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1
Participation locale et défense du territoire dans le département du
Choco, Colombie. Luttes pour un autre développement
François-Xavier Tinel1
Local participation and territorial defense in Choco, Colombia: struggles
for other development
François-Xavier Tinel
Résumé: Une nouvelle facette de la citoyenneté est attribuée aux populations afro et
indigènes de Colombie suite à la nouvelle Constitution Politique de 1991 à partir de
laquelle sont reconnus leur particularité étnique ainsi que leurs droits collectifs. Après avoir
été pendant des décennies un oasis de paix, le département du Choco en Colombie devint à
partir des années 1980 un territoire stratégique du conflit armé, interne au pays, mais aussi
de nombreuses disputes territorielles liées à l’exploitation des ressources naturelles. Ainsi,
ce travail se propose d’étudier les formes d’organisations communautaires des populations
afro et indigènes, cristalisées dans les conseils communautaires et organisations indigènes,
leurs revendications étniques et territorielles, qui dépassent le cadre local, ainsi que leur
capacité de résistance face aux enjeux économiques et aux acteurs politiques et
économiques qui les représentent. Ainsi, la modernisation du département est appréhendée
comme un processus en mouvement et disputé entre, d’un côté, l’Etat et l’entreprise privée
qui invitent à et mettent en pratique ce qui est dénommé comme l’explotation rationelle des
ressources naturelles et, de l’autre, les communautés etniques qui luttent de manière inégale
pour la préservation du territtoire duquel il font partie et sont partie intégrante. Si bien la
portée de ces exercices de participation parait limitée au premier regard, ceux-ci proposent
une forte critique au modèle de développement défendu par le gouvernement national,
lequel s’articule autour du secteur minier et énergétique, et invitent à tisser et entretenir des
relations distintes avec le territoire et l’environnement.
1 Professeur et chercheur de la Maestría en Planeación para el Desarrollo, lider du groupe de recherche
“Conflictos sociales, género y territorios”, Faculté de Sociologie, Universidad Santo Tomás.
2
I. Introduction
Il existe des endroits sur la planète qui, selon les représentations hégémoniques de la
modernité occidentale capitaliste et son projet modernisateur: le “développement”,
apparaissent comme des “géographies du sous-développement”. Le Choco, vaste
département colombien2, frontalier du Panama et situé entre la cordillère andine occidentale
et l’Océan Pacifique, caractérisé par une faible densité de population3 mais une grande
biodiversité, pourrait être considéré comme l’une d’elles. Historiquement abandonné par
l’Etat colombien (Flórez, 2012), souvent réduit dans l’imaginaire national à un territoire de
personnes noires4 (Wade, 1997) qui englobe tout autant le caractère exubérant de ses
femmes et l’exotisme de sa nourriture (Serna, 2011) que les persistentes chroniques de faim
et d’extrème pauvreté5 et, finalement, touché depuis environ deux décennies par le
problème du conflit interne au pays (Agudelo, 2012), au regard de l’observateur externe, le
Choco possède presque toutes les conditions d’un lieu hostile et menaçant6. Dans ce sens,
“s’approcher du Choco, c’est s’approcher de l’un des territoires les moins connus, même
par les habitants de l’intérieur du pays. Terres inconnues dans le sens d’incertaines mais
aussi dans un sens d’ignorées et d’oubliées” (Mingorance, Minelli & Le Du, 2004, p. 79).
Néanmoins, les représentations dominantes et les stéréotypes qui existent sur le
département du Choco, et en général sur la región du Pacifique, reflètent la survie d’un
2 D’une superficie de 46.530 km2, équivalente à celle de pays comme la Suisse ou les Pays-Bas, le
départament du Chocó occuppe 4% du territorio colombien. Dans ce travail, nous faisons référence au
département du Choco, constitué légalement en 1947, qu’il faut différencier du Choco biogéographique dont
les particularités géographiques et climatiques se trouvent tout le long de la côte pacifique, du Panama jusqu’à
la frontière du Pérou.
3 Selon les estimations du DANE (Département Adminsitratif National de Statistiques) (2015), la population
du département du Choco serait de 500,076 personnes pour l’année 2015, équivalent à 10,7 habitants par km2.
4 Malgré l’association commune entre la négritude et la región du Pacifique du fait d ela p´resence
majoritaires des communauté afrocolombiennes (80% pour le département du Choco), ce qui tend à rendre
invisible la présense d’autres groupes etnhiques, il est important de mettre en évidence la nature pluri-
éthnique du département dans le mesure ou co-habitent les populations afrocolombiennes avec différents
groupes indiens comme les embera katío, embera chami, embera dóbida, wounan y tule, et avec la population
métisse. 5 Pour l’année 2013, selon le DANE, le Choco avait l’indice de Gini, qui mesure l’inégalité dans la répartition
des richesses, le plus élevé de Colombie ndice de Gini, que mide la desigualdad en la repartición de la
riqueza, el más alto de Colombia, et selon le DPS (Département pour la Prospérité Sociale), pour l’année
2015, un IPM (Indice de Pauvreté Multidimensionelle) qui mesure le nombre de familles dans un état de
pauvreté multidimensionelle de 0,87. Selon les journaux, plusieurs sont articles qui décrivent cette situation:
“Chocó sigue con los peores indicadores de pobreza en el país”, Economía, El Tiempo, 10 de junio de 2015.
“Chocó y Cauca, diez años en el top de los más pobres del país”, Nación, Revista Semana, 01 de enero de
2013. “"En el Chocó la gente se muere de hambre": Obispo de Istmina”, El Páis.com.co, 28 de septiembre de
2014, Recuperado de http://www.elpais.com.co/elpais/colombia/noticias/choco-gente-muere-hambre-obispo-
istmina. “Hambruna en el Chocó”, Opinión, La Nación.com.co, 15 de julio de 2014. Recuperado de
http://www.lanacion.com.co/index.php/opinion/item/237967-hambruna-en-el-choco. “En Quibdó aumenta la
pobreza extrema”, Economía, El Tiempo, 31 de mayo de 2015. 6 Par exemple, pour parler du Choco, il est courant d’écouter parmi la population colombienne, même au sein
de l’académie, des commentaires du type: “Oh… c’est très pauvre là-bas, c’est comme l’Afrique”. Utiliser le
mot “là-bas” permet l’établisssement de certaines barrières symboliques entre “nous” et “eux”, renfermant les
“autres” dans certaines “structures d’altérité” (Wade, 1997, p. 37-38), ainsi que l’établisssement et
l’affirmation d’un certain ordre civilisateur entre ce qui est considére comme “moderne” et un territoire
inconnu et menaçant, perçu comme étant un réservoir de la pauvreté et du sous-développement.
3
discours colonial et ne sont pas anodins; cela, dans la mesure où elles permettent la
reproduction de l’ordre sociopolitique, économique et symbolique établi.
Il résulte évident que ce réduccionisme culturel qui opère lorsque l’on mentionne le
département du Choco est la conséquence d’une méconnaissance généralisée des conditions
historiques et structurelles qui ont conduit à sa “satellisation” et l’établissement de ce lieu
comme un “territoire de frontière” au sein duquel convergent diverses disputes territoriales
et se superposent de multiples formes d’appropriation du territoire, comme le relate Meza
(2006) dans la cas du bassin du Cacarica. Région de frontières à des niveaux et échelles
multiples, non seulement à cause de l’éloignement géographique du centre politique et
administratif qu’est la capitale colombienne mais aussi comme une frontière du
développement qu’il fallait conquérir (Escobar, 2010; Restrepo, 2011). Ainsi, à partir des
années 1980, le Choco s’est converti en un nouveau territoire d’expansion économique au
travers de grandes oeuvres d’infrastructure7 et de mégaprojets de développement:
monocultures de palmier à huile, élevage industriel de crevettes, exploitation forestière et
minière à grande échelle (Escobar, 2004).
La représentation du département du Choco comme un territoire de frontière est tout autant
liée à la particulière incorporation du territoire à l’économie coloniale et capitaliste grâce à
l’extraction des métaux précieux dès l’époque coloniale (Hoffman, 2004; Losonczy, 2006),
au travers de relations de pouvoir entre centre et périphérie, qu’à l’application d’une série
de “pratiques quotidiennes de régulation de la vie” (García, 2014, p. 109). Le potentiel
minier découvert au sein du département fut le facteur historique déclanchant du processus
de peuplement du territoire par des africains, à partir du XVIIème siècle. Amenés comme
esclaves pour travailler dans les mines et dans les grandes exploitations agricoles
(hacienda) de la región, ils s’adaptèrent à ces nouvelles terres et s’installèrent le long des
fleuves8. Ainsi, liée de façon historique à l’extraction et à l’exploitation des matières
premières, en particulier l’or jusqu’au XIXème siècle pour ensuite se diversifier à d’autres
produits comme par exemple le caoutchouc et le bois (Agudelo, 2012), le Choco a
longtemps été vu de l’extérieur comme une terre inculte (tierra baldía)9, tant de la part de
7 Historiquement, ont été entrepris divers projets routiers afin de relier la región pacifique à la partie región
andine et offrir aisi une infrastructure qui permette la commercialisation de minéraux et métaux précieux; par
exemple, l’idée de connecter l’Alaska et la Patagonie reste encoré inconclue du fait de la partie manquante de
la route panaméricaine dans la zone connue comme le tapón del Darién, réputée comme impénétrable.
8 Losonczy (2006) explique que le peuplement autour des fleuves a été dû à la nécessité économique, tant du
processus du lavage de l’or que du développement de l’horticulture. Au delà de ses fonctions économiques et
de constituir un endroit propice pour obtener les éléments nécessaires à leur survie, le fleuve représente aussi
pour les populations locales un espace d’interraction culturelle et symbolique; il aide à la démarcation des
relations inter-éthniques, en délimitant la frontière avec l’autre: l’indien. D’autre part, Olsender (2002) signale
que “(…) le fleuve es en plus l’espace social d’intéraction quotidienne où les gens viennent se baigner, les
femmes lavent leur linge et les enfants jouent. (…). Plus que le strict sens pratique, le fleuve devient l’espace
social per se des échanges humains quotidiens et le référent symbolique de l’identité des gens. Le fleuve
circule dans l’imaginaire des communautés noires et se reflète dans les multiples formes discursives au travers
desquelles elles font référence à leur environnement et leur monde, acquérant ainsi un rôle central dans les
processus d’identification collective (Oslender 1999, Restrepo 1996)”. 9 Dans le départament du Choco, selon la Loi n°2 de 1959, l’Etat avait déclaré ces terres comme des “terres
vides”; cela donnait le droit aux entreprises minières et d’exploitation forestière pour l’xtraction des
ressources naturelles sans devoir consulter avant les populations locales (Oslender, 2010, p. 106).
4
l’État que du secteur privé, c’est à dire une terre n’appartenant à personne qu’il était posible
de piller (Villa, 2006). Avant la promulgation de la loi 70 de 1993 pour les communautés
noires et de la loi 60 de 1993 pour les populations indiennes qui reconnaissent les droits
colectifs de propriété sur le territoire (Hoffman, 2004), “l’Etat avait cédé ces territoires aux
entreprises, mais demeuraient dans le même temps sous la protection de l’Eglise à qui avait
été octroyée le devoir de civiliser, de placer la population sous la tutelle et morale
chrétienne (Villa, 2006, p. 63). Par conséquent, le projet modernisateur entrepris dans le
département du Choco s’inscrit dans le cadre d’un déracinement continu.
Déterritorialisation, déracinement et “développement modernisateur” constituent trois mots
clés à l’heure d’interpréter la réalité territoriale du Choco. C’est pourquoi ce travail cherche
à comprendre le rôle qu’ont pu joué les pratiques développementalistes tant dans les
processus de déracinement que dans l’élaboration d’un ample registre de résistances de la
part des communautés noires et indiennes, construites autour de la défense de l’identité
étnique et du territoire. Dans ce travail, lorsque nous parlons de déracinement, nous ne
faisons pas seulement référence à la série de ruptures avec l’espace physique du lieu habité
mais aussi à la série de fragmentations parcielles de “l’être”, des formes de vie propres
(Lozano, 2008) et du sentiment d’appartenance au territoire qui sont liées à l’imposition
violente, parfois au travers de la force des armes, de mécanismes de domination et
d’appropriation territoriale de l’espace de vie des communautés afros et indiennes; de
même, nous préférons utiliser les termes de déracinement ou de processus de déracinement
plutôt que celui de déracinnés qui tend à confiner les personnes dans une position de
victimes ou de dominés et, d’une certaine manière, rend invisible les processus de ré-
enracinement et de résistance.
II. Méthodologie
Ce travail s’inscrit dans le cadre d’une étude réalisée au cours de l’année 2015, dénominée
“Déracinement en Colombie et construction territoriale dans le département du Choco dans
le contexte des discussions pour la finalisation du conflit armé”. L’objectif principal fut
d’analyser le phénomène du déracinement et sa relation avec les processus de construction
territoriale et de participation politique pendant le processus de paix. Afin de porter un
regard plus minutieux sur la notion de déracinement au delà des problématiques de violence
associées à n’importe quel type de conflit armé et du phénomène du déplacement forcé qui
en resulte, les discussions réalisées avec les dirigeants communautaires des bassins de
l’Atrato et du San Juan tout comme avec les acteurs de l’Eglise catholique, en particulier de
la Comission Vida Justicia y Paz des diocèses de Quibdo et d’Itsmina, furent essentiels
dans ce projet. Le dialogue permanent établi avec ces différents acteurs du territoire permit
d’écouter les voix de ceux dont l’identité est souvent réduite par l’État colombien à la
catégorie de “victimes du conflit armé”. Par conséquent, grâce aux récits d’hommes et de
femmes, afrocolombiens et indigènes du département du Choco, cette étude prétend
aborder la notion de déracinement générée par le développement modernisateur pas tant
depuis la position de “victimes” que celle “d’êtres qui résistent”.
L’approche de ce travail est d’ordre qualitative dans le but d’aborder, d’une part, le
problème du déracinement à partir du déploiement du projet développementaliste moderne
dans le département du Choco et, de l’autre, les réponses et les stratégies des communautés
5
etniques dans leur défense du territoire, dans leurs luttes articulées autour de la position
assumée de différence culturelle. Parler d’une aproche qualitative implique qu’il existe un
intérêt particulier “(…) pour capter la réalité ‘au travers du regard’ des personnes étudiées,
à partir de la perception que le sujet a de son propre contexte” (Bonilla-Castro y Rodríguez-
Sehk, 2005, p. 84). Finalement, nous prétendons pluraliser la compréhension de la réalité
territoriale dans la mesure où co-existent diverses réalités sociales construites; en effet,
comme le souligne Briones (1998, p. 38), “il n’existe pas une seule vérité, mais celle-ci
surgit comme une configuration des sens différents que les personnes donnent aux
situations dans lesquelles elles se trouvent”.
III. Résultats de l’étude
3.1 “Nous ne sommes pas un territoire pauvre, mais apauvri”.
Reconnu comme le département le plus pauvre de Colombie10, cette affirmation d’une
dirigeante d’une organisation de femmes rend compte d’une lectura critique des habitants
du Choco au sujet de l’association courante entre le département et l’extrême pauvreté et
réfute les paramètres normatifs de mesure de la pauvreté et du développement, c’est à dire
de notions qui parmis d’autres émergent comme paradigmes fondateurs de la modernité
capitaliste. L’antropologue colombien Arturo Escobar (2006) qui possède une conaissance
approfondie des communautés étniques du Pacifique, tant de leurs luttes pour la défense de
leurs droits identitaires et territoriaux que de l’incidence des pratiques extractivistes sur
leurs modes de vie et pratiques ancestrales, fut pionnier en affirmant que le développement
est un discours inventé dans la période l’après-guerre et qui repose sur certains types de
connaissances, est régulé par une oligarchie mondiale et participe à la production de
subjectivités monolithiques et aphones. En accord avec la critique d’Escobar, il est possible
d’affirmer que la pauvreté resurgit sur la scène internationale comme étant la fille légitime
d’un discours régulateur dénominé “développement”, mais cette fois-ci en portant le
masque d’une promesse émancipatrice, celle du progres et du bien-être liée à la société de
consommation.
Dans ce sens, l’usage répandu de termes comme ceux de “pauvreté” et de “sous-
développement” qui, au premier regard, paraissent anecdotiques dans le mesure où ils ont
été incoporés dans le langage quotidien traduisent en réalité la construction ou plutôt la
reconstruction d’une série de géographies imaginaires. En effet, il est de nature commune
au sein de la population colombienne d’identifier le pays comme étant sous-développé ou
en développement en comparaison à d’autres, au nord des Amériques ou de l’autre côté de
l’Atlantique, qui seraient déjà développés. Ainsi, la production sociale de l’espace implicite
dans les termes de Tiers Monde et de régions sous-développées, de Nord et Sud, est liée à
la production de différences, de subjectivités et d’ordres sociaux particuliers. Par
10 Le document CONPES 3553, met en exergue la nature historique de la pauvreté dans le département en
ffirmant que: “Avant et après sa création comme département en 1947, le Choco a été une región où les
indicateurs de pauvreté et de qualité de vie ont été en dessous des niveaux nationaux” (DNP, 2008, p. 12)
mais reconnait égalementla dimensión structurelle de cette situation, liée à la prédominance du secteur
extractiviste dans son économie (Ibíd., p13).
6
conséquent, vu comme un lieu périphérique du développement moderne, le département du
Choco fut incorporé au projet développementaliste de l’Etat-Nation comme un territoire
dont le développement serait ancré aux nécessités extractives du pays en raison de la
richesse de ses sous-sols en minéraux et métaux précieux et qui, aujourd’hui encore, reste
prisonnier entre l’extractivisme et l’abandon étatique (Serra & Schoeller, 2014).
Traditionnellement, l’idée de pauvreté est comprise comme l’insuffisance d’une série
d’éléments nécessaires pour garantir un certain bien-être matériel comme l’alimentation,
l’habitat, la terre et autres actifs, dûe à de faibles revenus. Selon l’approche par les
capabilités qui cherche à dépasser une lecture naturaliste et économiciste du phénomène de
la pauvreté, une personne pauvre est une personne qui manque de capacités11 pour choisir
entre un type de vie ou un autre (Sen, 1997, 2000; Nussbaum, 2012). Pour Max Neef (1993,
p. 43), la pauvreté résulte de l’insatisfaction de n’importe quel type de nécessité humaine,
par conséquent la pauvreté n’est pas seulement un problème de subsistance, elle peut être
aussi de protection, d’affection, de compréhension, de participation, d’identité, entre autres.
En effet, la pauvreté est plurielle et diverse, il s’agit “(…) d’un phénomène social
polyfacétique” (Narayan, 2000, p. 32). Par conséquent, “(…) jamais elle ne se produit à
cause du manque d’un seul élément, elle est toujours la conséquence de multiples facteurs
liés entre eux qui affectent les expériences des personnes et leurs définitions de la pauvreté”
(Ibíd.).
Malgré le fait que les habitants du Choco passèrent à être identifiés par le reste de la
population nationale comme “pauvres”, la compréhension du phénomène de la pauvreté de
la part des acteurs locaux met en exergue la nature structurelle et historique du problème
ainsi que son origine dans les pratiques développementalistes. Par exemple, comme le
commente une habitante de Quibdo, originaire de la zone de Munguido, l’avancée de
l’explotation minière dans le département, dans le bassin de l’Atrato en particulier, et la
contamination de l’écosystème qui en découla a favorisé la destructuration de certaines
relations communautaires basées sur la solidarité ou pour le moins a rendu plus difficile
leur réalisation dans la mesure où, par exemple, il n’était plus posible de donner aux
maisons de retraite le surplus généré par la pêche (Claudia, dirigeante Ruta Pacífica de
Mujeres Chocó, Quibdo, 21 Septembre 2015).
Se limiter à comprendre la pauvreté comme un manque de ressources serait d’une certaine
façon voir dans celle-ci un problème d’ordre naturel, en proposant comme réponse possible
tant la nécessité de générer plus de ressources économiques au travers d’une meilleure
insertion de la population locale sur le marché du travail que d’offrir des subventions
monétaires destinées à aider les plus pauvres. Dès lors, être pauvre dans le département du
Choco ne peut être réduit à une situation dans laquelle les besoins premiers ne sont
satisfaits, c’est aussi une situation de discrimination étnique et raciale de nature historique
et une condition de vulnérabilité accentuée par le problème du déplacement forcé. Les
pesonnes déplacées de leur territoire, pour certaines déjà en situation de précarité,
contribuent à agrandir les cintures de misère de villes comme Quibdo et Itsmina (Wouters,
2002). Cette situation de vulnération de leurs droits économiques à mener une vie digne
11 Selon, la capabilité “représente la liberté réelle d’élection qu’une personne a de choisir le mode de vie
qu’elle a la possbilité de vivre” (Sen, 1997, p. 113).
7
trouve parfois son origine et est souvent exacerbée par la relation que les habitants
entretiennent avec les négociateurs locaux des entreprises privées, chargés de fixer les prix
des matières premières comme par exemple de l’or, du platine, de l’argent, du bois, entre
autres, ainsi que les conditions de leurs commercialisation. Ainsi, du fait du manque
d’actifs de divers types, et pas seulement de nature économique, les locaux se retrouvent
dans une situation défavorable pour pouvoir négocier et sont contraints d’accepter les
termes de l’échange fixés par d’autres (Agier & Hoffmann, 1999, pág. 53). En effet,
comme le rappelle Narayan (2000, p. 64), “presque par définition, la mobilisation d’actifs
implique une négociation de pouvoir et de contrôle”.
Finalement, le problème de la détérioration des actifs écologiques comme conséquence
directe des activités d’extraction et du développement des monocultures dans un contexte
de déplacement forcé généralisé et de violations des droits de l’homme qui influent
profondémment sur la capacité des populations locales pour préserver des pratiques
traditionnelles comme celles du pancoger12 et de la pêche artisanale valident l’argument qui
affirme que le département du Choco se trouve plongé dans une situation de paupérisation
et marginalisation constante. Ainsi, les grands projets de développement et de construction
d’une infrastructure favorable à l’exploitation et à la commercialisation des ressources
naturelles du département tendent à fracturer les relations entre l’habitant et son
environnement; ces relations sont tant d’ordre économique pour garantir la subsistance
quotidienne que d’ordre socio-culturel. Selon les cosmovisions indiennes, la nature est un
système complexe au sein duquel toutes les parties s’intègrent et établissent des relations de
réciprocité; d’une part, comme une grande famille unie par les liens de parenté et, de
l’autre, comme des manifestations de l’existence même (Vasco, 2000; Descola, 2002).
Dans ce sens, José Luis, indien de l’etnie des emberas dóvida, explique que les fumigations
de glyphosate, puissant herbicide, pour erradiquer les cultures de coca ont participé à “(…)
la destruction de la Terre-Mère et des lieux sacrés”, ce qui est valable également pour les
dégats causés par la déforestation13 et la pollution des fleuves à cause de l’exploitation
minière à grande échelle ou encore le désastre environnemental que provoque les
monocultures14. Tout cela est à l’origine de profondes reconfigurations socio-spatiales et
culturo-spatiales entre êtres vivants sur un même territoire puisque, selon la cosmovisión
indigène, “le fleuve est le lait maternel de notre Terre-Mère, la colline est le sein de notre
Terre-Mère d’où jailli le lait maternel” (José Luis, indien de l’ethnie embera dóvida, 21
septembre 2015, Quibdó).
12 13 Selon le Bureau de Nations Unie contre la Drogue et le Délit (UNDOC, 2015), pour l’année 2014, le Choco
est le département avec le plus grand pourcentage de participation nationale en termes de déforestation de
forêts primaires, associée aux activités minières à ciel ouvert et cultures de coca, de 59,5%. 14 Voir OREWA. (s/f) Monocultivos en los Territorios Indígenas del Chocó Impactos causados por los
monocultivos en los territorios Indígenas del Chocó, Colombia. Document disponible sur internet. Par
exemple, selon la Comisión Interecclesial Vida, Justicia y Paz, l’expansion de la palme à huile, a conduit à la
déforestation de plus de 5000 hectares dans les minicipalités de Jiguamiandó y Curvaradó. Voir: Comisión
Intereclesial de Justicia y Paz. “Agronegocios de palma y banano. Impactos ambientales y socioeconómicos”
8
3.2 Domination territoriale et domination économique: le déplacement forcé comme
stratégie de contrôle du territoire
Isolé du conflit armé pendant des décennies et même considéré comme un “havre de
paix” (Arocha, 1993; Agudelo, 2012), l’année 1996 marque un tournant dans l’histoire du
département qui se voit touché brutalement par le phénomène de la violence15. Si bien
plusieurs acteurs internes au conflit armé en Colombie avaient déployé leurs forces au sein
du territoire en question, comme les FARC (Forces Armées Révolutionnaires
Colombiennes) en entrant par la región de l’Uraba à partir des années 1980 et, ensuite, le
ELN (Armée de Libération Nationale) dans la zone de l’Alto Andagueda, le passage d’une
cohabitation pacifique à un aggravement du conflit dans la seconde moitié de la décennie
des années 1990 trouve son origine dans la transformation de l’action des acteurs armés,
légaux et illégaux, déjà présents (guérillas et armée colombienne) mais surtout dans la
pénétration des forces paramilitaires (Bloque Elmer Cárdenas de las AUC) dans le nord du
département (Wouters, 2001, 2002; Mejía, 2010; Agudelo, 2012) qui vont infliger une
véritable politique de terreur au sein de la population civile.
La présense des acteurs armés dans la región, en particulier les FARC, et la
reconnaissance de leur légitimité de la part de certaines couches de la population s’explique
en grande partie par “(…) le vide hégémonique laissé par un Etat absent. Dans ces zones
rurales les FARC se sont converties en un autre-Etat au sein de l’Etat-Nation” (Oslender,
2010, p. 104). C’est ainsi que la densité de la jungle qui caractérise le département ainsi que
l’extension géographique de ce dernier ont contribué amplement à cette situation, rendant
difficile la présense de l’armée colombienne sur l’étendue du département comme le
reconnait un membre de l’Armée colombienne, de la 15 Brigade située à Quibdo. A cela il
faut ajouter le problème de “l’organisation des masses” qui, selon lui, constitue “un plan
stratégique des FARC grâce auquel elles pénètrent les structures associatives de
participation comme les Juntas de Acción Comunal”.
Il est évident que le territoire n’est pas un espace neutre, plus encore en période de
guerre ou de conflits de différents types, dans la mesure où il cristalise certains intérêts géo-
économiques et géo-stratégiques qui, une fois pris en compte, aident à établir une lecture
différentielle de l’impact spatial de ces diverses tensions pour l’appropriation du territoire
ainsi que des formes de violence qui en résultent (Salas, 2015). La relation entre le contrôle
du territoire et la domination économique a largement été étudiée (Lemaitre, 2009; Escobar,
2004; 2005; Restrepo, 2011; Mejía, 2010) comme l’illustre le cas de l’Uraba dans le nord
du départament qui est progressivement devenu un endroit stratégique pour la monoculture
de palmier à huile.
15 Il est important de noter que tant la nature que les origines du conflit interne au pays peuvent être discutés
parce qu’ils dépendent beaucoup de la façon de comprendre ce problème: José Luis, indien embera dóvida de
la pastorale indienne indígena de la Diocèse de Quibdo nous offre une réflexion intéressante à ce sujet:
“Jusqu’à quand allons-nous vivre la violence? Parceque, nous, les peuples indigènes, vivons depuis 500 ans la
guerre”. D’une manière générale, les commaunautés ethniques préfèrent parler des accords de La Habana
plutôt que des accords de paix dans le mesure où comme l’exprime Santiago, membre d’ACADESAN
(Consejo Comunitario Mayor del San Juan), “(…) il ne s’agit pas de la paix mais de la démobilisatiob d’un
acteur armé, en rébellion depuis plus de 50 ans, mais le conflit continue”.
9
Ainsi, lorsque les groupes paramilitaires penetrèrent la zone, ils se firent les apotres
du progres et du développement et cette période coincida avec le développement industriel
de la palme africaine (Mingorance, F; Minelli, F. & H. le Du., 2004; Moncayo, 2014)16.
Dans la región du San Juan, l’expérience fut similaire au travers de l’exploitation miniere a
grande échelle car, jusqu’a l’année 1997, aproximativement, les communauté etniques
s’opposaient de maniere virulente a ce modele d’extraction; cette année la est marquée par
l’arrivée conjointe des pelleteuses et du paramilitarisme qui répandait la terreur dans la
région17.
Comme le met en évidence l’exemple de la región du Darién au nord du
département, le phénomene du déplacement forcé n’est pas un problema aléatoire qui
résulterait de la rencontré d’acteurs armés entre eux mais est la conséquence d’un exercice
sélectif et plannifié dont la fin n’est pas seulement le controle du territoire pour
l’exploitation de ses ressourcesm mais aussi la réorganisation des communautés locales,
dans le but de taire les projets alternatifs au développément, lesquels s’articulent autor de la
différence culturelle (Escobar, 2004). Selon Wouters (2001), “les actions (para) militaires a
la fin de l’année 1996 et au debut de l’année 1997 eurent comme résultat non pas
l’expulsion de la guérilla, mais bien celle de la population civile”.
En effet, comme d’autres départements de Colombie, dans le Chocó, les disputes du
territoire entre acteurs armés pour le controle des ressources, ayant des objetctifs
géostratégiques clairement définis (Hoffman, 2002), vont ocasionner une recrudescence de
la violence et de faits victimizants. Petit a petit, une politique de la terreur s’établit comme
étant un moyen de control social des populations civiles pour que celles-ci cooperent avec
l’acteur présent sur leur territroire. Du fait de l’intéret territoriel pour cette región et de
l’absence historique de l’Etat, la présense des groupes armés fut chaque fois plus visible
dans tous les domaines de la vie: économique, sociale et politique (Escobar, 2004; 2010).
Par exemple, “la militarisation du territoire et l’instauration de postes de controle”
(García 2014, p. 73, citando a Jenagathan, 2004) constitue une stratégie de guerre qui
prouve l’ “existence de pouvoirs parraleles, simultannés” afin de marque une territorialité
spécifique. Cela est percu de la parte des habitants comme une possible menace, a l’origine
de divers type de violence. Si bien cette violence ne s’exprime pas toujours dans des actes
physiques; de maniere invariable, il s’agit de l’expression d’une violence symbolique dans
la mesure ou elle rend imposible la libre circulation des personnes sur leur territoire et
pourvoir ainsi, dans le meme temps, reproduire leurs pratiques socio-culturelles et
économiques (Oslender, 2008). Ainsi, la mitlitarisation des fleuves de la part des acteurs
armés, que se soit l’armée colombienne, les FARC, l’ELN, les groupes paramilitaires, entre
autres, constitue une affectation majeure aux droits culturels des commaunauté indigenes et
afros (García, 2014). Dans ce sens, le déreacinnemet ne doit pas etre compris seulement en
fonction du déplacement forcé qui, si bioen en est sa cause principale, n’est pas l’unique.
16 Selon la Comisión Vida, Justicia y Paz, le projet de dépeuplement de cette partie du département pour offrir
un champs d’action libre au développement de la cultura de palmier à huile, en particulier à Curvaradó et
Jiguamandó, coincide avec la présense d’Alvaro Uribe Veléz comme gouverneur du département
d’Antioquia, et fut mis en action grâce au “(…) programme institutionnel de groupes armés privés, connus
comme Convivir” (COVIJUPA, 2014, p. 188). 17 Entretient avec le père Esterlin Londoño, vicaire general du Diocèse de Quibdo, 26 de septiembre de 2015,
Quibdo.
10
Il faut ainsi comprendre les dynamiques de militarisation de la quotidienneté dans le
cadre de la “globalité impériale et de la colonialité globale” (Escobar, 2005, p 32) dans la
mesure ou elles répondent a un patron défini d’accumulation du capital par dépossetion
dans des territoires collectifs18. Celui-ci repose tant sur la double nécessité de négation
ontologique de la différence culturelle que sur l’expulsion systémique de milliers de
personnes de leurs terres. Par conséquent, l’économie globale étant étroitement liée au
régime de la violence (Joxe 2002, citado en Escobar, 2005, p. 30), reprenant l’affimation de
Clausewitz selon laquelle “la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens,
il n’est pas exagéré de dire que la guerre es la continuation de l’économie par d’autres
moyens. En effet, les membres des communauté etniquers du départememt, tout comme les
acteurs éclesiastiques présents, sont conscients de la corrélation existente entre le processus
d’accumulation capitaliste par dépossession et la violence; le point antérieur devrait etre
selon eux l’un des enjeux principaux des négociations de paix19.
Ainsi, le déplacement forcé moderne fonctionne comme une stratégie, parmis
d’autres, d’un arsenal de mécanismes violents destinés a favoriser les processus
d’accumulation du capital. En d’autres termes, “le déraccinement de la localité est un
phénomene qui accompagne la modernité capitaliste et débouche sur un processus constant
de déplacement (…)” (Escobar, 2004, p. 63). Dans ce contexte de déterritorialisation
permanent, dont l’expression la plus visible est le phénomene du déplacement forcé qui a
atteint des proportions sans précédent au cours des deux dernieres décennies. A titre
d’exemple, il est important de savoir que 50% de la population de la ville de Quibdó,
capitale du département, se trouve en situation de déplacement forcé. La population
déplacée durant la période la plus intense du conflit, entre les années 1996 et 2004, a été de
l’ordre de 55.000 personnes (COVIJUPA, 2013). Ce type de données qui met en relief la
tragédie humaine vécue invite a porter un regard compassif vis a vis de “perdants” du
conflit, avec la doublé stigmatisation de “pauvres” et de “victimes”, tels qu’ils sont définis
de la part du gouvernement; néanmoins, cela ne doit en rien occulter l’auto-reconnaissance
de ces personnes comme “êtres qui résistent”. Le fait d’être déplacé et l’apparente passivité
ne sont pas nécessairement une marque de soumission, d’impuissance et de ruptura avec le
territoire abandonné; dans leurs mémoires et au travers des stratégie élaborées pour
maintenir les liens primaires avec le territoire ou recréer des modes de vie et reproduction
18 Selon Geoactivismo, une plateforme pour la défense des droits de l’homme et du territoire de l’ONG
Human Rights Watch, 90% de la superficie du territoire du Choco correspond à des terres collectives ou
d’utilité publique, de nature inaléniable, imprescriptible et qui ne peut être quittée à son propriétaire, c’est à
dire que selon Mingorance (2011)“90 % de la superficie du département ne peut s’acheter, ni se vendre, elle
se trouve ‘en dehors du marché’. Tout ce territoire est protégé par des lois spécifiques (…) qui cherchent à
conserver et préserver l’intérêt social et écologique de cette terre extraordinaire”. Voir:
http://www.pacificocolombia.org/mapas/regimen-de-propiedad-de-la-tierra-en-el-choco/49
19 La Comisión Vida Justicia y Paz de la Diócesis de Quibdó sigale: “C’est un contexte tellement complexe, si
nous souhaitions examiner les éléments fondammentaux du conflit colombien et les enjeux de la paix, nous
devrions prendre en compte trois éléments, entre autres: le preimer et le principal est le modèle économique
que nous avons, qui est celui qui génère en grande partie la violence de notre pays, un modèle économique qui
exclut, qui génère de la pauvreté et de la violence et l’accumulation des ressources nationales entre peu de
personnes. Pue de riches chauqe fois plus riches alors que pendant ce temps cette grande caravane de pauvres
augmente, chaque fois plus pauvres et exclus, un modèle économique qui libre nos ressources délibéremment
aux entreprises multinationales et un modèle économique qui ne se préoccupe pas des dégâts écologiques,
sociaux et culturels causés dans la société colombienne. Alors, si on ne discute pas ce modèle économique, de
quel type de paix parlons-nous? (Diocèse de Quibdo, 2014, p. 30-31).
11
sociales se trouvent tant les réponses au caractère déracinnant du système capitaliste, et des
conflits qu’il génère, que les enjeux pour la survie de compréhensions et d’expressions
diverses du monde (Montoya, 2012). En effet, les processus de déracinnement ne sont
jamais complets, ils impliquent des ruptures et des continuités (Segura & Meerteens, 1997;
Lozano, 2008), liées à la volonté de récréer les modes de vie qui sont propres aux
populations en situation déracinnées, que ce soit dans le territoire d’immigration que dans
le territoire transformé par l’invasion de nouveaux acteurs économiques.
Résistance comme ré-existence
A partir des années 1980 et le travail pionnier de James Scott (1985) sur les
procesus de résistence matérielle et symbolique des paysans pauvres de Malaysie, comme
réponse à la transformation des moyens de production, la résistence a connu un intérêt
majeur dans le domaine des sciences sociales; l’appréhension de cette idée a oscilé entre
une lectuire romantique de la lutte des dominés20 et le compromis politique d’être
également le porte-parole des faibles.
Comprendre la résistence comme une forme de ré-existence cherche à éviter de nous
perdre dans l’une de ces deux tendance citées antérieurement, bien que ce travail repose
également sur une lectura subjective et critique du contexte et une certaine volonté
politique de prendre partis pour les processus de défense territorielle; par conséquent, la
prétension déclarée de neutralité du chercheur ne serait qu’une illusion. Cette idée de
neutralité qu’ont assumé les organisations de base au sein du conflit armé et de la
détérioration environnementale correspond plutôt à un mécanisme de résistence, celui de se
présenter comme un acteur pacifique dans un contexte de violence manifeste, comme
l’illustre l’expérience de l’ACIA (Association Paysanne Intégrale de l’Atrato) dans les
années 1990, en proposant que le territoire se déclare comme un “territoire de paix”
(Escobar, 2004, p. 58). Comme l’explique Wouters, “les populations qui résistent insistent
sur leur identité de populatin civile (..), leur droit à ne pas participer dans le conflit, et à
propriétaire de leur territoire collectif” (cité par Lemaitre, 2009, p. 18). Néanmoins, de la
neutralité, ils ont transité vers l’autonomie21 qui, dans ce cas, plus qu’un discours de
résistence, correspond à une stratégie de ré-existence, celle de défendre la vie au milieu de
la construction et de l’étendue de gégraphies de la terreur; dans ce sens, le príncipe
d’autonomie s’assoit sur une proposition plus claire et active (Wouters, 2002). Ce projet
d’autonomie repose sur trois idées centrales: “contrôle territorial, contrôle social et
l’élaboration d’un plan d’ethno-développement” (Ibíd., p. 378).
20 En portant un regard plus critique sur les processus de résistance, les travaux sur ce thème peuvent être
interpellés par leur tendance à romantiser la résistance au lieu d’expliquer comment opèrent les mailles du
pouvoir (Abu-Lughod, 1990). 21 Pour le Consejo Comunitario Mayor de la Asociación Campesina Integral del Atrato, le príncipe
d’autonomie s’enracinne dans sa “(…) participation dans la prise de décisions réelles sur les évennements qui
les importe, en promouvant l’unité communautaire et la fortification des familles et des individus, avec l’idée
de consolider la reconaissance éthnique-territoriale et de maintenir la défense des ressources naturelles de
leurs territoires collectifs” (COCOMACIA, 2013).
12
Figure 1: Femme afrocolombienne du Consejo Comunitario Mayor de la Asociación Campesina Integral del Atrato –
COCOMACIA, Marche commérmorative aux victimes du massacre de Bojayá, 02 Mai 2015, Bellavista. Photo de l’auteur..
Par consequént, l’autonomie, étant l’un des piliers centraux des organisations
afrocolombiennes et indiennes, constitue un mécanisme pour interpeller les acteurs armés et
de l’Etat sur la manière d’organiser le territoire et les population qui y habitent (Ibíd.).
Ainsi, comme le souligne Wouters (2002, p. 379):
Il y a même eu des communautés qui ont fait face directement aux groupes armés,
en réunissant a tous les habitants à l’arrivée de ces derniers, demandant ce qu’ils
voulaient et exigeant le respect de leur autonomie (…).
Ce type de résistance s’exprime aussi au travers de la volonté de revenir dans leur
communautpe comme une stratégie de re-territorialisation ou, dès le debut, à ne pas
sortir de leur territoire comme un mécanisme de défense de leur lieu de vie et une
affirmation de la souverainneté territorielle. Ainsi, comme le racontent ces deux
femmes:
“pour ce sentiment d’appartenance, nous ne pouvons abandonner notre territoire
(…)” (Entretient avec Claudia, líder d’une organisation de femmes, 21 septembre
2015, Quibdó)
“éteignons et partons, non! Nous ne pouvons pas fléchir, on doit mourir pour
réclamer nos droits” (entretient a Fanny, membre de COCOMACIA, 04 mai 2015,
Quibdó).
Par conséquent, dans le contexte du conflit armé, cette forme de résistance
“désarmée” des communauté paysannes et le processus organisatif que le soutient ne
correspond pas à une alternative entre autres mais est devenu chaque fois plus une raison
d’être, qui plus est quand s’est accentué le problème du déplacement forcé. Néanmoins,
sans en arriver à certains réduccionismes ontologiques qui associeraint l’art de la résistance
13
a la nature même des habitants du Choco, il est important de souligner la longue tradition
de résistance ethnique et civile et d’émacipation presente dans le département pour faire
face au déracinnement et à l’emplacement forcé22(Meza, 2006). En effet, la résistance ne se
réduit pas seulement à des pratiques matérielles d’insurrection face à una situation
d’injustice perçue ou vécue comme purent l’être les différents soulèvements de l’époque
coloniale comme celui de 1688 qui correspon à une rébellion des esclaves noirs dans les
mines de Negua à causes des haux taux d’imposition, de la faim et des châtiments, celui de
Tado en 1729 dans les mines Monte Carmelo ou encore celui de Novita en 1825 dans le
canton du San Juan; également, les discours et les pratiques occultes, construits autor de
certaines formes de spiritualité et d’expressions culturelles propres comme formes de rejet à
l’ordre établi et d’insoumission face à l’exercice de certains types de pouvoir. Par exemple,
l’invocation au diable fut utilisée comme une stratégie de résistance des noirs dans les
mines du Choco para apeurer les esclavagistes de l’époque coloniale du XVIIIème siècle
(Jiménez, 2004); des processus similaires se retrouvent sur le continent, en particulier dans
les mines du Potosi en Bolivie (Taussig, 1980; Bernand & Gruzinski, 1988; Salazar-Soler,
1990; Absi, 2005). Ce qui ressemble à des vestiges culturels ou encore à du folklore sont en
réalité, dans de nombreux cas, des expressions de résistance culturelle et éthnique qui ont
perduré au travers de l’oralité, grâce aux histoires partagées, les cantiques aux morts (Ferro,
1999), la musique et la danse en général (Oslender, 2003; Arango, 2010).
Dans ce sens, un des rites ancestraux des indiens emberas qui a été récupéré par
certains et a survécu pour d’autres est celui des ombligadas; celles-ci consistent à déposer
un os d’animal du sexe opposé à l’enfant qui vient de naître afin de lui donner certain type
de pouvoir ou de qualités pour chasser, pêcher ou naviguer. Cependant, José Luis, indien
embera dovida nous signale que “(…) les ombligadas sont réalisées surtout pour défendre
le territoire”.
D’un point de vue éthnique, les expressions de résistance sont multiples et ont
transité égalemente au travers de l’exercice de la mémoire, c’est à dire de se souvenir tanto
de formes coloniales que modernes du déracinnement; néanmoins, celle-ci ont également
réussi à profiter de la conjoncture de réforme étatique, postérieure à la nouvelle constitution
de 1991, en utilisant les mécanismes d’organisation colective que prévoit la loi 70 de 1993
et qui a ouvert une nouvelle fenêtre politique pour le déploiement de leurs revendications
éthniques, culturelles et territorielles. Si bien, il est vrai que les communautés noires et
indiennes du Choco ont réussi à politiser leur différence grâce à la création d’une série
d’organisations propres, il est nécessaire qu’elles fortifient les plateformes comunes
d’organisation et d’action collective pour pouvoir établir des mécanismes de pression plus
importants sur l’Etat colombien en relation au respect de leurs droits culturels et territoriels,
prévus par la Constitution politique. Sans aucun doute, c’est dans cette histoire partagée,
dans les flux et reflux du dialogue inteculturel qu’ont maintenu les communautés noires et
indiennes qui “(...) bien qu’il n’a pas été toujours libre de tensions et conflits, a revêtu un
caractère non violent grâce à différents mécanismes d’echange symbolique et social”
(Agudelo, 2012, p. 12), s’enracinne le principal potentiel subversif et émacipateur du
territoire du Choco. La diversité des voix qui s’expriment, la superposition de diverses
formes d’expression de la territorialité ainsi que la co-existence de différentes notions de
22 Selon Meza (2003, cité par Arocha, 2002) l’idée d’emplecement forcé fait référence à un terme utilisé “(…)
par les organisations de base afrocolombiennes pour décrire les effets des confrontations armées qui leur sont
externes”.
14
“vivre bien” ou de “bonne vie”, construites à partir de leur différence culturelle, constituent
des réponses concrètent à la nature déracinnante du projet développementaliste moderne.
Reflexions finales
Ce travail met en évidence qu’il existe une série de réponses que construisent les
acteurs locaux (église catholique, organisations afrocolombiennes et indiennes) face aux
géographie de la terreur et aux processus de déracinnement et de dé-territorialisation qu’ont
généré tant le conflit armé que le modèle d’accumulation capitaliste par dépossession qui,
légitimé par un Etat authoritaire23, vise à la disparition des cultures natives (Escobar, 2005).
Nous avons défini ces manières de résister comme des stratégie de re-existence dans la
mesure où elles prêchent la vie dans ce qui ressemble à des “territoires de mort et
désolation”. Ainsi, en reprenant l’expression de l’écrivain argentin Ernesto Sábato (1999),
nous pourrions parler d’un “pacte entre les vaincus”, c’est à dire d’un pacte pour “prendre
la vie du monde comme un devoir et de sortir pour la défendre” (p. 396).
Ainsi, il existe de lon en large du territoire du Choco ce que nous pourrions appeler
comme une “spatialité de la résistance” (Oslender, 2002), qui n’a pû être abattue par la
logique moderne du capitalisme qui cherche à transformer simmultanément les domaines
du culturel, de l’écologique et de l’économique (Escobar, 2005); grâce, dans un premier
temps, à des procesus de concientization et, ensuite, d’etnisation de la différence culturelle,
les communautés noires et indiennes du département n’ont pas seulement réussi à résister
face à un (des) oppresseur(s) mais aussi proposer une modernité alternative ou, plutôt, des
alternatives au développement modernisateur.
Néanmoins pour les communauté noires et indiennes du Choco, le scénari d’une
posible démobilisation des acteurs armés n’est pas forcémment synonime de paix dans la
mesure ou il pourrait y avoir une recrudescence de violations de leurs droits ethniques et
territoriels avec l’entrée massive de l’extractivisme. Par conséquent, la compréhension de la
tant désirée paix territorial en doit pas se limiter à la disparition des fusils dans le paysage
du Choco, elle implique aussi et surtout l’urgente nécessité de garantir des conditions
d’égalité et de justice sociale ainsi que les formes d’existence propres aux populations qui y
habitent, en accord avec leurs cosmovisions.Établir les bases d’une paix structurelle
implique cette fois-ci amorcer un autre type de négociation que celui des accords de paix,
c’est à dire négocier avec le “néolibéralisme armé”24 duquel l’Etat colombien reste un des
prinicipaux protagonistas.
23 Pour le gouvernement colombien, le département du Choco s’est converti, depuis environ une décennie, en
un lieu stratégique de la politique minéro-énergétique nationale, qui reconnait dans l’extractivisme un mteur
de la croissance économique et du développement; en effet, le département a été califié commeétant une
“enclave minière”, pour ses immenses réserves d’or et d eplatine. Cet intérêt minier comme à se definir
chaque fois plus a partir de la période de gouvernement de l’exprésident Alvaro Uribe (2002-2010), durant
laquelle s’est multipliée par huit la superficie des titres miniers alloués ou solicités. 24 Le “néolibéralisme armé” se comprend comme la série de réponses authoritaires et répressives dans un
contexte de crise et d’agitation sociale de la part du pouvoir constitué afin de soutenir les polítiques
néolibérales ainsi que les processus d’accumulation du capital” (Taddei, 2002).
15
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