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HAL Id: hal-01386424 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01386424 Submitted on 24 Oct 2016 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Dispositifs & installations artistiques : étude de la topologie des interactions collectives co-localisées Oussama Mubarak, David Bihanic, Samuel Bianchini To cite this version: Oussama Mubarak, David Bihanic, Samuel Bianchini. Dispositifs & installations artistiques : étude de la topologie des interactions collectives co-localisées. 28ième conférence francophone sur l’Interaction Homme-Machine, Oct 2016, Fribourg, Suisse. pp.10-19. hal-01386424

Dispositifs & installations artistiques: étude de la

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HAL Id: hal-01386424https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01386424

Submitted on 24 Oct 2016

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Dispositifs & installations artistiques : étude de latopologie des interactions collectives co-localisées

Oussama Mubarak, David Bihanic, Samuel Bianchini

To cite this version:Oussama Mubarak, David Bihanic, Samuel Bianchini. Dispositifs & installations artistiques : étude dela topologie des interactions collectives co-localisées. 28ième conférence francophone sur l’InteractionHomme-Machine, Oct 2016, Fribourg, Suisse. pp.10-19. �hal-01386424�

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Dispositifs & installations artistiques :etude de la topologie des interactionscollectives co-localisees

Oussama MubarakEnsAD, EnsadLabReflective Interaction GroupCNAM, CEDRICILJ Team292 rue Saint Martin75003 Paris, [email protected]

David BihanicEnsAD, EnsadLabUniversity of Paris IACTE Research Institute47 rue des Bergers75015 Paris, [email protected]

Samuel BianchiniEnsAD, EnsadLabReflective Interaction Group31, rue d’Ulm75005 Paris, [email protected]

Figure 1: Discontrol Party

Permission to make digital or hard copies of part or all of this work for personal orclassroom use is granted without fee provided that copies are not made or distributedfor profit or commercial advantage and that copies bear this notice and the full citationon the first page. Copyrights for third-party components of this work must be honored.For all other uses, contact the Owner/Author.Copyright is held by the owner/author(s).IHM ’16 , October 25–28, 2016, Fribourg, Switzerland.

RésuméLes dispositifs artistiques mettant en œuvre des interac-tions collectives co-localisées n’appellent que rarementl’exécution d’une tâche ou d’un objectif énoncé au préal-able servant de conducteur à l’activité. Si cette nouvelleconfiguration, qui se différencie de celles de l’IHM tradition-nelle, se révèle, du point de vue de l’expérience esthétique,l’une des plus riches et ’engageantes’, elle n’en demeurepas moins complexe à appréhender (sur le plan perceptivo-cognitif) tant pour l’artiste que pour l’utilisateur final. Fortd’une étude de cas (exemples concrets d’installations artis-tiques), nous nous proposons au sein de ce présent articled’examiner quelques unes des configurations topologiquesd’interaction collective co-localisée aujourd’hui à l’œuvreen partant d’une analyse du champ d’action des agents dusystème et de leurs interactions. Pour ce faire, nous y je-tons les bases d’un nouveau langage graphique (ici utilisépour décrire les relations d’interfaçage) que nous envis-ageons ultérieurement dédier à la modélisation, représen-tation et analyse taxonomique visuelle des topologies del’interaction.

Mots Clésinteraction collective co-localisée; art interactif; schémarelationnel des interfaces; topologie

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AbstractArt installations that enable co-located collective interac-tions rarely call the execution of a task or a preannouncedgoal as a guideline for the activity. If this new configuration,which differs from those of traditional HCI, is revealed, fromthe perspective of aesthetic experience, to be one of therichest and most ’engaging’ ones, it is by no means lesscomplex to apprehend for both the artist and the end-user.Through a case study (with concrete examples of artisticinstallations), we propose in this present article to exam-ine the topological configurations of existing co-localizedcollective interaction by analyzing the scope of actions ofthe systems’ agents and the relations between them. Toachieve this, we lay the foundations of a new graphical lan-guage (used here to describe the relations between inter-faces), which we foresee to dedicate, in the near future, tothe modeling, visual representation and taxonomic analysisof topologies of interaction.

Author Keywordsco-located collective interaction; interactive art; relationalinterfaces graph; topology

ACM Classification KeywordsH.5.3 [Group and Organization Interfaces]: Theory andmodels; H.5.3 [Group and Organization Interfaces]: Eval-uation/methodology

IntroductionLe champ de l’Art Interactif, ayant trait notamment à la pro-duction d’installations numériques, s’est saisi assez tôt (dèsle début des années 2000) des nouvelles possibilités of-fertes par l’informatique ubiquitaire alors marquée par lamultiplication et interopérabilité de terminaux informatiques.L’objectif premier fut le déploiement de nouvelles situationsd’interaction collective en ’présentiel’ capables de renou-

veler en profondeur les formes de l’expérience esthétique.Ont été initiées des œuvres mêlant coordinations et syn-chronisations d’actions en temps-réel [à l’instar de GolanLevin, Kamal Nigam et Jonathan Feinberg, Dialtones (ATelesymphony) (2001) [8], le Chaos Computer Club avecBlinkenlights (2002) [2] ou encore Usman Haque avec SkyEar (2004) [5] et Burble London (2007) [6]].

Contrairement à l’IHM traditionnelle qui a comme préoccu-pations l’utilisabilité et l’efficacité, ces dispositifs artistiquessont souvent plus soucieux de laisser libre cours aux dif-férentes interprétations et utilisations [10], et n’annoncentque rarement leurs intentions. En effet, ils ne prédéfinis-sent pas de but ou de fonctionnalités précises mais, aucontraire, invitent les publics à co-construire un ou plusieursobjectifs par l’entremise d’une expérience sensible/esthétique.Il s’agit là, en somme, d’avancer en direction d’un nouveauparadigme de l’interaction Homme-Machine reposant icidavantage sur la conception de situations d’interaction(de la co-construction d’un but/objectif à l’émergence dusens dans l’interaction) plutôt que sur la conception de sup-ports/d’outils/d’instrumentations logiciels dédiés à l’interaction(d’une sortie des ’cadres’ traditionnels, habituels au seindesquels la clarté des fonctionnalités du système se pen-sait prioritaire).

Cet article entendra traiter spécifiquement de dispositifsartistiques interactifs conviant, dans un même lieu et dansle même temps, plusieurs utilisateurs-acteurs en ’présen-tiel’ (et non en télé-présence) autour d’interfaces logiciellespartagées/mutualisées et/oudistibuées/dédiées/personnalisées ; désignés par l’expression :interaction collective co-localisée. Forts d’un examen prélim-inaire des conditions tant matérielles qu’humaines propresaux dispositifs artistiques interactifs actuels, nous nous ef-forcerons de mettre au jour les principaux modèles relation-

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(a) interface individuelled’entrée, de sortie, oud’entrée/sortie

(b) interface partagée d’entrée,de sortie, ou d’entrée/sortie

(c) indicateurs du nombred’interfaces : précis, maximum,ou indéfini

(d) organisation des interfacesindividuelles : emplacementlibre, en file d’attente, enboucle

(e) sens de circulation desdonnées d’interaction : sensunique, double sens,correspondance symétriquedes interfaces

Figure 2: Symboles du système de schéma relationnel des interfaces

nels qui sous-tendent l’interaction collective co-localisée.Prenant pied dans le champ artistique, nous tenterons dedémontrer que l’enjeu d’un tel travail ne s’y trouve pas to-talement circonscrit. En effet, nous pensons que les résul-tats de cette étude sont susceptibles de contribuer, pluslargement, à l’évaluation de la charge cognitive et utilitépratique, fonctionnelle et ergonomique de toute interfacepouvant se trouver alternativement partagée (affichée surun écran, projetée sur une surface ou un support visiblesde tous), distribuée (soit ici répartie sur des terminaux mo-biles individuels et ainsi différentiée ou particularisée selonle rôle joué, l’action effectuée par chacun des participants)ou encore mutualisée : c’est-à-dire tout à la fois partagéeet accessible à tous et, dans le même temps, répartie dif-féremment sur des terminaux mobiles selon les utilisateurs-cibles – ces interfaces complémentaires accessibles surterminal mobile distribuant alors certaines informations con-textuelles et personnalisées.

Pour ce faire, nous allons analyser quatre installations artis-tiques interactives que nous avons réalisées dans le cadredes recherches que nous menons sur le « Large Group In-teraction » (interaction massivement multi-utilisateurs) ausein d’EnsadLab (le laboratoire de recherche de l’École na-tionale supérieure des arts décoratifs de Paris) : « Discon-trol Party » ; « Surexposition » ; « Mobilisation » et « Col-lective Loops ». Nous proposons de nous appuyer sur detelles études de cas pour développer des modèles théoriquesbasés sur la pratique — il en va là de pratiques que nousmaîtrisons puisqu’il s’agit de projets que nous avons conçus,développés et expérimentés. De surcroît, chacune de cesinstallations met en œuvre des modalités relationnellesspécifiques entre les utilisateurs.

Topologies des interactionsLes dispositifs artistiques numériques actuels proposentdiverses modalités d’interaction collective, souvent mas-

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sivement utilisateurs (en milieu muséal comme en espacepublic). Plusieurs d’entre elles appellent des actions coor-données, synchronisées entre les utilisateurs répondantd’une même unité de temps et de lieu. Ces dispositifs con-vient également les utilisateurs à employer plusieurs ter-minaux (parfois simultanément), là encore tantôt partagés(affichage de l’information/de l’action collective s’offrant à lavue de tous) tantôt personnels (terminaux mobiles offrantune vue dédiée). Qui plus est, les dispositifs artistiquesn’appellent que rarement l’exécution d’une tâche, d’un ob-jectif connu au préalable à accomplir dans un cadre régle-mentaire énoncé servant de conducteur à l’activité. Au con-traire, ils invitent le plus souvent les publics à une expéri-ence relationnelle ne répondant d’aucune finalité, d’aucunbut précis. Il est visé avant tout l’expression de dynamiquescollectives rencontrant des motivations/intentions et atten-dus esthétiques. Les activités relèvent généralement demodalités de construction basées sur des principes intuitifset abductifs associés à des phénomènes de coémergenceet de coopération.

Les aspects qui caractérisent les dispositifs d’interactionco-localisée ont fait l’objet de recherche et de publica-tion antérieures, telles que le travail de Lundgren et al.[9], mais peu semblent traiter des aspects relevant de latopologie des interactions, autrement dit, la configurationde l’espace interactif en fonction des actions et relationsentre ses agents, qu’ils soient humains ou matériels. Onconstatera cependant que le succès d’une interaction col-lective co-localisée proviendra, en outre, de l’aménagementtopologique de l’interaction située, localisée (certaines destopologies datant de l’ère des ’groupwares’ sembleraientêtre aujourd’hui réactivées selon des dispositions nouvelles– nous y reviendrons ci-après). Ainsi, la qualité et réus-site d’une interaction collective co-localisée viendra donc àdépendre, en premier lieu, du cadre relationnel, c’est-à-dire

de la nature du lieu, du contexte déterminant (pour par-tie) le champ d’action des participants/utilisateurs (organ-isation collective). Il en va là d’un processus dit « ascen-dant » très bien connu, par ailleurs, des sciences socialeslesquelles ont ouvert à une compréhension du phénomènedit d’émergence par l’effet d’agrégation « qui n’est pas ex-plicitement recherché par les agents d’un système et quirésulte de leur situation d’interdépendance » [1]. Ici cequi relève de phénomènes collectifs découlent des ac-tions réalisées par les individus et de leurs interactionsmutuelles. Cette approche s’oppose à celle de l’holisme,pensée ou théorie selon laquelle les propriétés des in-dividus ne peuvent se comprendre sans faire appel auxpropriétés de l’ensemble auquel ils appartiennent (ap-proche descendante). Les installations artistiques inter-actives prouvent que cette dynamique baptisée ’ascen-dante’ est non seulement possible mais qu’elle la seulevalable/envisageable dans le cadre précisément d’uneinteraction collective co-localisée non induite, orientée,tournée vers l’accomplissement d’une tâche, d’un but. Ensecond lieu, on retiendra que la qualité et réussite d’uneinteraction collective co-localisée dérivera également dutype d’appareillage technique, matériel (mode de connex-ion/synchronisation des terminaux informatiques, notam-ment) mais également de la configuration de l’interfacecommune aux participants selon qu’elle est partagée, dis-tribuée ou mutualisée (appareillage et instrumentation ’in-terfacée’). De la configuration choisie1 résultera alors tantla bonne coordination des actions, leurs « alignements »perceptivo-cognitifs2 que la nature de la production collec-tive — en effet, certaines conditions de l’action (que nous

1Ce choix fluctuant certains paramètres que nous décrions plus avant.2Touchant au repérage/contrôle visuel des actions produites individu-

ellement et à leur mise en relation/correspondance ou conformité aveccelles d’autrui.

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détaillerons plus avant) sont requises pour passer d’uneconcomitance à une concertation d’actions.

Dans la section suivante, nous passerons au crible quatrede nos installations artistiques interactives au travers deces deux indicateurs ; après une brève description de cha-cune des installations (visées et attendus artistiques), nousdétaillerons leur organisation collective, et leur appareillageet instrumentation ’interfacée’. Nous proposerons aussi devisualiser les relations des différentes interfaces dans unsystème de schéma spécialement conçu à cet effet (voirFig. 2), et que nous envisageons, par la suite, d’enrichirpour prendre en compte, entre autres, les organisationscollectives.

Discontrol Party(a) visualisations de données

(b) Schéma des interfaces

Figure 3: Discontrol Party

Dans le cadre de ses recherches sur le « Large Group In-teraction », EnsadLab a développé avec plusieurs parte-naires le dispositif Discontrol Party [4] mêlant le mondedes technologies de surveillance les plus évoluées à celuide la fête. Piste de danse, salle de concert et de spec-tacle sont aménagées pour être aussi bien sous les feuxdes projecteurs que d’un système de contrôle informatisé.La grande salle de La Gaîté Lyrique est ainsi devenue, letemps d’une nuit, un night-club aménagé en salle de con-trôle : loin des effets de lumières ou autre vijaying, le public,tout en faisant la fête, est confronté aux multiples visuali-sations du système informatique qui l’observe et tente del’analyser.

Topologie des interactionsOrganisation collective Étant donné que DiscontrolParty se produit dons un contexte festif pouvant accueillirplusieurs centaines de participants, les relations entre lesindividus sont avant tout sociales. L’organisation collectiveest donc en grande partie guidée par ces relations ; les indi-

vidus se regroupent et agissent majoritairement en fonctionde leurs liens sociaux. De plus, l’interaction "main-libre" etla projection immersive permettent la libre circulation desindividus dans l’espace et limite l’impact des interactionsmédiées sur les interactions sociales.

Appareillage et instrumentation ’interfacée’ Dans cetteinstallation, l’interaction repose sur l’emploi de capteursembarqués sur le corps des participants (tags RFID act-ifs) ainsi que de caméras installées in situ. Le retour desinformations récoltées et traitées se fait à travers des vi-sualisations des données vidéo-projetées partagées surles murs de l’espace comme illustré dans Fig. 1 et 3. Ilest à noter que l’ensemble des interactions et des retoursd’informations sont synchrones ; tous les participants agis-sent sur le système en même temps, et les visualisationsreflètent l’ensemble des données.

Schéma relationnel des interfacesPour rendre plus visibles les relations entre les différentesinterfaces individuelles et partagées, nous proposons de lesschématiser dans Fig. 3b selon un système inspiré, entreautres, par celui de Jean-Claude Courbon et Silvière Tajanpour les ’groupwares’ [3]. Le schéma indique qu’un max-imum de 200 interfaces d’entrée individuelles disposéeslibrement dans l’espace (les tags RFID actifs, illustrés par lesymbole en haut à gauche), ainsi que 10 interfaces d’entréepartagées (les caméras de surveillance, illustrées par lesymbole en haut à droite) transmettent leurs données vers20 interfaces de sortie partagées (les projections vidéos,illustrées par le symbole du bas).

SurexpositionSurexposition (version 2) est une expérience artistique col-lective à l’échelle de la ville, une œuvre interactive asso-ciant une installation et une application pour smartphones.

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Au milieu de l’espace urbain, un grand monolithe noir pro-duit un intense faisceau de lumière blanche dans le ciel.Visible de toute la ville, ce faisceau s’éteint, puis se ral-lume, il pulse suivant une logique dont on peut ressen-tir la rigueur, la volonté de communiquer, même si on necomprend pas immédiatement les signaux ainsi produits.Sur une face du monolithe, des points ou tirets blancs défi-lent, de bas en haut, imprimant leur rythme au dispositif : àchaque fois qu’ils atteignent le haut du monolithe, la lumièrese déclenche, comme si ces signes se vidaient dans la lu-mière. À une toute autre échelle, on retrouve ces mêmessignes défilant sur l’écran des smartphones du public en in-teraction avec l’œuvre, en rythme, émettant eux-aussi de lalumière à partir de leur flash. Revenant à l’essence mêmedu morse, celui-ci est également transformé en composi-tion sonore diffusée elle-aussi par l’installation autant quepar les smartphones du public. Ce sont des messages quisont ainsi émis, en morse, adressés par tous, à tous et auciel et que l’on peut lire grâce au sur-titrage accompagnantces signes. Chacun, à partir de son smartphone, peut eneffet envoyer son message pour exposer ce qu’il pense ettenter de s’exposer ainsi, pour quelques instants, aux yeuxde tous, d’une communauté partageant le même temps, lemême rythme. C’est une communauté encore plus largedont on peut également prendre le pouls, à l’échelle dela ville, en temps réel, via une cartographie de l’usage duréseau de téléphones mobiles en temps réel, visualisablesur smartphones comme autour du monolihe, projetée ausol tel un tapis de données.

(a) monolithe & application mobile

(b) cartographie

(c) Schéma des interfaces

Figure 4: Surexposition

Étant donné que nous nous intéressons au sein de cet ar-ticle plus précisément aux interactions co-localisées, nousn’allons pas traiter dans la prochaine section de l’interactionqui peut se produire à l’échelle de la ville, mais allons re-streindre notre analyse aux interactions à proximité dumonolithe et de la cartographie au sol.

Topologie des interactionsOrganisation collective Contrairement à DiscontrolParty, le public de Surexposition est majoritairement unpublic passager ; intrigué de loin par les pulsations lumineusesdans le ciel ou passant devant l’œuvre par hasard. Il estdonc souvent constitué de petits groupes dispersés. Cepen-dant, la synchronisation des flashs et des sons émis par lessmartphones et le monolithe provoque l’émergence d’uneorganisation collective qui dépasse les relations sociales.

Appareillage et instrumentation ’interfacée’ Les par-ticipants de Surexposition ont la possibilité d’envoyer unmessage textuel accompagné d’un éventuel pseudo vial’application smartphone, ces messages sont récupérés ettraités par une file d’attente temporelle complexe donnantaussi la possibilité au dernier message arrivé d’être sélec-tionné. Chaque message sélectionné est ensuite renduvisible un seul à la fois en morse ainsi qu’en texte par lemonolithe, la cartographie au sol, et les smartphones. Lesinterfaces de sortie sont donc ici mutualisées : elles sont àla fois partagées par le monolithe et la cartographie au sol,et distribuées à travers l’application smartphone.

Schéma relationnel des interfacesEn ajoutant quelques nouveaux symboles au système deschéma utilisé plus haut pour Discontrol Party, nous pou-vons représenter les relations des interfaces de Surex-position comme dans Fig. 4c. La file d’attente des inter-faces d’entrée/sortie individuelles (les smartphones) estindiquée par le symbole en haut, et les deux interfaces desortie partagées (le monolithe et la projection au sol) sontindiquées par les deux symboles en bas. Les flèches entreles interfaces indiquent que les informations circulent dansles deux sens, puisque les smartphones affichent égale-ment le message actuellement visible sur le monolithe et laprojection au sol.

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MobilisationUn mobile, sculpture bougeant au moindre vent ou courantd’air, est suspendu au plafond du hall d’accueil de SciencesPo. Ce mobile est composé d’une centaine de drapeauxsur lesquels sont projetés (en vidéo “mapping”) des infor-mations, des lettres. Lorsque le mobile et les drapeauxbougent, sous l’effet de l’air, la projection vidéo chercheà s’adapter en temps réel au mouvement, cherche, carelle n’y parvient que dans une certaine mesure, le mobilephysique reprenant régulièrement ses droits, surtout si desmouvements alentours perturbent son environnement.

(a) drapeaux

(b) application mobile

(c) Schéma des interfaces

Figure 5: Mobilisation

Chaque drapeau, initialement vierge de tout signe, revêtdes caractères typographiques, d’abord trois lettres figu-rant le nom du pays qu’il représente: FRA pour la France,etc. Tous les pays ainsi représentés ont contribué au Giec-IPCC, le consortium d’experts scientifiques mondial sur lechangement climatique. Même s’il ne figure pas directe-ment une cartographie, l’agencement de ces drapeauxrépond à l’organisation mondiale des territoires. Avantmême que le texte s’anime, on peut percevoir, pour cer-tains drapeaux, derrière les trois lettres en question, dansla profondeur, d’autres textes, parfois nombreux, parfoismoindre : ces agrégats typographiques figurent le poids dela participation de ces pays aux différents rapports du Giec-IPCC et indiquent un espace informationnel à explorer.Les spectateurs face à ce mobile peuvent en effet agirdessus, avec leur mobile, leur smartphone, via une applica-tion dédiée. Ayant choisi un pays, un drapeau, ils explorentces informations par un travelling dans la typographie ainsimise en espace. Les informations qui sont révélées par lesinteractions varient suivant des filtres dont la base de don-nées du Giec-IPCC est constituée (rapport / rôle / pays /participation chapitre / groupe de travail / disciplines / typed’institutions / thème). En se saisissant de ces informationset en adoptant le point de vue d’un pays, les spectateurs

agissant deviennent des représentants momentanés despays choisis, aux yeux de tous : la représentation interac-tive de leur écran individuel de smartphone est reproduiteen temps réel sur le drapeau qui leur est affecté. Prisesentre les actions des participants et soumises au moindremouvement de l’air, entre les mobiles (smartphones) et lemobile (sculpture), ces informations tentent de nous mo-biliser par le biais d’une expérience esthétique singulièreautant que collective.

Topologie des interactionsOrganisation collective L’interface individuelle sur smart-phone de Mobilisation étant très riche, elle sollicite davan-tage l’attention des participants. Ainsi, lorsqu’une personnepasse du stade de spectateur à celui d’acteur, elle est enmême temps amenée à basculer toute son attention des in-terfaces partagées vers l’interface individuelle. En résultat,les participants actifs semblent agir pour les autres, tout enétant en marge du collectif.

Appareillage et instrumentation ’interfacée’ Cette in-stallation met en œuvre une configuration qui semble peucommune dans les dispositifs collectifs partagés : elle meten correspondance chaque interface individuelle avec uneinterface partagée. Dès lors, le nombre de participants si-multanés est limité par le nombre de drapeaux. De plus,le rendu graphique de chaque interface partagée est la ré-plique du rendu graphique de l’interface individuelle corre-spondante.

Schéma relationnel des interfacesFig. 5c trace, par les flèches parallèles, la correspondancedirecte en les interfaces individuelles et partagées. Elleindique également que les interfaces individuelles sontdes dispositifs d’entrée et de sortie librement distribuéesdans l’espace, et limitées en nombre de 103, correspon-

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dant au nombre total d’interfaces de sortie partagées (lesdrapeaux).

Collective LoopsCollective Loops est un séquenceur musical collaboratifen 8 temps développé en tant que projet prototype pourla plate-forme CoSiMa [7] (Collaborative Situated Media),pour laquelle plusieurs partenaires collaborent pour dévelop-per une plate-forme logiciel facilitant la création de projetsd’interaction collective co-localisée.

L’installation est composée de deux interfaces utilisateur :(1) une interface individuelle sur smartphone par laque-lle chaque participant peut modifier le son émis par sontéléphone, comme illustré dans Fig. 6b, et (2) une visual-isation circulaire (d’environ 3m de diamètre) projetée ausol donnant à voir les choix de tous les participants, ainsique la position actuelle de la tête de lecture du séquenceur(représentée par un secteur lumineux en mouvement),comme illustré dans Fig. 6a.

(a) projection au sol

(b) application mobile

(c) Schéma des interfaces

Figure 6: Collective Loops

Suite à un processus itératif de design et développement,plusieurs versions du prototype ont vu le jour. La dernièreversion a été déployée au grand public lors des Ateliers duForum de l’Ircam à Paris en novembre 2015. Cette versionsupporte jusqu’à 8 participants, un par tranche temporelle,et permet à chacun de choisir manuellement son emplace-ment dans le cercle par une interface graphique sur smart-phone. Le participant peut ensuite modifier le son émis deson appareil en choisissant des notes pré-enregistrées de3 instruments : percussions, basse et mélodie ; plusieursnotes de chaque instrument pouvant être activées par lemême participant dans certaines limites (3 mélodies sur 12,1 basse sur 6, et 3 percussions sur 3). De plus, le volumedu son émis peut être contrôlé en inclinant l’appareil en ar-rière ou en avant. Enfin, pour tenter de rendre l’expérience

agréable même avec un petit nombre de participants, uneffet d’écho est ajouté sur l’ensemble des sons émis.

Topologie des interactionsOrganisation collective Ici, l’organisation collective esten grande partie dictée par la disposition de l’interfacepartagée au sol. En effet, cette dernière prédéfinit les em-placements des participants dans l’espace, et indique letempo des interactions. Aussi, la disposition en boucle ser-rée pousse chaque participant à porter davantage son at-tention sur les choix/actions de la personne précédente, etincite les participants à collaborer pour tenter de produireun résultat sonore collective cohérente.

Appareillage et instrumentation ’interfacée’ L’interfaceindividuelle dans cette installation a été conçue pour êtresimple d’utilisation, diminuant au mieux la charge cognitivenécessaire, pour essayer d’attirer l’attention de l’utilisateurvers l’interface partagée et l’inciter ainsi à la collaboration.

Schéma relationnel des interfacesLe schéma dans Fig. 6c indique par le symbole du haut queles interfaces individuelles d’entrée/sortie sont en boucleet que le système en supporte au maximum 8. Il préciseégalement qu’il n’y a qu’une seule interface partagée etqu’il s’agit d’une interface de sortie. La flèche à sens uniqueinforme que les données d’interactions ne sont pas ren-voyées sur les interfaces individuelles, et donc que leschoix des autres participants ne sont visibles que sur laprojection collective au sol.

Conclusion & perspectivesDans le cadre du présent article, nous nous sommes prin-cipalement employés à démontrer que tout dispositif ouinstallation artistique impliquant l’interaction collective co-localisée relève, presque essentiellement, d’une double

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configuration : relationnelle, d’une part (en référence àce que nous nommons l’organisation collective ayant traitici au ’tissu’ des relations sociales et humaines investiesdans le cadre de l’interaction) et matérielle, d’autre part(se rapportant, en l’espèce, à l’appareillage et instrumen-tation ’interfacée’ mobilisés dans le cadre l’interaction). Deces deux ’pivots’ (assurément complémentaires) dépendalors ce que nous proposons d’appeler la configurationtopologique des interactions (topologie de l’interaction) —étant entendu que ce qui détermine la qualité et nature del’interaction collective co-localisée (outre la nature et qual-ité du lieu, de l’espace même) se voit fonction tout autantdu type de liens/relations d’intérêt (de mutualisation et deconvergence) guidant la coopération/collaboration entreles publics que du type de supports ’interfacés’ à leur dis-position. Aussi, postulons-nous que les installations et dis-positifs artistiques doivent s’en trouver étudiés (dans leurconception, mise en œuvre et réception) selon ses deuxmodalités combinées. En d’autres mots, approcher, anal-yser ou regarder ces réalisations comme des figurationstopologiques de l’interaction permettrait alors d’en com-prendre, de lire avec une plus grande acuité, d’une part,ce qui règle, détermine et conditionne l’engagement despublics en situation de coopération et, d’autre part, ce quise joue du point de vue de l’expérience esthétique.

Prenant appui sur l’analyse de certaines de nos réalisa-tions récentes (à la manière d’une étude de cas), nousavons notamment pu mettre en exergue que ces installa-tions et dispositifs artistiques impliquent généralement si-multanément trois modalités d’attention des publics : H/Mvia l’interface individualisée, H/H en référence à la rela-tion interindividuelle, H/M/H renvoyant à une médiationlogicielle rapprochant les personnes entre elles. Commenous l’avons rappelé au sein de cet article, la participa-tion/coopération des publics est bien souvent (précisément

dans le cadre artistique) non ’dirigée’ ou plus exactementnon soumise à la réalisation d’un objectif pré-dicté, si cen’est par l’entremise d’un partage, celui d’une expérienceesthétique que l’on donne aux publics à construire et àéprouver collectivement et dans laquelle l’action individu-elle (c.-à-d. la production d’actions via le dispositif individ-ualisé) doit être pensée à la fois comme un « embrayeur »,« accélérateur » et « catalyseur » de l’interaction collective.— Par conséquent, il ne peut (et ne doit) être développé(en amont) de modélisation des dispositifs/installations re-posant une assignation de tâches précises aux personnesparticipantes. Il ne peut guère plus être rédigé, tracé descénario anticipant sur d’éventuelles ’ententes’ et ’contrats’(implicites) de collaboration entre les publics — une telleentreprise serait tout aussi vaine que celle que se donneraitun architecte de répertorier l’ensemble des usages collec-tifs possibles, probables en milieu domestique. — Aussi,pour emporter une vue globale, objective et exhaustive dusystème relationnel complexe que constituent ces disposi-tifs et interactions artistiques, nous arguons qu’il revient deformer des schémas topologiques de l’interaction (croisantles actions et interfaces) valant pour chaque réalisationartistique.

Ces schémas/figurations topologiques dont nous avonslivré, dans cet article, une première tentative d’écrituregraphique 3 nous apparaissent utiles à plusieurs titres. (1)Ils permettent d’abord la modélisation visuo-graphique desdispositifs/installations à l’étude (soit en phase de créa-tion/conception). (2) Ils offrent aux publics en situation unesorte de support de repérage cartographique des interac-tions possibles (composant un soutien cognitif d’une utilitémanifeste [pour une meilleure représentation mentale del’environnement], les publics parviennent ainsi à situer plus

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aisément leurs actions dans le champ collectif). (3) Cesfigurations ouvrent, en outre, à une lecture plus fine desspécificités et possibilités interactionnelles de chaque in-stallation/dispositif, et par là à un plus grand discernementcritique. C’est pourquoi, nous emportons dès lors le projetde travailler sur le développement de ce langage graphiquede modélisation- représentation-analyse topologique del’interaction dans le cadre de la conception d’une nouvelleplate-forme logicielle supportant ces trois emplois : (créa-tion/conception) modélisation graphique de la topologiede l’interaction, (visualisation) représentation graphique’temps-réel’ de la topologie de l’interaction, (observation)taxonomie visuo-graphique de la topologie de l’interaction.Ouvrant à une collaboration Art-Design-Ingénierie, la réal-isation de cet outil logiciel supposera la création d’unecommunauté de pratique pour un enrichissement per-pétuel (bases de connaissances expertes). Séquencéssur 2016-2017, les premiers résultats de ce projet en phased’amorçage sont prévus pour début 2017 (réalisation d’undémonstrateur interactif) en s’appuyant sur l’environnementlogiciel auteur Mobilizing.js 4 développé par EnsadLab pourcréer des œuvres interactives sur les supports interactifsmobiles.

RemerciementsCe travail est financé en partie par l’ANR (Agence Na-tionale de la Recherche) dans le cadre du projet CoSiMa(ANR-13-CORD-0010).

Bibliographie[1] Raymond Boudon. 1979. La logique du social. In-

troduction à l’analyse sociologique. Paris, Hachette

4http://www.mobilizing-js.net/

(1979).[2] Chaos Computer Club. 2001. Project Blinkenlights.

(2001). http://blinkenlights.net/project.[3] Jean-Claude Courbon and Silvère Tajan. 1999. Group-

ware et intranet: vers le partage des connaissances.Dunod.

[4] EnsadLab. 2011. Discontrol Party (2009 & 2011).(2011). http://diip.ensadlab.fr/en/projects/article/discontrol-party.

[5] Usman Haque. 2004. Sky Ear. (2004). http://www.haque.co.uk/skyear/information.html.

[6] Usman Haque. 2007. Burble Londo. (2007). http://www.haque.co.uk/burblelondon.php.

[7] IRCAM. 2015. CoSiMa - Collaborative Situated Media.(2015). http://cosima.ircam.fr/.

[8] Golan Levin, Gregory Shakar, Scott Gibbons, Yas-min Sohrawardy, Joris Gruber, Erich Semlak, Gun-ther Schmidl, Joerg Lehner, and Jonathan Fein-berg. 2001. Dialtones (A Telesymphony). (2001).http://www.flong.com/projects/telesymphony/.

[9] Sus Lundgren, Joel E. Fischer, Stuart Reeves,and Olof Torgersson. 2015. Designing MobileExperiences for Collocated Interaction. Proc.CSCW’15 (2015). http://www.cs.nott.ac.uk/~str/doc/lundgren-2015-mobile-collocated-framework.pdf

[10] Phoebe Sengers and Bill Gaver. 2006. Staying open tointerpretation: engaging multiple meanings in designand evaluation. In Proceedings of DIS ’06. ACM, 99–108. http://dl.acm.org/citation.cfm?id=1142422

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