condyle et/ou au col condylien,

27 Malformation bilatérale des articulations temporomandibulaires.

28 Syndrome du premierarc.

29 Ostéochondrome ducondyle.

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une reconstruction est naturellement envisagée, habituellement parla mise en place d’une prothèse d’articulation temporomandibulairechez l’adulte, et par une méthode biologique chez l’enfant (greffechondrocostale, lambeau libre de métatarsien). L’abord chirurgicalhabituel comprend une dissection du nerf facial pour permettre desgestes opératoires en sécurité.

¶ HypercondylieÀ la limite de la pathologie tumorale, on trouve le conceptd’« hypercondylie » ou d’« hypertrophie » condylienne. La situationnosologique de ces pathologies n’est pas claire. Pour certains, lescondyles mandibulaires présenteraient la particularité d’échapper àla régulation de la croissance générale, le centre de croissancecondylien exagérant, poursuivant ou reprenant son activité enfonction de certains états pathologiques : traumatisme (Ciuffeda),infection ou inflammation connue ou supposée [15]. Par ailleurs, desétats d’hypertrophie condylienne sont notés dans des cadrespathologiques variés (angiome de la face probablement parhypervascularisation locale, maladie de Paget, acromégalie,hémigigantisme facial).L’hyperactivité condylienne est presque toujours unilatérale. Lamodification la plus caractéristique est l’allongement du col ducondyle, qui peut être considérable. Classiquement, cettehypercondylie se manifeste généralement au cours de la deuxièmeenfance, dans la période prépubertaire, entraînant une asymétriefaciale associée à une augmentation de hauteur mandibulaire, avecun abaissement du bord basilaire et une déviation du menton versle côté opposé. Cette hypercondylie entraîne naturellement destroubles occlusaux : les dents sont au contact, mais le pland’occlusion est oblique vers le haut du côté sain ; on note une béanceprémolomolaire du côté pathologique avec un articulé incisifcontrolatéral croisé. Ces « hypercondylies » peuvent survenir chezl’adulte, avec une date de départ difficile à préciser en raison del’habituelle croissance lente (fig 30).L’analyse téléradiographique et les moulages dentaires sontnaturellement indispensables dans l’optique de la prise en chargedes troubles occlusaux. Un bilan TDM tridimensionnel fait partieégalement du bilan préopératoire. Norman et Painter ont proposéd’effectuer des scintigraphies pour différencier les formes « actives »et « inactives ».Les formes d’hypertrophie de l’hémimandibule (telles que décritespar Obwegeser et Makek sous la dénomination d’élongation de

l’hémimandibule) sont à différencier de ces hyperplasiescondyliennes et sortent de la pathologie articulaire proprement dite.

Le traitement de ces hypercondylies est chirurgical. Il s’agit d’unesimple condylectomie étendue habituellement à la tête condylienneet au col du condyle. Une reconstruction prothétique ou par unmatériau biologique doit être envisagée. Le traitement comprendnaturellement la prise en charge des troubles occlusaux séquellaireset, selon les cas, ceux-ci vont nécessiter un traitement orthodontiqueou orthodonticochirurgical pour corriger l’asymétrie mandibulaireet maxillaire qui peut exister. Le fragment retiré est naturellementsoumis à un examen anatomopathologique et le diagnostic esthabituellement celui de chondrome, ce qui peut laisser des doutesquant à l’individualisation de cette pathologie.

¶ Tumeurs malignes

Les tumeurs malignes sont exceptionnelles. Il s’agit essentiellementde synovialosarcomes. Des adénopathies sont découvertes dans 25 %des cas. Les radiographies montrent un semis de calcifications, plusdense à la périphérie, et/ou une anomalie osseuse sous formed’apposition périostée et d’érosion osseuse. L’IRM permetd’apprécier l’extension de la tumeur qui semble bien limitée dans lamajorité des cas. L’aspect est évocateur lorsqu’il est hétérogène,associant des niveaux liquides, des zones graisseuses en iso- ouhypersignal et des zones fibreuses qui restent en hypersignal, maisil peut être dans certains cas homogène et évoquer une lésionbénigne. Les métastases ne sont pas rares. Le taux de survie à 5 ansest de 55 % et à 10 ans de 27 %. Les principales autres tumeursmalignes de l’articulation sont les chondrosarcomes (Cadenat, 1979),les fibrosarcomes (Deboise [19]) et les ostéosarcomes (Abubaker, 1986).On peut rencontrer d’exceptionnelles localisations condyliennes demétastases.

Dans le cas des tumeurs malignes, la décision thérapeutique doitêtre prise après concertation multidisciplinaire avec les oncologuesradiothérapeutes et chimiothérapeutes. Les synovialosarcomes et leschondrosarcomes sont du ressort du traitement chirurgical primaire ;les ostéosarcomes ont habituellement un traitementchimiothérapique premier suivi d’un traitement chirurgical, selondes protocoles analogues à celui de Rosen. Certaines extensionstumorales vers la base du crâne, au niveau de la cavité glénoïde,imposent une planification du geste opératoire en commun avec lesneurochirurgiens pour permettre un contrôle de la fosse temporale.

¶ Extension à l’articulation de tumeurs de voisinage

Lorsqu’il s’agit d’une extension tumorale maligne à l’articulation,mais que la tumeur a un point de départ sur la branche montantede la mandibule, l’atteinte articulaire condamne habituellement àune mandibulectomie plus ou moins étendue, pouvant allernaturellement jusqu’à une hémimandibulectomie.

La reconstruction de cette perte de substance osseuse esthabituellement assurée par un lambeau libre osseux, dont le meilleurnous semble être le lambeau libre de crête iliaque antérieurevascularisée par les vaisseaux circonflexes iliaques profonds. Onpeut se contenter de modeler la partie supérieure de cette greffeosseuse pour former un néocondyle, comme l’a proposé Taylor(dans cette hypothèse il est souhaitable d’avoir pu conserver lesstructures méniscales qui sont éventuellement réinsérées au bordpostérieur de l’extrémité supérieure du greffon), ou bien on peutmettre en place une prothèse d’articulation temporomandibulairesurmontant cet apport osseux.

Un cas particulier, relativement plus fréquent, est l’envahissementdu col du condyle et éventuellement de la tête condylienne par unetumeur bénigne d’origine mandibulaire, que cette tumeur soitd’origine dentaire (améloblastome, kyste coronodentaire) oud’origine non dentaire (kyste épidermoïde, dysplasie fibreuse parexemple). Une thérapeutique conservatrice peut être habituellementfaite, mais certaines formes peuvent amener un sacrifice articulaireet une reconstruction.

30 « Hypercondylie ».

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PATHOLOGIE DISCALE

¶ Luxation condylodiscale antérieureIncontestablement, les anomalies de l’appareil discal de l’articulationtemporomandibulaire représentent, et de loin, l’atteinte la plusfréquente de cette articulation.Les atteintes de l’appareil discal ne sont certainement pas univoques,et il en existe un certain nombre d’origines intrinsèques,« constitutionnelles », ou résultant d’une perte de l’intégrité de cetappareil sous l’effet de maladies générales ou rhumatologiques. Maisl’immense majorité des anomalies est due à des troublesfonctionnels.Deux facteurs étiologiques sont difficilement discutables : lesrelations occlusales dysharmonieuses et l’hyperfonction musculaire,ces deux facteurs étant le plus souvent intriqués entre eux, dans unerelation de cause à effet qui n’est pas univoque. Le troisième facteurle plus souvent évoqué est un facteur psychique. S’il est indiscutableque ce facteur psychique joue un rôle, soit dans la perception etl’expression de la symptomatologie, soit sur le fonctionnementmusculaire, on peut difficilement le considérer comme causal. Il estévident qu’il convient d’en tenir compte.Ces difficultés expliquent les différentes approches de cettepathologie. Déjà au niveau de cette dénomination, il existe unegrande variété. La plus ancienne dénomination, qui reste une desplus connues, est celle de syndrome de Costen. James Costen, en1934 [17], avait décrit ce syndrome dû d’après lui à une « compressiondu toit de la fosse mandibulaire », générateur de troublesauriculaires, de douleurs du vertex, de l’occiput et de douleurstemporales, le tout provoqué par des édentations partielles.Schwartz [ 8 2 ] , en 1956, avait parlé de syndrome algiquedysfonctionnel de l’articulation temporomandibulaire, insistant surl’incoordination musculaire dans l’étiopathogénie de ces troubles.En 1970, Rozencweig et Gosserez ont proposé le terme de SADAM,permettant de réunir les différentes variantes symptomatiquesmusculaires, articulaires ou musculoarticulaires. À la même époque,Farrar [28] propose le terme de troubles craniomandibulaires ou celuide désordre craniomandibulaire. Rozencweig en 1994 [77], propose leterme générique d’« algies et dysfonctionnement de l’appareilmanducateur ». On parle également habituellement dedysfonctionnement discocondylien ou de « dérangement interne »de l’articulation. Aucune de ces dénominations n’est entièrementsatisfaisante. Sans doute celle de Rozencweig est-elle la plusappropriée.Les différentes classifications proposées ne semblent passatisfaisantes. Si l’on prend comme exemple celle recommandée parl’International Headache Society (Ma, 1998) ou bien la classificationde Stegenga [86], on se rend compte que ces classifications n’ont pasde connotations étiologiques ou pathogéniques et qu’elles nepeuvent prendre en charge les patients présentant des atteintesportant sur plusieurs systèmes (musculaires, ligamentaires,osseux…). Surtout, elles ne rendent pas compte de l’évolution dansle temps des différentes atteintes.Ces troubles comprennent en effet une grande variété desymptômes, car l’atteinte peut y être, temporairement ou non,musculaire, articulaire ou musculoarticulaire, et/ou osseuse.

Épidémiologie

Les syndromes de dysfonctionnement sont des affections trèscourantes. Selon l’American Academy of Cranio-MandibularDisorders (1990), 75 % de la population examinée présentent unsigne de dysfonction de l’articulation temporomandibulaire. Sansaller jusqu’à ces chiffres, les études retrouvent dans la populationexaminée environ 30 à 40 % de signes cliniques dedysfonctionnement plus ou moins sévères chez les adultes(Axelsson, 1987 ; Locker, 1988 ; Agerberg, 1989 ; De Kanter, 1993 ;Goulet, 1995 ; Matsuka, 1996), de 30 à 40 % chez les adolescents(Abdel-Hakim, 1996 ; Conti, 1996), de 7 % à 17 % chez les enfants(Keeling, 1994 ; Deng, 1995 ; Stockstill, 1998), les chiffres étantbeaucoup plus variables, de 22 à 80 %, chez les personnes âgées (Ow,1995 ; Hiltunen, 1995).

La prédominance féminine des patients est bien connue : les chiffresvarient dans la proportion de trois pour un à neuf pour un.Cependant, dans la population courante, les signes et symptômessont à peine légèrement supérieurs pour le genre féminin(Rozencweig). L’explication de cette prédominance féminine n’estpas claire : plus grande fréquentation des cabinets médicaux par lesfemmes ? Plus grande attention portée à la symptomatologie ?Prédisposition génétique ? Facteurs hormonaux (Abubaker) ?Posture favorisante ? Facteurs psychiques ou psychologiques ?Infection à Chlamydia ?

Facteurs étiologiques

• Trouble occlusal

Les idées sur l’étiologie des dysfonctionnements discocondylienssont passées par plusieurs stades, depuis la description par Costenen 1934 de son syndrome. Dans les premières années, Costen etSicher en 1948 (même si des désaccords existaient entre eux sur uncertain nombre de détails, en particulier sur la responsabilité del’articulation temporomandibulaire dans les troubles otologiques),Ackermann en 1953 [3], Schwartz en 1956, étaient partisans d’uneétiologie essentiellement occlusale de ces troubles. Laskin [56] en 1969,par sa théorie psychophysiologique, insiste sur l’importance del’action musculaire dans l’occlusion et différencie la malocclusionprimaire, considérée comme facteur étiologique, de la malocclusionacquise, résultat d’un déséquilibre musculaire. Depuis quelquesannées, on a tendance à nier l’importance des troubles occlusauxdans la genèse de ce syndrome, l’expliquant soit par des troublespsychologiques, soit par un dysfonctionnement musculaire primaire.Les données épidémiologiques réalisées sur les liens entre troublesocclusaux et pathologie articulaire ne sont pas significatives etsemblent difficiles à interpréter en raison de leur dispersion entermes d’âge, de la grande variété des troubles occlusauxsusceptibles d’êtres rencontrés et qui ne sont pas tous différenciés,de la prise en compte de la symptomatologie articulaire et non deslésions articulaires existantes, de la non-prise en compte de lapathologie de type rhumatologique ou post-traumatique del’articulation.Certaines études semblent montrer des corrélations (Egermark [23] ;Gazit, 1984 ; Brandt, 1985 ; Nesbitt, 1985 ; Thilander, 1985 ; Nilner,1986 ; Solberg, 1986 ; Riolo, 1987 ; Pullinger, 1988 ; Seligman, 1989 ;Fuschima, 1989 ; Blanchard, 1990 ; Kernstein, 1991 ; Motegi [68] ;Paesani, 1992 ; Wang, 1994 ; Miyazaki, 1994 ; De Clercq, 1995 ;Morrant, 1996 ; Katzberg [49] ; Pilley, 1997 ; Muto, 1998 ; Sonnesen,1998 ; Bosio, 1998 ; Liu, 1998 ; Inu, 1999 ; Koyabashi, 1999 ; Fushima,1999 ; Zhou, 1999 ; Ciancaglini, 1999). Certaines n’en trouvent pas,en particulier en ce qui concerne la responsabilité de l’extractioncontroversée des prémolaires (Deboever, 1983 ; Gunn, 1988 ; Tosa,1990 ; Lipp, 1991 ; Beattie, 1994 ; Mc Namara, 1995 ; Abdel-Hakim,1996 ; Conti, 1996 ; Rodriguez-Garcia, 1998), et d’autresreconnaissent qu’une conclusion est impossible (Eriksson, 1987 ;Wadhwa, 1993 ; Le Resche, 1997).Les études cliniques impliquant les troubles occlusaux semblentconfortées par un certain nombre de travaux expérimentaux(Ishimaru [44] ; Fu [31]).Un certain nombre d’études montrent qu’un nombre important designes de dysfonctionnement constatés pendant l’enfancedisparaissent spontanément (et l’on peut penser qu’ils surviennentlors des changements de dentition, alors que l’articulation n’a pus’adapter au même rythme) (Kononen, 1996).Sans doute existe-t-il des douleurs musculaires (dues à des spasmesselon la terminologie anglo-saxonne) dues à des parafonctions. Dansce cadre cependant, il nous semble qu’il vaudrait mieux évoquer lesconséquences musculaires des parafonctions (y compris lebruxisme). Sans doute ces parafonctions ont-elles une composantepsychique. Que ce type d’anomalie entre dans le cadre du syndromede dérangement interne de l’articulation est hautement discutable.Que ces parafonctions aggravent un dérangement interne del’appareil manducateur paraît évident. Mais l’étiologie la plus

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probable et la plus fréquente [4] semble bien être une distensionprogressive des attaches capsuloligamentaires sous l’effet destractions musculaires anormales en intensité et/ou en durée et/à enmoment de survenue, en particulier des ptérygoïdiens latéraux,induites par un trouble occlusal. Ces anomalies de fonctionnementsont d’ailleurs connues depuis longtemps au planélectromyographique (Lehr, 1980 ; Belser, 1985 ; Kerstein, 1991). Cestroubles occlusaux induisent de plus des forces intra-articulairesanormales (Korioth, 1990 ; Boyd [12] ; Tanne [90]) dont la traductionhistologique peut être mise en évidence à l’articulation (Ulrici, 1988).Tous les troubles occlusaux ne sont pas cause de pathologiearticulaire et les plus nocifs sont sans doute (fig 31) :

– l’existence d’une béance antérieure ;

– l’existence d’une occlusion croisée ;

– une forte supraclusion incisive ;

– les classes II ;

– une déficience du guidage antérieur ;

– des édentations postérieures non compensées ;

– les déviations asymétriques en occlusion d’intercuspidationmaximale ;

– les interférences, surtout en latéralité ;

– les classes III.La quasi-totalité des patients consultant pour un trouble articulaireentre dans ces cadres. La plupart des auteurs reconnaissent d’ailleursque l’utilité des « gouttières » est de supprimer les contactsprématurés en répartissant les forces occlusales de manièrehomogène sur la totalité de la denture et en « détendant » les fibresmusculaires, ce qui montre qu’ils sont bien d’accord sur le fait queles troubles musculaires sont induits par ces anomalies occlusales(Forssell [30]).Enfin, alors que certaines publications montrent la supériorité de laréhabilitation occlusale par rapport aux traitements symptomatiques(Vallon [94]), d’autres lui dénient cet avantage (Yatai, 1998 ; Forssell,1999). Très peu de publications cherchent à prouver le rôle d’uneréhabilitation occlusale dans la prévention des troublesdysfonctionnels (Motegi [68] ; Kirveskari, 1998).

• Forme de la cavité glénoïde

Les différentes études réalisées n’amènent pas de résultats probantsquant à l’influence de la profondeur de la cavité glénoïde ou de la

taille du tubercule temporal sur la survenue de syndromesdysfonctionnels (Savastan, 1991 ; Galante, 1995 ; Ren, 1995 ; Sato,1996 ; Zhou, 1999 ; Kurita, 2000), même si des corrélations sontretrouvées.

• Rôle des traumatismes

Une étiologie traumatique dans certaines circonstances est souventmise en cause, en particulier dans le traumatisme rachidien par« coup du lapin » : lors d’un choc frontal, la tête est brutalementdéjetée en arrière, puis repart en avant avec souvent choc du mentonsur la poitrine, ces circonstances entraînant un étirement capsulaireet ligamentaire, puis un écrasement articulaire des articulationstemporomandibulaires (Evans [26] ; O’Shaughnessy, 1994). Cetteétiologie paraît cependant rare (Heise, 1992), malgré certainespublications (De Boever, 1996), et son existence même contestée(Howard, 1995 ; Kolbinson, 1997 ; Mc Kay, 1998). Certaines étudesIRM faisant malgré tout état de signes d’œdème, d’hémorragies oud’épanchements intra-articulaires après des traumatismes de ce type(Garcia, 1996), les déplacements discaux constatés lors de cesexamens étaient de signification discutable, étant donné leurfréquence dans une population de patients asymptomatiques. Cetteagression articulaire pourrait être à l’origine d’altérations qui semanifesteraient beaucoup plus tardivement (un traitement précocepar gouttière occlusale, rééducation des mouvements et anti-inflammatoires y est d’ailleurs conseillé). Il est difficile d’affirmer oud’infirmer la responsabilité d’un tel traumatisme, ce qui peut poserdes problèmes médicolégaux (Bedrune, 1992 ; Sapanet [80]). Il semblequ’il puisse se produire dans ce type de circonstances une élongationligamentaire, qui peut peut-être être le primum movens d’unepathologie articulaire ou bien, plus souvent, décompenser un étatarticulaire qui était déjà auparavant à la limite de l’instabilité(Pullinger, 1991 ; Romanelli, 1992 ; Plesh, 1999).De la même manière, l’apparition de la symptomatologie articulairefait très fréquemment suite à une anesthésie générale avecintubation trachéale. L’ouverture buccale forcée réalisée pourl’intubation associée au relâchement musculaire nous semble là aussiplus l’élément qui décompense une situation articulaire limite qu’unfacteur réellement causal de la pathologie.

• Anomalies posturales

En ce qui concerne les pathologies de l’articulation temporo-mandibulaire attribuées à des causes posturales (Hackney [36] ; Lee,1995 ; Bailey, 1995 ; Zonnenberg, 1996 ; Palazzi, 1996 ; Gonzales,1996), s’il est certain que tous les muscles sont en relation d’équilibre

31 Quelques exemples de troubles occlusaux responsa-bles de dysfonctionnement articulaire.

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direct ou indirect entre eux et s’il existe des postures pathogènes detype professionnel ou dues à des activités particulières, vouloirétablir une relation avec une asymétrie corporelle extra-cranio-cervicale semble discutable (Taddey, 1992 ; de Wijer, 1996).

Le retentissement de certaines activités, comme celle de violoniste,est unanimement souligné (Kovero, 1996), de même que celle dejoueur d’instrument à vent. Le retentissement d’anomaliesmusculaires cervicales de type torticolis semble également évident.Certaines postures considérées comme nocives (sommeil endécubitus ventral avec appui mandibulaire permanent, certainespositions de lecture en décubitus latéral) semblent plus être unfacteur aggravant que déclenchant dans la pathologie articulaire.

Les attitudes scoliotiques, l’asymétrie des membres inférieurs, lesmalformations du pied, peuvent naturellement entraîner undéséquilibre postural. Vouloir en faire une étiologie dedysfonctionnement articulaire semble discutable (Michelotti, 1999),même s’il est certain que le phénomène d’appui asymétrique peutcréer une pathologie ascendante par l’intermédiaire des groupesmusculaires et peut aboutir à modifier la position de la tête. Il estcertain que les modifications de position de la tête font varier lescontacts occlusaux, ainsi que le souligne Rozencweig. Là aussi, ilnous semble que ces pathologies posturales jouent un rôle plusaggravant qu’étiologique. Quoi qu’il en soit, les techniques demodifications de la posture ne peuvent avoir qu’un effet bénéfiquesur les chaînes musculaires intéressées (Komiyama, 1999 ; Wright,2000).

• Infections à « Chlamydia trachomatis »

En 1999, Henry [42] a noté la présence de ce germe dans 20 % desarticulations temporomandibulaires opérées pour undysfonctionnement discocondylien (et dans 39 % des cas, il existeune recherche positive d’ADN de ce germe dans les tissusrétrodiscaux). Cette infection joue-t-elle un rôle dans la pathogéniedes dysfonctionnements ? Il semble que cette hypothèse mérite destravaux de recherche complémentaires.

• Pathologie articulaire et fibromyalgie

L’existence de la fibromyalgie en tant qu’entité reste discutée. Ils’agit d’un syndrome comprenant des douleurs chroniques desmuscles squelettiques, des insertions tendineuses, éventuellementdes bourses séreuses. Il existe une sensibilité généralisée des musclesà la palpation, une sensibilité douloureuse généralisée des muscleset une fatigue musculaire ressentie depuis plus de 3 moisaccompagnée d’une fatigue matinale (Waylonis [95] ; Avon, 1996).D’après Starlanyl (1996), le diagnostic serait posé sur une sensibilitédouloureuse au niveau de 11 sites sur 18 considérés commespécifiques. Ces sites sont aux niveaux nucal, cervical bas,sternoclaviculaire, acromioclaviculaire et deltoïdien, fessiersupérieur, face externe des cuisses, face interne des genoux et faceexterne des coudes. La symptomatologie s’aggrave à la suite destress ou de changement climatique. Le syndrome s’accompagne designes psychiques de dépression. L’étiologie évoquée de lafibromyalgie est un traumatisme physique (accident de la voiepublique, chute, chirurgie), des changements hormonaux(ménopause) ou un traumatisme émotionnel.

Certains auteurs soulèvent des problèmes de diagnostic différentielentre une fibromyalgie et des douleurs des muscles de l’appareilmanducateur. Pour certains, il peut y avoir une association entre lesdeux éléments. Certains individualisent même une formeparticulière, sous le terme myofascial pain dysfunction syndrom(MPDS), dont les limites, tant avec la fibromyalgie qu’avec unsyndrome de dysfonctionnement de l’appareil manducateur, restenttrès floues (Dao, 1997 ; Aaron, 2000).

On considère habituellement que ce MPDS traduit simplement unepartie des signes cliniques d’un dysfonctionnement de l’appareilmanducateur (Plesh, 1996 ; Klineberg, 1998 ; Hedenberg-Magnusson [39]).

• Bruxisme et parafonctions

Quels rapports entre le bruxisme et la pathologie articulaire ? Leterme de bruxomanie est dû à Marie et Pietrkiewicz (1907). Lebruxisme se caractérise par « des contractions involontaires etinconscientes des muscles masticateurs, en dehors de la fonctionphysiologique » (Rozencweig).Le bruxisme peut être nocturne ou diurne, avec toute une gammede sévérité variable. Le patient bruxomane serre les dents enposition d’intercuspidation maximale (bruxisme centré) ou grincedes dents lors d’excursions rétrusives, protrusives et/ou latérales(bruxisme excentré). La manifestation clinique essentielle est legrincement des dents pendant la nuit. L’étude des facettes d’usurepermet de confirmer le diagnostic et le type du bruxisme :

– dans un bruxisme centré, les facettes d’usure sont situées sur lescuspides supports, dans les fosses ou sur les crêtes marginales dedents maxillaires et mandibulaires ;

– dans le bruxisme excentré, les facettes d’usure, provoquées par ledéplacement des cuspides supports inférieures sur les facesocclusales supérieures, se rencontrent :

– sur le versant mésial interne des cuspides palatines supérieures(facettes d’usure en rétrusion) ;

– sur le versant palatin et sur le bord libre des incisivessupérieures (facettes protrusives travaillantes) ou sur le versantdistal interne des cuspides vestibulaires supérieures (facettesprotrusives non travaillantes) ;

– sur le versant mésial interne et le sommet des cuspidesvestibulaires supérieures (facettes en latéralité travaillante) ou surle versant distal interne et le sommet des cuspides palatinessupérieures (facettes en latéralité non travaillante).

Les études électromyographiques, telles que celles réalisées parReding (1969) chez des sujets porteurs de bruxisme, ont montré qu’ilexiste une hypertonie musculaire avec incapacité du muscle à sedétendre entre deux contacts occlusaux. Cette hypertonie musculairea pour conséquence la fatigue musculaire et les patients atteints debruxisme nocturne se plaignent de sensation de fatigue au réveil(Christensen, 1981). Les muscles sont sensibles à la palpation, enparticulier au niveau de leurs insertions, et on note cliniquementsouvent une hypertrophie de ces muscles, en particulier du masséter(Dupuis, 1968 ; Roncevic, 1986). Il existe normalement des réflexesprotecteurs qui évitent la mise en contact forcée et fréquente desdeux arcades dentaires : le réflexe postural d’inocclusionphysiologique, le réflexe d’ouverture et le réflexe de protectionocclusale. Dans cette pathologie, ces réflexes sont perturbés ousupprimés.L’étiopathogénie du bruxisme reste toujours très discutée, mais ilsemble que, dans la majorité des cas, il y ait à la fois un facteurocclusal et un facteur psychologique. Selon Ramfjord (1966)« n’importe quel type d’interférence occlusale, lorsqu’il est combinéavec une tension psychique, peut donner naissance au bruxisme etl’entretenir ». Les anomalies psychiques de type « agressionrefoulée », « autopunition », « manies », et « tension émotionnelle »ont été décrites par beaucoup d’auteurs comme étant le facteurdéclenchant le plus important. Cependant, il faut noter que cetteterminologie de nature subjective, ayant une connotation « grandpublic », ne peut être acceptée comme telle par les psychiatres. Lesanalyses psychologiques font état de frustration, d’anxiété,d’angoisse, de tension psychique et d’obsessions.Les conséquences du bruxisme se font naturellement sentir auxdents en particulier. On va noter une usure dentaire qui au début setraduit par l’existence de facettes d’usure qu’il convientnaturellement de rechercher, puis de réelles abrasions dentaires quiamènent une diminution de la hauteur coronaire. Il existe parfoisun retentissement sur le parodonte sous la forme d’une pathologieinflammatoire ou destructrice.Le bruxisme a des relations évidentes avec la pathologie del’articulation temporomandibulaire, d’une part par les lésionsdentaires, en particulier la perte de hauteur coronaire qu’elle

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entraîne, d’autre part en constituant un facteur aggravant d’unepathologie dysfonctionnelle induite par un trouble occlusal, voireun facteur déclenchant de cette pathologie sur un trouble occlusalqui autrement aurait été toléré par les articulationstemporomandibulaires et le système manducateur dans sonensemble. Selon Molina [66], plus de la moitié des patients présentantune pathologie articulaire présentent un bruxisme.Il serait souhaitable de pouvoir solliciter pour ces patientsbruxomanes le concours d’un psychiatre, mais la majorité de cespatients, même s’ils sont conscients de souffrir d’anxiété chronique,ne désirent pas avoir recours à des soins psychiatriques. Biensouvent, la seule possibilité thérapeutique se résume à mettre enplace une gouttière de relaxation musculaire à port nocturne qui,lorsqu’elle suffit pour obtenir une décontraction musculaire pourpréciser les interférences existantes, va permettre de supprimercelles-ci.Les autres parafonctions semblent également bien corrélées avec lesdysfonctionnements articulaires sans que les études réalisées nepuissent aller plus avant dans l’explication (Vanderas, 1995 ;Widmalm, 1995 ; Moss, 1995 ; Miller, 1998 ; Glaros, 1998 ; Israel,1999 ; Gavish, 2000).

• Pathologie articulaire et traitements orthodontiques

Un des problèmes que l’on retrouve souvent dans la littérature est :les traitements orthodontiques sont-ils responsables de la survenuede dysfonction de l’appareil manducateur ? Cette question, sansdoute mal formulée, devrait plutôt être : les traitementsorthodontiques peuvent-ils être responsables de dysfonction del’appareil manducateur ?La réponse semble devoir être oui, ou plutôt oui si ce traitementorthodontique n’est pas logique. Dans l’expérience clinique, cetteréponse nous semble évidente, même si de nombreuses publicationsorthodontiques ne trouvent aucune relation entre les traitementsorthodontiques et la pathologie de l’articulationtemporomandibulaire (Dibbets [21] ; Krenenak, 1992 ; Lagerstrom,1998 ; Henrikson [41]). Cependant, la plupart de ces publicationsorthodontiques font référence à une pathologie articulaireextrêmement hétérogène et à un éventail de troubles orthodontiquestrès variés, ce qui pourrait expliquer la dispersion des résultats.La survenue de troubles articulaires transitoires pendant ledéroulement du traitement orthodontique est un fait relativementcourant, qui semble devoir s’expliquer par les mauvais équilibresexistant à certains stades du traitement. Ces troubles disparaissentnormalement rapidement (Egermark [23] ; Ngan, 1997).Selon nous, les traitements orthodontiques responsables depathologies de l’articulation temporomandibulaire sont ceux dont lamotivation a été (à tort) de vouloir corriger par des moyensorthodontiques seuls un décalage des bases osseuses qui auraitrelevé d’un traitement orthopédique et/ou orthodonticochirurgical,dans le but d’éviter au patient le port d’appareil lourd et/ou ungeste chirurgical non dénué de complications potentielles (fig 32).En particulier, nous partageons l’avis de Slavicek [84] sur la nocivitéde l’extraction des prémolaires réalisée à l’arcade supérieure dans lebut de pseudocorriger une classe II d’origine mandibulaire. Arguerde résultats d’études portant sur des adolescents sans traitementorthodontique ou des patients traités orthodontiquement sans quene soit apparu un dysfonctionnement ne nous paraît pas valable. En

effet, certaines anomalies occlusales ne seront jamais (ou trèstardivement) génératrices de dysfonctionnement (sans facteursurajouté) réalisant un équilibre entre les différents constituants del’appareil manducateur, même si cet appareil manducateur peut êtreconsidéré comme anormal, alors que leur correction mal conçue peutentraîner l’apparition d’un dysfonctionnement supprimantl’équilibre existant sans lui en substituer un autre (Keller [50]).Inversement, un traitement orthodontique bien conçu (et bienréalisé) n’a jamais été mis en cause dans l’induction d’undysfonctionnement.Dans la quasi-totalité des syndromes de dysfonctionnementapparaissant après certains traitements orthodontiques, l’expérienceprouve que la simple mise en place d’une gouttière de relaxationmusculaire suffit pour faire disparaître la symptomatologie et voirs’instaurer une nouvelle position mandibulaire (si les troubles nesont pas trop anciens), ce qui semble une preuve suffisante.Il est certain que la réponse positive à la question soulevée entraînede très importants problèmes tant déontologiques que relationnelsavec le patient, ainsi que des problèmes thérapeutiques. Être obligéd’expliquer au patient qu’il va falloir compléter (de préférence àrecommencer) un traitement orthodontique, voire envisager untraitement orthodonticochirurgical, n’est pas toujours chose aisée.Une autre question fréquemment soulevée est : les traitementsorthodontiques peuvent-ils empêcher la survenue d’unedysfonction ? Il n’y a pas, à notre sens, effectivement, de réponse àcette question à l’heure actuelle et il semble difficile d’en apporter lapreuve scientifique malgré certains résultats encourageants et lalogique, qui voudrait que le traitement d’un trouble occlusal ait uneffet préventif (Nielsen, 1990 ; Egermark [24] ; Karjalainen [48] ;Henrikson [41]). Encore ne faudrait-il considérer que les traitementsorthodontiques parfaitement conçus et réalisés.À la question : la chirurgie orthognathique peut-elle être responsablede la survenue de dysfonction ? La réponse est la même que pourun traitement orthodontique pur. Il semble évident qu’une chirurgieorthognathique sans résultat occlusal équilibré ou qui laisse derrièreelle un mauvais positionnement de la tête condylienne peut êtregénératrice de dysfonctionnement [7].

• Caractère plurifactoriel

On ne peut que partager l’avis de Gola [34] qui répartit les facteursétiologiques en quatre catégories : anomalies somatiques des tissusarticulaires, anomalies fonctionnelles, anomalies occlusales,anomalies psychiques.Gola distingue ainsi :

– les facteurs prédisposants qui vont faire le lit de la pathologiearticulaire : fragilité articulaire notamment par laxité congénitale (etpour Morrow [67] les patients présentant une pathologie del’articulation temporomandibulaire présentent quatre fois plussouvent que la normale des problèmes au niveau d’autresarticulations [dus à une hyperlaxité], une fragilité psychiquerecouvrant un terrain anxiodépressif, des parafonctionsmanducatrices dont celles le plus fréquemment retrouvées sont lebruxisme et les dysfonctions linguales et des troubles de l’occlusion[soit anomalies de position par décentrage condylien en positiond’intercuspidation maximale, soit anomalies de calage responsablesd’une instabilité mandibulaire permanente par perte de calagepostérieur, béance antérieure ou altération de la dimension verticale,

32 Trouble occlusal majeur responsable de pathologie ar-ticulaire après « traitement orthodontique » avec extractiondes prémolaires.

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soit anomalies de guide]), bien que pour nous ces anomaliesocclusales soient un facteur à considérer plus comme étiologiqueque comme prédisposant ;– les facteurs déclenchants, qui sont des modifications brutales surun appareil manducateur déjà fragilisé par des facteursprédisposants : les traumatismes mandibulaires, les perturbationscomportementales, les perturbations occlusales souvent iatrogèneset les traumatismes psychiques par choc émotionnel majorant lesparafonctions ;– les facteurs entretenants, qui pérennisent les lésions en créant descercles vicieux : le vieillissement qui limite les possibilitésd’adaptation des tissus, le syndrome dépressif induit par lesdouleurs chroniques, les modifications de la proprioceptionparodontale et les modifications alvéolodentaires secondaires (unedésunion discocondylienne peut modifier les rapports entre lesarcades dentaires).

Stades de l’atteinteD’après une étude de List [61], 76 % des patients suivis pour undysfonctionnement de l’articulation temporomandibulaireprésentaient une symptomatologie musculaire, 32 % à 39 % (suivantle côté) une luxation discale antérieure, 25 à 32 % (suivant le côté)des lésions de type arthrosique ou arthritique. Cependant, toutes leslésions anatomiques ne se traduisent pas cliniquement, au moinspour un temps : chez les sujets asymptomatiques, Katzberg [49] a ainsitrouvé 33 % de luxation discale, Ribeiro (1997) 25 %.Le premier stade de ces syndromes semble être les anomalies defonctionnement musculaire (Laskin) qui sont induites par descompensations musculaires de l’instabilité occlusale, et/ou desmouvements d’évitement, de prématurité ou d’interférence, et/oudes parafonctions.Tous les muscles masticateurs peuvent être intéressés et participer àdifférents degrés aux manifestations pathologiques, mais le muscleptérygoïdien latéral est le plus souvent en cause. Ce muscle est eneffet particulièrement sollicité dans tous les mouvements àcomposante horizontale. Les mêmes contraintes musculairesentraînent un retentissement sur les structures ligamentocapsulairesde l’articulation. Les contractions musculaires anormales en force,en intensité, en durée ou en chronologie, en particulier du faisceausupérieur du ptérygoïdien latéral, associées aux distensionsligamentocapsulaires, entraînent un relâchement progressif desstructures rétrodiscales. Ceci permet une luxation antérieure ouantéromédiale du disque, sanctionnée par un recul du processuscondylien. Une fois le disque luxé en avant, la tête condylienne doitfranchir son rebord postérieur, avant que l’ouverture buccale nepuisse se poursuivre dans des relations condylodiscales normales.Au fur et à mesure de la détérioration des tissus, le disque se luxede plus en plus en avant et arrive un moment où il ne parvient plusà réintégrer sa position sur la tête condylienne (date de la luxationdiscale dite irréductible). On observe alors une discisation desstructures rétrodiscales interposées entre les deux surfacesarticulaires et, parallèlement, des phénomènes arthrosiques avec desmodifications parfois majeures de la tête condylienne surviennent.Cette évolution habituelle n’est pas toujours respectée. Certainsstades peuvent ne pas apparaître cliniquement. L’évolution est plusou moins longue ou précipitée, probablement selon des facteursmécaniques, fonctionnels, constitutionnels et psychiques.

• Stade musculaire et capsuloligamentaireÀ ce stade, il existe essentiellement des douleurs qui sont liées àune souffrance des muscles masticateurs (appelés volontiers« spasmes »), à des lésions de type fasciite ou tendinite (syndromemyofascial) ou à une capsulite et/ou une synovite de l’articulation.Les douleurs spontanées sont un des motifs principaux desconsultations (cf supra). Leur topographie est très variable, soit àl’articulation elle-même, soit aux différents corps musculaires(région temporale, massétérine, rétromolaire, cervicale antérieure,nucale), soit aux zones de projection douloureuse (région orbitaire,région mandibulaire, région maxillaire, région frontale, régionoccipitale).

La palpation de ces muscles et surtout des insertions permet depréciser ces secteurs algiques. Les tests cliniques d’activitémusculaire sont pratiqués (mouvements passifs et mouvementsactifs contre résistance), tests de Krogh-Poulsen [52].Les limitations des mouvements mandibulaires, qui sont liées soitaux spasmes, soit à la douleur, sont souvent associées. Elles peuventconcerner différents mouvements (ouverture, propulsion, diduction)et sont variables dans le temps.On note parfois une hypertrophie musculaire liée à l’hyperfonction,particulièrement visible au masséter et au temporal, pouvant êtreparfois très importante (fig 33).Il est parfois évoqué la responsabilité de ces troubles musculairesdans des manifestations otologiques. Cette responsabilité est trèsdifficile à affirmer et une preuve éventuelle ne peut être fournie quesi elles cèdent au traitement de leur cause supposée. Les otalgies,acouphènes ou bourdonnements, sensations d’oreille bouchée, fontévoquer une atteinte de l’oreille moyenne qui pourrait parfoiss’expliquer par l’extension du spasme du muscle ptérygoïdienlatéral au muscle tenseur du voile et/ou muscle tenseur du tympan.La responsabilité de la mobilisation des ligaments malléairesantérieurs ou l’influence du ligament discomalléaire sur la mobilitédes osselets chez l’adulte semblent peu probables.

• Stade de luxation antérieure réductible

À ce stade, on peut toujours noter l’existence des différents signescliniques précédemment évoqués (douleurs musculaires etarticulaires, limitation des mouvements mandibulaires, hypertrophiemusculaire), mais viennent s’y ajouter des signes d’une perte desrelations normales entre le disque et le condyle mandibulaire lorsdes mouvements.Certains auteurs avaient suggéré que la position antérieure dudisque pourrait être considérée comme une variante anatomiquenormale. L’étude IRM de Paesani [73] montre que ce déplacementdiscal n’existe chez aucun des enfants examinés avant 5 ans et qu’ilest donc une conséquence de facteurs acquis.Permis par les distensions ligamentocapsulaires, en particulier cellesde la lame inférieure de la zone bilaminaire qui s’insère sur la facepostérieure du condyle, favorisé par une perte des propriétésélastiques de la lame supérieure (ligament de rappel de Poirier), ledéplacement discal en avant par rapport à la tête condylienne estantéromédial, dans l’axe de traction du muscle ptérygoïdien latéralqui le provoque pour l’essentiel, les luxations médiales pures étantd’existence discutable (Kurita, 1992).Ce déplacement est générateur de claquements qui viennent sesurajouter à la symptomatologie précédente ou qui parfois peuventêtre le premier signe, le seul signe pendant un certain temps. Cesclaquements articulaires sont uni- ou bilatéraux, suivant qu’il existeune atteinte d’une ou des deux articulations temporomandibulaires.Ces claquements (clicking) peuvent être entendus uniquement àl’ouverture ou uniquement à la fermeture buccale, ou biensuccessivement à l’ouverture puis à la fermeture buccale(claquements dits « alternatifs » ou « réciproques » [reciprocalclicking]). Le claquement qui survient lors des mouvements

33 Hypertrophie musculaire temporale.

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d’ouverture est plus ou moins tardif et, plus ce claquement est tardif,plus la luxation antérieure est importante, ce qui constituenaturellement un signe de gravité d’atteinte ligamentocapsulaire. Leclaquement de fermeture est également variable dans le temps et,de la même manière, plus ce claquement est proche du début de lafermeture, plus il s’agit d’un signe de gravité. Ces claquementss’accompagnent habituellement d’une sensation de ressautarticulaire, donnant au sujet l’impression de « décrochement de lamâchoire » à l’ouverture buccale.L’ouverture buccale se fait avec une amplitude habituellementnormale, sauf s’il existe des spasmes musculaires surajoutés. Cetteouverture buccale se fait en baïonnette, d’abord déviée vers le côtéluxé, puis retrouvant une position médiane.En bouche fermée, le déplacement discal entraîne une petitediminution de hauteur de l’articulation, et donc un petit contactmolaire prématuré du côté atteint.Lorsque les lésions sont bilatérales, il existe en général unasynchronisme entre les deux luxations réductibles discales et lesbruits ne sont pas habituellement simultanés. Ceci traduit le fait qu’ilest rare que les deux lésions soient totalement identiques en gravité.Le trajet d’ouverture est ainsi dévié d’une manière un peu variable,éventuellement d’un côté puis de l’autre, avant de retrouver uneposition médiane. Dans ces cas de luxation discale réductible, onparle aussi de dérangement intracapsulaire de type 1.À l’IRM, en bouche fermée, le disque est en situation anormalementantérieure, le bourrelet postérieur se situant en avant du sommet ducondyle mandibulaire, le dépassant de plus de 2 mm. En ouverturebuccale, le disque vient se placer normalement entre les condylesmandibulaire et temporal. Comme le remarque Gola [34], en fait,lorsqu’on observe les images d’IRM, on s’aperçoit que le disque restele plus souvent dans sa position, et que le condyle vient se placersous lui, continuant son mouvement ensuite dans des relationsdiscocondyliennes normales ou subnormales. Il ne s’agit pas àvéritablement parler d’une réduction de la luxation antérieurediscale, puisque celle-ci va persister lors des mouvements defermeture, le condyle quittant alors le disque pour retourner dans lacavité glénoïde (fig 34).L’IRM peut éventuellement découvrir d’autres déplacementsdiscaux qui sont exceptionnels, comme l’association d’unecomposante externe à la luxation antérieure ou à un déplacementdiscal postérieur.

• Stade de luxation discale irréductible

Ce déplacement discal irréductible (ou closed lock, ou blocage enbouche fermée) traduit le fait que le condyle ne récupère pas lors del’ouverture buccale des relations normales avec le disque.Lorsque la luxation discale irréductible vient de se produire, laluxation discale antérieure constitue un obstacle à la propulsion ducondyle. Il s’instaure alors une limitation douloureuse de l’ouverturebuccale.

Dans une luxation discale antérieure irréductible, l’ouverturebuccale est réduite, en général inférieure à 35 mm, on note unedéviation lors de l’ouverture buccale vers le côté atteint. Cettedéviation n’est pas corrigée en ouverture et en protrusion (dans lescas unilatéraux). Il n’y a plus de bruit articulaire du côté où existe laluxation irréductible.

Lorsque les lésions sont bilatérales, il est exceptionnel également queles luxations discales deviennent irréductibles des deux côtés enmême temps et on se retrouve devant un tableau comprenant dessignes cliniques de luxation irréductible d’un côté, et des signescliniques de luxation réductible de l’autre.

Parfois, on note des épisodes d’irréductibilité dans une histoire plusou moins ancienne de luxation discale réductible ; ces épisodesd’irréductibilité se résolvent spontanément en quelques minutes ouau pire en quelques heures.

Que des épisodes intermittents ou non se soient produits, on assisteensuite à l’installation d’une luxation discale antérieure irréductibleconstituée. La caractéristique principale de ce tableau clinique estque, après ses antécédents de claquement et de ressaut, le patientprésente la disparition de ces bruits articulaires.

Parfois enfin, l’apparition d’une luxation discale antérieureirréductible est brutale, sans qu’il y ait des antécédents cliniques deluxation réductible. Dans ce cas de figure, la douleur intense auniveau de l’articulation atteinte est le signe prédominant et lalimitation de l’ouverture buccale est plus sévère (inférieure à 20 mm,voire à 10 mm) et associée à une limitation des autres mouvementsmandibulaires.

Sans prise en charge thérapeutique, l’évolution spontanée se fait versune amélioration de l’amplitude de l’ouverture buccale, qui restemalgré tout limitée, en général inférieure à 35 mm. Dans lesdéplacements discaux irréductibles et unilatéraux, l’ouverture estmoins diminuée que dans les bilatéraux. Il persiste toujours unedéviation du point interincisif vers le côté atteint, ainsi qu’unelatérodéviation vers le côté atteint à l’ouverture buccale. Ladiduction est altérée dans les mouvements vers le côté sain. Dansles formes bilatérales, il n’existe pas ces déviations du pointinterincisif. Cependant, on observe, après une durée très variableselon les patients, la survenue de signes arthrosiques (s’ilsn’existaient pas déjà auparavant) (de Leeuw, 1995 ; Kai [47]).

Enfin, dans les luxations irréductibles unilatérales, l’articulationtemporomandibulaire du côté opposé développe une mobilitéarticulaire exagérée, compensant la limitation des mouvements del’articulation atteinte, et pouvant à elle seule induire undysfonctionnement articulaire de cette articulation primitivementsaine.

À l’IRM, en position bouche fermée, le disque est anormalementdéplacé en avant. Lors de l’ouverture de bouche, la coursecondylienne est très limitée. L’anomalie de position méniscale ne seréduit pas. Le disque a, de plus, perdu sa forme habituelle : il est

34 Imagerie par résonance magnétique : luxation discale an-térieure réductible.

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plicaturé, pelotonné en avant de la tête condylienne, celle-ci venantrégulièrement buter sur la zone d’attache postérieure à chaquetentative d’ouverture buccale (fig 35).Il est à souligner que les images que l’on obtient à la suite de cetexamen IRM correspondent à l’état de l’articulation au moment etdans les conditions de cet examen. En particulier, une luxation quiapparaît irréductible sur les images d’IRM peut n’être irréductibleque d’une façon intermittente ou que dans les conditions de l’IRMqui ne sont pas toujours très physiologiques, puisque beaucoupd’examens IRM se font en position d’ouverture buccale forcée et,pour le patient, dans des conditions éventuelles de stress quipeuvent modifier la pathologie articulaire temporairement. Il estévident que, comme pour tous ces types de techniques d’examenscomplémentaires, l’examen clinique garde sa primauté.

• Lésions discales

Il existe assez souvent des anomalies structurales discales, soit ausein d’un tableau de luxation discale antérieure, soit mêmeisolément. On peut citer, parmi les anomalies les plus fréquentes,celle de la dégénérescence mucoïde du disque, et surtout l’existence

de perforation. Les perforations peuvent exister sur le disque lui-même dans la zone centrale, mais elles se font surtoutessentiellement dans la zone bilaminaire qui s’est interposée entreles deux surfaces articulaires, après une luxation irréductibleantérieure du disque (fig 36). Cette zone bilaminaire a subi unetransformation histologique et a évolué vers une discisation,simulant un néodisque, mais qui reste plus fragile et qui n’assureplus les mêmes fonctions de protection que pour le disque. Cesperforations se traduisent par des douleurs articulaires, parfoisviolentes, lors des mouvements d’ouverture/fermeture de la bouche(fig 37).

Macher [63] a montré qu’une luxation discale induite (chez le lapin)crée des lésions arthrosiques des surfaces articulaires (érosionsosseuses, irrégularités et fissures cartilagineuses, ostéophytose).D’autres auteurs ont montré que des perforations discales induisentà elles seules des lésions arthrosiques du même type (Helmy [40] surle singe, Lekkas (1994) et Sato (1998) sur le rat, Axelsson (1992) surle lapin, Bosanquet (1991) sur le mouton).

L’IRM a la possibilité de montrer des anomalies de son signal, cequi peut traduire l’existence de lésions tissulaires. Dans ladégénérescence mucoïde, le disque ne présente plus sa morphologieharmonieuse. Il est surtout le siège d’une augmentation du signal,particulièrement bien visible dans la zone intermédiaire et lebourrelet postérieur. Le diagnostic est évoqué devant l’hétérogénéitéde l’image méniscale. La certitude ne peut être que chirurgicale ethistologique. Les calcifications discales traduisent une atteintediscale, soit ancienne dans le cadre d’une pathologie dégénérativeévoluée, soit de constitution plus aiguë, post-traumatique parexemple. Elles provoquent des zones d’hyposignal intraméniscal, detopographie plutôt périphérique (fig 38).

Les perforations discales peuvent être centrodiscales, par usure dela zone intermédiaire, ou plus souvent postérieures, dans la partieantérolatérale de la zone bilaminaire, souvent associées à une

35 Imagerie par résonance magnétique : luxation discale an-térieure irréductible.

36 Imagerie par résonance magnétique : luxation discale an-térieure irréductible bilatérale. ATM : articulation temporo-mandibulaire ; B : bouche.

37 Perforation discale.

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luxation méniscale irréductible. Elles se traduisent théoriquement enIRM par une non-visibilité de la zone intermédiaire, alors que lesbourrelets antérieur et postérieur sont bien exposés. Il existe de plusun pincement de l’interligne, les surfaces articulaires étantpratiquement au contact. Le diagnostic de perforation reste toutefoisdifficile en IRM. L’arthrographie, dans ce cas nettement supérieure,montrerait, si elle était pratiquée, le passage du produit de contrasted’un compartiment articulaire à l’autre.

• Anomalies synoviales

L’articulation peut présenter des adhérences intra-articulairesessentiellement de nature synoviale, qui unissent surtout le disque àla surface temporale, et beaucoup plus exceptionnellement le disqueà la tête condylienne. Ces adhérences, dans le cas d’un syndrome dedysfonctionnement des articulations temporomandibulaires,peuvent compliquer un tableau de syndrome de dysfonctionnementque nous avons vu, ou en être une des premières manifestations.Elles sont rendues responsables soit d’une limitation desmouvements articulaires, soit d’une certaine raideur articulaireessentiellement matinale. D’autres types de lésions d’adhérencepeuvent se voir, en particulier dans les cas de luxation méniscaleirréductible antérieure ancienne où le disque est non seulement luxéen avant, mais fixé par des adhérences dans sa position de luxation.Ces adhérences au niveau du récessus antérieur sont alorsd’installation relativement tardive. Elles n’ont pas de traductionclinique, mais vont gêner un éventuel geste chirurgical destiné àlibérer le disque pour le remettre en position normale ousubnormale.

La synovite se traduit en IRM par un comblement (hyposignal) del’espace interbilaminaire. L’injection de gadolinium montre uneprise de contraste intense des deux compartiments articulaires,temporoméniscal et discocondylien.

• Anomalies osseuses

Des lésions arthrosiques existent souvent dans le syndrome dedysfonctionnement, qu’elles se manifestent cliniquement ou non(Mejersjo, 1984). Les luxations discales par elles-mêmes sont biensusceptibles d’induire expérimentalement (et/ou de favorisercliniquement) des lésions de type arthrosique (Macher, 1992 ;Schellas, 1992 ; Ali, 1994).

L’IRM visualise ces lésions osseuses avec la modification de la formedes condyles et les formations ostéophytiques. On note égalementdes condensations ostéochondrales et des géodes sous-chondrales.Il existe très souvent une hétérogénéité des surfaces articulaires etdes zones hypodenses dans les régions sous-chondrales, associationd’amincissement cortical et d’hypodensité T1 de la médullairespongieuse, montrant une souffrance vasculaire dans le tissu osseux.Parfois, on note un épanchement intra-articulaire qui donne unhypersignal en T2.

Moyens thérapeutiques

• Traitements symptomatiques

– Traitements antalgiques.Les antalgiques sont couramment prescrits en cas de pathologie del’articulation temporomandibulaire en pratique quotidienne, qu’ils’agisse d’antalgiques banals (paracétamol notamment) ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (aspirine, ibuprofène, kétoprofène,diclofénac).Certains auteurs ont proposé l’utilisation de la stimulation électriquetranscutanée (Sugimoto, 1995), éventuellement de l’acupuncture(Raustia, 1986 ; List, 1987) qui restent naturellement des traitementspurement symptomatiques dont l’efficacité est multifactorielle,procédant pour partie d’un effet placebo, mais également de laproduction d’endorphines selon certains auteurs. Enfin, Conti (1997)a utilisé un low laser (830 nm Ga-Al-As, 4 joules) sans résultatsprobants.– Décontracturants musculaires.Le traitement symptomatique fait souvent appel à des myorelaxantsqui agissent à différents niveaux : fibres musculaires ou systèmenerveux. Il s’agit essentiellement :

– de molécules inhibant les réflexes médullaires polysynaptiquescomme le thiocolchicoside (Miorelt, Myoplèget, Coltramylt), leméthocarbamol (Lumirelaxt), la méphénésine (Décontractylt) ; ils’agit de produits dont la durée d’action est brève et dont l’indexthérapeutique est faible (dose toxique très proche de la dosethérapeutique), ce qui nécessite une surveillance toute particulière(risque important de somnolence) ;

– de myorelaxants agissant directement sur les fibres musculairesstriées en inhibant les mouvements du calcium au niveaucellulaire, comme le dantrolène (Dantriumt), produit qui présenteun risque de somnolence, de céphalées, de malaises intestinaux etd’hépatotoxicité non négligeable ;

– de benzodiazépines comme le tétrazépam (Myolastant,Panost), augmentant l’activité des interneurones inhibiteurs,supprimant ainsi l’activité réflexe mono- et polysynaptique ;

– d’antispastiques agissant au niveau médullaire présynaptique,déprimant les réflexes mono- ou polysynaptiques et réduisantl’activité réflexe myotatique par réduction de l’action desmotoneurones, comme le baclofène (Liorésalt) qui entraîne peud’effets indésirables aux doses thérapeutiques (à hautes doses, ilprovoque une dépression généralisée du système nerveux centralavec somnolence, hypotonie musculaire et dépressioncardiorespiratoire).D’autres produits existent dans la pharmacopée tels que lephenbrobanate (Gamaquilt ou Isotonilt) et la chlormézanone(Trancopalt) (produits non commercialisés en France).L’inconvénient majeur des myorésolutifs est représenté par lesrisques de somnolence dont il faut prévenir les sujets, enparticulier pour la conduite automobile.

– Toxine botulique.La toxine botulique (Botoxt, Dysportt) permet de lever des spasmesmusculaires. Son intérêt est essentiellement contre les spasmes duptérygoïdien latéral, permettant de faire céder un trismus quiempêche la réalisation d’un traitement étiologique. L’injection dansle ptérygoïdien latéral se fait par voie intraorale, bouche demi-ouverte et placée vers le côté à injecter, le point de pénétration del’aiguille est en arrière de la tubérosité, en direction postérieure,supérieure et médiane, l’injection étant effectuée à 3 cm deprofondeur environ.Il s’agit là aussi d’un traitement purement symptomatique. L’effetde la toxine botulique s’installe en 2 à 3 jours. La durée d’action estd’environ 2 à 3 mois. Nous n’avons pas d’expérience de cettetechnique en tant que traitement proprement dit des syndromesdysfonctionnels (Freund, 1999), mais celle-ci nous y semble illogique.– Infiltrations et injections.

– Injections de produit sclérosant.Ces injections de produit sclérosant (alcool, teinture d’iode,

38 Imagerie par réso-nance magnétique : hétéro-généité discale. ATM : arti-culation temporomandibu-laire ; B : bouche.

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psylliate de sodium) ont été proposées dans la régionpériarticulaire pour le traitement des luxations récidivantes(Poswillo). Ces procédures n’ont qu’un intérêt historique.

– Anesthésie locale musculaire.L’anesthésie locale musculaire entraîne la disparition momentanéedes contractures (Schwartz et Tausig). L’anesthésie favorise lediagnostic différentiel entre les douleurs primaires et les douleursréférées et, en dehors de ce rôle diagnostique, son utilisation n’aqu’un effet temporaire ou un effet placebo (Scicchitano, 1996).

– Infiltration intra-articulaire de corticoïdes.Les injections intra-articulaires de corticoïdes (Hollander, 1951)sont souvent proposées dans différents cadres pathologiques. S’ilexiste des indications indiscutables de ce type d’injection dans lecadre de PR par exemple, ces injections dans le cadred’inflammation post-traumatique ou dans le cas de rétrodisciteou de capsulite sont plus discutables. Il est certain qu’ellesprocurent des résultats très appréciables sur un plan fonctionnel(douleur et/ou motilité), mais il ne s’agit que d’un traitementsymptomatique, la souffrance articulaire témoignant decontraintes mécaniques anormales qui persistent au sein del’articulation malgré ce traitement infiltratif.Il convient bien entendu de respecter les contre-indicationsclassiques à la corticothérapie (locales et générales) et lesprécautions d’usage de la corticothérapie locale (respect del’antisepsie). Les produits utilisés sont nombreux (Diprostènet,Célestène chronodoset, Kenacort retard 40t, Dépo-médrolt).L’injection est pratiquée au niveau de la dépression prétragiennequi se creuse lors d’une ouverture buccale maximale, l’aiguilleétant enfoncée perpendiculairement, immédiatement sous lezygoma, à environ 3 cm de profondeur.L’inconvénient majeur est bien entendu le risque infectieux. Deuxà trois injections par an semblent être un maximum. Nous n’avonsjamais recours à ces injections dans le cadre desdysfonctionnements.

– Autres injections intra-articulaires.Les injections d’hyaluronate de sodium (viscosupplémentation)ont été essayées dans les luxations condylodiscales (Bertolami [10] ;Yustin, 1995 ; Sato, 1999) sans résultat sur la luxation discale, maisavec une amélioration clinique qui semble davantage due à uneffet arthrocentèse qu’au produit utilisé.Lin [60] rapporte un taux intéressant de succès avec des injectionsintra-articulaires de superoxyde dismutase (non disponible enFrance), un inhibiteur des métalloprotéases.Cependant ces produits, qui n’ont pas d’AMM en France pourl’articulation temporomandibulaire, seraient, pour certainsauteurs, éventuellement plus indiqués pour le traitement deslésions arthrosiques que pour les dysfonctions condylodiscales(Neo, 1997 ; Hirota, 1998).

– Arthrocenthèse.Nitzan [71] a décrit une technique d’irrigation du compartimentsupérieur de l’articulation à l’aide d’une solution de liquide deRinger. Ce lavage articulaire amène une amélioration clinique tantsur la limitation d’ouverture de bouche que sur les douleurs, ce quiest confirmé par Dimitroulis (1995), Sato (1997), Gu (1998) et Goudot(2000), effet jugé supérieur à celui de l’injection de corticoïdes intra-articulaires (Miyamoto, 1999). L’efficacité semble limitée dans letemps (Gynther, 1998) bien que l’on ne dispose pas d’étudescomprenant des suivis à long terme (Cascone, 1998). Le moded’action semble être surtout l’élimination temporaire des substancesintra-articulaires telles que les cytokines (Gu, 1996) ou les dérivésnitrés (Alpaslan [5]).

• Prothèses amovibles de recouvrement occlusal (gouttières)

Les gouttières occlusales sont les plus utilisées. Ce sont des appareilsen résine acrylique couvrant toutes les surfaces occlusales, soit desdents maxillaires, soit des dents mandibulaires.À la suite de Karolyi, qui a réalisé une prothèse de recouvrement envulcanite pour traiter le bruxisme et les parodontopathies en 1906,

de nombreux auteurs ont utilisé ce type de prothèse amovible pourle traitement des anomalies occlusales entraînant un retentissementsur l’articulation temporomandibulaire : plan de morsure rétro-incisif maxillaire de Hawley (1919), modifié par Sved, puis plaquemaxillaire ou mandibulaire en résine dure ou souple, en métal ouen composite, fixe ou amovible, proposée par différents auteurs àpartir des années 1950 (Brunner, Shore, Schwartz, Ramfjord,Kessling, Mitchel, Krogh-Poulsen, Lerman, Rozencweig). Il existetoujours une multiplicité de ce type d’appareillages qui ont reçu desnoms différents, ce qui peut entretenir une certaine confusion. Leurmotivation d’utilisation peut être également assez variable.Pour nous, l’utilisation de ces plaques, de ces appareils « inhibiteursde l’occlusion », de « déprogrammation neuromusculaire » a avanttout une valeur diagnostique, en particulier en cas d’hésitation surl’implication d’un trouble occlusal dans l’étiologie desmanifestations cliniques présentées par le patient. Elle permet aussi(et surtout) de déterminer la relation occlusale optimale du patient.La mise en place d’une plaque correctement ajustée fait disparaîtreles malocclusions, disparition immédiate et bien sûr transitoire, carinterrompue par la dépose de l’appareil. Comme Rozencweig lesouligne, cet appareillage n’entraîne pas de modification définitiveou surtout irréversible de l’occlusion : c’est un débrayage temporaire(à condition qu’un port permanent ne dure pas trop longtemps,sinon on s’expose à des effets orthodontiques [Brown, 1994]).Lorsque la plaque est correctement équilibrée ou est correctementajustée, on doit obtenir une résolution des contractures musculaireset donc des phénomènes douloureux présentés par le patient,éventuellement une normalisation du fonctionnement articulaire.Emshoff (1998) a d’ailleurs montré que le port d’une gouttière a uneffet rapide sur le volume des muscles masticateurs (contrôlé àl’échographie), Sheikholeslam (1986) et Abekura [1] que la gouttièresupprime les asymétries de contractions musculaires (par examensélectromyographiques).Différents types d’appareillages destinés à « débrayer » les rapportsocclusaux ont été proposés, parmi lesquels on peut citer lesdispositifs suivants.

– Plans de morsure rétro-incisifs : JIG de Lucia (1924), plan demorsure rétro-incisif de type Karolyi (1905), plaque de Hawley(1919), plaque de Sved (1944), autorepositionneur de Shore (1959).– Gouttières en résine élastique souple : elles devraient êtreabandonnées en raison des possibilités de déformation, desdifficultés de polissage, du fait qu’elles peuvent entraîner uneexaspération de crispation inconsciente et une augmentation del’envie de mâcher.– Gouttière à pivot de Krogh-Poulsen : il s’agit d’une gouttièrerecouvrant toutes les dents, à laquelle ont été ajoutés deux cônes derésine, munie de vis autorisant un réglage en hauteur en regard dela face centrale du surplomb molaire supérieur. Elle a pour but delimiter ou de supprimer la pression au niveau des condyles. Elle estassociée à la mise en place d’une fronde mentonnière.– Gouttière hydrostatique de Lerman [59] : il s’agit d’un coussin enforme de H, en vinyle, contenant de l’eau, qui est interposé entre lesarcades dentaires et qui permet un latéropositionnementmandibulaire par le seul jeu musculaire, la quantité de liquide dansla prothèse étant fonction de la dimension verticale d’occlusionsouhaitée (en principe 1,5 mm). Ce système clos, dans lequel unliquide se répartit en fonction des pressions, supprime ainsi toutcontact occlusal direct. La vérification de l’égalisation des pressionsest possible en interposant une feuille de cire entre la mandibule etla gouttière. Aucune perforation ne doit être visible, sinon cecicorrespond à un contact prématuré qui doit être éliminé. Une foisl’occlusion souhaitée en relation centrée obtenue, la gouttière estdéposée et remplacée par une gouttière en résine dure, équilibréepar le patient lui-même qui mobilise sa mandibule, modelant lasurface occlusale de la résine. Cette technique originale semblerelativement satisfaisante, lorsqu’on envisage un traitementpurement par meulage sélectif.– Gouttière de Ramfjord [76], dite aussi gouttière du Michigan : c’estune gouttière maxillaire en résine dure transparente. Cette gouttière

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recouvre toutes les dents maxillaires, les surfaces occlusales decontact sont lisses et plates, sur toutes les cuspides d’appuimandibulaire, sauf la canine où existe un plan incliné dedésengrènement. La dimension verticale occlusale est minimale.Cette gouttière est élaborée sur un articulateur semi-adaptable. Lesmodèles sont montés en relation centrée si l’écart entre l’occlusiond’intercuspidation maximale et l’occlusion en relation centrée estfaible, et s’il n’y a pas de déviation latérale importante à l’ouverture.Sinon, le modèle mandibulaire est monté en béance verticale, au-delà du point où apparaît la douleur dans des mouvements defermeture. C’est le modèle de base des gouttières de relaxationmusculaire.

– Gouttière évolutive de Rozencweig [77] : elle est réalisée sur unoccluseur simple. Elle est confectionnée avec une épaisseur minimaleau niveau molaire, les surfaces lisses, un appui canin incisif avecdésocclusion des dents cuspidées. L’ajustement est effectué sur lepatient. Il permet d’obtenir des contacts généralisés des dentsmandibulaires sur la surface occlusale qui doivent être disséminéset d’égale intensité. La désocclusion des secteurs postérieurs estvérifiée lors des mouvements de propulsion. Les zones canines sontretouchées pour obtenir les désocclusions des deux secteurs latérauxlors des mouvements de diduction. Dans un premier temps, lagouttière occlusale est transformée en plan de morsure rétro-incisifen éliminant une épaisseur d’environ un dixième de millimètre auniveau des secteurs cuspidés. Lorsque, lors des contrôles, on obtientune absence de contacts en arrière de la canine, l’appareil estretransformé en gouttière occlusale par meulage de la régionincisive. Un contact généralisé sur toute la surface de l’arcadeantagoniste est rétabli et soigneusement équilibré. L’absenced’interférences lors des mouvements excentrés est vérifiée.En pratique, on peut distinguer trois modalités d’utilisation desgouttières.

– Gouttière de relaxation musculaire : pour nous, la gouttière derelaxation musculaire est en résine acrylique dure réalisée à partirde plaques thermoformées (permettant l’obtention de gouttièresfines), couvrant la surface occlusale de toute une arcade (maxillaireou mandibulaire).Nous l’utilisons :

– comme appareil de protection dentaire contre l’usure excessiveliée à des parafonctions ;

– dans les contractures musculaires douloureuses ;

– dans les pathologies complexes, mêlant atteinte musculaire etarticulaire, comme atteinte préliminaire (avec comme but lasuppression des contractures musculaires) ;

– en tant qu’épreuve diagnostique dans les pathologiesdouloureuses mal définies ou dans certains troubles otologiquesquand une éventuelle étiologie occlusale est soupçonnée ;

– mais son but principal est de déterminer la positionmandibulaire souhaitable pour le patient, position qui sera àpérenniser par un traitement étiologique.La gouttière est réalisée au laboratoire sur les modèles en plâtre.Après le thermoformage, une couche de résine autopolymérisableest additionnée sur la face occlusale de la gouttière. Le but del’opération est l’obtention d’une épaisseur homogène de 1 à 2 mmde résine sur toute la surface occlusale, épaisseur qui consolide lagouttière et en même temps compense l’irrégularité des courbesocclusales. Pour nous, il n’y a pas d’arguments qui plaident d’unefaçon convaincante pour l’utilisation d’une gouttière maxillaireplutôt que mandibulaire. Maxillaire ou mandibulaire, lesimpératifs à respecter sont liés à l’épaisseur et au réglage enocclusion. Le réglage de la gouttière peut se réaliser en cliniqueou au laboratoire avec les modèles de travail montés surarticulateurs. Le réglage réalisé en laboratoire est en fait unpréréglage et il doit être impérativement vérifié en clinique : enraison des spasmes musculaires, la position mandibulaire peutvarier entre le moment d’enregistrement de la relationintermaxillaire et le moment de la mise en place de la gouttière.

Les contacts dentaires sur la gouttière sont marqués grâce à unpapier d’articulé encré d’épaisseur variable (40 à 100 µm), rougeou bleu. Pour les mouvements de propulsion ou de latéralité, unpapier encré de couleur différente est utilisé. L’ajustage de lagouttière se fait avec une fraise résine tenue par une pièce à main.Les points qui apparaissent sur la gouttière sont effacésprogressivement par des modifications successives, jusqu’àobtention des contacts simultanés.Les principes à respecter sont :

– gouttière plate, lisse (non sculptée) ;

– épaisseur minimale avec des contacts simultanés etpunctiformes de toutes les cuspides supports des dentsantagonistes (exception faite des dents en malposition) ;

– désocclusion postérieure dans les mouvements de propulsionet de latéralité, si possible avec un guidage canin.À la fin de la première séance, des conseils de pose, de port etd’hygiène de la gouttière doivent être donnés au patient.Ces gouttières doivent être portées 24 h sur 24, mais il faut laisserle temps au patient de s’y habituer. La gouttière représente uncorps étranger qui va le gêner pour la phonation et la masticationau début. La gouttière est contrôlée toutes les 3 à 4 semaines. Ladécontraction musculaire obtenue peut générer une modificationde la position mandibulaire. L’équilibration de la gouttière doitêtre reprise dans la nouvelle position, pour obtenir à nouveau descontacts occlusaux simultanés sur toute la surface. Le protocoleest répété jusqu’au moment où les contacts ne se sont pasmodifiés d’une séance à l’autre. Cette gouttière est portée pendantun minimum de 2 à 3 mois. À la fin de cette période, le montagesur articulateur, l’analyse de la nouvelle position mandibulairevont orienter le choix thérapeutique (équilibration occlusale,orthodontie, prothèse).Une grande rigueur doit être de mise tant pour la mise en placeque pour la surveillance de cet appareillage, sinon on ne peuttirer aucune conclusion de ce qui n’est le plus souvent qu’unmoyen diagnostique. Malheureusement, en pratique journalière,il nous est donné de voir un grand nombre de soi-disantgouttières réalisées par des praticiens mal informés sans tenircompte de ces règles ou de gouttières non surveillées, ce quinaturellement peut amener à porter un jugement péjoratif surl’efficacité de ces gouttières dans leur ensemble.

– Gouttière de repositionnement ou gouttière de réduction de luxationdiscale : elle est utilisée dans les cas de luxation discale réductible etéventuellement dans les cas de luxation discale irréductible récente,après avoir effectué une manœuvre de réduction discale (Farrar etMc Carthy) (fig 39). Elle est envisageable quand le disque estraisonnablement récupérable. Elle est donc destinée à stabiliser lamandibule dans une position thérapeutique qui assure la coaptationcondylodiscale. Cette position thérapeutique va déterminer uneposition plus antérieure du condyle dans la cavité glénoïde. Plus leclaquement d’ouverture est précoce, plus cette position est peudifférente de la position habituelle (1 à 2 mm), plus le claquementest tardif ou dans les cas de luxation discale irréductible récente,plus la position de la mandibule est avancée et abaissée (jusqu’à3 mm de propulsion et 5 mm d’abaissement). Il existe dans lalittérature des chiffres qui correspondent au déplacement antérieurmandibulaire maximal possible (Farrar, Dawson). En pratique, c’estle contrôle clinique qui va permettre au praticien de déterminer s’ilpeut stabiliser la position thérapeutique par la suite ou s’il est obligéde réaliser le traitement en dehors du disque, et si l’avancéemandibulaire nécessaire pour obtenir une ouverture sansclaquement articulaire est possible. Si l’antéposition discale estasymétrique, souvent le repositionnement de la mandibule doit seréaliser en latéropropulsion.La gouttière de repositionnement est habituellement maxillaire. Onconfectionne un appareil comportant un mur de guidage qui, à lafermeture, entraîne la mandibule vers ce point, et qui comporte desindentations pour l’y maintenir. Le réglage de ce type de gouttièrepeut être réalisé en bouche ou en laboratoire, après avoir déterminéla position thérapeutique. Le repérage clinique de cette position est

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proposé par la plupart des auteurs : le patient doit ouvrir la boucheau-delà du claquement d’ouverture (qui correspond à la recaptationdes pièces articulaires) puis refermer dans une position propulsée,au moins en bout à bout incisif ; il doit ensuite reculer très lentementafin de permettre au praticien de percevoir le claquement de retour.La position thérapeutique se trouve juste avant la perte de lacoaptation des surfaces condylodiscales. Cette position est marquéesur la gouttière, soit directement en bouche (par ajout de résineautopolymérisable), soit en laboratoire. Pour la réalisation enlaboratoire, il faut réaliser une cire d’occlusion (cire Moyco) dans laposition thérapeutique, cire qui va servir au montage surl’articulateur. Pour ces gouttières confectionnées en laboratoire, lavérification clinique est obligatoire, l’existence d’interférences lorsdu mouvement de fermeture dans les indentations nécessite unrefaçonnage clinique de la face occlusale. Les indentations doiventêtre bien marquées pour assurer un bon calage de la mandibule dansla position thérapeutique, sans permettre le recul mandibulaire.La coaptation condylodiscale a comme conséquence une inocclusionpostérieure et le patient doit être informé de l’obligation dutraitement de stabilisation. Pendant la durée du traitement,l’inocclusion molaire est compensée par l’épaisseur de la gouttière.Au retrait de celle-ci, en absence de traitement de stabilisation, lepatient recherchera inconsciemment le contact des faces triturantesafin de pouvoir écraser le bol alimentaire, le condyle va alors êtrerefoulé en arrière dans la cavité glénoïde et il y aura décoaptationcondylodiscale, se manifestant cliniquement par la réapparition duclaquement à l’ouverture.Cette gouttière est portée de 4 à 6 mois, impérativement 24 h sur 24,même pendant les repas. Les contrôles s’effectuent toutes les3 semaines. Lors des visites de contrôle, le praticien doit vérifierl’intégrité de la face occlusale de la gouttière, ainsi que la tolérancemusculaire par rapport à cette nouvelle position (et l’absence debruits articulaires). La réapparition de bruits articulaires doit rendrele praticien très prudent par rapport à la réussite du traitement. Ellesignifie soit l’existence d’un bruxisme (qui a déterminé l’usure desindentations et par conséquent une instabilité mandibulaire), soitune hyperlaxité ligamentaire. Si cette situation se renouvelle, il estprudent quelquefois de renoncer au repositionnement et de seconcentrer alors uniquement sur les problèmes algiques.Selon certains auteurs, après 2 à 3 mois, on effectue des tentativesde recul mandibulaire par meulages progressifs des indentations etlorsque le claquement réapparaît, ces auteurs considèrent que l’onatteint une position qui ne peut être dépassée. Nous ne partageonspas cette analyse. Pour nous, une fois la position asymptomatiquedécouverte, il convient d’effectuer le traitement en la prenant commeréférence.Il est inutile, même dangereux, de débuter le protocole derepositionnement mandibulaire avant d’avoir la certitude que le

patient ait compris ce à quoi il s’engage et d’avoir son engagementà suivre ce traitement de stabilisation jusqu’à son terme.

Dans les cas de luxation discale réductible tardive, ainsi que dansles cas où il faut réaliser une latéropropulsion mandibulaire, lepraticien peut difficilement prévoir avec exactitude la nature dutraitement de stabilisation : orthodontique, orthodonticochirurgical,prothétique. Le patient doit être informé de toutes les éventualitéspossibles.

Dans les cas de luxation condylodiscale réductible, la gouttière derepositionnement est la suite logique d’une gouttière dereconditionnement neuromusculaire (« Même si j’ai constaté desclaquements réciproques, j’ai intérêt à avoir une bonne résolutionmusculaire et à faire porter une gouttière lisse ». Valentin [93]),d’autant plus que le port d’une gouttière lisse va permettre aupatient de s’habituer à une gouttière et de réfléchir au traitement destabilisation (qui va devoir être réalisé après le port de la gouttièrede repositionnement).

– Gouttière de décompression : elle a été proposée pour favoriser latransformation du ligament rétrodiscal en néodisque (discisation).Cette gouttière est indiquée dans tous les cas où le traitement seréalise en dehors du disque, donc dans les cas de luxation discaleirréductible et certains cas de luxation discale réductible tardive oùune indication chirurgicale de repositionnement discal n’a pas étéposée. Ce type de gouttière favorise une bascule mandibulaireantérieure lors de la mastication, bascule qui entraîne unabaissement du condyle ; le ligament rétrodiscal n’étant pluscomprimé s’épaissit et se modifie en néodisque. Certes, ce néodisqueest plus fragile (moins résistant à la pression) que le disque lui-même, mais la réalisation par la suite d’un bon équilibre occlusaldevrait assurer sa pérennité.La gouttière de décompression est réalisée au laboratoire. Lesmodèles sont montés sur articulateur en « relation centrée » (fausserelation centrée en raison du déplacement discal, mais seule positionenregistrable). Une feuille d’étain de 0,5 mm d’épaisseur estintroduite dans le boîtier condylien de l’articulateur au-dessus de laboule condylienne. Cette épaisseur est équivalente à ladécompression qui va être obtenue avec la gouttière. Le réglage surarticulateur se fait comme pour une gouttière de reconditionnementneuromusculaire, avec des contacts punctiformes simultanés detoutes les pointes cuspidiennes antagonistes. Lors de l’applicationintraorale, les contacts vont se manifester uniquement en régionpostérieure, avec une inocclusion antérieure d’environ 1 mm. Cettegouttière est portée 24 h sur 24 pendant 6 à 8 mois. Lors de chaquecontrôle, le praticien vérifie l’apparition de contacts antérieurs. Pourcontinuer la décompression, il peut rajouter une fine couche derésine autopolymérisable en zone postérieure. Lorsqu’il y a absencedes contacts antérieurs, la décompression est considérée comme

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39 Manœuvre de Farrar etMc Carthy (d’après Rozen-cweig [77]).

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terminée. À partir de ce moment, on estime que le néodisque estformé. La gouttière peut être transformée en fonction de lapathologie restante en gouttière musculaire ou en gouttière derepositionnement (fig 40)Nous n’y voyons que de rares indications en raison de la longueurde port nécessaire et du risque de changements de position dentairede nature orthodontique qui se produisent en regard de la béanceantérieure entraînée..

• Ajustement occlusal

L’ajustement occlusal par meulages sélectifs a été décrit par Bonwillen 1887. Cette proposition fut ensuite reprise par un grand nombred’auteurs, parmi lesquels Lauritzen, Lindblom, Jankelson, Wirth,Smukler, Solnit. Schuyler [81] a défini en 1935 les principes générauxde ce type de correction occlusale.Il est indéniable que l’ajustement occlusal par meulages sélectifs aun certain nombre d’indications dans la pathologie dysfonctionnellede l’articulation temporomandibulaire, mais cette technique n’estpas une panacée et ne saurait être opposée à tous les cas de troubleocclusal. L’ajustement occlusal peut être utilisé seul ou enassociation avec d’autres thérapeutiques prothétiques ouorthodontiques par exemple.Le but de l’ajustement occlusal n’est pas de transformer les surfacesocclusales des dents en surface plane, mais bien de supprimer lescontacts prématurés et les interférences éventuellement existantes. Ilfaut souligner que cette technique est une technique mutilante, etque son indication et sa réalisation doivent obéir à un certainnombre de règles précises (fig 41).Pratiquement tous les patients exempts de pathologie présentent unedifférence de position entre la relation centrée et l’occlusiond’intercuspidation maximale (cf supra). Cette différence sembleindispensable à un bon fonctionnement de l’appareil manducateur,ainsi que le souligne Rozencweig [77]. Les ajustements occlusauxdoivent ménager cet espace de liberté, en permettant un glissemententre la position de relation centrée et la position d’intercuspidationmaximale, ce glissement devant se produire habituellement sur unelongueur de 0,2 à 0,7 mm. C’est ce que l’on dénomme long centricphysiologic, que Spirgi a montré qu’il est indispensable de ménager.Cet ajustement occlusal ne doit être entrepris qu’après l’étudeparfaite des points supports de l’occlusion et des contactsprématurés et des interférences. Ceci impose donc que l’on aitobtenu au préalable une décontraction musculaire, ce qui passepratiquement toujours par le port préalable d’une gouttière derelaxation musculaire.Selon Rozencweig, sauf s’il existe des interférences latéralesgrossières, il semble souhaitable :

– d’effectuer un ajustement occlusal en éliminant dans l’ordre :

– les prématurités en relation centrée ;

– les interférences sur le trajet de la relation centrée àl’intercuspidation maximale ;

– les interférences en latéralité ;

– les interférences en propulsion ;

– et de finir par aménager le guidage antérieur.

– Élimination des prématurités en relation centrée.Certains contacts prématurés surviennent au cours des mouvementsde fermeture en relation centrée et provoquent un déplacement dela mandibule dans le plan sagittal. Ce contact prématuré est alorssitué sur le versant mésial des dents supérieures ou sur le versantdistal des dents inférieures. La règle du meulage consiste à corrigerle versant mésial des dents supérieures ou le versant distal des dentsinférieures : règle MSDI (mésial supérieur distal inférieur). Lemeulage doit respecter les butées d’occlusion en intercuspidationmaximale sur les dents considérées.

– Correction des interférences de la position de relation centrée à laposition d’intercuspidation maximale.Les interférences provoquent un déplacement de la mandibule àdroite ou à gauche. Le contact prématuré sur un versant vestibulairemaxillaire donne lieu à un glissement en direction vestibulaire. Lemeulage s’effectue sur le versant vestibulaire des dents maxillaireset sur le versant lingual des dents mandibulaires : règle VSLI(vestibulaire supérieur lingual inférieur). Le contact prématuré surun versant palatin maxillaire donne lieu à un glissement en directionpalatine. Le meulage s’effectue sur le versant palatin des dentsmaxillaires et le versant vestibulaire des dents mandibulaires : règleLSVI (lingual supérieur vestibulaire inférieur).

– Élimination des interférences au cours des mouvements latéraux.

– Du côté non travaillant : le but est d’éliminer tout contactapparaissant lorsque les dents inférieures quittent la relationcentrée en direction linguale. La règle de meulage pour le côténon travaillant est la règle VSLI : meuler les versants vestibulairesdes dents maxillaires supérieures et/ou les versants linguaux desdents mandibulaires.

– Du côté travaillant : une fois choisie une fonction groupe ouune fonction canine, la règle de correction appliquée est LSVI :meulage des versants palatins des dents maxillaires et/ou desversants vestibulaires des dents mandibulaires. Le meulages’effectue généralement en créant des sillons dans le sens desmouvements.

– Élimination des interférences en propulsion.Seules les dents antérieures doivent entrer en contact. Si des contactsapparaissent sur les dents postérieures, ils doivent être éliminés etla règle de correction est DSMI : meuler les versants distaux desdents supérieures ou dans certains cas les versants mésiaux desdents inférieures.

– Harmonisation du guidage antérieur.La correction du groupe incisivocanin tend vers l’harmonisation duguidage antérieur par meulage des surfaces linguales des dentsmaxillaires ou des surfaces vestibulaires des dents mandibulaires,sans réduire les butées occlusales. Les contacts doivent être assuréssur le plus grand nombre de dents pour une prise en charge

40 Exemple de gouttière de relaxation musculaire.

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équilibrée et divisée par l’ensemble des dents antérieures(Rozencweig [77]).

– L’ajustement occlusal est terminé en corrigeant éventuellement lescontacts dentaires lors de la déglutition, de façon à obtenir descontacts ponctuels et répartis sur le plus grand nombre de dents,pendant ce mouvement physiologique.

– La coronoplastie est parfois associée à l’orthodontie pendant ouaprès le traitement pour affiner les contacts ou éliminer lesinterférences. L’ajustement occlusal est également souvent associé àune réfection prothétique : les dents antagonistes des prothèses sontsouvent égressées, versées, éventuellement porteuses dereconstruction ou de reconstitution inadéquate et se doivent d’êtremodifiées avant la réalisation de celles-ci.

• Traitement prothétique

Les reconstructions prothétiques sont très souvent indispensables.Elles sont envisagées naturellement pour compléter les arcadesédentées, mais aussi en remplacement d’anciennes prothèsesinadaptées et/ou pour compenser une perte de la dimensionverticale d’occlusion. Là aussi, la thérapeutique occlusale estrarement utilisée seule. Elle peut être utilisée en association avecdes coronoplasties et/ou des meulages occlusaux ou bien avec untraitement orthodontique. Elle peut faire appel à des techniquesimplantaires.La restauration prothétique est bien entendu précédée d’une analyseocclusale clinique et d’une analyse occlusale sur articulateur, de la

mise en place d’une gouttière occlusale de relaxation musculaire etdes éliminations des interférences par meulages sélectifs.

Dans le cas de réalisation de prothèses conjointes, il convient depasser par la réalisation d’une prothèse transitoire qui, entre autres,permet le contrôle de la fonction occlusale et permet d’apporter uneconfirmation des hypothèses thérapeutiques. Cette prothèsetransitoire est réalisée selon la technique décrite par Colin (1989),qui comprend un montage sur articulateur, une réalisation de lamaquette en cire ajoutée (wax up), la confection de la gouttièrethermoformée et enfin la réalisation de la prothèse transitoire enbouche. Dans le cas des prothèses adjointes, on envisage là aussi leport d’une prothèse transitoire, de préférence selon la méthode deTench.

Il convient de redonner une dimension verticale d’occlusion ou dela modifier si elle avait été perturbée par une prothèse antérieure.La diminution de cette dimension est d’ailleurs beaucoup plusfréquente que son augmentation (iatrogène). Pour redonner cettedimension, de nombreux auteurs ont décrit des techniquesutilisables lorsque l’on peut réaliser des examens avant lesextractions dentaires ou lorsque l’on peut disposer de documentsréalisés avant que les extractions n’aient été faites : mesure de ladistance entre deux points tatoués au niveau de la gencive attachéede l’espace interradiculaire canine-incisive latérale (Silvermann) ;enregistrement du profil sur une téléradiographie (Crabtree) ou surun document photographique (Wright) ; masque en résine

V L L

41 Ajustement occlusal (d’après Abjean et Latino).A. Remodelage d’une facette d’usure située sur une cuspide support.B. Remodelage d’une facette d’usure située près d’une fosse.C. Élimination d’un contact prématuré (sur 24).D. Régularisation de la courbe de Spee (élimination d’un contact prématuré sur35).E. Régularisation de la courbe de Wilson (élimination d’un contact prématuré sur46).V côté vestibulaire, L côté lingual.

*A *B *C *D *E

*F *G *H *I

*J *K

F. Correction des interférences de déviation vers la joue.G. Correction des interférences de déviation vers la langue.H. Correction des interférences en latéralité non travaillante.I. Correction des interférences en latéralité travaillante.J. Élimination des interférences en protrusion.K. Harmonisation du guidage antérieur (meulage des surfaces linguales des incisivesmaxillaires ou des surfaces vestibulaires des incisives mandibulaires sans réduire lesbutées occlusales).

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(Swenson)… Lorsqu’on ne dispose pas de documents pré-extractionnels, la détermination de cette dimension devient plusdélicate. Elle est alors :

– ou relativement empirique et opérateur-dépendante : recherche dela dimension verticale d’occlusion (DVO) préférée du patient enutilisant son sens tactile (Orifino et Héraud) à l’aide de calesmicrométriques ; détermination de la hauteur à l’aide de ladéglutition en utilisant des cônes de cire au niveau de certainesdents (Shanahan, Buchman), qui doivent être écrasés lors de ladéglutition ; appréciation de la régularité du trajet du cartilagethyroïde lors de la déglutition (Malson) ;– ou fondée sur des données statistiques anthropométriques dont ilconvient naturellement de relativiser la valeur pour un casparticulier : il existe différentes règles de proportions classiques(Sigaud, Willis, Landa, Mc Gee, Boyanov, Appenrodt) oucéphalométriques (57 % de la hauteur faciale totale) ; certainsauteurs cherchent à évaluer la DVO par l’intermédiaire de ladimension verticale de repos (soit critères esthétiques,photographiques ou téléradiographiques, soit méthodes de« relaxation » ou méthodes cinématographiques) ou de la dimensionverticale phonétique (Silverman, Pound, Klein, Pouysségur).La prothèse provisoire est testée en bouche pendant 3 à 6 mois. Lamise en place de la restauration définitive est effectuée par secteurd’arcade, en remplaçant successivement les prothèses provisoires,selon la séquence [34] : restauration du secteur incisif mandibulaire ;restauration du secteur postérieur mandibulaire ; restauration dusecteur postérieur maxillaire ; restauration du secteur incisifmaxillaire.

• Traitement orthodontiqueL’immense majorité des cas devrait relever dans l’absolu d’untraitement orthodontique. Ce traitement orthodontique peut êtreconçu soit seul, soit associé naturellement à une thérapeutiqueprothétique. Il existe parfois des indications implantairespréorthodontiques pour constituer un point d’ancrage postérieurpour l’orthodontie, implant qui sert éventuellement également plustard pour la prothèse.Pratiquement toutes les malocclusions devraient être traitées parcette technique, en particulier celles qui entraînent des anomaliesdu guidage antérieur : les béances verticales, les anomaliestransversales entraînant des interférences postérieures, lesinocclusions canines en intercuspidation entraînant des interférencesnon travaillantes et surtout le recouvrement trop important(supracclusion de classe II 2).Outre le bilan habituel préorthodontique, l’axiographie sembleindispensable. Il faut naturellement envisager des montagesprévisionnels sur articulateur pour simuler l’objectif thérapeutiquedans tous les cas.Dans le cas des dysmorphoses squelettiques, le traitement doit êtreorthodonticochirurgical et bien entendu commencer par la correctiondes compensations dentoalvéolaires qui se sont produitesspontanément ou qui, malheureusement parfois, ont été créées parun traitement orthodontique préalable qui a voulu éviter au patientune chirurgie qui était indispensable. Dans ces cas, le plan detraitement doit être établi en fonction des besoins en association avecle chirurgien et les spécialistes de prothèse.Ce traitement orthodontique n’est conduit qu’une fois la positionthérapeutique déterminée par une gouttière de libération occlusaleet (ou non) par une gouttière de repositionnement.Compte tenu de la durée du traitement orthodontique, pour pouvoirgarder la référence de la position condylienne thérapeutiquedéterminée préalablement, il faut réaliser le plus souventl’orthodontie sur gouttière par des procédés tels que celui décrit parLumbrosco (1991), c’est-à-dire réaliser un traitement orthodontiqueselon la technique segmentée (type Burstone).À la fin du traitement orthodontique, une finition par meulagesélectif est le plus souvent indispensable pour parfaire l’équilibreocclusal. Plus encore que d’autres traitements orthodontiques, lasurveillance doit être très prolongée chez ce type de patients.

• RééducationQuelle que soit l’expression clinique et l’évolutivité dudysfonctionnement mandibulaire, les contractures musculaires,habituellement unilatérales, peuvent induire à elles seulesl’ensemble des troubles rapportés par le patient : bruit masticatoire,douleur sourde, déviation de la mandibule au repos puis àl’ouverture, limitation antalgique de la mobilité mandibulairepouvant aller jusqu’au trismus.L’examen du patient, mais pas seulement de la mâchoire, permethabituellement de mettre en évidence :

– bien sûr les contractures de la musculature élévatrice d’une ourarement des deux articulations temporomandibulaires (masséter,temporal, ptérygoïdien), sans omettre l’ensemble de la musculaturede la face et de la région ;– presque toujours un état de stress au sens large musculaire oupsychologique avec les dystonies qu’habituellement il engendre ;– une irritation cervicale supérieure segmentaire et métamérique,homolatérale, C1 C2, mais surtout C2 C3, habituellement secondaireà des troubles de la statique vertébrale ;– des praxies anormales, respiratoires fréquentes (respirationbuccale exclusive), linguale, (malposition) ou de la déglutition (detype infantile) ;– des parafonctions (bruxisme, succion de pouce...).Objectifs du traitement kinésithérapique.À partir d’un bilan musculaire palpatoire et articulaire précis, quiobjective les amplitudes et déviations de la mandibule, lerééducateur doit pouvoir hiérarchiser la prise en charge du patientet avoir pour ambition :

– la levée des contractures musculaires et la symétrisation descourses condyliennes ;– la libération du rachis cervical haut, très souvent impliqué, et larelaxation tant de la face que du patient ;– à chaque fois que nécessaire, la rééducation de la statiquevertébrale, l’inhibition des dyskinésies orofaciales, la modificationdu mode respiratoire ou la rééducation de la déglutition ;– sans omettre l’accompagnement psychologique du patient tout aulong du processus rééducatif.Moyens de la kinésithérapie.

– Lutte contre les contractures musculaires.Elle relève de moyens simples, peu coûteux en matériel, mais lourdsen temps :

– la thermothérapie chaude est indispensable au début de chaqueséance, de par des effets sédatifs et décontracturants ; d’une duréede 15 à 20 minutes, notre préférence va aux coussins chauffants ;– les massages décontracturants complètent immédiatement etefficacement la thermothérapie ; ils sont complets, locaux bien sûr(exo- et endobuccaux), locorégionaux (muscles de la face et despeauciers du cou), régionaux (latérocervicaux et trapèze).

– Travail de la symétrisation articulaire de l’ouverture buccale.

– Propulsion d’abord. Sachant qu’aucune ouverture buccalesupérieure à 2 cm n’est possible sans une propulsion associée etque toute ouverture buccale est latérodéviée si la propulsion estasymétrique, il apparaît à l’évidence que le gain d’amplitude doitlaisser la priorité à la symétrisation préalable d’une antépulsionpermettant de retrouver une relation intercondylienne paire etsymétrique.Ce travail, nécessairement facilité par la relaxation musculaireinitiale, se fait en feed-back (devant miroir en station assise), seulmoyen de permettre, par la répétition des gestes, l’autocorrectionde la cinèse puis sa corticalisation. À ce stade de difficulté majeurepeuvent être rencontrés :

– l’inhibition totale de l’antépulsion active avec perte deconscience du mouvement ; le recours à des exercicesfacilitateurs (protraction de langue par exemple) permet depasser le cap ;

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– l’hypertonie des rétropulseurs de la face (houppe du menton)ou du plancher de bouche nécessite un travail préalabled’inhibition de cette musculature.

– Ouverture buccale ensuite, dans les mêmes conditions, avec lesmêmes impératifs de symétrisation. Le travail de l’ouverture buccalecomplète la séance, nécessairement associé à une propulsion, et cejusqu’à l’obtention d’une course articulaire symétrique etsatisfaisante en amplitude. À ce stade, trois erreurs doivent êtreévitées :

– évidemment le travail de l’ouverture buccale sans antépulsionau-delà de 2 cm d’ouverture, ce qui majorerait le conflit ducomplexe méniscoptérygoïdien ;

– l’augmentation des amplitudes d’ouverture sur une coursesinusoïdale ou latérodéviée, ce qui entérinerait le conflit ;

– le recours aux postures de la mandibule sur des muscles nonrelaxés, ce qui majorerait les contractures, les douleurs et bien sûrla perte d’amplitude.

– Douleurs projetées d’origine cervicaleTrès fréquemment associées dans la genèse du syndrome, larééducation du rachis cervical supérieur est le plus souventindispensable et relève de techniques traditionnelles, à la limite dusujet :

– traitement décontracturant par massages et/ou physiothérapieadaptée ;

– réharmonisation articulaire manuelle douce type traction axialeou technique myotensive ;

– autograndissement axial symétrique en fixation de la ceinturescapulaire.

– Relaxation.Les répercussions du dysfonctionnement mandibulaire sur la viesociale, familiale, professionnelle, relationnelle, communicative,conviviale, ne peuvent qu’aggraver la situation de « stress »,cofacteur toujours présent.Dès lors, la relaxation devient un complément thérapeutiqueintéressant, pouvant relever de techniques spécifiques ou toutsimplement de l’apprentissage d’une respiration naso-abdomino-diaphragmatique.

– Traitements associés.La rééducation des contractures musculaires à l’origine dudysfonctionnement mandibulaire bien souvent nécessite uncomplément thérapeutique.Celui-ci peut être :

– médicamenteux, à base essentiellement de myorelaxants,d’antalgiques, plus rarement d’anxiolytiques ;

– orthophonique souvent pour la rééducation de la déglutition ;

– et enfin kinésithérapie orthopédique du rachis chaque foisqu’un dysstatisme vertébral entretient une souffrance du rachiscervical supérieur.

– Orthophonie et rééducation de la déglutition.Indiquée dans toutes les déglutitions atypiques, la prise en chargeorthophonique a été parfaitement décrite par Deffez et al [20].

• Traitement chirurgical

De très nombreuses techniques chirurgicales ont été proposées pourtraiter les troubles discoligamentaires et les lésions osseuses dans lecadre de ces syndromes de dysfonctionnements. Elles sontenvisagées dans un autre fascicule de l’Encyclopédie médico-chirurgicale.Ont été ainsi utilisés :

– des gestes chirurgicaux sur le condyle mandibulaire à type decondylectomie, de condylotomie, de condyloplastie, de foragedécompressif ; dans ce groupe de techniques, pour nous, seuls lesgestes de régularisation de la tête condylienne consistant en la

suppression d’ostéophytes agressifs, qualifiés par certains de« condyloplastie de resurfaçage » sont utiles ;

– des gestes sur le versant glénoïdien : pour nous ces gestes n’ontpas d’indications dans ce cadre ;

– des gestes sur l’appareil discoligamentaire : repositionnementméniscal, discectomies, discoplasties, discopexies, capsulorraphie.Nous donnons la préférence au repositionnement discal suivi dediscopexie. La technique de discopexie qui a notre préférence estle renforcement des attaches postéroexternes du disque parl’intermédiaire d’un lambeau d’aponévrose temporale. Sinon, ouen cas d’échec de cette technique, nous pensons que la procédurela plus logique est la fixation du disque au condyle mandibulaire,de préférence sur sa face postérieure. Lorsque le disque estinutilisable, nous pensons qu’il convient de pratiquer unediscectomie suivie d’interposition : la technique que nous utilisonsest simplement la mise en place d’une feuille de silicone renforcéeDacront fixée à l’arcade zygomatique, sinon, ou en cas d’échec decette technique, l’utilisation d’un lambeau de temporal à pédiculeantérieur.

• Traitement « psychologique »

Où est la place du traitement « psychologique » ? Qu’est-ce qu’untraitement de ce type ? À quels patients s’adresse-t-il ? Les réponsesà ces questions sont controversées.Ce type de traitement pourrait s’adresser aux patients qui présententun bruxisme.Différents types de techniques propres à induire une « relaxation »ont été proposés au fil du temps : autohypnose de Vogt (1893),« training autogène » de Schultz (1912), « rééducation » active dutonus musculaire de Stokvis (1940), hypnose fractionnée progressivede Kretschmer (1949), « rééducation psychotonique » deAjuriaguerra (1959).En ce qui concerne les techniques de bio-feedback que certains auteurscomme Greene et Laskin [35], Dahlstrom (1984), Dalen (1986), Ash(1986) conseillent d’utiliser, les résultats sont discutés : Hutt etNeigert (1988) notent que s’il existe de bons résultats à court terme,ceux-ci s’estompent assez rapidement.

Prise en charge du patient

L’examen clinique s’intéresse donc aux différents élémentsprécédemment énumérés et comprend naturellement un examenocclusal approfondi. Les examens paracliniques comprennent unorthopantomogramme pour permettre d’évaluer grossièrementl’aspect osseux, ainsi que l’état dentaire. Des téléradiographies deface, de profil et en position de Hirtz sont pratiquement toujoursindispensables. L’examen-clé de ce dysfonctionnement est l’examenIRM des articulations temporomandibulaires.Dans l’idéal, il conviendrait de réaliser une axiographie. Il est vraique cet examen n’apporte guère d’éléments supplémentaires au plandiagnostique par rapport à l’examen clinique et à l’examen IRM,mais il a l’immense avantage de permettre de garder une traceobjective de la situation de l’appareil manducateur à un momentdonné et également l’avantage de pouvoir suivre d’une manièreobjective l’évolution et les résultats des thérapeutiques éventuelles.Le plus souvent, l’examen clinique et les examens complémentairespermettent d’affirmer le diagnostic. Parfois cependant, un doutesubsiste quant à la responsabilité d’un trouble de l’articulé dentairesur la pathologie présentée par le patient, surtout en cas de douleurserratiques non caractéristiques ou de signes qui pourraient êtreattribués à la pathologie articulaire, tels que les signes otologiques.Une attitude répandue est de considérer que « comme aucunethérapeutique n’a fait la preuve de sa supériorité, étant donnél’histoire de la maladie qui évolue cliniquement par poussées, leconsensus est qu’il est préférable de privilégier des traitements nonagressifs et réversibles ». Certains auteurs invoquent un manque desuccès des traitements « définitifs » et la baisse du taux de succès deces traitements passé un délai de 3 ou 4 ans jusqu’à 20 ou 40 %(Wedel et Carlsson en 1986, Moloney et Holuard en 1986), sans que

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soient vraiment explicités la nature et le mode de réalisation de telstraitements. D’autres soulignent l’efficacité des placebos (dans 52 %des cas pour Laskin et Greene, 1972) bien que ce taux ne semble pasdifférent de celui relevé dans d’autres pathologies.

Cette attitude est éminemment discutable, d’autant plus quel’évolution à long terme de ces dysfonctionnements est très malconnue (de Leeuw, 1996). S’il semble évident qu’il convient deprivilégier dans tous les cas des traitements non agressifs à résultatsidentiques, il semble qu’il convient en fait de privilégier lesthérapeutiques logiques et surtout les thérapeutiques étiologiques.Ce n’est que devant l’absence ou l’impossibilité de traitementétiologique que l’on doit se résoudre à une autre thérapeutique, quin’est alors que symptomatique, en rappelant que cette thérapeutiquesymptomatique ne peut éviter l’aggravation progressive del’affection.

Un des problèmes soulevés par l’assertion précédemment citée est :qu’est-ce qu’un traitement agressif ? Nous ne considérons pasqu’une normalisation de l’occlusion soit un traitement agressif. Ilnous semble qu’un traitement étiologique est toujours nécessaire,mais qu’il peut ne plus être suffisant. Au stade de lasymptomatologie purement musculaire, un traitement étiologiquebien conduit devrait toujours être suffisant. Le problème est dedéterminer quel est le traitement étiologique adapté, en particulierdans la normalisation des conditions mécaniques de fonctionnementdes articulations. Ceci n’empêche pas, au contraire, qu’il failleéliminer, ou essayer d’éliminer les parafonctions.

Dire que la maladie évolue par poussées semble un raccourcidiscutable. La maladie évolue vers une aggravation progressive,mais cette notion d’aggravation est tempérée par des phénomènesitératifs d’adaptation de l’articulation telle la discision par exemple,et de mauvaises conditions mécaniques ou physiques. L’évolutionn’est pas fondamentalement différente de celle des maladiesarthrosiques d’autres articulations. Attendre un stade évolutifavancé ne semble pas être une bonne recommandation dans lamesure où, à ce stade, des traitements étiologiques seront toujoursnécessaires mais ne seront sans doute plus suffisants, compte tenudes lésions articulaires organiques qui se seront constituées, et qu’ilfaudra alors y adjoindre des thérapeutiques qui deviendraientréellement agressives.

Il nous semble qu’il faut considérer les lésions articulaires en regardde la taille de l’articulation. Une luxation discale antérieureréductible et a fortiori irréductible sous-entend une distensionligamentaire considérable, eu égard justement à la taille de cettearticulation.

Il nous semble que l’attitude la plus logique, lorsque la pathologiearticulaire est sans rapport avec un trouble de l’articulé dentaireet/ou une parafonction, est qu’il faille naturellement se tourner versle traitement étiologique. Le traitement est habituellement médical,d’obédience rhumatologique. Cependant, un certain nombre depathologies de ce type ont induit des destructions articulaires tellesqu’un geste chirurgical à visée reconstructrice peut être envisagédans certains cas sur l’articulation.

Une pathologie articulaire rhumatologique peut être associée à untrouble de l’occlusion. Dans les cas précédemment énumérés, où lestroubles de l’occlusion sont potentiellement générateurs dedysfonctions articulaires, il nous semble qu’il est logique deproposer leur correction pour éviter que ce trouble de l’occlusion nevienne aggraver la pathologie rhumatologique elle-même. De lamême manière, lorsqu’il existe une parafonction associée, il semblelogique d’en proposer l’éradication.

Lorsqu’il s’agit d’une pathologie articulaire que l’on juge en rapportavec un trouble de l’articulé dentaire et/ou une parafonction, ondistingue trois stades :

– le stade d’une symptomatologie musculaire pure ;

– le stade d’une luxation discale antérieure ;

– le stade d’une atteinte osseuse.

• Au stade de la symptomatologie musculaire pure

Les thérapeutiques symptomatiques peuvent bien sûr être utilisées(antalgiques, décontracturants musculaires). Les parafonctionsdoivent être éradiquées (kinésithérapie, « psychothérapie », gouttièrede relaxation musculaire à port nocturne...).Pour nous, les troubles de l’occlusion doivent être corrigés à cestade. Ceci suppose leur détermination exacte, passant le plussouvent par le port d’une gouttière de relaxation musculaire.Généralement, cette gouttière est portée 24 heures sur 24 pendantun laps de temps court (de 2 à 3 mois).Le traitement occlusal doit être entrepris, même s’il sous-entend desthérapeutiques qui peuvent être qualifiées d’« agressives » oud’« irréversibles ». Ce traitement occlusal peut être suivant les casd’obédience occlusodontiste (meulages sélectifs, coronoplasties),d’obédience prothétique, d’obédience orthodontique, médico-orthodontique ou orthodonticochirurgicale (ce qui est le cas le plusfréquent), voire faisant appel à plusieurs de ces moyensconjointement ou successivement, et s’intéressant aux anomaliesdans les trois plans de l’espace.Le problème majeur est que, à ce stade de symptomatologiemusculaire pure, si les thérapeutiques symptomatiques donnenthabituellement de bons résultats, le traitement étiologique occlusalest astreignant pour le patient, surtout lorsqu’il comporte untraitement orthodontique. Ce traitement orthodontique est assez malaccepté du point de vue psychologique par les patients adultes(d’autant qu’ils ont souvent déjà eu dans l’enfance un traitementorthodontique). De plus, un obstacle majeur est représenté par lanon-prise en charge de ce traitement orthodontique (ce qui noussemble tout à fait anormal). Il est donc difficile de motiver lespatients pour envisager une telle thérapeutique à ce stade, et c’estpourtant à ce stade que les résultats seraient les meilleurs puisqueles lésions articulaires ne sont pas encore constituées. Nous sommesà ce sujet d’accord avec Farrar qui déclarait en 1985 : « Seuls les casde troubles internes pris à leur début peuvent être traités avecsuccès, de façon à ce que l’on retrouve la bonne position du disquepar occlusothérapie. »En cas d’impossibilité de réaliser ce traitement (impossibilitétechnique, ou surtout impossibilité financière ou refus du patient),le port prolongé d’une gouttière de relaxation musculaire peut êtreenvisagé en tant que pis-aller, en explicitant bien au patientl’évolution probable du trouble.

• Au stade de luxation discale antérieure

Exactement les mêmes recommandations peuvent être faites, lagouttière de relaxation musculaire est habituellement suivie d’unegouttière de repositionnement, voire d’une gouttière dedécompression en cas de luxation irréductible. Les thérapeutiquessymptomatiques peuvent être bien sûr utilisées. Les parafonctionsdoivent être éradiquées. Les troubles de l’occlusion devraient êtrecorrigés. Après un traitement étiologique bien conduit, il fautapprécier l’importance des troubles cliniques résiduels, car il estquasiment exclu, déjà à ce stade, d’observer une restitutio adintegrum de l’articulation et de ses fonctions, en raison des lésionsarticulaires déjà constituées. En fonction de l’importance destroubles résiduels, avec un recul suffisant (plusieurs mois) après letraitement étiologique, devant l’échec d’une thérapeutiquesymptomatique, on peut envisager alors de discuter avec le patientd’une indication chirurgicale sur l’articulation, à type de discopexie.Ce n’est que dans des cas particuliers qu’un geste chirurgical pourraêtre envisagé avant la réalisation d’un traitement étiologique, c’est-à-dire lorsque la symptomatologie clinique empêche la réalisationd’un traitement étiologique, donc essentiellement dans les cas delimitation d’ouverture de bouche ne cédant pas aux moyenshabituels médicaux (décontracturants musculaires, kinésithérapie,toxine botulique) ou lorsqu’il existe une symptomatologie cliniqueinvalidante incompatible avec un traitement étiologique de longuedurée accepté (orthodontie par exemple). Ce geste chirurgical dediscopexie ou de repositionnement méniscal et de discopexie doitêtre alors immédiatement suivi de la mise en place d’une plaque de

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libération occlusale, puis du traitement étiologique. Le problème decette attitude est qu’habituellement un bon résultat est obtenu à lasuite du geste chirurgical, qui fait disparaître la symptomatologiearticulaire et souvent améliore la symptomatologie douloureuse, etque les patients, devant ce bon résultat immédiat, ne poursuiventpas le traitement qui leur a été recommandé. À moyen terme, onaboutit à une récidive de la symptomatologie.À ce stade de luxation discale antérieure, lorsqu’il existe uneluxation irréductible, on peut adopter éventuellement une attitudedifférente, considérant que si, à l’issue du traitement occlusal, ilconvient d’envisager une intervention chirurgicale pour les séquellesà type de repositionnement méniscal avec discopexie ou dediscectomie avec remplacement méniscal, on risque d’entraîner desmodifications occlusales secondaires qui peuvent perturber lerésultat et risquent d’entraîner la nécessité d’une reprise d’unethérapeutique occlusale. Dans ces cas, on peut envisager, d’unemanière systématique, de pratiquer la correction de la luxationméniscale irréductible avant le traitement étiologique. Ce n’est pasactuellement notre attitude, mais nous pensons qu’elle est égalementlogique. En effet, si l’assertion « des patients peuvent vivre avec undisque luxé sans aucune symptomatologie clinique » est vraie, il estimpossible de dire combien de temps ils pourront vivre ainsi sansque de nouvelles manifestations cliniques apparaissent. En effet, laréorganisation spontanée de la structure bilaminaire estincontestablement une réalité mais, sur une longue durée, il sembleque ce « néodisque » subisse une dégradation (perforationessentiellement), et il est très ambitieux de prétendre que cenéodisque possède les mêmes qualités que le disque lui-même.L’adoption d’une telle attitude rend naturellement les indicationschirurgicales beaucoup plus fréquentes.

• Au stade de l’atteinte osseuse

Les mêmes propositions que dans le paragraphe précédent sediscutent, en connaissant les limites des diverses thérapeutiques etsans espérer un résultat parfait.Dans les cas d’ostéophytose, de déformation majeure de la têtecondylienne, des techniques chirurgicales complémentaires de typesuppression d’ostéophytes agressifs, voire prothèse articulaire,peuvent être exceptionnellement discutées devant des signescliniques très invalidants. Lorsque s’y associe une perforationméniscale, on peut discuter d’une exceptionnelle réparationméniscale, mais plus habituellement d’une discectomie avecremplacement du disque. Ces gestes chirurgicaux sur les lésionsosseuses nous semblent, là aussi, devoir être effectués seulementaprès une normalisation occlusale.Il faut signaler les recommandations émises par le groupe de travailde l’Agence nationale pour le développement de l’évaluationmédicale (Buyle-Bodin, 1996), même si elles semblent relativementdécevantes et ne traduire que des évidences, ce qui probablementreflète d’une part la difficulté d’arriver à un consensus au sein d’ungroupe pluridisciplinaire, et d’autre part la grande hétérogénéité despatients [96].

– Recommandation n° 1.L’entretien spécifique doit permettre d’obtenir des informationsprécises sur : le motif de consultation et les attentes éventuelles dupatient, la douleur et ses caractéristiques, les symptômesdysfonctionnels (bruits articulaires, dyskinésies, restrictionsfonctionnelles, troubles de la sensibilité), l’état général, lespathologies associées, les éventuelles prises de médicaments, lesconditions psychosociales et comportementales, l’historique dentaireet les résultats d’examens ou traitements précédents.

– Recommandation n° 2.L’examen clinique doit comporter : un examen systématique de lamusculature masticatrice et environnante, un examen systématiquedes composantes de la cinématique mandibulaire et un bilandentaire clinique anatomique, occlusal et parodontal. L’examenclinique doit être complété par un examen radiologiquepanoramique, permettant la visualisation nette des structuresdentaires, osseuses et articulaires dans leur intégralité.

– Recommandation n° 3.L’imagerie spécifique des articulations temporomandibulaires nesera envisagée comme élément de confirmation diagnostique quedans l’hypothèse de l’existence d’une lésion anatomique susceptibled’expliquer la symptomatologie clinique (phénomènes dégénératifs,traumatiques ou désunion condylodiscale). Le libellé de laprescription devra préciser l’hypothèse diagnostique, la nature de latechnique d’imagerie à utiliser, le ou les côtés ainsi qu’unedescription précise de la ou des positions mandibulaires à explorer.

– Recommandation n° 4.À ce niveau de l’examen, une analyse occlusale sur articulateur estsouvent nécessaire.

– Recommandation n° 5.Un enregistrement graphique de la cinématique mandibulaire peutêtre requis selon les cas.

– Recommandation n° 6.La valeur diagnostique des tests dits kinésiologiques, énergétiques,ostéopathiques ou posturaux n’a pas reçu à ce jour de validationscientifique.Dans le cadre de la pathologie dysfonctionelle de l’articulationtemporomandibulaire, nous nous permettons de suggérer lesrecommandations suivantes :

– l’examen clinique suffit pour faire le diagnostic d’un dérangementinterne de l’articulation temporomandibulaire ;

– le bilan de départ d’une luxation condyloméniscale comprend :un examen clinique de la denture avec recherche d’une anomalieintra-arcade, recherche de contacts dentaires anormaux lors desdifférents mouvements mandibulaires et étude des rapportsstatiques et cinétiques entre les deux arcades dans les trois plans del’espace, un panoramique dentaire, un examen IRM des articulationstemporomandibulaires et une étude des modèles en plâtre ;

– il convient de privilégier le traitement étiologique par rapport autraitement symptomatique ;

– lorsqu’une réhabilitation occlusale doit avoir lieu, il convientd’effectuer un choix justifié parmi les différents moyensthérapeutiques : meulages sélectifs, coronoplasties, prothèses,orthodontie, orthopédie, chirurgie orthognathique aprèsdétermination de la position mandibulaire asymptomatique à l’aided’une gouttière de relaxation musculaire et/ou d’une gouttière derepositionnement ;

– les traitements chirurgicaux (ou arthroscopiques) articulaires nedoivent être envisagés qu’une fois une normalisation occlusaleeffectuée ou dans le cadre d’une prise en charge thérapeutiquecomprenant une normalisation occlusale ;

– l’évolution des syndromes de dysfonctionnement de l’appareilmanducateur doit être contrôlée à plusieurs reprises sur denombreuses années ;

– les critères d’évaluation sont : les signes fonctionnels, les signesphysiques et le retentissement éventuel sur la viesocioprofessionnelle et familiale du patient.Il semble qu’il soit souhaitable d’envisager de mettre sur pied devéritables études cliniques scientifiques sur les résultats desdifférentes modalités de prise en charge avec une vision à long terme(30 ans). Il serait sans doute souhaitable de favoriser l’apparition,ou de permettre le développement, d’équipes véritablementpluridisciplinaires pour la prise en charge de ces pathologies afind’apprécier le résultat de ce type de prise en charge.

¶ Luxation condylodiscale postérieure

Elle est rare (Bellot [9]), contrairement à l’opinion d’Obwegeser etAarnes (1973). Aucun cas n’a été découvert chez des sujetsasymptomatiques (Westesson, 1998).Pour Bellot, le déplacement discal postérieur peut être « réductible »(le disque peut venir se remettre en bonne position par rapport aucondyle au cours des mouvements mandibulaires) ou

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« irréductible » dans le cas contraire. Dans le déplacement discalpostérieur réductible, le disque est situé en arrière du condyle enbouche fermée, le bourrelet postérieur étant à moins de 11 heuresd’une horloge dont le centre serait le centre du condylemandibulaire et dont midi serait représenté par le sommet ducondyle. Au cours de l’ouverture buccale, le disque reprend sa placeau-dessus du condyle. En cas de déplacement permanent, le disquereste en position postérieure en bouche fermée et en boucheouverte : soit il y a désunion totale entre le condyle et le disque(formes traumatiques ?), soit disque et condyle restent partiellementunis.La pathogénie en est inconnue ; une origine traumatique(éventuellement par ouverture buccale forcée) est le plus souventinvoquée (Blankestijn, 1985) : hématome intra-articulaire, adhérencestemporodiscales de nature dégénérative. Un facteur d’hyperlaxitéligamentaire pourrait intervenir. Selon Honda (1994), une béanceincisive et des anomalies du guide incisif favoriseraient cesluxations.Elle se traduit cliniquement par la survenue brutale d’une béancemolaire unilatérale avec une sensation de corps étranger intra-articulaire, habituellement sans épisodes douloureux (à l’occasiond’une ouverture buccale forcée ou exagérée, ou en post-traumatique). L’ouverture de bouche est légèrement limitée. Lesbruits articulaires ne sont pas caractéristiques. L’examen IRM vamontrer la position rétrocondyienne du disque luxé. Le bourreletpostérieur est situé en arrière d’une ligne verticale passant par lesommet du condyle mandibulaire.Il n’y a pas de consensus thérapeutique. Un traitement« conservateur » est conseillé en première intention : réduction de laluxation sous anesthésie locale (Blankesjin, 1985), myorelaxants etantalgiques (Paty, 1990), gouttière occlusale et tractions élastiquesintermaxillaires (Honda, 1994). Un repositionnement chirurgicalpeut être fait en cas d’échec (Gallagher [32]).

LUXATION CONDYLOGLÉNOÏDIENNE

Les luxations condyloglénoïdiennes traduisent une véritableluxation anatomique, la tête du condyle sortant des limitesanatomiques de l’articulation, dépassant le sommet du tuberculezygomatique et se luxant en avant de celui-ci.Il est classique d’en distinguer deux types : les luxations « bloquées »et les luxations récidivantes.

¶ Luxations « bloquées »La luxation « bloquée » est l’accident classique qui survientbrutalement : au cours d’un bâillement, d’une ouverture buccaleforcée, surviennent une douleur et un craquement avec uneimpossibilité de refermer la bouche (fig 42).Ces luxations nécessitent naturellement une réduction qui doit sefaire précocement. Lorsque le patient est vu dans les minutes ou les

heures qui suivent la luxation, on peut réussir une réductionmanuelle sans anesthésie. Cette réduction se fait par la classiquemanœuvre de Nélaton (fig 43) qui réussit dans 90 % des cas aumoins. Il suffit de placer ses pouces dans la cavité buccale au niveaudes cuspides molaires des deux hémiarcades inférieures, les autresdoigts extrabuccaux empoignant les branches horizontales desmaxillaires. Le premier temps est naturellement un mouvementd’abaissement qui aggrave la béance et qui permet de mettre la têtecondylienne à hauteur du tubercule zygomatique, le secondmouvement est un mouvement de rétropulsion en maintenantl’abaissement de la branche montante, pour replacer la tête ducondyle dans sa glène.Lorsque cette manœuvre échoue, il ne convient pas d’aller au-delàde deux ou trois tentatives. On peut, comme conseillé classiquement(Dupuis), réaliser du côté de la luxation ou des deux côtés uneanesthésie régionale du nerf dentaire au niveau du trou ovale, oubien un attouchement par voie nasale du ganglion sphénopalatin,mais habituellement, après échec de la manœuvre manuelle, cetteréduction est effectuée sous anesthésie générale avec curarisation. Ilest tout à fait exceptionnel que, sous anesthésie générale, il soitimpossible de réduire la luxation condyloglénoïdienne, sauf si ledélai écoulé depuis la luxation a été très long (plus de 3 à 4 jours),ce qui actuellement ne se rencontre pratiquement plus.Devant un tel cas de figure, il faudrait alors envisager un traitementchirurgical, sous anesthésie générale (Gottlieb, 1952 ; Adekeye, 1976 ;Mizuno, 1980 ; Riquet-Bricard, 1994). Parfois, il suffit de réaliser unabord sous-angulomandibulaire limité pour aborder l’anglemandibulaire qui est dégagé en sous-périosté. Un orifice y est foré àla fraise, ce qui permet de passer un fil d’acier, d’exercer une tractionvers le bas et d’abaisser la tête du condyle de manière plus aiséeque dans la classique manœuvre de Nélaton. Ceci permet de réduirela luxation. En cas d’échec de cette technique, on peut envisagerl’abord chirurgical de l’articulation par une voie d’abordpréauriculaire classique ; la tête articulaire absente de la cavitéglénoïde est recherchée au-delà du tubercule articulaire et réduiteen s’aidant de manœuvres instrumentales, en effectuant desmouvements de levier à l’aide de rugine. Il faut bien entenduessayer d’éviter de léser les surfaces articulaires de la cavité glénoïdeet veiller à ne pas provoquer une fracture du col du condyle.Il est classique de dire que dans ces cas exceptionnels se pose leproblème de la conduite à tenir vis-à-vis du disque articulaire. Il estévident que cette luxation antérieure condylienne crée des dégâtsligamentocapsulaires importants. Le disque est parfois resté dans lacavité articulaire, perdant ses relations normales avec la têtecondylienne. S’il a gardé par ailleurs ses attaches antérieures etpostérieures, on peut se contenter de le refixer lors de la fermeturede l’arthrotomie au plan externe de la capsule. Le plus souvent, ledisque a suivi la tête condylienne, et il faut essayer de lerepositionner sur la tête condylienne réduite et d’assurer unamarrage postérieur, soit par une réparation de cette rupture de sonattache postérieure, soit par une discopexie à l’aide d’une bandeletted’aponévrose temporale, ou encore en fixant le disque à la tête ducondyle. Si ce disque est dilacéré, on doit envisager une discectomie,suivie de la mise en place d’une interposition.

42 Luxation condyloglénoïdienne « bloquée ». D : droite ; G : gauche.

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43 Manœuvre de Nélaton (d’après Ro-zencweig [77]).

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Dans les cas habituels, la réduction manuelle de la luxation estsuivie par la mise en place d’une fronde mentonnière visant à limiterles mouvements d’ouverture pendant quelques jours, puis desconseils alimentaires sont donnés au patient pour éviter une récidivede la luxation pendant la période de cicatrisation des lésionsligamentocapsulaires. Un bilan étiologique doit être fait à larecherche de causes favorisantes de cette luxation (cf infra), qui sedoivent d’être habituellement traitées.

¶ Luxations récidivantes

Les luxations « bloquées » de l’articulation temporomandibulaire,même correctement réduites et suivies d’une immobilisationsuffisamment prolongée, peuvent récidiver. Les premières récidivespeuvent nécessiter de nouvelles manœuvres de réduction, soitmanuelle, soit sous anesthésie générale, mais au fil du temps et aufil des récidives, ces luxations deviennent de plus en plus faciles àréduire, mais aussi de plus en plus fréquentes (fig 44).Elles peuvent constituer une véritable infirmité, même quand lepatient arrive à réduire lui-même sa luxation. Tôt ou tard, larépétition de ces épisodes de blocage fait envisager un traitement,qui doit être précédé d’un bilan à la recherche d’une éventuelleétiologie. Il ne semble cependant pas, curieusement, que cesluxations condyloglénoïdiennes soient un facteur favorisant lasurvenue d’arthrose [22].La luxation condyloglénoïdienne est permise par une distension ouune hyperlaxité des structures ligamentocapsulaires. Il y a d’ailleurscorrélation entre luxation condyloglénoïdienne et luxationcondylodiscale [75]. Cette distension ligamentaire peut rentrer dansle cadre d’une hyperlaxité ligamentaire localisée ou généralisée àl’ensemble des articulations. Elle peut également être la conséquenced’un dysfonctionnement articulaire induit par un trouble occlusal.Le bilan étiologique et le traitement s’orientent donc dans ces deuxdirections.

– Dans les cas de trouble occlusal (essentiellement perte de hauteurpostérieure ou absence de guide incisif avec proglissement declasse II 1 selon Gola [34]), celui-ci se doit d’être corrigé avant toutgeste chirurgical éventuel s’adressant à la prévention de la luxation.Ce traitement occlusal passe d’abord par sa détermination et biensouvent par le port d’une gouttière de relaxation musculaire (cfsupra). Une fois le trouble occlusal traité par un moyen adéquat(meulages sélectifs ou coronoplasties, traitement orthodontique,réfection ou traitement prothétique, traitement chirurgico-orthodontique), on n’observe plus habituellement de récidive de cesluxations. Si malgré le traitement occlusal la luxation récidivantepersiste, il est alors envisagé un geste chirurgical visant à limiter lacourse condylienne.

– L’hyperlaxité ligamentaire, qui est une anomalie relativementfréquente puisqu’elle touche 7 % de la population, entre dans lecadre des syndromes d’Ehlers-Danlos ou des syndromes de Marfan.Il y a, d’après Harinstein [38] et Westling [97] une corrélation entrepathologie articulaire et hyperlaxité systémique. On distingue deshyperlaxités ligamentaires isolées et des syndromes complexes, oùla dysplasie touche également la peau et les viscères. La plupart deces affections sont héréditaires (autosomiques dominantes) et liées àdes troubles structuraux du collagène ou de ses précurseurs. Lessyndromes d’Ehlers-Danlos constituent un groupe hétérogèned’anomalies du tissu conjonctif caractérisées par une hyperlaxitéarticulaire, une extensibilité cutanée et une fragilité tissulaire. Lediagnostic d’hyperlaxité articulaire repose sur l’étude desamplitudes articulaires et la codification des résultats, d’après laclassification de Beighton (1988). Un score de cinq points permetd’assurer le diagnostic :

– possibilité d’extension à 90° du médius ou de l’annulaire parrapport au plan du dos de la main (un point par côté) ;

– possibilité de toucher l’avant-bras avec le pouce en fléchissantle poignet (un point par côté) ;

– possibilité d’hyperextension du coude supérieure à 10° (unpoint par côté) ;

– possibilité d’hyperextension du genou supérieure à 10° (unpoint par côté) ;

– possibilité de fléchir le tronc en avant de façon à toucher le soldes mains à plat (un point).

– Dans ces cas d’hyperlaxité ou dans les cas de luxation persistanteaprès traitement occlusal, si les manifestations cliniques sontinvalidantes, on propose un geste chirurgical. Les techniquesproposées sont envisagées dans un autre fascicule de l’Encyclopédiemédico-chirurgicale.

Le geste chirurgical qui nous semble le plus satisfaisant est lamise en place d’une butée en titane préfabriquée de type Aubry-Palfer, encastrée dans une saillie verticale juste en avant dutubercule antérieur du zygomatique et fixée à l’arcadezygomatique, ou l’augmentation de hauteur du tuberculezygomatique selon une technique chirurgicale de typeNorman [72]. Les interventions de type Myrhaug [70] (suppressiondu condyle temporal) semblent devoir être réservées aux patientsâgés, car il ne nous semble pas logique de pérenniser une sortiede la tête condylienne hors de sa cavité articulaire en raison d’unretentissement à long terme potentiellement préjudiciable chezdes personnes jeunes.

44 Luxation condyloglénoïdienne récidivante.

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23-446-D-10 Pathologie non traumatique de l’articulation temporomandibulaire Odontologie

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