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67 Salaires Rattrapage à tout prix Les mobilisations du 20 janvier, du 5 février et du 10 mars ont contraint le gouvernement à rouvrir le dossier salarial, événement qui ne s’était pas produit depuis des années. Les dis- cussions n’aboutissant pas à un accord, Renaud Dutreil annonçait finalement, pour l’année 2005, une mesure unilatérale. A savoir une aug- mentation du point d’indice en deux temps. Ainsi, au 1er juillet et au 1er novembre respectivement 0,5% et 0,3% s’ajoutaient à la revalorisation de 1% déjà acquise antérieurement pour 2005. L’évolution de traitement de 1,8% était calquée alors sur l’in- flation prévue dans le budget 2005. Le dernier indice des prix à la consommation rendu public par l’INSEE atteste une accélération de la hausse des prix. En septembre, pour l’ensemble des ménages, « l’in- dice hors tabac » s’est accru de 0,4% et de 1,7% depuis le début de l’année. La prévision initiale d’inflation va ainsi être dépassée — les prévision- nistes tablent maintenant sur 2,2% — Si aucune mesure n’intervient, la baisse du pouvoir d’achat des salaires et des pensions va s’aggraver en 2005. Les salariés sont d’autant plus pénalisés que le renchérissement du logement est mal pris en compte par l’indice INSEE et qu’ils sont souvent contraints, pour leur exercice profes- sionnel, à des déplacements rendus plus chers par les prix actuels de l’énergie. L’urgence est donc à l’ouverture de négociations salariales. C’est dans ce sens que les organisations syndicales de fonctionnaires (CGC - CFDT - CGT - FO - UNSA – FSU) ont écrit au nouveau ministre de la fonction publique Christian Jacob en n’ou- bliant pas de lui rappeler que « le 4 octobre, pour la troisième fois depuis le début de l’année, les personnels de la fonction publique ont de nouveau participé massivement à une journée nationale de grèves et de manifesta- tions ». DEPUIS 2000, LÉCART SE CREUSE ENTRE LÉVOLUTION DE LINDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION HORS TABAC MESURÉ PAR L’INSEE ET CELLE DES SALAIRES DES FONCTIONNAIRES. LES SALAI- RES DE LA FONCTION PUBLIQUE ONT CERTES AUGMENTÉ UN PEU DEPUIS 5 ANS, ILS NONT CEPEN- DANT PAS PERMIS DE RATTRAPER LÉVOLUTION DE LINFLATION GRANDISSANTE DE CES DERNIÈRES ANNÉES. L’ANNÉE BLANCHE DES SALAIRES, EN 2003, ADAILLEURS ACCENTUÉ LÉCART ENTRE LÉVO- LUTION DES SALAIRES ET LA HAUSSE DE LINDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION. UNE AUG- MENTATION PAR AILLEURS CONTESTÉE PAR LES ASSOCIATIONS DE CONSOMMATEURS QUI NOTENT UNE ÉLÉVATION GÉNÉRALE DES PRIX PLUS IMPORTANTE QUE CELLE ANNONCÉE PAR L’INSEE. L’IMPORTANCE DE LÉCART ENTRE LA HAUSSE DES PRIX ET CELLE DES SALAIRES DES FONCTIONNAIRES JUSTIFIE LES REVENDICATIONS SYNDICALES SUR LE RATTRAPAGE DU POUVOIR DACHAT. Instituteurs, professeurs des écoles inté- grés ou recrutés, professeurs des écoles hors classe: trois échelles de rémunéra- tions existent pour une seule et même pro- fession. Quatorze ans après la création de cette division, l’engagement pris par le gouver- nement, suite à l’action des personnels, de permettre à tous d’être intégrés avant 2007 risque de ne pas être tenu . L’avancement des professeurs des écoles sortis des IUFM est bloqué à l’ancienneté à partir des 7ème ou 8ème échelon, échelons d’intégration des instituteurs. Des enseignants partent en retraite encore instituteurs ou PE n’ayant pas pu atteindre le dernier éche- lon. Les instituteurs retraités attendent leur assimilation. L’accès à la hors classe est limité à un très petit nombre de PE d’au- tant plus quand il s’agit d’accéder à son indice terminal (782), La situation salariale des enseignants, dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat, rend plus urgente la nécessité de recons- truction d’une grille unique pour le corps des PE dont l’indice terminal 782 puisse être accessible à tous. Un même métier une même carrière Evolution comparée du point d’indice fonction publique et des « prix hors tabacs » 0,5 1,6 1,2 1,3 1,3 2,1 1,6 0,5 1,6 1,8 2,2 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 source:DGAFP et INSEE salaires prix

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Salaires

Rattrapage à tout prix

Les mobilisations du 20 janvier, du 5février et du 10 mars ont contraint legouvernement à rouvrir le dossiersalarial, événement qui ne s’était pasproduit depuis des années. Les dis-cussions n’aboutissant pas à unaccord, Renaud Dutreil annonçaitfinalement, pour l’année 2005, unemesure unilatérale. A savoir une aug-mentation du point d’indice en deuxtemps. Ainsi, au 1er juillet et au 1ernovembre respectivement 0,5% et0,3% s’ajoutaient à la revalorisationde 1% déjà acquise antérieurementpour 2005. L’évolution de traitementde 1,8% était calquée alors sur l’in-flation prévue dans le budget 2005.Le dernier indice des prix à laconsommation rendu public parl’INSEE atteste une accélération dela hausse des prix. En septembre,pour l’ensemble des ménages, « l’in-dice hors tabac » s’est accru de 0,4%et de 1,7% depuis le début de l’année.La prévision initiale d’inflation vaainsi être dépassée — les prévision-nistes tablent maintenant sur 2,2% —Si aucune mesure n’intervient, labaisse du pouvoir d’achat des salaires

et des pensions va s’aggraver en2005. Les salariés sont d’autant pluspénalisés que le renchérissement dulogement est mal pris en compte parl’indice INSEE et qu’ils sont souventcontraints, pour leur exercice profes-sionnel, à des déplacements rendusplus chers par les prix actuels del’énergie. L’urgence est donc à l’ouverture denégociations salariales. C’est dans cesens que les organisations syndicalesde fonctionnaires (CGC - CFDT -CGT - FO - UNSA – FSU) ont écritau nouveau ministre de la fonctionpublique Christian Jacob en n’ou-bliant pas de lui rappeler que « le 4octobre, pour la troisième fois depuisle début de l’année, les personnels dela fonction publique ont de nouveauparticipé massivement à une journéenationale de grèves et de manifesta-tions ».

DEPUIS 2000, L’ÉCART SE CREUSE

ENTRE L’ÉVOLUTION DE L’INDICE

DES PRIX À LA CONSOMMATION

HORS TABAC MESURÉ PAR

L’INSEE ET CELLE DES SALAIRES

DES FONCTIONNAIRES. LES SALAI-RES DE LA FONCTION PUBLIQUE

ONT CERTES AUGMENTÉ UN PEU

DEPUIS 5 ANS, ILS N’ONT CEPEN-DANT PAS PERMIS DE RATTRAPER

L’ÉVOLUTION DE L’INFLATION

GRANDISSANTE DE CES DERNIÈRES

ANNÉES. L’ANNÉE BLANCHE DES

SALAIRES, EN 2003, A D’AILLEURS

ACCENTUÉ L’ÉCART ENTRE L’ÉVO-LUTION DES SALAIRES ET LA

HAUSSE DE L’INDICE DES PRIX À

LA CONSOMMATION. UNE AUG-MENTATION PAR AILLEURS

CONTESTÉE PAR LES ASSOCIATIONS

DE CONSOMMATEURS QUI NOTENT

UNE ÉLÉVATION GÉNÉRALE DES

PRIX PLUS IMPORTANTE QUE CELLE

ANNONCÉE PAR L’INSEE.L’IMPORTANCE DE L’ÉCART ENTRE

LA HAUSSE DES PRIX ET CELLE DES

SALAIRES DES FONCTIONNAIRES

JUSTIFIE LES REVENDICATIONS

SYNDICALES SUR LE RATTRAPAGE

DU POUVOIR D’ACHAT.

Instituteurs, professeurs des écoles inté-grés ou recrutés, professeurs des écoleshors classe: trois échelles de rémunéra-tions existent pour une seule et même pro-fession.Quatorze ans après la création de cettedivision, l’engagement pris par le gouver-nement, suite à l’action des personnels, depermettre à tous d’être intégrés avant 2007risque de ne pas être tenu . L’avancementdes professeurs des écoles sortis des IUFMest bloqué à l’ancienneté à partir des 7èmeou 8ème échelon, échelons d’intégrationdes instituteurs. Des enseignants partenten retraite encore instituteurs ou PEn’ayant pas pu atteindre le dernier éche-lon. Les instituteurs retraités attendent leurassimilation. L’accès à la hors classe estlimité à un très petit nombre de PE d’au-tant plus quand il s’agit d’accéder à sonindice terminal (782),La situation salariale des enseignants, dansun contexte de baisse du pouvoir d’achat,rend plus urgente la nécessité de recons-truction d’une grille unique pour le corpsdes PE dont l’indice terminal 782 puisseêtre accessible à tous.

Un même métier une même carrière

Evolution comparée du point d’indice fonctionpublique et des « prix hors tabacs »

0,5

1,6

1,21,3 1,3

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1,6

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InformaTIC

Les TIC à l’école

Pour ce qui est de l’accès des écoles aux TIC,toutes les villes ne sont pas logées à la mêmeenseigne. Certaines sont mieux loties qued’autres. C’est par exemple le cas à Besançonoù les écoles peuvent travailler en réseau etconduire des projets interécoles grâce aucâble et à l’équipement informatique dontelles disposent. Toutes les écoles élémentaireset des grandes sections de maternelle sontéquipées grâce à un partenariat entre la ville,le ministère et les banques régionales quirenouvellent leur parc d’ordinateurs en cédantles anciens à la commune. Cela permet ainside proposer aux élèves des ordinateurs per-sonnels à la maison et de développer le carta-ble numérique « Besançon clic ». A Limoges,les 16 groupes scolaires de la ville sont dotésd’une classe mobile, comprenant des ordina-teurs portables, des casques, une imprimante,un appareil photo numérique, un vidéoprojec-teur et un scanner, chaque élève disposant enoutre d’un bureau virtuel. Ce niveau d’équipement n’est pas sans inci-dence. La pratique de l’outil informatiquemodifie le travail des enseignants en profon-deur. Pour Pascal Robert, directeur d’école àLimoges, « il faut rechercher une continuitéentre cet outil et les activités de la classe ».En même temps « l’outil informatique per-met aussi d’envisager des projets qui seraientimpossibles sans lui ».Les élèves citent de nombreuses possibilités

d’utilisation : « s’écrire entre nous », « s’adresser à tous les élèves ou au maître »,« aller sur nos sites préférés »… De plus, ilne faut pas négliger la dimension du plaisirdes élèves. Quand le résultat du travail s’affi-che sur l’écran, c’est l’accomplissement desefforts fournis.Pour autant, l’appropriation des TIC par lesenseignants ne se fait pas sans difficultés. Lesbesoins en formation et en accompagnementne sont pas à sous-estimer. L’aide du centrede ressources de Limoges — regroupant troistechniciens municipaux, un IMF-TICE, deuxenseignants à mi-temps et un assistant d’édu-cation — a été précieuse pour les enseignantslimougeaux. L’objectif de la formation est d’initier devéritables pratiques pédagogiques avec cesnouveaux outils. A Besançon, les animateursTICE n’ont pas assez de leur emploi dutemps pour répondre à toute la demande. L’offre de formation continue reste trop faiblecomparée à une demande centrée essentielle-ment sur la manière de travailler avec l’outilinformatique et non sur la maîtrise de cetoutil. La formation se passe donc essentielle-ment hors temps scolaire pour aménager lespratiques, pour explorer les logiciels, les sitesqui peuvent correspondre aux besoins desenseignants.

L’EXPANSION DE L’INFOR-MATIQUE NE SE RÉSUME PAS

À UNE AUGMENTATION DU

PARC PRÉSENT AU SEIN DES

ÉCOLES. ENCORE FAUT-IL

DÉVELOPPER DE NOUVELLES

PRATIQUES PÉDAGOGIQUES

POUR TRAVAILLER AVEC

DANS LES CLASSES.CELA PASSE PAR UNE FOR-MATION EXIGEANTE POUR

LES ENSEIGNANTS

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ressource pour l’activité de l’élève »analyse Thierry Piot, maître de confé-rences en sciences de l’éducation àl’université de Caen. Cela favorise uneapproche différenciée de la pédagogie.Ce changement de relation maître /élève pour les savoirs modifie aussi larelation d’autorité et l’organisation del’espace au sein de la classe. Ces évo-lutions signifient-elles que l’informati-que est en train de devenir un outil per-tinent pour contribuer à résoudrel’échec scolaire ? « En fin de compteil faudra chercher à construire dessituations d’apprentissage qui puissentvraiment aider les élèves en difficulté àréussir » conclut Thierry Piot.

des enseignants du primaire déclarents’être formés eux-mêmes à l’usage desTIC et estiment que les carences en for-mation constituent l’obstacle majeur àleur intégration plus large dans lespratiques ». C’est en grande partiegrâce à un investissement personnel etune autoformation des enseignants quel’usage des TIC se développe à l’école.Le SNUipp estime que tous les besoinsd’actualisation des connaissances desenseignants doivent être couverts dèslors qu’ils sont en lien avec l’activitéprofessionnelle. Le SNUipp s’estadressé au ministre pour lui demanderune ouverture de discussion sur lesfrais d’équipements et de documenta-tion des enseignants. Sur le plan de lapédagogie, l’outil informatique créeune nouvelle relation entre l’élève etles apprentissages, ce qui modifie laposture de l’enseignant. Ce dernierdevient « un facilitateur, une personne

introduction de l’infor-matique à l’école répond à

des enjeux culturels, éducatifs et éco-nomiques. L’équipement matériel desécoles est dépendant des collectivitéslocales dont les investissements, pourl’informatisation, varient de l’une àl’autre. Selon une étude ministériellede décembre 2004, « 65% des ensei-gnants du primaire estiment que l’équi-pement est à la fois accessible et dequalité acceptable pour leurs élèves ».Mais si le taux de satisfaction est rela-tivement élevé, d’énormes disparitéssubsistent encore sur le terrain selon lescommunes. L’expansion de l’informa-tique ne se résume pas à une augmenta-tion du parc présent au sein des écoles.Encore faut-il développer de nouvellespratiques pédagogiques pour travailleravec dans les classes.Cela, passe par une formation exi-geante pour les enseignants, afin qu’ilspuissent maîtriser les outils et lescontenus. Mais les moyens de l’éduca-tion nationale restent bien en-deçà desambitions affichées, comme en attestel’étude ministérielle : « les deux tiers

L’

Le B2i, officialisé par le BO n°42 du 23 novembre 2000, mais dont la mise en placeest progressive depuis la rentrée 2002, en cours de généralisation pour son pre-mier niveau à l’ensemble des élèves de l’école primaire. Chaque élève doit êtretitulaire de ce brevet à l’issue du CM2. Il atteste que les élèves savent utiliser demanière autonome l’outil informatique pour lire et produire des documents,rechercher des informations et communiquer grâce à une messagerie électronique.Cette validation s’effectue tout au long des cycles de l’école primaire. A la sortiedu collège, les élèves obtiendront le B2i 2ème niveau. Ce dernier complète lescompétences acquises au primaire. Aujourd’hui, le ministère étudie la créationd’un B2i 3ème niveau destiné au lycée.Sur le plan de la formation des maîtres, les IUFM expérimentent depuis la rentréedernière un C2i « enseignant » validant les « compétences professionnelles communeset nécessaires à tous les enseignants pour l'exercice de leur métier dans ses dimensionspédagogique, éducative et citoyenne ». Il est envisagé de le rendre obligatoire.L’obtention du C2i « enseignant » conditionnera alors la validation de la forma-tion des futurs maîtres.

Du brevet informatique et internet au certificat enseignant

Un outil pour apprendre

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Servicepublic

Rééquilibrer les territoires

L’égalité républicaine, la solidaritéet la cohésion sociale ? Pour y accé-der, visiblement, la route est longue.En effet, entre territoires subsistentencore des disparités de diversesnatures en matière de moyensconsacrés à l’éducation.Budgétaires, tout d’abord, puisquel’enveloppe allouée à ce domainepeut varier considérablement d’unecommune à l’autre. Si certainesbénéficient de locaux flambantneuf, et trouvent, en sus, la possibi-lité de financer nombre d’activitésde loisirs au sein de l’école, d’au-tres engloutissent leurs maigresmoyens, dans la seule rénovation declasses dégradées, le remplacement,au compte-gouttes, d’un matérielobsolète. La seule étude réalisée,dont les résultats restent jusqu’à cejour noncontestés, est celle duSNUipp montrant un écart de 1 à 10entre les crédits communaux. LeSNUipp préconise comme solutionl’établissement d’un cahier descharges définissant l’équipementindispensable dont devrait disposerchaque école et la constitution d’un

fonds national de péréquation pourréduire cette inégalité. Par ailleurs, depuis vingt ans, lesinégalités entre territoires enmatière de revenus, patrimoine sco-laire et culturel se sont encore ren-forcées. Ceci n’est pas sans poserproblème au regard des program-mes scolaires. Pour exemple, lanatation scolaire, la pratique destechniques de l’information sontobligatoires; or dans certainsendroits le manque d’équipementssportifs et numériques rendent lestextes inapplicables. Même si les écoles rurales œuvrent,de leur côté, pour rompre l’isole-ment géographique et culturelauquel elles sont confrontées, lamission de compenser ces dispari-tés, d’œuvrer dans le sens d’unrééquilibrage entre les territoiresrevient avant tout aux servicespublics. La question des rééquili-brages territoriaux se pose aussipour les zones urbaines sensibles. Ilest temps aussi que l’institutions’interroge sur les dispositifs spéci-fiques mis en place pour réduire les

inégalités, les ZEP,afin qu’ils remplis-sent pleinementleur mission. Entreles bonnes volon-tés activées àl’échelle locale —mais toutes les col-lectivités ne fontpas les mêmes choix en matière depolitique éducative — et les déci-sions ministérielles prises de lacapitale, le lien n’est pas toujourscréé. La question de l’articulationde l’action de l’Etat avec celle dulocal, l’avis des acteurs de terrain etdes usagers sont des enjeux pour leservice public. D’où la solution demener, pour les pouvoirs publics,une politique de solidarité territo-riale tout en appuyant les initiativescomplémentaires prises par descommunes ou des communautés decommunes.

a demande sociale envers l'école esttrès forte. Chaque parent sait que c'estl'avenir des jeunes qui est en jeu. Le

système éducatif a permis ces 30 dernièresannées, une élévation générale du niveau desqualifications. Les jeunes sont scolarisés pluslongtemps et plus massivement mais l'échecscolaire demeure de façon insupportable. Ladémocratisation du système éducatif resteencore à faire pour assurer la réussite de tous.L'existence et le développement d'un servicepublic, laïque et national d'éducation, sont doncun enjeu important face aux évolutions de notresociété. Pour les élèves et leurs parents, l'écoleet plus généralement les services publics, incar-nent, au travers d'un lien social fort, une aspira-tion à plus d'égalité et de solidarité. Pourtantl'école, la poste, la SNCF, les impôts, la santé,etc... sont victimes du désengagement de l'Etat

et del'invesont causeprivaveut des stiqueAu ragnanpour tion eZEP,notamd'éduqué là se mservi

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Avec ses 30 000 habitants, la commune de Guéret dans la Creuse est devenue, le 13novembre 2004, le symbole de la défense et du développement des services publics. Cejour-là, plusieurs milliers de personnes représentant usagers, élus, associations, syndi-cats, partis politiques, s’étaient donné rendez-vous dans la capitale des Monts de Guéretpour soutenir 260 élus. 260 élus creusois (dont 28 maires de toutes tendances) démis-sionnaires de leur mandat ; ils les avaient remis au préfet pour dénoncer la fermeture,sans concertation, des perceptions de cinq cantons du département.Ce mouvement organisé par le collectif creusois de défense et de développement desservices publics auquel la FSU est associée depuis le départ, dénonçait la désertion desservices publics dans les zones rurales. Depuis plusieurs années ces dernières subissentun « désengagement en matière de services publics qui remet en cause les conditionsde vie des populations » : écoles, postes, gares ou perceptions ferment tour à tour.L’actualité récente a rappelé la pertinence des exigences exprimées dans la Creuse : pri-vatisations de la SNCM, d’EDF, de régies municipales de transports publics…Comment construire plus d’égalité et de solidarité sans les services publics ? Cettequestion fondamentale posée à Guéret a trouvé des prolongements dans le mouvementsocial au travers d’autres actions à Guéret même, en France, mais aussi à Bruxellescapitale d’une Union européenne prescriptrice en matière d’organisation des servicespublics.

« Pas d’égalité ni de solidaritésans les services publics »

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et des politiques de réduction de l'emploi et del'investissement public. Les grandes solidaritéssont mises à mal. La cohésion sociale est encause. Face à l'ouverture à la concurrence et auxprivatisations de services publics, le SNUippveut contribuer avec la FSU au rassemblementdes salariés et des usagers pour contrer les poli-tiques de démantèlement des services publics.Au rassemblement des parents et des ensei-gnants pour développer, transformer l'écolepour la réussite de tous. Améliorer la scolarisa-tion en maternelle, relancer la politique desZEP, développer partout sur le territoire etnotamment en milieu rural le service publicd'éducation. C'est ce que le SNUipp a revendi-qué le 4 octobre dernier . Ce pourquoi il appelleà se mobiliser lors de la manifestation pour lesservices publics le 19 novembre prochain.

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Extrascolaire

Un accompagnement scolaire,des accompagnements scolaires ?

L’accompagnement scolaire est l’une desformes les plus courantes de l’activité péris-colaire. Dominique Glasman, professeur desociologie à l’univeristé de Savoie et auteurd’un rapport réalisé pour le haut conseil del’évaluation de l’école*, regroupe sous ceterme « l’ensemble des dispositifs exté-rieurs, mis en place pour aider les élèves àfaire leur travail scolaire et leur apporterun appui censé les aider pour l’accompa-gnement à la scolarité ». Cette dénomination recouvre des organisa-tions et des objectifs bien différents selonles lieux, les partenaires. Le dispositif « unbon coup de pouce », présent dans de nom-breux départements et animé par l’associa-tion de la fondation étudiante pour la ville, afait le choix de s’adresser à des élèves endifficulté, du CP à la troisième, pour lesmotiver, les valoriser et cela gratuitement.Ainsi, à Vannes, Lorient, et Hennebont dansle Morbihan, ce dispositif prévoit qu’uneétudiante bénévole accompagne individuel-lement un enfant durant deux heures, unefois par semaine, à son domicile, en pré-sence d’un parent au moins.

« On travaille sur les attitudes face auxapprentissages, l’aide aux devoirs peut êtreune forme de support, c’est tout », préciseEmmanuelle Allain la coordonnatrice dudispositif. L’activité peut tout aussi bien êtreconsacrée à un jeu de société. Mais force est de constater que les devoirsrestent la priorité et ce, de la part desenfants qui veulent soit très bien faire, soits’acquitter de cette obligation scolaire.Ainsi, parmi les dispositifs, beaucoup sontexplicitement appelés « aide aux devoirs ».On peut s’interroger sur les effets de cesaccompagnements scolaires. Au niveau desrésultats, ces données sont difficilementquantifiables. Dominique Glasman a cepen-dant observé que plus les dispositifs sontcentrés sur le travail scolaire, plus ilsauraient une incidence sur les résultats. Ilajoute que « s’il y a modification du rap-port à l’école et au travail, cela a de gran-des chances d’avoir des effets favorables ».

« S’IL Y A MODIFICA-

TION DU RAPPORT À

L’ÉCOLE ET AU TRAVAIL,

CELA A DE GRANDES

CHANCES D’AVOIR DES

EFFETS FAVORABLES »

LA PLACE DES ACTIVITÉSPÉRISCOLAIRES DANSL’ÉDUCATION DE L’EN-FANT DOIT INTERROGERLES POUVOIRS PUBLICSSUR LEURS OBJECTIFS ETLEUR MISE EN ŒUVRE.L’ÉTAT NE DOIT-IL PASINVESTIIR LE TEMPS HORSSCOLAIRE ENRÉAFFECTANT NOTAM-MENT AU SERVICE PUBLICDES MOYENS CONSACRÉSÀ L’AIDE AUX COURS PARTICULIERS

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rôle de l’école ». De plus en plus cen-tré sur les élèves en difficulté, l’accom-pagnement à la scolarité a introduit lapossibilité d’une prise en charge desenfants par des acteurs extérieurs àl’école publique. La tentation d’unedélégation au secteur marchanddevient d’autant plus grande que l’Etatpoursuit son désengagement financier,alourdissant tout particulièrement lacharge qui incombe aux communes lesplus pauvres, notamment en zonesrurales. Le risque étant de ne plusgarantir l’égal accès des enfants àl’éducation, non seulement pour desraisons de budget, mais également pourcause de désintérêt à l’égard des enjeuxscolaires. Le haut conseil de l’évalua-tion de l’école, propose que l’Etatinvestisse le temps hors scolaire enréaffectant notamment au servicepublic des moyens consacrés à l’aideaux cours particuliers.

Les contrats éducatifs locaux ont huit années d'existence. Ilssont signés entre les représentants de l’Etat et les collecti-vités territoriales pour une durée de trois ans. Sept objectifsgénéraux leur ont été fixés : le développement de l’inventi-vité et des aptitudes logiques ; le développement de la curio-sité et de l’esprit scientifique, l’aptitude à la communica-tion, la connaissance de son corps et sa maîtrise, le dévelop-pement de la sensibilité et de la créativité, l’amélioration desrésultats scolaires, l’apprentissage de la vie collective et dela citoyenneté.Au 1er janvier 2004, un quart des communes françaises sontimpliquées dans un CEL dont trois quarts des villes de plusde 100.000 habitants. De fait, 41 % de la population fran-çaise vit dans une commune ayant signé un CEL, mais cetaux de pénétration atteint presque 50 % pour les villes deplus de 10.000 habitants et plus de 83 % pour les agglomé-rations de plus de 100.000 habitants.Ils concernent environ 20% de l’ensemble des établisse-ments français dont 83% sont des établissements du premierdegré et 15,3% sont en ZEP/REP (2 103 établissements).

es élèves passent environ 1000heures par an dans l’école, et

4000 en dehors. Ce temps hors sco-laire est aussi un temps où l’enfantapprend, ce que l’enseignant ne peutignorer. Et ce d’autant plus que lesmutations de la société française élar-gissent sans cesse la définition et l’en-jeu des activités périscolaires.Aujourd’hui de nombreux élèves pra-tiquent en dehors de l’école des activi-tés diverses. Elles peuvent avoir uneincidence sur la scolarité de l’enfant.Une étude de la direction de l’évalua-tion et de la prospective (DEP) révélaitainsi en 2004 que les élèves ayant sim-plement une activité manuelle ou cul-turelle en dehors de l’école accèdentau CM2 sans redoubler dans près de92 % des cas. 77,6 % des enfantsn’ayant pas d’activité extrascolaireautre que la télévision y parviennent.Même si la DEP ne conclut pas à unecorrélation automatique entre activitéhors scolaire et réussite en classe (lapratique d’une activité relevant large-ment de l’appartenance sociale quiconditionne plus directement la scola-rité) la place des activités périscolairesdans l’éducation de l’enfant doit inter-roger les pouvoirs publics sur leursobjectifs et leur mise en œuvre. Dès la création de l’école primaire, ce

L

sont les communes, assistées par lesmouvements associatifs qui, de leurpropre initiative, se sont chargées desactivités de garderie et d’étude surveil-lée. Les premiers textes législatifsencadrant une intervention de l’Etatdatent de 1984. Cette intervention sefait par petites touches successives,notamment par le biais du ministère dela jeunesse et des sports, pour piloter lagestion de ces activités. En 1998, ontété créés des contrats éducatifs locaux(CEL), dans le cadre de la politique dela ville. Ces derniers avaient notam-ment pour objectif de développer l’ac-compagnement à la scolarité, enréponse aux inquiétudes croissantesliées à l’échec scolaire. Au risque,selon le sociologue DominiqueGlasman, « de vouloir faire de l’ac-compagnement à la scolarité une remé-diation scolaire, alors que la prise encharge des élèves en difficulté, c’est le

Contrat éducatif local, késaco ?

« L’enfant apprend aussi hors de l’école »

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uand Gilles de Robien écrit auxenseignants pour leur « redonnerconfiance » il se veut louangeur

certes, puisque c'est l'intention. Il donne parlà-même une vision du métier qu'ils « ontchoisi, un métier qui donne beaucoup dejoie, mais exige tant de qualités, d'efforts etbien des servitudes ». Les intéressés pour-ront sans doute y retrouver une part de leurvécu et des sentiments qui les animent. Al'inverse, il est moins sûr qu'ils soient aussi« persuadés » que leur ministre « qu'unefois encore », ils sauront « épouser notreépoque et assurer un service public authen-tique ». Non pas qu'ils rechignent à le faire,la preuve en est déjà fournie, mais ils dou-tent que la mission assignée puisseaujourd'hui être accomplie par la seule vertud'un appel à leur bonne volonté. Si l'impli-cation et l'engagement professionnel desenseignants reste indispensable, il n'a jamaissuffi et encore moins aujourd'hui. « En 23 ans, j'ai pu voir les choses évoluer,des choses positives, d'autres moins maisauxquelles on n'a pas donné les moyensd'aboutir. Les enjeux de notre travail sonténormes. » Pour Catherine, directriced'école en REP dans le Pas-de-Calais, « Ilne s'agit pas que des apprentissages, on serend bien compte que l'on doit former desenfants à être adultes ». Comme en écho,Pascale, institutrice dans la région pari-sienne « pense qu'on attend (des ensei-

Q

Enseigner très reven d

FACE À LA MONTÉEDES EXIGENCES

ENVERS L’ÉCOLE,L’ENGAGEMENT DES

ENSEIGNANTS NE SUFFIT PAS.

ANALYSE DES CONDITIONS DU

MÉTIER.

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gnants) des choses qu'ils auraient complète-ment la possibilité de faire si on leur en don-nait les moyens. Vu les conditions dans les-quelles on travaille, on a de moins en moinsle temps et la possibilité d'apprendre ce quiest du registre du savoir faire, savoir devenir,savoir être. Justement, apprendre à être, je nesais pas non plus si c'est vraiment l'objectifde ceux qui nous dirigent... »

Inflation d’exigences envers l’école

Les enseignants ne sont pas les seuls à témoi-gner. Tous les observateurs soulignent com-bien les exigences envers l'école primaire necessent d'augmenter à tel point que cetteinflation semble ne plus être maîtrisée. Au-delà des seuls programmes qui précisent lesobjectifs d'apprentissage pour les langues, lestechnologies de l'information et de la com-munication, les arts, la littérature de jeunesse... d'autres exigences ont pris pied dansl'école, de l'évaluation à la scolarisation desenfants en situation de handicap, dernière endate.Mais, première exigence entre toutes, c'est laprise en compte de l'élève par l'école et lesenseignants qui participe depuis longtemps àla mutation de l'école et du métier d'ensei-gnant. François Dubet, sociologue et direc-teur à l'école des hautes études en sciencessociales de Paris, rappelle comment, d'unpoint de vue historique, « paradoxalement,l'école élémentaire qui était le coeur le plusvif de l'école républicaine a mieux engagécette mutation en centrant son activité sur letravail de l'élève et le développement de l'en-fant. Les instituteurs ont assez fortementtransformé la conception qu'ils avaient deleur métier en prenant en charge nombred'objectifs et de manières de faire ».L'objectif de réussite de tous les élèves,adjoint à cette préoccupation de longue date ,place chaque enseignant dans un senti-ment d'impuissance, voire de souffrance.Hétérogénéité des élèves,

effectifs surchargés

Comment faire pour repérer les difficultés dechaque élève, élaborer et mettre en oeuvre lesstratégies pédagogiques susceptibles d'yremédier quand l'hétérogénéité des élèves estplus forte et, petite parenthèse, quand leseffectifs sont surchargés ? C'est cette préoc-cupation au coeur de l'activité qui rend impé-rative la nécessité d'une professionnalisationdu métier d'enseignant. Devenir un ensei-gnant « professionnel » nécessite d'acquérirdes compétences particulières « parce quel'autonomie rend possible et nécessaire deconstruire des stratégies efficaces plutôt quede suivre des règles édictées par l'autorité ».Philippe Perrenoud, sociologue à l'Universitéde Genève rappelle ainsi que « ces compé-tences doivent s'appuyer sur des savoirs spé-cifiques, pas seulement les savoirs à ensei-gner mais les savoirs de la didactique et plusglobalement des sciences de l'éducation, quiportent sur les processus d'enseigne-ment et d'apprentissage». « Il faut

r : un métiern diqué

Le travail en équipe selon Perrenoud.

« La coopération découle d'une pensée stratégique, d'un calculrationnel. Il ne s'agit pas de se fondre dans une communauté, maisde construire des acteurs collectifs capables, notamment, deconcevoir une organisation optimale du travail. Pour lutter contrel'échec scolaire, pour développer la citoyenneté, pour travailler encycles d'apprentissages, pour différencier l'enseignement, il fautdavantage de cohérence et de continuité éducative, donc davan-tage de concertation et de collégialité. La formation des ensei-gnants devrait aujourd'hui préparer à travailler en équipe de façonbanale, dans toutes sortes de configurations, avec toutes sortes departenaires. Il faut évidemment que le système éducatif soit égale-ment en mouvement, traite les équipes comme des interlocuteursprivilégiés et reconnaisse certaines formes de responsabilité col-lective. »Philippe Perrenoud, sociologue à l'université deGenève.

Les enseignantsdoutent que lamission assignéepuisse aujourd'huiêtre accomplie parlla seule vertu d'unappel à leur bonnevolonté. Si l'impli-cation et l'engage-ment professionneldes enseignantsrestent indispen-sables, ils n'ontjamais suffi etencore moinsaujourd'hui

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apprendre à mobiliser sur le terrain, aussi bien pour agir àbon escient que pour réfléchir sur l'action et apprendre de

l'expérience »

Formation initiale et continue

Tout concourt donc à faire de l'enseignant ce que le SNUipp et biend'autres appellent un « concepteur » de qui l'on peut attendre respon-sabilité et professionnalité dès lors qu'on lui en donne les moyens. D'abord, par une définition et une clarification de ses missions. « Queveut dire enseigner aujourd'hui dans certains quartiers ? Est-on grandfrère, assistante sociale, psychologue ? Le croisement des missionsbrouille le sens du métier ». Frédéric Saujat, maître de conférences ensciences de l'éducation à l'IUFM d'Aix-Marseille insiste pour que« l'institution opte pour une école à responsabilité limitée, alors quela tendance actuelle est de charger toujours plus la barque de l'école»Ensuite, par la formation initiale et continue qui on l'a compris « estun levier de la professionnalisation du métier d'enseignant » auregard des exigences requises en matière de savoirs et de compéten-ces pour l'enseignant. On en est encore loin aujourd'hui.

Transformer le métier ne peut se conçevoir en étant seul

Enfin transformer le métier, le professionnaliser, faire laclasse ne peut se concevoir en étant seul . De cette ensei-gnante qui affirme « seule je n'arrive pas à tout faire » àcelui qui répond « dans une entreprise, on ne tedemande pas si tu t'entends bien avec tes collègues, ilfaut travailler en équipe », tous reconnaissent la néces-sité de concevoir, élaborer et faire àplusieurs. Pour faire réussir tous lesélèves, il est devenu incontournablede porter des regards multiples sur l'en-fant, ses échecs et ses réussites, d'analysercollectivement les situations pédagogiques fruc-tueuses, les lacunes et les échecs qui font mal.Sans compter que l'équipe éducative s'estagrandie...jusqu'aux parents.Le statu quo n'est pas de mise, l'école, les enseignantsattendent des pouvoirs publics les aides, lesmoyens et le temps nécessaires pour exer-cer leur métier.

« Mais, première exigence entre toutes,c'est la prise en compte de l'élève parl'école et les enseignants qui participedepuis longtemps à la mutation de l'écoleet du métier d'enseignant »

Quelques propositions.pour transformerle métier :

Pour donner aux enseignants les moyens d'ana-lyser ce qui se passe dans la classe, un travailcomplexe, il faut du temps, du recul. Le SNUipppropose d'accroître le temps de formation et depermettre aux enseignants d'accéder à la diffu-sion des avancées de la recherche, d'accompa-gner les équipes...Des enseignants concepteurs, un fonctionnementdes écoles qui ne peut se penser au travers d'unmodèle unique, des exigences multiples, leSNUipp met en avant la revendication de « plusde maîtres que de classes ».Dès maintenant il faut porter à trois heures letemps hebdomadaire de concertation inclus dansle service des enseignants, diminuer le tempsd'enseignement des maîtres sans abaisser celuides élèves. Il est nécessaire de développer le tra-vail en équipe pour multiplier les regards surl’élève, pour enseigner la totalité des program-mes, pour assouplir et diversifier les fonctionne-ments et pour rompre avec la solitude de l'ensei-gnant dans sa classe.

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Rased

Deux sujets ont suscité le débat dansl’atelier animé par Christine Brisset etChristine Berzin, les difficultés ren-contrées lors de la collaboration entreenseignants spécialisés et non spécia-lisés et l’amélioration de la formationà apporter afin d’accroître cette colla-boration.Les difficultés de collaboration soule-vées pour les enseignants du réseausemblent identiques à celles rencon-trées pour des enseignants spécialisésnon RASED (SESSAD, CMPP…) :la non-officialisation du temps deconcertation. Christine Brisset rap-pelle qu’une étude datant d’une ving-taine d’années soulignait déjà le faitque la collaboration se base sur labonne volonté.Selon une psychologue scolaire, cettedifficulté est aussi liée à l’habitude dutravail en équipe. Pour y remédier, leréseau où elle exerce met en place uneanalyse de pratiques entre les ensei-gnants des écoles et les membres duréseau. Une enseignante non spécialisée sequestionne sur la stigmatisation desélèves séparés de la classe pour l’aidespécialisée. Elle préfèrerait une pré-sence des maîtres E au sein des clas-ses. Mais comme le fait remarquerune psychologue scolaire, les élèvessavent qu’ils sont en difficulté, « il nefaut pas les berner » en évitant de lessortir ponctuellement des classes.C’est la manière dont on les sort de laclasse qui est importante. Enfin

Christine Brisset revient sur lesmoyens, sur le temps nécessaire pourpenser la collaboration entre les maî-tres E et les enseignants des classes.L’autre sujet abordé durant l’atelierest l’impact de la formation dans cettecollaboration. Pour Christine Berzin,la différence de contenus de la forma-tion initiale et de la formation spécia-lisée amène des approches différentesde la difficulté scolaire. Les apportsde la psychologie sont peu abordés enformation initiale, au contraire de laformation spécialisée.Un enseignant stagiaire CAPA-SH,déplorant la réduction de la formationà 16 semaines, trouve que celle qu’ilsuit actuellement ne devrait pas êtreréservée aux seuls enseignants spécia-lisés, notamment pour la notiond’étayage qui y est développée. Cepropos est appuyé par ChristineBerzin qui qualifie l’étayage de fon-dement même du métier d’enseignant.

a collaboration entre les membres duréseau d’aide et les enseignants exer-çant dans les classes est très diversedans ses formes. Sa mise en œuvreau quotidien soulève de nombreusesinterrogations. Comment dégager letemps de concertation nécessaire à

cette collaboration ? Comment améliorer laformation pour améliorer cette collaboration ? Par ailleurs on assiste depuis quelques années àun désintérêt de l’institution envers le Rased.De nombreux réseaux sont incomplets, les fraisde déplacement des personnels ne sont pas inté-gralement pris en charge… Quelle sera la placedes réseaux d’aide lors de l’application duPPRE ?

L

olaine Protto, maître E en réseau.

Pour Yolaine qui relate son expérienced’intervention à l’intérieur même d’une

classe, « Il faut du temps pour construire deschoses ensemble ».L’an dernier à Hussigny dans le nord de la Lorraine,Yolaine Protto, maître E en réseau, a collaborédurant un trimestre avec une enseignante au seind’une classe de CP-CE1. Une difficulté est apparueau sujet de la place de chacun « qui fait quoi ? »selon le type d’intervention « aide méthodologiqueou projet pointu et précis ». Cette place des deuxenseignants questionne, par exemple, sur « quidevient le référent de la loi lorsque deux ensei-gnants sont présents ? », deux enseignantsn’ayant pas forcément les mêmes exigences derègle de vie de classe. Lors des interventions de Yolaine, le groupe origi-nel d’élèves devant bénéficier de son aide s’estélargi à d’autres élèves en difficulté lors de sa pré-sence au sein de la classe. Mais cette forme de col-laboration s’est arrêtée car son efficacité n’était passuffisante aux yeux des deux enseignantes, faute detemps de concertation pour la préparer. « Il faut dutemps pour se parler, pour construire des chosesensemble ». Par contre si ce temps de concertationétait institutionnalisé, « on pourrait inventer pleinde choses en terme de collaboration ».

MODALITÉS DE COLLABORATION ENTREENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS ET NON-SPÉCIALISÉS.

ATELIER ANIMÉ PAR CHRISTINE BRISSET ETCHRISTINE BERZIN.

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Y

Difficilecollaboration !

«Pour

ChristineBerzin, la dif-

férence decontenus de laformation ini-tiale et de laformation spé-cialisée amènedes approchesdifférentes dela difficulté

scolaire»

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•« Quelle place pour les interac-tions entre pairs dans les apprentis-sages à l’école maternelle ? »,Spirale, numéro spécial sur l’écolematernelle, (à paraître)

• « Modalités de collaborationentre enseignants spécialisés etéquipes pédagogiques. Quelsbesoins en terme de formation àl’IUFM d’Amiens ? », la nouvellerevue de l’AIS, Suresnes, CNEFEI, (2005)

• « La recherche en éducation . Del’ignorance totale à sa reconnais-sance partielle par les syndicats etassociations », perspectives docu-

mentaires en éducation,numéro 55/56, (2002)

Quelles sont les représentations de la difficultéscolaire chez les enseignants spécialisés (maîtresE) et les enseignants non spécialisés (adjoints enclasse) ?Chez les enseignants non spécialisés, la référence à lanorme est relativement importante, ils jugent souventla difficulté de l’enfant par rapport à certains conte-nus attendus en terme d’acquisition scolaire. Lesmaîtres E se distancient davantage de cetteréférence normative en question-nant le statut de la difficulté,ses origines et la prennentdavantage en comptecomme constitutive dudéveloppement. Ils utili-sent souvent l’expresion« métier d’élève » en ne s’intéressant pas simple-ment aux performances des élèves, mais aux condi-tions dans lesquelles ces élèves sont amenés à répon-dre aux exigences scolaires, ce qui fait très explicite-ment partie de leurs missions dans les textes.

Est ce que cela débouche sur des conceptions dif-férentes du rôle de l'enseignant par rapport àl'élève en difficulté scolaire ?Oui sans doute, car en lien avec le métier d’élève, lesenseignants spécialisés ont un souci d’interventionplus au niveau métacognitif auprès des élèves parrapport aux enseignants non spécialisés qui sont plussouvent préoccupés par les contenus, les notions àfaire acquérir au regard de l’âge de l’enfant ou d’unprogramme à respecter.

Quelle représentation les enseignants ont-ils del'aide spécialisée ?Pour les maîtres E, l’aide spécialisée s’adresse autantaux élèves qu’aux enseignants. Ils se considèrentcomme dispositif ressource à la fois pour l’élève etl’enseignant. Alors que pour les enseignants non spé-cialisés l’aide est davantage centrée sur l’élève. Deplus, malgré les efforts de part et d’autre, les ensei-gnants non spécialisés éprouvent souvent des diffi-cultés à définir les missions exactes de leurs collè-gues du réseau d’aide.Une collaboration entre les enseignants spécialisés etles non spécialisés à l’intérieur même des classes est-elle mise en œuvre ?L’intervention des maîtres E à l’intérieur même desclasses existe mais reste très marginale. Les ensei-

gnants non spécialisés ne s’y montrent pas opposés.Ils insistent sur la nécessité de travailler ensemblemais avec du temps pour définir et préparer leursinterventions et pour spécifier clairement quel seraitle rôle de chacun. Pour les maîtres E, cela suscite parailleurs beaucoup d’interrogations sur la question dela répartition des rôles et de la façon dont leur pré-sence pourrait être vécue par les autres élèves de la

classe.

Quelles sont les demandesdes enseignants afind’améliorer cette colla-boration ?

Ils estiment nécessaire laconstruction d’un lien entre les

interventions du maître E et celles dumaître de la classe afin de pouvoir collaborer dans unsuivi au long cours. Certains lieux sont identifiéspour permettre cette collaboration, comme par exem-ple les conseils de cycle, mais ils restent le plus sou-vent centrés sur le choix des élèves qui doivent béné-ficier d’aide. Donc les rencontres pour le suivi decette aide et l’articulation des interventions sont trèsinformelles et aléatoires, la plupart du temps « entre deux portes ». Cela pose la question de l’ins-titutionnalisation de réunions de synthèse entre l’en-seignant de l’élève et le maître E.

Quelles autres pistes proposez-vous pour l’amélio-rer ?Cela touche aux modalités de la formation initiale oude la formation spécialisée. Il faudrait développerdavantage, à l’IUFM, une certaine transversalité, parexemple dans la connaissance que l’un a de l’autre,peut-être par le biais d’analyse de pratiques. Celapourrait permettre une véritable prise en compte parl’enseignant des missions du réseau dans l’exercicede son métier.Nous aboutissons aussi à des réflexions sur le travailcommun à développer davantage entre les formateursde l’IUFM et ceux des circonscriptions. Une actioncommune plus importante au niveau de la formationserait intéressante pour développer cette transversa-lité entre les enseignants spécialisés et les non spécia-lisés.Par ailleurs, l’octroi d’un temps de concertation etune collaboration plus étroite avec le maître E sontdes demandes formulées par les enseignants. Neserait-il pas temps de leur donner une certaine bouf-

fée d’oxygène pour mieux fonctionner ? Tous lesenseignants s’intéressent et s’interrogent sur la diffi-culté de l’élève. Ils essayent tous de faire au mieuxmais en ont-ils toujours les moyens ?

Propos recueillis par:Arnaud Malaisé

« Permettre une véritable prise en comptepar l’enseignant des missions du réseau. »

«la nécessité de travailler

ensemble mais avec du temps pourdéfinir et préparer leurs interventions etpour spécifier clairement quel serait le

rôle de chacun.»

Christine Brissetet Christine

Berzin

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Entrerdans lemétier

« L’activité professionnelle est le résultatde la construction d’une histoire »

Les enseignants débutants doivent, àla fois, organiser l’apprentissage deleurs élèves mais aussi poursuivre leurpropre apprentissage du métier.Comment gèrent-ils cette situation ?En effet, ce que les “débutants” ont encommun, c’est d’avoir à organiser l’ap-prentissage des élèves qui leur sontconfiés, tout en gérant leur propreapprentissage du métier dans lequel ilsont choisi d’entrer, au point quelquefois,comme l’ont noté plusieurs études,d’être davantage centrés sur cet appren-tissage du métier que sur celui de leursélèves. De ce point de vue, l’analyse deleur activité, telle qu’elle ressort de plu-sieurs travaux que nous avons conduits,nous amène à soutenir que l’exposition àdes difficultés similaires, le fait de ren-contrer des obstacles comparables dansla mise en œuvre des gestes profession-nels de conduite de la classe, génèrentdes stratégies et des conduites qui pré-sentent des traits communs, malgré ladispersion géographique liée aux lieuxd’exercice de ces stagiaires et les spécifi-cités liées à leurs disciplines d’enseigne-ment. Ces jeunes enseignants cherchentà “surcompenser” leur difficulté provi-soire à gérer des situations complexes

par le développement de ressourcesintermédiaires. Ainsi la très forte accen-tuation des techniques vouées à « pren-dre » et à « tenir » la classe, et la dépen-dance de celles qui permettent de la «faire » à l’égard des premières, semblentrenvoyer à l’activité par laquelle cesdébutants s’efforcent d’instaurer uncadre qui rend possible l’apprentissagedes élèves, mais aussi leur propreapprentissage.

En quoi l’analyse des enseignantsdébutants aide à éclairer l’activitéenseignante en général ?Justement, ce que révèle l’analyse deleur activité, et qui éclaire en retour l’ac-tivité enseignante en général, c’est le rôleorganisateur qu’y joue cette doublepréoccupation, l’une relative aux élèveset l’autre relative à eux-mêmes. Lesenseignants expérimentés sont soumis,eux aussi, à de complexes négociationsd’efficacité, issues pour chacun d’eux dela confrontation entre la recherche d’uneefficacité du travail réalisé auprès de sesélèves, d’une part, et les efforts pourfaire de ce travail un opérateur efficacede réalisation de soi (c'est-à-dire de sa

compétence, de sasanté mentale et deson identité), d’autrepart. Ils sont conduitsà opérer des compro-mis résultant des arbi-trages impliqués parcette confrontation entre deux niveauxd’efficacité, dont chacun est déjà en soiproblématique : comment être efficacedans son travail auprès des élèves, com-ment évaluer cette efficacité, etc ?Comment retirer de l’usage de soi dansce travail des éléments de développe-ment de sa compétence et de son bien-être physique, mental et social ?

Quelles différences et similitudestrouve-t-on sur ces préoccupationsentre enseignants débutants et expéri-mentés ?Au moment d’entrer dans le métier, cequi constitue pour les débutants un objetcentral de préoccupations peut se trouverrelégué, sous l’effet de l’activité parlaquelle ils s’efforcent d’avoir du métier,au rang de routines intégrées à desactions plus complexes, constitutives durépertoire de ceux qui sont du métier. Cequi a pour eux initialement la forme

d’une action à part entière « prendre » saclasse et qui donne lieu à l’élaboration etl’appropriation de techniques spécifi-ques, peut changer de statut dans leuractivité au point de devenir composanted’actions poursuivant des buts plus com-plexes, « faire » la classe, c'est-à-direorganiser le travail des élèves en dispo-sant les conditions de l’étude nécessairesà l’appropriation des savoirs scolaires.Au fil du développement de leur expé-rience professionnelle, leurs préoccupa-tions se rapprochent de celles de leursaînés. Mais les uns comme les autres ontà « recycler » leurs préoccupa-tions dans des occupationsrenouvelées, plus efficaces à lafois pour eux et pour leurs élè-ves, ce qui veut dire que l’acti-vité professionnelle est le refletet la construction d’une histoireà travers laquelle s’élaborentalternativement le sens et l’effi-cience du métier. De nouveaux

« Quand on entre dans cemétier, au début, c'est dur,cela demande beaucoup

d'énergie », « Malgré toute la théo-rie que j'ai pu lire, le quotidien de laclasse est parfois difficile », « j'étaistout le temps divisé ». Ces témoigna-ges de jeunes T1 mettent en lumièreune des difficultés majeures pour unenseignant débutant : gérer à la foisson propre apprentissage et celui desélèves. Il faut parfois prendre des

PENTRER DANS LE MÉTIER, AVOIR DU MÉTIER ET

ÊTRE DU MÉTIER : CE QUE RÉVÈLE L’ANALYSEDE L’ACTIVITÉ D’ENSEIGNANTS DÉBUTANTS.

ATELIER ANIMÉ PAR FRÉDERIC SAUJAT.

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décisions au même moment sur lesplans didactique, pédagogique, rela-tionnel, matériel. Ce n'est à l'évidencepas aisé d'avoir à gérer tous les para-mètres de la situation de classe : unregard pour calmer le chahuteur, undéplacement vers le distrait, un gestede connivence avec le pressé qui veuttout expliquer. A cela s'ajoute la diffi-culté à gérer les relations avec lesfamilles, le manque de temps et dedisponibilité.C'est progressivement que va s'effec-tuer la prise de conscience de toutesles dimensions du métier ainsi queleur maîtrise. Marguerite Alté, profes-seure en sciences de l'éducation etdirectrice de l'IUFM des Pays de Loirele confirme « les savoirs pratiquessont issus de l'expérience quotidiennede la profession » .Pour ce faire, poursuit la professeure,« la phase d'accompagnement des

FredericSaujat

trois premières années pourconstruire sa professionnalité est laplus importante ».Alors que l'accompagnement de l'en-trée dans le métier prévoit « une for-mation minimale de trois semaines aucours de la première année et de deuxsemaines au cours de la secondeannée », très peu de débutants enbénéficient complètement. PourLaurence, dans l'Allier, « on est faceà des problèmes à régler dans l'ur-gence pour faire tourner la classe, onsollicite plutôt les collègues pourobtenir une aide, on ne peut pas atten-dre des mois ». Il y a donc un réelbesoin d'une formation vraiment pro-fessionnalisante dont les exigencessont traduites par Frédérice Saujat : «il existe des méthodes qui permettentd'être efficace, des gestes génériquesprofessionnels à apprendre » .

moyens d’agir appellent de nouvellesraisons d’agir qui à leur tour appellentetc ; c’est de cette manière que le débu-tant comme l’enseignant expérimentés’efforcent d’accroître leur pouvoird’agir en essayant de faire tenir ensem-ble santé, créativité, efficacité et plaisirau travail.

Propos recueillis parPhilippe Hermant

MAÎTRE DE CONFÉRENCESEN SCIENCES DE L’ÉDUCA-TION À L’IUFM D’AIX-MAR-SEILLE

• « ENSEIGNER LES ARTSPLASTIQUES EN ZEP : LESDESSOUS DU MÉTIER »,RECHERCHE ET FORMA-TION (N°44)

• « TRANSFORMER L’EXPÉ-RIENCE POUR LA COMPREN-DRE: L’ANALYSE DU TRAVAILENSEIGNANT »IN « RECHERCHES CONTEX-TUALISÉES EN ÉDUCATION», INRP, 2004

• « LE TRAVAIL ENSEI-GNANT : DES NÉGOCIA-TIONS D’EFFICACITÉ AUCOEUR DES DIFFICULTÉSDU MÉTIER », ÉDUCATEUR,2005

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Formation

Certains participants, les plus jeu-nes, s’interrogent avec dépit surle sens de leur apprentissage dumétier d’enseignant : « la pre-mière année, c’est juste dubachotage pour avoir leconcours. La deuxième année est tropthéorique; on n’apprend rien de trèsconcret pour notre future carrière », sedésole Guillaume, jeune PE2 deMontauban. Il regrette également queles stages ne débouchent pas forcémentsur des analyses de pratique formatives: « Nos évaluateurs en stage sont aussinos formateurs IMFou nos profsd’IUFM. Ce qui fait que les PE2 ont dumal à témoigner des difficultés rencon-trées dans les classes, puisque tout faitpartie d’un dossier soumis à validation.Ne pourrait-on pas prévoir un temps detémoignage qui ne soit pas évalué ? ».Le manque de liens explicites entre lathéorie inculquée en formation d’unepart et les besoins concrets en classed’autre part font également question.Jacqueline, IMF à Grenoble, estimequant à elle « qu’il est réducteur departir seulement des besoins du terrainpour définir un projet de formation. Il ya des questionnements qui émergent duterrain, mais il faut aussi mettre en

place des outils de conception des mis-sions du métier. On a besoin d’une théo-risation des pratiques, car on n’est passeulement des exécutants mais aussi desconcepteurs. Or, les mémoires profes-sionnels, mal perçus par les élèves, per-mettent justement de se poser des ques-tions fondamentales que l’on pourraensuite traduire à d’autres champs dis-ciplinaires ». Par ailleurs, plusieurs par-ticipants émettent le souhait que l’ap-prentissage du métier s’accompagned’une véritable réflexion sur la relationenseignant-élève, comparable, parexemple, à la relation de soin qui pré-pare l’infirmière à ses rapports aupatient. Enfin, Marion, qui est maîtred’accueil temporaire près deMontbrison rappelle que « c’est nousqui expliquons aux PE1 et PE2 des cho-ses très matérielles, comme la gestiondes commandes. Car personne ne leuren a parlé avant ».

ici à 2015, près de la moitié des ensei-gnants du premier et du second degrésera renouvelée. La formation est unenjeu décisif pour que ces nouveauxenseignants soient capables de travailleren équipe, de mettre en œuvre des prati-ques pédagogiques différenciées, de

construire des pratiques et des contenus d’enseigne-ment favorisant la réussite de tous les élèves. On nepeut pas se projeter à cette échéance sans repenser laformation initiale et continue des maîtres, sans luidonner les moyens adéquats pour faire face aux évo-lutions du métier.

D’

méliorer la formation initiale, donnerun souffle nouveau à la formation

continue, ne sera possible qu’en répondantà trois exigences. La première repose sur ledéveloppement du lien entre théorie et pra-tique. L’alternance entre les deux facilitel’entrée dans le métier. Elle permet de tra-vailler au sein d‘équipes en montrant l’in-térêt des échanges nécessaires au travail enéquipe. La seconde réside dans la place dela recherche. Les enseignants, dans leurgrande majorité, n’y ont pas suffisammentaccès, c’était pourtant une des idées desIUFM. La troisième, enfin, est liée à l’évo-lution de la notion de polyvalence. Lesdominantes mises en place semblent inté-ressantes pour faire vivre une réelle poly-valence d’équipe. Pour aller plus loin,pourquoi ne pas élargir le choix des domi-nantes (sciences, histoire, littérature dejeunesse). Le volet formation de la loiFillon actuellement en sommeil ne dit riensur ces exigences.Enfin la formation continue indispensableà l’actualisation des connaissances desenseignants, à l’accès aux résultats de larecherche, reste aussi une exigence forte.Or, les budgets pédagogiques qui lui sontconsacrés ne cessent de diminuer, au pointqu’année après année on assiste à unenette diminution du nombre de stages.

FORMATION DES PERSONNELS : COMMENT ENFAIRE UN TEMPS DE CONNAISSANCE AVEC LESAUTRES PROFESSIONNELS DANS LE CADRE DE

L’EXERCICE DES FONCTIONS DE CHACUN ET LERESPECT DES SPÉCIFICITÉS DE FORMATION POUR

CHAQUE PROFESSION? UTOPIE OU NÉCESSITÉ ?ATELIER ANIMÉ PAR JEAN-CLAUDE GUÉRIN.

A quoi sert,aujourd’hui

l’IUFM ?

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INSPECTEUR

GÉNÉRAL

HONORAIRE , MILITANT AU

SEIN D’ASSO-CIATIONS

PÉDAGOGIQUES

Pourquoi faut-il selon vous réformer la for-mation des personnels éducatifs ?

Par ce que le métier d’enseignant a changé,notamment en raison des évolutions des techni-ques et des sciences. Grâce à l’informatique et àinternet, l’accès à la connaissance estaujourd’hui plus important à l’extérieur del’école qu’à l’intérieur. Face à des élèves quiconnaissent beaucoup de choses mais qui nesavent pas les hiérarchiser, le rôle princi-pal de l’enseignant va être de lesaider à organiser et compren-dre ce savoir. Par ailleurs,des progrès ont été faitsdans la connaissancedes mécanismes d’ap-prentissage dont la for-mation initiale des ensei-gnants ne tient pas suffi-samment compte. Enfin, laformation doit être repenséedans la perspective d’une futuresociété de la connaissance où les principalesinégalités concerneront l’accès au savoir et auxcapacités d’orientation. La profession va doncévoluer et les enseignants vont devoir apprendreà s’adapter. Cela implique pour chacun une for-mation polyvalente et l’apprentissage du travailavec les autres enseignants : un futur PE devra,par exemple, acquérir les outils pour pouvoirenseigner, si nécessaire, en collège ou en lycée.

Comment, dans l’idéal, doit se dérouler laformation des futurs enseignants ?

La première chose à faire serait de les placer surle terrain, avec des accompagnateurs, afin qu’ilsobservent, se posent des questions auxquellesleurs formateurs apporteraient des réponses.Car toute formation doit être participante et sefaire à partir du questionnement d’élèves quisont mis en situation. En effet, on ne se formepas seulement en écoutant et en prenant desnotes, mais en discutant et en travaillant enéquipe sur la base des pratiques observées. Cen’est malheureusement pas le cas aujourd’huidans les IUFM où les futurs enseignants pren-nent sagement la dictée, alignés devant le

bureau de leur professeur. Or, cette dispositionde l’espace d’apprentissage, cette séparationnette entre les futurs enseignants d’un côté etleur professeur de l’autre, n’est pas anodine.Elle montre que ce que l’on attend des futursenseignants, c’est qu’ils reproduisent ce schémadans leur propre salle de classe avec leurs élè-ves. Or, on ne peut se former et aider à la for-mation des autres que si on a une conception del’aménagement de l’espace qui facilite

l’échange. Le simple fait de disposer lestables en « U » favorise la dis-

cussion, le travail en équipeet l’entraide, qui doivent

être à la base des rela-tions entre personnelséducatifs. Cette forma-tion doit par ailleurs

comporter des partiescommunes aux différents

métiers de l’éducationd’une part, et à l’ensemble des

métiers de l’enseignement d’autrepart. Elle pourrait être organisée en alternancesur quatre ou cinq ans.

Quels savoirs et quelles compétences doiventêtre développés ?

Les formateurs doivent être capables d’accom-pagner des élèves pour qu’ils construisent unsavoir cohérent et puissent utiliser leurs compé-tences dans des situations diverses, ce quiimpose que les futurs enseignants aient uneconnaissance de l’ensemble du système scolaireet de l’ensemble des élèves, quelles que soientleurs tranches d’âge. Les enseignants doiventêtre formés à la relation et à la gestion de grou-pes de tailles variables, — notamment pour l’or-ganisation en cycles — et à l’analyse des straté-gies d’apprentissage des enfants pour pouvoirélaborer leurs propres stratégies et définir leursprojets pédagogiques. Ce qui pose la questiondes contenus « disciplinaires », c’est-à-dire lesconnaissances en mathématiques, en histoire, engrammaire, etc que doit posséder un enseignantpar rapport aux objectifs cognitifs à atteindre etaux méthodes à employer. Par ailleurs, lesfuturs enseignants doivent participer à la dis-

cussion de leur propre projet de formation etbien comprendre les enjeux et les outils del’évaluation. Enfin, la formation doit être sous-tendue par une déontologie forte, par laquelle lefutur enseignant s’engage à accompagner unélève jusqu’au maximum de ses capacités, et entenant compte de sa réalité sociale.

Propos recueillis par William Bolle

« Toute formation doit être participante et se faire àpartir du questionnement d’élèves mis en situatiion »

«Formation des personnels :

comment en faire un temps deconnaissance avec les autres profession-

nels dans le cadre de l’exercice des fonc-tions de chacun et le respect des spécifi-

cités de formation ? Utopie ou nécessité ?

« Jean-ClaudeGuerin

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