Prise en charge d’un enfant brûlé
Olivier Gall
Service d ’anesthésie-réanimation et centre des brûlés
Hôpital d ’Enfants Armand Trousseau. APHP
Introduction
• brûlure grave = 2° cause d ’accidents mortels en France
• 300-400 000 brûlures par an• 10 à 15 000 hospitalisations dont 3000 en centre
de brûlés.
chez l ’enfant • accidents domestiques• projection de liquide
Cas clinique• Leila, 18 mois, a renversé une casserole de lait posée
sur la table de la cuisine• brûlure 2 ° degré intéressant le visage, le cou, la face
antérieure du tronc et les membres supérieurs
Facteurs de gravité
• température du liquide• temps de contact (vêtements)• surface concernée
Critères de gravité de la SFETB : • atteinte de plus de 10 % de la surface cutanée
totale ou atteinte de moins de 10 % associée à :• âge < 3 ans (ou > 60 ans)• inhalation de fumées• 3° degré sur plus de 2 %• localisation : visage, cou, mains, périnée
Facteurs de gravité
• visage+cuir chevelu en totalité = 17 % (9 % chez un adulte)
• face antérieure du tronc en totalité = 13 % (idem adulte)
• 1 paume de main de l’enfant = 1 % (idem adulte)
Paume de la main = 1 %
x 2x 2x 2x 4x 4x 4x 1x 2x 4x 4x 4
= 100%
Tables de Lund et Browder
Conséquences de la brûlure
• fuite plasmatique ++• perte calorique 580 kCal.l-1• réaction inflammatoire locale puis généralisée si
brûlure étendue > 10 - 15 % – dette en O2 – altération de la perméabilité capillaire– choc hypovolémique puis hyperkinétique– stress oxydatif– hypocoagulabilité
• porte d ’entrée bactérienne
Evolution du poids et de la surface cutanée
3 mois 12-15 mois 5 ans 10-11 ans adulte
Poids (kg) 5 10 20 30 75
Surfacecutanée (m2)
0.3 0.5 0.9 1 1.8
P
PSc
90
7)4(
Un nourrisson a une surface cutanée rapportée au poids
beaucoup plus importante qu’un adulte.
1%
94%
12%
78%
25% 30% 30%
67% 65% 60%
Fœtus Nouveau né 6 mois 1 an Adulte
69% 45%30% 25% 20%
25% 33% 37% 40% 40%
GraisseEau extracellulaire
Eau intracellulaire Tissus secs
Répartition des secteurs hydriques
Fuite plasmatique et volume extracellulaire
Nourrisson de 5 kg volume extracellulaire =1500 ml
brûlure à 15 %
perte de 30 ml/h soit 720 ml/jour
50 % du volume extracellulaire
Adulte de 70 kg volume extracellulaire = 15000 ml
brûlure à 15 %
perte de 120 ml/h soit 2880 ml/jour
seulement 20% du volume extracellulaire
Débuter précocément la compensation hydro-électrolytique
Tout nourrisson brûlé à plus de 10 % doit être perfusé
Barrow et al. Rescucitation 2000;45:91-96
time to fluidrescucitation
incidenceof sepsis
renalfailure
% of death withcardiac arrest
mortality
0 – 2 h 12 14 13 14
2 – 4 h 50* 54* 90* 61*
4 – 12 h 77* 59* 100* 91*
Facteurs pronostiques chez l’enfant
• 133 enfants (8 mois-17 ans)
• brûlure graves > 50 % de la SCT
Premiers soins
• abord veineux • avant estimation plus précise de la surface brûlée:
cristalloïdes (sérum physiologique ou RL) 15 à 30 ml/kg en 1 heure
• refroidissement des lésions (hydrogel) ?• réchauffement du patient et monitorage de la T°• analgésie
Analgésie de l’enfant brûlé
Caractéristique de la douleur de la brûlure• composante de douleur de fond : pas nécessairement
très intense au début, grande variabilité interindividuelle• composante de douleur provoquée majeure : abord
veineux, mobilisation, pansement • détresse et anxiété
Avant abord veineux• MEOPA• nalbuphine par voie rectale (0.3 - 0.4
mg/kg)• morphine orale (0.2 - 0.4 mg/kg)• kétamine et hypnotiques : à proscrire
Après abord veineux• morphine titrée• hypnotiques (kétamine, hypnovel) si détresse
persistante malgré ré-injections
Premier pansement
• examen clinique approfondi (lésions associées)• état des voies aériennes • volémie• température• durée de jeûne
Analgésie et sédation pour le pansement
• prémédication orale (morphine + hypnovel)• MEOPA• faible dose de kétamine iv 0.5 -1 mg/kg• interruption du soin si analgésie insuffisante
Brûlure peu importante < 10 % et patient peu algique
• sédation profonde = anesthésie générale avec ses contraintes en termes de jeûne, d ’évaluation pré-anesthésique, de monitorage pendant et après le soin
• hypnotique (hypnovel, kétamine, halogéné…)
• morphinique (morphine ou agonistes liposolubles)
Brûlure plus importante et /ou patient très algique
Le déroulement du soin • désinfection cutanée large
• désinfection de la brûlure
• excision des débris cellulaires et des phlyctènes
• pansement (protection mécanique et antibactérienne, milieu humide favorise la cicatrisation mais aussi la prolifération bactérienne)
• exposition à l’air (réputée plus douloureuse mais pas d’adhérence délétère à la plaie, intéressant pour les zones difficiles à couvrir : visages, mains)
anticiper une nette majoration de la douleur après le soin (prémédication, interdose)
Étapes ultérieures du traitement
• 0 - 48 heures : réanimation hydroélectrolytique
• 0 - 15 jours : recouvrement cutané, épidermisation
• 0 - 2 ans : évolution cicatricielle, prévention des séquelles fonctionnelles, esthétiques et psychologiques
équipe pluridisciplinaire: réanimateurs (anesthésistes, algologues), chirurgiens (fonctionnels et plasticiens), rééducateurs, ergothérapeutes, psychologues,...
Les besoins hydro-électrolytiques : Les besoins hydro-électrolytiques : La règle "La règle "minimumminimum" de CARVAJAL" de CARVAJAL
2.800 ml / m2
4.000 ml / m2
5.000 ml / m2
Brûlurepar m2 de SC brûlée / 24 h
2.200 ml / m2
1.500 ml / m2
2.000 ml / m2
Basepar m2 de SC totale / 24 h
J +J +J 1J 1J 0J 0
La moitié de cet apport doit être administrée La moitié de cet apport doit être administrée dans les 8 premières heures après la brûluredans les 8 premières heures après la brûlure
Réanimation hydro-électrolytique
• 15 - 30 ml/kg la première heure (avant calcul)• formules basées sur la SC et la SCB
constituent des repères utiles mais ne remplacent pas la surveillance clinique
• diurèse horaire (objectif 1 ml/kg/h)• densité urinaire (objectif 1010-1020)• exploration hémodynamique indispensable
chez les patients « non répondeurs »
Recouvrement cutané• épidermisation spontanée : dépend de la profondeur
initiale des lésions• infection = première cause d ’aggravation et
d ’approfondissement des lésions• brûlures 2° profond et 3° degré nécessitent
recouvrement chirugical
Membrane basale
Profondeur de la brûlure
Niveau de
l’atteinte
Aspect clinique Evolution
1° degré couche cornée érythème guérison sans cicatrice en 48 h
2° degré
superficiel
épiderme,
membrane basale
intacte
phlyctènes
socle rosé et suitant
cicatrisation spontanée en 10 jours
2° degré
profond
derme,
persistance d’ilots
de régénération
décollement épidermique
socle pâle avec pétéchies
phanères adhérents
cicatrisation aléatoire en 3semaines
risque majeur de rétraction et
d’hypertrophie
3° degré derme profond aspect sec et cartonné
couleur variable
phanères ne résistent pas
à la traction
cicatrisation impossible
Épidermisation rapide (2° superficiel)
J0
J3J6
J10
Épidermisation incomplète
J10J10 J12J12
Recouvrement chirurgical
• précoce dans les brûlures profondes
• à partir du 10-14 ° jour dans les brûlures dont
la profondeur est incertaine
• autogreffe
• allogreffe (banque de peau)
• substituts cutanés
• cultures de kératinocytes
Brûlures graves
Autogreffe en filet
• dans un délai maximum de 15 jours• en priorité les zones fonctionnelles (main, pli de flexion,
région cervico-faciale…)• sites de prélèvement
– cuir chevelu– racine des membres
Peau greffée
• réinervation progressive à partir de la 2-3° semaine, source de prurit, de paresthésies et/ou de douleurs de type neurogène
• pas de sudation
• dyschromie
• risque d ’inflammation et d ’hypertrophie cicatricielle majoré si greffe tardive
Évolution de la brûlure au delà du 15° jour
• espacement puis arrêt des pansements • kinésithérapie• vêtements compressifs• orthèses de posture• massages de la cicatrice
• douleur persistante en rapport avec la rééducation et la réinnervation
Prévention rétraction et hypertrophie cicatricielle
Ordonnance de sortie
• Palier I
• Palier III à la demande + prise anticipée avant les pansements ou les séances de kinésithérapie
• antihistaminique
• crème émolliente pour massages de la cicatrice au moins trois fois par jour
Conclusion
• accident grave avec des conséquences fonctionnelles, esthétiques et psychologiques parfois dramatiques
• précocité de la réanimation hydroélectrolytique• importance d ’une prise en charge cohérente et
multidisciplinaire dès les premiers jours• tout enfant brûlé devrait être adressé à un centre
de brûlés (orientation initiale des cas les plus graves, orientation secondaire dans les autres cas)
Compression continue
• Vêtement élastique sur mesure
• Masque compressif
• Port permanent pendant 12 – 18 mois
• Renouvellement tous les 3 – 4 mois f(croissance)