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HAL Id: hal-01870829 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01870829 Submitted on 9 Sep 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Copyright Gestion des dispositifs innovants en mode projet : quels risques pour une université d’entreprise ? Lénaïg Barreau, Corinne Baujard To cite this version: Lénaïg Barreau, Corinne Baujard. Gestion des dispositifs innovants en mode projet : quels risques pour une université d’entreprise ?. Management & Sciences Sociales, Kedge Business School, 2012, Risque : éthique et Gouvernance, pp.66-79. hal-01870829

Gestion des dispositifs innovants en mode projet: quels

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Submitted on 9 Sep 2018

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L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Copyright

Gestion des dispositifs innovants en mode projet : quelsrisques pour une université d’entreprise ?

Lénaïg Barreau, Corinne Baujard

To cite this version:Lénaïg Barreau, Corinne Baujard. Gestion des dispositifs innovants en mode projet : quels risquespour une université d’entreprise ?. Management & Sciences Sociales, Kedge Business School, 2012,Risque : éthique et Gouvernance, pp.66-79. �hal-01870829�

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Gestion des dispositifs

innovants en mode projet :

quels risques pour

une université d’entreprise ?

Lénaïg BarreauDoctorante en Sciences de GestionContrat Cifre Alcatel LucentTelecom École de [email protected]

Corinne BaujardMaître de Conférences HDRUniversité d’Évry Val d’EssonneUFR SHS département Gestion/[email protected]

Si le développement de l’innovation constitue un enjeu majeur pour les entreprises,rares sont celles qui anticipent les risques propres à un dispositif de gestion de l’innova-tion. de son côté, la littérature abondante et variée de la démarche en mode projetenvisage rarement à la fois les aspects stratégiques et opérationnels qui traversent lagestion de l’innovation. En quoi la gestion de dispositifs innovants en mode projetprésente-t-elle des risques pour une université d’entreprise ? A partir d’une recherchedoctorale conduite en contrat Cifre à Alcatel-Lucent, nous avons identifié une diversitéde risques basée sur l’expérience et le retour des deux précédentes structures mises enplace.

Mots clés : Conduite de l’innovation, mode projet, gestion des risques, structure innovante, univer-sité d’entreprise.

Introduction

Traditionnellement, l’activité d’innovation

dans les entreprises fait régulièrement

l’objet de nombreuses études. En effet,

de la démarche descriptive à l’analyse

des théories portant sur des techniques,

les préoccupations de la mesure de

l’innovation dominent. Les entreprises

réalisent l’intérêt d’en assurer sa gestion

pour la contrôler, la susciter etl’accompagner. La majorité des auteurss’accorde à reconnaître son importancetout en s’interrogeant sur les risques del’intégration de la démarche gestion deprojet (à travers le mode projet) dans lagestion de dispositifs innovants. Dans cetarticle, nous étudierons en quoi la gestiondes dispositifs innovants en mode projetprésente des risques dans le contexted’une université d’entreprise.

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Pour répondre à cette question, nousexaminerons la littérature portant sur lesdispositifs innovants en mode projet. Nousexposerons ensuite notre champ derecherche puis notre problématique. Parailleurs, nous présenterons notre terrain et laméthodologie utilisée pour cette recherche.Par la suite, nous analyserons les risquesd’une gestion de dispositifs innovants enmode projet au contexte de l’universitéd’entreprise d’Alcatel-Lucent et discuteronsles résultats avant de conclure.

Revue de la littérature

L’intégration du mode projet dans la gestionde dispositifs innovants implique deuxchamps de recherche : la gestion del’innovation et la gestion de projet. Nous necherchons pas à synthétiser tous les travauxsur la gestion de l’innovation et la gestion deprojet, mais bien à introduire les notionsprincipales de ces littératures très fourniesqui vont enrichir notre recherche.

Gestion de l’innovation

La question du management de l’innovationexiste depuis longtemps et a déjà inspiré denombreux auteurs (Burns et Stalker, 1961).Malheureusement, cette littératureexhaustive souffre d’un manque d’unitécompte tenu de toutes les questionssoulevées (créativité, stratégies, transfert del’innovation, organisation, etc.) et de tous lesdomaines de recherches qui peuvent êtreimpliqués dans le management del’innovation. Cependant, nous avons identifiédeux courants concernant la gestion del’innovation.

Le premier courant se caractérise par lagestion opérationnelle de l’innovation. Ilcorrespond à des modèles de processus dedéveloppement de projets d’innovation, dedéveloppement ou de conception deproduits, de l’émergence de l’idée à la fin duprojet.

Le second courant représente la gestionstratégique de l’innovation. Il s’agit desmodèles destinés aux dirigeants ou créateursd’entreprise qui proposent des étapes degestion globale, stratégique de l’innovation.Ces modèles vont souvent jusqu’à expliquerquel type d’organisation mettre en placepour créer une organisation innovante. Lecourant opérationnel se réfère auxinnovations de produits ou services quiseront commercialisés dans le but de générerdes bénéfices (Hauptly, 2008).

Par ailleurs, la littérature du management deprojet revêt un caractère stratégique.L’implémentation de l’innovation est géréepar la direction. Les principaux travaux dumanagement de l’innovation portent sur lesoutils et modèles d’analyse majoritairementà destination du top management (Lenfle,2008). Par ailleurs, la gestion opérationnellepropose un management de l’innovation enplusieurs étapes. On peut retenir le modèleen cinq étapes de Le Loarne et Blanco (2009)à savoir choisir un positionnement dansl’innovation, générer des idées (processusd’innovation, stimulation de la créativitéindividuelle et organisationnelle), passer lesidées en concepts, mettre en place unesélection des projets d’innovation et enfinassurer la diffusion de l’innovation. Cemodèle assez représentatif de l’ensemble desmodèles professionnels présente surtout des« Best Practices » (les bonnes pratiques desprojets ou innovations réussies), et les outilsqui les accompagnent comme la planification,la créativité, l’audit technique, la prévision,voire l’aide à la décision, etc. (Romon, 2003).Par ailleurs, on peut citer l’OSEO (ancienANVAR, www.oseo.fr) qui propose unedémarche en cinq étapes : formuler l’idée,manager le projet (étudier sa faisabilité, ledévelopper, et le lancer) et positionner leprojet. Nous pouvons aussi à partir d’idéesinnovantes proposer des modèles « IMStation » (Deloule et al., 2004) qui présententl’inconvénient d’être prescriptifs dans laconduite de l’innovation.

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Gestion stratégique de l’innovation

L’approche stratégique du management estd’identifier le processus afin d’implémenterla démarche identifiée. La direction générale(top management) assure tout au long duprocessus d’innovation le rôle de « sponsor,critic, institutional leader, and mentor »(Angle & Van de Ven, 1989 cité dans Van deVen et al. 1999, p.681). A ce titre, elle gère lesconflits et le processus de décision quipeuvent apparaître lors d’un processusd’innovation. Enfin, les auteurs préconisentl’importance de répartir ces rôles dans lesdifférents niveaux de l’entreprise afin deconstruire un pilotage collectif del’innovation. Toutefois, le management del’innovation doit se gérer dans trois espaces :stratégie, compétences et projets (BenMahmoud-Jouini, 1998). Enfin, Romon (2003)explique que le management de l’innovationconcernant les projets d’innovation doitposséder deux niveaux de responsabilité : unniveau global et un niveau local qui doiventfaire partie d’une procédure générique degestion des portefeuilles de projetsd’innovation. Ces approches stratégiquessont devenues des objets pour l’activité enmode projet.

Activité en mode projet

Malgré les nombreuses sources sur la gestionde projet, nous avons pu relever plusieurscaractères de la gestion de projet quiconcernent la délimitation d’une période parune date de début et de fin établies aupréalable. Des contraintes de performancemesurées par des critères définispréalablement (Project ManagementInstitute, 2006, 2008). Ces contraintes sontliées à la qualité, aux coûts et au temps deréalisation, voire à la satisfaction des clientset même des membres de l’équipe(Wateridge, 1998).

Par ailleurs, la multitude de caractéristiquesavancées par les auteurs est égalementreprésentative du nombre impressionnant de

définitions existantes, qu’elles soientspécifiques ou globales. En outre, certainsauteurs tels que Lewis (1993), Meredith etMentel (2003) définissent la notion degestion de projet jusqu’à préciser les activitésproduites par le projet. En effet, la gestion deprojet est « une organisation et un processustransversal temporaire défini pour atteindreun objectif sous les contraintes de temps, debudget et d’autres ressources » (Ben Mloukaet al., 2009, p. 105), un « processus unique,qui consiste en un ensemble d’activitéscoordonnées et maîtrisées comportant desdates de début et de fin, entrepris dans le butd’atteindre un objectif conforme à desexigences spécifiques » (norme Afnor X50-115, 2001). Par ailleurs, Turner (1993) donneune définition très complète en caractérisantle projet comme « un ensemble d’actionspour lequel des ressources humaines,matérielles et financières sont organisées demanière nouvelle pour entreprendre unensemble unique d’activités, bien spécifiées,à l’intérieur de contraintes de coût, de délaiet de performance, en vue de réaliser unchangement bénéfique défini par desobjectifs d’ordre quantitatif et qualitatif »(p.8). C’est cette définition que nousretenons pour aborder nos champs derecherche.

La gestion du risque

Étant donné que nous cherchons à répondreà la question : en quoi la gestion de dispositifsinnovants en mode projet présente-t-elle desrisques pour une université d’entreprise, ilnous paraît important d’aborder, outrel’aspect gestion de dispositifs innovants etgestion de projet, la gestion du risque.Certes, les risques que nous avons identifiéssont propres à la nature de la structure et ànotre contexte, nous n’avons donc pasd’études dans la littérature permettant decomparer les risques identifiés, toutefois,nous pouvons expliquer à travers lalittérature l’intérêt d’une analyse des risques.Dans cette recherche Il n’y a pas de définitionuniversellement reconnue du risque (Green

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& Serbein, 1983). D’après Edwards et Bowen(2005), peu importe la définition du risque, lerisque est défini par quatre aspects majeurs :la probabilité d’un évènement à se produire,l’évènement et sa nature, les conséquencesde cet évènement et la période d’exposition àl’évènement. Nous rejoignons les auteursdans leur affirmation que le risque estcontextuel, il est issu du contexte d’unesituation. Kaplan et Mikes (2012) proposenttrois catégories de risques : les risquesévitables, les risques de stratégie et lesrisques externes. Pour notre recherche, nousenvisageons notre étude des risques liés àl’implémentation de la démarche gestion deprojet dans la gestion de dispositifs innovantsdans la catégorie des risques évitables. Eneffet, cette catégorie de risques concerne lesrisques internes à l’organisation, cettecatégorie de risques étant la plus contrôlable.« Rares sont les organisations qui utilisent lagestion des risques comme un outil demanagement, passant d’une gestion desrisques à une maîtrise des risques, d’unmanagement des risques à un managementpar les risques » (Le Ray, 2006, p. XXV).

Champs de recherche

Notre problématique envisage un aspect peuétudié de la littérature. Si la relation entre lagestion de projet et la gestion de l’innovationa été abordée par quelques auteurs, nousétudierons les dispositifs innovants en modeprojet afin de montrer en quoi notrerecherche doctorale pourrait compléter cettelittérature.

La gestion de projet est une discipline quiconstitue un pôle de recherche dans ledomaine de la gestion depuis quelquesannées (Navarre, 1993). Dans la littérature,on retrouve quelques parallèles entre lagestion de projet et l’innovation.

Bien que le terme « projet » ne soit pas utiliséspécifiquement dans la littérature, certainesétudes abordent tout de même ce sujet. Parexemple, suite à leur étude portant sur

l’industrie électronique britannique, Burns &Stalker (1961) ont démontré que lesorganisations dites « organiques » sont lesplus adaptées pour créer de l’innovation dansun environnement turbulent. En effet, cetype d’organisation permet une meilleuretransversalité, une meilleure communication(bien souvent informelle) et une plus grandeautonomie qui confèrent une plus grandeflexibilité à l’équipe. Toutefois, ils complètentce statut en affirmant que les organisationsmatures, qui ont des structures et desprocess déjà bien définis et implantés,auraient effectivement intérêt à adopter uneorganisation plus organique et flexible dans lebut de s’adapter plus facilement à leurenvironnement (Sine et al. 2006). Cependant,pour le cas d’une nouvelle organisation, lesauteurs pensent que celle-ci est déjà trèsflexible et possède une bonne capacitéd’adaptation à son environnement, aussicette jeune organisation aurait, au contraire,besoin d’une structure un peu plus formelleet mécanique.

Par ailleurs, un management de projetefficace était une des conditions de laréussite des innovations (Maidique & Zirger,1985). L’innovation est de plus en plusconsidérée comme une stratégie decompétition effective. Des changementsorganisationnels dans l’entreprise setraduisent majoritairement par le recours àdes équipes pluridisciplinaires (Child, 2005). Ilest important pour une entreprise deconsidérer les avantages procurés par leséquipes projet si elles veulent restercompétitives (Lurey & Raisinghani, 2001 ;Ancona, 1990, Thamhain, 2004). Parexemple, un management de la gestion parprojets peut s’inscrire dans une théoriediscursive des organisations (Chanal, 2000)pour s’adapter aux changements de sonenvironnement. La création d’un nouveauproduit bénéficie des principes de la gestionde projet selon un découpage en objectifs,résultats, phasages, selon des tâches et desaffectations. L’innovation dans les entreprisesalimente la compétition entre lesorganisations dont la phase de conception

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assure un flux régulier de produits innovants(Midler & Lenfle, 2003).

Problématique

La gestion de l’innovation à plusieurs niveauxs’impose dans les organisations. Le fait degérer les dispositifs innovants dans uneorganisation organique (projets) peut se faire localement, de façon à la foisstratégique et opérationnelle. Il ne faut pasconfondre projet d’innovation, projet dedéveloppement, projet innovant (Lenfle,2004). Or, nous ne souhaitons pas gérer desprojets innovants. Notre positionnement estd’envisager les dispositifs innovants enutilisant les principes de la gestion de projet.En quoi la gestion de dispositifs innovants enmode projet présente-t-elle des risques pourune université d’entreprise ? Cette démarchese base sur le cadre théorique de référenceen se distinguant sur deux points de lalittérature.

La première différence se situe dans lemanagement de l’innovation. Souvent, unmodèle propose que l’innovation doit êtregérée stratégiquement, implémentée etdiffusée au niveau global, par la direction. Ilaborde la gestion de projets innovants oubien la gestion opérationnelle (de la créationà la commercialisation) d’un nouveau produitou service. Notre recherche s’intéresse à unmanagement local de l’innovationopérationnelle et gérée à tous niveaux dehiérarchie, le management par projet (oumode projet).

La deuxième différence concerne la nature etla finalité des dispositifs innovants. En effet,la gestion des projets innovants concerne leprocessus de la création à la distribution d’unnouveau produit (d’un produit innovant)dans le but de commercialiser et d’obtenir unbénéfice. Dans notre recherche, nous nousintéresserons à la gestion des dispositifsinnovants (pas uniquement la création d’unproduit ou d’un service) dans une universitéd’entreprise.

Terrain et méthodologie

L’étude se déroule à Alcatel-Lucent UniversityFrance, l’université d’entreprise d’Alcatel-Lucent, spécifiquement sur le site français.Alcatel-Lucent est une société de droitfrançais qui propose des solutions detélécommunications. C’est un équipementiertélécoms et réseaux présent dans 130 paysqui emploie 78 000 employés dans le mondedont environ 10 000 en France. Alcatel LucentUniversity (ALUniv) est un service formationqui possède un réseau de 18 centresaccrédités de formation dans le mondeentier, majoritairement présents en Europe.Son but est d'améliorer la qualité etl'homogénéité de la formation pour sessalariés et ses clients, et d’optimiser lesressources en facilitant l'acquisition deconnaissances, l'expertise et les qualitéspersonnelles des salariés ainsi que lepersonnel de ses clients. L’essentiel de sesmissions repose sur la gestion, ledéveloppement, et la livraison de solutionsde formation et de qualification.

Le concept d’université d’entreprise a débutéaux États-Unis dans les années 50 chezGeneral Electrics (Philippe, 2010) bien quen’étant pas nommée ainsi à l’époque. Selonune recherche menée par Meister (1998), lenombre d’universités d’entreprise a étémultiplié par 4 dans les années 90. Lesuniversités d’entreprise sont des entités peuétudiées en sciences de gestion. Pourtant, sielles constituent des acteurs importants dansla formation, elles se distinguent de par leurcaractère stratégique des centres deformations internes classiques. Par ailleurs,elles ont également pour but de renforcer etunifier la culture d’entreprise (Drummond-Guitel, 2009). Il existe plusieurs définitionsdes universités d’entreprise. L’universitéd’entreprise est « une structure de formationconstituant un outil stratégique élaboré pourassister son ‘organisation-mère’ enpoursuivant sa mission par la conduited’activités qui cultive l’apprentissageindividuel et organisationnel, la connaissance

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et la sagesse » (Allen, 2002, p. 9). L’auteurinsiste particulièrement sur le caractèrestratégique.

La principale différence entre une universitéd’entreprise et un centre de formationinterne est l’écart entre la vision tactique etstratégique. L’université d’entreprise est une« fonction alignée stratégiquement versl’intégration du développement du personneldans une organisation spécifique » (Grenzer,2006, p.1). Ainsi, nous envisageons deprivilégier les récits d’expériences pours’approcher au plus près du raisonnementdes acteurs et les projets en cours(exploitation des connaissances) quicombinent les connaissances établies endifférents espaces organisationnels afin deles développer selon un processusd’exploration.

En termes de méthodologie, notre travail derecherche s’inscrit dans une démarcheinductive. Par ailleurs, nous opterons pour la

méthode de la recherche-action. Leschercheurs du colloque de l’Institut Nationalde Recherche Pédagogique en 1986 ontdéfini la recherche-action ainsi : « Il s’agit derecherches dans lesquelles il y a une actiondélibérée de transformation de la réalité ;recherches ayant un double objectif :transformer la réalité et produire des connaissances concernant cestransformations » (Hugon et Seibel, 1988, p. 13). C’est une méthode de recherchescientifique fondée par Kurt Lewin (1951).Whyte (1991) propose trois types derecherches-action selon le degré departicipation :

- préparation par les acteurs de rapports et

d’analyses théoriques en général axés vers

la résolution de problèmes ;

- changement dans une organisation : les

acteurs gèrent la prise de décision pour

l’adoption de solutions proposées par le

chercheur ;

Table 1

Comparaison entre un département traditionnel de formation, une uni-versité d’entreprise et une université traditionnelle (adapté de Veldsman, 2004)

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- implication des acteurs : toutes les phases du projet de recherche. Il parle deRecherche Action Participative.

Compte tenu du contexte, notre recherches’inscrit dans la Recherche ActionParticipative aussi appelée la RechercheAction Intégrale.

Cette recherche se base sur l’expérience dedeux précédentes structures de gestion del’innovation à Alcatel-Lucent UniversityFrance. Elles ont constituées les étapespréparatoires à l’implémentation de notrestructure de gestion de l’innovation enutilisant le mode projet. La premièrestructure s’apparente à une gestion del’innovation selon le modèle des SystèmesComplexes Adaptifs. Puis, les membres de lapremière structure ont eux-mêmes demandéà changer d’organisation de gestion del’innovation, estimant que l’organisation nefonctionnait pas. Cela a donné lieu à ladeuxième structure qui était constituée d’unseul projet de dispositif innovant et qui devaitdonner naissance à d’autres projetsparallèles de dispositifs innovants. Notreidentification des risques liés à la troisièmestructure de gestion de l’innovation constituele résultat de cet article. En effet, avantd’implémenter cette troisième structurebasée sur les résultats des deux précédenteset sur les retours d’expérience des membresdes deux structures, il nous paraissaitimportant de mesurer en amont les risquesd’une telle démarche. Nous nous basonspour cette recherche sur les entretiens desmembres des deux premières structures, soit10 entretiens semi-directifs d’une duréemoyenne d’une heure et demie.

Analyse des risques et discussion des résultats

Souvent, dans les grandes entreprises, lespratiques de gestion aboutissent à favoriserle partage local d’expériences plutôt que laconstitution de réseaux internationaux dediffusion. On retrouve les principes

d’épistémologie organisationnelle définis parNonaka, Von Krogh et Voelpel (2006). Pources théoriciens, il faut insister sur lesapprentissages des salariés et leur capacité àcoopérer ensemble. « Toutes ces actionspermettront l’innovation » (Alter, 2012).Ainsi, l’innovation se réalise sur une baserelationnelle locale qui favorisel’identification des pratiques managériales enrespectant les différentes expertisesmobilisées. La gestion en mode projet est unconstruit cognitif, un système d’action quis’organise pour capitaliser ses compétencesafin d’atteindre les objectifs en fonction desévolutions de l’environnement, desressources, de la culture et desreprésentations des groupes d’acteurs. Dèslors, l’entreprise doit accompagner lessalariés afin de maintenir des savoirsorganisationnels qui privilégient leurapprentissage, et de tirer les conséquencesdes dysfonctionnements. Des relations sedéveloppent à travers des apprentissagescollectifs qui constituent une réponse à laflexibilité.

Dans cette recherche, nous cherchons àanalyser les risques inhérents à la mise enplace d’une structure de gestion del’innovation basée sur le mode projet. Pourcela, nous avons analysé la littérature de lagestion de l’innovation en lien avec la gestionde projet tout en écartant l’étude de projetde formation ou de plan de formation. Ils’agit de se demander comment innover dansune université d’entreprise qui est unestructure non marchande dont lesinnovations sont de type incrémentales, deservices ou de procédés.

En général, les changements dépendentautant du déploiement des projets qued’actions qui varient en fonction d’unepluralité de risques. A ce titre, nous avonsidentifié six risques liés à la démarche demise en place de la structure et à la gestionde l’innovation. Il s’agit de risques spécifiquesà cette démarche et non aux projets engénéral. En effet, dans la gestion de projet,les risques sont bien spécifiques à desdonnées liées au projet en lui-même.

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Le premier risque que nous allons développerest lié à l’utilisation de la gestion de projet entant que modèle de gestion de l’innovation, ils’agit du risque structurel. Le risqueorganisationnel concerne la gestion desconnaissances qui sont des ressourcesintangibles. Le risque technologique impliquela gestion du système d’information. Lerisque culturel porte sur l’identité des acteursqui travaillent sur les projets innovants. Le risque environnemental concernel’environnement dans lequel est situé ledispositif. Enfin, le risque stratégique englobel’ensemble des risques du management deprojet dans l’université d’entreprise orientéesur des savoirs et des méthodes.

Les verbatims issus des 10 entretiens semi-directifs sont basés sur les deux précédentesstructures qui ont constitué pour nous unebase de l’analyse des risques potentiels liés ànotre démarche.

Risque structurel

Le risque structurel est lié à l’utilisation de ladémarche gestion de projet pour gérerl’innovation. En effet, traditionnellement lagestion de projet n’est pas considéréecomme une démarche créative, permettantde laisser de la place à la nouveauté, àl’adaptation. Comme nous l’avons étudié

dans la littérature, la gestion de projet poseun cadre bien précis et délimité sur uneaction avec des objectifs à valider dans uncertain laps de temps. Comment concilierl’aspect créatif et ouvert de l’innovation avecle cadre cloisonné de la gestion de projet ? « Normalement c'est un mode defonctionnement (ndlr : le mode projet) quiavait, qui a peut-être plus fait avancer leschoses même si on pourrait dire dans certainscas moins créatif mais, bon… ». C’est ici unrisque que nous avons identifié dès la lecturede la littérature. Le risque que l’intégrationde la gestion de projet dans la gestion del’innovation ne devienne qu’un ensemble deprojets innovants sans lien entre eux. Il a fallupour cela établir notre structure de gestionde l’innovation avec un rappel permanentque l’innovation c’est avant tout un aller-retour entre l’imagination et la réalité. Il fautdonc se dégager un temps de créativité et untemps beaucoup plus pragmatique d’analyse,de mise en place, de projets. Outre le risqued’un manque de flexibilité et de créativitédans une démarche aussi cadrée que lagestion de projet, il existe également unrisque lié à toute action mise en place dansune organisation, le risque que l’idée,l’action, le projet n’aboutisse pas : « …enpremier abord je dirais, par expérience, que lerisque qu'il n'y ait rien qui sorte, ou très peuqui sorte, est très élevé ». C’est toujours un

Table 2

Project Management Institute (2008), A guide to the Project ManagementBody of Knowledge (PMBOK® Guide), 4th ed. Newtown Square, p.225

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enrichissement d’avoir des idées, mais sicelles-ci ne sont pas mises en place, il ne sepasse rien. Le plus difficile dans la gestion del’innovation est clairement la mise en œuvrede l’innovation. Ce risque a été trèsrapidement identifié car dans une desprécédentes structures, il y a eu des idées,des discussions, des analyses, mais peud’actions concrètes ont été réalisées.

Risque organisationnel

Le risque organisationnel concerne la gestiondes connaissances qui sont des ressourcesintangibles. Ce risque était connu dès lecommencement car c’était un des reprochesadressés aux précédentes organisations. Toutle monde s’accorde à dire que laconnaissance est très importante (Baujard,2008). Toutefois dans le milieu del’entreprise, quelque chose d’intangible et denon mesurable n’a que peu d’utilité lorsquel’on a réalisé un investissement, que l’on estdans une situation très rationnelle en attentede résultats tangibles. Comment obtenir desrésultats mesurables et chiffrables sur desressources intangibles ? « On n'a pas valoriséce qui est valorisable. Et c'est de ça qu'ilfaudrait prendre conscience, c'est-à-dire quemême s’il y a pas de délivrable à la fin, il y ena eu en plus ». Ce risque, connu dès le départ,est toujours très difficile à gérer. Outrel’amour de la créativité et du partage, il fauten permanence s’assurer de l’intérêt dusujet, de son importance et de ce qu’il vaapporter à l’entreprise. Sur des projets dedispositifs innovants, il faut aller jusqu’aubout du projet : « on n’a pas transformél’essai quoi ! […] on a été jusqu’à un certainstade d’aboutissement […] ». L’objectifpoursuivi est majoritairement d’aboutir à l’industrialisation d’une pratique :« L'industrialisation d'idées est à mon sensindispensable ». Par exemple, un dispositifinnovant a été développé, il s’agit de lacréation d’un tableau blanc interactif à trèsbas coût. Le concept a été développé et testé,mais si on s’arrête là, on n’a finalement aucunrésultat. Le résultat sera de communiquer sur

ce savoir-faire, de l’industrialiser pours’assurer du retour sur investissement dutemps dépensé sur le concept.

Risque technologique

Ce risque implique la gestion du systèmed’information. Il est essentiel dans notrecontexte comme ailleurs de bien maîtriser lesoutils d’information qui sont utilisés dansl’environnement de travail. Dans le cascontraire, la perte de temps et l’inefficacitésont très importantes. L’information n’est pasdispensée à tout le monde, tout le monde neparticipe pas et cela peut créer bon nombrede situations problématiques. Il est doncimportant si l’on utilise un nouvel outild’information de former tout le monde à cetoutil. Dans les grandes entreprises, souvent,on n’a pas le choix des outils d’information,mais l’on peut disposer d’un grand nombreau choix. Cela est particulièrement le caslorsque l’on travaille en mode projet dansune équipe virtuelle, dont les membres nesont pas sur le même lieu de travail. « Leproblème avec ce mode de travail en groupevirtuel, vous faites comme vous voulez. Celaaboutit à un vrai bazar. On ne savait pas versoù aller, où était le début, où était la fin, versquelle piste on allait s'orienter, ça partait unpeu partout, n'importe comment […]. Bon moipersonnellement j'ai trouvé que c'était unpetit peu beaucoup la pagaille ». « Lavirtualité c’est difficile, Alors ça c'est pour ceprojet pour tous, mais à force de travailler àdistance, par téléphone cela nécessite de sevoir des moments, de se revoir, de seremotiver. Le mode projet virtuel, c'estdifficile ». Pour un seul projet, de nombreuxoutils peuvent être utilisés en parallèle. Il estimportant de comprendre le risque quereprésente un outil d’information mal utilisé.Par exemple, lors d’un projet, l’équipeutilisait un outil de stockage de document quivenait d’être mis en place. Toutefois, unegrande majorité des membres de l’équipen’avaient jamais appris à s’en servir etn’avaient jamais été formés. Par ailleurs,l’outil en lui-même n’était pas très intuitif. On

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se retrouvait donc dans des situations où toutle monde n’avait pas le même niveaud’information car certains n’avaient pas prisconnaissance des données stockées surl’outil : « …il y avait un outil [nom d’un outil]mais qui n'a peut-être pas été très utilisé ».Parfois, des réunions entières n’ont pas puaborder l’ordre du jour et ont serviuniquement à remettre tout le monde aumême niveau d’information. Les risques liés àla gestion du système d’information sontmultiples, mais sont en plus très difficiles àgérer. Dans une grande entreprise on dépendsouvent du support en cas de problème, onn’a pas toujours le choix de l’outil, etc. Lerisque que l’on peut gérer correspond à ceque tout le monde connaisse les utilisationsbasiques des outils que l’on va utiliser pourl’activité et pour le projet. « Je pense quel'idée d'avoir un [nom de l’outil], desdiscussions dans lequel les gens peuvents'exprimer, je trouve que l'idée est bonne, jetrouve qu'elle est toujours bonne. Leproblème c'est qu’on s'aperçoit avec l'usage,le problème c'est que [nom de l’outil] c'étaitvraiment tout nouveau, c'était vraiment untruc que les gens n'avaient pas encore leurcompte […] on fait un travail énorme pouressayer d'apprendre aux gens commentfonctionne un web 2.0 à cette période-là ».

Risque culturel

Les acteurs qui travaillent sur des projets dedispositifs innovants en mode projet ont engénéral une autre fonction dans l’entreprise.Il faut prendre en compte cette réalité pouréviter certains risques. Hormis le risque desautres fonctions des membres de l’équipeprojet que nous aborderons plus précisémentdans la partie risque stratégique, il y aégalement le risque que les autres fonctionset intérêts orientent le projet ou les sujetsabordés uniquement dans leur sens. « Il y aeu des gens qui se sont dit : « si on a un [nomde la structure] ça veut dire que je ne suis pascapable d'innover dans mes équipes et doncje vais démontrer que moi aussi je suiscapable d'innover dans mes équipes », ce quia donné naissance au projet x, complètement

parallèle au [nom de la structure]. Donc à lafois du … comment dire, du désintérêt et à lafois la compétition, ce qui à mon avis étaitdébile mais c'était comme ça ». Un autreaspect à considérer est la double fonction,mais du côté du projet. Il est nécessaire des’assurer que les personnes impliquées sontmotivées et croient au projet, c’est encoreplus important pour le chef de projet. Le faitque des membres remettent en question enpermanence le but, le contexte ou ledéroulement du projet peut poser denombreux problèmes en termes d’ambiancede travail (possibles tensions dans l’équipe),de perte de temps en discussions stériles, etc.Par exemple, un projet doit avoir une portéedéfinie.

Risque environnemental

L’environnement de travail est essentiel pourmener une gestion de l’innovation. Si lecontexte est favorable, il y a peu de risques.Les salariés sont en général tous d’accord surl’importance d’innover, de partager, decommuniquer, etc. Par contre, il est bien plusdifficile de susciter l’envie de travailler surl’innovation et sur des dispositifs innovantslorsque l’environnement de travail devienttendu. « […] alors il y a d'autres choses liéesau contexte aussi, il y a quand même uncontexte, ça aussi on avait bien identifiécomme étant un facteur de risque, il y aquand même un contexte délicat, limitedécroissance avec une difficulté entre lepersonnel propre et les prestataires ». Parexemple, quelques mois après la mise enplace du dispositif, une transformationorganisationnelle majeure a été annoncée.Or, cette annonce a par la suite laissé denombreuses zones d’ombre et bien dessalariés étaient dans l’attente de réponse etdemeuraient préoccupés en attendant deconnaître la situation définitive. « Je pensequ'ici c'était assez nouveau. Je pense qu'il y aun contexte qui fait que peut-être ce mode defonctionnement faisait prendre un risquesupplémentaire même dans des projets assezcadrés ». Lorsque l’environnement de travailest tendu, l’innovation a souvent tendance à

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être reléguée au dernier plan. Les dispositifsétant au cœur de l’activité deviennent alorsdes activités de « survie » et sont ainsipropulsés au premier plan. « C'est un blocagedu [nom de la structure] vis-à-vis del'innovation, à mon sens au final. Et c’est dû,très certainement oui, à la transformation,comme on n’entendait pas ça avant ».Toutefois, bien que l’environnement soitparfois hostile à l’innovation, il est possiblede gérer ce risque en le tournantpartiellement en avantage. Par exemple,suite à cette annonce, nous avons organiséun évènement en rupture avec les codesclassiques de l’environnement de travail. Ilest apparu qu’un grand nombre de salariésqui ont participé à cet évènement ontapprécié le nouveau climat de travailcomparé à l’environnement tendu danslequel ils avaient évolué dernièrement. « Et ilsemblerait par rapport à ce que j'ai entenduque ça avait eu un succès énorme, enfin unbon succès ». Bien entendu, certains salariésqui n’ont pas souhaité participer étaienttoujours très réticents à travailler surl’innovation, la considérant comme uneactivité non prioritaire. Sur l’article webrelatant l’évènement innovation en question,il y a eu un commentaire expliquant que lapersonne n’a pas pu venir à l’évènement carelle était trop occupée à retravailler uneformation qui a été « tronquée pour cause derestriction de budget ». En définitive, il fautêtre tout à fait conscient qu’une entreprisequi évolue dans un environnement turbulentet complexe risque de passer parénormément de transformations, petites outrès grandes. L’adaptation au climat socialdemeure primordiale pour motiver lessalariés.

Risque stratégique

Le risque stratégique n’était pas critique pourla mise en place de ce dispositif car Alcatel-Lucent University a déjà l’expérience detravailler à certains niveaux avec le modeprojet. Cela nous a justement aidé à voir àquels risques les autres expériences avaient

dû faire face. En outre, les premiers risquesdu mode projet déjà identifiés auparavantsont liés à l’organisation de l’équipe. Il est eneffet très important d’avoir un chef de projettrès impliqué pour pouvoir motiver etorganiser le travail de son équipe. « [nom] nepouvait plus être dynamique pour prendre encharge les idées, il était devenu un chef deprojet qui n'avait pas le temps de gérer sonprojet ». Cette personne doit être trèsprésente tout en laissant de l’indépendance àses membres d’équipe. « […] si on veut queles choses se fassent, si c'est quelque chosede… pour un service d'innover, il faut mettrequelqu'un à plein temps, ou quelqu'un qui aitdu temps, à plein temps ce n'est pas toujourspossible mais quelqu'un qui a réellement dutemps pour le faire, parce que mettre ça enplus, rajouter des casquettes sur les gens sic'est réellement stratégique… ». Par ailleurs, ilfaut être très conscient de ne pas perdre devue les objectifs fixés pour l’aboutissementd’un projet. De plus, les membres du projetont souvent une autre fonction, ou d’autresprojets à gérer, les membres de l’équipedoivent donc faire la part des choses entrecette activité et les autres activités. « […] lesgens ce n’était pas leur activité première, çapassait toujours en bas de priorité, donc toutle monde était pas disponible… ». C’estégalement le rôle du chef de projet deprendre en compte la charge de travail desmembres de l’équipe. On peut donc dire quece risque est un risque classique identifiélorsque l’on travaille en mode projet. « J'aiessayé d'apporter des choses, mais j'aidécroché. Moi, par rapport à ça, c'est vrai quele gros souci que j'ai eu c'est toujours ceproblème de charge de travail ». Dans unedes deux précédentes structures, le chef deprojet était en fonction dans un poste qui aconnu un regain d’activité très importantpendant le projet. Il travaillait en tant queformateur sur la dernière technologie detélécommunication. Son domaine de travailétait prioritaire compte tenu du caractèrestratégique de son poste pour le service. Leprojet a failli ne jamais aboutir car pendantquelques temps personne ne s’est interrogésur l’absence de charge de travail pour ce

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projet. Les membres de l’équipe étaient dansl’attente du chef du projet. Or, voyant la datede finalisation du projet se rapprocher, unmembre de l’équipe a fini par remplacerprovisoirement le chef d’équipe débordé.Nombreux sont les exemples d’échec car lesrisques ont été mal gérés ou évalués.

Conclusion

Dans cet article, nous avons identifié sixrisques relatifs à la mise en place en modeprojet de dispositifs innovants dans uneuniversité d’entreprise. En quoi la gestion desdispositifs innovants en mode projetprésente-t-elle des risques dans le contexted’université d’entreprise ? Les risques sontdonc multiples, et doivent être gérés enamont et en aval de la mise en place d’undispositif de gestion de l’innovation. Certainspeuvent être évités grâce à leur anticipation,d’autres prévisibles doivent être gérés unefois leur réalisation aboutie.

La revue de la littérature identifie deuxchamps de recherche dans lesquels évoluenotre recherche doctorale nous permettantainsi de déterminer le contexte de notrerecherche qui se déroule dans le cadre d’uncontrat Cifre.

Les entretiens réalisés montrent que lesrisques sont nombreux, parfois complexes etdoivent être mesurés et gérés avecprécaution pour s’assurer de ne pas échouer.Suite à notre expérience de terrain, on peutconclure que les premiers résultats de cetterecherche nous ouvrent de nouvellesperspectives. Nous aurions voulu aller plusloin dans la dimension empirique de cetterecherche, mais elle fera l’objet de travauxultérieurs.

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Lénaïg BArrEAuEn contrat Cifre à Alcatel Lucent, est doctorante en sciences de gestion, sous la direction de Corinne Baujard. Elle mène desrecherches sur l’innovation en mode projet afin de gérer l’innovation au sein d’Alcatel-Lucent University. Ses travaux ontfait l’objet de plusieurs communications dans des colloques internationaux comme l’ISPIM et l’ICT. Elle intervientrégulièrement auprès des étudiants du master ERH de l’université d’Évry dans l’accompagnement de leur mémoireprofessionnel.

Corinne BAuJArDMaître de conférences, Habilitée à Diriger des Recherches en science de gestion, directrice du département AES/Gestion,à l’université d’Évry Val d’Essonne, est membre élue au conseil d’UFR et au Conseil Scientifique. Ses recherches portent surles transformations associées aux dispositifs numériques dans les organisations privées et institutions publiques. Sestravaux ont fait l’objet de nombreuses publications dans des revues scientifiques, des ouvrages collectifs et des actes decolloques internationaux en mettant l’accent sur les pratiques d’apprentissage selon un cadre socioconstructiviste pouridentifier les enjeux organisationnels de la formation. Elle est également auteur de trois ouvrages publiés chez HermèsLavoisier.