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Publié par : Published by : Publicación de la :
Faculté des sciences de l’administration Université Laval Québec (Québec) Canada G1K 7P4 Tél. Ph. Tel. : (418) 656-3644 Fax : (418) 656-7047
Édition électronique : Electronic publishing : Edición electrónica :
Aline Guimont Vice-décanat - Recherche et partenariats Faculté des sciences de l’administration
Disponible sur Internet : Available on Internet Disponible por Internet :
http ://www.fsa.ulaval.ca/rd [email protected]
DOCUMENT DE TRAVAIL 2003-039
À PROPOS DE QUELQUES OBSTACLES À LA MISE EN ŒUVRE DU PLAN STRATÉGIQUE DE DÉVELOPPEMENT DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DU CAMEROUN Félix-Marie Affa’a Jacques Grisé Gérard Verna
Version originale : Original manuscript : Version original :
ISBN – 2-89524-189-9
Série électronique mise à jour : On-line publication updated : Seria electrónica, puesta al dia
12-2003
À propos de quelques obstacles à la mise en oeuvre du plan
stratégique de développement de l’enseignement supérieur du
Cameroun par
Félix-Marie Affa’a, Jacques Grisé et Gérard Verna
1) Adresse de correspondance : F-M. Affa’a, 3170 rue Rimbaud, Québec PQ Canada G1P 2Z5 [email protected]. FMA est maître de conférences de biologie à l’Université de Yaoundé I, Cameroun et présentement étudiant de doctorat en management à l’Université Laval.
2) Jacques Grisé et Gérard Verna sont professeurs titulaires au Département de management de l’Université Laval.
Résumé
Le présent texte propose une analyse de certains des points importants des recommandations et des stratégies suggérées au Cameroun par le plan stratégique pour le développement de son enseignement supérieur. Ce plan fut élaboré par une équipe mixte de Camerounais et de spécialistes de l’Institut international de planification de l’éducation (IIPE). Les questions de la recherche visent à ébaucher l’analyse, à la lumière des données théoriques du développement organisationnel, des irritants qui ont empêché la poursuite de la mise en oeuvre du plan stratégique. La confiance de la communauté universitaire qui reste toujours à conquérir, est un de ces irritants administratifs empêchent l’aboutissement du changement désiré du système universitaire. Il peut favoriser l’enseignement et l’apprentissage de la démocratie de participation au sein des universités et dans leur milieu d’implantation.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les irritants dégagés ici risquent de resurgir dans le processus de réformes en cours. Les auteurs vouent surtout montrer que le processus de réformes nécessite un accompagnement continu et de longue durée. Il nécessite d’être suivi en permanence, car il ne peut être mené sans erreurs et il faut être prêt à redresser le processus et à tirer les leçons des erreurs commises. On peut déplorer que les Journées universitaires de la science et de la technologie, tenues à Yaoundé en février dernier 2003, n’aient pas tiré toutes les leçons de la mise en oeuvre avortée du plan stratégique de l’IIPE. Car il s’agit d’un changement de culture, d’un changement de stratégie et de structure organisationnelle qui ne peuvent souffrir d’improvisation ni de précipitation.
2
Introduction
Statuant sur le choix de subordonner la structure à la stratégie organisationnelle ou
l’inverse, Burton et Obel (1998 : 254) recommandent, à la suite de Chandler (1962),
d’adopter la formule : « la structure suit la stratégie (structure follows strategy) ». Cette
formule consiste à décrire puis à classer la stratégie dans l'une des cinq catégories
adaptées de la typologie modifiée de Miles et Snow (1978). Car en effet, cette typologie
propose les concepts de base de la stratégie et le cadre qui guide le choix de la structure
organisationnelle inhérente. La description de la stratégie s’appuie sur la capacité
d’innovation de l’organisation, les ressources requises pour sa transformation, la
technologie, les exigences de qualité, le niveau de contrôle de la qualité et de la
performance. Enfin, et en particulier dans le cas étudié, il faut insister sur les attentes de
l’environnement sociétal qui fait office de marché pour l’organisation de services qu’est
une université.
La stratégie inclut la définition de toutes les finalités, des buts et des moyens d’action
pour atteindre les buts. Mais pour atteindre certains buts, l’organisation doit avoir une
structure particulière. Cela pourrait être le cas pour une université comme nous l’avons
montré dans un travail intitulé : Analyse d’un rapport diagnostic d’amélioration de
l’enseignement supérieur sénégalais à l’aide du logiciel ORGCON (Affa’a et al.). Nous
nous appuierons d’ailleurs sur le type idéal d’université généré à cette occasion; car,
l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar comme les six universités du Cameroun ont
conservé jusqu’à présent la structure classique de la bureaucratie professionnelle
(Mintzberg, 1982). Cette structure est, comme nous l’avons montré, incompatible avec
l’atteinte de certaines missions et de certains objectifs assignés à l’université dans le
contexte africain. La simulation exécutée sur ORGCON suggère d’adopter des
formations et une recherche orientée vers la résolution des problèmes et exécutée par une
structure matricielle d’équipes multidisciplinaires. Ces changements ne peuvent se faire
sur la base de la seule amélioration de la stratégie et de la structure qui prévalent.
L’alignement des composantes organisationnelles exige en effet de changer les normes de
l’université traditionnelle qui misent sur le travail individuel et la compétition.
3
Les constats, les dysfonctionnements et les stratégies d’action rapportés dans les rapports
d’évaluation (Sanyal, 1999; World Bank, 1996) sont pratiquement les mêmes, à quelques
détails près, dans les systèmes universitaires du Sénégal et du Cameroun (Voir Affa’a et
al., article soumis 2 et Affa’a et Des Lierres, 2002). Nous ne reprendrons donc pas ces
éléments en considération ici. Nous traiterons de certains des points importants des
recommandations et des stratégies suggérées au Cameroun par l’équipe de l’Institut
international de planification de l’éducation pour l’enseignement supérieur camerounais.
Trois questions nous apparaissent particulièrement intéressantes dans l’optique de cet
article qui vise à ébaucher la détermination des irritants qui ont empêché la poursuite de
la mise en œuvre du plan stratégique dont nous analysons un extrait :
1) Quelle structure organisationnelle doit-on mettre en place pour exécuter les
recommandations du plan stratégique?
2) Quelles stratégies doit-on adopter pour réaliser les missions dévolues au système
universitaire par le plan stratégique?
3) À défaut de suivre l’idée de Chandler (1962) de subordonner le choix de la
structure organisationnelle à la description de la stratégie, le plan stratégique
permettrait-il tout de même au système universitaire camerounais d’atteindre une
meilleure performance?
Plus les réponses à ce type de questions seront claires et précises, plus il sera aisé de
formuler un nouveau plan d’intervention fiable et opérationnel. Avec un plan d’opération
clair, il peut être plus facile d’obtenir les ressources indispensables à la reprise de la mise
en œuvre du plan stratégique.
Il nous apparaît indispensable de rappeler ici qu’à l’instar de plusieurs pays assujettis aux
programmes d’ajustement structurel et leurs homologues subséquents, le Cameroun ne
peut débloquer le financement nécessaire au développement de son enseignement
supérieur sans le quitus de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.
Comment donc démontrer à ces organismes que le système universitaire peut aussi
contribuer à la réduction de la pauvreté?
4
De plus, les pays africains comptent sur la coopération bilatérale et multilatérale pour
financer leur recherche universitaire comme l’a montré récemment Benneh (2002).
Élaborer et faire adopter par les principaux intéressés des politiques d’enseignement et de
recherche claires et un plan stratégique fiable apparaissent donc des étapes
incontournables pour convaincre les coopérations multilatérale et bilatérale d’autoriser et
de contribuer au développement de l’enseignement supérieur. Il s’agit de proposer un
plan de transformation de l’enseignement supérieur démontrant que celui-ci peut
contribuer efficacement par ses programmes de formation et de recherche à la résolution
des problèmes des pauvres.
Par ailleurs, nous signalons juste pour mémoire, que l’organisation en février dernier des
Journées universitaires de la science et de la technologie (février 2003) montre que le
gouvernement a choisi de mettre de côté le plan stratégique de l’IIPE et d’engager un
processus différent de réforme de l’enseignement et de la recherche universitaire. Ce
processus ne semble pas viser un changement en profondeur du système comme le
propose le plan stratégique. Il vise l’amélioration des structures et des programmes en
vigueur. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les irritants dégagés ici risquent
de resurgir dans ce nouveau processus si on ne tire pas de leçons de l’échec de la mise en
œuvre avortée du plan stratégique. Cet extrait de texte de Kouzez et Posner (1991 : 67)
nous apparaît ici fort à propos :
L'innovation est toujours risquée. Chaque fois que nous essayons quelque chose
de nouveau, nous nous exposons à commettre une erreur. Les leaders savent que
cela va de pair avec l'innovation. Au lieu de sanctionner l'échec, ils l'acceptent.
Au lieu de rejeter la responsabilité des erreurs, ils en tirent la leçon.
Tirer les leçons des erreurs est donc l’objectif que poursuit le présent article. Le texte
proposé sera subdivisé en une présentation du document analysé et de la méthodologie
adoptée pour ce faire; la deuxième partie sera consacrée à l’examen de la stratégie
proposée et du choix de la structure organisationnelle qui en découle s’il y a lieu; les
troisième et quatrième parties tenteront de confronter la réorganisation préconisée par le
plan stratégique au type idéal d’université simulé sur le système expert ORGCON, d’une
part et, d’autre part, à la discussion de l’atteinte des objectifs formulés dans le plan de
5
réorganisation du système universitaire camerounais. Plusieurs points de ces trois
dernières parties sont imbriquées et sont donc difficiles à dissocier à ce stade de l’analyse
du contenu du document d’évaluation.
1. Le document analysé et la méthodologie adoptée
Le rapport produit par l’Institut international de planification de l’éducation (IIPE) de
l’UNESCO (Sanyal, 1999) est un document de 189 pages excluant les pages couvertures,
la table des matières, la préface, la liste des membres du Comité de pilotage, la liste des
membres de l’équipe, auteurs du rapport et les Résumés introductifs. Le cœur du texte est
subdivisé en huit chapitres dont voici le libellé :
1- Développement de l’enseignement supérieur dans le contexte camerounais
2- La pertinence de l’enseignement supérieur
3- La qualité dans l’enseignement supérieur
4- Le management de l’enseignement supérieur au Cameroun
5- Le financement de l’enseignement supérieur au Cameroun
6- Les relations entre les institutions et l’État
7- La coopération internationale
8- Les stratégies
Les sept premiers chapitres présentent une description détaillée de la situation qui
prévalait au moment de l’évaluation, étayés par des rappels historiques importants, des
descriptions du milieu physique, socioculturel et du contexte économique du pays.
Chacun des thèmes traités est assorti de recommandations et d’un plan d’action. Le plan
d’action est présenté sous forme d’un tableau à double entrée indiquant à quel niveau
gouvernemental ou institutionnel échoit l’action recommandée par le plan d’action, une
description précise et concise des actions recommandées, une description des indicateurs
devant permettre d’évaluer le niveau de performance atteint dans l’exécution de l’action
et, enfin, l’identification des acteurs interpellés par les actions recommandées.
Le chapitre 8 intitulé : « Conclusion : les stratégies » reprend les points les plus
significatifs des recommandations relatives à la pertinence, la qualité, la gestion, le
6
financement, les relations avec l’État et la coopération. Le tout dernier point est intitulé :
« Créer un environnement propice » semble décrire les actions à entreprendre pour lancer
la mise en œuvre du plan stratégique. C’est dans cette partie, analysée en conjonction
avec l’énoncé de mission, que nous pensons trouver la réponse aux trois questions
formulées plus haut.
L’un de nous (FMA) a numérisé et codé l’ensemble du rapport en vue de l’exploiter à
l’aide du logiciel QSR Nudist 4 (QSR N4, 1998). L’analyse de contenu thématique peut
donc être appliquée aux unités choisies à cette fin dans le corpus constitué. Les inférences
sont faites en liant le contenu des unités analysées à l’expérience vécue dans le contexte
africain successivement comme membre de la société, citoyen, étudiant, professeur et
administrateur. Nous faisons abondamment appel à cette occasion et dans l’interprétation
des faits à diverses publications relatives aux thèmes traités. Ces publications sont
également constituées en corpus codés dans QSR Nudist 4.
2. La stratégie proposée dans le Rapport Sanyal (1999)
Visiblement, les délégués de l’IIPE, désignés dans le rapport d’évaluation « l’équipe
Internationale de l’IIPE » avaient beaucoup misé sur leurs homologues camerounais pour
la mise en œuvre du plan stratégique. En effet, chaque délégué de l’IIPE avait été jumelé
à un homologue camerounais tout au long de la mission d’un mois au cours de laquelle
avait été effectuée la collecte des données qui alimentent le rapport. Une fois le rapport
déposé et endossé par le ministre de l’Enseignement supérieur, les membres camerounais
de l’équipe étaient censés agir comme des agents internes de développement
organisationnel tout au long de la mise en œuvre du plan stratégique. Leurs homologues
de l’IIPE étaient retournés à Paris, une fois le rapport endossé par les autorités
camerounaises. D’autre part, il n’est indiqué dans aucun des documents consultés que les
moyens financiers et matériels utiles à la mise en œuvre de la phase initiale du plan
stratégique avaient été dégagés. Il apparaît donc que l’avortement de la mise en œuvre du
plan peut être attribué à deux facteurs limitants importants : 1) la compétence des agents
internes de développement en gestion du changement. 2) un déploiement inadéquat de
ressources pour mettre en œuvre le plan stratégique. Ces deux facteurs qui vont de paire
peuvent avoir constitué un premier irritant administratif majeur et fatal au processus.
7
2.1 Les principe de la démocratie de participation et de la confiance inhérente
De plus, le mode de désignation des membres du Comité de pilotage sans disposition
particulière de conquête de la confiance de la communauté universitaire est à mon avis un
autre irritant administratif majeur pour le processus de la mise en œuvre du plan
stratégique. Il est en effet contraire au principe fondamental d’un fonctionnement qui
favorise l’enseignement et l’apprentissage de la démocratie de participation au sein d’une
organisation. Car, d’après Hadenius et Uggla (1998), une organisation dirigée par une
élite mènera peut-être à bien ses activités externes, mais elle est peu susceptible de
constituer un capital social. En attendant de définir le concept de capital social, nous
pouvons dire sur la base de l’expérience vécue par l’un de nous (FMA) à titre d’étudiant,
de professeur et de gestionnaire à la Faculté des sciences de Yaoundé que cette assertion
se vérifie ici.
Les membres camerounais de l’équipe avaient certainement été efficaces dans leurs
rapports avec les délégués de l’IIPE qui venaient donc de l’extérieur du système
universitaire. Nous pouvons évoquer pour preuve le fait que les experts de l’IIPE aient
laissé à leurs homologues camerounais, et en toute confiance, la conduite de la mise en
œuvre du plan stratégique. Car nous ne pouvons expliquer autrement qu’ils soient partis
sans accompagner la mise en œuvre de leur plan stratégique (Sur place, on parle du
Rapport Sanyal).
Se peut-il que la convention entre l’UNESCO et le gouvernement camerounais ne prévoit
que la seule rédaction du plan stratégique, sans l’accompagnement de sa mise en œuvre?
Pourtant celle-ci en aurait fait un véritable processus de développement organisationnel et
non une simple intervention d’expertise-conseil. Cela nous semble impensable pour des
experts d’un si haut niveau et rompus aux interventions d’assistance technique
internationale. Revenons, à présent, sur le concept de capital social évoqué au début de
cette partie du texte.
Pour Lehning (1998 : 37), le concept de « capital social » se réfère aux caractéristiques de
l'organisation sociale ou de la vie sociale - les réseaux, les normes, la confiance sociale -
qui permettent aux participants d'agir de concert plus efficacement en vue d'objectifs
communs. Les missions énoncées et les objectifs définis dans les recommandations du
8
plan stratégique pour l’enseignement supérieur camerounais correspondent aux objectifs
communs dont il est question dans cette définition du capital social. Peut-on logiquement
s’attendre à ce que le Comité de pilotage mis en place par un texte réglementaire puisse
d’emblée jouir des conditions d’établissement d’un capital social au sein du système
universitaire camerounais?
Dans le système étatique et administratif camerounais, les nominations (dont celles des
membres du Comité de pilotage) demeurent discrétionnaires et sont perçues comme une
cooptation assortie de tout le clientélisme inévitable dans un tel contexte. Peu importe la
qualité des personnes nommées, celles-ci deviennent simplement suspectes aux yeux de
ceux qui ne le sont pas et du reste de la société exclue de la gestion des affaires
publiques. Quelle confiance peut-on alors espérer instaurer entre la communauté
universitaire et le Comité de pilotage? Un travail particulier, intense et de proximité
serait, à mon avis, indispensable pour susciter un minimum de confiance. Le déficit de
confiance lié au mode de nomination sans consultation de la communauté universitaire
des agents de développement organisationnel internes peut donc avoir été un autre des
irritants administratifs majeurs du processus.
L’équipe constituée par le jumelage des spécialistes de l’IIPE et leurs homologues
camerounais, également membres du Comité de pilotage avait rencontré les recteurs, les
chefs d’établissements universitaires, des représentants d’enseignants, d’étudiants, du
personnel d’appui ainsi que plusieurs responsables des organismes publics et privés qui
traitent avec les établissements d’enseignement supérieur. Des changements de ministres
de l’Enseignement supérieur, de recteurs d’universités et de leurs collaborateurs
immédiats ont eu lieu depuis la mise en place du Comité de pilotage sans entraîner la
modification de ce dernier. Les membres du Comité de pilotage jouiraient donc d’une
certaine pérennité jusqu’à présent. En tout cas, leur pérennité au poste aura été plus
longue que celles de plusieurs dirigeants des institutions universitaires et du ministère de
tutelle.
Si cette pérennité des membres du Comité de pilotage constitue un point positif important
pour la gestion du processus de la réforme du système universitaire, on peut questionner
leur autonomie d’action dans l’établissement et le développement des relations avec la
9
base de la communauté universitaire. Peuvent-ils interagir avec les professeurs, les
étudiants et le personnel d’appui des universités par exemple? De quels moyens
disposent-ils pour développer ce type de relations pouvant permettre de mobiliser la
communauté universitaire autour du processus de la réforme? Si une telle entreprise de
mobilisation ne se fait pas, il est possible que la mise en œuvre du plan stratégique ait
avorté pour défaut de participation et de motivation des principaux intéressés.
2.2. Du rôle des dirigeants des institutions universitaires
Les irritants évoqués jusqu’à présent relèvent de la gestion de l’initiation du processus de
mise en œuvre du plan stratégique et des agents désignés pour accompagner cette très
délicate opération. Mais ils ne sauraient être les seuls maîtres d’œuvre de l’intervention.
Évoquant les rôles du leadership dans les universités et les collèges des Etats-Unis et
d’Europe, Sporn (1999 : 16) formule l’assertion précédente en ces termes :
The more complex environment calls for rectors, chancellors, or presidents who
understand external dynamics as well as internal values and cultures. Vision and
mission statements need to be redefined and implemented to serve as guiding
principles for the future. In this sense, new university leaders work as liaisons
with the outside world and internal constituencies. This type of transformational
leadership integrates interests and builds identity for the community of scholars,
learners, and interest groups.
Le passage du texte cité montre aussi l’énorme complexité de la tâche. Il ne peut s’agir,
pour l’exécuter, de se fier aux prétendues capacités naturelles des dirigeants nés pour
commander. Une importante dose de connaissance théorique et du savoir-faire en gestion
du changement est indispensable. Il s’agit plus de compétences à acquérir et d’expérience
à développer dans l’action que de dispositions naturelles. Celles-ci, à mon avis, peuvent
juste aider à acquérir et à développer le fond.
Les recteurs, les chanceliers, les vice-recteurs et leurs collaborateurs dans les institutions
ont-ils été formés à la conduite de la transition d’un processus de changement aussi
complexe? Une fois de plus se pose le problème de l’apprentissage et du développement
des capacités organisationnelles. La tâche est d’autant plus complexe ici qu’il faut mener
ces activités de formation alors que les récipiendaires continuent à exécuter leurs
10
fonctions. Il nous semble qu’une telle opération ne peut s’improviser, ni se faire à la hâte.
Pour être efficace, elle doit être soutenue et accompagnée, étape par étape, dans l’esprit
bien compris du développement organisationnel. La réorganisation du travail
universitaire peut être une approche à explorer (Fabi et Jacob, 2002). L’intégration au
processus d’une évaluation itérative est aussi indispensable au suivi et à la correction
progressive des inévitables erreurs.
2.3. Des rôles des dirigeants intermédiaires et de la communauté universitaire
Des considérations particulières aux gestionnaires intermédiaires peuvent également être
évoquées dans le même sens. De plus, au niveau de la base, il doit s’opérer une
formation-apprentissage de la démocratie de participation qui, non plus, ne s’improvise
pas et est loin d’être innée. Enfin, l’ensemble du processus de la réforme universitaire
étant évolutif, il devrait être nourri en permanence par un dispositif de veille stratégique
qui suit régulièrement les réussites et les difficultés des autres réformes universitaires en
cours dans le monde. L’importance de ce fait impose de réitérer que le processus devrait
être analysé au fur et à mesure de sa mise en œuvre, afin de corriger les erreurs
inévitables dans de telles opérations.
La veille stratégique doit être assurée par des chercheurs de haut niveau. Elle doit être
pluridisciplinaire, incluant au moins des analystes du curriculum et des politiques
publiques, des spécialistes de l’évaluation des programmes et des politiques publiques,
des spécialistes en design et en développement des organisations publiques complexes,
des économistes de l’éducation, etc.
Nous n’avons trouvé à date aucun indice de l’existence d’un tel dispositif de veille
stratégique dans la réforme universitaire camerounaise. On voit, par exemple, dans le cas
des pays de l’Afrique australe en réformes universitaires, des réflexions dans l’action
publiées par des chercheurs du cru et par des observateurs externes (Eckel, 2001 ;
Crossman, 1999 ; Fisher, 1998). Cela ne semble pas le cas pour le Cameroun. Un tel
déficit dans la gestion de l’information constitue un autre irritant administratif susceptible
d’avoir empêché la mise en œuvre du plan stratégique de développement de
l’enseignement supérieur camerounais. Ce propos de Burton et Obel (1998) dans le
11
programme d’aide du système expert illustre ce point capital de la technologie du
système organisationnel :
An advanced information system may speed up the communication between the
members of the organization. It may allow top management to process more
information quickly thus allowing for a more complex organization with a more
detailed involvement.
Les irritants évoqués jusque-là montrent les limites de la capacité d’innovation du
système universitaire camerounais en ce qui concerne ses ressources les plus délicates à
gérer dans un processus de changement, les ressources humaines. Les ressources
humaines sont aussi, à notre avis, celles qui, bien préparées à la gestion de la transition
peuvent assurer la pérennité du développement organisationnel et l’autonomie. Les autres
ressources (matérielles, financières, informationnelles, technologiques) peuvent plus
facilement être maîtrisées si on s’assure d’un développement efficace de capacités. Voici
ce qu’écrit Little (2003 : 16) à propos de la gestion des ressources humaines dans les
réformes administratives :
The starting place is for much better management, building tighter links between
people and the firm for which they work, delivering better profits, better balance
in our trade offs, and greater satisfaction among the people. First forge a better
and more effective link between people and the firm, and then let's see what
happens.
C’est, à notre avis, ce qui a manqué le plus dans la préparation du plan stratégique
proposé par les spécialistes de l’IIPE. Ce déficit en développement des capacités et donc
de compétences institutionnelles peut avoir été fatal et risque de continuer à poser
d’énormes problèmes dans la suite du processus de la réforme si on n’y trouve pas une
solution. On ne peut décemment demander aux gens qui gèrent présentement la précarité
sur le terrain des universités camerounaises de s’improviser, en plus de leurs tâches
routinières, en développeurs organisationnels! Une telle exigence serait d’autant plus
inconcevable si l’objectif est bien de transformer l’université actuelle en une institution
du modèle suggéré par l’analyse de l’enseignement supérieur sénégalais à l’aide du
système expert ORGCON (Affa’a et al.).
12
3. Du type idéal et de l’alignement du système universitaire camerounais
Le type idéal dégagé de cette analyse est exempt des incohérences (misfits) de situation et
d’organisation qui empêchaient l’alignement du système universitaire avec les attentes de
son environnement dans la structure en bureaucratie professionnelle. Dans le cas du
système universitaire camerounais, les missions ont été énoncées comme suit (Sanyal,
1999 : 181) :
Le système de l’enseignement supérieur devrait assurer:
a) la compréhension et la production d'un nouveau savoir en vue de contribuer
au progrès social du peuple camerounais par un développement harmonieux
de ses ressources humaines;
b) une contribution au bien-être de la population camerounaise;
c) le développement d'institutions sociales efficaces;
d) l'enrichissement du cadre culturel;
e) le développement d'une culture de la gestion et de la coopération.
Bien que les composantes de cet énoncé de missions soient plus ambitieux parce que à
facettes multiples que celui proposé par le rapport d’évaluation de la Banque mondiale
pour l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (World Bank, 1996 : i), les deux énoncés
vont dans le même sens. Leurs réalisations nécessitent la même stratégie de changement
organisationnel et, par ricochet, la même réorganisation de la structure des fonctions et du
travail universitaires. En effet, l’atteinte des buts ainsi exprimés ne peut se faire que grâce
à la mise en place d’un système de formations et de recherches axées sur la résolution des
problèmes qui empêchent ou retardent le progrès social du peuple camerounais.
Dans ce cas aussi, il ne serait pas réaliste d’attendre que les communautés universitaires
concernées se convertissent spontanément des formations et des recherches centrées sur
les disciplines qu’elles pratiquent présentement en celles orientées vers la résolution des
problèmes. Il s’agit de stratégies différentes dont la mise en œuvre ne peut se faire que
progressivement par le développement de nouvelles compétences donc, par la formation
et l’apprentissage organisationnel. Il s’agit aussi d’une réorganisation du travail en
équipes pluridisciplinaires et flexibles. Car la résolution des problèmes exige l’usage de
13
connaissances provenant de plusieurs champs disciplinaires et non d’une discipline
unique. La flexibilité des équipes est incontournable pour compenser la faible masse
critique avérée de chercheurs actifs et la faible production scientifique dans les
universités africaines (voir Eisemon, Davis et Rathgeber, 1985; Eisemon et Davis, 1992).
Encore une fois, il s’agit dans la situation discutée d’un déficit de développement de
capacités endogènes que le plan stratégique ne semble pas avoir envisagé de manière à en
assurer l’exécution. Il faut en profiter pour souligner que la coopération technique
internationale semble attendre que les universitaires africains fassent certaines choses
d’emblée alors que, même dans les pays développés, des changements de ce genre sont
assortis de formations idoines.
À titre d’exemple, les universités canadiennes se convertissent présentement à des
recherches pluridisciplinaires et centrées sur la résolution de problèmes sociétaux (Poulin
et Gordon, 2001; Crespo, 2001). Des sessions de formation sont offertes aux chercheurs
sur la manière de formuler des problématiques de recherches pluridisciplinaires.
Progressivement, la formation à la recherche va également intégrer cette exigence
nouvelle des organismes qui financent la recherche. Certes les pressions obligeant les
chercheurs à s’orienter vers des recherches pluridisciplinaires plus susceptibles de
résoudre les problèmes de la société sont surtout liées aux politiques de financement,
mais les chercheurs ne sont pas laissés sans support comme cela est souvent le cas en
Afrique. Il nous semble que la jeunesse relative des universités africaines, la précarité de
leurs moyens, les conditions de travail particulièrement difficiles des universitaires
africains plaident pour que les choses soient faites autrement.
4. Réorganiser autrement pour une meilleure performance
Dans un paragraphe intitulé « Pour créer un environnement propice », le rapport Sanyal
propose six activités préparatoires dont la plupart sous forme de séminaires. La première
de ces activités est recommandée pour le ministre responsable de l’enseignement
supérieur, ses collaborateurs immédiats, les dirigeants des institutions universitaires. Il est
question d’organiser des visites pour ces responsables dans des universités reconnues
pour leur bonne gestion. De telles visites peuvent effectivement être bénéfiques dans la
14
mesure où les responsables qui sont appelés à les faire sont préalablement préparés à ce
qu’ils observeront.
4.1. Pour une ouverture réussie aux expériences des autres
L’exigence peut même être plus ambitieuse et consister à produire un document de
recherche sur les apprentissages effectués à l’instar de cette étude de Mitra et al. (1999 :
295) et dont voici les objectifs :
The objectives of a UK mission visiting Australia were 1) to obtain an
understanding of good practice in high-technology-based development involving
academia and industry; 2) to understand and examine ways in which high-
technology business-to-business and research and development links could be
made with Australian small and medium-sized enterprises (SMES) in science
parks and their UK counterparts; 3) to examine Australian good practice in
science park management with particular respect to the growth and development
of high-technology-based firms through interactions with universities and other
stakeholders; 4) to try to set an agenda for research-based activity involving
science park managers, science park tenant firms, and universities with a view to
promoting international business and technology links; 5) to disseminate the
findings from our study mission to a wide audience in the UK.
Et ce n’est pas la seule visite qui ait donné lieu à la publication d’une telle étude. Des
livres ont été écrits dans les mêmes buts lors des réformes majeures aux Etats-Unis, ici au
Canada et dans d’autres pays. De telles études complètent avantageusement les
productions de la veille stratégique et des réflexions dans l’action dont nous avons traité
plus haut. Malheureusement, les documents produits par les chercheurs en poste au
Cameroun sont plus descriptifs qu’analytiques, donc ce début notable ne suffit pas. Il faut
aller plus loin si on veut vraiment bonifier la réforme en cours par ce moyen que facilitent
grandement le déploiement mondial et l’instantanéité actuels des technologies de
l’information et de la communication. Les autorités camerounaises pourraient s’appuyer
sur ces mêmes technologies pour faciliter et intensifier les échanges entre le ministère de
l’Enseignement supérieur et des chercheurs tant internes qu’externes, camerounais
15
résidents ou expatriés qui désirent suivre le processus de la réforme universitaire. Cela est
désespérément loin d’être le cas!
4.2. Partage de l’information et concertation ou de la poudre aux yeux?
La mise en ligne récente des rapports sur les Journées universitaires de la science et de la
technologie est un pas dans la bonne direction. On peut juste déplorer que certaines des
activités comme la structure de concertation permanente annoncée depuis le 13 février
2003 et mise en ligne ne soit pas encore opérationnelle. Il est difficile d’acheminer un
courrier électronique aussi bien du Canada que de l’intérieur du Cameroun (un collègue a
fait la vérification pour nous sur place au Cameroun). Nous nous posons alors la question
de savoir si ces initiatives, qui sont des progrès vraiment louables si on se réfère à
l’opacité de gestion (voir Ambassade de France, 2002) dont faisait preuve
l’administration camerounaise jusqu’aux toutes dernières années n’a pas fait place à de
l’esbroufe. Dans ce cas qui veut-on impressionner et qui trompe-t-on? Si la mise en ligne
des textes s’inscrit bien dans le programme (InofDev, 2003) financé par la Banque
mondiale à cette fin, nous avons la réponse au premier volet de la question; mais pour le
second nous osons espérer que la communication n’est pas établie en raison d’un
problème purement technique.
4.3. Des séminaires de formation, mais aussi un appui professionnel permanent
Les séminaires de formation recommandée dans les cinq autres activités visant à créer un
environnement propice nous semblent une idée fort intéressante. Mais les choses auraient
pu aller autrement si chaque unité d’enseignement et de recherche avait disposé d’un
accompagnateur professionnel pour appuyer en permanence les membres de la
communauté universitaire dans leur participation aux activités de la réforme. Il faut
souligner avec vigueur que ceux-ci sont déjà très sollicités par leurs activités usuelles.
Les universitaires canadiens, par exemple, jouissent bien des services de professionnels et
de consultants de différents acabits pour les aider dans l’élaboration des programmes de
formation et certaines de leurs tâches administratives. Mais au Cameroun, l’expérience
d’enseignant-chercheur est que l’un de nous (FMA) jouait plus que ces deux rôles. Agent
d’entretien à l’occasion, technicien de laboratoire à plein temps s’il voulait faire avancer
sa recherche, secrétaire à une autre occasion en plus de la surcharge d’enseignement
16
qu’on ne peut décliner sans priver les étudiants de ces heures de formation déjà fort
laborieuses. Il nous semble que, dans ces cas aussi, il y avait lieu de faire autrement.
Et ce n’est pas tout. On ne peut reprocher aux spécialistes de l’IIPE d’avoir formulé les
composantes de l’énoncé de mission en lieu et place des universitaires camerounais. Mais
ils voulaient bien faire, d’une part et d’autre part, ils avaient bien associé sept
Camerounais à l’exercice. Ce qui est à faire ressortir est le fait que des approches
éprouvées sont connues pour une élaboration d’un tel énoncé. Ces approches sont en plus
susceptibles de conduire à une meilleure appropriation du résultat par la communauté
universitaire.
4.4. Un exemple d’approche éprouvée d’élaboration et d’appropriation d’objectifs
French et Bell (1995 : 210), par exemple, proposent de recourir à une conférence de
recherche d’une vision d’avenir (Future Search Conference). Une telle conférence de
recherche peut être utilisée pour une analyse de l’environnement externe et pour
développer la vision pour une organisation. Dans une analyse de l’environnement
externe, les participants à la conférence ont à décrire l’ensemble des pressions externes
sur leur organisation. Une des versions de la conférence de recherche d’une vision
d’avenir consiste en les étapes suivantes :
1. Les consultants (ou les animateurs de la conférence) rencontrent un comité formé de
six participants potentiels volontaires. L’objet de cette rencontre est de planifier plusieurs
aspects, incluant le lieu où aura lieu la conférence, qui y prendra part, les dates et heures
de la rencontre, la salle et les repas, les groupes de travail et ainsi de suite. À titre
indicatif, le début de la conférence est arrêté pour un mercredi soir (avec un souper, suivi
par la première session de travail) et la fin des travaux est prévue pour un vendredi après-
midi.
2. De 50 à 60 personnes sont conviées. Un groupe représentatif de l’ensemble du système
peut être convié si l’objet de la conférence le justifie. Cela peut vouloir dire des
représentants de toutes les unités fonctionnelles et de tous les niveaux de l’organisation;
des personnes de tous les groupes raciaux, ethniques, sexuels, d’âge membres de
l’organisation; sans oublier les clients, les fournisseurs, et les dirigeants syndicaux. Les
invités sont priés d’apporter des coupures de journaux de magazines qui décrivent des
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événements qu’ils pensent susceptibles d’influencer et de modeler le futur de
l’organisation.
3. Les participants sont conviés à prendre place autour des tables par groupes de six à huit
personnes, avec un chevalet, du papier grand format, des crayons marqueurs, et du ruban
adhésif. En fonction de l’objet et des tâches assignées, les groupes peuvent être modifiés
pendant la conférence, les participants sont libres de choisir leur groupe. Les groupes
enregistrent leurs idées sur les feuilles de papier mobiles sur chevalet, aucune idée n’est
rejetée et l’agrément par le groupe des idées émises par l’un ou l’autre n’est pas requis.
La conférence ne vise pas à résoudre les problèmes, mais à susciter la prise de
conscience, la compréhension, et le support mutuel. (Toutefois, les participants à la
conférence arrêtent des actions et font des recommandations à la fin de l’atelier)
4. La conférence est modulée en quatre ou cinq parties, chacune durant une demi-journée.
Chacune des parties doit amener les participants à (1) bâtir une banque de données, (2) à
l’examiner ensemble, (3) à interpréter ce qu’ils y trouvent et (4) à tirer des conclusions
pour l’action.
5. La première activité majeure est centrée sur le passé. Toujours assis avec les autres
autour de la table, chaque individu est invité à noter des événements significatifs, des
points marquants, dont il se souvient au cours des trois dernières décennies en relation
avec les perspectives suivantes : l’individu, l’organisation, (ou la ville ou encore
l’industrie) et la société. Ces notes individuelles sont alors transférées sur les feuilles qui
sont affichées sur un mur par sujet et par décennie. Le groupe de chaque table est invité à
analyser chacun des thèmes relatifs à l’individu, l’organisation, ou la société dans son
ensemble au cours des trois dernières décennies. L’analyse a pour but d’extraire des
tendances et des faits significatifs. Chaque table rend alors compte des résultats de son
analyse à l’ensemble du groupe, et le consultant prend note des tendances. L’ensemble de
la conférence interprète les bonnes et les moins bonnes tendances ainsi que la direction de
chacune d’elles.
6. La deuxième activité majeure met l’accent sur le présent, à la fois, sur les facteurs
externes et internes qui sont susceptibles d’influencer le futur de l’organisation.
Concernant l’environnement externe, les participants sont conviés à mettre en commun
18
les coupures de journaux qu’ils ont apportées. Les membres du groupe partageant la
même table sont conviés à indiquer pourquoi ils pensent que l’article apporté est
important. Chaque groupe sélectionne alors des priorités à partir des listes qui sont
établies. Ensuite, des événements internes et des tendances sont remémorés en demandant
aux gens de générer une liste des affaires qui font la fierté et celles qui sont plutôt
navrantes parmi les choses qui affectent présentement l’organisation. Les gens sont alors
invités à voter pour les choses dont ils sont le plus fiers et celles qui sont le plus navrantes
et les résultats du vote sont dépouillés et discutés. L’animateur de la conférence atteste
les résultats du vote, note les constats importants, reportent le tout sur les feuilles mobiles
sur chevalet.
7. La troisième activité est axée sur le futur. De nouveaux groupes sont formés et il leur
est laissé une à deux heures pour élaborer un premier jet du scénario de leur futur préféré.
Ils sont invités à imaginer la plus désirable, mais accessible vision d’avenir pour les cinq
prochaines années. Divers moyens sont utilisés comme des papiers de couleur, des
crayons, des ciseaux, du ruban adhésif, etc. Le groupe rend alors compte de ses résultats à
l’ensemble des membres.
8. La quatrième activité majeure est centrée sur l’action de la prochaine étape. Les
groupes sont donc invités à réfléchir sur ce qui est sorti de la réflexion, de le discuter et
en fonction de la nature des groupes, de dresser trois listes de suggestions d’échéancier
d’actions pour a) eux-mêmes, b) pour leur fonction et c) pour l’ensemble de
l’organisation. Des propositions d’actions concernant le fonctionnement sont mises en
commun par tous les membres d’un même département, et ensuite un échéancier des
actions est décidé. Pendant ce temps, les membres de la haute direction ou le comité de
direction discute des propositions pour l’ensemble de l’organisation, classent les thèmes
par ordre de priorité et développe des plans d’action. Les groupes départementaux et la
haute direction (ou le comité de direction) présentent alors leur plan d’action à
l’ensemble des membres.
9. Avant la fin de la conférence, des volontaires sont invités à faire un compte-rendu de la
rencontre, de communiquer avec les autres et de mettre en œuvre la prochaine action.
19
L’utilisation d’une telle conférence au cours de l’élaboration du plan stratégique pour le
développement de l’enseignement supérieur au Cameroun aurait, au moins, permis
d’associer la communauté universitaire au processus. On peut, bien sûr, supposer que
cette charge était dévolue au Comité de pilotage et aux dirigeants universitaires, mais
l’interruption de la mise en œuvre du plan nous pousse à déduire que la charge s’est
avérée trop lourde pour eux. On peut, par ailleurs, déplorer que les Journées
universitaires de la science et de la technologie, tenues à Yaoundé en février dernier,
n’aient pas tiré des leçons de la mise en œuvre avortée du plan stratégique de 1999.
4.5. À propos de la stratégie et de la structure organisationnelle subséquente
Les problèmes évoqués dans les lignes qui précèdent ne couvrent pas l’ensemble des
éléments dont il faut tenir compte dans la description de stratégie organisationnelle
évoquée en introduction à ce texte. Toutefois, les irritants liés aux ressources humaines,
au développement des capacités et de la compétence organisationnelles sur lesquels nous
avons choisi de centrer cette analyse ne permettent pas de situer sans équivoque la
stratégie préconisée dans le Rapport Sanyal (1999). Deux choses nous apparaissent
certaines pour l’instant : 1) le système universitaire camerounais fonctionne dans une
structure de bureaucratie professionnelle avec une autonomie, une flexibilité et une
responsabilisation des acteurs amoindries par des contingences locales inhérentes à
l’ingérence gouvernementale dans la gestion des institutions; 2) les universités
fonctionnent suivant une stratégie de réaction qui est définie comme suit Burton et Obel
(1998 : 252).
Reactor: An organization in which top management frequently perceives change
and uncertainty occurring in their organizational environments but are unable to
respond effectively. Because this type of organization lacks a consistent strategy
or structure relationship, it seldom makes adjustment of any sort until forced to
do so by environmental pressures.
L’analyse de l’ensemble du plan stratégique nous permettra peut-être de mieux
appréhender l’ensemble des forces qui interagissent dans le processus. Il pourra alors se
dégager des indicateurs permettant de choisir la stratégie de changement appropriée au
contexte.
20
Conclusion
Nous avons axé, à dessein, la réflexion qui précède sur les irritants administratifs relatifs
au développement des compétences systémiques et à l’apprentissage organisationnel
parce que nous estimons que la composante ressource humaine est de loin la ressource
que l’on pense le moins à développer dans la réforme d’une université. Le processus est
complexe. On le voit par les quelques aspects qui viennent d’être discutés. On le voit
aussi au schéma 1 ci-dessous inspiré de la réorganisation du travail de Fabi et Jacob
(2002).
Notre objectif n’était pas du tout de montrer que le plan stratégique n’avait pas prévu les
formations de personnel au cours de sa mise en œuvre. En insistant sur ces aspects des
irritants administratifs, nous voulons surtout montrer que le processus nécessite un
accompagnement continu et de longue durée. Il nécessite d’être suivi en permanence, car
il ne peut être mené sans erreurs et il faut être prêt à redresser et à tirer les leçons des
erreurs commises. Le processus nécessite de savoir exploiter et les réussites et les échecs
des autres en adaptant les réussites qui répondent à nos besoins et en évitant de
commettre les erreurs qui ont résulté en échecs. Une veille stratégique permanente
pluridisciplinaire et efficace nous apparaît donc indispensable.
Il s’agit enfin d’un changement de culture, d’un changement de stratégie et de structure
organisationnelle qui ne peuvent souffrir d’improvisation ni de précipitation. Ces deux
irritants apparaissent d’une permanence désespérante au Cameroun. Il nous semble qu’il
y a vraiment lieu de faire autrement à ce propos! L’analyse entreprise du plan stratégique
et des forces qui favorisent ou empêchent le changement peut permettre de dégager les
voies et les moyens de relance de la mise en œuvre du processus de changement.
Travaux cités
Affa’a, F.-M., J. Grisé, G. Verna, article soumis 2. Analyse d’un rapport diagnostic d’amélioration de l’enseignement supérieur sénégalais à l’aide du logiciel ORGCON.
Affa’a, F.-M. et Des Lierres, T., 2002. L’Afrique Noire face à sa laborieuse appropriation de l’université: les cas du Sénégal et du Cameroun . Les Presses de l’Université Laval, Québec; L’Harmattan, Paris.
Ambassade de France, 2002. Les Universités au Cameroun: de 1962 à 2002. http://www.ambafrance-cm.org/html/camero/ensrech/historic.htm
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23
Schéma 1 : Schéma intégrateur de la réorganisation des fonctions universitaires
d’appui au développement économique et au progrès social (adapté de Fabi et
Jacob, 2002)
UCAD organisée en Bureaucratie professionnelle publique. Formations et problématiques de recherche centrés sur le développement des connaissances disciplinaires. Politiques de promotion et de rémunération extraverties
Structure matricielle malléable, flexible Intégration de la qualité Participation effective à la réduction de la pauvreté Problématiques de recherches contextualisées Formations et recherches orientées vers la résolution des problèmes sociétaux Imputabilité et légitimité accrues
Principes organisateurs du changement : autonomie, cohérence, responsabilisation, apprentissage, flexibilité
Facteurs critiques de succès et menaces : Nouvelles stratégies de formation, de recherche et de formation à la recherche; leadership transformationnel Communications pluridirectionnelles (entre chercheurs de différents champs, entre chercheurs et utilisateurs des connaissances) Demandes sociétales plus complexes et plus diversifiées