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Page 1 sur 161 L’artiste entrepreneur en coopérative : Analyse d’un accompagnement de ses choix de gestion Certificat de dirigeant de coopérative, Option CAE promo 3 Année 2007/2009 Tuteur mémoire : Michel RONZY Sous la direction de Jean-François DRAPERI Jury : J-F DRAPERI, M. RONZY, A. PERSINE, C. VANDERNOTTE

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L’artiste entrepreneur en coopérative :

Analyse d’un accompagnement

de ses choix de gestion

Certificat de dirigeant de coopérative,

Option CAE promo 3 – Année 2007/2009

Tuteur mémoire : Michel RONZY

Sous la direction de Jean-François DRAPERI

Jury : J-F DRAPERI, M. RONZY, A. PERSINE,

C. VANDERNOTTE

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« Pour démocratiser le pouvoir,

il faut socialiser le savoir »

Don José Maria Arizmendiarrieta

(Coopérative Mondragon)

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Remerciements

Sincères remerciements coopératifs à toutes les personnes qui ont contribués de près ou de

loin à la réalisation de ce mémoire ;

Aux intervenants du CNAM, pour avoir aussi souvent élevés les débats ;

Particulièrement à Anne Persine et Jean-François Draperi, qui ont su patienter jusqu’à la

finalisation de ce mémoire ;

A Michel Ronzy, pour ses conseils avisés et le temps qu’il m’a consacré ;

A Stéphane Bossuet, qui m’a permis de vivre cette aventure hors du commun ;

Aux artistes de la coopérative Artenréel, qui se sont prêtés au jeu des entretiens, ils se

reconnaîtront ;

Aux camarades de la promotion 3 du Diplôme de Dirigeant de Coopératives - Option CAE –

CNAM, pour les merveilleux souvenirs ; notamment le Queyras et le Familistère de Guise ;

A ma Céline, pour son soutien et pour la remercier d’accepter mes absences ;

A mon Jules, pour le bonheur qu’il a mis dans ma vie.

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Sommaire

Remerciements ..................................................................................................................... 2

Sommaire .............................................................................................................................. 4

Introduction ........................................................................................................................... 7

Repères sociologiques sur la prise de décision .................................................................16

Hypothèse ........................................................................................................................19

I. Artenréel et ses artistes entrepreneurs ..............................................................................23

A. Approche juridique ........................................................................................................23

1) Artenréel est une CAE ...............................................................................................23

2) Artenréel est une SCOP ............................................................................................24

3) La CAE, une SCOP particulière ................................................................................26

B. Approche socioéconomique .........................................................................................26

1) Les coopérateurs ...................................................................................................27

2) L’organisation opérationnelle : les salariés .............................................................31

C. Première CAE des métiers artistiques et culturels ........................................................34

1) Caractéristiques générales et problématiques des professions artistiques .............34

2) Une réponse pour les artistes .................................................................................38

D. Les artistes d’Artenréel .................................................................................................39

1) Monographie .............................................................................................................39

2) Données économiques ..............................................................................................43

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II. Du parcours de l’entrepreneur au dispositif de gestion .....................................................46

A. Propos introductif : modèles économiques et paramètres de gestion .......................46

1) Le modèle économique de l’entrepreneur salarié ...................................................46

2) Le modèle économique de la structure d’accompagnement ...................................48

3) Le modèle économique de la CAE .........................................................................50

4) Paramètres de gestion liés à la CAE ......................................................................51

B. Le dispositif et les choix de gestion ............................................................................54

III. Méthodologie d’accompagnement des choix de gestion ..................................................63

A) La définition du niveau de rémunération ....................................................................63

B) La gestion du bénéfice de l’entrepreneur, entre enjeu individuel et collectif ...............63

C) Les possibilités d’utilisation du bénéfice d’activité ................................................... 866

D). Du bénéfice de l’entrepreneur au bénéfice de la coopérative .................................91

1) La constitution du bénéfice collectif ........................................................................91

2) Le traitement des bénéfices en SCOP....................................................................92

IV. Analyses et observations ................................................................................................98

A. Les déterminants des choix de gestion ......................................................................99

B. Le rôle de l’accompagnement .................................................................................. 102

C. La rationalisation du bénéfice des entrepreneurs ................................................. 103

D. Le bénéfice de la coopérative, levier de solidarité et de richesse collective .......... 112

1) La répartition du bénéfice mise en œuvre au sein d’Artenréel .............................. 113

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2) La part travail : la participation comme acte de solidarité...................................... 115

3) Critique de l’accord de participation d’Artenréel .................................................... 117

4) Les réserves impartageables, symboles de richesse collective ............................ 118

E. Synthèse réflexive ................................................................................................... 120

Conclusion : la richesse collective comme acte de coopération économique ..................... 124

Bibliographie rationnelle ..................................................................................................... 128

Grille d’entretien ................................................................................................................. 130

Annexes ............................................................................................................................. 132

4ème de couverture .............................................................................................................. 161

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Introduction

Dans les années 2000, après des études dans les domaines de la comptabilité et de la

finance, ma première aventure professionnelle m’amène dans l’univers des cabinets

d’expertise comptable. Ces quelques années en tant que collaborateur comptable m’ont

appris la rigueur comptable, le sens et l’importance de cette discipline1 au service de la

décision de gestion. Les indicateurs comptables sont indispensables à la conduite d’une

entreprise, à l’analyse économique et financière : ils éclairent les décisions qui doivent être

prises et permettent la gestion de l’organisation afin de tendre vers la réalisation des

objectifs préalablement fixés. La décision finale appartient toujours à l’entrepreneur mais

nombre d’entres eux sont attentifs et à l’écoute de l’expert en gestion qui leur fait par de ses

analyses et préconisations. Par conséquent, j’ai pris conscience de l’importance du rôle de

conseiller, celui qui accompagne, et l’influence qu’il peut avoir. Cette posture suppose une

forte capacité d’adaptation aux situations et surtout aux personnes accompagnées, afin de

leur rendre intelligible le discours qu’on tient : il faut aisément savoir passer d’un jargon

d’expertise avec les responsables administratifs de grandes entreprises à un argumentaire

démonstratif, plus accessible et orienté sur la pédagogie lorsque l’on s’entretien avec un

entrepreneur individuel néophyte.

L’expérience fut riche mais insatisfaisante : l’univers des cabinets comptables manquait de

couleurs, mettant sur un piédestal l’expert, celui qui sait et qui est payé cher pour cela. La

course à l’objectif de chiffres d’affaires, aux honoraires à facturer, sur lesquels sont indexés

les rémunérations, faisait régner une ambiance de travail lourde, pesante et trop stricte… qui

ne me convenait pas. J’en étais à m’interroger sur le sens de mon travail quand j’ai trouvé un

compromis qui m’est apparu intéressant : utiliser les techniques ou outils des sciences de

gestion et mettre mes compétences au service du domaine culturel, qui m’attirait depuis

toujours. Cet intérêt s’était depuis ma jeune enfance matérialisé par la passion de la lecture

et de la musique mais aussi par un véritable penchant pour l’histoire des hommes et son

impact sur le monde. L’émancipation par la culture me semble être une voie que l’humanité

doive suivre. L’émotion procurée par une œuvre ou par la lecture d’un texte est bien plus

forte que l’analyse des chiffres. J’ai alors orienté mes recherches d’emploi dans cette

direction et postulé auprès de divers lieux culturels : cinémas, bibliothèques, lieux de

1 La comptabilité est « une technique de mesure qui constate, enregistre et mémorise l’activité

économique, privé ou public, ou de la nation. Elle est destinée à servir d’instrument d’information à l’agent lui-même, ou au public, en vue soit de répondre à l’obligation légale et fiscale, soit de l’analyse de la gestion et de la prévision ». Lexique de gestion ; Alain-Charles Martinet, Ahmed Silem (dir.), 7ème édition, Dalloz 2005. p.115-116

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diffusions de spectacles vivants… J’ai eu la chance d’être employé en 2003 au Théâtre

Jeune Public de Strasbourg, Centre Dramatique National Jeune Public dont la pierre

angulaire est la pratique de la marionnette. Cette expérience a répondu pleinement à mes

attentes et m’a permis d’allier la pratique de mon métier à une certaine recherche de sens,

une finalité artistique en cohérence avec mes aspirations. Bien sûr l’activité de gestion

demeurait la même mais en s’en trouvait étoffée par d’autres dimensions : la richesse des

rapports humains, la finalité créative et l’implication dans le projet artistique du théâtre, de

l’accueil du public à celui des artistes, en passant par l’organisation et l’effervescence d’un

festival… Exactement l’explosion de couleur que je recherchais.

Cette première approche du secteur culturel m’a permis d’identifier certaines de ses

caractéristiques : régime de l’intermittence -alors en pleine crise-, financements de la

création, précarité de l’artiste, importance des échanges artistiques qui nourrissent la

création, importance du réseau professionnel accélérateur de carrières… Ces nombreuses

particularités m’ont amené à me questionner, à m’interroger sur le fonctionnement des

filières artistiques. Je n’en percevais que les contours, les parties visibles, incapable alors

d’en mesurer l’étendue ou d’en comprendre les enjeux. Comme souvent, la destinée des

« meilleures choses est d’avoir une fin » : malheureusement, ce fut bien le cas cette

expérience théâtrale : je n’étais que de passage, en remplacement d’une salariée absente

pour motif de congé maternité. Quoi qu’il en soit, une opportunité m’a permis de m’engager

dans une nouvelle aventure. Les rencontres nées de cette année au théâtre m’ont conduit en

2004 à l’OGACA2. Cette agence conseil spécialisée propose aux acteurs relevant du champ

culturel une large palette de services : création d’entreprise, formations, conseils, audits….

Sa mission est d’accompagner les artistes et les structures culturelles, de contribuer à leur

professionnalisation et d’apporter des éléments de réflexion aux tensions rencontrées par le

secteur. A cet effet, elle développe notamment des missions d’ingénierie culturelle pour le

compte de personnes morales de droit public et/ou privé. J’allais pouvoir étudier au plus près

les problématiques du secteur, dont j’avais entraperçu les contours au Théâtre Jeune Public.

Au sein de l’OGACA, de nombreuses réflexions portant sur les différentes sphères du

secteur culturel étaient en cours, notamment autour de l’emploi culturel. Stéphane Bossuet,

alors Directeur Adjoint et Responsable du service Etudes, finalisait un travail portant sur les

nouvelles organisations du travail dans le secteur culturel. Cette étude des formes les plus

récentes de l’entrepreneuriat, telles que les groupements d’employeurs, les sociétés de

portage ou les couveuses, l’ont amené à imaginer pour les artistes, une transposition du

concept de Coopératives d’Activités et d’Emploi (CAE) en l’adaptant aux particularités du

2 Organisme de Gestion des Associations Culturelles d’Alsace

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secteur culturel. La proposition des Coopératives d’Activités et d’Emploi, concept

d’entreprises coopératives d’accompagnement à la création d’activités, est résumée ainsi par

son réseau fondateur, le réseau Coopérer pour entreprendre : « plutôt que de créer sa

propre entreprise, il s’agit de créer son emploi salarié dans une entreprise coopérative que

l'on partage avec d’autres entrepreneurs, ayant des compétences et des projets très

divers ». Une présentation du concept de CAE, qui s’appuie largement sur les documents

officiels du réseau Coopérer pour entreprendre, se trouve dans le corps du mémoire.

L’esprit de développeur de Stéphane avait besoin d’un esprit gestionnaire capable de

structurer le développement d’un tel projet ; il m’a alors proposé de m’associer à ce

développement. L’innovation qui semblait émaner de ce projet a immédiatement suscité mon

attention. Tout semblait possible : l’invention, l’expérimentation, la création de quelque chose

de nouveau et de différent. Certes, un tel projet suppose une prise de risques : risque

d’échouer, risque de se mettre en jeu, risque d’atteindre ses limites… Mais le risque peut

aussi se voir comme un défi, celui de réussir ; c’est cette dimension qui m’a alors animé.

Nous avons ainsi crée, fin 2004, la Coopérative d’Activités et d’Emploi des métiers

artistiques et culturels Artenréel. Et le risque en valait la peine tant le développement de ce

projet m’a amené à me dépasser et à acquérir de nouvelles compétences, délaissant

aujourd’hui mes savoirs-faires premiers de comptable au profit d’une approche plus globale

de direction d’une entreprise coopérative. Une étape clé de cet épanouissement a été ma

participation à la formation proposée par le CNAM, Dirigeant de coopérative – Option CAE,

suivie entre 2007 et 2009, dans laquelle s’inscrit ce travail de mémoire. Cette formation m’a

apporté une ouverture d’esprit, une connaissance renforcée de l’Economie Sociale et

Solidaire (ESS)3, à travers son histoire, ses origines, son évolution, son système de valeurs,

ses acteurs et ses enjeux. Ouverte aux dirigeants de CAE, la formation s’intéresse

particulièrement à la mouvance des coopératives4 et à la coopération. Pour Juliette

Tournand, la coopération représente « un acte libre d’où chacun sort libre et grandi, sans

dette l’un envers l’autre car chacun y a gagné. Chacun n’y a pas forcément gagné la même

chose, mais chacun a gagné quelque chose qui compte pour lui »5. L'action de coopérer

consiste à œuvrer à un projet commun, dans un mode d’organisation sociale permettant aux

individus ayant des intérêts communs d’agir ensemble, dans le souci de l’intérêt général.

Ces thématiques pour lesquelles j’éprouve un intérêt particulier sont centrales dans ma

pratique d’accompagnement d’artistes dans le cadre d’une CAE. La formation m’a amené de

nombreux apports et réflexions, que j’ai pu réinvestir dans mon travail, m’a permis de

3 Voir encadré : l’Economie Sociale et Solidaire

4 Pour une définition des coopératives, voir partie I. A. 2)

5 Juliette Tournand, La stratégie de la bienveillance, InterEditions, p68

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développer un intérêt pour d’autres disciplines (sociologie, management…) et m’a fait

prendre conscience de la richesse née des leurs croisements. Enfin, cette formation m’a

appris à être en posture de recherche action permanente : cette méthodologie, qui n’est pas

réservée au chercheur, s’appuie sur le praticien. Le travail intellectuel et l’expérience

pratique sur le terrain se mènent de front : la recherche s’inscrit dans l’action, mettant en

œuvre des expérimentations et produisant des transformations sociales. La recherche action

s’inscrit dans une logique de transmission et cherche à transformer les expériences

singulières en connaissances transmissibles. Jean-François Draperi6 la définit comme « la

production de savoir scientifique par l’acteur sur sa propre expérience ». Cette démarche

permet d’aiguiser son esprit critique, y compris sur ses propres pratiques, et à prendre du

recul, la distance nécessaire qui permet d’observer et questionner ce que l’on réalise. A ce

titre, le passionnant travail d’autobiographie raisonnée7, conduit par Jean-François Draperi et

hérité d’Henri Desroches, m’a permis d’identifier, et j’ose ici paraphraser ses illustres

inventeurs, mes « fils rouges, mes fils conducteurs ». Les principaux qui m’apparaissent

aujourd’hui sont : l’esprit d’entreprendre, héritage familial, et l’importance du changement, la

nécessité d’évoluer, de ne pas rester statique. Mon travail au sein d’Artenréel s’inscrit

pleinement dans ces ressorts.

6 Jean Francois Draperi, Comprendre l’économie sociale, DUNOD, p58

7 Voir encadré : L’autobiographie raisonnée

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Encadré : L’Economie Sociale et Solidaire (ESS)

Il est difficile de trouver une définition consensuelle de l’Economie Sociale et Solidaire, sans

doute parce que son sens a évolué au fil des décennies et qu’il subsiste de nombreux débats

sur la sémantique des mots sociale et solidaire. A partir de plusieurs points de vue, j’ai

essayé d’en faire une synthèse :

« Dans le contexte de l’économie libérale, l’économie sociale est née (…) au XIXe siècle

dans les pays développés sous l’influence de courants divers (chrétiens, libéraux,

socialistes…) et à l’initiative du patronat social aussi bien que du syndicalisme, (…), pour

que vivent, à côté de celles ayant pour objet la rentabilité et la rémunération du capital

investi, des initiatives économiques et sociales fondées sur d’autres principes et répondant à

d’autres finalités. C’est donc l’alliance de ces trois familles, mutuelles, coopératives,

associations gestionnaires, qui vit sous le concept « économie sociale », reconnue

officiellement par décret en 1981. L’économie solidaire est une forme émergente de

l’économie sociale, surtout axée vers les initiatives de développement local, de réinsertion et

de lutte contre l’exclusion (Définition du Conseil des Entreprises, Employeurs et

Groupements de l’Economie Sociale, CEGES).

« Les valeurs (…) fondent les principes généraux et les règles formalisées par les lois et les

statuts des diverses familles de l’économie sociale (Coopératives, Mutuelles, associations,

fondations). Les grandes valeurs qui animent l’économie sociale et cette autre façon «

d’entreprendre » sont essentiellement la solidarité, la liberté (de s’associer, d’entreprendre,

d’agir…), la responsabilité morale de la personne, la démocratie fondée elle-même sur

l’égalité et aussi la primauté du développement de l’homme et « de tout l’homme » sur toute

autre finalité, notamment celle du profit »8.

L’entreprise d’économie sociale est l’outil économique privilégié pour assurer la diversité et

la liberté d’entreprendre, elle est une réponse pertinente pour permettre aux groupes de

personnes sans grands moyens financiers de créer leur activité. Elle permet le

développement durable dans les quartiers, régions ou pays à difficultés économiques et/ou

sociales, voire politiques. Elle assure une protection efficace contre les mouvements

spéculatifs, est source de partenariats et de développement de la démocratie économique,

de soutien aux initiatives équitables et solidaires, et entend modifier les normes d’évaluation

généralement admises pour introduire la plus-value sociale et environnementale (Définition

du Conseil des Entreprises, Employeurs et Groupements de l’Economie Sociale, CEGES).

8 Maurice Parodi, Les valeurs, les principes et les règles de l’Economie Sociale traversent tous les

domaines de la gouvernance et de la gestion, Recma

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Encadré : L’autobiographie raisonnée

L’autobiographie raisonnée ou entretien autobiographique est une démarche méthodologie

de sciences sociales pensée par Henri Desroches. Elle permet à partir d’une analyse de son

parcours (activités professionnelles, éducatives, sociales, … en oubliant les dimensions

psychologiques) d’inscrire son projet dans une cohérence, de vérifier sa pertinence, son

sens et la capacité du porteur de l’idée à se mobiliser autour de ce projet. Elle consiste « à

se présenter à l’autre, à communiquer sa propre histoire, dans le but de construire sa

capacité à agir (…). C’est apprendre à considérer son parcours personnel comme un

parcours transmissible »9.

Cet exercice d’anamnèse se déroule en plusieurs temps : un entretien menée avec une

personne ressource qui guide le récit et structure une prise de note ensuite transmise à

l’orateur/personne projet. Ce dernier synthétise alors une notice de parcours puis une notice

de projet, en faisant émerger des leviers ou fils conducteurs, mis en cohérence avec le

projet. Dans une posture de formation collective, ce travail permet également de créer une

dynamique de groupe et peut donner lieu à un exercice de transmission collective de la

notice de projet, sous forme de récit devant le groupe.

Nous utilisons la démarche d’autobiographie raisonnée dans le parcours d’accompagnement

proposé par Artenréel, à l’entrée des entrepreneurs dans la coopérative. Nous parlons

volontiers du premier acte de coopération : les personnes partagent leur parcours avec

d’autres entrepreneurs, mettant en exergue expériences, points communs, comme celui

d’avoir fait le choix d’entreprendre en coopérative. L’exercice permet de découvrir la

personne sous un angle différent et moins réducteur que le traditionnel Curriculum Vitae.

9 Jean-François Draperi, Les 20 formes juridiques de l’entreprise p136, Editions du Puits Fleuri

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L’un de mes rôles au sein d’Artenréel est d’accompagner les artistes entrepreneurs à

développer leurs activités au sein de la CAE. Il s’agit de les aider à structurer leur offre de

services, à accroitre leurs activités par le développement de nouveaux marchés, à diversifier

leurs activités et à étendre leurs réseaux professionnels. Cet accompagnement au projet, au

développement d’activité est essentiel et central dans la CAE mais il ne sera ici évoqué que

de façon synthétique, le mémoire n’étant pas orienté sur cette dimension. Il se centre

davantage sur le dispositif de gestion proposé par la CAE et son appropriation par les

entrepreneurs salariés. En effet, l’une des facettes de mon intervention consiste à analyser

leur projet sous l’angle économique et financier, puis à accompagner les décisions de

gestion qu’ils seront amenés à prendre comme n’importe quel autre entrepreneur.

L’accompagnement de ces choix est qualifié dans nos CAE de rendez-vous de gestion,

d’accompagnement comptable ou de gestion, ou encore de rendez-vous de suivi

économique.

Le dispositif de gestion de la CAE Artenréel s’est construit sur le modèle proposé par

Coopérer pour entreprendre : les fondements sont identiques mais les adaptations sont

permanentes, afin d’être en phase avec les réalités rencontrées. Par ma connaissance des

mécanismes de gestion, je suis souvent l’instigateur de ces changements. Ma posture de

Responsable Administratif et Financier me permet d’agir sur la transformation du dispositif

de gestion d’Artenréel. Car le modèle économique et social de la CAE est aujourd’hui encore

inachevé et mérite d’être approfondi. En près de sept années, de nombreux dispositifs ont

été expérimentés et inventés, de nombreux outils ont été construits. Et de nombreuses

pistes d’améliorations demeurent. Mais plus que tout, c’est bien la pédagogique qui est

centrale : il s’agit de transmettre une démarche, la rendre accessible et quotidiennement

l’expliquer.

En quoi consiste cette démarche ? L’intention originelle du modèle économique d’une CAE

est d’offrir aux porteurs de projet un cadre entrepreneurial qui permet leur émancipation par

l’entrepreneuriat collectif tout en sécurisant les parcours à travers un accompagnement

professionnel et un statut de salarié. A l’heure où les pouvoirs politiques tendent à favoriser

(au sens de banaliser) l’acte de création d’entreprise, notamment à travers la récente

formule de l’auto-entreprise, l’entrepreneuriat s’inscrit dans une certaine illusion de facilité. Il

n’en demeure pas moins vrai que le créateur, bien que trouvant ses démarches simplifiées à

l’extrême, reste un entrepreneur…avec toutes les aptitudes et compétences que la conduite

d’une entreprise requiert : savoir-faire productif, vision stratégique, capacité de gestion,

qualités commerciales… La coopérative agit sur ces piliers par la mutualisation des

compétences, mises au service de la réussite de l’entrepreneur, tout en mobilisant les

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valeurs collectives de solidarité, de coopération, bien souvent absentes de la vision

entrepreneuriale classique, où le chacun pour soi et la concurrence rigoureuse sont souvent

les lignes de conduites. Pourtant, le concept de CAE peut apparaître comme complexe : tout

d’abord, il faut que la candidature de l’entrepreneur soit acceptée. Si tel est le cas, il faudra

ensuite s’acculturer à l’entreprise sociétale (par opposition à l’entreprise individuelle) et à son

fonctionnement particulier. L’utilisation du salariat comme mode de rémunération,

l’assujettissement à la TVA, la prise en charge des frais d’activités ou encore le contrôle par

la coopérative des documents (contrats commerciaux, devis, facture…) sont autant de

paramètres ou procédures qui peuvent avoir pour effet de rendre complexe la perception

d’une CAE. Et qui peuvent représenter autant de freins pour le créateur qui souhaite aller

vite et être autonome. Cette complexité, sans aller jusqu’à dire qu’elle est voulue, présente

cependant des vertus : il s’agit de s’inscrire dans le droit et de créer une forme de sécurité

dans le parcours de l’entrepreneur. Le statut de salarié et la protection sociale qui en

découle l’illustrent à merveille : par les cotisations sociales qu’il reverse, le porteur de projet

se constitue des droits au chômage lui permettant de rebondir en cas d’échec de l’activité, ce

qui n’est comparativement pas le cas d’un créateur d’entreprise individuelle.

Question de départ

Il n’est pas rare que je me demande si finalement cette construction est la bonne voie, s’il n’y

a pas plus simple. Mais la facilité va rarement dans le sens du collectif, de la construction de

richesses collectives au service de tous. Au contraire, la facilité a plutôt tendance à aller

dans la voie de l’individualisme, celle du profit immédiat et maximisé, bien plus facile à

mesurer. Certains dispositifs que nous proposons aux entrepreneurs sont complexes et

demandent du temps pour qu’ils soient compris. Mais nos quelques années d’existence font

état du chemin parcouru et nous permettent de dire qu’ils ont du sens. Le nombre croissant

d’artistes qui souhaitent rejoindre les rangs de la coopérative en témoigne. Plus important

encore, les richesses collectives mises en commun par les artistes dans un esprit coopératif

(notamment à travers l’augmentation des réserves impartageables) sont indéniablement des

témoignages de l’intérêt d’une CAE. La complexité ne semble pas être répulsive, bien au

contraire, mais elle doit pour cela être encadrée : les entrepreneurs doivent être

accompagnés dans la gestion de cette complexité. Ainsi, les tenants et aboutissants du

dispositif de gestion proposé par la CAE leurs seront rendus accessibles et ils pourront

sereinement prendre leur décisions de gestion.

Par les termes décisions ou choix de gestion, je désigne l’acte de l’entrepreneur qui met en

œuvre une action, parmi plusieurs alternatives ou possibilités : l’action qui aura un impact sur

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son activité. Tout au long du parcours en coopérative, l’entrepreneur devra effectuer une

succession de choix : du démarrage de l’activité à sa consolidation, de sa stratégie

d’investissements à l’utilisation de l’éventuel bénéfice d’activité. L’accompagnement proposé

par la CAE aide l’entrepreneur à piloter son activité économique : les actes sont en principe

« discutés » entre l’entrepreneur et le conseiller/chargé d’accompagnement de la CAE lors

des rendez-vous d’accompagnement. Mais l’entrepreneur dispose d’une réelle autonomie, il

peut aussi prendre des décisions en toute indépendance.

Face aux décisions qu’ils doivent prendre, les comportements des artistes entrepreneurs en

coopérative d’activités et d’emploi me font quotidiennement vivre de nombreuses émotions :

incompréhension parfois face à certaines postures qui peuvent paraître incohérentes,

irrationnelles mais également étonnement, tant l’altruisme de certains peut se révéler

spontané. On y trouve une diversité de raisonnements, d’actes qui conduit à une multitude

de situations, parfois imprévisibles, souvent étonnantes. L’observation de la variété, le

sentiment d’imprévisibilité et l’étonnement induit par les choix de gestion opérés semblent

traduire la pluralité des leviers de décision à l’œuvre dans la coopérative. Le parti-pris des

conseillers de la coopérative, sous couvert du dispositif de gestion de la CAE, lui-même

porteur de l’intention d’entreprendre autrement, joue peut être un rôle central, en influençant

le processus de décision.

D’ailleurs, à l’échelle « micro » de la coopérative Artenréel, il est intéressant d’observer que

les entrepreneurs de la CAE, qui initialement ne se connaissent pas, partagent et

mutualisent une même entreprise, tout en instaurant des solidarités à travers les dispositifs

et les outils de gestion que nous leur proposons. Les choix observés par la pratique

d’accompagnement quotidienne amènent à penser que l’artiste, dans l’univers particulier de

la CAE, est caractérisé par l’altruisme, sans aller jusqu’à dire qu’il s’attache à optimiser le

profit d’autrui au détriment du sien, s’attèle en tout cas à maximiser le gain de chacun, le

gain de la collectif. Les entrepreneurs ne semblent pas prendre leurs décisions de gestion

dans une optique de satisfaction de leurs besoins propres mais semblent démontrer que les

valeurs coopératives telles que la solidarité peuvent l’emporter.

L’origine de cette recherche action est née de ce constat, de nombreuses interrogations en

découlent. Quels sont les ressorts et les leviers des choix de gestion des entrepreneurs ?

Qu’est ce qui oriente, conditionne ces choix ? Comment les entrepreneurs prennent-ils leur

décision de gestion ? Qu’est ce qui, dans le contexte particulier de la CAE, influence la prise

de décision ?

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L’accompagnement et l’appartenance à la coopérative influencent-t-ils la prise de

décision de gestion des entrepreneurs salariés ?

Repères sociologiques sur la prise de décision

La prise de décision10 peut s’apparenter à une méthode de raisonnement qui s’appuie alors

sur des arguments plus ou moins rationnels. Comment s’active ce processus de décision ?

Deux approches peuvent être distinguées en matière de prise de décision.

L’entrepreneur, dans sa perception classique, est motivé par la réalisation des profits

générés par son activité économique ; cette posture met en avant le choix de gestion dicté

par la rationalité. Pour la théorie économique classique, l’entrepreneur est un homo

economicus : ce sujet actif (car calculateur) optera pour la solution optimale qui lui

présentera le plus grand nombre d’avantage en fonction de ses préférences. Cet être

économique est ainsi doté de capacités d’anticipation et de choix. C’est une méthode de

décision basée sur l’optimisation, qui cherche par le calcul, par la logique à trouver le

meilleur résultat : cet l’homo oeconomicus, représentation théorique de l’être humain,

maximise l’utilité de ses ressources.

Il s’oppose à l’homo sociologicus, passif face aux forces sociales dont il est le réceptacle

mais qu’il ne contrôle pas : les valeurs, normes et routines qu’il a intériorisées au cours de sa

socialisation conditionnent son comportement. La décision est alors basée sur un processus

cognitif (jugement, émotion, valeurs, sentiment, perception…). Schumpeter avait déjà mis en

avant que des mobiles irrationnels, tels que le goût de l’aventure ou l’acte de création,

entraient également en ligne de compte dans les finalités d’un entrepreneur. Parfois

irrationnelle, la décision tient compte de critères de satisfaction propres à chaque individu :

l’acteur, doté d’un ensemble de valeurs et normes, va chercher les moyens acceptables de

réaliser ses objectifs en cohérence avec celles-ci.

Ces deux modèles sont aujourd’hui dépassés et sont sans nul doute insuffisants. Il semble

vraisemblable que d’autres facteurs entrent en ligne de compte.

En effet, la rationalité humaine à des limites : H.A. Simon, dans sa théorie de la rationalité

limitée, démontre que la connaissance d’une situation aboutissant à une prise de décision,

10 Synthèse réalisée à partir d’un document multimédia (DVD) réalisé par Erhard FRIEDBERG,

Collection Question d’organisation, La décision, Banlieues Médias

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ainsi que les conséquences qui en découlent, sont toujours relatives et fragmentaires (en

raison du manque de temps, de ressources, d’imagination ou encore d’attention…). Par

ailleurs, les préférences des individus ne sont pas stables, évoluent et peuvent être

contradictoires, contrairement à la croyance classique, qui met en avant le fait que les

individus savent ce qu’ils veulent et effectuent leurs choix en fonction de leurs préférences.

Le poids du calcul dans la prise de décision n’est donc pas réductible aux volontés et

intentions des individus mais la décision résulte du produit d’une combinaison chaque fois

variable entre les intentions, les contraintes et les opportunités présentes dans le contexte

d’action. Les préférences des individus ne permettent pas vraiment de déterminer leurs

comportements, pas plus que les comportements des individus ne renseignent sur leurs

préférences. Enfin, aucun être humain n’est capable d’optimiser les solutions car cela

dépasse les capacités de raisonnement et de traitements des informations. La notion de

rationalité limitée induit alors qu’un individu en situation de décision est incapable d’optimiser

son choix ; il optera pour la première solution qui satisfera les critères de satisfaction qui sont

les siens.

La rationalité d’un individu correspond alors aux critères de satisfaction qui guident son

comportement et qui trouvent leurs origines à la fois dans le passé de l’individu

(l’apprentissage, la socialisation antérieure qui conduit à la formation de sa personnalité) et

dans le présent, conditionné par la situation dans laquelle se trouve le sujet. Une solution

sera rationnelle (acceptable) lorsque seront remplis les critères de satisfaction minimale, le

choix sera arrêté à la première solution satisfaisante, du moins à court terme. Cette solution

n’est peut être pas la plus favorable, la plus rationnelle (au sens de l’optimisation) mais elle

est convenable, on ne saura peut être jamais s’il en existait une meilleure. Les décisions

sont-elles alors prises dans un contexte de risque et/ou d’incertitude ; le choix est-il le même

dans un univers certain ou incertain ? La décision prise va tenir compte des caractéristiques

de la situation dans laquelle se trouve l’individu, du contexte d’action dans lequel il doit

prendre une décision.

Erhard Friedberg met en avant l’importance des règles dans la prise de décision, et

transpose aux organisations les effets produits par les règles d’un jeu de carte. En premier

lieu, il illustre que les règles du jeu organisationnelles fournissent un cadre normatif (certains

comportements sont autorisés ou interdits) et un cadre cognitif (les règles structurent la

perception et la définition de la réalité). Ensuite, les règles constituent une structure

d’incitation qui rend certains comportements plus probables que d’autres. Et enfin, les règles

instaurent des attentes réciproques et permettent de réduire l’incertitude sur le

comportement des autres acteurs, sans pour autant l’éliminer complètement. Les règles en

vigueur conditionnent donc la prise de décision.

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Tout comme l’analyse du contexte qui se renforce par l’expérience de l’individu. Le moteur

de la prise de décision résidera alors dans la capacité du décideur à reconnaître la situation

dans laquelle il se trouve, à partir de son expérience et du degré de conscience de la

situation dans laquelle il se trouve. Enfin pour compléter ce propos sociologique (non

exhaustif) autour de la prise de décision, il semble important de citer les travaux du

psychologue Léon Festinger. Sa théorie de la dissonance cognitive part du constat qu’un

sujet cherchera à maintenir une cohérence (consonance) entre ses cognitions

(connaissances, opinions, croyances, valeurs…) sur lui-même, sur son environnement et sur

son propre comportement : devant une dissonance entre ses cognitions, l’individu peut soit

changer ses valeurs, soit agir sur la situation, soit modifier ses comportements. A titre

d’exemple, si l’individu est dans l’incapacité de changer un comportement contradictoire

avec ses croyances ou ses valeurs, il y a de fortes probabilités qu’il les modifie pour réduire

cette dissonance : il rationnalise alors son comportement.

Claude Mouchot nous propose une synthèse tout à fait adaptée à la décision de gestion

entrepreneuriale. « Le terme de rationalité en est venu, en économie, à ne désigner que le

comportement qui résulte d’un calcul d’optimisation. En économie seulement, puisque

l’usage courant considère comme rationnel tout comportement issue d’une délibération, d’u

jugement, pour lesquels la notion d’optimisation peut n’avoir aucun sens. En ce second sens,

nous avons remplacé rationnel par « raisonnable ». Le raisonnable est évidemment

beaucoup plus réaliste que le rationnel puisqu’il prend en compte la possibilité de décision, à

l’encontre du choix rationnel qui s’impose à l’individu. (…) Le profit, s’il est indispensable,

n’est pas le seul critère de décision de l’entrepreneur ». L’acte entrepreneurial à aussi

d’autres fins, « de l’ordre de la signification, du sens que je donne à mon action

(considération, prestige, amitié...). (…) La conclusion est claire : le principe de rationalité

pour lequel il devient impossible d’imaginer quelque explication que ce soit doit être traduit,

dans chaque cas particulier, par un modèle spécifique de rationalité »11.

Qu’en est-il dans la Coopérative d’Activités et d’Emploi ? Les différentes prémisses à la prise

de décision que nous venons de passer en revue sont sans aucun doute à l’œuvre. La

rationalité est relative et limitée au propre à chaque individu. L’homo oeconomicus est-il une

fiction ? Les comportements des entrepreneurs salariés évoluent-ils par les phénomènes

d’apprentissages, par le degré de compréhension des règles de fonctionnement du

système CAE ? Voici autant de questions qui peuvent se poser.

11

Claude Mouchot, Méthodologie économique, Hachette, p272

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Hypothèse

Le contexte de la prise de décision en Coopérative d’Activités et d’Emploi nous conduit à la

formulation de deux hypothèses, qui se rassemblent.

La première est d’ordre général : la prise de décision, le choix de gestion en CAE ne répond

pas à la seule rationalisation optimisatrice, mais elle est plurielle. L’entrepreneur en

coopérative, le co-entrepreneur, répond sans nul doute à des valeurs collectives et

solidaires. L’artiste entrepreneur en tient compte dans son comportement, cela se traduira

dans la manière dont il pilote son activité. Son exigence première demeure toujours de

répondre à ses besoins. Ses choix de gestion seront dictés par un certain nombre de

paramètres personnels, tels que sa situation économique et sociale. Mais son processus de

décision sera influencé par sa perception de l’entreprise partagée.

La seconde hypothèse consiste alors à dire que l’accompagnement prodigué et

l’acculturation au fonctionnement de la coopérative vont influencer la décision de gestion des

entrepreneurs. Autrement dit, la CAE va façonner la prise de décision par l’éducation

coopérative qu’elle propose à travers l’accompagnement des personnes ainsi que par le

dispositif de gestion particulier qu’elle met en œuvre, et ses règles du jeu organisationnelles.

Sans renier l’existence de paramètres propres à l’entrepreneur et toute chose égale par

ailleurs, l’intention des modèles SCOP et CAE et la transmission des principes coopératifs,

contribuent à l’évolution des comportements vers des pratiques entrepreneuriales plus

collectives, moins ancrées dans un esprit de lucrativité et de compétition.

Par l’observation des matériaux d’enquête (analyse du dispositif, retour d’expériences et

entretiens d’artistes), nous y trouverons sans doute confirmation que les comportements des

individus au deux bout de la chaîne (les accompagnants et les accompagnés) ne sont pas

guidés par la norme de maximisation qui, bien que présente et puissante dans nos

représentations, n’est pas une explication suffisante permettant d’expliquer le processus de

décision en CAE : les décisions sont le fruit d’une pluralité de ressorts qui se travaillent.

Co-entrepreneur et co-fondateur d’une coopérative, je suis évidemment convaincu de la

pertinence et des vertus de ces modèles qui, parce qu’hérités de l’histoire12, représentent

des modèles d’avenirs. A travers une posture d’entrepreneur d’économie sociale, par des

actes de gestion réfléchis et en cohérence avec ses valeurs, c’est un véritable défi de

12

H. Desroches : « Nos enfants croiront avoir de l’imagination, il n’auront que des réminiscences »

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transmettre une autre vision de l’économie basée sur la primauté de la richesse collective et

de l’émancipation de l’Homme. Un vœu intime serait de contribuer à la démonstration, à mon

échelle et sans prétention, qu’une autre voie entrepreneuriale est possible, qu’une autre

vision de l’économie peut s’envisager et qu’elle ne relève pas uniquement de l’utopie. Les

théories économiques enseignées dans les parcours scolaires et universitaires,

particulièrement dans les grandes écoles de finance ou de commerce, s’appuient davantage

sur le modèle du capitalisme, du libéralisme économique et financier, et mettent en avant la

rationalité individuelle et la maximisation de l’utilité espérée. Il est intéressant d’observer et

de faire le pari qu’une éducation différente, plus orientée vers les valeurs de l’économie

sociale, pourraient rendre possible un autre monde, en replaçant l’humain au cœur des

activités économiques. Le parcours en coopérative d’activités et d’emploi y contribue.

Annonce du plan

Une rapide présentation de mon parcours et la position professionnelle dans laquelle s’inscrit

ce travail m’ont permis de mettre en exergue les questionnements qui ont donné naissance à

cette recherche. Une mise en perspective théorique non exhaustive de la prise de décision

permet de confirmer que ce processus est bien à l’œuvre dans les Coopérative d’Activités et

d’Emploi lorsqu’un choix de gestion doit être réalisé. L’hypothèse a ensuite été formulée à

partir de la conviction profonde que toutes les choses à l’œuvre dans la CAE (la pédagogie

coopérative, l’accompagnement, les personnes et même le dispositif de gestion lui-même)

vont agir sur les choix et orienter la prise de décision de gestion vers des logiques de

rationalités collectives et non pas uniquement individuelles, ni d’ailleurs uniquement

économiques. A plus long terme, le pari est même fait que la coopérative peut faire école et

mettre en œuvre une véritable transformation sociale. Avant de chercher à vérifier

l’hypothèse, à la démontrer, il me parait juste d’informer le lecteur par un propos

méthodologique non seulement des difficultés rencontrées chemin faisant mais aussi de

l’une ou l’autre fausse idée qui pourraient naître de la lecture du titre du mémoire ou de la

quatrième de couverture, à la simple évocation du mot artiste. Le mémoire est ensuite

construit autour de quatre parties. La première partie (I) correspond à une présentation de la

CAE Artenréel en étudiant son statut juridique, son organisation socioéconomique, son

champ d’activité (qui en fait une originalité dans le paysage national des CAE) et sa

population d’artistes, tout en mettant en perspectives quelques caractéristiques générales

des artistes. La deuxième partie (II) a pour objectif de mettre en évidence, à partir du

parcours d’un entrepreneur en CAE, la nature des choix de gestion qu’il aura à réaliser. La

troisième partie (III) est une partie plus technique, davantage orienté sur une approche de

gestion, qui met en lumière les différents possibilités en matière de décision de gestion et la

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manière dont la prise de décision d’accompagne. Enfin, la dernière partie (IV) cherche à

analyser et comprendre comment les entrepreneurs font leurs choix et quels sont les

ressorts de leurs actions par l’analyse des différents matériaux d’enquête (entretiens et

données statistiques). Je mettrais également en évidence les intérêts réciproques que

peuvent trouver la coopérative et les entrepreneurs dans la mise en commun des bénéfices.

Enfin, une conclusion tentera de synthétiser la recherche, informera le lecteur de ce qu’elle a

produit sur moi, tout en présentant les limites rencontrées ainsi que les perspectives

d’ouvertures. Toute perspective à ses limites, toute limite à ses perspectives.

Propos méthodologique

Avant d’aller plus loi, j’ôte ici un fantasme au lecteur, au risque de le décevoir. Bien que mise

en œuvre au sein d’une coopérative d’artistes, ma recherche ne prend que très peu en

compte la sociologie de l’artiste. Cette dimension n’a eu que très peu d’influence sur la

conduite de mon travail. Plus que l’artiste en tant que tel, c’est l’artiste en tant

qu’entrepreneur qui a animé ma recherche. Ce qui m’a intéressé, c’est de savoir comment il

se conduit face aux décisions de gestion qu’il doit prendre dans le cadre de son activité

économique, en tant que chef d’entreprise. La recherche action ci-après présentée pourrait

sans nul doute se transposer dans n’importe quelle Coopérative d’Activités et d’Emploi,

quelque soit son activité. Ainsi, le lecteur n’y trouvera que très peu d’éléments sur les

préférences économiques des artistes, sur la place de la création artistique et son

financement dans la gestion d’une activité... Je n’ai pas non plus tenu compte du fait que

l’artiste était à priori et traditionnellement éloigné des aspects de gestion. J’invite tout

chercheur acteur qui souhaiterait analyser l’influence de la sociologie des artistes sur les

décisions de gestion en CAE à se saisir de mon travail comme d’une base qui lui permettra

de mettre en exergue les ressorts d’actions et de décisions qui relèveraient davantage de la

sociologie de l’artiste. Recherches futures qui pourraient tendre à démonter que le modèle

économique de la CAE est peut être une réponse aux urgences induites par le contexte

économique et social et par la crise actuelle que traversent les politiques culturelles.

Du point de vue de la méthode, le questionnement qui anime ce mémoire est né de ma

pratique quotidienne. L’analyse qui en découle également. Elle s’appuie sur une large part

de constats et d’observations de terrain qui représentent un large volume de données

empiriques tirées du quotidien et de ces années d’expérience dans l’accompagnement de

gestion d’artistes en CAE. J’y ai adjoint une approche plus scientifique par la réalisation puis

l’analyse de statistiques tirées des rapports d’activités et des données comptables de la

coopérative Artenréel.

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L’exigence d’un mémoire impose également la confrontation et le test de l’hypothèse à

travers une récolte de données que j’ai réalisé par des entretiens non-directifs. Au nombre

de cinq, ces entretiens sont sans doute insuffisants en nombre mais il m’aura été difficile

d’en réaliser davantage. La grille d’entretien non-directive utilisée se trouve en fin de

mémoire, après la bibliographie. D’ailleurs, un frein m’est apparu dès le commencement : les

artistes entrepreneurs d’Artenréel sauront-ils se livrer à moi alors que je suis également en

charge de leur accompagnement. Leur parole sera-t-elle sincère ou vont-ils craindre que je

juge leurs propos ? Mais plus que tout, le recul dont je dispose aujourd’hui m’a fait prendre

compte que mes questions ne portaient pas tant sur les choix de gestion mais davantage sur

la perception qu’on les artistes du modèle économique de la coopérative. Cette erreur

d’appréciation est sans aucun doute lié au fait que les entretiens ont eu lieu trop tôt dans ma

recherche, l’objet de recherche n’étaient à ce moment là pas suffisamment défini. Quoiqu’il

en soit, il est malgré tout ressorti de ces entretiens de nombreux éléments très intéressants

que j’ai pu exploiter dans le cadre de ma recherche.

Enfin, pour quelqu’un qui vient des chiffres, mettre en lettres, écrire n’a pas toujours été un

exercice facile, mais j’y ai est pris un plaisir certain. Le plus difficile –et cela a sans doute été

ma difficulté- est de ne pas uniquement se faire plaisir à soi-même mais surtout de rendre la

lecture plaisante à celui qui prendra l’ouvrage entre ses mains. C’est tout un art (et je ne suis

pas artiste) de rendre intelligible son propos aux autres, j’espère néanmoins y être parvenu.

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I. Artenréel et ses artistes entrepreneurs

A. Approche juridique

1) Artenréel est une CAE

Comme évoqué dans l’introduction, Artenréel est une Coopérative d’Activités et d’Emploi. La

CAE n’est pas un statut juridique, mais un concept, une démarche. Cette nouvelle forme

d’organisations de travail, apparue au milieu des années 90, a connu un rapide

développement13. Plutôt que d’en réinventer la définition, je me permets de commenter

quelques extraits de la Charte des Coopérative d’Activités et d’Emploi du réseau Coopérer

pour entreprendre :

« Les CAE s’adressent à toute personne (…) porteuse d’un projet de création d’activité ayant

la maîtrise du savoir faire (…) et une capacité professionnelle reconnue. Elles s’adressent

ainsi à des créateurs d’activités souhaitant développer leur projet non pas par la voie

classique de la création d’entreprise mais par une voie alternative. Les raisons de ce choix

sont diverses et variées : le souhait de tester l’activité avant de créer son entreprise,

bénéficier d’un accompagnement professionnel, retrouver du collectif dans une société qui le

délite, minimiser les risques de la création d’entreprise, rompre avec l’isolement du chef

d’entreprise, ne pas connaître à nouveau l’échec ou le dépôt de bilan… Le concept de

Coopératives d’Activités et d’Emploi promeut l’idée d’un entrepreneuriat collectif et

coopératif. Sécurisant la démarche des créateurs d’activités, la CAE offre un hébergement

juridique, comptable et fiscal de l’activité économique ; un statut d’entrepreneur-salarié ; un

accompagnement basé sur une démarche d’apprentissage par l’action. Le créateur

d’activités devient entrepreneur-salarié : il est la figure centrale des Coopératives d’Activités

et d’Emploi. Le cadre entrepreneurial de la CAE permet de :

- Tester, développer et pérenniser une activité économique, et de bénéficier d’un

accompagnement dans la durée, pour « apprendre en faisant » le métier

d’entrepreneur au sein d’une entreprise collective,

- Créer progressivement son propre emploi salarié au sein d’une entreprise

coopérative qu’il mutualise avec d’autres entrepreneurs, et dont il peut devenir

associé.

La mise à disposition du cadre juridique et administratif de la CAE confère à l’entrepreneur

son existence juridique et commerciale. Concrètement, la CAE lui prête ses différents

13

Pour des données statistiques sur les CAE : http://www.cooperer.coop

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identifiants (Numéro SIRET, Code APE, statut juridique, numéro d’organisme de

formation…) afin qu’il puisse y développer ses activités dans les meilleures conditions

possibles. »

Une innovation majeure des CAE réside dans la conception d’entrepreneur salarié, celui qui

est entrepreneur de son propre salaire : les usagers qui bénéficient des services

d’accompagnement de la coopérative en sont alors également salariés, employés de

l’activité qu’ils y développement, dont ils assument les risques ; ils demeurent

contractuellement lié à la coopérative par un contrat de travail. Construite sur des valeurs

communes d’engagement, de responsabilité, de solidarité et d’autonomie, la CAE participe à

la création de nouvelles dynamiques économiques sur les territoires. La finalité du parcours

en CAE réside dans l’accès au sociétariat des entrepreneurs salariés : ceux qui ont

suffisamment développés leurs projets et qui ne font pas le choix de quitter la CAE pour

s’installer à leur propre compte, ont la possibilité de pérenniser leur emploi dans la CAE en

devenant sociétaire de la CAE : ils s’engagent alors dans la dimension politique de la CAE

par l’achat de parts sociales, leur conférant les droits et les devoirs de l’associé. Ces

entrepreneurs associés sont alors parties prenantes du projet de l’entreprise coopérative, qui

devient alors véritablement une entreprise partagée. Le concept de CAE trouve sa

matérialisation dans le statut juridique de la SCOP dont le sociétariat des salariés est l’une

des caractéristiques fondamentales.

2) Artenréel est une SCOP

La Société Coopérative Ouvrière de Production14 est l’une des formes juridiques du

mouvement coopératif qui regroupe les différentes familles coopératives (coopératives de

consommation, coopératives d’entrepreneurs…). Elles partagent toutes les mêmes finalités

et répondent à des caractéristiques similaires.

Une coopérative est avant tout un groupement qui consiste « à associer des personnes

volontaires sur une base égalitaire en vue d’effectuer une activité de nature économique au

plus juste prix et en limitant la rémunération du capital, les résultats éventuels étant partagés

en fonction de l’activité que chacun de ses membres a eue avec la coopérative, et donc de

sa contribution au résultat ». Ce n’est donc pas le capital qui est rémunéré, c’est l’activité de

chacun des membres. Les coopératives s’appuient sur des règles de fonctionnement qui les

caractérisent :

14

Cette appellation correspondant à dénomination juridique du sigle SCOP : la loi reconnait également des appellations SCOP / Société Coopérative de Production et SCOT / Société Coopérative de Travailleurs (Guide juridique des SCOP, 2003, Article 46). Plus récemment, le mouvement coopératif a opté pour une nouvelle appellation dans sa stratégie de marque : SCOP / Société Coopératives et Participatives.

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- « la règle d’égalité (une personne, une voix),

- la règle de liberté (chacun peut adhérer ou s’en aller, principe de la « porte

ouverte »),

- la règle de justice (la répartition des bénéfices se fait au prorata des activités de

chaque membre),

- la règle d’équité (la rémunération des apports en argent est limitée)15».

L’Alliance Coopérative Internationale lors de la déclaration sur l’identité coopérative

internationale16 (Manchester, 1995) a défini les principes coopératifs qui doivent caractériser

toutes coopératives :

- Adhésion volontaire et ouverte à tous

- Pouvoir démocratique exercé par les membres

- Participation économique des membres

- Autonomie et indépendance

- Éducation, formation et information

- Coopération entre les coopératives

- Engagement envers la communauté.

Parmi les nombreux statuts coopératifs existants, les CAE empruntent plus particulièrement,

le véhicule juridique de la SCOP. La SCOP, forme particulière de SARL ou de SA17, est

créée par et pour ceux qui y travaillent. Les caractéristiques particulières des CAE

correspondent à celles des SCOP et s’inscrivent pleinement dans les principes coopératifs

- Fonctionnement démocratique : une personne = une voix (un droit de vote),

- Impartageabilité des réserves18,

- Gestion transparente et altruiste,

- Partage équitable du résultat entre part travail, réserves et capital,

- Positionnement de l’individu au cœur du processus de production,

- Recherche de l’épanouissement de l’Homme,

- Inscription dans l’Economie Sociale.

15

Denis Clerc, in L’Economie Sociale de A à Z, p53, p54 Alternatives Economiques Pratique 16

Pour plus de détail, voir : http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-scop/culture-scop/principes-cooperatifs 17

Forme de sociétés commerciales où la responsabilité des associés est limitée aux apports. On compte aujourd'hui en France près de 1 500 000 SARL, ce qui correspond aux deux tiers de toutes les sociétés commerciales françaises. A titre de comparaison, on compte environ 2000 SCOP en France. Pour consulter des chiffres sur les SCOP : http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-chiffres-cles/ 18

Les réserves sont impartageables et vont contribuer tout au long du développement de l’entreprise à consolider les fonds propres et à assurer sa pérennité. Denis Clerc précise que « cette part du bénéfice non distribué ne peut servir à valoriser le capital. Le fruit du travail des uns garantit le travail de ceux qui suivront. La solidarité n’est pas seulement horizontale, entre coopérateurs, elle est aussi verticale, entre générations de coopérateurs ».

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Plus concrètement, les SCOP sont des sociétés commerciales, régies par la loi n° 78-763 du

19 juillet 1978 qui règlement le nombre minimum d’associés, la répartition des pouvoirs (...)

et la répartition des bénéfices (…) »19. Regroupées au sein de la fédération SCOP

Entreprises, ces entreprises sont « soumises à l’impératif de profitabilité comme toute

entreprise. Elles bénéficient d’une gouvernance démocratique et d’une répartition des

résultats prioritairement affectée à la pérennité des emplois et du projet d’entreprise. Les

salariés sont associés majoritaires et détiennent au moins 51 % du capital social et 65 % des

droits de vote. Si tous les salariés ne sont pas associés, tous ont vocation à le devenir »20.

3) La CAE, une SCOP particulière

La mise en œuvre du projet CAE passe par l’objectif du sociétariat. Le statut SCOP permet

de réaliser pleinement le parcours d’émancipation proposé par les CAE à travers le passage

du salariat au sociétariat. C’est en premier lieu, l’attachement à la mise en œuvre de la

double qualité (salarié et associé) qui permet de mesurer l’appartenance à une économie au

service de l’homme, en opposition à l’économie capitaliste. Ainsi, l’outil coopératif permet de

concilier la maîtrise opérationnelle, économique et politique de son projet.

La CAE est cependant une coopérative de production particulière : son objet social est

l’éducation à la coopération. Cette dimension éducative fait de la CAE un outil spécifique,

distinct du concept de couveuse ou de société de portage : l’intérêt n’est pas de créer des

entreprises à l’issue d’un parcours d’accompagnement, l’enjeu est bien de partager une

entreprise collective dans une logique de coopération. La CAE pourrait s’apparenter à une

« coopérative d’éducation coopérative21 » ou encore une coopérative multifonctionnelle,

associant production, éducation, consommation. La pluralité des activités qui la compose la

distingue d’une SCOP classique, centrée sur une activité unique, sur un cœur de métier

central, moteur du projet coopératif.

B. Approche socioéconomique

En complément de cette première approche juridique, l’analyse socioéconomique permet

d’observer comment les hommes et les femmes, membres d’une organisation de travail, la

font évoluer et construisent, modifient, sa structuration économique. Pour le sociologue

Jean-Claude Passeron, la socio économie « produit peu d'effets de connaissances mais

beaucoup d'effets d'intelligibilité ». Autrement dit, elle amène une meilleure compréhension

19

Danièle Demoustier, in L’Economie Sociale de A à Z, p190, Alternatives Economiques Pratique 20

http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-scop/qu-est-ce-qu-une-scop.html 21

Jean-François Draperi, op. cit.

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de la réalité. Nous allons maintenant observer de plus près comment fonctionne la CAE

Artenréel.

1) Les coopérateurs

Les coopérateurs sont le cœur du projet coopératif : chaque coopérateur est lié à sa

coopérative par un rapport d’association et d’activités, appelé double-qualité. Ainsi, dans une

SCOP, les salariés ne sont coopérateurs que s’ils sont associés au capital de leur

entreprise : ils ont alors la double-qualité de salariés et associés. Dès lors, ils participent à sa

gestion démocratique et assume une part de responsabilité. .

Artenréel a connu trois phases d’évolution dans son organisation politique.

1) La création de la SCOP22

Artenréel a été créée par 3 associés fondateurs :

- 2 salariés associés : Stéphane BOSSUET et Joël BEYLER

- 1 associé extérieur (personne morale) : l’association OGACA, partenaire

historique.

Les associés ont désigné Stéphane BOSSUET premier gérant d’Artenréel.

La composition du sociétariat à la création de la SCOP :

L’accession à la qualité de sociétaire représente l’avènement du projet CAE. Après trois

années de fonctionnement en SCOP, d’autres associés ont rejoints les fondateurs.

22

Artenréel a été créée en 2004 mais ne s’est transformée en SCOP qu’en 2006 : avant cette date, les conditions de création en SCOP n’étaient pas réunies. Artenréel a alors pris la forme d’une société coopérative loi 1947, forme simplifiée de coopérative dont les règles de constitution sont plus souples.

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2) Première arrivée de nouveaux associés

Six nouveaux associés ont rejoints les fondateurs en 2009, ce qui porte à neuf le nombre

d’associés, dont :

- 8 salariés associés soit :

o les 2 salariés associés fondateurs,

o 1 salarié membre de l’équipe permanente (soit 3 membres de l’équipe

permanente au total),

o 5 artistes entrepreneurs,

- 1 associé extérieur : l’OGACA (personne morale fondatrice)

La composition du sociétariat fin 2009 :

L’année 2010 a été consacrée à l’élaboration du pacte d’associé, du contrat coopératif

appelé « charte d’associés d’Artenréel »23 qui définit les grands principes de fonctionnement

et le socle de valeurs communes. Cette charte donne un cadre à tout nouveau candidat au

sociétariat. De manière conventionnelle, elle fixe par exemple le montant du capital à libérer

23

Voir Annexe I « Charte d’associés d’Artenréel » et Annexe II « Critères de candidatures au sociétariat »

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par chaque associé : la souscription s’élève à 760 € (38 parts sociales de 20€)24 et tout

salarié associé s’engage par ailleurs à reverser chaque mois au capital 1% de son salaire

brut, au titre du prélèvement statutaire. Cette mesure économique permet de renfoncer de

manière continue les fonds propres de la coopérative.

La charte s’accompagne également des critères d’accès au sociétariat, qui permettent à

chaque entrepreneur désireux de s’intéresser au sociétariat de vérifier s’il est éligible, avant

de soumettre sa candidature à l’Assemblée Générale des associés. Les conditions d’accès

portent sur l’ancienneté, le volume d’activité, la participation active à la vie de la coopérative

(réunions, séminaires…).

La diffusion fin 2010 de la charte d’associé et des conditions d’éligibilité a conduit à la

candidature de sept entrepreneurs.

3) Deuxième arrivée de sociétaires

L’assemblée Générale de juin 2011 a validé l’intégration de 5 nouveaux associés25 ce qui

porte à 14 le nombre d’associés :

- 13 salariés associés dont :

o les 2 salariés associés fondateur,

o 1 salarié membre de l’équipe permanente (soit 3 membres de l’équipe

permanente au total),

o 10 artistes entrepreneurs,

- 1 associé extérieur : l’OGACA (personne morale fondatrice)

24 Pratique mise en œuvre au sein d’Artenréel, par convention entre les associés. L’article 6 de la loi

du 19 juillet 1978 indique que « l'admission en qualité d'associé ne peut être subordonnée à l'engagement de souscrire ou d'acquérir plus d'une part sociale » 25

2 candidatures ont été ajournées, les motivations étant insuffisantes. Des précisions ont été demandées aux intéressés ; elles feront l’objet d’un réexamen.

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Répartition du pouvoir politique en 2011

Les associés représentent le niveau politique du projet de l’entreprise. Ils prennent

collectivement les grandes décisions et fixent les orientations stratégiques de la coopérative.

Ils élisent le gérant qui a alors la charge de mettre en œuvre les stratégies définies ; le

gérant est l’interface entre la sphère politique et la sphère opérationnelle.

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2) L’organisation opérationnelle : les salariés

D’un point de vue opérationnel, Artenréel fonctionne, comme toute CAE, en s’appuyant sur

la présence complémentaire de deux catégories de salariés : les entrepreneurs salariés et

les salariés permanents.

- Les entrepreneurs-salariés

Ils intègrent la CAE afin d’y trouver un cadre pour développer leur activités. Ils apportent

leurs affaires dans la coopérative ; dans le jargon d’une CAE dédiée aux métiers artistiques

et culturels, les entrepreneurs salariés peuvent être qualifiés d’artistes entrepreneurs26. Les

caractéristiques et principes d’actions de cette catégorie de salariés feront l’objet d’une

présentation détaillée dans la partie « Monographie des artistes d’Artenréel ».

- Les salariés permanents

Ce sont les salariés en charge du fonctionnement de la structure : ils administrent et gèrent

la structure, développent les partenariats institutionnels, accompagnement les entrepreneurs

et animent la vie coopérative. Les termes pour les désigner varient selon les coopératives :

salariés permanents, équipe support, activités de soutien, technostructure…

La coopérative est organisée en pôles, dont les principaux sont :

- Le pôle Accueil / Secrétariat

- Le pôle Administratif

- Le pôle Comptabilité / Finance

- Le pôle Accompagnement

- Le pôle Développement et Partenariat

Artenréel compte 8 salariés permanents : chacun à un rôle et des missions définies qui

s’intègrent à la fois dans le fonctionnement de l’entreprise et dans le processus

d’accompagnement mis en œuvre. La complémentarité des personnes et de leurs

compétences est importante et nécessaire pour assurer un accompagnement de qualité, qui

intègre toutes les dimensions d’un projet. Les salariés permanents interviennent en règle

générale dans plusieurs pôles : à titre d’exemple, la personne chargée de la comptabilité

intervient également dans l’accompagnement de gestion des entrepreneurs.

26

J’utiliserais indifféremment les termes d’artistes entrepreneurs et d’entrepreneurs salariés

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La gérance et la direction peuvent être deux fonctions occupées par la même personne ;

c’est actuellement le cas pour Artenréel. Cependant, ces fonctions pourrait être occupées

par deux personnes différèrent : cette situation pourrait s’envisager si un entrepreneur

associé accède au mandat de gérant en étant élu par les associés.

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Organigramme fonctionnel

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C. Première CAE des métiers artistiques et

culturels

Lors de sa création en 2004, Artenréel s’est distinguée par son positionnement dans le

secteur artistique et culturel alors que le paysage national était composé de CAE dites

« généralistes27 ».

Grâce à notre expertise du secteur, Stéphane et moi-même nous sommes vus confiés par le

conseil d’administration du réseau Coopérer pour entreprendre, propriétaire du concept de

CAE, une mission d’expérimentation, d’adaptation du concept de CAE au secteur culturel.

L’objectif était de tenir compte des cadres juridiques particuliers et de la personnalité même

des artistes. Le fonctionnement même de la CAE et l’action d’accompagnement allait

nécessairement être spécifique28, tout en conservant le cœur de métier de la CAE.

L’expérimentation menée par Artenréel nous a aujourd’hui inscrits dans une démarche

d’essaimage et de transfert de savoir-faire29. Cette reconnaissance par les pairs démontre

qu’Artenréel a su prendre en compte les caractéristiques du secteur culturel, et celles des

artistes eux-mêmes.

1) Caractéristiques générales et problématiques des

professions artistiques

La plaquette d’Artenréel précise que « l’identité de l’artiste se construit aujourd’hui dans une

multiplicité de disciplines, de sensibilités, de talents et de statuts qui s’expriment dans un

nombre toujours croissant de métiers et de spécialités. Détenteur d’expériences, de

diplômes et de compétences, l’artiste rencontre néanmoins de réelles difficultés d’insertion

professionnelle liées à la nature de son activité ».

27

CAE généraliste : CAE qui accueille tout type d’activités (y compris des activités artistiques) 28 Voir mémoire Stéphane Bossuet, Itinéraire d’artistes en coopératives d’activités et d’emploi : vers la construction d’une nouvelle professionnalité au sein d’Artenréel 29

Artenréel est aujourd’hui engagée dans des dynamiques de développement nationales et européennes :

- Au plan national, Artenréel est pilote du projet « Département Arts et Culture » consistant en la création de département spécialisés permettant l’accueil et l’accompagnement d’artistes sur la base des outils et des méthodologies transférés par Artenréel

- Au plan européen, Artenréel est chef de file d’un projet Leonardo, transfert d’innovation, qui vise à croiser nos pratiques d’accompagnement, d’organisation, de coopération avec nos voisins européen : Allemagne, Espagne, Italie, Suisse. L’une des finalités réside également dans la création d’un réseau européen d’entreprises culturelles partagées.

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Ces constats résument bien la situation : le besoin de professionnalité est induit par la

complexité des statuts juridiques, des régimes sociaux et fiscaux des activités artistiques,

par l’absence ou la faiblesse des démarches commerciales de l’artiste et par une faible

insertion dans les milieux professionnels. La figure de l’artiste romantique est aujourd’hui

dépassée : l’artiste moderne s’apparente davantage à un travailleur, déployant ses forces

créatives sur des marchés, devant faire preuve de qualités qui permettent facilement de

l’apparenter à la figure de l’entrepreneur.

La complexité des statuts juridiques et des régimes fiscaux et sociaux

L’exercice d’une activité artistique impose à l’artiste de se conduire en entrepreneur :

autonomie, initiative, innovation, créativité, compétences multiples, autodiscipline…mais peu

nombreux sont ceux qui sont à l’aise avec cette posture, d’autant que l’environnement de

travail est complexe. En effet, plusieurs natures de rémunérations coexistent : les

rémunérations de nature salariale, les rémunérations fondées sur l’exploitation des œuvres

(droits d’auteurs) et la rémunération induite par la vente même de l’œuvre. Ces différents

modèles peuvent tout à fait se superposer, se juxtaposer. Ils relèvent cependant de

dispositifs juridiques spécifiques, aussi bien au sens des statuts juridiques que des textes qui

encadrent les modes de rémunération : le Code du Travail et le Code de la Propriété

Intellectuelle. Ces rémunérations de natures diverses peuvent alors relever de régimes

fiscaux différents (salaires, droits d’auteurs, professions libérales…) et d’autant de systèmes

de protection sociale distincts (Urssaf, Agessa, Maison des Artistes…) : « La multiplicité des

statuts et des cotisations sociales qui leur sont associés dispersent les droits sociaux des

auteurs au détriment de ces derniers »30.

L’emploi et le marché du travail : une économie de projets

L’emploi et le marché du travail dans le secteur culturel sont caractérisés par l’émiettement,

la fragmentation des contrats et du temps de travail ainsi que par la multi-activité »31. Le

secteur est fondé sur une économie de projet, d’équipes qui se réunissent autour d’un

objectif et dissoutes au terme de celui-ci. Le secteur se caractérise également par l’existence

de nombreuses niches d’activités et par un marché du travail extrêmement hétéroclite, allant

des entreprises professionnelles (compagnie de théâtre, groupe de musique, label,

association/collectif d’artistes plasticiens…), aux acteurs de l’industrie cultuelle (majors…),

30

Dominique Sagot-Duvauroux, Travail artistique et économie de la création, La Documentation Française, 2008, p40 31

Danièle Demoustier, Denis Anselme, in « Les CAE du secteur culturel, vecteur de professionnalisation et de solidarisation des artistes ? »p2

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aux organisateurs occasionnels du spectacle vivant32 et les pratiques amateurs, ainsi que

d’une typologie variable de formes d’entreprises, de la société de capitaux jusqu’à

l’association à but non lucratif, fonctionnant grâce à ses bénévoles.

L’emploi culturel est quant à lui caractérisé par la flexibilité, les emplois étant éclatés en une

multitude de contrats33 à faible volume horaire de travail, répartis sur de nombreux

employeurs, le CDD représentant le plus couramment utilisé. A titre d’exemple, 58% des

250 000 salariés du spectacle vivant exercent leurs activités chez plusieurs employeurs

(contre 5% seulement tous secteurs professionnels confondus).

L’intermittence de l’activité, la précarité domine

Les disparités sont fortes en termes de volume d’activité34 et de rémunération : les volumes

de travail et les rémunérations sont concentrés sur une minorité de salariés, peu se

partagent un volume important des rémunérations. Le champ culturel est caractérisé par

l’intermittence du travail, alternant période d’activité et périodes d’inactivités. En réponse à

cette précarité, des régimes spécifiques d’assurances chômages, fondés sur des solidarités

interprofessionnelles, sont nés pour certaines filières du secteur culturel tels que le spectacle

vivant et l’audiovisuel. Les conditions d’accès à ces régimes, aujourd’hui en tension, se

durcissent et excluent de leur prise en charge un nombre toujours plus important d’individus,

les maintenant dans des situations d’extrême précarité : nombreux artistes sont aujourd’hui

allocataires du Revenu de Solidarité Active. Peu d’artistes ou d’auteurs (hors intermittence)

vivent exclusivement de leur travail artistique. Ainsi, seule la moitié des artistes auteurs

affiliés à l’Agessa (ceux bénéficiant d’une protection sociale au titre du régime des artistes

auteurs) touchent une rémunération supérieure au SMIC35.

La nécessaire pluriactivité

Pour faire face, l’artiste est souvent dans la nécessité de diversifier ses activités (pour utiliser

un terme d’économiste) et développe alors des activités annexes, liés à son activité

artistique principale. Ces activités sont qualifiées d’accessoires : interventions artistiques

dans des écoles ou dans des centres socioculturels, prestations de formations… Cette

32

Structures dont le spectacle vivant n’est pas l’activité qui organisent de manière occasionnelle des évènements faisant appel à l’intervention d’artistes 33

Dans le spectacle vivant, les CDD représentent 97% des emplois artistiques, définissant ainsi l’intermittence dans le secteur / Marie Gouyon, L’emploi salarié dans le spectacle en 2008 : une diversité de situations, Publication du Ministère de la Culture, p4 34

20% des salariés du spectacle vivant travaillent moins de 100 heures par an contre 1% pour l’ensemble de la population 35

Voir l’étude de F. Labadie, F. Rouet, Régulation du travail artistique, DEPS, Ministère de la Culture et de la Communication, Culture prospective

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pluriactivité est parfois choisie par l’artiste qui réussit, parfois subie par celui qui finance ainsi

son travail de vocation, son travail de création, par ces activités qui apparaissent alors

comme alimentaires. Il n’est pas rare que cette spirale amène l’artiste, bien malgré lui, à en

oublier, au sens de ne plus avoir le temps, son travail de création. Parfois, il arrive même

que le revenu alimentaire soit procuré par une activité qui n’est pas en lien avec l’activité

artistique, mais totalement déconnectée de celle-ci. Pour illustrer ce propos, notons que les

¾ des salariés du spectacle vivant exercent plusieurs métiers, certains « combinant (…)

deux métiers techniques (assistant et ouvrier ou cadre de la réalisation des spectacles) ou

deux métiers artistiques (artistes dramatiques et artistes du cirque ou musicien). Mais la

plupart cependant exécutent la majeure partie de leur temps de travail hors du spectacle : il

s’agit alors le plus souvent d’emplois dans une administration publique, (…) dans les

activités des organisations associatives ou encore dans l’enseignement »36.

Les artistes d’Artenréel n’échappent pas à ces situations fréquentes : certains artistes

entrepreneurs ont une activité dans la coopérative et la cumulent avec un emploi qualifié

d’alimentaire (non artistique et non exercé dans la coopérative), d’autres cumulent plusieurs

activités dans la coopérative (musicien/graphiste ou encore DJ/régisseur technique).

La dimension vocationnelle de l’activité

Bien qu’il exerce dans un environnement fortement incertain et risqué, l’activité de l’artiste

est vocationnelle et se caractérise également par des satisfactions non monétaires, qui lui

font accepter ces situations de précarité. « (La) variété des tâches accomplies, (les) mises

en valeur de toutes les compétences individuelles, (le) sentiment de responsabilité,

considération, (la) reconnaissance du mérite individuel, (…), (les) conditions de travail

attrayantes, (la) faible routinisation des tâches » sont autant d’aspects qui « permettent de

compenser provisoirement ou durablement le manque à gagner pécuniaire »37. Ces

caractéristiques ont une conséquence forte sur la dimension entrepreneuriale des artistes,

observation que je tire de mon expérience au sein d’Artenréel : un artiste, même si son

activité ne connaît pas l’essor qu’il souhaite, n’abandonnera pas son activité. Dans nos

autres coopératives Coopénates et Antigone, un entrepreneur qui ne parvient pas à rendre

rentable son activité après deux ou trois ans, interrompt celle-ci et passe à autre chose.

Certains de nos artistes entrepreneurs, arrivés peu après la création d’Artenréel, sont

toujours présents et demeurent toujours sur un volume d’activité et de rémunération qu’un

entrepreneur d’un autre secteur jugerait largement insuffisants.

36

Marie Gouyon, op cit, p4 37

Pierre Michel Menger, Portrait de l’artiste en travailleur, La République des Idées Seuil, p52

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Les difficultés du secteur et la crise des politiques culturelles

Plus que jamais, le contexte actuel de crises financière, économique, sociale et politique met

en difficultés le champ professionnel de la création artistique. L'intervention publique,

autrefois conçue pour mettre la culture à l'abri des logiques de marché, est aujourd’hui

engagée dans une dangereuse spirale de restriction budgétaire qui permet légitimement de

se poser des questions sur le maintien, en l’état, du champ des activités culturelles, d’autant

que la situation était déjà critique. La Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP),

l’infléchissement des politiques culturelles et l’évolution des partenariats publics, les acteurs

artistiques et culturels font face à des défis et des enjeux complexes souvent difficiles à

appréhender qui risquent, cependant, de modifier notablement leur pratique quotidienne. La

création artistique est en danger : de nouveaux équilibres, de nouvelles structurations

professionnelles, de nouveaux modes d'organisation et de nouvelles solidarités doivent être

trouvées. Face à ces urgences, la CAE essaie d’y contribuer et cherche à entretenir l’espoir

d’un modèle nouveau au service de la création artistique.

2) Une réponse pour les artistes

Loin de moi l’idée d’avoir dresser un portrait sociologique complet de l’artiste, j’espère en

avoir dressé quelques caractéristiques principales. Quoi qu’il en soit, « c’est dans ce

contexte que sont nées des initiatives d’organisations collectives cherchant à promouvoir de

nouvelles organisations du travail (…). Les logiques de mutualisation et de coopération dans

le champ culturel (qui ne vont pas de soi compte tenu de la nécessaire affirmation et

revendication d’une identité artistique propre renforçant la concurrence interindividuelle) se

sont progressivement affirmés comme pouvant favoriser l’amélioration des conditions

d’emploi dans ce secteur (…) »38.

Ce secteur, capable d’innovation, de partenariat, d’échanges et d’expériences se devait de

composer avec les nouvelles formes d’emploi et d’organisation du travail qui sont proposées

en CAE. Ces réflexions sur les conditions de professionnalité des artistes ont conduit à la

création d’Artenréel. Sa mission, au-delà de celle inhérente à chaque CAE, est de contribuer

à l’émergence, et à la pérennisation d’emplois de personnes relevant des métiers artistiques

et culturels. L’accompagnement, le statut de salarié et sa protection sociale ainsi que le

collectif viennent sécuriser les parcours individuels.

Le cadre de travail flexible de la CAE permet l’exercice de plusieurs métiers et activités avec

un statut unique et apporte une réponse originale à la spécificité de la pluriactivité artistique.

Les artistes exercent plusieurs activités, cet ensemble consolidé d’activités leur permet de

38

Marie Gouyon, op cit, p4

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survivre, parfois de vivre. La création artistique et l’intervention artistique y trouvent leur

place et l’artiste cherche entre ces deux sphères un équilibre, l’une nourrissant l’autre.

S’appuyant sur le modèle entrepreneurial caractérisé par une forte autonomie, la prise de

risque, la flexibilité dans l’organisation du travail, conditions de la créativité et de l’innovation,

l’artiste entrepreneur va, à travers la coopérative, chercher à réduire l’incertitude qui pèse sur

lui. De ce fait, Artenréel réinterroge également le statut de l’artiste et l’organisation du travail

artistique. La prise en compte en coopérative de la pluriactivité comme véritable élément

constitutif de la professionnalité, semble être une réponse à l’évolution des pratiques de

travail dans les secteurs artistiques. Sécurisant les parcours à travers le statut de salarié en

CDI, s’attachant à cotiser à un régime social unique permettant la constitution des droits

sociaux, ce mode d’organisation du travail artistique représente une façon innovante de

promouvoir, d’accompagner et de pérenniser les activités artistiques. Face aux réalités

économiques de faisabilité de projets, la coopérative Artenréel offre une manière originale de

traiter les problèmes de structuration du secteur culturel et amène un mode de gestion

novateur, fondé sur le partage, la mutualisation et la solidarité. Art, culture et coopération

poursuivent des intentions similaires et semblent pouvoir s’accorder : ils permettent à

l’individu de s’émanciper.

D. Les artistes d’Artenréel39

1) Monographie

« Associer au sein de la coopérative plusieurs métiers traduit la reconnaissance du caractère

transdisciplinaire des pratiques artistiques les plus contemporaines. Cette diversité est une

richesse pensée dès l’origine pour faire naître et provoquer des synergies, des

collaborations, des débordements disciplinaires, chacun se nourrissant au contact des

autres ». Cet extrait de la plaquette d’Artenréel illustre la variété des métiers représentés et

met en évidence la force que représente le produit des compétences présentes au sein

d’une coopérative : Artenréel compte aujourd’hui près de 80 artistes entrepreneurs salariés :

leurs parcours, réseaux, compétences sont variés… Cette diversité est une réelle richesse.

Elle permet l’émergence de projets collectifs faisant appel à des corps de métiers multiples

et permet d’envisager des marchés nouveaux tels que les appels d’offres qu’un artiste isolé

ne pourrait espérer décrocher.

Les statistiques suivantes (issues du rapport d’activités 2010 d’Artenréel) illustrent bien la

richesse de cette diversité.

39

Retrouvez des portraits d’artistes de la coopérative en annexe XIV, page 158

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La majorité des artistes d’Artenréel ont entre 25 et 44 ans. La tranche d’âge 15-24 ans n’est

pas du tout représentée et peut s’expliquer par le niveau élevé d’étude qui caractérise cette

population.

A leur entrée en coopérative, près de 72% des publics rencontrés par Artenréel sont des

demandeurs d’emploi. 7% étaient inactifs souvent étudiants et Artenréel constitue alors leur

première expérience professionnelle. Nous travaillons d’ailleurs de concert avec les

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universités, par des interventions régulières dans les écoles d’art, pour sensibiliser les

étudiants à l’environnement professionnel qu’ils rencontreront à leur arrivée sur le marché de

l’emploi culturel.

Les 21 % restants représentent des personnes qui avaient déjà créée leurs propres

entreprises ou associations, ayant connus des difficultés voir l’échec (dépôt de bilan) et qui

sont à la recherche d’un cadre différent pour exercer leurs activités. La rupture avec

l’isolement ou les situations de cumuls de plusieurs statuts (intermittent, salariés

vacataires…) sont aussi des raisons qui amène les personnes vers Artenréel.

Comme pouvait le laisser présager le graphique des âges, le niveau d’instruction est plutôt

élevé. Près de 80 % des entrepreneurs possèdent des diplômes supérieurs ou égaux à des

niveaux BAC + 2 : la plupart d’entre eux sont passés par l’Ecole des Beaux-arts, les facultés

d’arts… et seuls 2 % ont un niveau d’étude inférieur au BAC.

Cela confirme une tendance que nous avions identifié dès la création d’Artenréel :

« Détenteur de diplômes et de compétences, l’artiste rencontre néanmoins de réelles

difficultés d’insertion professionnelle liée à la nature de son activité. Rattrapés par des

contraintes économiques sévères, les métiers de la création nécessitent un réel besoin

d’accompagnement et une structure qui prend en compte la complexité (notamment à

travers la multi activité) de leurs activités ».

Les artistes d’Artenréel sont majoritairement des artistes femmes qui trouvent dans l’outil de

travail de la CAE une adaptabilité et une flexibilité, en réponse aux difficultés d’allier vie

professionnelle et familiale, puisque le temps de travail est librement choisi par la personne.

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La CAE garantie aux femmes qui travaillent de l’activité, voire des multi activités, en toute

autonomie de gestion du temps et d’organisation.

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2) Données économiques

Depuis 2009, le nombre moyen d’artistes qui compose Artenréel se situe aux alentours de

80 entrepreneurs salariés. Avec l’équipe de permanents actuels, il est difficile d’en accueillir

davantage tout en maintenant une disponibilité et un accompagnement de qualité. Il s’agit là

d’un effet seuil qui illustre bien la logique de parcours en œuvre dans les CAE : pour

accueillir de nouvelles personnes, il faut que d’autres quittent la coopérative.

Le potentiel d’activité n’est lui pas encore atteint. Ainsi, le volume d’activités développé par

les entrepreneurs est en constante évolution, comme en témoigne le graphique suivant :

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Les rémunérations versées aux entrepreneurs peuvent être analysés en termes d’emplois en

Equivalent Temps Plein (ETP).

Le volume d’emploi dégagé par les entrepreneurs à augmenter de 30% entre 2008 et 2009,

puis de 12% entre 2009 et 2010.

Le chiffre d’affaire a lui connu une variation de 18% entre 2008 et 2009, puis de 32% entre

2009 et 2010.

Entre 2008 et 2009, le volume d’emploi a augmenté plus fortement que le volume de chiffres

d’affaires. Les entrepreneurs ont alloué une part plus importante de leurs chiffres d’affaires à

la rémunération de leur travail ; la part de frais d’activité ayant diminué. Cela peut s’expliquer

par le phénomène d’installation des activités : le démarrage d’une activité implique des frais

d’installation (équipements, communication…) : en 2009, certaines activités d’entrepreneurs

en étaient à leur deuxième, voire troisième ou quatrième année de fonctionnement.

Entre 2009 et 2010, c’est au contraire le chiffre d’affaires qui a augmenté plus fortement que

le volume d’emploi. Outre le phénomène d’installation précédemment évoqué, on peut en

déduire que le volume d’affaires moyen des entrepreneurs a évolué, leur activités s’étant

développées et consolidées.

Enfin, le modèle économique de la coopérative s’appuie largement sur la dimension du

sociétariat, auquel accèdent les entrepreneurs autonomes dans leurs activités qui font le

choix de pérenniser leurs emplois au sein de la coopérative, tout en continuant à mutualiser

son fonctionnement par le reversement d’une part de leurs chiffres d’affaires. Ainsi, en 2010,

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94%

6%

Réparti t ion Entrepreneurs salariés non associés / entrepreneurs

salariés associés

Entrepreneurs salariés non associés

Entrepreneurs salariés associés

85%

15%

Répart i t ion du chiffre d'affaire entre non associés et associés

CA réalisé par les salariés non associés

CA réalisé par les salariés associés

les entrepreneurs associés représentent 4% du nombre total des entrepreneurs et ils

réalisent 15% du chiffre d’affaires total de la coopérative.

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II. Du parcours de l’entrepreneur au dispositif

de gestion

Après cette présentation de la CAE Artenréel, nous allons nous intéresser aux modèles

économiques en œuvre dans la CAE ainsi qu’aux paramètres de gestion généraux des

activités des entrepreneurs : ces éléments représentent les règles du jeu de la coopérative

(A). Nous tenterons ensuite de mettre en évidence le parcours d’un entrepreneur en CAE

ainsi la nature des choix de gestion qu’il aura à réaliser.

A. Propos introductif : modèles économiques

et paramètres de gestion

1) Le modèle économique de l’entrepreneur salarié

Le modèle économique de l’activité d’un entrepreneur salarié est proche de celui de

n’importe qu’elle entreprise, tout en comportant certaines singularité induites par le portage

de l’activité par la CAE.

Les similitudes

Comme tout entrepreneur, ses ressources sont majoritairement composées des chiffres

d’affaires issues des ventes de ses produits ou prestation de services. Puisque positionnées

dans le champ du secteur culturel, les activités des entrepreneurs peuvent parfois faire appel

à des financements publics ou privés sous forme de subventions (production de spectacle ou

de disque, projet d’interventions artistiques…).

Ses produits d’activités permettent à l’entrepreneur de financer ses frais d’activités courants

(loyers, téléphone, achats, matériels et fournitures, matières premières, publicité,

déplacements…), les investissements nécessaires (logiciels, matériels, ordinateurs,… par le

mécanisme des amortissements) et son revenu d’activité. Comme tout entrepreneur, son

revenu d’activité représente la variable d’ajustement : son revenu dépend directement de la

réussite économique de son activité.

Les singularités

Contrairement aux créateurs d’entreprises qui relèvent majoritairement du régime des

Travailleurs Non Salariés, l’entrepreneur en coopérative est lui salarié. Il n’est par contre pas

reconnu en tant que chef d’entreprise, la CAE ne connaissant qu’un seul gérant.

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L’entrepreneur demeure cependant le seul pilote de son activité, qu’il développe en toute

autonomie et sous sa responsabilité.

La coopérative impose également à l’entrepreneur de ne pas réaliser de pertes : l’activité ne

peut pas être déficitaire. Une telle situation aurait pour effet de mettre en péril l’ensemble de

la coopérative car elle devrait alors couvrir les pertes, situation complexe à appréhender40.

Effet bénéfique, l’entrepreneur profite d’une mutualisation des dépenses avec les autres

entrepreneurs : cette mutualisation a pour effet de réduire certains coûts (par exemple, les

assurances professionnelles) allant même jusqu’à en faire disparaître certains autres : ainsi,

il n’y a pas de frais de création d’entreprise, les frais bancaires ne sont pas imputés à

l’entrepreneur (la coopérative n’ayant qu’un seul compte bancaire pour elle-même et pour

l’ensemble des entrepreneurs), un logiciel de gestion commerciale permettant la facturation

est mis à disposition gracieusement, …etc.

L’entrepreneur bénéficie également de moyens financiers mutualisés : la consolidation des

trésoreries permet, en puisant dans celles qui sont positives, d’avancer des fonds à celles

qui sont en attente du règlement d’un client ou du versement d’une subvention. La trésorerie

collective garantit ainsi le besoin en fonds de roulement individuel des activités.

Enfin, dès l’instant où l’entrepreneur démarre son activité économie, il participe au

fonctionnement de la coopérative en lui reversant 10% de son Chiffre d’Affaires Hors Taxes :

cette contribution est appelée mutualisation des frais de fonctionnement. Par les jeux

d’écritures de la comptabilité analytique, cette charge pour l’entrepreneur représente une

ressource pour la structure et permet de financer en partie l’accompagnement (salaire du

personnel) et les frais de fonctionnements nécessaires (loyers des locaux, etc…).

Chaque activité d’entrepreneur est isolée dans la comptabilité de la coopérative par une

section analytique distincte permettant d’assurer le suivi en temps réel des données

économiques de chacun d’entre eux.

40

Véritable enjeu d’avenir : quelle solidarité entre les entrepreneurs ?

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Modèle budgétaire d’un entrepreneur salarié

2) Le modèle économique de la structure

d’accompagnement

Le modèle budgétaire de la structure d’accompagnement se caractérise par une hybridation

des ressources.

Elle se finance grâce :

- à des financements publics ou privés qui lui sont allouées, dans le cadre de

convention d’objectifs41, pour son action d’accompagnement,

- à la mutualisation des frais de fonctionnement, sommes reversées par les

entrepreneurs sur leurs chiffres d’affaires,

- à la vente de prestations de services qu’elle est en capacité de développer

selon ses compétences (missions d’études, transferts de savoirs-faires,

formations, prestations diverses…). En quelque sorte, les salariés permanents

sont à leur manière également des entrepreneurs, agissant dans l’intérêt

collectif de l’entreprise partagée.

41

Les sommes allouées sont en règle générale conditionnées à des objectifs évalués soit en volume d’entrepreneur ou en volume horaire d’accompagnement

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La mutualisation des frais de fonctionnement reversée par les entrepreneurs et la vente de

prestation de services correspondent à l’autofinancement de la structure

d’accompagnement. Selon la situation de la coopérative (ancienneté, nombre

d’entrepreneurs, activités exercées…), le taux d’autofinancement représente entre 30 et 50%

du budget. Peu de CAE réussissant à franchir le cap de la moitié d’autofinancement. Bien

qu’on soit tenté de dire que cette part prendra une place de plus en plus prépondérante, la

coopérative est dans l’obligation, si elle souhaite accueillir de nouveaux entrepreneurs et

projets, d’obtenir de manière pérenne et récurrente des financements publics : les activités

émergentes des entrepreneurs et leur accompagnement ne peuvent que très rarement

s’autofinancer dans les premiers temps.

Au 31/12/2010, le ratio d’autofinancement d’Artenréel s’est élevé à près de 50%.

Ces différentes ressources vont permettre à la coopérative de financer son activité

d’accompagnement et son fonctionnement général, soit :

- Les achats et charges externes : loyers, téléphone, fournitures diverses, sous-

traitance, honoraires de l’expert-comptable….

- Les investissements (ordinateurs, logiciels, mobiliers…) et les dotations aux

amortissements correspondantes,

- Les salaires et charges sociales des salariés permanents,

- Les impôts et taxes

- …

La recherche de l’équilibre budgétaire est une préoccupation constante ; pour autant et

contrairement à l’entrepreneur salarié, la structure d’accompagnement peut se retrouver

dans une situation déficitaire.

L’activité des salariés permanents, les coûts induits ainsi que les frais de fonctionnement de

la coopérative sont centralisés dans une section comptable analytique intitulée « Structure ».

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Modèle budgétaire de la structure d’accompagnement

3) Le modèle économique de la CAE

Le modèle économique de la CAE en tant que tel représente la somme des activités des

entrepreneurs et de la structure d’accompagnement : ces différentes composantes se

consolident. A mon sens, c’est une réelle innovation sociale qui fonctionne sur le principe

des vases communicants. Les destins de la structure d’accompagnement et des

entrepreneurs sont liés : la réussite des uns entraine la réussite des autres.

Ainsi, si la structure d’accompagnement dispose des financements nécessaires pour mener

un accompagnement de qualité, les activités des entrepreneurs seront bien encadrées, il est

aisé de penser que celles-ci se développeront davantage. Ce développement de leurs

activités génèrera un surcroît de chiffres d’affaires qui, par le principe de la mutualisation des

frais de fonctionnement, offrira des moyens nouveaux à la structure d’accompagnement.

Mieux, les éventuelles richesses non consommées se consolident également, qu’elles soient

générées par la structure ou par les entrepreneurs : cette dynamique est celle d’un cercle

vertueux, les bénéfices s’additionnent, chaque partie prenante étant gagnante.

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Représentation du cercle vertueux

Consolidation des activités et principe des vases communicants

4) Paramètres de gestion liés à la CAE

Par le concept original de l’entrepreneur salarié, la CAE transforme des chiffres d’affaires en

rémunération. Comment se détermine alors cette rémunération ? Les règles de

détermination du niveau de revenus sont multiples, complexes et imposées par la

coopérative :

- Tout entrepreneur en activité dans une CAE doit conclure avec la coopérative un contrat de

travail : le contrat de travail est toujours un CDI42 (ce choix implique le versement d’une

42

Le CDI est exclusivement utilisé. Il s’agit d’un choix politique décidé par le réseau Coopérer pour entreprendre, le CDI permettant de sécuriser au maximum les parcours et de garantir à terme une véritable protection sociale issue du salariat

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rémunération tous les mois), l’inscription dans le temps de la relation entre l’entrepreneur

salarié et la coopérative est bien indéterminée. La première facturation déclenche le CDI.

- la rémunération est calculée selon un principe de lissage de la rémunération, pratique qui

tisse un lien entre la dichotomie des notions de salarié et d’entrepreneur. Concrètement,

l’idée est de trouver la rémunération moyenne correspondante au volume d’activité et de

chiffre d’affaires (plutôt que d’avoir un salaire sur un mois puis plus rien sur le mois suivant

faute d’activité). Il s’agit de déterminer le salaire moyen qui correspond à l’activité sur la

base des chiffres d’affaires réalisés et à venir, en ayant pris soin d’y soustraire les frais

d’activités. La réalité du CDI, contrat non précaire par excellence, s’en trouve affaiblie

puisqu’il s’agit d’un CDI variable, qui dépend du niveau de l’activité. Finalement, l’artiste en

CAE est entrepreneur de son propre salaire.

Cette méthode de rémunération souffre aujourd’hui d’une non-reconnaissance légale source

d’une certaine fragilité pour les CAE : la pratique du lissage pourrait être remise en cause à

tout moment. La CAE se doit alors d’être exemplaire face à la diversité des situations qu’elle

rencontre. A titre d’exemple, pour se prémunir de toute remise en cause de ses pratiques en

matière de droit social, le volume horaire du contrat défini dans le cadre du lissage se doit

d’avoir une certaine cohérence avec le niveau réel de l’activité développée43. Cependant,

selon la nature des activités, cette dimension est parfois difficilement mesurable, il est très

complexe de quantifier et de mesurer le temps consacré à la conception, à la prospection

commerciale ou encore à la veille stratégique, faisant partie intégrante de l’activité.

43

Exemple : un intervenant artistique facturant 100 heures de prestations d’interventions artistiques sur un mois ne devrait en principe pas avoir un contrat de travail de moins de 100 heures

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Illustration du lissage de la rémunération

- l’activité ne peut pas être déficitaire : en fin d’exercice comptable, le résultat d’une activité

d’entrepreneur doit être équilibrée ou bénéficiaire,

- la gestion de l’activité se fait sur la base de l’exercice comptable44, en respectant le

principe comptable d’indépendance et séparation des exercices comptables45. Ainsi, un

chiffre d’affaires réalisé en année N ne peut servir à établir les salaires de l’année N+1 : bien

au contraire, ces sommes devront être consommées et ne pourront servir qu’aux salaires de

l’année N. Cette disposition implique que le lissage de la rémunération ne peut se faire sur

une durée indéterminée mais qu’il se calcule en réalité sur la période de l’exercice

comptable, plus exactement sur la période qui se tient entre la date de l’analyse et la date de

clôture de l’exercice comptable.

Cette clôture comptable annuelle des comptes donnera lieu à un choix de gestion important

lorsque l’activité est bénéficiaire, nous aurons l’occasion d’y revenir.

44

Du 1ier

janvier au 31 décembre 45

Norme I.A.S.C. N° 1 paragraphe 7 : "Les produits et les charges sont comptabilisés au fur et à mesure qu'ils sont acquis ou qu'elles sont engagées (et non lors de leur encaissement ou de leur paiement) et enregistrés dans les états financiers de la période concernée". P.C.G. 1999, Art. 313-1 : "Seuls les bénéfices réalisés à la date de clôture d'un exercice peuvent être inscrits dans le résultat de cet exercice".

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B. Le dispositif et les choix de gestion

Nous allons maintenant nous intéresser à l’itinéraire d’un entrepreneur en coopérative. Son

avancée dans le parcours va lui faire rencontrer des situations différentes. Chacune d’entre

elles va le conduire à des prises de décisions de gestion. A travers l’étude du parcours, nous

allons mettre en évidence les choix de gestion qui seront réalisés par l’entrepreneur.

Au sein de la CAE, le parcours de l’entrepreneur s’articule en plusieurs étapes successives,

depuis sa prise de contact à son intégration dans la coopérative, du démarrage de son

activité économique à la consolidation de son engagement en tant qu’associé.

Le schéma suivant récapitule les différentes étapes du parcours d’un entrepreneur.

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1) Les réunions d’informations collectives

Tout candidat participe à une réunion d’information collective dont le but est de lui

transmettre le premier niveau d’information nécessaire à la compréhension du projet de la

CAE, tant par ses modalités techniques que par son inscription dans l’histoire des

coopératives et de l’économie sociale.

A l’issue de cette réunion d’une durée de 3 heures, l’entrepreneur connaît dans les grandes

lignes le fonctionnement de la coopérative, ses possibilités et ses enjeux mais aussi ses

limites et ses contraintes. Un dossier de candidature lui est alors transmis.

2) L’entretien diagnostic

A réception de son dossier de candidature complété, le candidat s’inscrit alors dans la phase

de diagnostic de son projet : il est reçu par au moins deux salariés de l’équipe de la CAE

dans le cadre de l’entretien diagnostic. Cet entretien a pour but d’évaluer le projet du

candidat : pertinence, forces et faiblesses, besoins d’accompagnement, démarche

entrepreneuriale, potentiel économique, potentiel de coopération…46. L’entretien diagnostic

peut être sanctionné par :

- Un avis favorable qui entraîne l’intégration immédiate de la personne (les

critères sont remplis),

- Un avis défavorable qui implique la réorientation du candidat vers d’autres

dispositifs ou structures d’accompagnement,

- Un ajournement qui se traduit par la nécessité d’une nouvelle entrevue

permettant le réexamen ou l’approfondissement de certains aspects du projet.

3) La convention d’accompagnement

Si le diagnostic s’avère favorable, le candidat signe alors avec la coopérative une convention

d’accompagnement : il devient entrepreneur accompagné. Cette convention, d’une durée de

3 mois47, donne un cadre à la relation entre la coopérative et le porteur de projet, fixe les

objectifs (notamment les objectifs économiques), les obligations réciproques et confère à

l’entrepreneur l’existence juridique lui permettant d’utiliser le nom d’Artenréel dans ses

démarches de prospection commerciale. Cette phase permet à l’entrepreneur de s’inscrire

46

Annexe III : fiche diagnostic 47

La convention d’accompagnement peut être renouvelée pour une durée de 3 mois si des aléas ont empêché l’activité économique de démarrer

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dans la dynamique d’accompagnement avec pour première finalité de structurer son activité

afin d’en faciliter le démarrage.

Le temps de la convention d’accompagnement donne lieu à un premier travail d’acculturation

au modèle économique et au dispositif de gestion propre à la CAE. Avec l’artiste

entrepreneur, les conseillers en gestion de la coopérative élaborent alors des simulations

économiques, sur la base de son modèle d’activité. Construit en s’appuyant sur les

perspectives et la vision que se fait l’entrepreneur de son activité, le prévisionnel de plan

d’affaires questionne les paramètres suivants : frais d’activités (frais fixes, frais variables,

coûts de production…), investissements à prévoir, niveau de rémunération souhaité… Ce

scénario co-construit est alors mis en perspective du potentiel de chiffres d’affaires et a pour

effet de confronter l’entrepreneur avec le réel, avec la réalité des chiffres.

Cette ébauche de prévisionnel d’activité poursuit une triple finalité : amener les premiers

éléments de compréhension des particularités de gestion de la CAE, déterminer un objectif

de chiffres d’affaires et aboutir à des indicateurs pertinents de mesure de l’activité (seuil de

rentabilité, le coût de revient horaire, les tarifs moyens des prestations…).

Importantes par leurs vertus pédagogiques, ces premières étapes du parcours ont peu

d’impacts en matière de gestion : elles induisent principalement des formalités

administratives (déclaration à l’assurance, rédaction de la convention d’accompagnement…).

C’est véritablement le démarrage de l’activité économique qui met en route les processus de

décisions de gestion : nous allons maintenant mettre en évidence quels sont les choix de

gestion qui devront être mis en œuvre. Les différentes natures de choix possibles, leurs

modalités techniques et la manière sont ils seront accompagnés, seront détaillées en partie

III.

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4) Le démarrage de l’activité : premier choix de gestion

Dès que l’activité économique se concrétise et génère un premier chiffre d’affaires,

l’entrepreneur signe avec la CAE un contrat de travail à Durée Indéterminée (CDI) : il devient

entrepreneur salarié.

Ainsi, le moment est venu de déterminer le montant de la première rémunération : premier

choix de gestion, cette décision est prise dans le cadre d’un rendez-vous de gestion entre

l’entrepreneur et le conseiller en charge de l’accompagnement économique.

Fondé sur des hypothèses d’activités établies grâce à la technique des scénarios, le niveau

de rémunération tiendra compte de paramètres pluriels :

- Le modèle économique de l’activité lui-même (niveau de frais, charges

sociales…),

- les règles du jeu du dispositif de gestion de la coopérative précédemment

évoqués (lissage de la rémunération, mutualisation des frais de

fonctionnement…)

- et les déterminants et caractéristiques propres à l’entrepreneur (minimas

sociaux, urgence financière…).

5) Le développement et la consolidation de l’activité

Au fur et à mesure que son activité se développe, il est fort probable que le premier niveau

de rémunération fixé lors du démarrage de l’activité ne soit plus adapté à la réalité de

l’activité. Il faudra alors procéder à des réévaluations par la mise à jour des hypothèses

d’activités préalablement établies. La méthodologie est sensiblement identique à celle mise

en œuvre lors de la fixation du premier niveau de rémunération. Cependant, plus la fin

d’année approche, plus l’entrepreneur et le conseiller devront tenir compte des incidences

liées à la clôture de l’exercice comptable. La pression induite par la maîtrise du bénéfice peut

avoir pour effet l’ajustement des salaires au plus près du niveau de l’activité.

6) La clôture comptable des comptes et la gestion du

bénéfice

Les principes comptables qui régissent les entreprises (la clôture comptable des comptes et

le principe d’indépendance des exercices comptables) imposent des contraintes de gestion.

Tout chiffre d’affaires réalisé lors d’un exercice et non consommé au cours de ce même

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exercice, constitue un élément du bénéfice48 comptable. Or, cette somme provient de

l’activité d’un entrepreneur : quelque part, elle lui appartient et doit en quelque sorte lui

revenir.

La problématique qui se pose alors est de savoir comment reverser cette somme à

l’entrepreneur, sachant que les bénéfices font l’objet de traitements particuliers. Tout

bénéfice subit des affectations prédéfinies par les règles fiscales et comptables en vigueur

dans les sociétés. Cela est aussi vrai pour les bénéfices réalisés dans les SCOP.

Avant de considérer ces sommes comme de véritables bénéfices, au sens de la définition

comptable, il y a lieu de savoir si le bénéfice d’un entrepreneur en CAE ne correspond pas

d’avantage à la part excédentaire de chiffres d’affaires qu’il n’a pas consommée. Dans ce

cas, est-ce réellement un bénéfice ? L’entrepreneur ne doit-il pas récupérer cette somme

sous forme de salaire ?

Dans tous les cas, l’entrepreneur pourra disposer de cette somme s’il réalise un nouveau

choix : il devra décider de l’utilisation de son bénéfice, selon des modalités bien précises.

Plusieurs possibilités vont s’offrir à lui, nous les détaillerons dans la partie III.

Cependant, l’entrepreneur se doit d’anticiper ce moment de la gestion de son activité pour

que les possibilités de choix qui sont à sa disposition demeurent économiquement

intéressantes. S’il subit la clôture des comptes sans l’anticiper suffisamment, ses possibilités

d‘utilisation du bénéfice s’en trouveront limitées.

7) Le début d’année suivante

La mise en œuvre de la clôture des comptes a pour incidence de vider les comptes au 31

décembre ; les compteurs sont donc remis à zéro. A peine le choix de clôture des comptes

réalisés, il faut se soucier de l’année qui redémarre : l’entrepreneur et le conseiller doivent

reproduire exactement les mêmes logiques, la même méthodologie pour fixer à nouveau un

niveau de rémunération. Il s’agit d’un perpétuel recommencement : l’entrepreneur devra à

nouveau réaliser les chiffres d’affaires nécessaires afin de couvrir ses rémunérations et ses

charges d’activités. Souvent, le début d’année est complexe à gérer par les entrepreneurs,

qui manquent de vision, de projection sur l’année à venir. Leurs rémunérations de début

d’année suivante baissent parfois fortement, l’activité ne permettant pas de maintenir le

48

Définition bénéfice (également appelé excédent ou résultat comptable bénéficiaire) : Un bénéfice

représente la différence (solde) positive entre les produits comptables et les charges comptables réalisés par une entreprise au cours d’un exercice comptable. L'inverse (solde négatif) est appelé déficit ou perte. Nous utiliserons indifféremment les termes bénéfices et excédents nets de gestion : le terme bénéfice est une notion d’acceptation générale ; le terme excédent net de gestion étant le terme d’usage dans les coopératives

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niveau de rémunération acquis en fin d’année précédente. En cours d’année, le niveau

d’activité sera à nouveau réévalué et donnera lieu à des ajustements, pour tendre à nouveau

vers la clôture des comptes. Et ainsi de suite, tant que l’entrepreneur reste au sein de la

coopérative.

8) La pérennisation de l’activité en tant que sociétaire

Finalement, l’accompagnement de gestion des activités des entrepreneurs suit toujours la

même logique : ce qui change, c’est la capacité à apprécier le potentiel de l’entrepreneur, la

meilleure connaissance de son activité par le conseiller, la meilleure connaissance du

fonctionnement de la coopérative par l’entrepreneur, et la relation de confiance qui

s’instaure… Ces éléments plus ou moins subjectifs permettent une prise de risque, qui

demeure à l’appréciation conjointe du chargé d’accompagnement et de l’entrepreneur.

L’approche évolue encore quelque peu lorsque les entrepreneurs font le choix49 de devenir

sociétaire, finalité du parcours en CAE. Du point du vue de la décision de gestion,

l’accompagnement des associés est différent. La technique de détermination de la

rémunération reste bien sûr identique mais l’approche évolue. L’autonomie atteinte par les

associés dans leur activité induit que le niveau de rémunération est moins fluctuant. Les

rendez-vous de gestion sont moins fréquents. Surtout, ce sont les associés qui proposent au

conseiller un prévisionnel d’activités structuré (qui n’est plus établit conjointement avec le

conseiller). Sur cette base, ils proposent le niveau de rémunération correspondant à leur

prévisionnel. La proposition est bien sûr validée par le conseiller en regard du prévisionnel.

Le plus souvent, il s’agit de confirmer que les perspectives permettent le maintien du salaire

dans la durée (les associés sont pour la plupart au moins à temps plein au SMIC, voire au-

delà).

Lors de l’élaboration de la charte d’associé, j’avais proposé que les sociétaires présentent

leur prévisionnel d’activités lors des réunions d’associés : cette disposition me semblait être

un bel exercice de transparence qui permettrait sans doute de renforcer les liens entre eux et

pourquoi pas de prémunir les risques en cas de défaillance, voire d’imaginer une certaine

solidarité entre eux. Mais cette proposition n’a à l’époque pas fait consensus, sans doute l’ai-

je formulée un peu tôt.

49

Précision : plus que de faire le choix de devenir sociétaire, ils font en réalité le choix de proposer leur candidature au sociétariat : c’est l’assemblée générale des associés qui examine la candidature, l’accepte ou la refuse.

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9) La sortie de la coopérative

L’entrepreneur peut aussi choisir à tout moment de quitter la coopérative. Cette décision ne

sera pas traitée dans le mémoire mais il peut s’avérer utile de rappeler qu’elle doit être

anticipée. En effet, le départ s’accompagne et n’est pas sans conséquence sur les activités

des entrepreneurs. Pour mettre fin à un contrat à durée indéterminée, trois modes de rupture

existent :

- La démission, à l’initiative de l’entrepreneur : cette formule est utilisée lorsqu’il

y a transfert de l’activité vers l’entreprise qui sera créée par l’entrepreneur ;

- Le licenciement, à l’initiative de l’employeur : rarement utilisé en CAE (jamais

par Artenréel), ce mode de rupture suppose l’existence d’une faute ;

- La rupture conventionnelle, d’un commun accord entre l’entrepreneur et

l’employeur/la coopérative : ce mode de rupture à l’avantage de permettre à

l’entrepreneur salarié d’être indemnisé par l’assurance chômage. Utilisé en

cas d’échec ou d’abandon de l’activité, la rupture conventionnelle est par

ailleurs bien souvent mise en œuvre lorsque l’entrepreneur quitte la

coopérative pour créer sa propre entreprise : ce faisant, la rupture

conventionnelle lui permet ensuite de bénéficier des aides à la création

d’entreprise50.

Qu’importe le mode de rupture, le départ de la CAE s’anticipe. Tout d’abord, parce qu’il y

aura lieu de respecter les délais de préavis légaux (pendant le préavis, les rémunérations

continuent d’être verser). Ensuite, parce que les procédures de licenciement et de rupture

conventionnelle prennent du temps et qu’elles donnent lieu à des indemnités de rupture, qu’il

conviendra de simuler et d’imputer sur le compte d’activité de l’entrepreneur. Enfin, parce

que tout départ implique de réaliser le solde de tout compte de l’activité d’un entrepreneur,

en espérant que celui-ci soit positif au moment du départ.

En tendance de départ est intéressante à observer : après ces quelques années de

pédagogie coopérative, certains entrepreneurs qui ne se voient pas devenir sociétaires de la

CAE évoquent toutefois la possibilité de la quitter pour créer une SCOP. Cette situation s’est

à l’heure actuelle produite une fois (création d’une SCOP dans les métiers de la

scénographie d’espace) mais plusieurs projets de création ex nihilo sont à l’étude.

Nous venons de voir à quels choix de gestion sont confrontés les artistes entrepreneurs tout

au long de leur parcours dans la CAE. Observons maintenant comment se prennent ces

décisions et tentons de comprendre comment les choix de gestion s’accompagnent. Bien

50

Notamment l’Aide au Chômeur Créateur ou Repreneur d’Entreprise (ACCRE) qui consiste en une exonération de charges sociales

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sûr, chaque décision prise fera appel à des dimensions techniques qu’il sera parfois utile de

détailler.

Schéma récapitulatif du cycle des choix

Démarrage de l’activité

= fixation du premier

niveau de

rémunération

Développement de

l’activité = réévaluation

du niveau de

rémunération

Clôture comptable des

comptes = gestion du

résultat comptable

d’activités N

Redémarrage de

l’activité en N+1 =

fixation du niveau de

rémunération

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Tableaux de synthèse

Etapes de

gestion de

l’activité

Nature de la

décision

Echéance,

périodicité

Mode opératoire Méthodologie

déployée

Mode de

décision

Mise en place

activité (parfois,

avant entrée en

CAE) 51

Choix

d’investissements,

engagement de

frais d’activités,

fixation des prix

de vente…

Avant le

démarrage

de l’activité

puis tout au

long du

parcours en

CAE

Autonomie

entrepreneur

Rendez-vous/

Accompagnement de

gestion

Vision

entrepreneuriale,

Définition d’un

ordre de priorité

Entrepreneur

Entrepreneur et

conseiller en

gestion

Démarrage de

l’activité

Définition du

niveau de

rémunération

Réalisation

du premier

chiffre

d’affaires

Rendez-vous/

Accompagnement de

gestion

Prévisionnels,

technique des

scénarios

Entrepreneur et

conseiller en

gestion

Développement

de l’activité

Définition du

niveau de

rémunération :

réévaluation

Chaque fois

que

nécessaire,

en moyenne

une fois par

trimestre

Rendez-vous/

Accompagnement de

gestion

Ateliers de formation :

-Mode d’emploi

-Comptabilité

Prévisionnels,

technique des

scénarios

Entrepreneur et

conseiller en

gestion

Clôture

comptable des

comptes

Gestion du

résultat d’activité

(notamment si

bénéfice)

Au 31/12 de

chaque

année

Rendez-vous/

Accompagnement de

gestion

Ateliers de formation :

-Clôture comptable

des comptes

Simulation des

différentes

possibilités,

Optimisation des

choix

Entrepreneur et

conseiller en

gestion

Redémarrage

de l’activité en

N+1

Définition du

niveau de

rémunération

Janvier N+1 Rendez-vous/

Accompagnement de

gestion

Prévisionnels,

technique des

scénarios

Entrepreneur et

conseiller en

gestion

Pérennisation

en tant

qu’associé

Validation

possibilité

maintien du

niveau de

rémunération

2 fois par an Proposition de

prévisionnel par

l’entrepreneur associé

Rendez-vous/

Accompagnement de

gestion si nécessaire

Prévisionnel Proposition de

l’entrepreneur

associé,

validation par le

conseiller

51

Non abordé dans le mémoire

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Page 63 sur 161

III. Méthodologie d’accompagnement

des choix de gestion

Nous venons de voir que le dispositif de gestion et le fonctionnement de la coopérative

amènent l’entrepreneur à prendre de décisions concernant son activité. Ces décisions sont

fonction du développement de l’activité et des étapes du parcours en CAE. Certaines sont

prises par l’entrepreneur en toute autonomie (engagement des frais d’activités, …), d’autres

sont prises de concert avec les conseillers en gestion de la CAE : ils vont accompagnés les

choix de gestion. Les deux actes principaux sont la définition du niveau de rémunération et la

gestion du bénéfice. Nous allons étudier la méthodologie d’accompagnement mise en œuvre

pour accompagner les décisions des entrepreneurs par des mises en situations illustrées

tout en mettant en perspective les enjeux des ces choix.

A. La définition du niveau de rémunération

1) Détermination du niveau de salaire initial, les

composantes de la méthode

Le démarrage de son activité économique initie de manière systématique un rendez-vous de

gestion qui aura pour objectif de définir le premier niveau de salaire : pour ce faire, nous

mettons en œuvre la méthode des scénarios, qui passe par la mise en œuvre de plusieurs

étapes successives.

Elaboration d’un prévisionnel détaillé (données Hors Taxes52)

L’entrepreneur et le conseiller vont ensemble élaborer un compte de résultat qui prendra en

compte l’activité réalisée et l’activité prévisionnelle.

52

Hors TVA

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La constatation du réel

La première étape consiste à mesurer le réel : il se mesure par la constatation du chiffre

d’affaires réalisé lors de l’émission de la (ou les) première(s) facture(s). Il est fait de même

pour les frais d’activités engagés par l’entrepreneur. En parallèle, il est procédé au calcul de

la mutualisation des frais de fonctionnement à hauteur de 10% du chiffre d’affaires H.T.

Par déduction, il est obtenu un premier solde qualifié de « disponible réel ».

Le prévisionnel

L’objectif est ensuite d’élaborer un prévisionnel d’activité sur la période la plus lointaine

possible (si le 31/12/N intervient dans la période de projection, il convient de s’arrêter à cette

date, et de faire un second prévisionnel pour l’année suivante). L’idée est de se projeter le

plus loin possible dans l’avenir et d’essayer de simuler son activité (idéalement jusqu’au 31

décembre de l’année en cours, date qui marque la fin de l’exercice comptable).

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Lors du démarrage de leurs activités, peu nombreux sont les entrepreneurs qui ont une

réelle capacité de projection : pour la plupart, le prévisionnel sera établi sur une période de 2

à 3 mois.

Le prévisionnel de chiffres d’affaires sera établi sur la base des projets que l’entrepreneur à

mis en route ou sur la base des contacts qu’il a pris pendant la période de la convention

d’accompagnement. Le chargé d’accompagnement apprécie le réalisme des chiffres. En

règle générale, lors des premiers rendez-vous de gestion, il est préconisé de ne pas tenir

compte de chiffres d’affaires incertains ; mieux vaut en faire abstraction dans la simulation et

préférer la solution de revoir l’entrepreneur quelque temps après.

Il est également demandé à l’entrepreneur d’estimer ses frais d’activités mensuels en

détaillant :

- les frais fixes qui sont par nature récurrents : loyers des locaux professionnels, téléphone,

abonnement internet…, sans oublier de prévoir des frais de prospections (déplacements…,)

- les frais variables qui sont fonction du niveau d’activité ou qui sont engendrés de manière

plus aléatoire, dans le cadre d’un projet particulier,

- les frais ponctuels (dépenses de lancement et d’installation, de communication, …) ou des

investissements envisagés (qui vont donner lieu au calcul de dotations d’amortissement).

Il est préconisé de corriger à la hausse l’évaluation des frais d’activités communiqués par les

entrepreneurs, ma pratique d’accompagnement m’a de nombreuses fois démontré qu’ils ont

tendance à les minimiser ou à en oublier… L’entrepreneur et le chargé d’accompagnement

s’appuient par ailleurs sur les simulations et les calculs d’objectifs réalisés pendant la phase

d’accompagnement du projet (convention d’accompagnement).

Selon le même schéma de calcul que précédemment, on obtient le solde « disponible

prévisionnel ».

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Les différents scénarios de rémunération

L’addition du disponible réel et du disponible prévisionnel détermine le budget pouvant

potentiellement être dédié à la rémunération de l’entrepreneur53. Là aussi et par prudence, il

est préférable de prévoir un volume de rémunération inférieur à celui qui vient d’être calculé

afin de prévoir une marge de manœuvre, en cas de variation dans le scénario initial.

53

Certaines charges d’un impact marginal ont volontairement été supprimées pour ne pas alourdir le raisonnements: cotisation annuelle de médecine du travail, assurance mutualisée…

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Bien que présenté différemment, les différents calculs auxquels nous venons de procéder

s’apparente à la détermination comptable du résultat par le compte de résultat.

L’enveloppe allouée à la rémunération étant maintenant déterminée, il ne reste plus qu’à

déterminer la période de lissage, afin d’inscrire la rémunération dans une temporalité. Cette

dimension est importante et se doit d’être discutée avec l’entrepreneur : c’est à ce moment

qu’il faudra tenir compte des déterminants de l’entrepreneur54. A titre d’exemple, les règles

de cumul entre un revenu d’activités et les allocations chômages et/ou les minimas sociaux

sont alors soigneusement étudiées et prises en compte. Selon les paramètres de la situation

de l’entrepreneur, le raisonnement s’en trouvera changé.

Concernant la temporalité, trois hypothèses peuvent être retenues :

- Le scénario prudent :

Au plus loin, les projections de salaires se feront jusqu’au 31 décembre de l’année en cours.

Ainsi, en divisant l’enveloppe allouée à la rémunération par le nombre de mois restant

jusqu’au 31 décembre, on obtient le montant mensuel alloué au salaire.

Ce scénario peut être qualifié de « prudent », le risque étant relativement faible, à la

condition d’avoir bien vérifié la réalité des données prévisionnelles qui ont permis la

construction de la simulation. Ce scénario sera particulièrement utilisé lorsque l’entrepreneur

bénéficie de minimas sociaux (RSA) ou d’un complément de revenus tirés des allocations

chômage. Dans ce cas, il n’y a aucun intérêt économique à monter le niveau de

rémunération : cette démarche entrainera mathématiquement une baisse des allocations.

C’est le scénario préféré par une majorité des entrepreneurs : il a l’avantage de pouvoir

laisser venir. Le scénario étant établi sur une réalité concrète, tout nouveau projet (si les

54

Voir paragraphe « Les déterminants des choix de gestion »

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Page 68 sur 161

autres données restent constantes) pourra permettre une hausse de la rémunération. Le

salaire ne peut en principe pas connaître de baisse, sauf à ce que certains projets

initialement pris en compte s’annulent.

Pour l’anecdote, je révèle ici aux lecteurs que certains entrepreneurs qui voient leur activité

démarrer ne souhaitent pas être payés. En effet, cette position est souvent motivée par la

perception de revenus de remplacements qui se trouvent minorés en cas de perception

conjointe d’un revenu du travail. Nous sommes intransigeants sur la règle et n’acceptons pas

la négociation sur ce sujet : tout entrepreneur en activité doit avoir un contrat de travail

même si celui-ci n’est que de quelques heures… C’est aussi pour cette raison que nous

déclenchons le contrat de travail dès la première facture même si elle ne représente que

quelques euros… J’ai pu observer les pratiques de certaines CAE qui capitalisent les chiffres

d’affaires pendant plusieurs mois avant d’enclencher le contrat de travail. Cette modalité de

fonctionnement m’a toujours questionné par rapport au respect du droit social.

Il faut ensuite convenir d’un parcours de suivi, c'est-à-dire prévoir des temps d’échanges

(rendez-vous physiques, échanges téléphonique ou par mails) pour s’assurer conjointement

que l’avancement du projet demeure toujours dans cette trajectoire initiale ; si tel n’est plus le

cas, le scénario devra donner lieu à une mise à jour.

- Le scénario à flux tendus :

Dans d’autres cas (exemple d’entrepreneurs arrivant en fin de droits et ayant épuisé leur

solde d’allocations), le rythme de lissage sera différent puisque le revenu tiré de la

coopérative est souvent la seule entrée financière de l’entrepreneur. Le besoin d’argent est

alors plus fort puisqu’il ne bénéficie pas de minimas sociaux ou de revenus de compensation

qui viennent compléter le revenu qu’il tire de l’activité.

L’idée est alors de lisser la rémunération jusqu’à la même date que la projection de chiffres

d’affaires. Si le prévisionnel de chiffres d’affaires porte par exemple jusqu’au 31 octobre, le

salaire sera lissé sur cette même période (et non pas jusqu’au 31 décembre, comme dans le

cas du scénario prudent). Par ailleurs, afin de rendre transformer en liquidité pour

l’entrepreneur la plus grande partie des sommes, la marge de manœuvre sera réduite au

maximum.

J’appelle cette possibilité le « scénario à flux tendu ». Dans ce cas de figure, le risque est

bien plus élevé : si l’entrepreneur ne parvient pas avant la date de projection (ici, le 31

octobre) à générer de nouveau contrats, il sera difficile de lui maintenir sa rémunération au-

delà. S’il souhaite la maintenir jusqu’à la fin de l’année, il lui appartiendra alors de réaliser

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au moins l’équivalent de chiffres d’affaires correspondant aux mois de salaires manquants.

Dans telle situation, il est primordial de revoir l’entrepreneur avant la fin de la période de

lissage pour s’assurer que la construction des nouveaux chiffres d’affaires est en bonne voie

et ainsi s’assurer que sa rémunération puisse être maintenue.

- Le scénario risqué :

Certains cas peuvent nous amener à mettre en œuvre des scénarios risqués. Si la survie

économique de l’entrepreneur l’exige, le lissage peut se faire sur une durée plus courte que

celle sur laquelle a été projeté le prévisionnel de chiffres d’affaires. Pariant sur le fort

potentiel de l’entrepreneur, il devra réaliser d’autres chiffres d’affaires à court terme. Cette

situation est à éviter autant que possible, les quelques rares fois où j’ai mis en œuvre cette

méthode, je me suis retrouvé dans des situations complexes. Car, il est aisé d’imaginer que

le salaire puisse augmenter au fur et à mesure que l’activité se développe, il ne faut pas

perdre de vue qu’il peut aussi baisser, en cas de ralentissement ou d’arrêt brutal de l’activité.

Des situations extrêmes peuvent même conduire à recourir, faute d’activité suffisante, à des

périodes de congés sans soldes se traduisant par une rémunération équivalente à zéro.

Le calcul du salaire

Le budget alloué à la rémunération mensuelle dépend de la temporalité du lissage : on

l’obtient en divisant le budget total alloué à la rémunération par la durée de lissage définie

avec l’entrepreneur. Le budget mensuel sera ensuite traduit en salaire brut et net, puis

donnera lieu au versement des cotisations sociales afférentes.

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La composition d’une rémunération salariale

Dans les CAE, les salaires sont calculés sur la base du SMIC horaire. Cette disposition

particulière est permise pour faciliter le démarrage des activités et permet de réduire l’impact

des charges sociales grâce au mécanisme de la réduction des cotisations de sécurité sociale

dite Fillon55.

Le niveau des charges sociales qui s’applique dans la CAE est de l’ordre de :

- environ 23% du salaire brut au titre des charges sociales salariales,

- environ 18% du salaire brut pour les charges patronales, lorsque la rémunération

est calculée sur la base du SMIC horaire. Si le taux horaire augmente, le niveau

de charges patronales s’accroit également, pouvant atteindre 45%.

En pratique, la base SMIC s’applique jusqu’à ce que le salaire atteigne le nombre d’heures

correspondant à un temps plein mensuel (151, 67 heures). Au-delà, c’est le taux horaire qui

augmentera.

Pour obtenir le détail du salaire nous nous appuyons sur la grille suivante que j’ai mise en

place dès la création d’Artenréel. Cette grille fait l’objet de mises à jour régulières, à chaque

augmentation du SMIC ou à chaque variation de charges sociales.

55

Réduction de charges sociales sur les bas salaires

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Grille de détermination du salaire

NB d'heures

Mois

Taux horaire

Brut (SMIC)

Salaire brut Charges salariales

23,1% Salaire net

Charges patronales

18,4%

TOTAL COUT

SALAIRE

10% Mutualisation ARTENREEL

CHIFFRE D'AFFAIRES

H.T. A REALISER

(HORS FRAIS)

2 9,00 € 18,00 € 4,16 € 13,84 € 3,31 € 21,31 € 2,37 € 23,68 €

3 9,00 € 27,00 € 6,24 € 20,76 € 4,97 € 31,97 € 3,55 € 35,52 €

4 9,00 € 36,00 € 8,32 € 27,68 € 6,62 € 42,62 € 4,74 € 47,36 €

5 9,00 € 45,00 € 10,40 € 34,61 € 8,28 € 53,28 € 5,92 € 59,20 €

6 9,00 € 54,00 € 12,47 € 41,53 € 9,94 € 63,94 € 7,10 € 71,04 €

7 9,00 € 63,00 € 14,55 € 48,45 € 11,59 € 74,59 € 8,29 € 82,88 €

8 9,00 € 72,00 € 16,63 € 55,37 € 13,25 € 85,25 € 9,47 € 94,72 €

9 9,00 € 81,00 € 18,71 € 62,29 € 14,90 € 95,90 € 10,66 € 106,56 €

10 9,00 € 90,00 € 20,79 € 69,21 € 16,56 € 106,56 € 11,84 € 118,40 €

12 9,00 € 108,00 € 24,95 € 83,05 € 19,87 € 127,87 € 14,21 € 142,08 €

15 9,00 € 135,00 € 31,19 € 103,82 € 24,84 € 159,84 € 17,76 € 177,60 €

18 9,00 € 162,00 € 37,42 € 124,58 € 29,81 € 191,81 € 21,31 € 213,12 €

20 9,00 € 180,00 € 41,58 € 138,42 € 33,12 € 213,12 € 23,68 € 236,80 €

25 9,00 € 225,00 € 51,98 € 173,03 € 41,40 € 266,40 € 29,60 € 296,00 €

30 9,00 € 270,00 € 62,37 € 207,63 € 49,68 € 319,68 € 35,52 € 355,20 €

35 9,00 € 315,00 € 72,77 € 242,24 € 57,96 € 372,96 € 41,44 € 414,40 €

40 9,00 € 360,00 € 83,16 € 276,84 € 66,24 € 426,24 € 47,36 € 473,60 €

45 9,00 € 405,00 € 93,56 € 311,45 € 74,52 € 479,52 € 53,28 € 532,80 €

50 9,00 € 450,00 € 103,95 € 346,05 € 82,80 € 532,80 € 59,20 € 592,00 €

60 9,00 € 540,00 € 124,74 € 415,26 € 99,36 € 639,36 € 71,04 € 710,40 €

70 9,00 € 630,00 € 145,53 € 484,47 € 115,92 € 745,92 € 82,88 € 828,80 €

80 9,00 € 720,00 € 166,32 € 553,68 € 132,48 € 852,48 € 94,72 € 947,20 €

90 9,00 € 810,00 € 187,11 € 622,89 € 149,04 € 959,04 € 106,56 € 1 065,60 €

100 9,00 € 900,00 € 207,90 € 692,10 € 165,60 € 1 065,60 € 118,40 € 1 184,00 €

110 9,00 € 990,00 € 228,69 € 761,31 € 182,16 € 1 172,16 € 130,24 € 1 302,40 €

120 9,00 € 1 080,00 € 249,48 € 830,52 € 198,72 € 1 278,72 € 142,08 € 1 420,80 €

130 9,00 € 1 170,00 € 270,27 € 899,73 € 215,28 € 1 385,28 € 153,92 € 1 539,20 €

140 9,00 € 1 260,00 € 291,06 € 968,94 € 231,84 € 1 491,84 € 165,76 € 1 657,60 €

151,67 9,00 € 1 365,03 € 315,32 € 1 049,71 € 251,17 € 1 616,20 € 179,58 € 1 795,77 €

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2) Réévaluation du niveau de salaire et redémarrage de

l’activité

Nous venons de voir comment l’entrepreneur vient de procéder, avec l’appui du chargé

d’accompagnement, à l’un de ses premiers choix de gestion : la fixation du niveau de salaire

lié au démarrage de son activité, basé sur des prévisions qui se traduisent par un scénario

d’activité. Le scénario retenu implique un niveau de risque plus ou moins fort, dont sont

coresponsables l’entrepreneur et le chargé d’accompagnement. La relation qui s’instaure

entre eux deux est très importante et la confiance est un facteur indispensable : ils se

doivent mettre en place un programme de suivi du scénario retenu. A l’initiative de conseiller

en gestion, un travail de mise à jour proche du contrôle de gestion est ainsi réalisé en cours

d’année. Tout d’abord, il va prendre connaissance de l’activité de l’entrepreneur à chaque fin

de mois avant établissement de la fiche de paie pour s’assurer que le déroulement réel de

l’activité correspond toujours au scénario. Dans ce cas, le maintien du niveau de

rémunération préalablement fixé reste de mise mais cette opération de contrôle permet aussi

de repérer les évolutions dans les activités, et d’être en capacité de réaction. Ensuite, le

conseiller en gestion devra définir avec l’entrepreneur de nouveaux rendez-vous de gestion.

Toujours selon la même méthodologie des scénarios, il s’agira alors de mettre à jour le

prévisionnel d’activité de l’entrepreneur en mesurant le réel tout en tenant compte

d’éléments prévisionnels nouveaux. Si les données initiales ont changées, il s’agit alors

d’établir un nouveau scénario et de procéder à une augmentation ou à une baisse du niveau

de rémunération.

En pratique, j’essaie de rencontrer les entrepreneurs au moins une fois par trimestre pour

mettre à jour le prévisionnel. Mais plus que tout, c’est la pédagogie qui doit être de mise.

Pour rendre autonome les entrepreneurs, il est important de les sensibiliser, de les placer

dans une posture de coresponsabilité, afin qu’ils prennent conscience qu’il leur appartient de

réaliser le scénario sur lequel ils se sont engagés. Mieux encore, ils doivent prendre le

réflexe d’alerter le conseiller lorsque le scénario évolue. Encore faut-il leur donner les

moyens d’analyser leurs activités : il faut alors les accompagner dans la construction de

tableaux de bords et leur donner les indicateurs qui leur permettront de se situer. Cela les

conduira à provoquer un rendez-vous de gestion dans toutes les situations, aussi bien

lorsque le scénario économique ne se réalise pas que lorsque les hypothèses initialement

sont dépassées.

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Exemples de scénarios

Je vous propose d’observer un cas pratique mettent en perspectives trois scénarios

différents construits à partir des tableaux de bords utilisés par la coopérative. Les données

de départ sont identiques pour les trois scénarios. La comparaison de ces trois scénarios

illustre bien que le scénario retenu est la résultante d’une prise de décision qui implique un

niveau de risque différent.

La technique des scénarios est valable aussi bien pour la définition du premier niveau de

rémunération que pour les rendez-vous de mise à jour (réévaluation) et pour la fixation du

salaire de début d’année suivante.

Données initiales :

L’entrepreneur arrive à estimer son chiffre d’affaires sur la période janvier-septembre : le

montant prévisionnel s’élève à 4 100 € HT

Le chiffre d’affaires est quasi certain (sur la base des devis et des contrats en cours)

La mutualisation des frais de fonctionnement de la coopérative s’élève à 410 € HT

Ses frais fixes s’élèvent à 50€ HT / mois (soit 600 euros HT pour l’année)

Il est prévu une dépense de publicité pour 300 € HT au mois de mars

Les amortissements et autres éléments représentent un total de 288 euros

Le budget maximal dédié à la rémunération s’élève à 2 502 € (4 100 – 410 – 600 – 300 –

288)

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Exemple de scénario prudent (présentation simplifiée)

TABLEAU DE BORD ENTREPRENEURS ANNEE N

EVOLUTION MENSUELLE DES PRODUITS CHIFFRES D'AFFAIRES HT janvier 1000 février 400 mars 200 avril 300 mai 700 juin 500 juillet 700 août - septembre 300 octobre novembre décembre TOTAL ANNEE 4100 MUTUALISATION COOPERATIVE 410,00

SALAIRES ET CHARGES SALAIRES BRUTS CHARGES

PATRONALES 18% COUT TOTAL

janvier 153 27 180

février 153 27 180

mars 153 27 180

avril 153 27 180

mai 153 27 180

juin 153 27 180

juillet 153 27 180

août 153 27 180

septembre 153 27 180

octobre 153 27 180

novembre 153 27 180

décembre 153 27 180

TOTAL ANNEE 1836 324 2160

FRAIS D'ACTIVITES FRAIS ACTIVITES HT FOURNISSEURS HT TOTAL

janvier 50 50

février 50 50

mars 50 300 350

avril 50 50

mai 50 50

juin 50 50

juillet 50 50

août 50 50

septembre 50 50

octobre 50 50

novembre 50 50

décembre 50 50

TOTAL 600 300 900

RESULTAT COURANT 690,00

Provision Médecine du Travail 68 Forfait assurance activité 20 Dotations aux amortissements 200 Autres retraitements comptables TOTAL ANNEE 288

RESULTAT COMPTABLE 342,00

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Synthèse scénario prudent

Le salaire est fixé à 153 euros brut par mois (soit 17 heures au SMIC) pour un coût total de

180 euros mensuels

Si tout se passe comme prévu :

- le salaire est garanti jusqu’à la fin d’année (sous réserve de réalisation des

chiffres d’affaires énoncés et de la maîtrise des frais d’activités)

- il y aura un bénéfice de 342 € (qui représente par ailleurs la marge de sécurité)

Tout nouveau CA devrait permettre de générer une hausse du revenu ou une hausse du

bénéfice de fin d’année

Pas d’urgence à revoir l’entrepreneur en rendez-vous (dans l’idéal, le revoir tous les

trimestres)

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Exemple de scénario à flux tendus (présentation simplifiée)

TABLEAU DE BORD ENTREPRENEURS ANNEE N

EVOLUTION MENSUELLE DES PRODUITS CHIFFRES D'AFFAIRES HT janvier 1000 février 400 mars 200 avril 300 mai 700 juin 500 juillet 700 août - septembre 300 octobre novembre décembre TOTAL ANNEE 4100 MUTUALISATION COOPERATIVE 410,00

SALAIRES ET CHARGES SALAIRES BRUTS CHARGES

PATRONALES 18% COUT TOTAL

janvier 234 41 275

février 234 41 275

mars 234 41 275

avril 234 41 275

mai 234 41 275

juin 234 41 275

juillet 234 41 275

août 234 41 275

septembre 234 41 275

octobre 0

novembre 0

décembre 0

TOTAL ANNEE 2115 360 2475

FRAIS D'ACTIVITES FRAIS ACTIVITES HT FOURNISSEURS HT TOTAL

janvier 50 50

février 50 50

mars 50 300 350

avril 50 50

mai 50 50

juin 50 50

juillet 50 50

août 50 50

septembre 50 50

octobre 50 50

novembre 50 50

décembre 50 50

TOTAL 600 300 900

RESULTAT COURANT 306,00

Provision Médecine du Travail 68 Forfait assurance activité 20 Dotations aux amortissements 200 Autres retraitements comptables TOTAL ANNEE 288

RESULTAT COMPTABLE 27,00

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Synthèse scénario à flux tendus

Le salaire est lissé sur la même période que le chiffre d’affaires

Le salaire est fixé à 234 euros brut par mois (soit 26 heures au SMIC) pour un coût total de

275 euros mensuels

Si tout se passe comme prévu, le salaire est garanti jusqu’à fin septembre (sous réserve de

réalisation des chiffres d’affaires énoncés et de la maîtrise des frais d’activités)

Il y a très peu de marge de manœuvre (27 €)

L’entrepreneur soit se fixer pour objectif à minima de réaliser 915 euros HT de chiffres

d’affaires supplémentaire (305 € HT par mois pour couvrir la mutualisation des frais de

fonctionnement et le coût du salaire) d’ici la fin d’année pour assurer les salaires d’octobre à

décembre sur la même base. L’objectif passe à 360 € HT par mois s’il souhaite également

couvrir ses frais d’activités. S’il dépasse cet objectif, le salaire pourra être revu à la hausse

sur la fin d’année. Sinon, le salaire devra être revu à la baisse.

Il faudra impérativement revoir l’entrepreneur en rendez-vous avant fin septembre (dans

l’idéal, le revoir tous les trimestres)

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Exemple de scénario risqué

TABLEAU DE BORD ENTREPRENEURS ANNEE N

EVOLUTION MENSUELLE DES PRODUITS CHIFFRES D'AFFAIRES HT janvier 1000 février 400 mars 200 avril 300 mai 700 juin 500 juillet 700 août - septembre 300 octobre novembre décembre TOTAL ANNEE 4100 MUTUALISATION COOPERATIVE 410,00

SALAIRES ET CHARGES SALAIRES BRUTS CHARGES

PATRONALES 18% COUT TOTAL

janvier 351 61 412

février 351 61 412

mars 351 61 412

avril 351 61 412

mai 351 61 412

juin 351 61 412

juillet

0

août

0

septembre

0

octobre 0

novembre 0

décembre 0

TOTAL ANNEE 2106 366 2472

FRAIS D'ACTIVITES FRAIS ACTIVITES HT FOURNISSEURS HT TOTAL

janvier 50 50

février 50 50

mars 50 300 350

avril 50 50

mai 50 50

juin 50 50

juillet 50 50

août 50 50

septembre 50 50

octobre 50 50

novembre 50 50

décembre 50 50

TOTAL 600 300 900

RESULTAT COURANT 315,00

Provision Médecine du Travail 68 Forfait assurance activité 20 Dotations aux amortissements 200 Autres retraitements comptables TOTAL ANNEE 288

RESULTAT COMPTABLE 30,00

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Synthèse scénario risqué

Le salaire est lissé sur une période plus courte que celle de la réalisation du chiffres

d’affaires soit de janvier à juin : le salaire est fixé à 351 euros brut (soit 39h au SMIC) par

mois pour un coût total de 412 euros mensuels

Le salaire est garanti jusqu’à fin juin (sous réserve de réalisation des chiffres d’affaires

énoncés et de la maîtrise des frais d’activités)

L’entrepreneur doit à tout prix réaliser des chiffres d’affaires supplémentaires pour couvrir les

salaires à compter de juillet

Il y a très peu de marge de manœuvre (30 €)

Ce scénario peut amener à une rémunération quasi nulle à compter de juillet s’il ne réalise

pas de nouveau chiffres d’affaires avant cette échéance.

L’entrepreneur soit se fixer pour objectif à minima de réaliser 2478 euros HT de chiffres

d’affaires supplémentaire (458 € HT par mois pour couvrir la mutualisation des frais de

fonctionnement et le coût du salaire) d’ici la fin d’année pour assurer les salaires d’octobre à

décembre sur la même base. L’objectif passe à 513 € HT par mois s’il souhaite également

couvrir ses frais d’activités. S’il dépasse cet objectif, le salaire pourra être revu à la hausse

sur la fin d’année. Sinon, le salaire devra être revu à la baisse.

Il faudra impérativement revoir l’entrepreneur en rendez-vous avant fin juin (dans l’idéal, le

revoir tous les trimestres)

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Ces 3 scénarios issus des mêmes données de départ illustrent bien que l’entrepreneur

dispose en cours d’année d’une large latitude lui permettant de fixer son niveau de

rémunération comme il le souhaite. Bien sûr, le scénario est conjointement établi avec le

conseiller en gestion qui a la charge d’apprécier les données et de valider le scénario…en

prenant plus ou moins de risque…

3) La gestion du risque

Au fur et à mesure, l’entrepreneur va s’acculturer avec le modèle et le fonctionnement de la

CAE. Son esprit entrepreneurial va s’aiguisé, il s’autonomise et aura acquis le reflexe

d’alerter le conseiller si son activité évolue. Mais le risque demeure : il est induit par la

technique même de lissage mise en œuvre. La prise de risque peut même être volontaire.

Ainsi, il est tout à fait envisageable de maintenir un niveau de rémunération supérieur au

niveau d’activité, quitte à ce que l’activité soit déficitaire à court terme. Ce qui compte

finalement, c’est l’équilibre au 31 décembre : l’entrepreneur doit avoir équilibré la situation à

cette date. Le risque sera apprécié en fonction de son scénario d’activité. Loin d’être une

formule mathématique, la prise de risque est souvent proportionnelle au degré de confiance :

le conseiller doit avoir confiance en l’entrepreneur, être certain (on ne l’est jamais vraiment)

que celui-ci ne va pas quitter la coopérative en restant sur cette situation déficitaire. C’est

encore une fois le parcours d’accompagnement, le parcours de suivi qui sera important. Par

la confiance mutuelle, la prise de risque est donc possible.

Pour moi, c’est aussi dans cette prise de risque que réside un fort intérêt de développer son

activité en Coopérative d’Activités et d’Emploi. Elle permet une projection dans le futur, sans

perte immédiate de revenu, la coopérative permettant de lisser les fluctuations de l’activité.

Autant être entrepreneur à son compte si son revenu dépend au jour le jour de son volume

d’activité. Un phénomène comportemental est d’ailleurs induit : la prise de risque va exercer

une certaine pression sur l’entrepreneur. Cette pression positive va l’obliger à se bouger, va

lui imposer de démarcher, de trouver les chiffres d’affaires nécessaires.

Si par contre le suivi n’est pas assez rigoureux ou si des aléas viennent perturber le

scénario, le risque d’être dans une situation déficitaire de l’activité lors de la fin de l’exercice

est tout à fait possible. Rappelons-nous que cette situation est en principe interdite en CAE.

Le risque doit donc être mesuré et limité.

Si le déficit d’activité est avéré, le chargé d’accompagnement devra chercher à le résorber

en équilibrant la situation par des « astuces de gestion », comme par exemple :

- une baisse brutale de salaire s’il est encore temps voire le recours au congé sans

solde,

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- l’annulation et le non-remboursement de certains frais d’activités engagés par

l’entrepreneur…

Ces décision de gestion sont souvent compliquées à gérer pour l’entrepreneur et le mettent

parfois dans des situations périlleuses : perte brutale de revenu, non remboursement de

sommes qu’il a pourtant engagées pour le compte de son activité… Humainement, la

situation est également compliquée à gérer pour le chargé d’accompagnement, qui devient

le messager des mauvaises nouvelles…. Mais parfois, il ne subsiste aucun levier pour

rééquilibrer la situation. La conséquence est alors que ce déficit se reporte sur le collectif.

Or, pour couvrir un déficit, il faut bien que d’autres activités soient bénéficiaires (sans rentrer

pour l’instant dans la mécanique de constitution des bénéfices, considérons que les activités

des entrepreneurs tout comme la structure d’accompagnement peuvent être bénéficiaires).

Selon le principe de vases communicants, ces activités bénéficiaires vont alors couvrir la

perte, avec plusieurs effets induits :

- pédagogiquement et éthiquement, il est complexe d’expliquer aux entrepreneurs

que les efforts fournis pour assurer la rentabilité de leurs activités servent à

couvrir les risques pris par d’autres entrepreneurs ou les maladresses de gestion

des permanents chargés de l’accompagnement de gestion ;

- budgétairement, les bénéfices des autres activités seront-ils suffisants pour

absorber les pertes et maintenir le résultat global dans une situation bénéficiaire ?

Si tel n’est pas le cas, c’est la coopérative dans son ensemble qui se trouve en

danger…

La mutualisation du risque par la consolidation des activités semble être une voie mais

nombre de questions demeurent ouvertes : le principe coopératif de solidarité pourrait-il aller

dans une CAE jusqu’à couvrir collectivement les déficits ? Pourquoi pas. Cela passera par

des règles du jeu précises et connues de tous, gardiennes des dérives. Elles nécessiteront

de travailler autour des questionnements suivants : quelles procédures d’alerte mettre en

place ? Quelle est l’origine du déficit ? Tout déficit doit-il être absorbé par le collectif ?

Quelles limites de prise en charge ? Le déficit devra-t-il être remboursé ?

Les associés d’Artenréel réfléchissent à ces questions et cherchent à créer cette dynamique

de solidarité (dans un premier temps, entre les associés).

4) Les difficultés de trésorerie induites

De part sa nature, la technique de calcul des rémunérations selon les scénarios s’appuie

largement sur une part d’activités prévisionnelles. En parallèle, la prise de risque est plutôt

un facteur positif de gestion des activités mais ces deux phénomènes peuvent, de fait,

engendrer des difficultés de trésorerie. Le lissage tient compte d’éléments qui non seulement

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ne sont pas certains, qui n’ont pas encore été facturés et qui sont par ailleurs susceptibles

de mettre un certain temps à se transformer en liquidités monétaires. En parallèle du travail

sur prévisionnel d’activité qui permet de déterminer les salaires, il est nécessaire de travailler

sur les notions de trésorerie et de besoin en fonds de roulement. L’entrepreneur doit être

sensibilisé à ces problématiques afin qu’il mette en place les modalités dans son activité

pour y pallier : versement d’acomptes, mobilisations de créances…

En principe, la coopérative ne doit pas avancer de trésorerie sur la base du principe « 1 euro

qui sort est au préalable entré ». Cette situation est intenable et, à mon avis, la plus-value

d’entreprendre en collectif, d’être en coopérative doit dépasser cette règle. Ainsi, il n’est pas

rare que la coopérative Artenréel déroge à ce principe, quitte à prendre un risque. Les

trésoreries des différentes activités sont mutualisées et se consolident : celles qui sont

positives compensent celles qui sont négatives. Au cas par cas (appréciation du risque par le

chargé d’accompagnement et lorsque les trésoreries consolidées le permettent) et avec

beaucoup de prudence, elles permettent des avances de trésorerie.

Cette logique de mise en commun, de mutualisation des trésoreries trouve d’ailleurs toute sa

cohérence dans les intentions CAE et SCOP, à travers le renforcement du capital social par

l’accession au sociétariat des entrepreneurs et le modèles de répartition des bénéfices56.

56

Vu par la suite

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B. La gestion du bénéfice d’un entrepreneur,

entre enjeu individuel et collectif

En démarrage d’activité ou en début d’année, l’éventuel bénéfice projeté au 31 décembre

s’apparente davantage à une marge de sécurité permettant de prévenir les éventuels aléas

de l’activité (perte d’un chiffre d’affaires, dépassement de frais…). La fin d’année approche,

cette marge de sécurité sera davantage perçue comme un bénéfice. Progressivement, le

conseiller va introduire la notion de bénéfice comptable comme un réel objectif, une

nécessité, un enjeu stratégique, à la fois individuel et collectif. Au fur et à mesure des

rendez-vous de gestion, il convient donc de mettre en perspective le bénéfice et les

possibilités qu’il offre. L’entrepreneur devra prendre conscience de ce qu’il représente.

En premier lieu, il n’y a aucun intérêt à ce que celui-ci soit trop important, incohérent avec les

autres indicateurs de l’activité (salaire et chiffre d’affaires). Ensuite, plus qu’une réelle

rentabilité de l’activité, il représente davantage une richesse non encore consommée,

appartenant à l’entrepreneur, pouvant donner lieu à un complément de rémunération. Mais

lorsqu’il est anticipé et prévu, il peut devenir un puissant levier de diversification de

rémunération, un symbole de solidarité et un instrument de la consolidation de l’entreprise

coopérative.

La coopérative a modélisé tout un dispositif de gestion propre au traitement des bénéfices

individuels de chaque entrepreneur. Ce dernier se doit de maîtriser ces paramètres afin

d’effectuer ses choix en connaissance de cause. Dans cette optique, la coopérative propose

à l’entrepreneur un parcours d‘accompagnement avec deux moments clés, un atelier de

formation propre aux problématiques liés à la clôture des comptes et à la gestion bénéfice,

ainsi et un rendez-vous de gestion spécifique dédié au choix d’utilisation du bénéfice.

1) L’atelier de formation : la clôture comptable des

comptes

Les modalités techniques liées à la fin d’exercice sont transmises lors d’un atelier spécifique

programmé plusieurs fois par an intitulé « la clôture comptable des comptes »57. Cet atelier

de formation, d’une durée de 3 heures, est programmé une fois par mois de septembre à

décembre, afin que chacun puisse y participer et prendre toutes la mesure des incidences

induites. L’atelier a pour objectif d’expliciter aux entrepreneurs les enjeux et contraintes

57

Vu de l’extérieur, réussir à faire participer un artiste à un tel module de formation peut s’apparenter à un exploit. Voir annexe IV, plan de l’atelier clôture comptable des comptes.

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attachées à la clôture des comptes, et leurs impacts sur la gestion des activités. Il leur est

également fait part des dispositifs techniques à leur disposition pour gérer leurs bénéfices

d’activités. Enfin, l’atelier leur donne l’explication du devenir et les raisons d’être des

bénéfices d’une SCOP à travers son mode de d’affectation.

Grâce aux savoirs acquis lors de cet atelier, tout entrepreneur dont l’activité est bénéficiaire

à la clôture de l’exercice sera davantage outillé pour réaliser son choix d’utilisation du

bénéfice. Malgré la participation de l’entrepreneur à l’atelier de formation, les conseils du

chargé d’accompagnement lors de la décision finale auront toute leur importance : en fin

d’année, l’entrepreneur et le conseiller se rencontrent dans le cadre d’un rendez-vous de

clôture des comptes qui aura pour objectif non seulement de gérer le bénéfice s’il existe,

d’accompagner la décision d’utilisation du bénéfice mais aussi de tirer un bilan de l’année

écoulée.

2) Le rendez-vous de clôture des comptes :

l’accompagnement du choix d’utilisation du bénéfice

d’activité

Lors du rendez-vous de clôture des comptes (ces rendez-vous sont concentrés sur les mois

de novembre et décembre), l’entrepreneur et le chargé d’accompagnement vont tenter de

déterminer le montant du résultat qui sera dégagé par l’activité. Ainsi, si l’activité d’un

entrepreneur présente un bénéfice au 31/12, une décision de gestion devra être prise.

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Rappel du modèle économique d’une situation bénéficiaire d’une activité d’un entrepreneur

La méthodologie mise en œuvre au moment de ce choix est alors la suivante :

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C. Les possibilités d’utilisation du bénéfice

d’activité

Pour utiliser son bénéfice, l’entrepreneur dispose de trois possibilités. Il pourra opter soit :

- pour une prime sur salaire,

- soit pour une prime d’intéressement et l’abondement du bénéfice collectif,

- soit pour une formule hybridant les 2 premières possibilités.

Possibilité 1 : Le choix d’une prime sur salaire

La première possibilité dont dispose l’entrepreneur consiste à faire le choix d’utiliser

l’excédent budgétaire sous forme d’une prime exceptionnelle58. Cette somme sera ajoutée

au salaire du mois de décembre. L’excédent représente alors le budget disponible pour

calculer la prime et comprend la prime brute ainsi que les charges sociales

correspondantes : l’entrepreneur percevra le montant de la prime nette des charges sociales.

Cette gratification représente une rémunération salariale et sera soumise aux cotisations

sociales classiques et à l’impôt sur le revenu. Effet pervers, la prime a pour conséquence

d’augmenter fortement la rémunération brute du mois concerné : le niveau des charges

patronales augmente considérablement puisqu’il n‘est plus possible de bénéficier de

l’allègement de cotisations sur les bas salaires (le niveau de charges patronales passe alors

d’environ 18% à près de 45% du salaire brut).

Autrement dit, la prime peut représenter un véritable manque à gagner immédiat pour

l’entrepreneur et s’apparente à une non-optimisation. Il aurait été préférable d’anticiper la

réalisation du bénéfice et de procéder en cours d’année à des augmentations de salaire

dans le cadre du lissage de la rémunération, qui aurait permis de maintenir le niveau de

charges à leur minima. Cependant, les cotisations contribuent à la protection sociale de

l’entrepreneur (chômage, retraite…même si tous les droits sociaux ne sont pas

proportionnels au niveau de cotisation) et concourent à la solidarité nationale. L’avantage

indéniable de la prime sur salaire réside dans sa transformation rapide en argent disponible :

la prime sur salaire est versée en même temps que le salaire du mois de décembre.

S’il opte pour une prime, le compte de résultat de l’entrepreneur ne présente alors plus de

bénéfice puisqu’il a été absorbé par la prime. Le résultat comptable de l’entrepreneur est

alors nul, équilibré.

58

Voir annexe V : exemple d’activités économiques ; utilisation du bénéfice sous forme d’une prime

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Schéma : consommation du bénéfice sous forme de prime

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Possibilité 2 : Le choix de la prime d’intéressement et de

l’abondement du bénéfice collectif

La seconde possibilité consiste à ne pas faire le choix de la prime exceptionnelle sur salaire

mais d’opter pour la prime d’intéressement59. L’accord d’intéressement60 mis en place au

sein d’Artenréel en 2007 prévoit que la prime d’intéressement est égale à 60% du bénéfice

individuel de l’entrepreneur. Toutefois, la législation limite le montant de la prime

d’intéressement versée à un salarié à 20% des rémunérations brutes perçues par l’intéressé

au cours de l’exercice comptable61. Pour le conseiller en gestion, il convient alors de vérifier

(déjà en cours d’année, au plus tard lors du rendez-vous de clôture des comptes) si

l’équation suivante est vraie : l’intéressement égal à 60% du bénéfice doit être inférieur à

20% des salaires bruts. Si tel n’est pas le cas, la prime d’intéressement sera plafonnée à

20% des rémunérations brutes, limitation qui rend moins attractif le dispositif.

Mon rôle de conseiller financier prend ici tout son sens : lors des entretiens en cours

d’année, je mets toujours en perspective la date de clôture des comptes l’éventuel bénéfice

escompté. J’illustre alors les perspectives d’intéressement, notamment en mettant en

exergue ce plafond. Le nécessaire respect du plafond pour optimiser l’intéressement

présente un effet tout à fait bénéfique : même s’il y est réticent, l’entrepreneur se verra

contraint d’augmenter son niveau de salaire afin d’améliorer son potentiel de récupération

d’intéressement. C’est un principe mécanique : si sa rémunération augmente, le potentiel

d’intéressement augmente également.

Mais qu’est ce que réellement l’intéressement. L’intéressement est une rémunération qui

s’inscrit en droit commun dans les tendances de participation des salariés aux bénéfices de

l’entreprise et de l’épargne salarial. Sa mise en œuvre (facultative) suppose la mise en place

d’un accord d’entreprise négocié entre le chef d’entreprise et les salariés. On trouve ce type

d’accord dans de nombreuses entreprises. Ce qui est intéressant, c’est l’adaptation qui en a

été faite par les CAE. L’accord d’intéressement s’applique collectivement à tous les salariés

de l’entreprise coopérative (aussi bien aux entrepreneurs salariés qu’aux permanents) mais il

a une assiette de calcul individuelle qui correspond à chaque activité (considérée comme

une unité de production distincte).

59

Voir annexe V : exemple d’activités économiques ; utilisation du bénéfice sous forme d’intéressement 60

Pour plus de précision, voir Annexe VI 61

Un autre plafond existe : la prime d’intéressement doit être inférieure à la moitié du plafond annuel de la sécurité sociale (soit 17 676 € euros par bénéficiaire pour 2011) ; ce plafond semble plus difficilement atteignable au vue des volumes d’activités actuellement développés au sein d’Artenréel

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L’intéressement permet donc à l’entrepreneur de maîtriser son résultat et lui offre une

possibilité alternative à la prime sur salaire pour utiliser son bénéfice.

Cette disposition présente des avantages mais aussi des contraintes :

- L’intéressement, bien qu’étant une rémunération n’est pas un salaire, cette forme

de rétribution n’est pas soumises aux cotisations sociales classiques : seules la

GCS-CRDS et une cotisation forfaitaire patronale sont dues. L’intéressement

permet de diversifier ses revenus, tout en maîtrisant le niveau de charges

sociales. Concrètement, la prime d’intéressement nette est plus ou moins

équivalente au montant net qui peut être escompté en optant pour la prime sur

salaire. Fiscalement, la prime d’intéressement est soumise à l’’impôt sur le

revenu, sauf en cas de reversement volontaire sur un Plan Epargne Entreprise ;

- La prime d’intéressement est versée à l’entrepreneur au plus tard le septième

mois qui suit la clôture des comptes, soit en juillet de l’année suivante. La mise en

liquidité sept mois après la clôture des comptes génère une trésorerie positive

bloquée jusqu’à cette date dans les comptes de la coopérative, disponibilités

souvent utiles pour redémarrer l’année ; mais l’entrepreneur doit quant à lui

patienter de nombreux mois avant de pouvoir toucher les fruits de son travail. Le

versement de l’intéressement en juillet s’apparente à une forme de prime de

vacances…

Sur la base d’un bénéfice de 100%, la prime d’intéressement représente 60% : il reste donc

un solde quelque part.

Ce reliquat correspond au bénéfice après intéressement de l’activité de l’entrepreneur.

Quelque part, il représente l’économie de charges sociales réalisée en optant pour le

mécanisme de l’intéressement. Au lieu de quitter la coopérative au profit d’une redistribution

nationale (qu’il faut bien sûr maintenir à l’heure de l’émiettement des régimes de protection

sociale), le dispositif proposé par la CAE a pour effet de conserver en son sein une somme

équivalente qui sera elle aussi redistribuée, mais cette fois-ci entre les pairs, entre les parties

prenantes de la coopérative. C’est donc un bénéfice malin ; ces sommes (les 40% résiduels)

vont constituées le bénéfice collectif, le pot commun de la coopérative. La CAE a donc tout

intérêt à ce que les activités des entrepreneurs soient rentables et qu’elles dégagent du

bénéfice. Ensuite, elle a même intérêt à ce que les entrepreneurs optent pour

l’intéressement puisqu’ils reversent par le mécanisme de gestion 40% de leurs bénéfices

individuels au bénéfice collectif. Quel est le devenir de ce bénéfice collectif ? Avant de

répondre à cette question, étudions d’abord la troisième possibilité.

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Schéma : consommation du bénéfice initial sous forme d’intéressement (60% du bénéfice)

Possibilité 3 : hybridation des possibilités 1 et 2

Un troisième choix62 se présente à l’entrepreneur : il peut tout à fait consacrer une partie de

son bénéfice à la prime sur salaire, puis affecter le solde entre la prime d’intéressement

(60%) et la contribution au pot commun (40%) selon les modalités vues précédemment.

Cette possibilité hybride est utilisée:

- De manière volontaire lorsque l’entrepreneur souhaite récupérer une partie de

son bénéfice immédiatement, tout en affectant une partie à la prime

d’intéressement et au résultat collectif,

- Mais aussi de manière contrainte lorsque le montant du bénéfice ne permet pas

d’optimiser la prime d’intéressement, dans le cas où l’intéressement calculé (égal

à 60% du bénéfice) s’avère supérieur au plafond de 20% des salaires bruts. Dans

ce cas, il est nécessaire d’opter pour une prime sur salaire : elle a pour effet de

réduire le bénéfice et d’augmenter le montant des salaires bruts de

l’entrepreneur. Par quelques simples calculs, il est possible d’optimiser les

revenus en déterminant le montant de la prime nécessaire pour parvenir à

l’équilibre nécessaire : 60% du bénéfice < 20% des salaires bruts.

62

Voir annexe V : exemple d’activités économiques ; prime et intéressement, gestion optimale

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D. Du bénéfice de l’entrepreneur au bénéfice

de la coopérative

1) La constitution du bénéfice collectif

Du début de son activité au choix de clôture des comptes, le raisonnement de gestion

s’appuyait jusqu’à présent sur une logique exclusivement individuelle : le bénéfice de

l’entrepreneur provenait de sa propre activité économique, il déterminait son propre niveau

de rémunération, il pouvait choisir de se verser sa propre prime sur salaire, etc.… Nous

allons maintenant quitter cette logique propre à l’individu pour tendre vers un fonctionnement

plus collectif, plus coopératif.

En effet, le bénéfice restant après l’intéressement (à savoir les 40% résiduels du bénéfice

initial de l’entrepreneur) échappe maintenant à la propriété individuelle de l’entrepreneur : il

devient alors l’objet commun des associés, et devra faire l’objet d’une affectation particulière,

selon les règles de répartition des résultats en SCOP.

Concrètement, les 40% restant provenant de toutes les activités bénéficiaires (aussi bien des

autres entrepreneurs que de la structure d’accompagnement) vont s’additionner : nous

retrouvons ici le phénomène des vases communicants. Ce pot commun63 devient le bénéfice

de la coopérative, sans qu’il n’y ait d’importance ni sur son origine, ni sur l’identité de ses

contributeurs.

En matière de gestion prévisionnelle, le montant de cette cagnotte commune est impossible

à déterminer d’avance : le pot commun va dépendre d’autant de choix qu’il y a

d’entrepreneurs présents dans la coopérative. La coopérative (donc le collectif) a tout intérêt

à ce que les entrepreneurs réalisent des bénéfices et qu’ils optent pour l’intéressement : le

reliquat est alors mis en commun.

63

Cette métaphore indique bien qu’il y a un transfert de propriété de l’individuel vers le collectif

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Constitution du bénéfice collectif

2) Le traitement des bénéfices en SCOP

Dans toutes formes juridiques de sociétés, le bénéfice sera soumis à une opération

d’affectation64, qui consiste à l’affecter :

- Soit à l’autofinancement et à la consolidation de l’entreprise (principe des

réserves)

- Soit à la rémunération des bénéficiaires (associés et/ou salariés) ; l’affectation du

bénéfice aux associés est prioritaire dans une grande majorité des statuts

juridiques d’entreprises capitalistes,

- Soit à l’apurement de déficits antérieurs (report à nouveau).

Dans une SCOP, le mode de répartition des bénéfices est défini par l’article 33 de la loi

n°78-763 du 19 juillet 197865.

Les excédents nets de gestion66 réalisés dans une SCOP seront prioritairement répartis de la

manière suivante :

- ils doivent d’abord profiter à ceux qui travaillent dans la SCOP : c’est la part

travail67,

64

L’affectation est décidée par les associés lors de la l’assemblée générale annuelle statuant sur les comptes 65

Voir annexe VII

66 La SCOP étant une société commerciale, ses bénéfices peuvent être soumis à l’impôt sur les

sociétés.

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- Dans un second temps, la répartition doit financer le développement de

l’entreprise et garantir sa pérennité, par la constitution de réserves

impartageables68,

- Enfin, il est possible (sans être obligatoire) de verser un intérêt aux parts

sociales69 destiné à rémunérer le capital social apporté par les associés.

L’affectation à chacun de ces postes doit respecter des ordres de grandeurs (voir notes en

bas de page et voir Annexe VI) ; Les fractions affectées peuvent être fixées statutairement

ou, dans le silence des statuts, être décidées annuellement par l’assemblée générale des

associés statuant sur les comptes annuels.

Ce mode de répartition des bénéfices rémunère le travail et non le capital. Le bénéfice

collectif constitué par les reliquats de bénéfices après intéressement va donc suivre cette

affectation.

67

Entre 25% et 84% du résultat de la coopérative est obligatoirement ristourné aux salariés, soit immédiatement en complément de salaire, soit le plus souvent en l’affectant à une réserve spéciale de participation (forme d’épargne salariale, proche de l’intéressement). 68

Les réserves représentent un poste des fonds propres qui figure au passif du bilan : elles permettent de contrarier certains risques et facilitent le développement de l’entreprise. Elles constituent un élément important du patrimoine qui permet d’assurer le financement endogène de l’entreprise et d’accroître sa crédibilité vis-à-vis des tiers. Dans une SCOP, entre 16% et 75% du résultat sera affecté à la constitution des réserves (répartis entre la réserve légale (15%), le fonds de développement (1%) et d’éventuelles autres réserves). 69

Cette expression est préférée au mot dividende. La fraction affectée à l’intérêt aux parts sociales peut varier entre 0% et ne doit pas dépasser ni le montant mis en réserve ni le montant affecté à la part travail (le maximum sera donc de 33,33%).

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La part travail

Comme de nombreuses SCOP, Artenréel a mis en place un accord de participation70 qui

permet de transformer la part travail en primes de participation. Tout salarié71 à droit à la

participation : l’accord de participation d’Artenréel prévoit une répartition des sommes entre

les bénéficiaires au prorata de leurs rémunérations. Une fois répartie, la participation peut

être :

- soit bloquée pendant 5 ans en comptes courants dans l’entreprise tout un

générant un intérêt72 (logique de l’épargne salariale) ; la rémunération est alors

exonérée d’impôt sur le revenu,

- soit placée dans une banque sur un Plan Epargne Entreprise bloqué, permettant

l’exonération d’impôt ainsi que le versement d’un intérêt qui dépendra de la

nature du placement,

- soit débloquée immédiatement et dans ce cas, soumis à l’impôt sur le revenu.

En cas de blocage, des motifs de déblocage anticipés demeurent : mariage, divorce,

naissance du troisième enfant, acquisition de la résidence principale.... Le déblocage

anticipé pour l’un de ses motifs permet le maintient de l’exonération d’impôt sur le revenu.

Pour l’entrepreneur, la participation s’apparente à un complément de rémunération immédiat

qui peut, s’il le souhaite, être pensé à plus long terme comme une épargne (génération d’un

intérêt qui se capitalise).

Surtout, la participation crée une forme de solidarité entre les membres d’une coopérative :

tous y ont droit même ceux qui n’ont pas contribué à cette richesse collective.

D’un point de vue pédagogique, il m’arrive cependant d’avoir des difficultés à faire

comprendre aux entrepreneurs que le montant qu’ils peuvent escompter au titre de la

participation n’est pas en lien avec le montant qu’ils ont versés au pot commun de bénéfice.

Ils raisonnent souvent ainsi : étant donné que j’ai apporté 100 € au pot commun, je devrais

récupérer entre 25 et 84 € au titre de la participation, selon le pourcentage d’affectation qui

sera décidé par les associés. Mais tel n’est pas le cas. Le participation est réparti

individuellement à chaque salarié au prorata du salaire de l’intéressé sur le total des salaires

de la coopérative. Ainsi, l’entrepreneur peut tout à fait récupérer au titre de la participation

une somme supérieure à celle qu’il a versé au bénéfice collectif, mais aussi bien moins. La

70

Voir annexe VIII 71

Sous conditions d’ancienneté 72

Un taux d’intérêt de 5% est prévu par l’accord de participation d’Artenréel

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somme qui lui sera allouée dépendra non seulement de montant total de la part travail mais

aussi de la proportion de sa rémunération sur le total des salaires (clé de répartition).

Les réserves impartageables

Une part importante des excédents est affectée aux réserves impartageables, qui viennent

renforcer les fonds propres de la coopérative, au même titre que les apports en capitaux des

sociétaires. Ces sommes inaliénables permettent le développement de la coopérative,

consolident sa structure financière et agissent comme de véritables leviers de crédibilité de

l’entreprise coopérative. Contrairement aux formes d’entreprises capitalistiques, les réserves

coopératives sont impartageables : elles n’appartiennent ni aux entrepreneurs ni à la

structure d’accompagnement mais elles sont la propriété de tous. Elles représentent le

patrimoine commun de l’entreprise coopérative. Elles demeurent dans l’entreprise même en

cas de départ des associés qui les ont générées, dans une logique de transmission de

générations en générations. Elles se transmettent de génération en génération sans

qu’aucun associé qui quitte la Scop ne puisse prétendre à en revendiquer une part à son

départ. L’accroissement progressif des réserves constitue le véritable capital social de

l’entreprise et assure sa pérennité comme son indépendance vis-à-vis d’investisseurs

extérieurs. D’autre part, les salariés étant associés majoritaires, sécurisent, par la

constitution de réserves, leur emploi, en renforçant les fonds propres de l’entreprise.

L’intérêt aux parts sociales

Cette forme de rémunération tirée du bénéfice pourrait s’apparenter à une forme de

rémunération du capital : elle est en réalité assez peu mobilisée dans les SCOP, qui

privilégient la rémunération du travail. Non-pensée comme un dividende, l’intérêt aux parts

sociales correspond davantage à une rémunération sous forme d’intérêt, dans l’idée du prêt

d’argent réalisé par les associés à la société coopérative.

La CAE, par les modalités de gestion du bénéfice de chaque entrepreneur (prime sur salaire

ou intéressement) propose à l’entrepreneur de contribuer à la création de richesses

collectives. En effet, s’il opte pour l’intéressement (60% de son bénéfice), l’entrepreneur

contribuera (à hauteur de 40% de son bénéfice) à construire le bénéfice collectif de la

coopérative. Ces sommes suivent ensuite l’affectation des bénéfices liée au statut SCOP

telle que nous venons de le voir.

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Schéma récapitulatif « articulation intéressement, participation et richesse collective »

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Les dates clés de la mise en place du dispositif

La mise en œuvre de la participation et de l’intéressement passe par la mise en place

d’accords collectifs d’entreprise. Ces accords nécessitent la ratification par les 2/3 des

salariés présents au moment de la conclusion de l’accord. A chaque mise en place, il a fallu

convaincre de leur pertinence et justifier de leur intérêt. Les accords d’intéressement et de

participation ont donné lieu à de beaux moments collectifs (sous forme d’ateliers, de

réunions de présentation) nécessitant une pédagogie certaine. La course aux signatures a

parfois été une réalité tant les notions de bénéfices semblaient lointaines pour certains. Pour

d’autres, il a fallu faire comprendre l’importance de leur signature, qu’elle permettrait aux

autres de bénéficier des dispositions de l’accord même si eux même n’étaient pas

immédiatement concernés.

Le dispositif de gestion proposé par Artenréel s’est construit progressivement, voici les

quelques dates clés :

2006 : Mise en place de l’accord de participation

2007 : Mis en place de l’accord d’intéressement

2010 : Renouvellement de l’accord d’intéressement, reconduit selon les mêmes modalités

2011 : Mise en place de Plan Epargne Entreprise (permettant aux bénéficiaires d’y verser les

sommes perçues au titre de l’intéressement)

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IV. Analyses et observations

Après cette partie descriptive du dispositif de gestion de la CAE, nous avons mis en

évidence la pluralité des décisions de gestion qui doivent être prises par les artistes

entrepreneurs, de la gestion courante de leurs activités (rémunérations) à la gestion du

bénéfice d’activité. Nous avons aussi fait état des avantages réciproques que peuvent y

trouver les entrepreneurs et la coopérative, notamment au moment du choix d’utilisation du

bénéfice. Essayons maintenant de comprendre ce que font réellement les entrepreneurs et

ce qu’il pense de l’ensemble de ces dispositifs.

Cinq entretiens ont été réalisés avec des artistes entrepreneurs73 présentant tous des

caractéristiques différentes :

- Cristina

- Louise

- Anaya

- Gérard

- Albert

Pour cibler la population des entretiens, j’ai choisi les personnes en fonction des indicateurs

suivants :

- ancienneté dans la coopérative (inférieur à un an, entre un et trois ans, supérieur à 3

ans)

- situation de l’activité dans la coopérative (non démarrée, démarrage,

développement/croissance, rythme de croisière)

- lien avec la coopérative (accompagné, salarié ou associé).

Le tableau ci-dessous récapitule les caractéristiques des personnes interrogées :

Nom Ancienneté Situation de l’activité Engagement

Cristina > de trois ans rythme de croisière Entrepreneur Associé

Louise Entre un et trois ans rythme de croisière Entrepreneur Salarié

Anaya < à un an démarrage Entrepreneur Associé

Gérard Entre un et trois ans développement/croissance Entrepreneur Salarié

Albert < à un an Non-démarré Entrepreneur Accompagné

73

Les noms ont été changés

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L’analyse de profils différents permettra de questionner le processus de décision et ses

caractéristiques. En complément, à partir de statistiques liées à la clôture des comptes

(issues des choix des entrepreneurs lors de l’utilisation du bénéfice sur les exercices 2008,

2009 et 2010), j’ai tenté d’observer quels étaient les ressorts des choix réalisés. L’analyse de

ces données me permet de livrer les observations suivantes.

A. Les déterminants des choix de gestion

Nous avons vu auparavant que le cadre de fonctionnement de la coopérative (son dispositif

de gestion) impose un certain nombre de règles qui vont conditionner ou en tout cas orienter

les choix des entrepreneurs. Leur autonomie de décision sera quelque peu contrainte par

ces déterminants en cours d’internalisation : pour la plupart d’entres elles, ces règles seront

découvertes et acceptées progressivement par l’entrepreneur, il en tenir compte dans ses

prises de décisions. D’autres déterminants propres à l’entrepreneur lui-même seront à

l’œuvre et vont agir sur le processus de décision.

Des déterminants entrepreneuriaux vont entrer en ligne de compte, à savoir sa vision et sa

stratégie de développement d’activités. Ces déterminants se traduisent par exemple par son

goût pour le risque (prises de risques plus ou moins importantes ou au contraire gestion très

prudente), par des choix d’investissements, par la volonté de développer de nouveaux

marchés… Louise a très bien résumée cette vision entrepreneuriale à l’œuvre : « j’arrive au

rendez-vous avec ma propre stratégie, c'est-à-dire la possibilité d’augmenter ou la nécessité

de baisser le salaire ».

Deux autres catégories de déterminants vont agir sur les décisions de l’entrepreneur.

Des déterminants externes tels que sa situation sociale, matérialisée par les dispositifs

d’indemnisation de droit commun ou les minimas sociaux dont il est bénéficiaire, vont

changer la conduite de son activité et influencer ses choix. Ainsi, un entrepreneur bénéficiant

d’un complément chômage74 aura tendance à vouloir minimiser son salaire au plus bas afin

de perdre le moins d’allocations possibles75… Il exprimera alors sans doute la volonté

d’engager un maximum de frais d’activités, d’investir dans du matériel ou encore de se

constituer un stock de matières… Albert l’a bien affirmé : « pour l’instant, cela ne me sert à

rien d’augmenter le salaire. Toute somme supplémentaire vient diminuer mes allocations ».

74

Allocation de Retour à l’Emploi versée par le Pôle Emploi 75

Des règles de cumuls existent entre les minimas sociaux, les revenus de remplacements et les revenus issus de la reprise d’une activité salariée : cumul avec l’Allocation de Retour à l’Emploi (chômage), le Revenue Minimum d’Activités, l’Allocation Spécifique de Solidarité…

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Enfin, des déterminants particuliers liés à la situation de l’entrepreneur dans la vie vont agir

sur les décisions de gestion de l’activité. A titre d’exemple, il peut s’agir de :

- Sa situation économique personnelle (a-t-il économies « de côté » ? quelle est son urgence

financière ? a-t-il des emprunts à rembourser ? a-t-il un autre emploi ?),

- de sa situation « maritale » (a-t-il un conjoint dont le revenu est suffisant ? a-t-il des

enfants ?)

- du soutien de ses parents ou de son entourage (ses parents ou sa famille proche peut-elle

assurer les arrières ?).

La résultante des effets de l’ensemble de ces paramètres a été qualifiée par Nathalie Wright

de « degré de pression extérieur »76. Ces déterminants ont été majoritairement énoncés par

les entrepreneurs lors des entretiens. La place du conjoint dans le revenu du foyer ou le

soutien familial des parents sont des éléments essentiels ; parfois, tous deux aident même

l’entrepreneur.

Cristina a pu compter sur le soutien de ses parents : « Je suis propriétaire, mes parents

m’ont beaucoup aidé, je n’ai plus de loyer à payer. Cela change tout », tout comme Anaya :

« mes parents m’aident : ils payent notamment le loyer ». Louise bénéficie quant à elle de

l’aide de ses parents et de son conjoint : « je bénéficie d’un environnement familial

confortable : mes parents ont payé mes études, ont financé mon ordinateur, ma voiture… A

ce titre, je ne suis pas inquiet des accidents de la vie, je sais que mes parents seront là pour

m’aider. Et j’ai la chance d’avoir un compagnon qui équilibre les comptes du ménage ».

Cristina a par contre perdu un certain confort de vie qui lui met une pression plus forte

aujourd’hui : « J’ai vécu avec quelqu’un qui était fonctionnaire, nos dépenses étaient

couvertes par son revenu, j’étais libre d’aller sur les projets qui me plaisaient, qui n’étaient

pas forcément très rémunérateurs ».

Ce confort de travail garanti par un soutien quelconque, Gérard en éprouve également le

besoin ; lui ne bénéficie pas du soutien familial mais à décider de maintenir un travail en plus

de son activité artistique : « j’ai toujours un emploi en parallèle, je suis plutôt bien payé. Ce

travail stable me permet de vivre, de m’assurer un revenu permanent et ne me met pas la

pression de la réussite de mon activité ».

Sans ces appuis, il y a fort à parier que les entrepreneurs ne seraient sans doute pas en

mesure de maintenir très longtemps la seule activité artistique et se verraient contraints de

trouver d’autres sources de revenus.

76

Nathalie Wright, Quelle place occupe le niveau des revenus des entrepreneurs salariés dans la perception de réussite de leur activité ?, Mémoire CNAM

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Ces différents paramètres sont à questionner dans le cadre de l’accompagnement proposé

par la coopérative : il faut connaître un maximum d’aspects concernant l’entrepreneur.

L’accompagnement de l’activité et des décisions de gestion doit en tenir compte ; c’est pour

cette raison que la situation sociale et économique de l’entrepreneur est questionnée dès les

premières prises de contact avec la coopérative. La non-prise en compte de l’ensemble des

paramètres peut conduire à des choix incohérents qui pourraient conduire l’entrepreneur à

des situations complexes (par exemple, la perte prématurée de ses allocations chômages).

La fixation de son niveau de revenu par la technique du lissage de la rémunération sera

établi de manière différente en fonction de l’ensemble des paramètres : le conseiller de la

coopérative accompagnera ces choix en mettant en œuvre la technique des scénarios et en

réalisant différentes simulations jusqu’à trouver celle qui répond à la majorité des

déterminants.

Il ressort également des entretiens que ce qui guide la décision de définition de leur

rémunération est le besoin d’argent, tout simplement nécessaire pour vivre ou survivre. Pour

Cristina, la manière de définir le niveau de revenu dépend du « besoin d’argent, qui guide

souvent les choix. La manière de gérer (…) est liée au niveau de revenu : si tu n’as pas

beaucoup d’argent, tu survis, tu ne fais pas de choix, tu ne gères même pas, tu prends ce

que tu as ». Anaya, plus distante sur ces questions, en arrive néanmoins à la même

conclusion : « Je pense que la première chose qui motive le choix est la situation de la

personne : est-ce qu’elle a besoin d’argent pour vivre au quotidien ? ». La survie

économique est donc un facteur de choix prépondérant dans la fixation du revenu : ce n’est

pas surprenant, il s’agit bien là des besoins physiologiques (manger, dormir, …), identifiés

par les travaux d’Abraham Maslow.

Les décisions de gestion qui devront être prises par les entrepreneurs forment un système

complexe, leurs choix se tissent littéralement ensemble. Chacun met en œuvre sa propre

stratégie individuelle, qui n’est pas toujours clairement annoncée, ni même très réfléchie :

comment trouver l’équilibre entre la survie, les intérêts personnels de l’entrepreneur et

l’intérêt de la coopérative, notamment en matière de respect du Droit ? Cette question se

pose quotidiennement dans mon métier d’accompagnateur et la réponse ne peut résider

dans les seules règles de gestion ou de la loi : être en coopérative, c’est aussi savoir

humaniser la gestion des activités.

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L’analyse des entretiens a également permis de mettre en évidence un enjeu important pour

les entrepreneurs : celui de la protection sociale. J’ai été relativement surpris, je sous-

estimais pour eux l’importance de ce facteur, qui semble bien orienter leurs décisions. Ce

n’est peut être pas le facteur le plus influant mais il entre tout de même en ligne de compte.

Par l’accompagnement, la coopérative conduit à en prendre conscience. Cristina l’a très bien

synthétisé : « la coopérative m’aide à raisonner à long terme, en réfléchissant aussi à la

protection sociale, à la retraite… Le statut de salarié en CDI est surement un des aspects qui

amène les gens vers Artenréel ».

B. Le rôle de l’accompagnement

L’accompagnement conduit donc les entrepreneurs à prendre en compte dans leurs prises

de décision des paramètres qu’ils auraient peut ignorés en étant seuls. Le dispositif de

gestion et l’accompagnement ont des effets sur la manière dont les entrepreneurs gèrent

leurs activités. Par son fonctionnement particulier, tous sont unanimes, la coopérative leur

permet de mieux gérer leurs revenus. Cristina indique que « la CAE permet de mieux gérer

l’argent, de se projeter dans le temps. Le lissage des revenus, c’est très bien, au moins tu

sais ce que tu auras chaque mois. (…) quand j’ai des sous, je les dépenses… ça peut être

dangereux ; je ne sais pas économiser, la coopérative économise pour moi ». Albert est lui

dans « une attitude de toujours avoir besoin d’argent frais…quand j’ai de l’argent, je ne suis

pas très économe. Le lissage imposé du salaire m’apprend à mieux gérer ».

Tous voient dans la technique de lissage de la rémunération des avantages indéniables. Ce

qui semble ce distinguer, c’est l’approche qu’on les entrepreneurs dans la manière dont ils

vont piloter leurs activités. Albert (mais peut être est-ce lié à son jeune parcours dans la

coopérative) est plutôt dans la posture de ne pas prévoir à l’avance, de ne rien calculer et

d’attendre le rendez-vous de gestion « pour faire le point et voir ce qui peut être fait ». Pour

Louise, l’approche est beaucoup plus rationnelle et entrepreneuriale : « En début d’année, je

me fixe des objectifs de salaires, de frais et donc de chiffre d’affaires. (…) Mon objectif

premier était de pouvoir valoriser tous mes frais d’activités, le solde étant alloué à mon

salaire ». Son raisonnement prouve un degré certain d’autonomie. Il pourrait être légitime de

se demander pourquoi elle continue de se faire accompagner. Elle y répond elle-même en

mettant en avant le côté rassurant de l’accompagnement : « Je fais valider mes

prévisionnels par la comptable d’Artenréel tous les 3 mois, cela me rassure ». Cristina

semble également mettre en avant cette qualité à l’accompagnement : « la coopérative peut

aider à se poser les bonnes questions, celles qu’on ne se poserait pas tout seul. Moi je

raisonne à la louche mais là, quelqu’un, la coopérative, me montre la réalité des choses ».

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La fixation de la rémunération dépend majoritairement de besoin d’argent de chacun et met

en œuvre des raisonnements plus ou moins prévus d’avances, plus ou moins prédéfinis ou

structurés. L’accompagnement permet de valider les hypothèses des entrepreneurs et

permettent le les confronter à la réalité pour leur amener un point de vue nouveau, voire les

rassurer dans la conduite de leurs affaires.

C. La rationalisation du bénéfice des

entrepreneurs

Comment se fait alors le choix d’utilisation du bénéfice ? Il résulte de l’analyse des entretiens

(en tout cas, pour ceux qui étaient concernés, qui ont déjà vécu une clôture des comptes) un

fort sentiment d’appropriation de ce moment clé par les entrepreneurs. Sans toutefois

maîtriser toute la technicité des dispositifs, ils en ont saisis l’importance, les enjeux et le

sens. La prime sur salaire leur apparaît comme être à éviter sauf en cas d’urgence

économique.

Cristina l’exprime très bien : « si je devais choisir la prime, ce ne serait sans doute pas dans

une logique de confort ou de plaisir, mais plutôt dans une logique d’urgence, parce qu’à ce

moment précis, j’aurais besoin d’argent ». Gérard le confirme également : « le choix de ce

que je fais de mon bénéfice dépendra du besoin d’argent immédiat lié à la période de Noël »

et dépendra aussi de la vision de son activité à moment précis du choix de gestion lié au

bénéfice : « Si je sais que j’ai beaucoup d’activités en début d’année suivante, je vais plutôt

opter pour l’intéressement, si je n’ai pas de vision claire, je crois que j’opterais plutôt pour

une prime ». Pour Louise, la prime est à éviter à tout prix : « je n’ai jamais pris de prime sur

salaire car il y a beaucoup trop de charges sociales ; je préfère augmenter mon salaire en

cours d’année. J’essaie de dégager un bénéfice cohérent par rapport à l’activité ». Et son

esprit rationnel de rajouter : « en fin d’année, j’utilise au maximum la possibilité de

l’intéressement car (…) il y a moins de charges sociales et d’impôts. (…) L’intéressement est

versé avant l’été, je le vois donc comme une prime de vacances, c’est la cerise sur le

gâteau ! ». Pour Anaya, le recours à la prime sur salaire « n’est pas gênant s’il y a une

explication valable, par exemple si la personne a besoin d’argent. Par contre, si la personne

prend toujours la prime, je pense qu’elle est alors en décalage avec le projet de la

coopérative ». Elle va même plus loin : « On pourrait peut être imaginer des critères, des

règles qui feraient qu’on limite la possibilité de la prime dans certains situation ».

Les points de vue exprimés mettent en avant l’acculturation des entrepreneurs au dispositif

de gestion : en analysant ultérieurement le parcours d’accompagnement de Cristina, Louise,

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Anaya et Gérard, tous quatre avaient suivis l’atelier « La clôture comptable des comptes »

(Albert ne l’avait pas encore suivi et n’avait pas encore vécu de clôture des comptes). La

participation à l’atelier semble conditionner la perception du bénéfice et semble agir sur la

décision d’utilisation du bénéfice ; encore une fois, le parcours d’accompagnement laisse à

penser qu’il agit fortement sur le processus de prise de décision mis en œuvre par les

entrepreneurs. Gérard le confirme en complétant son propos précédant sur la prime sur

salaire : « le choix de ce que je fais de mon bénéfice est fortement influencé par

l’accompagnement ». L’accompagnement éclaire donc les décisions des entrepreneurs tout

comme leur acculturation au dispositif de gestion.

De plus, les entrepreneurs, en tout cas ceux qui composent l’échantillon des entretiens,

semblent pour la plupart animés de fortes valeurs, comme le témoigne Anaya : « on est dans

une coopérative, le choix doit être motivé par les valeurs et par l’appartenance à la

coopérative et pas forcément par la situation personnelle. Si on est dans la coopérative, c’est

pour être solidaire, pour défendre un projet collectif. J’ai envie de faire partie de la

communauté, de participer au fonctionnement de la coopérative ».

Ces valeurs sont celles de la coopération et sont clairement mises en avant. L’échantillon

des entretiens est-il suffisant pour en déduire que chaque entrepreneur en CAE est animé

par ces valeurs coopératives ?

Nous évoquons depuis plusieurs dizaines de pages les bénéfices d’activités des

entrepreneurs salariés. Mais au fait, sont-ils une réalité ? Combien d’activités

d’entrepreneurs dégagent réellement un bénéfice à la clôture de l’exercice ? Quel est le

volume de ces bénéfices ? Et les paroles sont-elles suivies des actes qui mettent en action

les valeurs coopératives ?

Pour y répondre, je vous propose d’étayer l’analyse par l’observation de quelques

statistiques liées à la gestion des bénéfices.

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Sur les 3 années d’observations, nous constatons qu’en moyenne près de 80% des

entrepreneurs dégagent un bénéfice d’activité avant de procéder au choix de clôture des

comptes. Les 20% d’activités non bénéficiaires ne sont pas pour autant déficitaire, elles sont

équilibrées.

Le montant cumulé des bénéfices des entrepreneurs avant le choix de clôture représente

des sommes importantes :

- 63 522 € pour 2008

- 59 441 € pour 2009

- 87 280 € pour 2010.

Le montant du bénéfice moyen se situe selon les années entre 1000 et 1500 €. Les choix

d’utilisation de ces sommes sont loin d’être anecdotiques et représentent de réels enjeux

économiques pour les entrepreneurs.

Que décident-ils de faire de ces sommes ? Quels choix d’utilisation du bénéfice mettent-ils

en œuvre ?

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En moyenne, 25% des entrepreneurs bénéficiaires consomment la totalité de leur bénéfice

par la prime sur salaire : la totalité de leur bénéfice est alors utilisé pour permettre le

versement de cette prime exceptionnelle. Il est intéressant d’observer que la proportion

d’entrepreneurs réalisant ce choix à tendance à diminuer d’années en années, passant de

28% en 2008 à 21% en 2010.

L’accompagnement et la prise de conscience des entrepreneurs des tenants et aboutissants

des différentes possibilités d’utilisation du bénéfice y contribuent sans nul doute.

Par déduction, on obtient le nombre et le pourcentage d’entrepreneurs qui ont privilégiés le

choix de l’intéressement et l’abondement du bénéfice collectif : il est lui en croissance.

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En observant les chiffres de plus près, on constate que certains entrepreneurs ayant fait le

choix de l’intéressement ont également optés pour une prime sur salaire : ils sont en

moyenne 15% a avoir fait ce choix. Ce choix a peut être été totalement volontaire et réfléchi,

l’entrepreneur souhaitant activer les deux leviers de rémunération, au profit d’une diversité

des revenus et de leurs avantages/inconvénients. Mais le choix a peut être également été

contraint, imposé notamment par le plafond de l’intéressement qui ne peut être supérieur à

20% des salaires perçus par l’entrepreneur. Dans ce cas, une prime est parfois nécessaire

pour permettre le respect de cet équilibre. Sans doute, le bénéfice prévisionnel n’avait pu

être traduit en amont de la clôture des comptes, ou alors a-t-il mal été estimé. Car autant que

faire ce peu, il aurait été dans cette situation préférable d’augmenter au préalable la

rémunération dans le cadre du lissage.

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Mais quelles sommes représentent finalement cette typologie des choix réalisés ? Le

graphique suivant met en lumière le montant cumulé des bénéfices avant le choix de clôture

et les choix d’affection mis en œuvre par les entrepreneurs.

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Il ne se dégage pas de réelle tendance de ce graphique même si on peut noter, depuis 2009,

que la part des bénéfices allouée à l’intéressement est supérieure à celle allouée aux primes

sur salaire : cette analyse indique bien que les entrepreneurs ont intégré les avantages

d’opter pour l’intéressement.

En confrontant le montant de chacune des d’affectations au volume des rémunérations

versées dans le cadre du lissage, on peut observer un phénomène intéressant.

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Le montant de primes versées représente pour 2008, 2009 et 2010 respectivement 10%, 3%

et 5% du montant des rémunérations versées dans le cadre du lissage. Sur les 3 années

d’observation, le montant de la part allouée à l’intéressement reste stable et représente en

moyenne 7% du montant des rémunérations versées dans le cadre du lissage. Cette analyse

illustre le fait qu’il y a une meilleure prise en compte des rémunérations en cours d’année ;

les entrepreneurs ont assimilés qu’il fallait minimiser le recours au primes et préférer des

augmentations de salaires en cours d’année.

L’analyse met aussi en évidence que les primes ne sont pas inévitables notamment parce

que les bénéfices ne sont pas toujours prévisibles d’avance. D’ailleurs, ce constat traduit

aussi en chiffres les stratégies (au sens de la manière de sont conduits les choix) de certains

entrepreneurs qui restent à temps plein au SMIC pour continuer à bénéficier de la réduction

Fillon, bien que leur activité puisse permettre de dépasser ce niveau de rémunération. Ils ont

recours à la prime en fin d’année pour récupérer la part de bénéfice qu’ils auraient peut être

pu allouer à la rémunération lissée. Cette situation explique pourquoi certains ont recours à

la prime et à l’intéressement. La hausse du nombre d’entrepreneurs ayant recours à la prime

et à l’intéressement traduit sans doute cette situation. Je peux formuler ces affirmations par

mes observations quotidiennes ; je sais que plusieurs d’entrepreneurs ont des activités d’un

niveau économique assez soutenu et qu’ils raisonnent de la sorte.

On peut également noter que le montant maximisé des bénéfices alloués à l’intéressement

pourrait être égal à 60% (du fait des dispositions de l’accord d’intéressement mis en place) :

il y a encore une belle marge de progression pour tendre vers ce chiffre, bien qu’il ne

paraisse pas atteignable du fait des stratégies d’entrepreneurs illustrées précédemment.

L’analyse du montant des primes sur salaires individuelles rend bien compte de la disparité

des niveaux d’activités. Le montant moyen des primes a respectivement été pour 2008, 2009

et 2010 de 1 419 €, 620 € et 864 €. Cette moyenne n’est pas forcément représentative, une

analyse des primes médianes aurait été plus riche, mais les données en ma possession ne

m’ont pas permis de l’obtenir. L’écart entre la prime la plus basse et la prime la plus haute

est quant à lui impressionnant. De l’ordre de quelques euros (qui correspondent à une prime

soit de l’ordre du symbolique soit à une prime sur salaire de régularisation qui a permis

d’équilibrer le résultat avant choix de clôture qui était lui-même déjà proche de l’équilibre),

elle peut atteindre plusieurs milliers d’euros (entre 4 000 et 6 500 €, selon les années) pour

la prime la plus forte.

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On observe les mêmes disparités en observant les montants individuels des primes

d’intéressement.

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La moyenne des intéressements individuels croît très légèrement d’années en années de

même que le montant de l’intéressement le plus haut, qui illustre bien que certaines activités

atteignent des niveaux considérables mais illustre sans doute également la stratégie de

maintient des rémunérations au SMIC évoqué précédemment, qui donne lieu en fin d’année

à une optimisation entre prime et intéressement.

Une fois les primes sur salaires et les sommes affectées à l’intéressement calculées, le

solde constitue le bénéfice collectif de la coopérative, le « pot commun » de bénéfice.

D. Le bénéfice de la coopérative, levier de

solidarité et de richesse collective

Le tableau ci-dessous présente l’origine des bénéfices réalisés par Artenréel sur les 4

dernières années, en identifiant la part qui provient du bénéfice des entrepreneurs de la part

du bénéfice qui provient de la structure d’accompagnement.

Tableau : origine et évolution des bénéfices d’Artenréel

Evolution et origine des bénéfices

structure ES Total

2006 17 649 € (85%) 3 114 € (15%) 20 763 €

2007 9 798 € (63%) 5 707 € (37%) 15 505 €

2008 3 684 € (21%) 14 165 € (79%) 17 849 €

2009 5 351 € (23%) 18 161 € (77%) 23 513 €

2010 6 586 € (28%) 23 214 € (72%) 29 800 €

Total 43 068 € (40%) 64 362 € (60%) 107 430 €

L’analyse de ces chiffres illustre à merveille plusieurs phénomènes.

- En premier lieu, le bénéfice réalisé par la consolidation des activités des

entrepreneurs ne cesse d’augmenter d’années en années : cela peut sans doute

s’expliquer par l’augmentation du nombre d’entrepreneur. C’est vrai pour la

période 2006-2008 où le nombre d’entrepreneur a été croissant.

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- Mais il faut nuancer le propos sur la période 2009-2010. Depuis 2009, la

coopérative a trouvé sur rythme de croisière en termes de nombre

d’entrepreneurs : elle compte en permanence environ 80 entrepreneurs. Plus que

le nombre d’entrepreneur qui augmente, c’est le niveau d’activités des

entrepreneurs (voir schéma des chiffres d’affaires) qui augmente et donc la

propension à réaliser des bénéfices.

Sans doute, c’est peut être aussi la compréhension des mécanismes d’affectation des

bénéfices et leurs intérêts qui font croître les bénéfices des entrepreneurs. La montée en

puissance de la proportion de bénéfice réalisé par les entrepreneurs sur le bénéfice total

renforce ce sentiment. 15% en 2006 (année de mise en place des accords d’intéressement

et de participation), ce ratio atteint aujourd’hui 72% : la tendance c’est tout simplement

inversée au fil du temps ! Il est vrai que le montant du bénéfice réalisé par la structure est

aussi moins important en valeur nominale (ce phénomène s’explique par les effets seuils qui

entraient l’apparition de charges nouvelles et l’augmentation des charges fixes de

fonctionnement). Malgré cette diminution de la rentabilité de la structure d’accompagnement,

ces différents phénomènes croisés montrent que la perception du bénéfice comme enjeu

personnel mais aussi collectif porte ses fruits.

1) La répartition du bénéfice mise en œuvre au sein

d’Artenréel

Les statuts d’Artenréel prévoient que l’Assemblée Générale Ordinaire des associés décide

annuellement des modalités de l’affectation du résultat. Depuis la création d’Artenréel, la le

résultat a toujours été affecté pour moitié à la part travail (transformée en participation) et

pour l’autre moitié à la constitution des réserves impartageables. Concrètement, cela se

traduit par l’absence d’intérêts aux parts sociales versés aux associés. Ce choix

d’affectation, qui sous-entend que les sociétaires eux-mêmes renoncent à toute

rémunération du capital, a été introduit par les associés fondateurs dont je fais partie : il était

impensable de prendre un intérêt aux parts sociales sur un bénéfice constitué en partie par

les artistes entrepreneurs. L’exemplarité est une règle à laquelle nous sommes attachés. Les

entrepreneurs en ont pleinement conscience et sont mêmes attachés à cette logique

coopérative de répartition des bénéfices, comme le témoigne Cristina : « J’adhère à l’idée

que mon bénéfice peut solidifier la structure et peut être répartis entre tous, je trouve cela

bien ».

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Schéma : Mode de répartition des bénéfices d’Artenréel

La deuxième vague d’associés qui nous a rejoints en 2009 (9 associés au total) a pour

l’instant toujours suivi cette affectation. Lors de la dernière assemblée générale du mois de

juin 2011, la répartition a été mise en débat : il a été évoqué le versement d’un intérêt aux

parts sociales même si au final, la répartition entre réserves et part travail s’est à nouveau

imposée.

Qu’en sera-t-il lors des prochaines assemblées générales alors que le sociétariat s’est

encore élargi ?

Le témoignage d’Anaya met bien en évidence cette tension, et sans être associée, elle a un

avis sur la question : « je pense que les associés ne devraient pas prendre d’argent sur les

bénéfices. Je pense qu’être associé est plutôt un don qu’on fait à la coopérative, cela ne doit

pas être lié à une contrepartie financière ».

Ce mode d’affection du résultat offre un avantage fiscal considérable : l’assiette de l’impôt

sur les sociétés est amenée à zéro, facilité offerte par le législateur aux coopératives parce

qu’elles rémunèrent le travail et non le capital, et qu’elles s’inscrivent durablement sur le

territoire. L’économie d’impôt ainsi réalisée permet de répartir une somme plus importante.

Cette disposition entre surement en ligne de compte dans la décision d’affectation.

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2) La part travail : la participation comme acte de

solidarité

Comme nous venons de le voir, une part considérable des excédents est affectée à la part

travail qui sert alors à constituer la réserve spéciale de participation. C’est particulièrement

vrai pour Artenréel puisque 50% des bénéfices y sont alloués. Ces sommes partagées entre

tous les salariés (ayant 3 mois de présence) représentent un complément de rémunération

intéressant pour les entrepreneurs. La participation peut être versée immédiatement ou être

bloquée pendant 5 ans dans les comptes courants de la coopérative. Dans ce cas, elle

génère un intérêt de 5%, ce qui représente un placement plutôt efficient par les temps qui

courent. Pour la coopérative et malgré le coût de l’intérêt qu’il lui fait financer, ces sommes

bloquées présente aussi des avantages : il s’agit là d’une trésorerie disponible bien moins

couteuse qu’un découvert bancaire.

Mais plus que tout, la répartition de la participation permet une solidarité entre les pairs,

entre tous les salariés de la coopérative. Et la somme globale à partager est loin d’être

négligeable (14 900 € pour 2010 si on intègre le résultat de la structure d’accompagnement)

même si le montant moyen de la participation est lui moins impressionnant (environ 165

euros). Plus que la somme, c’est bien le mécanisme de solidarité qu’il est intéressant

d’observer. En 2010, 49 personnes ont contribué à la création de l’excédent de la

coopérative. Cette richesse collective a ensuite profitée à 90 personnes, qui se sont partagé

cette somme au prorata des rémunérations de chacun d’entre eux. Les entrepreneurs dont

les activités étaient bénéficiaires ont donc été solidaires avec tous les autres salariés : les

permanents, les entrepreneurs n’ayant pas réalisés de bénéfices, les entrepreneurs qui ont

quitté la coopérative en cours d’année… Deux affirmations peuvent alors être émises. La

première est que les entrepreneurs ont conscience de cette solidarité, avec leurs pairs

même si elle n’est pas systématiquement réciproque : c’est un choix voulu et souhaité. Les

valeurs orientent alors la prise de décision. La seconde est que ce choix est lié à un calcul :

même si une part du bénéfice collectif m’échappe au profit des autres entrepreneurs bien

qu’ils n’y aient pas contribués, j’ai gagne malgré tout, au moins toujours autant, voire

davantage, que si j’avais pris une prime sur salaire.

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Comme pour la prime et l’intéressement, la participation la plus basse s’élève à quelques

euros, la participation la plus haute représente tout de même près de 750 euros.

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3) Critique de l’accord de participation d’Artenréel

Aujourd’hui, avec quelques années de recul, je serais pour remettre en cause la clé de

répartition de la participation. En effet, nous avons retenu une clé de répartition assisse sur

le niveau des salaires bruts. Ainsi, les fortes rémunérations se voient allouer les plus fortes

participations. Le droit prévoit également la possibilité d’opter pour une clé égalitaire (tous le

monde percevra la même somme) ou d’une clé de répartition basée sur le temps de travail.

Cette dernière possibilité a l’avantage de mieux tenir compte de l’effort des personnes :

selon le métier, à volume d’activité horaire équivalent, la plus-value rémunératrice n’est pas

la même : le niveau de rémunération sera différent, l’énergie déployée pour obtenir un

salaire lissé sur la base d’un temps plein est par contre identique. Ainsi, pour une même

énergie, une même durée consacrée à l’activité, un consultant aura une rémunération à

temps plein largement supérieur au SMIC alors qu’un artiste intervenant n’aura peut être

qu’un temps plein au SMIC. La situation peut paraître déséquilibrée, elle tend à s’équilibrer si

le consultant contribue davantage au pot commun ; l’incertitude de cette hypothèse

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demeure. La répartition la plus équitable aurait peut être été d’opter pour une formule

hybride articulant les 3 possibilités légales :

- une part répartie de manière égalitaire entre tous les bénéficiaires, logique très

solidaire et coopérative,

- une part répartie sur la base des rémunérations brutes, qui rémunère la valeur

ajoutée des activités

- une part répartie selon le temps de travail, qui rémunère plutôt l’effort fourni.

Peut être plus juste, cette modalité peut complexifier les calculs et le suivi de gestion du

dispositif.

4) Les réserves impartageables, symboles de richesse

collective

En second lieu, les excédents de gestion réalisés par Artenréel sont affectés à la constitution

des réserves impartageables, qui consolident les fonds propres de l’entreprise coopérative.

Les capitaux ou fonds propres d’une entreprises se constituent de la manière suivante :

La coopérative met en œuvre une réelle politique de fonds propres, pédagogiquement

expliquée aux entrepreneurs dans l’accompagnement quotidien. Les artistes ont compris le

sens de cet enjeu stratégique, comme le laisse à penser le témoignage de Louise : « Les

réserves me semblent importantes car elles alimentent la trésorerie de la coopérative,

rendent la coopérative plus forte et moins dépendante ».

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Par ailleurs, ils y trouvent un avantage direct : le renforcement des fonds propres de

l’entreprise coopérative garantit sa pérennité et améliorer ce faisant la trésorerie collective

dont ils peuvent bénéficier dans le cadre de leurs activités. En plus des sommes bloquées au

titre de la participation sur les bénéfices, les réserves représentent une manne financière

disponible qui permettent de répondre au besoin en fonds de roulement induit par les

activités de entrepreneurs.

Graphique Evolution du montant des réserves depuis 2005

Les réserves cumulées atteignent en 2011 près de 54 000 €, près de 60% de cette somme

provient des bénéfices des artistes. Cet indicateur démontre à merveille que les artistes,

même dans des situations économiques individuelles parfois complexes réussissent à

prendre en compte une vision à plus long terme de projet économique de la coopérative.

En plus des réserves, le modèle économique patrimonial des CAE renforce ses fonds

propres par l’accroissement du poste capital : leur finalité est d’amener les entrepreneurs

salariés à devenir coopérateurs, chaque nouvel associé apporte nécessairement du capital

social.

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Tableau : évolution du montant du capital social entre 2006 et 2010

Capital A la création fin 2010

Montant 2 280 9 140

Nb associé 3 9

Montant moyen du capital par associé 760 1 016

Pour la coopérative, le levier des réserves et du capital social représente une aubaine : elle

se financement de manière endogène et diminue ainsi la nécessité d’avoir recours à ces

financements externes. Grâce aux entrepreneurs, elle renforce sa structure financière ; les

entrepreneurs sont indispensables à son développement.

C’est aussi là que prend tout le sens du modèle économique de la CAE, détaillé

précédemment. Et les entrepreneurs l’ont bien compris : le dispositif de gestion certes

parfois contraignant n’en demeure pas moins au service de leurs activités puisque les

différents instruments contribuent à la génération de trésoreries disponibles pour les

activités.

E. Synthèse réfléchie

Le dispositif de gestion de la coopérative, qui essaie en cours d’année de réduire l’incertitude

notamment par la technique du lissage de la rémunération, recrée une forme d’aléa lors de

la clôture des comptes. Car oui, il y a un risque à abonder le bénéfice collectif. Il y en a

même plusieurs. Le risque d’être le seul à l’abonder, chacun profiterait alors d’une part du

fruit du travail de l’entrepreneur qui a abondé. Le risque aussi d’avoir abondé plus qu’il n’est

envisageable de récupérer. Le risque de voir le bénéfice couvrir les pertes des autres…

La démarche d’abondement du pot commun de bénéfice suppose alors un fort degré de

confiance non seulement dans le dispositif de la CAE mais également dans les

comportements de mes semblables, des autres entrepreneurs avec lesquels je partage

l’entreprise. L’évolution des choix réalisés par un même entrepreneur d’une année sur l’autre

témoigne de cette confiance qui bien qu’à la base de toute relation humaine, se gagne,

s’acquiert au fil du temps. Je l’atteste par mes années d’expériences en accompagnement

de gestion, sans le démontrer de façon factuelle ici : lors de sa première clôture des

comptes, l’entrepreneur expérimente le dispositif proposé : il n’y contribue pas de manière

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convaincu au pot commun mais joue le jeu pour voir ce qui va se produire. Puis il mesure les

conséquences et constate que la mécanique fonctionne : il agira de manière plus déterminée

lors des clôtures suivantes. L’analyse des preuves renforce la confiance.

Puisque la théorie économique standard « limite la rationalité individuelle à l’optimisation77 »,

son pouvoir normatif pourrait tout à fait modeler les représentations et influencer les

comportements économiques individuels, dans notre cas, les choix de gestion.

La rationalité s’apparente-t-elle dans notre cas à opter pour une prime sur salaire, dont le

profit est immédiat, ou au contraire à opter pour l’intéressement et à espérer que mes

camarades en fassent de même et constituent de fait la richesse collective qui sera répartie

entre tous ? La coopération économique, la confiance et la loyauté sont-elles possibles dans

les relations sociales et économiques ? Qu’en est-il dans la coopérative au moment de la

clôture des comptes ? Et surtout, qu’est ce qui motive les entrepreneurs à choisir

l’intéressement et à contribuer à la richesse collective ? Ont-ils conscience de cet acte fort

en signification ?

La rationalité purement monétaire lors du choix d’affectation du bénéfice d’un entrepreneur

semble au premier abord biaisé : en effet, le montant de la prime sur salaire est équivalent

au montant de l’intéressement.

Quel intérêt y a-t-il alors d’opter pour l’intéressement et d’attendre sept mois avant de

percevoir la somme ? Autant prendre la prime sur salaire immédiatement disponible ! La

question de la temporalité et du besoin immédiat semble ici orienter la rationalité : le calcul

peut amener les individus à préférer un avantage donné sur-le-champ plutôt que de devoir

attendre le lendemain pour en profiter.

Quoique, puisque j’y gagne autant et si je n’ai pas besoin de la somme immédiatement,

autant opter pour la solution de l’intéressement : je contribuerais ainsi au pot commun de

bénéfice, qui aurait de toute façon été perdu si j’avais opté pour la prime.

Ce choix signifie-t-il pour autant que l’entrepreneur à conscience de contribuer à la richesse

collective ? Reflète-t-il une vision à long terme ? Les valeurs coopératives sont-elles alors

réellement à l’œuvre ou s’agit-il encore d’un calcul d’optimisation rationnelle (je ne peux à

priori pas gagner moins, je ne peux que gagner plus, surtout si mes semblables font de

même).

Mais que se passe-t-il si je suis le seul à contribuer au pot commun ? Même si le risque de

gagner moins est quasi-inexistant, la stratégie coopérative (abondement du pot commun de

bénéfice) est une stratégie risquée puisque sont issue est incertaine : elle n’est profitable

que si les autres participants optent pour la même démarche.

77

- Formulation reprise à Olivier Favereau, Objets de gestion et objet de la théorie économique, RFG n°160 janvier 2006, p.69.

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A ce titre, je me plais souvent à comparer les choix qui se posent aux entrepreneurs au

moment de la gestion de leur bénéfice à ceux mis en évidence par le dilemme du prisonnier.

Ce jeu bien connu des mathématiciens illustre les dilemmes sociaux auxquels sont

quotidiennement confrontés les individus, entre l’intérêt collectif à coopérer et l’intérêt

individuel à ne pas le faire. Transposé dans nos CAE78, ce dilemme consisterait en l’intérêt

égoïste de prendre son dû sans se soucier des autres (prime sur salaire) et l’intérêt

coopératif de construire des richesses collectives et de créer une forme de solidarité avec les

autres.

Louise sous-entend la présence de ce dilemme dans l’une de ses déclarations : « la

répartition des bénéfices me semble équitable. Il y a cependant des faiblesses : les

entrepreneurs fantômes bénéficient aussi de ce bénéfice collectif alors qu’ils ne

s’investissent pas dans la coopérative. Je me suis parfois dit que je prendrais aussi une

prime pour ne pas alimenter ces entrepreneurs fantômes ».

Au final, elle n’a jamais choisie la prime sur salaire. Ce dilemme est dépassé par les

convictions intimes des personnes, comme le précise Cristina : « je pense qu’on se doit de

soigner l’endroit où l’on vit, ou le système dans lequel on travaille. On ne peut pas attendre

et se demander pourquoi les autres ne font rien ? Je suis en capacité de faire, donc je fais ».

Plus que la seule rationalité variable selon les préférences des individus, les valeurs

coopératives véhiculées par la CAE vont-elles influencer les décisions de gestion,

notamment au moment de la clôture des comptes ? Qu’importe la conséquence, les

entrepreneurs sont-ils animés par les valeurs de solidarité à tel point d’abonder le pot

commun sans volonté de retour ? Croient-ils à tel point au projet coopératif qu’ils pensent

devoir constituer des réserves pour pérenniser l’entreprise ?

L’observation et l’analyse de certains indicateurs laissent à penser que c’est le cas. En

témoignent la solidarité mise en œuvre par le mécanisme de participation et l’évolution

conséquente du montant des réserves impartageables qui matérialisent la richesse

collective.

L’observation des choix de clôture peut aussi dévoiler des stratégies autres : une personne

qui volontairement n’a pas abondé le bénéfice collectif en récupèrera malgré tout une partie.

Ce cas de figure est à analyser, il faut identifier la raison et ne pas se risquer à des

généralisations. Pour celui qui débute une activité, qui a du mal à boucler les fins de mois,

qui a un faible niveau d’activité et de revenu, il peut être acceptable qu’il dispose d’une part

du bénéfice sans avoir abondé le pot commun. Cette part sera sans doute faible puisque son

78 Il m’arrive d’utiliser les jeux tels que le dilemme du prisonnier, les jeux de la ressource commune ou du bien commun en situation de formation pour illustrer les dilemmes sociaux. A ce sujet, j’invite le lecteur à lire l’ouvrage de Nicolas Eber, Le dilemme du prisonnier, Collection Repères.

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salaire l’est aussi. Soyons solidaires. Et reconnaissons que la solidarité est plus facile dans

un contexte d’abondance ou au moins lorsque le revenu de base est assuré.

Mais il peut aussi se trouver des comportements plus flibustiers, plus sioux, proche du

passager clandestin (ou free riders), décrit par Mancur Olson : il s’agit de celui qui cherche à

profiter au maximum du bien public sans qu’il n’ait à contribuer pour y arriver. Dans la

transposition CAE, il s’agirait de celui qui a un fort niveau d’activité et de rémunération, qui

affiche un fort niveau de bénéfice, et qui prend l’intégralité sous forme d’une prime sur

salaire. Sans avoir abondé le bénéfice collectif, il aura pourtant droit à sa part au titre de la

participation sur les bénéfices des autres…La somme peut d’ailleurs s’avérer conséquente,

puisque sa rémunération et son volume d’activité le sont aussi. Dans les faits, les free riders

sont peu nombreux : les entrepreneurs qui ont recours exclusivement à la prime sur salaire

sont davantage dans cette logique par nécessité financière que par stratégie qui trahit un

comportement.

Dans ces cas, peut-on parler d’individualisme ? Peut être. Ou bien y-a-t-il une forme

d’incompréhension ? La personne n’a peut être pas compris le fonctionnement du dispositif ?

Sans juger la personne, l’appréciation d’un comportement de ce type, s’il se reproduit pour

une même personne lors de plusieurs clôture des comptes successives, laisse à penser que

la personne (trouvons lui une excuse) n’a rien compris au fonctionnement coopératif et

permet de s’interroger sur sa place dans la coopérative. Si cette démarche est volontaire,

elle confirme qu’être trop malin ne favorise pas la coopération, comme l’a démontré Robert

Axelrod79, à travers sa transposition informatique du dilemme du prisonnier.

Les choix réalisés par les entrepreneurs au moment de la clôture sont d’ailleurs maintenus

secrets, seul le conseiller de gestion qui gère le dispositif en a connaissance : il agit comme

le gardien des règles. Ne sera rendu public que le montant du pot commun ainsi que la part

affectée à la participation, pas les choix individuels. Cette règle a été fixée lors de la

conclusion de l’accord de participation en 2006 pour éviter des discordes et des jugements

entre les personnes. On peut cependant s’interroger : les choix individuels des entrepreneurs

serait-ils différents s’ils étaient connus de tous et rendus publics ? Dans cette hypothèse, se

sentiraient-ils obligés d’abonder ? La théorie de la réputation pourrait éclairer ce

questionnement : les individus ayant une réputation d’altruistes sont récompensés par une

bonne réputation et bénéficie alors de l’altruisme des autres. La confiance s’en retrouve

facilitée. Cependant, attention à ce que la coopération ne soit pas motivée par le désir

stratégique d’acquérir une bonne réputation, dans une perspective égoïste de la récompense

liée à la bonne réputation.

79

Robert Axelrod, Comment réussir dans un mode d’égoïstes, Odile Jacob, p114-117

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Conclusion : la richesse collective

comme acte de coopération économique

Le dispositif de gestion de la coopérative, le processus d’accompagnement, la personnalité

même des conseillers (ma personnalité) et les valeurs véhiculées influencent la vision

économique des entrepreneurs et leurs décisions de gestion : il y a un façonnage de la prise

de décision. L’hypothèse formulée en début de recherche s’est vérifiée, de manière plus

forte que je n’aurais pu l’espérer. Je me suis souviens du témoignage d’un entrepreneur à

mon propos lors d’un séminaire d’Artenréel : « Joël est notre conseiller en gestion…mais

aussi notre conseiller financier, en fiscalité, en placement… ». Cette affirmation confirme

bien que l’accompagnement est un puissant facteur d’influence et conduit à une propension

à coopérer, à condition qu’il soit toujours conduit dans le sens de l’intérêt collectif. En

quelque sorte, la coopérative fait évoluer le contexte et crée les conditions de la coopération

par le partage des richesses. Pour ce faire, elle agit sur plusieurs leviers qui créent les

conditions d’un comportement coopératif.

Tout d’abord, elle tend à penser le projet à long terme et essaye de rendre l’avenir plus

important que le présent : c’est la transformation sociale qu’elle propose, rendre possible une

autre économique qui met en avant la richesse collective plutôt que la richesse individuelle.

Son dispositif de gestion agit bien en ce sens : par la consolidation de l’entreprise

coopérative, des jours meilleurs peuvent être espérés. Tous peuvent y trouver un intérêt. Ce

faisant, elle rend la motivation à long terme plus grande que celle à court terme.

Un autre moyen de promouvoir la coopération entre ses membres est de leur apprendre à

prendre soin des autres. C’est bien ce qu’elle fait à travers le mécanisme de la participation.

Sur cette toile de fond de solidarité, elle enseigne la réciprocité, base de la coopération et

favorise la reconnaissance entre ses membres : le sentiment d’appartenance à la

coopérative crée une dynamique d’inter-reconnaissance, nous sommes une même famille,

agissons dans notre intérêt.

C’est bien ce qui ressort en fin de compte des différents entretiens que j’ai pu conduire avec

les entrepreneurs. Non sans surprise, j’ai découvert qu’au-delà d’un simple calcul, l’intérêt

collectif, la préoccupation de l’autre, la croyance en la loyauté des autres, sont des aspects

d’importance centrale : les choix sont conduits en prenant en compte ces puissantes règles

morales.

Finalement, les choix de gestion d’artistes entrepreneurs qui optent pour l’intéressement et

par ce biais à l’abondement au bénéfice collectif de la coopérative, peuvent s’apparenter à

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un acte de coopération économique, au sens de la relation économique qui va favoriser

l’intérêt collectif sans pour autant oublier l’intérêt particulier. L’entrepreneur contribue à la

coopération économique puisque chaque partie prenante (l’entrepreneur lui-même, les

autres entrepreneurs, la coopérative) y gagne quelque chose.

Cette dynamique est possible :

- D’abord parce que l’entrepreneur a dépassé le raisonnement individualiste,

égoïste (« le fruit de mon travail doit me revenir »),

- Parce qu’il accepte d’assumer un risque individuel (que se passe-t-il si je suis le

seul à contribuer à la richesse collective ?) mais également un risque collectif

(que se passe-t-il si d’autres activités sont déficitaires ?),

- Parce qu’il prend en compte à l’intérêt général de la coopérative en renforçant

son modèle économique (trésorerie collective consolidées, pérennité de la

coopérative par la construction des réserves impartageables)

- Parce qu’il instaure une solidarité puisque chaque entrepreneur salarié aura droit

à une fraction de la part du bénéfice collectif (sous forme de participation) bien

qu’il n’y ait pas individuellement contribué (pertes ou absence de bénéfice).

La rationalité dans la coopérative, au sens du comportement qu’il convient d’adopter suite à

une décision, est matérialisée par la mécanique de l’intéressement et par la constitution

collective du résultat de la coopérative. Articulée autour du mécanisme collectif de répartition

des richesses, il est possible que tous améliorent leurs situations par la coopération

économique.

Mais cette vision partagée de la rationalité coopérative ne peut pas l’être par tous, tout le

temps. Les entrepreneurs qui ne font pas le choix de l’intéressement et de l’abondement au

bénéfice collectif ne sont pas pour autant opposés à cette démarche de coopération

économique. Ce n’est pas parce qu’ils n’y adhèrent pas mais leur situation ne leur permet

pas encore de souscrire à cette démarche. Leur niveau d’activité et la rémunération qu’ils

dégagent n’est pas encore suffisante pour leur permettre ce type de choix. Leurs

préférences sont orientées vers d’autres priorités qui relèvent d’abord de leur propre suivie,

d’autant plus que des déterminants pluriels et variés sont à l’œuvre et influencent leurs

décisions. Les entrepreneurs qui optent pour la prime en cas de bénéfice d’activité

privilégient ce type de rémunération principalement en raison du besoin immédiat d’argent.

Leur potentiel de coopération est fort et va se renforcer à travers leur acculturation au

dispositif de gestion de la CAE. La pédagogie coopérative transmise par l’accompagnement

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y contribuera également. D’autant plus qu’ils ont conscience de la solidarité mises en œuvre

par les entrepreneurs dont la situation est meilleure puisqu’il bénéfice d’une forme de

solidarité par le biais du mécanisme de la répartition du bénéfice et de la participation. Il y a

fort à parier que ces entrepreneurs récompenseront la coopérative et l’altruisme de leurs

prédécesseurs en agissant également en optant pour l’intéressement et le pot commun de

bénéfice, lorsqu’ils en auront la capacité. La coopérative se doit d’améliorer la condition de

ses entrepreneurs par leur professionnalisme, démarche qui aboutira à des nouveaux

débouchés artistiques : l’augmentation des activités favorisera le niveau de revenu des

entrepreneurs et donc leurs capacités à coopérer.

Mais une minorité d’entrepreneurs a un comportement plus étrange : ils choisissent la prime

sur salaire de manière systématique, sans jamais contribuer à la richesse collective alors

qu’ils en bénéficient pourtant. En y regardant de plus près, on se rend très facilement compte

que ces entrepreneurs ne sont pas à leur place. Tout d’abord, ils ne vivent que très peu la

coopérative, voire pas du tout : ils ne sont pas accompagnés, ils ne participent pas aux

ateliers de formation ni même à la vie coopérative (séminaire, rencontres…) : ils n’ont alors

pas conscience de ce qu’elle représente, de la puissance de la norme de coopération

puisqu’ils ne sont pas en contact avec tous ces éléments qui socialisent l’Homme coopératif.

Peut être même ne savent-ils pas avec précision comment fonctionnement le dispositif de

gestion de la CAE ou bien n’ont-ils pas compris les modalités technique de répartitions des

richesses. Ils se servent de la coopérative comme d’un simple système de portage, une

structure qui permet la facturation, ne sont pas acteurs de la coopérative mais simples

consommateurs d’un service. Faut-il alors leur demander de quitter la coopérative ? Le

temps les fera peut être prendre cette décision.

Quoi qu’il en soit, cette recherche a conforté ma croyance que l’individu n’est pas

uniquement mu par la recherche du profit individuel, que les valeurs de solidarités et la

primauté du collectif peuvent être des réalités même si elles ne sont pas innées. J’ai cru un

moment lors des entretiens que ma recherche atteignait une limite, induite par ma posture de

chargé d’accompagnement de la coopérative qui allait nuire à la posture de chercheur qu’il

m’a fallu adopter dans le cadre des entretiens. Les artistes interrogés que j’accompagne au

jour le jour allaient-ils avoir une parole sincère ? Ou bien se contenterait-ils de me dire ce

que je souhaitais entendre ? J’aurais pu émettre certains doutes mais les observations

statistiques des choix de gestion au moment de la clôture des comptes traduisent les actes

et ont fait disparaître toutes les incertitudes. Là encore, un souvenir me revient. Celui d’un

entrepreneur qui après un atelier de formation sur la clôture comptable des comptes vient

me voir pour me dire que c’est en comprenant le mécanisme de répartition des bénéfices

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qu’il a compris le sens de la coopérative et que la solidarité matérialise pour lui l’esprit

coopératif. La recherche m’a donné du baume au cœur, m’a donné l’envie de repartir de plus

belle et d’inventer encore de nouvelles choses avec les entrepreneurs, de modeler nos

propres œuvres d’arts. D’autant que les échanges et discussions autour de ce mémoire ont

amené des idées et des perspectives nouvelles. La volonté d’aller encore plus loin dans la

solidarité et la coopération s’est affirmée, et ce, à plusieurs titres.

Les entrepreneurs ont tout d’abord manifesté l’envie de mettre en place des Plans Epargne

Entreprise pour y placer les sommes issues de l’intéressement et constituer une épargne.

Cette volonté illustre que leur vision se construit davantage à long terme. Afin de pendre en

compte en quelque sorte le droit à l’erreur, les entrepreneurs associés ont exprimés leur

intention d’imaginer une forme de solidarité qui permettrait de prendre en charge le déficit

d’activité accidentel d’un entrepreneur, lié à une perte de marché ou à une défaillance

brutale d’un client. Dans le même ordre d’idée, la création d’un fonds de solidarité a été

évoquée pour faire face aux aléas ou aux accidents de la vie et ainsi couvrir la perte de

chiffre d’affaires occasionnée (accident, maladie, absence pour enfant malade…). La récente

revendication d’une mutuelle santé contribue d’ailleurs de cette intention.

Enfin, plus en lien avec les activités artistes, certains ont même évoqué avec détermination

l’envie de créer au niveau de la coopérative un système d’indemnisation inspiré du régime

d’assurance des intermittents du spectacle. Ce fonds destiné à financer la création

permettait de temps à autres à certains de faire une pause dans la course effrénée au chiffre

d’affaires, de s’arrêter un temps pour créer, partir en résidence…L’idée d’acquérir un lieu de

production et de diffusion a également été évoqué, rendu possible par la vision partagée de

la richesse collective et des réserves mises en commun.

L’urgence de la situation actuelle du secteur artistique et culturel conduit à inventer des

dispositifs structurant pour les artistes, au service de la coopération et de la création

artistique. Puisque conclure une recherche action c’est sans doute en ouvrir une ou plusieurs

autres, je vois dans toutes ces idées des perspectives pour l’avenir et autant de sujets de

réflexion et de recherche pour les années à venir. Des transformations sociales se sont

opérées et permettent d’entretenir l’espoir d’un modèle nouveau composant avec de

nouvelles solidarités

Le modèle coopératif a encore de belles années devant lui et finira peut être par s’imposer

dans toutes les sphères de la vie économique et sociale.

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Bibliographie rationnelle

L’Economie Sociale de A à Z, Alternatives Economiques Pratique

Guide juridique des SCOP, SCOP EDIT

Norbert ALTER, Donner et prendre, la coopération dans l’entreprise

Robert AXELROD, Comment réussir dans un monde d’égoïstes : théorie du comportement

coopératif, Editions Odile Jacob Poches

Stéphane BOSSUET, Itinéraire d’artistes en coopératives d’activités et d’emploi : vers la

construction d’une nouvelle professionnalité au sein d’Artenréel, Mémoire CNAM

R. CASTEL, L. CHAUVEL, D. MERLLIE, E. NEVEU, T. PIKETTY, Les mutations de la

société française : les grandes questions économiques et sociales II, Collection Repères

Guy DELABRE, Jean-Marie GAUTIER, Vers une République du travail – Jean-Baptiste

André GODIN, Editions de la Villette

Danièle DEMOUSTIER, Denis ANSELM, Les CAE du secteur culturel, vecteur de

professionnalisation et de solidarisation des artistes ?, IEP de Grenoble

Jean-François DRAPERI, Godin, inventeur de l’économie sociale : mutualiser, coopérer,

s’associer, Editions Repas

Jean François DRAPERI, L’économie sociale : Utopies, Pratiques, Principes,

Jean Francois DRAPERI, Comprendre l’économie sociale, DUNOD

Jean-François DRAPERI, Les 20 formes juridiques de l’entreprises, Editions du Puits Fleuri

Nicolas EBER, Le dilemme du prisonnier, Collection Repères

Erhard FRIEDBERG, Question d’organisation, La décision, Banlieues Médias

Marie GOUYON, L’emploi salarié dans le spectacle en 2008 : une diversité de situations,

Publication du Ministère de la Culture

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Page 129 sur 161

F. LABADIE, F. ROUET, Régulation du travail artistique, DEPS, Ministère de la Culture et de

la Communication, Culture prospective

Claudette LAFAYE, Sociologie des organisations, Editions Armand COLIN

Pierre-Michel MENGER, Portrait de l’artiste en travailleur, Métamorphose du capitalisme,

Edition La République des Idées Seuils

Maurice PARODI, Les valeurs, les principes et les règles de l’Economie Sociale traversent

tous les domaines de la gouvernance et de la gestion, Recma

Jean-Daniel REYNAUD, Les règles du jeu : l’action collective et la régulation sociale,

Editions Armand COLIN (Extraits)

Dominique SAGOT-DUVAUROUX, Travail artistique et économie de la création, La

Documentation Française, 2008

Juliette TOURNAND, La stratégie de la bienveillance, Inter Editions

Thierry VERSTRAETE, Connaître l’entrepreneur, comprendre ses actes, Edition l’Harmattan

Nathalie WRIGHT, Quelle place occupe le niveau des revenus des entrepreneurs salariés

dans la perception de réussite de leur activité ?, Mémoire CNAM

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Grille d’entretien

Grille d’entretien systématique

Introduction à l’entretien

- Expliquer le travail de mémoire (dès la prise de contact) - Si la personne le demande, préciser pourquoi on l’a choisie - Rappeler les objectifs de l’entretien - Liberté de parole : possibilité de ne pas répondre - Demander à la personne de se présenter (parcours professionnel et semi-

professionnel, expériences, activités développées, qu’est ce qui l’a amenée à la coopérative…)

Entretien

- Concernant la posture d’entrepreneur salarié : pourrais-tu me parler de ta posture d’entrepreneur salarié, de ta création d’activité en coopérative ?

Relances si difficultés ou réponses insuffisantes : est-ce que le fonctionnement de la coopérative te convient ? Penses-tu être aussi libre qu’un entrepreneur individuel ? As-tu le sentiment d’être un entrepreneur, un chef d’entreprise ?

- Concernant le modèle économique de l’entrepreneur salarié : pourrais-tu m’expliquer comment tu pilotes, comment tu gères tes revenus d’activités dans la CAE ?

Relances si difficultés ou réponses insuffisantes : comment fais-tu évoluer ton salaire ? est-ce que tu valorises tous tes frais d’activités dans la coopérative ? si tu n’étais pas dans la coopérative (et que tu aurais choisi un autre statut), penses-tu que tu gèrerais ton revenu d’activité autrement ?

- Concernant la clôture des comptes et la gestion de ton bénéfice individuel : que penses-tu du principe comptable et de l’obligation de clôturer les comptes tous les ans ? Que penses-tu de la modalité de traitement du bénéfice de ton activité en coopérative (intéressement ou prime)?

Relances si difficultés ou réponses insuffisantes : tu souviens-tu si tu as réalisé un bénéfice lors de la dernière clôture ? Qu’est-ce que tout cela t’évoque ? Si tu as fais plusieurs clôtures d’exercice dans la CAE, les choix que tu fais à ces moments là ont-ils évolués ou sont-ils toujours les mêmes ?

- Concernant sa situation économique professionnelle : que penses-tu du niveau de revenu dégagé par ton activité ?

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Relances si difficultés ou réponses insuffisantes : ce revenu te semble-t-il suffisant ? Cohérent à ton temps de travail ? Cohérent à l’énergie que tu mets dans l’activité ? Quant tu réfléchis à ton revenu, regardes-tu uniquement le montant du salaire ou pense tu qu’il y a d’autres sources de richesses que simplement le salaire net inscrit au bas de la fiche de paie ? Quel serait ton objectif de revenus ?

- Concernant le traitement du bénéfice collectif : que penses-tu du devenir du bénéfice de la coopérative, constitué collectivement ? (participation versée à tous les salariés, réserves impartageables, intérêts aux parts sociales)

Relances si difficultés ou réponses insuffisantes : que penses-tu de la solidarité qui se met en place par la répartition du bénéfice collectif ? Penses-tu que cela est en phase avec les principes/valeurs de la coopérative ? Que penses-tu du fait que le bénéfice auquel tu as contribué puisse servir à rémunérer le capital des associés ? Si elle est associée : ton sentiment a-t-il évolué à ce sujet ?

- Concernant sa situation économique personnelle : As-tu d’autres sources ou compléments de revenus ?

Relances si difficultés ou réponses insuffisantes : Es-tu dépendant du revenu dégagé par ton activité dans Artenréel ? Quelle était ta situation à l’entrée dans la CAE et a-t-elle évoluée ? Tu es toujours au RMI/RSA mais ton activité semble pouvoir te faire sortir de ce dispositif, qu’est-ce qui te freine (le cas échéant) ? Sont-ce les « à-côtés » induits : CMU, gratuités des transports… ?

- Concernant sa réussite, celle de son projet dans la CAE : comment apprécies-tu la réussite de ton projet, pour toi-même ? au sein de la CAE ?

Relances si difficultés : Comment l’apprécies-tu : économiquement ? humainement ? par le plaisir ?

- Comment aller plus loin dans le modèle économique et la CAE, et dans la solidarité entre ses membres ? As-tu des idées à ce sujet ?

Relances si difficultés : comment finances-tu le temps de création ? Comment pourrait-on imaginer le rémunérer ? Quelle solidarité si un entrepreneur réalise un déficit ?

Finalement, en guise de conclusion et de synthèse :

- As-tu l’impression que les choix que tu fais correspondent à des décisions de gestion ?

- Pourrais-tu essayer de me dire comment tu expliques, qu’est ce qui motive les choix de gestion que tu opères ?

Conclusion de l’entretien et remerciements

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ANNEXE I

CHARTE D’ASSOCIE DE LA CAE ARTENREEL

Cette charte définit les engagements entre les associés et la Coopérative d’Emploi au sein

d’Artenréel.

Cette charte est expérimentale et est susceptible d’être modifiée, en accord avec les

associés, en fonction des réalités et pour tendre au plus proche des principes annoncés.

SOMMAIRE

PREAMBULE : ....................................................................................................................................... 133

RESPONSABILITES ET ENGAGEMENTS ................................................................................................. 133

RESPONSABILITE JURIDIQUE ........................................................................................................... 134

RESPONSABILITE FINANCIERE ......................................................................................................... 134

ENGAGEMENT DE SOUSCRIPTION AU CAPITAL............................................................................... 135

CONTRIBUTION AU FONCTIONNEMENT DE LA CAE ........................................................................ 135

EMBAUCHES POUR LE FONCTIONNEMENT DE LA COOPERATIVE D’EMPLOI ................................. 136

ANIMATION DE LA COOPERATIVE D’EMPLOI ...................................................................................... 136

DEPART OU EXCLUSION D’UN ASSOCIE............................................................................................... 137

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PREAMBULE

Dans le cadre du dispositif mis en place par les Coopératives d’Activités et d’Emploi du

réseau « Coopérer pour entreprendre », des femmes et des hommes ayant préalablement

testé avec succès leur projet économique dans le cadre d’Artenréel se regroupent sur le long

terme au sein d’une entreprise collective avec les buts suivant :

- Promouvoir l’entreprise collective dans sa forme actuelle et en devenir,

- Travailler dans un esprit solidaire,

- Créer et entretenir une synergie et une dynamique de réseau,

- Accéder à et partager des ressources en prestation de service (hébergement

comptable et suivi de l’activité).

Cette Coopérative d’Emploi est régie par les principes de :

- professionnalisme,

- respect de l’autre,

- partage de la confiance,

- transparence et sincérité,

- connivence avec le groupe,

- confidentialité tant en interne qu’à l’externe,

- responsabilisation et engagement de chacun.

Les entrepreneurs salariés associés veilleront lors de toute décision en assemblée

d’associés à orienter leur choix en veillant au bon fonctionnement et à la pérennité de la

Coopérative d’Activités, qui leur a permis l’accès à la Coopérative d’Emploi.

RESPONSABILITES ET ENGAGEMENTS

Chaque nouvel associé assume les responsabilités juridiques et financières citées ci-

dessous.

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RESPONSABILITE JURIDIQUE

La Coopérative d’Activités et d’Emploi Artenréel est une seule entité juridique, son

mandataire social, le gérant, est unique.

Chaque entrepreneur salarié associé de la Coopérative d’Emploi est moralement

responsable de son activité et en supporte les conséquences directes, liées à son activité et

indépendantes de son mandat et de sa qualité d’associé.

RESPONSABILITE FINANCIERE

Chaque entrepreneur salarié associé constitue un secteur d’activité d’Artenréel.

L’activité sera elle-même un centre de profit permettant :

- une comptabilité et une gestion analytique,

- de distinguer le résultat propre à l’activité,

- une prime d’intéressement (selon l’accord en vigueur),

- une répartition du résultat après intéressement identique pour

l’ensemble de la Coopérative d’Activités et d’Emploi,

- une participation aux résultats de la SCOP Artenréel selon les

conditions de l’accord de participation en vigueur dans l’entreprise.

Quelques que soient ses objectifs, l’entrepreneur salarié associé gère son activité selon des

principes de bonne gestion : sa pérennité est assurée notamment par une politique de

développement et la capacité à générer un résultat positif. L’entrepreneur salarié associé

s’engage par ailleurs à limiter les risques de perte de son activité.

Chaque entrepreneur salarié associé s’engage à entretenir son autonomie financière en

veillant à pourvoir à ses besoins en fonds de roulement et en trésorerie. Il peut être amené à

présenter ses objectifs et perspectives d’action lors d’une réunion d’associés, ceci dans

l’esprit de partage, d’entraide et de solidarité qui anime les associés.

La Coopérative d’Emploi transmet à l’ensemble des associés, lors de l’AG de juin, le bilan

financier et le compte de résultat présentant la situation financière de la Coopérative, ainsi

que ses perspectives.

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ENGAGEMENT DE SOUSCRIPTION AU CAPITAL

Capital libéré à l’entrée au sociétariat

L’associé s’engage à apporter au capital, s’engage à apporter au capital social de la

coopérative la somme de 760 euros (soit 38 parts sociales d’un montant de 20 € chacune),

cette somme devant être libérée sur une durée maximale d’un an à compter de l’intégration

de l’associé, selon les modalités suivantes :

Option 1 Option 2

A.G. juin 20 € 20 €

juillet 70 €

août 70 € 185 €

septembre 70 €

octobre 70 €

novembre 70 € 185 €

décembre 70 €

janvier 70 €

février 70 € 185 €

mars 70 €

avril 70 €

mai 40 € 185 €

Total 760 € 760 €

Capital libéré mensuellement : développement des fonds propres de l’entreprise collective

Chaque nouvel associé s’engage également à souscrire au capital social de la coopérative,

dans le cadre du prélèvement statutaire, à hauteur d’un montant fixé à 1% de son salaire

brut mensuel.

CONTRIBUTION AU FONCTIONNEMENT DE LA CAE

Les associés rémunèrent de manière forfaitaire la prestation globale dispensée par la

Coopérative sur la base de 10 % de leur chiffre d’affaires H.T., avec un minimum de 2000 €

HT /an et un maximum de 5000€ HT/ an.

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EMBAUCHES POUR LE FONCTIONNEMENT DE LA

COOPERATIVE D’EMPLOI

L’embauche d’un salarié pour le fonctionnement collectif de la Coopérative d’Emploi se fait

avec le mandataire social et un membre associé de la Coopérative d’Emploi.

ANIMATION DE LA COOPERATIVE D’EMPLOI

2 catégories d’acteurs concourent et contribuent au bon fonctionnement de la Coopérative

d’Emploi :

1) Les « permanents » de la Coopérative d’Activités et d’Emploi qui assurent le rôle de

« prestataire interne » en matière :

- d’hébergement comptable, juridique et fiscal,

- de suivi de l’activité (regard professionnel sur la gestion, la stratégie et

l’organisation),

- d’animation de la Coopérative d’Emploi,

- de mise à disposition des locaux et des ressources administratives nécessaires

pour les réunions de la Coopérative d’Emploi (à l’exclusion des besoins propres à

chaque activité).

2) Les entrepreneurs salariés associés qui s’engagent à coopérer activement et à

contribuer avec assiduité au fonctionnement du collectif.

La vie de la Coopérative d’Emploi se manifeste notamment par :

1) les réunions d’associés dont l’objectif est :

a. le partage d’informations, de compétences, de réseaux…

b. l’analyse des nouveaux développements, des axes politiques et économiques

c. la transmission d’informations et la discussion concernant la vie humaine et

économique de la Coopérative

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Ces échanges réguliers ont pour but de partager des informations, d’enrichir chacun mais

aussi de limiter les risques financiers et juridiques, en anticipant collectivement sur l’activité

de la Coopérative et de chaque associé. Assiduité, transparence et sincérité sont de mise.

2) des liens étroits avec la Coopérative d’Activités et les entrepreneurs salariés,

qui se traduisent par une participation régulière aux réunions coopératives,

permettant de maintenir un lien avec les entrepreneurs salariés, dans un but

d’interconnaissance et d’enrichissement mutuel.

3) des réunions statutaires, ordinaires ou extraordinaires

Les assemblées statutaires se tiennent conformément aux statuts. Au-delà de ces

assemblées statutaires, le mandataire social ou n’importe quel entrepreneur salarié associé

peut solliciter la tenue d’une réunion extraordinaire pour une question d’urgence de décision.

Il est rappelé que l’ensemble des associés sera convié à toute Assemblée Générale et/ou

réunions d’associés.

L’Assemblée Générale ordinaire du mois de juin a pour principaux objectifs :

- la lecture du rapport de gestion

- l’approbation des comptes de la Coopérative,

- le renouvellement du mandat du gérant,

- la validation de l’affectation des résultats proposée par le gérant,

- l’examen des candidatures de nouveaux postulants au sociétariat,

- la décision d’exclusion d’un associé.

DEPART OU EXCLUSION D’UN ASSOCIE

Tout manquement à cette charte ou tout comportement ayant pour conséquence de porter

préjudice au collectif constituera une raison légitime d’exclusion, parmi lesquelles :

- une participation insuffisante au collectif (une assiduité et une participation active aux

réunions étant requises),

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- un manque de transparence ou un pilotage insuffisant de l’activité.

Toute raison légitime d’exclusion devra faire l’objet d’une discussion préalable entre

associés.

La décision d’exclusion se prend en Assemblée Générale Ordinaire selon les modalités

prévues aux statuts.

Tout départ volontaire ou involontaire de l’un des associés nécessite un délai propre à

l’activité exercée pour permettre un solde de tout compte. Ce dernier est établi conjointement

avec l’entrepreneur concerné.

Après sa sortie de la Coopérative d’Emploi, l’entrepreneur reste responsable des

conséquences de l’exercice de son activité au sein de la Coopérative.

L’associé sortant récupérera son capital de parts sociales selon les règles comptables et le

droit coopératif en vigueur.

Cette charte a été élaborée en 2009 par les premiers associés de la Coopérative d’Emploi :

Joël Beyler, Sabine Bossuet, Stéphane Bossuet, Caroline Bouche, Marie Frering, Laetitia

Heintz, Philippe Riehling, Vincent Viac, l’Ogaca représentée par Luc Jambois.

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ANNEXE 2

SOCIETARIAT : CONDITIONS

ET METHODOLOGIE DE CANDIDATURE

Ce document est remis à tout entrepreneur-salarié désireux d’être candidat au sociétariat.

Sommaire

CRITÈRES D’ELIGIBILITE DE LA CANDIDATURE ........................................................... 140

Critères liés à l’activité : .................................................................................................. 140

Critères liés à l’engagement coopératif : ......................................................................... 140

PARCOURS D’INTÉGRATION D’UN NOUVEL ASSOCIÉ ................................................. 141

CAS DE REFUS D’INTÉGRATION D’UN NOUVEL ASSOCIÉ ........................................... 142

RAPPEL : SOUSCRIPTION DES ASSOCIÉS AU CAPITAL .............................................. 142

Capital libéré à l’entrée au sociétariat ............................................................................. 142

Capital libéré mensuellement : développement des fonds propres de l’entreprise collective

....................................................................................................................................... 142

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CRITÈRES D’ELIGIBILITE DE LA

CANDIDATURE

Critères liés à l’activité :

- Ancienneté : être depuis au moins 2 ans entrepreneur-salarié de la Coopérative

- Niveau d’activité : le niveau d’activité de l’ES doit être stabilisé et doit lui garantir une

autonomie financière (rémunération équivalente à un SMIC base temps plein ou base

temps partiel s’il s’agit d’un temps choisi et d’un choix personnel motivé

Critères liés à l’engagement coopératif :

- Participation régulière aux ateliers proposés par la Coopérative

- Présence régulière aux réunions coopératives et aux séminaires de la Coopérative

La candidature est éligible si au moins trois des quatre critères sont réunis.

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PARCOURS D’INTÉGRATION D’UN NOUVEL

ASSOCIÉ

Janvier Transmission par le gérant des conditions de candidature par e-mail à

l’ensemble des entrepreneurs-salarié

Février Sollicitation adressée au gérant par tout ES intéressé

Vérification des critères d’éligibilité du candidat

Notification de l’éligibilité ou non du candidat

Mars Envoi d’une lettre au gérant précisant les motivations du candidat

Transmission des candidatures reçues par le gérant aux associés

Avril Participation à un atelier (ou un RV individuel selon le nombre de participants)

sur les enjeux, les engagements, la qualité d’associé…

Atelier animé par un permanent-associé et un entrepreneur-associé

Transmission de la Charte d’Associé

Mai Réunion d’associés : échange sur les candidatures reçues

Juin Tenue de l’Assemblée Générale Ordinaire : vote des candidatures par les

associés selon les modalités prévues aux statuts80

Communication par le gérant des résultats des votes

Libération des parts sociales

Septembre Lors de la réunion d’associés qui suit l’Assemblée Générale, signature par les

nouveaux associés de la Charte d’Associé

80

Majorité représentant plus de 50% du nombre total des associés

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REFUS D’INTÉGRATION D’UN NOUVEL

ASSOCIÉ

Si les critères liés à l’activité et/ou à l’engagement coopératif ne sont pas respectés, ou si le

candidat n’obtient pas l’agrément des associés, la candidature sera être refusée.

Les associés, par la voix du gérant, rendront compte des raisons du refus de la candidature.

RAPPEL : SOUSCRIPTION DES ASSOCIÉS AU

CAPITAL

Capital libéré à l’entrée au sociétariat

Chaque nouvel associé s’engage à apporter au capital la somme de 760 euros (38 parts

sociales d’un montant de 20 € chacune), cette somme devant être libérée sur une durée

maximale d’un an à compter de l’intégration de l’associé, selon les modalités suivantes :

Option 1 Option 2

A.G. juin 20 € 20 €

juillet 70 €

août 70 € 185 €

septembre 70 €

octobre 70 €

novembre 70 € 185 €

décembre 70 €

janvier 70 €

février 70 € 185 €

mars 70 €

avril 70 €

mai 40 € 185 €

Total 760 € 760 €

Capital libéré mensuellement : développement des

fonds propres de l’entreprise collective

Chaque nouvel associé s’engage également à souscrire au capital social de l’entreprise

dans le cadre du prélèvement statutaire à hauteur d’un montant fixé à 1% de son salaire brut

mensuel.

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ANNEXE III FICHE DIAGNOSTIC

Critères d'évaluation d'intégration au sein d'Artenréel

Pertinence du projet + / -

Définition du projet

Qualifications/ Compétences/ Expériences

Intérêt et suivi de l’actualité artistique

Adéquation projet/coopérative

Intérêt coopératif

Intérêt de l'activité pour le projet coopératif

Intérêt économique de l'activité pour la coopérative

Démarche entrepreneuriale

Connaissance du marché dans lequel s’inscrit l’activité

Connaissance des acteurs nécessaire à la professionnalisation de l’activité

Démarche de recherche d’éléments sur les clés de réussite de l’activité

Projection économique

Urgence économique

Situation économique actuelle

Volonté de développer ses apports économiques

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QUALIFICATIONS Les plus : Les moins :

COMPETENCES Les plus : Les moins :

DEMARCHE ARTISTIQUE Les plus : Les moins :

PROJET Les plus : Les moins :

CADRE ECONOMIQUE Revenu actuel : CA envisagé : Frais : Autres informations : Salaire idéal envisagé :

CADRE ARTISTIQUE Actualité : Carte des ressources : Personnes à contacter :

PUBLICS Qui sont-ils ?

Comment s’adresser à eux ?

Comment les atteindre ?

Adaptation ?

Quelles compétences essentielles à développer ?

CLIENTS Qui sont-ils ?

Comment s’adresser à eux ?

Comment les démarcher ou les contacter ?

Quelles compétences essentielles à développer ?

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PARTENAIRES Qui sont-ils ?

Quelles formes de partenariat ?

Privés/Publics ?

Quelles compétences essentielles à développer ?

CONCURENTS Qui sont-ils ?

Comment faire face à cette concurrence ?

ACTEURS CULTURELS ET INSTITUTIONS

PUBLIQUES Qui sont-ils ?

Quelle est leur importance ?

Quelles compétences essentielles à développer ? :

EXPRESSION Présentation orale :

Présentation écrite :

Argumentation :

Conversation téléphonique :

Démarcher :

Lettres

Les clefs essentielles de l’expression :

COMMUNICATION Outils de communication

Visibilité

Moyen de communication

DOCUMENTATION Outils de documentation

Comment chercher ?

Pourquoi se documenter ?

OUTILS BUREAUTIQUE Word : Excel :

Internet :

Mise en forme :

Autres :

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OUTILS GESTION/ADMINISTRATION Winscop :

Autres :

RESEAUX Def et rôle du réseau ?

Comment se le créer ?

Le garder ?

Outils :

DOSSIERS DE FINANCEMENT Comment ?

Pour qui ?

EXPERIENCES COLLECTIVES Les plus : Les moins :

VISION DE LA COOPERATION Les plus : Les moins :

IMPLICATION DANS LA VIE COOPERATIVE Les plus : Les moins :

CONNAISSANCE DES AUTRES ES Les plus :

Les moins :

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ANNEXE IV : PLAN DE L’ATELIER

« La clôture comptable des comptes :

Opérations de fin d’exercice et gestion des excédents »

Introduction : le jeu du bien commun

I. Rappels de comptabilité

A. Modèle économique de l’Entrepreneur Salarié

B. Enjeux et contraintes liés à la clôture des comptes

II. Les choix de gestion des entrepreneurs salariés lors de la clôture des comptes

A. La prime sur salaire

B. L’intéressement et le bénéfice collectif

III. Le traitement des bénéfices en SCOP

A. Modalités de traitement des bénéfices

B. La part travail

C. Les réserves impartageables

D. L’intérêt aux parts sociales

IV. Synthèse

V. Questions / Réponses

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ANNEXE V : EXEMPLES D’ACTIVITES ECONOMIQUES

Uniquement prime

EVOLUTION MENSUELLE DES PRODUITS CA HT CA HT NON SOUMIS FRAIS DE

MUTALISATION TOTAL

janvier

217,35 217,35

février 1 254,18 190,80 1 444,98

mars

758,00 758,00

avril 692,15 692,15

mai

607,30 607,30

juin 2 790,40 625,80 3 416,20

juillet

434,70 434,70

août 0,00

septembre

293,69 293,69

octobre 2 940,01 630,93 3 570,94

novembre

972,28 972,28

décembre 389,21 465,97 855,18

TOTAL ANNEE 7 373,80 5 888,97 13 262,77

MUTUALISATION DES FG 737,38 737,38

SALAIRES ET CHARGES SALAIRES BRUTS CHARGES PATRONALES COUT TOTAL

janvier 487,30 86,68 573,98

février 487,30 86,68 573,98

mars 487,30 86,68 573,98

avril 487,30 86,68 573,98

mai 797,40 141,87 939,27

juin 797,40 141,87 939,27

juillet 797,40 141,87 939,27

août 797,40 141,87 939,27

septembre 797,40 141,87 939,27

octobre 797,40 141,87 939,27

novembre 797,40 141,87 939,27

décembre 1 689,25 742,16 2 431,40

TOTAL ANNEE 9 220,25 2 081,97 11 302,22

FRAIS D'ACTIVITES Frais d'activités HT TOTAL

janvier 67,63 67,63

février 106,34 106,34

mars 91,78 91,78

avril 101,59 101,59

mai 75,00 75,00

juin 195,00 195,00

juillet 75,00 75,00

août 76,15 76,15

septembre 62,71 62,71

octobre 88,49 88,49

novembre 76,84 76,84

décembre 118,64 118,64

TOTAL 1 135,17 1 135,17

CHARGES : ELEMENTS ANNUELS, EXEPTIONNELS, RETRAITEMENTS

Médecine du Travail + Assurance 88

TOTAL 88

RESULTAT COMPTABLE 0,00

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Le bénéfice avant le choix de clôture était de 1 492,13 € : la totalité de cette somme a été

rajoutée au salaire du mois de décembre (sous forme d’une prime).

Cette prime a donné lieu à un complément de rémunération nette (montant perçu par

l’entrepreneur) de 799,69 €.

Le bénéfice après choix de clôture est égal à 0 ; il n’y a pas d’intéressement.

La personne percevra une somme au titre de la participation (part travail transformée en

participation, suite à l’affectation du bénéfice collectif bien qu’elle n’ait pas contribué à sa

constitution).

Si la personne avait fait le choix de l’intéressement, son bénéfice initial de 1 492,13 € aurait

donné lieu à une prime d’intéressement à hauteur de 895, 28 € ; la différence soit 596, 85 €

aurait été reversée au bénéfice collectif.

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Uniquement intéressement

EVOLUTION MENSUELLE DES PRODUITS CA HT CA HT NON SOUMIS FRAIS DE

MUTALISATION TOTAL

janvier

2 097,40 2 097,40

février 1 116,08 1 609,40 2 725,48

mars

2 272,20 2 272,20

avril 482,82 1 698,40 2 181,22

mai

4 131,20 4 131,20

juin 3 929,06 627,70 4 556,76

juillet 83,61 654,00 737,61

août 653,25 653,25

septembre 819,28 1 270,25 2 089,53

octobre 1 547,08 1 547,08

novembre 300,00 1 695,02 1 995,02

décembre 1 128,60 1 550,38 2 678,98

TOTAL ANNEE 7 859,45 19 806,28 27 665,73

MUTUALISATION DES FG 785,95 785,95

SALAIRES ET CHARGES SALAIRES BRUTS CHARGES PATRONALES COUT TOTAL

janvier 1 343,80 239,08 1 582,88

février 1 343,80 239,08 1 582,88

mars 1 343,80 239,08 1 582,88

avril 1 343,80 239,08 1 582,88

mai 1 343,80 239,08 1 582,88

juin 1 343,80 239,08 1 582,88

juillet 1 343,80 239,08 1 582,88

août 1 343,80 239,08 1 582,88

septembre 1 343,80 239,08 1 582,88

octobre 1 343,80 239,08 1 582,88

novembre 1 343,80 239,08 1 582,88

décembre 1 343,80 239,08 1 582,88

TOTAL ANNEE 16 125,60 2 868,96 18 994,56

FRAIS D'ACTIVITES Frais d'activités HT TOTAL

janvier 495,60 495,60

février 191,72 191,72

mars 490,25 490,25

avril 449,37 449,37

mai 406,33 406,33

juin 111,70 111,70

juillet 362,28 362,28

août 556,87 556,87

septembre 340,37 340,37

octobre 385,63 385,63

novembre 1 340,57 1 340,57

décembre 1 005,75 1 005,75

TOTAL 6 136,44 6 136,44

CHARGES : ELEMENTS ANNUELS, EXEPTIONNELS, RETRAITEMENTS

Médecine du Travail + Assurance 88

TOTAL 88

RESULTAT COMPTABLE 1660,79

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Le bénéfice avant le choix de clôture était de 1 606,79 € : l’entrepreneur a décidé de ne pas

prendre de prime sur salaire et d’affecter son bénéfice à l’intéressement et à la constitution

du bénéfice collectif.

CLOTURE DES COMPTES

RAPPEL RESULTAT 1 660,79

INTERESSEMENT (BRUT) THEORIQUE = 60% RESULTAT

996,47

PLAFOND INTERESSEMENT 20% SALAIRES BRUTS

3 225,12

INTERESSEMENT RETENU 996,47

SOLDE POUR POT COMMUN 664,31

SI CHOIX DE GESTION = PRIME

RAPPEL RESULTAT 1 660,79

SI PRIME ALORS MONTANT NET A PERCEVOIR

890,18

L’intéressement s’élève à 996,47 € et l’entrepreneur contribue au bénéfice collectif à hauteur

de 664, 31 €.

Cet entrepreneur est à temps plein au SMIC ; plutôt que d’augmenter son salaire (qui

entraine mécaniquement une hausse des charges patronales), il se sert du bénéfice comme

d’un levier d’optimisation de ses revenus.

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Prime et intéressement, gestion optimale

EVOLUTION MENSUELLE DES PRODUITS CA HT CA HT NON SOUMIS FRAIS DE

MUTALISATION TOTAL

janvier 4 166,66

4 166,66

février 9 363,33 3 541,66 12 904,99

mars 5 843,33

5 843,33

avril 2 083,33 2 083,33

mai 2 083,33 2 560,00 4 643,33

juin 2 083,33 2 560,00 4 643,33

juillet 5 251,33 2 560,00 7 811,33

août 2 083,33 5 312,49 7 395,82

septembre 2 083,33 1 360,00 3 443,33

octobre 2 083,33 21 052,80 23 136,13

novembre 2 083,33 3 125,00 5 208,33

décembre 2 083,33 129,32 2 212,65

TOTAL ANNEE 41 291,29 42201,27 83 492,56

MUTUALISATION DES FG 4129,13 4 129,13

SALAIRES ET CHARGES SALAIRES BRUTS CHARGES PATRONALES COUT TOTAL

janvier 1 343,80 239,08 1 582,88

février 1 343,80 239,08 1 582,88

mars 1 343,80 239,08 1 582,88

avril 1 343,80 239,08 1 582,88

mai 1 343,80 239,08 1 582,88

juin 1 343,80 239,08 1 582,88

juillet 1 343,80 239,08 1 582,88

août 1 343,80 239,08 1 582,88

septembre 2 339,51 1 024,47 3 363,98

octobre 2 340,27 1 024,79 3 365,06

novembre 2 340,27 1 024,79 3 365,06

décembre 8 840,27 3 871,14 12 711,41

TOTAL ANNEE 26 610,72 8 857,83 35 468,55

FRAIS D'ACTIVITES Frais d'activités HT TOTAL

janvier 194,04 194,04

février 104,80 104,80

mars 19,97 19,97

avril 25,00 25,00

mai 43,89 43,89

juin 300,00 300,00

juillet

0,00

août 22,49 22,49

septembre 22,49 22,49

octobre 22,49 22,49

novembre 23,85 23,85

décembre 940,78 940,78

TOTAL 1 719,80 1 719,80

CHARGES : ELEMENTS ANNUELS, EXEPTIONNELS, RETRAITEMENTS

Médecine du Travail + Assurance + Amortissements 288,39

Factures fournisseurs à recevoir 33091,95

TOTAL 33380,34

RESULTAT COMPTABLE 8794,74

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CLOTURE DES COMPTES

RAPPEL RESULTAT 8 794,74

INTERESSEMENT (BRUT) THEORIQUE = 60% RESULTAT

5 276,84

PLAFOND INTERESSEMENT 20% SALAIRES BRUTS

5 322,14

INTERESSEMENT RETENU 5 276,84

SOLDE POUR POT COMMUN 3 517,90

SI CHOIX DE GESTION = PRIME

RAPPEL RESULTAT 8 794,74

SI PRIME ALORS MONTANT NET A PERCEVOIR

4 713,98

Le bénéfice avant le choix de clôture était de 18 141, 09 €.

Une prime s’est avérée nécessaire car l’intéressement théorique (60% du bénéfice) était

supérieur à 20% des salaires bruts. L’entrepreneur et le conseiller ont alors calculé le

montant de la prime nécessaire pour pouvoir maximiser l’intéressement.

Le budget alloué (coût total) à la prime est de 9 346, 35 € (somme rajoutée au salaire du

mois de décembre).

Cette prime a donné lieu à un complément de rémunération nette (montant perçu par

l’entrepreneur) de 5 009,64 €.

Le bénéfice après prime sur salaire s’élève à 8 794,74 € : l’entrepreneur percevra 5 276,84 €

au titre de l’intéressement et contribuera au bénéfice collectif à hauteur de 3 517,90 €.

S’il avait décidé de prendre ces 8 794, 74 € en bénéfice, il n’aurait perçu que 4 713, 98 € de

prime nette et n’aurait pas contribué au bénéfice collectif.

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ANNEXE VI

L’intéressement dans les CAE :

un calcul par unité de production

Les CAE se sont également emparées des avantages financiers qu’offre l’accord

d’intéressement. En effet, l’innovation des CAE à ce sujet réside dans le fait que

l’intéressement se met en œuvre avant la répartition classique des bénéfices en SCOP mais

surtout que son calcul se fait par unité de production : Les CAE tiennent la comptabilité de

chacune des activités développée par les entrepreneurs. Ainsi, chaque entrepreneurs, tout

comme les permanents de la structure, sont considérés comme autant d’activités ou d’unités

de production et sont attachés et identifiés en comptabilité par des sections analytiques.

Une fois cette position prise, il est possible d’effectuer le calcul de l’intéressement sur le

résultat bénéficiaire de chaque activité, soit par entrepreneur et ce, avant la répartition des

bénéfices vue précédemment.

L’intéressement est une rémunération à caractère variable et aléatoire81. L’intéressement

permet à un entrepreneur salarié de maîtriser son résultat. L’accord d’intéressement

s’applique à tous les salariés. Pour bénéficier de la prime d’intéressement, il faut avoir 3

mois d’ancienneté dans l’entreprise. L’emploi peut être à temps partiel ou à temps complet,

le contrat peut être à durée déterminée ou indéterminée.

L’assiette de calcul de l’intéressement est constituée par le résultat comptable de chacune

des activités/unités de production. Il sera attribué aux salariés de chacune des activités 60%

du résultat net comptable de l’activité propre dont ils dépendent. La répartition de

l’intéressement aura lieu entre les bénéficiaires82 selon leur rattachement à une activité

donnée et proportionnellement aux rémunérations qu’ils ont perçus83.

Le montant des sommes attribuées au titre de l’intéressement ne peut dépasser

annuellement ce double plafond :

- Aucun salarié ne peut se voir attribuer plus de la moitié du plafond annuel de la

Sécurité Sociale.

81

Ne s’applique qu’en cas de bénéfice réalisé par l’unité de production 82

Dans une grande majorité des cas, une unité de production = un entrepreneur = un bénéficiaire. Par contre, les permanents de la structure sont quant à eux rattaché à une unité de production : il y a donc 4 bénéficiaires sur cette unité 83

les rémunérations ne sont toutefois retenues, pour chaque bénéficiaire, que dans la limite de quatre fois le plafond annuel de la sécurité sociale de l’exercice en question, éventuellement au prorata de la durée de présence quand un bénéficiaire n’a pas été salarié pendant la totalité de l’exercice

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- Le montant des sommes distribuées aux bénéficiaires d’une unité de production ne

doit pas dépasser 20% des salaires bruts versés à l’ensemble des bénéficiaires de

cette même unité de production.

Les primes d’intéressement seront versées au plus tard avant la fin du septième mois

suivant la clôture de l’exercice de calcul.

D’un point de vue social, les sommes n’ont pas le caractère de salaire, elles seront donc

exonérées de cotisations sociales (à l’exception de la CSG et de la CRDS).

D’un point de vue fiscal :

- Pour la CAE : Les sommes représentent des charges déductibles, elles viennent

ainsi diminuer le résultat de l’activité concernée.

- Pour le bénéficiaire : Les sommes sont imposables à l’impôt sur le revenu au moment

du versement (sauf si celui-ci reverse les sommes sur un Plan d’Epargne

Entreprise84)

L’accord est conclu pour une durée de 3 exercices sociaux, il peut depuis peu être

tacitement reconduit.

84 Les salariés, peuvent verser librement, tout ou partie de la prime d’intéressement dans un plan

d’épargne d’entreprise. La prime est alors exonérée d’impôt sur le revenu, à condition d’être versée

dans le plan d’épargne dans les 15 jours qui suivent sa perception.

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ANNEXE VII

Article 33 de Loi n°78-763 du 19 juillet 1978

Les excédents nets de gestion sont répartis en tenant compte des règles suivantes :

1° Une fraction de 15 p. 100 est affectée à la constitution de la réserve légale. Ce

prélèvement cesse d'être obligatoire lorsque le montant de ladite réserve s'élève au montant

le plus élevé atteint par le capital.

2° Une fraction est affectée à une réserve statutaire dite "fonds de développement".

3° Une fraction, qui ne peut être inférieure à 25 p. 100, est attribuée à l'ensemble des

salariés, associés ou non, comptant dans l'entreprise, à la clôture de l'exercice, soit trois

mois de présence au cours de celui-ci, soit six mois d'ancienneté. La répartition entre les

bénéficiaires s'opère, selon ce que prévoient les statuts, soit au prorata des salaires touchés

au cours de l'exercice, soit au prorata du temps de travail fourni pendant celui-ci, soit

égalitairement, soit en combinant ces différents critères. Les statuts peuvent également

prévoir que les droits de chaque bénéficiaire sur cette répartition tiendront compte d'un

coefficient, au maximum égal à deux, proportionnel à son ancienneté comme salarié dans la

société coopérative ouvrière de production.

4° Si les statuts prévoient le service d'intérêts aux parts sociales, le total de ces intérêts ne

peut excéder, chaque année, ni le total des dotations aux réserves prévues aux 1° et 2° ci-

dessus, ni les sommes allouées aux salariés en application des dispositions du 3° ci-dessus.

Le plafond prévu à l'article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée n'est pas

applicable.

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ANNEXE VIII : La participation dans les SCOP

L’ACCORD DE PARTICIPATION // CAE ARTENREEL

Définition de la participation : La participation est un dispositif règlementaire spécifique à

la France permettant de faire participer les salariés aux bénéfices de leur entreprise. La

participation est un outil collectif de répartition du bénéfice.

Histoire de la participation : Légalement instauré en 1967 sous l’influence du Général De

Gaulle, elle a été adaptée aux SCOP en 1969. La participation a avant tout été conçue par

les coopérateurs comme le partage équitable des fruits du travail, qui est à la base du projet

coopératif.

Fonctionnement : La participation est mise en place à travers la signature d’un accord

négocié avec le personnel. Ses modalités de calcul sont les mêmes pour tous les salariés,

indépendamment de leur fonction dans la société. Chaque année, une partie de l’excédent

de gestion est affecté à une réserve de participation, propriété des salariés.

Droit à participation : Le droit à participation est ouvert à tout salarié ayant trois mois de

présence au cours de l’exercice.

Répartition de la participation : La participation sera répartie entre les bénéficiaires au

prorata de la rémunération brute annuelle versée à chacun des bénéficiaires par la

Coopérative.

Conclusion : Le principe de participation favorise la solidarité entre salariés : leurs

performances ne servent pas à enrichir des actionnaires extérieurs, mais sont directement

répercutées sur leurs rémunérations.

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ANNEXE VIX : Portraits d’artistes en coopérative85

85

Extraits de La Lettre d’Artenréel – newsletter trimestrielle d’Artenréel

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Joël Beyler

L’artiste entrepreneur en coopérative :

Analyse d’un accompagnement de ses

choix de gestion

Co-fondateur associé de la Coopérative d’Activités et d’Emploi Artenréel, Joël Beyler

accompagne des artistes et contribue à leur professionnalité. En plus de l’accompagnement

au projet artistique et coopératif, il leur transmet notamment des notions de gestion, facette

mise en avant dans ce mémoire.

Plus que jamais, le contexte actuel de crises financière, économique, sociale et politique

démontre l’insuffisance de l'intervention publique, autrefois conçue pour mettre la culture à

l'abri des logiques de marché. Ses nombreux infléchissements nous poussent à rechercher

de nouveaux équilibres, de nouveaux modes d'organisation et de nouvelles solidarités.

Entre structuration professionnelle, évolution des partenariats publics et transformation des

modèles économiques, la modeste proposition de la Coopérative d’Activités et d’Emploi

appliquée au secteur culturel représente une façon originale d’aider à la structuration, à

l’organisation et à la gestion des activités et emplois créatifs.

A travers le dispositif de gestion de la coopérative et le développement économique de son

activité, l’artiste est invité à se conduire en entrepreneur : il devra procéder à des choix de

gestion, du pilotage de sa rémunération à la gestion du bénéfice de son activité.

Les valeurs transmises par l’accompagnement et l’acculturation au dispositif de gestion

specifique de la la CAE sauront-ils conduire les entrepreneurs vers une rationnalité collective

et coopérative ?

C’est l’objet même de la construction d’une entreprise partagée coopérative, créatrice de

richesses, d’émancipation et de sécurisation collective.