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Bonification du RRQ Mirage ou solution à privilégier? POUR DISCUSSION... 2013DT-01 > Janvier 2013 Denis Latulippe (Université Laval et CIRANO)

Bonification du RRQ - Mirage ou solution à privilégier · Un comité d’expets pésidé pa M. Alban D’Amous a été mandaté pou se pencher sur le ... façon c’est le poids

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Bonification du RRQ Mirage ou solution à privilégier?

POUR DISCUSSION...

2013DT-01 > Janvier 2013

Denis Latulippe (Université Laval et CIRANO)

2

Les documents Pour discussion… visent à présenter un état de la situation sur un domaine

donné et à susciter une discussion. Ces documents offrent de plus un point de vue ou un

ensemble de suggestions pour faire avancer le débat. Ces documents ne représentent pas

une prise de position du CIRANO. Ils ne reflètent que l’opinion de(s) l’auteur(s).

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ISSN 1914-0053 (Imprimé) / ISSN 1914-0061 (En ligne)

Partenaire financier

Table des matières

Introduction __________________________________________________ 3

Trame historique ______________________________________________ 5

Couverture des travailleurs ______________________________________ 8

Frais de gestion ______________________________________________ 12

Rendement des fonds _________________________________________ 14

Risques et diversification _______________________________________ 16

Financement et équité _________________________________________ 19

Longévité ___________________________________________________ 21

Gestion des rentes des retraités _________________________________ 22

Conclusion __________________________________________________ 24

Références __________________________________________________ 27

2

Denis Latulippe

Actuaire de formation et ayant d’abord acquis de l’expérience dans le

secteur privé, il s’intéresse plus particulièrement aux questions de

retraite et de sécurité sociale en tant qu’universitaire et haut-

fonctionnaire. Professeur titulaire et directeur de l’École d’actuariat

de l’Université Laval, il a occupé des fonctions d’actuaire en chef et de vice-président à la

Régie des rentes du Québec où il a aussi joué un rôle de premier plan dans la mise en

œuvre de la politique familiale du Québec, pour la refonte du programme de soutien aux

enfants et la mise en œuvre du Régime québécois d’assurance parentale, également à

titre de président fondateur du Conseil de gestion de l’assurance parentale. Au niveau

international il agit comme conseiller auprès de l’ONU, d’abord à titre d’actuaire

principal au Bureau international du travail et maintenant comme membre du Comité

des actuaires de la Caisse commune des pensions du personnel des Nations Unies.

Diplômé de la London School of Economics and Political Science, il est également

membre Fellow de l’Institut canadien des actuaires et de la Society of Actuaries des

États-Unis, et détenteur d’un MBA et d’un Baccalauréat en actuariat de l’Université

Laval. Co-auteur d’un livre et auteur de publications au niveau national et international,

il a agi comme conférencier dans les différentes régions du monde. Administrateur de

société certifié (ASC), il a une solide expérience comme membre de conseils

d’administration et de comités de travail. Il collabore aux travaux du Centre

interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) en tant que

chercheur Fellow.

[email protected]

Remerciements :

L’auteur tient à remercier MM Bryan Campbell, Martin Latulippe, Pierre Plamondon et Richard Guay

pour leurs commentaires sur une version antérieure du document. Malgré tout, les opinions

exprimées sont celles de l’auteur et n’engagent en rien aucune autre personne.

3

Introduction

es régimes de retraite sont dans la tourmente. La contre-performance des marchés

financiers, la baisse des taux d’intérêt et l’allongement de la durée de vie ont induit

une détérioration significative de la situation financière de ces régimes, incluant ceux à

prestations déterminées.1 Des déboursés supplémentaires importants sont requis des

employeurs qui en sont les promoteurs. Tous conviennent que des actions doivent être

prises pour adapter ces régimes aux nouvelles réalités.

Un comité d’experts présidé par M. Alban D’Amours a été mandaté pour se pencher sur le

système de retraite québécois afin de l'améliorer pour qu'il soit viable et performant, tout

en considérant les nouvelles réalités économiques et démographiques. (RRQ, 2012a) C’est

avant tout de la pérennité des régimes à prestations déterminées dont il est question,

mais les différents travaux et discussions qui nourriront la réflexion sur l’évolution de

notre système de retraite ne se limiteront pas à cette question.

En particulier, certaines voix se font entendre pour faire d’une bonification du Régime de

rentes du Québec (RRQ) et du Régime de pensions du Canada (RPC) la solution aux

problèmes auxquels est confronté notre système de retraite. Au niveau canadien, une

majorité de provinces se sont prononcées en faveur d’une amélioration du RPC à

l’occasion de la conférence annuelle des ministres des Finances en décembre 2011.2 Le

Gouvernement Charest s’était alors opposé et d’une certaine façon c’est le poids du

Québec qui a fait avorter le projet. La question a de nouveau fait l’objet de discussions

lors de la rencontre récente des ministres des Finances. Ils ne sont pas parvenus à une

1 Les régimes publics et les régimes à cotisation déterminée sont également touchés par l’évolution

des rendements, des taux d’intérêt et de la mortalité. (Optimum, 2012 ; OCDE, 2009) Nous référons à la question des régimes à prestations déterminées du fait que les modalités de leur financement sont davantage questionnées. 2 La proposition de bonification étudiée par les ministres des Finances en regard du RPC est plus

modeste que ce qui a été mis de l’avant par la FTQ. Il s’agit de hausser le niveau des prestations mais sans le doubler.

L

INTRODUCTION

4

entente, les décisions sont reportées au mois de juin, le temps de suivre l'évolution de

l'économie et d’approfondir différents scénarios.

Au niveau québécois, la FTQ a mené une vaste campagne dont la pierre angulaire est la

bonification du RRQ. (Tableau 1 pour plus de détails). Plusieurs groupes appuient ces

revendications de la FTQ. Une campagne semblable a eu cours au Canada, sous la férule

du Congrès du Travail du Canada, et un certain nombre d’auteurs sont venus appuyer ou

documenter cette idée d’une bonification du RRQ. (Bellemare, 2012 ; Dussault, 2009 ;

Grenier, 2011 ; Townson, 2010).

Tableau 1 Proposition FTQ

Bonifier progressivement le RRQ

1. Doubler la rente du RRQ de 25 % à 50 % des revenus de travail

2. Augmenter le revenu sur lequel on peut cotiser de 47 200 $ à 62 500 $(comme la CSST et le

RQAP)

3. Hausser l’exemption sur laquelle aucune cotisation n’est prélevée de 3 500 $ à 7 000 $

annuellement

Source : FTQ, 2012

Le présent article se veut précisément une évaluation de l’opportunité de bonifier le RRQ

comme avenue à privilégier pour renforcer notre système de retraite et l’adapter au

contexte des prochaines années. La question sera abordée sous différentes perspectives:

Trame historique, couverture des travailleurs, frais de gestion, rendement des fonds,

risques et diversification, financement et équité, longévité, gestion des rentes des

retraités. Les constats et orientations qui s’en dégageront permettront d’apprécier la

proposition de bonification du RRQ ; ils permettront aussi d’établir des liens avec d’autres

avenues de réforme actuellement considérées. Ainsi, en conclusion nous identifierons les

grandes orientations qui devraient nous guider dans l’évolution future de notre système

de retraite et nous situerons la bonification du RRQ par rapport à d’autres options

possibles.

5

Trame historique

e 9 novembre 1989 : Chute du mur de Berlin, marquant ainsi la fin de l’ère

communiste en Europe. Ce renversement contribue au renforcement de la pensée

néolibérale ayant émergé au début des années 1980 et ayant été incarnée de façon toute

particulière par Margaret Thatcher et Ronald Reagan.3

Dans le cadre de la remise en question de l’état-providence qui y a été associée, ce

changement politique majeur pave la voie à différentes réformes, notamment en matière

de pensions de retraite.4 La maturité croissante des régimes publics de retraite exigeait

des déboursés en hausse, contribuant à différents degrés aux déséquilibres budgétaires

de plusieurs gouvernements.5 De surcroit, la privatisation et la capitalisation des régimes

de retraite devaient contribuer à la formation des capitaux requis pour assurer le

développement économique des pays en transition. L’emphase a alors été mise sur le

développement de régimes individuels d`épargne-retraite. Le système implanté au Chili en

1981, sous la gouverne du dictateur Augusto Pinochet, en a constitué la référence. (World

Bank, 1994) Bref, à cette époque pas si lointaine, les prises de position plus radicales nous

amenaient à privilégier la terminaison des régimes publics pour les convertir en régimes

d’épargne privés.

Le Canada ne fut pas totalement dissocié de cette grande mouvance internationale. Bien

que nous pouvions d’ores et déjà compter sur un système de retraite ayant fait l’objet de

développements importants durant les années 1950 et 1960, des changements

significatifs y ont été apportés durant les années 1990. Ces développements visaient à

3 Margaret Thatcher fut élue première ministre en 1979 alors que l’élection de Ronald Reagan

remonteà 1980. 4 De telles réformes ont été introduites particulièrement en Europe de l’est et en Amérique Latine.

5 La maturité des régimes de retraite réfère au nombre de retraités, en comparaison du nombre de

participants actifs. Dans un régime mature, donc comptant un grand nombre de retraités, le taux de cotisation sera en hausse s’il est financé sur une base de pay-as-you-go du fait que les déboursés élevés doivent être financés par les cotisations courantes. Dans le cas d’un régime capitalisé, le taux de cotisation sera plus volatil, et à la hausse s’il y a déficit, du fait que le passif des retraités est alors très important; tout amortissement de surplus ou de déficit a alors un impact significatif sur le taux de cotisation.

L

PREMIERE PARTIE

6

favoriser le développement des mécanismes privés de retraite, principalement l’extension

des REER, en plus de consolider une composante publique du système, soit le RRQ et le

RPC, et de mieux encadrer les régimes complémentaires de retraite (RCR):

Hausse significative des taux de cotisation du RRQ et du RPC, de façon à en assurer la

pérennité financière, en parallèle à l’introduction d’un mécanisme de consultation

publique périodique pour favoriser l`évolution du RRQ en lien avec les grands

changements économiques et sociaux.

Mise à jour de la loi sur les régimes complémentaires de retraite encadrant les régimes

de retraite parrainés par des entreprises québécoises.6 Des changements similaires ont

été apportés aux lois d’encadrement des autres juridictions canadiennes.

Finalement, fait marquant des réformes des années 90, hausse très importante des

limites fiscales associées aux REER de façon à les rendre équivalents aux fonds de

pension classiques tout au moins du point de vue du traitement fiscal et du niveau des

cotisations admissibles.

Figure 1 Représentation du système québécois/canadien de retraite

Régimes privés de retraite - Régimes complémentaires de retraite(RCR) - REER et autres

Régime de rentes du Québec et

Régime de pension du Canada

Pension fédérale - Pension sécurité de la vieillesse (PSV) - Supplément de revenu garanti (SRG)

Source : Adaptation de la « maison » de la Régie des rentes du Québec illustrant le système

québécois de retraite.

6 La Loi sur les régimes complémentaires de retraite est entrée en vigueur le 1er janvier 1990.

Jusqu’à ce moment, on parlait plutôt de régimes supplémentaires de retraite.

7

Les évaluations de notre système de retraite réalisées au cours des dernières années

témoignent de sa performance comparativement à la situation prévalant dans d’autres

pays. Sur la base de telles études, notre système de retraite se classe généralement parmi

les plus performants. (Mercer 2012 ; RRQ, 2012c) Bien qu’on ne puisse établir

précisément les causes de cette bonne performance, on réfère généralement à la mixité

de notre système, comptant à la fois un volet public et privé et des mesures

complémentaires d’assistance, d’assurance et d’épargne.

Les pays ayant opté pour une approche essentiellement publique, notamment en Europe

continentale, sont confrontés à des choix difficiles sans nécessairement pouvoir témoigner

d’une situation plus avantageuse eu égard à la situation de leurs retraités. En sus des

dépenses publiques élevées qui y sont associées, de tels régimes peuvent reconduire

durant la retraite les inégalités et la précarité vécues sur le marché du travail.7

Malgré la bonne performance de notre système de retraite, la conjoncture économique et

financière récente a jeté un doute sur la viabilité des régimes complémentaires de

retraite. De plus, au terme de plusieurs années de vécu des REER, on s’interroge sur la

constitution effective d’un patrimoine retraite suffisant par l’ensemble de la population,

du moins pour les travailleurs à revenu moyen ou élevé. Autrement dit, la bonne

performance de notre système de retraite pourra-t-elle se perpétuer à l’avenir ou au

contraire, sommes-nous à l’aube d’une détérioration de la situation à un moment où le

nombre de retraités augmentera considérablement du fait du vieillissement de la

population?

7 De telles situations surviennent lorsque le montant de rente est établi strictement sur la base de

l’historique des gains. La pauvreté des personnes âgées peut être évitée par l’introduction d’un minimum vieillesse mais sans nécessairement avoir un effet marqué sur la réduction des inégalités.

8

Couverture des travailleurs

ous les travailleurs, salariés et autonomes, sont couverts par le Régime de rentes du

Québec. Pour établir le montant de rente, une protection est même offerte en regard

des périodes d’absences temporaires du marché du travail, du fait du retranchement des

années de faibles gains jusqu’à l’équivalent de 15% de la période cotisable. De même, le

RRQ retranche les années d’incapacité et les années où le cotisant est prestataire de

prestations familiales pour la charge d’un enfant en bas âge, pour éviter qu’il ne s’ensuive

une réduction de la prestation payable à la retraite.

À l’inverse, les régimes privés ne rejoignent pas l’ensemble des travailleurs. L’expérience

de plusieurs années montre clairement qu’une proportion significative des travailleurs

actuels ne constituent pas un patrimoine retraite suffisant pour espérer maintenir leur

niveau de vie à la retraite :

Environ 38 % des travailleurs et travailleuses ne contribuent à aucun mécanisme

privé de retraite, qu’il s’agisse d’un REER individuel ou d’un mécanisme collectif : les

RCR traditionnels (fonds de pension), les REER collectifs ou les Régimes de

participation différée aux bénéfices. (RRQ, 2010)

Sur la base de projections réalisées par les actuaires de la Régie des rentes, de 38% à

50% des travailleurs sont susceptibles d’être confrontés à un revenu de retraite

inadéquat en raison d’une épargne insuffisante. (RRQ, 2012b)

Le pourcentage des travailleurs couverts par un RCR est de 43 % en 2011. Fait

important à noter, la couverture de ces régimes dans le secteur privé n’est plus que

de 34 %. On ne peut espérer un renversement de tendance par le simple passage du

temps. En effet, la maturité croissante de ces régimes, caractérisée par le grand

nombre de retraités, se traduit par un poids financier trop grand pour les entreprises.

Une très large majorité de ces régimes sont actuellement en situation de déficit. Aussi

paradoxal que cela puisse paraître, la présence d’un déficit contribue au maintien des

RCR. En effet, en cas de terminaison, l’employeur se devrait d’honorer la totalité du

déficit, à moins bien sûr d’être lui-même acculé à la faillite. Bref, une amélioration de la

solvabilité financière des régimes ne serait pas nécessairement de bon augure en ce qui a

T

DEUXIEME PARTIE

9

trait à la couverture des RCR. Des statistiques récentes témoignent de cet état de fait :

Bien qu’ils ne terminent pas leur régime à prestations déterminées, bon nombre

d’employeurs y introduisent une composante à cotisation déterminée pour stopper

l’acquisition du droit à une prestation déterminée à l’avenir, tout au moins pour les

nouveaux employés.

Ce mouvement de désaffection envers les régimes à prestations déterminées n’est pas

l’apanage exclusif du Québec ou du Canada. Les pays anglo-saxons, comme les États-Unis

ou le Royaume-Uni, ont également une tradition de régimes d’entreprise à prestations

déterminées; ils vivent une situation similaire sinon plus accentuée. En 2010, le

pourcentage de la population en âge de travailler couvert par un RCR était de 41,6 % aux

États-Unis et de 30 % au Royaume-Uni. En fait, le pourcentage de la population en âge de

travailler épargnant en vue de la retraite demeure inférieur à 50 % dans ces 2 pays, même

en considérant les régimes volontaires d’épargne-retraite, l’équivalent de nos REER. Plus

de détails figurent au Tableau 2.

Tableau 2 Couverture des régimes privés de retraite - Comparaison internationale, 2010

Obligatoire/ Quasi-

obligatoire Volontaire

. Entreprise Personnel Total

Régimes obligatoires Australie Chili Finlande Norvège

Régimes quasi-obligatoires Danemark Pays-Bas

Adhésion automatique Italie Nouvelle-Zélande

Régimes d’entreprise Canada États-Unis Royaume-Uni

Tradition régimes publics Espagne Grèce Portugal

68,5 73,7 75,5 65,8

83,8 (ATP)

88,0

n.a. n.a.

n.a. n.a. n.a.

n.a. n.a. n.a.

n.a. n.a. 7,4 ..

n.a. n.a.

7,6 8,2

33,5 41,6 30,0

3,3 0,3 3,1

19,9

.. 21,3 22,0

23,6 28,3

6,2

55,5

33,1 22,0 11,1

15,7

.. 5,6

19,9

.. 28,8

..

23,6 28,3

13,3

..

.. 47,1 43,3

18,6

..

..

Note : Exprimé en pourcentage de la population en âge de travailler (15-64)

Source : OCDE, 2012

10

L’expérience internationale nous enseigne aussi que le renforcement de la couverture ne

passe pas nécessairement par les régimes publics. Différents pays développés ont eu

recours à l’une l’autre des avenues suivantes :

Les régimes privés obligatoires

Les régimes privés quasi-obligatoires, soit de grands régimes multi-entreprises issus

de négociations collectives ou de conventions au niveau national.

Les procédures d’adhésion automatique (Auto-enrolment) à des régimes où le

travailleur est automatiquement inscrit à moins de clairement exprimer son intention

de s’en soustraire.

Les « régimes quasi-obligatoires » font partie du paysage retraite danois et néerlandais

depuis plusieurs années. Les taux de couverture présentés au Tableau 2 témoignent de la

bonne performance de ces régimes. Fait important à noter, le Danemark et les Pays-Bas se

sont classés respectivement premier et deuxième dans l’édition 2012 de l’étude

Melbourne Mercer Global Pension Index comparant la performance des systèmes de

retraite de différents pays. (Mercer, 2012) En fait, ces pays sont souvent cités comme

référence par des experts en matière de retraite.

L’idée d’adhésion automatique est récente. L’auto-enrolment sera implantée de façon

progressive au Royaume-Uni à compter d’octobre 2012, et une expérience à portée

limitée a été tentée en Italie en 2007 et ce, sans grands succès. En fait, le régime des

Kiwisavers implantés en Nouvelle-Zélande en 2007 constitue véritablement l’expérience

phare en matière d’adhésion automatique.

55 % des personnes en âge de travailler y cotisaient en 2010, avec une cotisation

minimale des travailleurs équivalente à 2 % du salaire;

L’employeur doit nécessairement y verser une cotisation : 2%, haussée à 3 % à

compter de 2013

L’État y apporte une contribution forfaitaire au démarrage de 1000 $NZ et apparie

la cotisation de l’employé jusqu’à 10$ NZ par semaine

Bref, en quelques années seulement, les Kiwisavers ont été utilisés par une majorité des

travailleurs Néozélandais pour se constituer un patrimoine retraite. Il s’agit là d’une

question d’intérêt d’autant plus que les initiatives récentes du Gouvernement fédéral

(RPAC : Régime de pension agréé collectif) aussi bien que du Gouvernement Québécois

(RVER : Régime volontaire d’épargne-retraite) vont précisément dans le sens de ces

régimes d’adhésion automatique.

11

L’évaluation d’une telle approche requiert non seulement d’en évaluer le taux d’adhésion,

mais également de s’interroger sur la nécessité d’une cotisation employeur pour en

assurer la popularité. On peut aussi s’interroger sur l’effet net de ces nouveaux régimes :

Assiste-t-on à une augmentation du nombre de travailleurs constituant un patrimoine

privé de retraite ou s’agit-il, du moins partiellement, d’un déplacement de l’épargne-

retraite vers ces nouveaux véhicules. La cotisation de l’employeur et le niveau modéré des

frais d’administration des Kiwisavers ont sûrement permis de générer davantage

d’épargne en vue de la retraite. Le RPAC et le RVER ont aussi comme objectif d’apporter

une solution au problème des frais élevés associés à des produits d’épargne-retraite

offerts directement aux individus. Par contre, l’employeur ne serait pas tenu d’y verser

une cotisation.

12

Conclusion et perspectives

Frais de gestion

e Régime de rentes du Québec est une référence eu égard au faible niveau des frais

de gestion, du moins lorsque les frais liés à l’administration du RRQ sont exprimés en

pourcentage des cotisations. En effet, le coût associé à l’administration de ce Régime est

de l’ordre de 1 % des cotisations et ce, incluant la perception des cotisations,

l’administration des prestations de même que des fonctions connexes comme par

exemple les suivis actuariels. Ce régime bénéficie à la fois d’économies d’échelle

tributaires du grand nombre de participants aussi bien que du recours à une entité

spécialisée, soit Revenu Québec, pour la perception des cotisations.8 (RRQ, rapport annuel

2012)

La comparaison des frais d’administration du RRQ avec ceux encourus pour

l’administration des RCR québécois est concluante. Les chiffres présentés au Tableau 3

témoignent d’un pourcentage de frais d’administration plus faible pour les RCR de grande

taille en comparaison avec ceux comptant moins de participants. Ces chiffres témoignent

également du fait que le régime public de retraite, soit le RRQ, est peu onéreux à

administrer.

Lorsque exprimé en % de l’actif net des régimes, soit le fonds accumulé, le RRQ est

davantage dans la moyenne des frais encourus pour les RCR et ce, du fait du faible niveau

de capitalisation du RRQ.

8 Lorsqu’exprimé en pourcentage des cotisations, le coût de revient est moins élevé pour le RRQ

que pour le Régime de pensions du Canada (RPC) et son pendant américain (OASDI) et ce, même si ces deux régimes bénéficient d’économies d’échelle du fait du plus grand nombre de participants.

L

TROISIEME PARTIE

13

Tableau 3 Niveau des frais d’administration des RCR en fonction de la taille de ces régimes

Frais exprimés en %

Actif net Cotisations

Régimes complémentaires de retraite

• 50- 300 participants

• 301- 2000 participants

• + de 2000 participants

Régime de rentes du Québec

(3,8 M participants)

0,46 %

0,32 %

0,17 %

0,30 %

17,1 %

12,4 %

7,5 %

1,0 %

Note : Il s’agit des frais liés à l’administration des régimes et non pas les frais de gestion

des placements.

Source : RRQ, Rapport annuel et information obtenue de la Régie

Les frais liés à l’administration des régimes présentés ci-dessus ne tiennent pas compte

des frais pour la gestion des placements. Le RRQ fait également bonne figure à cet égard.

Le niveau des frais chargés au cours des dernières années par la Caisse de dépôt et

placement pour l’administration du fonds RRQ sont de l’ordre 0,2 %.9 Sans avoir un indice

comparable clairement établi, on peut affirmer qu’il s’agit de frais moins élevés que ceux

encourus pour la gestion des caisses de retraite privées québécoises. En fait, selon ses

propres dires, la Caisse maintient même des coûts totaux d’administration

avantageusement comparables à ceux des autres fonds institutionnels de sa taille et

menant des activités similaires. (CDP, 2012) Finalement, il importe de noter que les frais

pour la gestion de fonds de placement offerts directement aux individus, par opposition à

des régimes collectifs offerts à des groupes, sont significativement plus élevés. Ils souvent

supérieurs à 2% de la valeur du fonds. Il s’agit là d’une des principales critiques soulevées

à l’encontre des fonds de placement offerts sur base individuelle.

L’évaluation comparative de la performance des fonds de retraite ne peut se limiter au

niveau des frais chargés; il importe aussi de comparer les taux de rendement obtenus sur

ces investissements.

9 Cette information tirée des états financiers certifiés de la Caisse peut exclure certains frais de

gestion des fonds externes présents dans certains portefeuilles de la Caisse.

14

Rendement des fonds

es données disponibles permettent de comparer les taux de rendement obtenus au

fil des ans sur les fonds de retraite et ce, distinctement tout dépendant s’il s’agit de

caisses privées de retraite, du fonds de réserve du RRQ et finalement des sommes

accumulées par des individus au titre du REER.

Dans le cas du RRQ et des caisses de retraite, il s’agit d’une gestion dite professionnelle,

normalement fondée sur une politique de placements et en ayant recours à un ou

plusieurs gestionnaires de portefeuille. Dans le cas des sommes accumulées au titre des

REER, il peut s’agir aussi bien de sommes investies directement auprès d’institutions

financières, de titres à revenu fixe ou variable détenus par le titulaire, ou encore de parts

de fonds mutuels. L’individu peut également avoir recours à des conseillers pour le guider

dans ses choix de placement.

Figure 2

Taux de rendement net (Canada, 1999-2005)

Source : RRQ (Langis), 2012.

La principale conclusion qui se dégage de la comparaison de la performance relative de

ces différentes entités est que l’épargne-retraite gérée par les individus génère des

D

QUATRIEME PARTIE

15

rendements significativement moins élevés que les caisses de retraite. En tout cas, c’est

clairement ce que démontrent les résultats d’une étude menée par la Régie des rentes et

dont les principaux constats sont présentés à la Figure 2. Il est tout à fait raisonnable de

penser que la sélection des types de placements et des titres est sous-optimale

lorsqu’effectuée directement par le cotisant. De plus, tel qu’indiqué ci-dessus, les frais

moyens de gestion sont alors significativement plus élevés.

La comparaison de la performance du Fonds RRQ avec celle des caisses privées retraite ne

débouche pas sur des conclusions aussi fortes. En fait, les rendements moyens des 3

dernières années sont comparables à 8,8 %. Les résultats sont aussi comparables si on

remonte aussi loin que la mise en vigueur du RRQ en 1966, puisque le rendement moyen a

été de 8,5 % (4 % en termes de rendement réel), ce qui se compare au rendement médian

des caisses de retraite au Canada pendant la même période.10

Une analyse plus approfondie serait requise pour pouvoir tirer des conclusions plus

fines.11 Ce qu’on doit plutôt noter, considérant l’objectif du présent document, est la

performance supérieure des caisses de retraite constituées dans le cadre de régimes

collectifs, publics ou privés, par opposition à des fonds individuels. Il faut aussi se rappeler

la nécessité de viser un bon degré de diversification dans la gestion des actifs, ce qui ne

serait pas nécessairement acquis si l’ensemble des fonds était sous la responsabilité d’un

même gestionnaire.

10 Source : Rapports annuels de la Régie des rentes et de la Caisse de dépôt et placement, de même

que les statistiques économiques canadiennes compilées par l’Institut canadien des actuaires (ICA, 2012). 11

Une analyse plus approfondie permettrait non seulement de comparer les rendements obtenus, mais aussi les objectifs poursuivis et les politiques de placement en découlant.

16

Risques et diversification

ne règle d’or en matière de gestion des placements est très certainement de ne pas

mettre tous ses œufs dans le même panier. Si cela est vrai sur une base personnelle,

c’est d’autant plus important lorsqu’il s’agit de l’architecture du système de retraite de

toute une société. Une bonification du RRQ, tout dépendant comment elle se

concrétiserait, pourrait se traduire par une baisse du niveau de diversification du

portefeuille retraite québécois :

Un gestionnaire de fonds comme la Caisse de dépôt assure une diversification des

sommes qui lui sont confiées lorsque vient le temps d’effectuer les placements.

Néanmoins, le fait de concentrer ces placements chez un même gestionnaire réduit le

niveau de diversification.

Les placements sont effectués par le gestionnaire dans le respect de la politique de

placement adoptée par le fiduciaire, la Régie des rentes dans le cas qui nous

intéresse. Rendre tributaire une très grande portion de notre épargne retraite d’une

même politique de placement ou d’un même fiduciaire contribuerait aussi à limiter la

diversification et accroître le risque. Et ce, même si d’autres gestionnaires de fonds

que la Caisse de dépôt et placement étaient impliqués dans la gestion des fonds pour

éviter la taille excessive d’un seul fonds.

Les régimes de retraite sont exposés à d’autres risques que ceux découlant de la gestion

des placements. Le tableau 4 précise la nature des principaux risques afférant à la gestion

d’un régime de retraite.

U

CINQUIEME PARTIE

17

Tableau 4

Nomenclature des risques associés à la gestion d’un régime de retraite

Risque démographique

Évolution de la natalité, la migration et la mortalité

Impact sur le nombre de cotisants et de bénéficiaires Risque économique

Évolution du niveau des salaires et des prix

Évolution du niveau de l’emploi et du chômage

Impact sur le montant de cotisations et de prestations Risque financier

Évolution du taux de rendement obtenu sur les fonds investis

Impact sur les fonds disponibles pour assurer le paiement des prestations Risque politique

Évolution des dispositions des régimes publics et des règles encadrant les régimes privés

Impact sur le montant de cotisations perçues et de prestations payées Risque institutionnel

Évolution de la capacité du promoteur du régime, de l’entité en assurant la gestion et de l’organisme de règlementation à s’acquitter de leurs responsabilités

Impact sur le montant de cotisations perçues et de prestations payées Risque individuel

Évolution de la situation financière de l’individu (emploi et salaire)

Évolution du comportement de l’individu en regard de la planification de la retraite (montants effectivement versés…)

Impact sur le montant de cotisations perçues et de prestations payées

Note : Les différents types de régimes de retraite ne sont pas sujets à l’ensemble de ces risques ou du moins,

tel que soulevé dans le texte, avec la même intensité

Source : BIT, 2000

En fait, différents types de régime sont exposés à différents risques. Ainsi, un régime

public sera davantage tributaire du gouvernement, et même du ministre titulaire, dans sa

capacité et sa volonté à honorer les ajustements requis aux prestations et aux cotisations.

Les RCR sont davantage tributaires des promoteurs, soit les employeurs, quant à leur

capacité et leur volonté à offrir une protection retraite à leurs employés et à en assumer

les coûts. Finalement, dans le cas des REER, la situation est davantage conditionnée par le

comportement de l’individu en regard du montant effectivement épargné et des choix de

placements qui en découlent. Différents types de régimes étant exposés à différents

18

risques, un système mixte est donc un atout pour assurer l’efficacité et la pérennité du

système.

Cela est d’autant plus vrai que les régimes de retraite s’inscrivent dans une dynamique de

long terme, soit 40 ans de cotisations et 20 ans de prestations, et que la situation évolue

au fil du temps. Il y a 20 ans on remettait en cause l’existence des régimes publics alors

que maintenant, dans un contexte de taux de rendement et d’intérêt historiquement bas,

on peut être tentés de terminer les régimes privés. En résumé, un bon système de retraite

devrait pouvoir passer le test du temps, ce qui milite en faveur d'un système diversifié.

.

19

Financement et équité

’importants transferts s’opèrent à l’intérieur d’un régime de retraite, aussi bien entre

les membres d’une même génération, comme par exemple en faveur des

prestataires décédant à un âge avancé, qu’entre des générations successives de

participants. Le caractère équitable de tels transferts peut évidemment être questionné.

En fait, la notion de transfert ou d’équité intergénérationnelle n’est pas parfaitement

balisée et différentes situations peuvent y être associées à des degrés divers :

Une cotisation insuffisante reportant une partie du coût d’un régime sur les futures

générations de cotisants;

L’utilisation de surplus ou le renflouement de déficits par une cohorte de participants

n’étant pas nécessairement à l’origine du déséquilibre financier;

ou même,

Une conjoncture économique et financière en évolution qui à cotisations stables se

traduira par des niveaux de prestations variables au fil des ans.

La situation du RRQ a été largement débattue et documentée eu égard à cette question

de l’équité intergénérationnelle. Les résultats présentés au Tableau 5 résument bien la

situation en démontrant que les premières générations de cotisants ont pu bénéficier

d’un taux de rendement implicite sur leurs cotisations plus élevé que les générations

suivantes et ce, bien que toutes les générations dégagent un rendement positif. En fait,

ces estimations ayant été calculées sur la base d’un taux d’intérêt de l’ordre de 7 %, on

peut en conclure que les premières générations ont été bénéficiaires nets du Régime,

alors que les plus jeunes générations se doivent de verser une cotisation plus élevée que

s’ils avaient été tenus de cotiser pour financer leur propre retraite et ce, du fait du sous-

financement du Régime dans ses premières années.

Tableau 5

Taux implicite de rendement du RRQ selon l’année de naissance

Année de Naissance Taux de Rendement

1930 14,5

1950 8,4

1970 5,5

1990 5,1

Source : RRQ. 2009.

Taux de rendement établi sur la base des cotisations salariales versées par les employés.

D

SIXIEME PARTIE

20

Il importe de référer au contexte et aux objectifs poursuivis lors de l’implantation du

Régime pour être en mesure d’apprécier cet état de fait. L’histoire nous rappelle que la

mise en place du RRQ, au même moment que le RPC, est une des mesures introduites lors

de la Révolution tranquille dans un but de modernisation de la société québécoise.

Autrement dit, différentes mesures ont alors été implantées pour répondre à des besoins

importants de différents segments de la population. Ainsi, à titre d’exemple, si les

pensions de retraite ont été bénéfiques pour les générations plus âgées, la réforme de

l’éducation a bénéficié aux jeunes générations. Qui plus est, cet ensemble de mesures a

permis au Québec une avancée significative, tant du point de vue du développement

économique que social.

La situation est radicalement différente aujourd’hui, notamment du point de vue de

l’endettement public. Nous le savons tous, la dette du Québec est importante. Dans ce

contexte, toute bonification du RRQ devrait être financée sur la base d’une pleine

capitalisation, de façon à réduire au minimum le transfert des coûts aux générations

futures. On aura beau dire que l’équité est une notion qui déborde largement la question

financière, ce qui est vrai, il n’en demeure pas moins qu’il y a des limites à ce qu’on peut

pelleter sur le dos des générations futures.

Cela signifie donc que dans un contexte de bonification du RRQ :

Ce n’est que très graduellement, soit sur une période d’une quarantaine d’années,

que les prestations payables à la retraite seraient majorées;

La base de financement des prestations supplémentaires du RRQ serait différente de

ce qui est prévu pour le Régime actuel.

Une telle situation nous confronte au risque politique associé à la mise en place d’un

tel régime, puisque la majoration des cotisations serait immédiate alors que la

bonification des prestations ne serait effective qu’après plusieurs années. 12

12 Il s’agit là d’un élément très important qui est peu compris par la population. Il y a donc un risque

de causer une déception chez les cotisants lorsqu’ils réaliseront comment ça fonctionne et par conséquent d’amener des pressions pour que le financement du nouveau volet du RRQ ne soit pas entièrement capitalisé de façon à pouvoir bonifier les prestations plus rapidement.

21

Longévité

e vieillissement de la population et la maturité croissante des régimes de retraite qui y

est associée sont à la base des problèmes financiers auxquels sont actuellement

confrontés ces régimes.

Indépendamment du type de régime et du mode de financement privilégiés, la retraite

coûte de plus en plus cher du fait de l’espérance de vie qui augmente de façon

importante. Tôt ou tard cela nous amènera à repousser l’âge de retraite ou à repenser

notre mode de transition du travail vers la retraite, optant pour le cumul temporaire de

revenus de travail et de retraite. Malgré cela, la longévité accrue continuera de

représenter un risque important du point de vue de certaines dépenses sociales, non

seulement la retraite mais aussi la santé.

Les gouvernements doivent systématiquement composer avec la pression à la hausse des

coûts de la santé. Au Québec aussi bien que dans le reste du Canada, environ les ¾ des

dépenses de santé sont du ressort public. En matière de retraite, les gouvernements sont

également fortement sollicités, au niveau de la Pension de la sécurité de la vieillesse et du

RRQ/RPC, que ce soit via le Fonds consolidé (revenus de taxes et d’impôts) ou en regard

de charges sociales distinctes (cotisations RRQ…). Bref, une bonne partie des risques

financiers associés au vieillissement sont d’ores et déjà assumés par les gouvernements.

Il importe aussi de prévenir une segmentation de la période de retraite en deux périodes

consécutives que l’on pourrait, pour des fins de simplicité, associer au troisième et au

quatrième âge. Ainsi, les jeunes retraités miseraient sur leurs propres revenus pour

assurer le maintien de leur niveau de vie dans les premières années de leur retraite, avant

d’être pris en charge par l’État à un âge plus avancé alors que leur état de santé et leur

situation financière se détériorent.

Tout cela devrait nous inciter à une grande prudence avant de bonifier le RRQ. En effet,

les coûts associés ne seront pas plus élevés s’ils sont prise en charge « intégralement » par

l’État, mais cela réduirait néanmoins la marge de manœuvre pour s’y adapter et

contribuerait à accentuer le problème des finances publiques. Il y a lieu de se partager la

facture, et les employeurs, travailleurs et retraités seront possiblement plus enclins à

s’ajuster à la croissance de la longévité s’ils en assument plus directement les

conséquences.

L

SEPTIEME PARTIE

22

Gestion des rentes des retraités

a question de la gestion des rentes des retraités est un point névralgique du dossier.

Non seulement, le nombre de retraités augmentera significativement, mais le mode

actuel de prise en charge des rentes de retraités est problématique. Bien que différents

acteurs interviennent dans la gestion des rentes des retraités, l’efficacité avec laquelle ils

peuvent s’en acquitter est questionnable :

État : L’État est bien placé pour verser des rentes aux retraités d’autant plus qu’il est

possible d’aller chercher des revenus supplémentaires advenant une augmentation

des déboursés. Toutefois, il y a évidemment une limite à la capacité de payer de l’État

et tel que mentionné à la section précédente, la longévité constitue un enjeu

important pour les gouvernements.

Employeurs : Les employeurs parrainant un RCR continuent d’assumer des

responsabilités à l’égard d’ex-travailleurs ayant pris leur retraite il y a 15, 20 ou 25

ans. Nous sommes rendus à un point où l’espérance de vie du nouveau retraité est

souvent plus élevée que l’espérance de vie de l’employeur qui a la responsabilité de

verser les rentes. À l’avenir, on ne peut espérer que des employeurs du secteur privé

mettent sur pied des RCR à prestations déterminées dans ces conditions.

Assureurs : Les assureurs offrent depuis de nombreuses années des produits de

rentes garantissant un revenu viager. Toutefois, le coût de telles rentes est souvent

considéré cher par les clients potentiels. De plus, des normes élevées de solvabilité

sont imposées aux assureurs pour mettre en marché de tels produits et en garantir le

paiement. Bref, d’un attrait limité à la fois pour l’acheteur et le vendeur.

Individus : Bon nombre de retraités gèrent eux-mêmes une partie de leur actif

retraite, notamment s’ils n’ont pas été partie prenante à un RCR. Si la retraite idéale

est caractérisée par l’absence de soucis financiers, une telle situation n’est sûrement

pas idéale d’autant plus que l’individu est confronté à la fois au risque de sa propre

longévité et à la complexité croissante des marchés financiers, alors que sa capacité à

gérer ses placements diminue avec l’âge.

Il s’agit donc d’une question fort importante et de portée très large. Elle déborde la portée

du présent texte et sera sûrement d’un grand intérêt dans la foulée des travaux du Comité

D’Amours, d’autant plus que des modèles différents ont cours dans d’autres pays et que

L

HUITIEME PARTIE

23

de nouveaux produits financiers font leur apparition sur le marché nord-américain depuis

quelques années.

Ce qu’il faut retenir, du point de vue de l’opportunité de bonifier le RRQ, c’est qu’une telle

bonification constitue une solution de repli lorsqu’analysée sous l’angle de la gestion des

rentes des retraités. Si nous ne réussissons pas à mettre en place des mécanismes

efficaces de gestion de ces rentes, nous en viendrons, un jour ou l’autre, à considérer

l’élargissement du rôle de l’État, par la bonification du RRQ ou autrement.

24

Conclusion

l ressort de cet exercice que la bonification substantielle du RRQ n’est pas la panacée,

ce qui de toute façon n’existe pas. Bien qu’elle comporte un intérêt, notamment du fait

de la couverture étendue, des faibles coûts d’administration et des caractéristiques

propres aux régimes collectifs, la bonification du RRQ selon les paramètres proposés par la

FTQ et ses groupes associés, nous amènerait à renoncer au caractère mixte et diversifié de

notre système actuel de retraite. De plus, elle hausserait de façon significative les risques

associés à la gestion d’un régime public, notamment le risque politique, et elle aurait pour

effet de transférer sur les épaules déjà bien chargées de l’État Québécois la quasi-totalité

des coûts sociaux associés au vieillissement démographique.

Mais encore faut-il un système qui continuera de bien fonctionner et d’assurer à la totalité

de la population une sécurité financière décente à la retraite. Quatre orientations

principales devraient nous guider dans l’évolution future de notre système de retraite :

Préserver le caractère mixte et diversifié de notre système de retraite

Favoriser le développement de mécanismes collectifs par opposition aux mécanismes

individuels

Revoir de façon importante le mode de gestion des rentes des retraités

Adapter les dispositions des RCR, incluant ceux du secteur public, aux nouvelles

réalités

De façon plus concrète, trois options sont à considérer, la solution d’un nouveau régime

universel public constituant pour ainsi dire la solution de repli.

1. L’option sur la table : Les RVER

Si les RVER constituent en quelque sorte la « solution de base », ils ne doivent pas être

rejetés pour autant, à condition d’y prévoir une cotisation minimale de l’employeur. Une

cotisation de l’employeur créerait un effet de levier rendant le RVER beaucoup plus

attrayant pour l’employé. De plus, une cotisation de l’employeur éviterait de faire du

I

CONCLUSION

25

RVER un régime au rabais pour l’employeur par rapport aux régimes actuels, ce qui

pourrait l’inciter à se soustraire de ses obligations en matière de retraite. C’est un

précédant que d’avoir un régime de retraite sans cotisation employeur. Il faudrait

cependant éviter une contribution particulière de l’État en regard de ces régimes, comme

c’est le cas en Nouvelle-Zélande et en Angleterre, pour encore là éviter un biais favorable

à ce type de régime.

2. L’option à réinventer : Les RCR

Il sera non seulement nécessaire de revoir certaines dispositions des RCR (retraite

anticipée, inflation conditionnelle, partage de coût…), mais il faut aussi repenser

l’ingénierie des RCR ou de notre système de retraite, notamment en ce qui a trait à la

gestion des rentes des retraités. Cela est susceptible de nous rapprocher d’innovations

récentes, comme les régimes à prestations-cibles, les régimes de retraite à financement

salarial et espérons-le, les régimes à grande échelle (modèle néerlandais ou danois).13

3. L’option de repli : Un nouveau régime universel

C’est dans la mesure où les deux premières options ne s’avèreraient pas concluantes, qu’il

serait nécessaire d’envisager la mise en œuvre d’un nouveau régime universel. Plutôt que

de simplement opter pour une bonification du RRQ, il faudrait alors considérer

l’introduction d’un nouveau régime inspiré du RRQ mais s’en distinguant à certains

égards : financement en capitalisation encadré par la loi, rôle fiduciaire confié à une entité

distincte, investissement des fonds par une entité autre que la Caisse de dépôt et

placement, etc.14 L’opportunité d’un régime distinct découle évidemment de l’importance

de la bonification envisagée du RRQ. Ainsi, elle se pose avec beaucoup moins d’acuité

dans la mesure où la bonification du RRQ est modeste.

La FTQ et ses groupes associés prônent une bonification substantielle du RRQ. À l’inverse,

les pourparlers au niveau canadien se fondent sur une augmentation « modeste » du RPC.

Au terme de toute cette grande réflexion à venir sur l’avenir des retraites, il ne faut pas

exclure la possibilité que nous débouchions sur un renforcement des différents types de

régimes de retraite :

L’introduction des RVER pour renforcer les REER et privilégier les REER collectifs au

détriment des REER individuels;

13 Il s’agit là du cœur du mandat confié au comité d’experts présidé par Alban d’Amours.

14 La question de la gestion des fonds est analysée plus en détail dans Pensions 4-2au Québec : Vers

un nouveau partenariat (CIRANO, 2011)

26

Les suites du rapport D’Amours pour régler certains problèmes des RCR et espérons-

le, leur donner une nouvelle vie;

Une modeste bonification du RRQ/RPC ne serait-ce que pour compenser la

détérioration prévisible de la pension fédérale (PSV/SRG) dans les prochaines années.

En complément à ces changements structurels susceptibles d’introduire des coûts

supplémentaires, notamment pour les employeurs, il sera nécessaire de revoir certaines

dispositions de ces régimes, notamment l’âge de retraite et le partage de coût. Le partage

de coût entre employeurs et employés bien sûr, mais aussi avec les retraités via une forme

ou une autre d’indexation conditionnelle.

Bref, les solutions existent. Espérons seulement que nous développerons une vision

partagée de la situation et des solutions possibles, et que nous saurons manifester la

volonté requise pour en arriver à un consensus.

27

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février 2012, (

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3

Rapports Pour discussion… déjà publiés

par le CIRANO

Une analyse de l’application d’indicateurs de développement durable aux villes québécoises

Georges A. Tanguay, Juste Rajaonson, juin 2012

Moral Hazard and the Mounting of a Crisis: A.U.S. Narrative

Robert E. Prasch, Thierry Warin, avril 2012

Les universities québécoises et l’assurance qualité Robert Lacroix, Louis Maheux, février 2012

From one crisis to another: a banker’s perspective

Robert Amzallag, janvier 2012

Canada’s Dairy Supply Management: Comprehensive Review and

Outlook for the Future Maurice Doyon, octobre 2011

The Wall Street Reform and Consumer Protection Act: A Long Lasting Solution to

the Financial Crisis or an Obstacle to Future Recovery? Robert Amzallag, novembre 2010

When China Sneezes, Asia Catches a Cold: the Effects of China’s Export Decline

in the Realm of the Global Economic Crisis Ari van Assche, Alyson C. Ma, juin 2009

Pour un Québec plus vert : Les hauts et les bas de notre situation environnementale

Paul Lanoie, février 2008

Santé : pour des changements en profondeur Claude Castonguay, mai 2007

Le sous-financement des universités québécoises

et une proposition de réinvestissement Robert Lacroix et Michel Trahan, mars 2007

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4

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