Monsabré. Exposition du dogme catholique. 1873-1890. Volume 04

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    JOHN M. KELLY LIBRARY

    wwmsmmBmm

    IN MEMORY OFCARDINAL GEORGE FLABIFF CSB

    1905-1989

    University ofSt. Michael's Collge, Toronto

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    CONFERENCES DE NOTRE-DAME DE PARISEXPOSITION

    DU

    DOGME CATHOLIQUEGOUVERNEMENT DE DIEU

    CARME 1876

    CARME 187G. 1

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    PROPRIETE DE L EDITEUR

    L'diteur rserve ses droits de reproduction et detraduction.

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    Cet ouvrage a t dpos, conformment aux lois,en juin 1911.

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    CONFRENCES DE NOTRE-DAME DE PARIS

    EXPOSITIONDU

    DOGME CATHOLIQUEGOUVERNEMENT DE DIF.l

    PARLE T. R. P. J.-M.-L. MONSABRE

    des Frres Prcheurs

    CARME 1876 | Quatorzime dition

    PARISP. LETHIELLEUX, LIBRAIRE-DITEUR

    10, RUE CASSETTE. 10

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    Digitized by the Internet Archivein 2011 with funding from

    University of Toronto

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    DIX-NEUVIME CONFRENCE

    LE GOUVERNEMENT DIVIN

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    DIX-NEUVIEME CONFERENCE

    LE GOUVERNEMENT DIVIN

    Kminextissime Seigneur. Monseigneub, Messieurs.

    Aprs avoir tudi l'uvre du Crateur danssa production, dans l'harmonie de son ensembleet de ses parties, nous devons nous demandercomment elle persvre, et. puisque c'est uneuvre vivante, comment elle se dveloppe etmarche vers son but. Aprs avoir reu l'treet la vie. a-t-elle t abandonne elle-mme,et Dieu, son auteur, n'est -il que le spectateurgoste et tranquille de ses incertaines des-tines ? On a dit cela. Messieurs. La posiea prt main-forte aux arides formules de lasophistique, pour nous reprsenter le superbempris avec lequel Dieu traite sa crature.

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    LE GOUVERNEMENT DIVINL'immense, l'ternel, le parfait, isol par sanature de tons les autres tres et absorb parla contemplation de lui-mme, ne peut s'occu-per de cette chose borne, fugitive et misrableque l'on appelle le monde. peine l'eut-il vu,au jour o il naissait d'un mystrieux capricede sa volont, qu'il dtourna les yeux, et d'unpied ddaigneux le lanant dans l'espace :

    Va, dit-il, je te livre ta propre misre.Trop indigne mes yeux d'amour ou de colre.Tu n"es rien devant moi.Roule au gr du hasard dans les dserts du vide ;Qu' jamais loin de moi le destin soit ton guide.

    Et le malheur ton roi.Absurde et atroce doctrine laquelle il faut

    opposer tout de suite le saint et salutaire ensei-gnement de l'glise. Son Crateur n'est pointun tre sans entrailles qui produit et abandonneau hasard les fruits de sa paternit, il cre et ilreste avec son uvre : Deus non jecit et abiit,sed jecit et remansit 2 . Ce n'est point du dehors, c'est du dedans qu'il meut cette masse immense o s'agitent tant d'tres etu o s'accomplissent tant de destines. Il est

    1. Lamartine. Mdit. VI. Le Dsespoir.2. S. Aug.

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN 9comme rpandu dans son ouvrage. C'est parsa prsence qu'il l'a fait. C'est par sa pr-sence qu'il gouverne ce qu'il a fait l. Toutvient de lui. tout est men par lui. tout sub-siste en lui. Ex ipso, per Ipsum et in ipsosiuit omnia'2 . Etre, mouvement et vie, tout disparat si nous cessons d'tre soumis sa

    Providence 3 . O Pre, c'est elle qui nous gou-verne : Tua. Pater, providentiel gubemat*.

    Point de destin impitoyable, point de divi-nits subalternes qui se partagent l'adminis-

    k tration des diffrentes parties de l'univers :il n'y a que vous, vous seul, qui ayez soin de

    toutes choses. Xon est alius Deus quam tueui cura est de omnibus 5 . Tout tre est sujet de votre gouvernement. Omnia serviunt tibi 6..Ainsi parle l'Eglise. Messieurs. Son enseignement1. Deus mundo infusus fabricat et non recedit aliquo. Non

    extrinseous quasi verst molem quam fabricat. Praesentimajestatis facit quod facit : praesenti su gubernat quod fecit.(S. Aug.. Traet. II in Joannem.)

    2. Rom., cap. XI, 36.3. In ipso enim vivimus, movemur et suinus. (Act., eap.XVII. 28.)4. Sap.. cap. XIV, 3.5. Sap.. cap. XII, 13.0. Psalm. CXVIII.

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    10 LE GOUVERNEMENT DIVINnous met en prsence du gouvernement de Dieuet de ses mystres. Recueillez-vous, car nousallons marcher dans une route difficile, et ctoyerles plus profonds abmes du dogme catholique.11 vous faut pour cela toutes les forces de votreraison, et encore votre raison, si forte qu'ellesoit, n'viterait pas le vertige, si elle n'taitsecourue par les grces qui accompagnent unefoi humble et sincre. Ces grces, je les demandepour vous, et j'espre que Dieu ne les refuserapas mes dsirs et mes prires d'ami.

    Aujourd'hui, nous allons nous appliquer quelques considrations gnrales qui doiventengager les questions ardues que nous aurons traiter : - Comment se justifie rationnelle-ment renseignement catholique touchant l'exis-tence du gouvernement divin ? Quelle est laconstitution de ce gouvernement ?

    minentissime Seigneur.

    Le prophte lie sur la fin de sa carrires'attacha plus intimement son disciple Elise.Il avait reconnu en lui ses vertus. Il devait, en

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN 11lui laissant son manteau, lui communiquer sonesprit. Vous avez comme le prophte pr-par votre diocse un Elise. Monseigneur :mais gardez votre manteau le plus longtempspossible, nous vous en conjurons, et daigneDieu nous faire jouir encore pendant de longuesannes de la double prsence d'lie et d'Elise 1 .

    Clment d'Alexandrie prtend qu'on ne doitpoint de rponse celui qui demande qu'on luiprouve l'existence du gouvernement divin, ilsuffit de le mettre en pnitence 2 . Je serai pluscondescendant. Messieurs. Dussiez-vous mritertous d'tre mis en pnitence, je veux rpondre cette question : Y a-t-il dans le monde ungouvernement de Dieu ? Procdons avec ordre.

    Voir l'essence d'un tre et vouloir qu'il soit,c'est crer. Vouloir que l'tre dure, c'est con-server. L'acte conservateur est le ncessaire

    1

    .

    L'orateur, s'adressant ici directement au Cardinal-arche-vque de Paris, fait allusion au collaborateur que X. S. P. lePape lui a donn dans la personne de son coadjuteur. Mgr Ri-chard, archevque de Larisse.

    2. Non responsionem sed pnam meretur qui demonstrarisihi petit esse providentiam. (Strom., lib. IV.)

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    12 LE GOUVERNEMENT DIVINprolongement de l'acte crateur 1 . On comprenddifficilement en effet qu'un tre ou un mondeapparaisse et disparaisse comme un clair, cequi arriverait pourtant si la force cratrice seretirait de l'tre cr ; car de mme qu'il n'apoint en lui la raison de son existence, il n'apoint non plus la raison de sa dure. Le monde,uvre de Dieu, ne subsiste donc, en toutes sesparties, qu'en vertu de l'action prolonge de laforce qui l'a cr 2 . Mais le monde ne subsiste-rait qu' l'tat de chaos, fatalement condamn une prompte destruction, si l'acte conserva-teur n'tait le premier effet du gouvernementdivin 3 .Vous entendez bien. Messieurs, qu'un monde

    n'est pas un amas incohrent de substances sansrelations les unes avec les autres, sans directionvers une fin dtermine ; c'est un ensemble ochaque chose a sa place et concourt, en gravitantvers sa perfection propre, la perfection du tout.

    1. Cf. Summ. Theol., I p., quaest. 104, a. 1 et seq.J. Nihil est quod stare queat factore remoto. (Prosp., Car-men de Provident.)3. Duo sunt effectus gubernationis, seilicet conservatio

    leiuiii in bono, et motio earum ad bonum. (Summ. Tbeol.,I. p., quaest. 103, a. 4, e.)

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN" 13Voir la place de chaque chose, lui assigner ses linsparticulires, ordonner toutes les fins particuliresvers une fin gnrale, disposer, dcrter, appliquerles moyens par lesquels toutes les fins sont at-teintes, c'est faire acte de providence, c'est gou-verner.

    Or. Messieurs, que cet acte providentiel quej'appelle le gouvernement soit ncessaire uneuvre de Dieu, quelle qu'elle soit, c'est cequ'il est impossible de nier, sans nier l'uvreet Dieu lui-mme. L'uvre, en effet, ne subsis-tera pas sans ordre, l'ordre n'existera pas sansqu'il ait t conu et mis en acte par le cra-teur mme de l'uvre. Origine et fin de toutbien, le souverain bien seul peut remplir de sesdesseins et de son action l'espace qui sparel'origine de la fin 1 ? Supposez, par impossible,que l'uvre subsiste sans ordre et sans ordon-nateur : Dieu n^en est plus le matre, il perdhonteusement son autorit et sa toute-puis-sance. Le ple-mle de toutes ces existencesqui cherchent en vain leurs voies accuse sasagesse ; l'impuissance o elles sont de jamais

    1. Cf. Summ. cont. Goit. , Ub. III, cap.

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    14 LE GOUVERNEMENT DIVINobtenir leur perfection proteste contre sa bont l'Dieu n'est plus, et, s'il n'est plus, rien ne sera. Voilla conclusion logique o nous mne, sans sortir dela mtaphysique, la ngation du gouvernementdivin.

    Mais pourquoi nous donner tant de peine,Messieurs ? Pourquoi chercher sur les hauteursde l'abstraction une chose que nos yeux peuventvoir, que nos oreilles peuvent entendre, que leplus vulgaire raisonnement peut atteindre ? Re-gardez le monde, suivez ses mouvements, coutezses voix, vous serez bientt convaincus que le plan de l'ordre qui se manifeste en touteschoses prexiste dans une intelligence sup-rieure 2 . - qu'une raison divine trne ausommet des existences et les arrange harmo-

    1. (uni enim sit optimum optima producere non convenirsummae Dei bonitati quod res productas ad perfeetum nonperducat. Ultima autem perfectio uniuscujusque est in con-secutione finis. Und ad divinam bonitatem pertinet ut sicutproduxit esse, ita etiam eas ad finem perducat ; quod est gu-bernare. (Summ. Theol., I p., quaest. 103, a. I.)

    Movo; o Ocor irj-t yjr;n yaOo x.al crGpo > wv yaOoc itpo-voe 6 -;as ;/>, irpovowv ox -;aOo;. (I)amasc. Lib. II, de fide, r.c. 29.)

    2. Ratio ordinis rerum in finem in mente divin piirexistensproprie Providcntia est. (Summ. Theol., I p., qiuest. 22,n. E c.)

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN 1 5nieusement l . qu'un art ternel rgletout ici-bas 2 . - qu'une volont matresseadministre sagement le vaste ensemble destres 3, o Bref, le monde, par des images, pardes laits, par une libre et solennelle reconnais-sance, nous apprend qu'un acte d'intelligenceinfaillible et de volont souveraine, le gouver-nement divin, en un mot. prside ses des-tines.Que voyez-vous dans les cieux et sur la

    terre ? Des gouvernements. Les soleils r-glent la course docile des plantes, et cdenteux-mmes l'influence d'un plus puissantmoteur que la science devine, mais qu'elle n'apas encore dcouvert. Les atomes sont soumis des lois qui fixent leur place, et dterminentleurs fonctions dans la composition des corps.La plante se dveloppe sous l'action d'une forcemystrieuse qui ouvre ses bourgeons, allonge

    1. Providentia est ipsa divina ratio in summo omnium prin-cipe constituta, quae cuncta disponit. (Boet., 1. IV. de consol.,pr. 6.)

    2. Providentia est as aetema cuncta temperantis Dei. (Se-nc

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    16 LE GOUVERNEMENT DIVINsa tige, tend ses rameaux, panouit ses fleurs,marie ses organes et forme ses fruits. L'oiseauprend soin de sa chre couve ; le lion rgne ensa tanire. L'homme est un monde en raccourcio luit l'incorruptible soleil de la raison pourdiriger les commandements d'une activit libre laquelle obissent tous les membres. La fa-mille est un royaume o la puissance, la sagesseet l'amour se dpensent constamment en actesprovidentiels autour de la faiblesse, de l'inex-prience et du naf gosme de l'enfance. Quele pre est grand ! que la mre est aimable !Chez l'un, quelle mle sollicitude ; chez l'autrequelle inpuisable tendresse ! Nourrir, instruire,consoler, gurir, protger, diriger, c'est leur officejusqu' ce que l'enfant ait pass du berceau l'cole, de l'cole la carrire o doivent se dployerles forces de sa maturit. Alors il va gouverner lui-mme, mais il n'a pas secou le joug de l'amouropinitre qui s'est vou son bonheur. La pro-vidence en cheveux blancs veille encore sur lui,et, si elle n'ose plus commander, elle prodigueses sages conseils et ses tendres avertis-sements .De la famille la socit il n'y a qu'un pas.

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN 17Avez-vous jamais vu une socit sans gouver-nement ? Montrez-la-moi. J'entends bien quel'on discute des formes. Celui-ci veut plus degaranties pour l'autorit, celui-l plus de ga-ranties pour la libert. On cherche des temp-raments, on poursuit un idal qui assure aupouvoir une force respecte, la volont natio-nale une part lgitime d'influence dans la con-duite des affaires publiques ; mais, en attendantqu'on le trouve, personne n'estime qu'il faille sepasser de gouvernement. Les peuples policsont leurs empereurs, leurs rois, leurs prsi-dents, leurs magistrats, leurs chambres, leursconsuls : les tribus sauvages se groupent autourd'un chef assist par le tribunal des anciens ;le bandit lui-mme a besoin de sentir quelqu'unqui lui commande et le dirige en ses violenceset ses rapines. Il n'y a que les fous pour rverl'anarchie : les plus enrags dmolisseurs depouvoirs n'en veulent pas. La rforme radicalequ'ils promettent au monde c'est, en dfinitive,un gouvernement o ils auront la libert de toutvouloir et de tout faire sans qu'il nous reste nous, pauvres conservateurs, d'autre libert([lie d'obir leur volont et de dire amen

    CABME 1^7; 2

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    18 LE GOUVERNEMENT DIVINleurs agissements. Voil le fond de toute rvo-lution.Vous le voyez, Messieurs, le monde nousoffre de toutes parts des images de gouverne-ment. Ces images sont parlantes, il ne faut pasgrand effort pour dcouvrir la vrit qu'ellesnous proposent. Si c'est une perfection de gou-verner, il est vident que Dieu, l'tre infinimentparfait, la possde un degr suprme. Si tousles gouvernements distincts, et parfois contraires,de la nature anime et inanime appartiennent un ensemble, ce qui est indniable, il est videntqu'ils ne peuvent tre relis entre eux que par Yun,principe de toute unit 1 . Unitatis causa est per seunum, dit saint Thomas 2 . Unir et accorder ensem-ble les multiples est le rle d'un tre indivisible. Cequi faisait dire au vieil Aristote : Les tres ne

    1. Ea qua* sunt secundum suam naturam distincta inunum ordinem non conveniunt, nisi ab uno ordinante colli-gantur in unum. In universitate autem rerum sunt res distinc-te et contrarias naturas habentes, quae tamen omnes in unumordinem conveniunt, quum quaedam operationes quorumdamexcipiunt, qusedam autem a quibusdam juvantur vel etiamoperantur. Oportet igitur quod sit universorum unus ordina-tor et gubernator. (Summ., cont. Gent., lib. III, cap. 64.)

    2. Summ. Theol.. I p.. qua-st. 103, a. 3. (Cf. Totum corpusarticuli.)

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    LE GOUVERNEMENT* DIVIN 19veulent pas tre mal conduits: et parce que lapluralit des commandements ne vaut rien il nedoit y avoir qu'un seul prince: Unus ergo princeps1 .Vous tes ce prince, mon Dieu ! A travers

    les images de la nature ma raison, obissant une irrsistible induction, me conduit jusqu'vos pieds sacrs. Elle ne peut pas croire quedans un monde o tout nous apparat sous laforme d'une activit bienfaisante, enfonc dansvotre inaccessible essence vous soyez moinsutile qu'une goutte de pluie et moins gnreuxque le calice d'une fleur 2 . Les soleils gou-vernent leurs systmes : mais vous tes l'astrecentral d'o part L'universelle direction desmouvements de l'immensit. Le pre et la mreprennent soin du fruit de leurs entrailles :vous tes le pre et la mre de tous les tres, etvous leur prodiguez chaque instant les trsorsde votre puissance, de votre sagesse et de votreamour. Quand les astres du matin furent closd'une de vos paroles, vous ne les avez pas

    1. Entia nolunt disponi maie, nec bonum pluralitas princi-patuum : unus ergo prineeps. (XII Metaph.. in finem. citpar S. Thom. Loco oit.)

    2. Lacordaire : soixante-septime Confrence.

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    20 LE GOUVEBNEMENT DIVINlaisss, obscurs et tremblants, s'garer dans lesespaces : mais vous leur avez trac leurs voieset les avez revtus d'un chaud vtement de lu-mire. Vous veillez sur les germes ; vous en-voyez la plante naissante son rayon de soleil,sa goutte de pluie et de rose : vous prouvezdans les rudes embrassements de la tempte lal'ore du chrie : vous faites passer sur les gazonsfleuris les brises caressantes ; vous donnez aulis des champs une robe plus fine et plus cla-tante que celle du roi Salomon au temps de saplus grande gloire 1 ; vous n'oubliez pas lespauvres petits passereaux qui VOUS demandentleur nourriture de chaque jour 2 . Vous visitezl'homme, vous allumez au sommet de son mele flambeau sacr de l'intelligence, vous appro-chez votre cur de son cur 3 ; vous lui mon-trez au terme de sa vie la flicit qui doit le r-compenser de ses efforts et de ses peines, etpendant les jours du plerinage le chemin desvertus cpi'il doit parcourir : vous comptez les

    1. Considerate lilia quomodo crescunt : non laborant nequelient : dico autem volas, nec Salomon in oinni gloria sua ves-tiebatuT sicut unum ex istis. (Luc. cap. XII. 27.)

    2. Nonne quinque passeres veneunt dipondio, et iinus exillis non est in oblivione coraiu Deo. (Luc. cap. XII. .)

    l). Apponis erga euro cor tuum. (Job. cap. VIL 1T.)

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN 21cheveux de sa tte, et vous ne voulez pas qu'unseul tombe sans votre permission *. Vous avez pourlui. c'est vous-mme qui l'avez dit. des tendressesde mre 2 . Non. la mre n'aime pas le fruit de sonsein autant que vous aimez chacun de nous. Etquand nous nous runissons en peuples, sous laconduite de ceux qui doivent nous gouverner, voustes le Roi des rois, le Matre des dominateurs : Rexregum, Dominas Uominantium*. Les affaires publi-ques sont entre vos mains, et ceux qui croient lesdiriger ne font qu'accomplir vos desseins, suivrevotre conduite, marcher au but vis par votre Pro-vidence. Quel que soit le dnoment de nos des-tines sociales, il faut toujours conclure par cesparoles des Saintes Lettres : Rgi sculorumimmortali et invisibili soli Dca honor et gloria :Au roi immortel des sicles, au monarque desnations, Dieu seul honneur et gloire 4 .

    Vais-je trop loin. Messieurs ? Les images dece monde ont-elles sduit la candeur de ma

    2. lapilli capitis vestri omnes numerati sunt... (Matth.,cap. X, 30.)3. Isai., cap. LXVI, 13.4. Apoc. cap. XIX. 16.2. I Tim.. cap. I. T.

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    22 LE GOUVERNEMENT DIVINraison au point de me faire attribuer Dieu unesollicitude et des soins indignes de sa majest ?Vous pourriez dire cela peut-tre si le gouver-nement divin n'tait un fait crit sur toutes lespages de la nature et de l'histoire, un fait telle-ment clatant que la philosophie s'en est serviede tout temps pour construire la preuve la pluspopulaire de l'existence de Dieu. C'est parl'vidence de son action ordonnatrice que nousatteignons, dans le mystre de son essence, leprincipe de toutes choses : car l'univers, cetteharmonie de lins et de moyens dont nous avonstudi Tanne dernire les lments, les lois etles merveilleuses combinaisons, rclame si im-prieusement la perptuelle prsence d'une in-telligence suprieure, l'incessante direction d'unevolont souveraine, la Providence, en un mot.qu'on ne peut refuser de la reconnatre sansoffenser mortellement le bon sens. Je ne revien-drai pas. Messieurs, sur une argumentation quia dj tenu une large place dans nos confrences 1 ;rsumons-la par ce raisonnement concis de saintThomas : Nous voyons dans la nature

    l. Voyez les volumes prcdents : quatrime et quatorzimeconfrences.

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN 23s'accomplir toujours ou gnralement ce qui estmieux. Or. cela n'arriverait pas si tous les tresn'taient dirigs vers leur fin, qui est le bien,par une providence : cette direction c'estle gouvernement. L'ordre manifeste des chosesdmontre donc qu'il y a un gouvernementdu monde, comme une maison bien ordonnedmontre l'action raisonne d'un ordonna-teur *. Dans le monde moral, o tout semble d-

    pendre de l'initiative de la libert et du jeudes passions humaines, la royale domination deDieu, bien qu'elle s'entoure de mystre, se faitsentir encore. La raison chrtienne l'admire encette trame sublime d'vnements et de mer-veilles qui vont se dveloppant du berceau del'humanit la rnovation des temps par leChrist, de la rnovation des temps nos joursde progrs, de luttes et d'immenses infortunes.

    1. Videmus enini in rbus naturalibus provenirc quod me-lius est, aut semper, aut in pluribus. Quod non contingeret.nisipei aliquam providentiam res naturales dirigerentur ad fineniboni, quod est gubernare. Unde ipse ordo certus rerum mani-feste demonstrat gubernationem mundi : sicut si quis intraretdonium bene ordinatam. ex ips doms ordinatione ordinatorisrationem perpenderet. (Sunim. Theol.. I p., qusest. 103, a. 1.)

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    24 LE GOUVERNEMENT DIVINOracles, prodiges, rvlations ; vocation despeuples, succession calcule des empires ; escla-vages, dlivrances, crimes, rpudiation de lanation prdestine, juste et misricordieuse substi-tution du peuple chrtien au peuple juif ; enfan-tement laborieux et sanglant de l'glise, triom-phe d'un supplici et de douze misrablespcheurs sur la haine froce des csars et deleur empire, conqute de l'univers par le catho-licisme ; effondrement successif de toutes leserreurs sous les tranquilles anathmes de l'im-muable vrit ; floraison constante des vertushroques des saints, au milieu de Pgosmeet de la corruption du sicle ; miraculeuse puis-sance de leur parole et de leurs restes ; rajeu-nissement de l'esprit chrtien sous chaque coupdes malheurs publics et de la perscution ;spectacle admirable de la faiblesse dsarme,rsistant du haut du Vatican aux sduisantespromesses de la fourberie et aux menaces d'unerage impuissante : Voil, Messieurs, lesempreintes du sceptre royal qui gouverne lalibre humanit. Si vous tes chrtiens, adorez-les, baisez-les sur chaque page de l'histoireo vous les rencontrerez. Si vous n'tes pas

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN 25chrtiens, laissez-vous du moins instruire etconvaincre par les infortunes dont vous avezt les tmoins et dont la blessure est loin d'tregurie. Vous avez vu la France au comble dela prosprit, admire et envie par le mondeentier. Eh bien cette France si riche, si glo-rieuse, et en mme temps si coupable, une inex-plicable folie l'a prcipite en quelques moisdu fate de la grandeur dans un abme de dou-leurs et d'humiliations. Point de rcriminationssur les responsabilits. Dieu seul les connat.mais rien que le fait brutal et poignant : vousl'avez vu. Au moment de la lutte, quelle pr-somption dans l'entreprise, quelle vanit dansla confiance, quel trouble dans les conseils, queldsordre dans les commandements, quelle dfec-tion dans les courages, quelle mystrieuse com-plication de mprises, de maladresses, de faux ren-seignements, de retards, d'obstacles imprvus, cepoint que les moins croyants, empruntant le lan-gage de l'criture, ne purent s'empcher des'crier:" Le doigt de Dieu est l : Digitus Deiest hic 1 .

    1. Exod.. cap. VIII.. 10.Un ensemble de concidences malheureuses s'est joint

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    26 LE GOUVERNEMENT DIVINVous me direz. Messieurs, que dans ce cas le

    doigt de Dieu a bien mal gouvern les vne-ments puisque, au lieu de servir la cause de lajustice, il a assur le triomphe et la domina-tion scandaleuse de l'iniquit. Tout a tourn auprofit de pcheurs dont le sceptre menace l'heure qu'il est les plus saintes institutions. Ilsont le gnie et la force. Leurs exigences inso-lentes nous donnent des transes dont nous negurissons que par d'ineffables humiliations.Ne voyez-vous pas que la lutte civilisatricequ'ils ont entreprise, et que les cyniques aptresdu radicalisme poursuivent servilement, va tout l'heure craser ce qui reste de christianismedans le monde ? Les vques emprisonns, lesprtres perscuts, les religieux proscrits, c'estle prlude de ce qu'ils appellent la victoiredfinitive de la civilisation sur la superstition.

    la faiblesse organique de la France pour djouer ses efforts.Et cet ensemble a t tel que. vritablement, quand on l'envi-sage, on est tent de se demander s'il n'y a pas eu l quelqueraison suprieure aux causes physiques, une sorte d'expiationdes fautes nationales ou le dur aiguillon pour un relvementncessaire. En prsence de si prodigieuses infortunes on nes'tonne plus que les mes religieuses aient pu dire : DigitusDei est hic. (La guerre en province jtendant le sige fie Paris,par (.'halles de Freycinet.)

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN . 27 .Ah ! s'il est une Providence, qu'elle se montredonc ! Levez-vous, Seigneur, pourquoidormez-vous ? Exsurge ! quare obdormis. Do-mine 1 ? On disait cela. Messieurs, quand Nronet ses successeurs ensanglantaient l'empire ro-main et multipliaient les martyrs : on disaitcela quand Julien l'apostat, unissant la perfidie la cruaut, tentait de ressusciter le culte desdivinits paennes ; on disait cela quand lesbarbares ravageaient sur leur passage les chr-tients naissantes : on disait cela quand lesempereurs du moyen ge faisaient la guerreau Saint-Sige pour confisquer leur profit lesprrogatives du suprme sacerdoce ; on disaitcela quand la rforme armait la main des princeset des peuples contre le catholicisme ; on disaitcela quand la rvolution renversait, prs d'untrne treize fois sculaire, les autels de Jsus-Christ. On disait cela : et dans l'ombre descatacombes, sous les votes de ses sanctuairesdpouills, l'glise chantait ces paroles d'un roiqui fut l'homme de la Providence : ExspectaDominum, attendez le Seigneur, sustine Domi-

    1. 1 salin. XLIII.

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    28 LE GOUVERNEMENT DIVINnum, soutenez le choc de sa colre. Le triomphedes pcheurs ne sera pas ternel ; tout l'heureils vont se chtier eux-mmes et disparatre;quand ils priront vous verrez Dieu : Cumperierint peccatores videbis 1 . S'il y a du sang etdes ruines, n'en accusez que ceux qui. refusantde reconnatre la Providence ses bonts, ontrendu ncessaire la dmonstration de ses ven-geances. Quoi qu'il arrive, vous verrez Dieu, neserait-ce qu'en apprenant vos dpens ce qu'ilen cote vouloir gouverner sans lui.Aveugle. Messieurs, celui qui ne voit pas legouvernement de Dieu dans la nature et dansl'histoire ; mais, comme si ce n'tait pas assezde cette infirmit, il est sourd, il n'entend pasle tmoignage que l'humanit rend universelle-ment et perptuellement la Providence. J'aiexamin, en traitant de l'existence de Dieu, leslois et la force de l'affirmation solennelle dugenre humain 2 , je n'y reviendrai pas, qu'il mesuffise d'en constater ici l'extension.Tous les peuples ont cru, tous les peuples1. Psalm. XXXVI.2. Voyez troisime confrence : Affirmation de l'existence

    de Dieu.

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN 'J)croient en Dieu. Non pas en un Dieu dont l'im-mobile majest ne reoit que des adorations :mais en un Dieu roi et pre qui cde aux priresde ses sujets et de ses enfants, et s'incline mi-sricordieusement vers le monde pour y r-pandre les bienfaits de son gouvernement. Lespaens se sont tromps sur son essence et sanature. Aprs l'avoir reprsent sous diversesformes, ils ont grossirement multipli sa per-sonnalit. Toutefois leur mprise laissait sub-sister la confiance : en dfinitive, c'tait la Pro-vidence qu'ils invoquaient et qu'ils remerciaientdans chaque divinit propice ou terrible' laquelle ils adressaient leurs vux et leurs sa-crifices. Le langage spontan de l'humanitreligieuse faisait constamment jaillir, du chaosdes formes, la vrit unique et fondamentale dugouvernement divin : Je vous recommande Dieu, si Dieu veut, que Dieu vous soit en aide,grces Dieu : tels taient les cris populairesque Tertullien appelle quelque part le tmoi-gnage d'une me naturellement chrtienne 1 .Vou> trouverez. Messieurs, dans toutes les

    l. Apolog., cap. XVII. De testimonio anim, cap. I et II.

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    30 LE GOUVERNEMENT DIVINreligions ces deux actes : demander et rendregrces. Vous les trouverez vos foyers si vousvoulez un instant vous dpartir de votre su-perbe indiffrence et vous occuper de la viereligieuse de vos familles. Pendant que vousdpensez votre activit dans les agitations dusicle, ne croyant rien devoir qu' votre habiletet votre mle courage, une femme et des en-fants intercdent pour vous et rendent grces Dieu de chaque bienfait qui visite votre de-meure. Puissiez-vous. en les entendant recourir leur Pre des cieux, reconnatre qu'ils obis-sent mieux que vous aux instincts sacrs ducur humain, qu'ils comprennent mieux quevous les enseignements de la tradition, lesleons de l'histoire et les rvlations de la na-ture.

    Arrtons-nous ici. J'ai peut-tre fait un excs,Messieurs, car la ralit du gouvernement divinavait peine besoin d'tre prouve, aprs nostudes sur Yuvre de Dieu ; mais je m'en con-sole pour vous et pour moi en appliquant ici ceproverbe : Qiwd abundat non vitiai : Abondancede biens ne nuit pas. Du reste, puisque la n-gation de la Providence venait l'encontre de

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN .'31notre exposition, il tait utile de l'carter et delui montrer la place qu'elle doit occuper dansle catalogue des erreurs de l'esprit humain.Tout bien considr, cet athisme incomplet quiadmet l'existence de Dieu et rejette son gou-vernement n'est pas srieux. C'est une erreurbtarde, ne d'un reste de foi et de la mauvaisehumeur d'un esprit que les mystres de la Pro-vidence effarouchent : moins pourtant qu'ellene procde d'un cur corrompu, peu soucieuxd'tre gn dans la satisfaction de ses passions,par le contrle d'un matre infaillible et sou-verain. L'athisme absolu est plus franc et plusconsquent, sans tre moins draisonnable. Nousavons fait son procs, les deux causes sont ju-ges, maintenant marchons en avant et exami-nons la constitution du gouvernement divin.

    II

    Dans sa perptuelle dure et ses innombrablesdtails, le gouvernement de Dieu est un seul actede son intelligence et de sa volont infinies. C'eslpar une fiction d'esprit que nous analysons cetacte, afin de le mettre notre porte. Ne craignez

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    .TJ LE GOUVERNEMENT DIVINpas. Messieurs, que j'abuse de cette analyse et quej'imite la prolixit des chartes humaines ; troisarticles me suffiront pour vous faire connatrela constitution du gouvernement divin.

    Article premier : Le gouvernement divin estune monarchie dont la souverainet est uni-verselle et absolue.

    Article deuxime : Les lois du gouvernementdivin sont immuables.

    Article troisime : L'action du gouvernementdivin est infaillible et sainte dans sa fin et dansses moyens.Nous allons expliquer succinctement aujour-

    d'hui le texte de ces articles. Ils seront l'objetd'un dbat contradictoire dans nos prochainesconfrences : alors que nous mettrons la liberten regard de la souverainet, la prire en regardde l'immutabilit, le mal en regard de lasaintet.Dieu s'est appel lui-mme le Roi des rois,

    et par ce titre il a dfini le caractre et l'exer-cice de sa souveraine autorit. Si grand matreque soit un homme, il a toujours de qui tenir.Sans parler de l'investiture divine ncessaire tout pouvoir pour qu'il soit respect, et des lois

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN 33suprieures dont toute lgislation humainedoit tenir compte, le consentement exprs outacite des peuples, les conventions limitatives del'arbitraire, le partage de la surveillance etde l'autorit sont choses dont aucun gouverne-ment ne peut se passer, vil veut viter le sortdes pouvoirs excessifs et violents dont le propreest de ne pas durer. Mais Dieu ne tient son pou-voir que de lui-mme. Il n'a pas eu besoin duconsentement de sa crature pour la produire,il ne le demande pas pour la gouverner. Commeson intelligence, sa volont pntre partout, etpartout elle s'impose sans qu'on ait le droit delui dire : Pourquoi veux-tu ? Il est vraimentmonarque, c'est--dire seul matre, et sa souve-rainet est universelle. On l'aperoit si peu dansles dtails, que l'on est tent d'attribuer cha-cun des tres son action propre, comme unecause premire ; ce n'est que dans l'ensemblequ'il se fait voir. Cependant, si large que soitson gouvernement, rien n'chappe sa pn-trante vigilance et sa toute-puissante action.

    Il y a, Messieurs, des philosophes timidesqui appliquent au gouvernement divin ce vieiladage : De minimis non curt prtor, et esti-

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    .*3 I LE GOUVERNEMENT DIVINment indigne de la haute majest de Dieu lesoin des menues choses et des menus vne-ments. Ils imaginent je ne sais quelles lois gn-rales dans lesquelles Dieu voit tout, par les-quelles il tient tout. Une providence singulirede chaque chose introduirait, ce qu'ils croient.la multiplicit dans l'tre divin et le dcom-poserait. Je ne nie pas les lois gnrales.Messieurs, mais je ne puis pas tre de l'avis deceux qui prtendent supprimer par ce moyenla providence particulire, pour la bonne raisonque ce n'est pas l'avis de Dieu qui doit con-natre, mieux que personne, la manire dont ilgouverne. Il a daign nous rvler les dtailstouchants de son administration la fois pater-nelle et royale. Il s'intresse la germinationdes plus petites semences, l'panouissementdes fleurs, la vie et la mort des passereaux, la chute mme de nos cheveux, aussi bienqu'aux immenses volutions des sphres c-lestes 1 . N'est-il pas la cause de tout tre et ne

    1. Deus non solum clum et terram, ne soluni hominem etangelum, sed ne exigui et eontemptibilis animantis viscera.ne avis pennulam, nec herba? flosculum, nec arboris foliumsine suarum partium convenienti derelinquit. (S. Aug., deCivit. Dei, cap. XT, eirea fin.)

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN 35doit-il pas donner tout tre la perfection ? Ya-t-il rien qui ne soit ordonn sa bont, etqu'il ne doive conduire cette fin suprme detoute existence cre 1 ? Estimer qu'il s'humilieet se dgrade en s'occupant des tres infrieurset minuscules, c'est lui prter tort nos infir-mits. Quand un homme gouverne il a besoinde ne voir que de haut et 'de ne toucher que deloin : une trop grande application aux dtailsle dtourne de l'ensemble. Mais Dieu est. partout la fois. Tout est sommet pour sa sagesse, etles soins qu'il donne aux grandes et aux petiteschoses ne sont qu'un seul et mme acte.

    Ici, Messieurs, prenons garde une exag-ration qui, pour donner plus d'extension augouvernement de Dieu, bouleverse l'conomiede son uvre. Certains esprits, disposs croireque rien ne peut tre bien fait si Dieu ne le faitimmdiatement, suppriment les causes secondes,et attribuent la Providence toute oprationdes agents naturels. C'est Dieu qui claire dansla lumire, chauffe dans le feu, embaume dans

    1. Cf. Summ. Theol., I p., quaest. 22, a. 2. Ibid., quaest.103, a. 5.

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    36 LE GOUVERNEMENT DIVINla fleur, et le reste. En poussant fond cetteconception on arriverait facilement une sortede panthisme ; saint Thomas se contente de ladclarer impossible. Dieu, dit-il, opre entoutes choses. Il opre comme un aimant quiattire lui les actions de tout tre dont sa bontest la fin suprme ; il opre comme principe etpremier moteur de l'ordre dans lequel sontagences toutes les causes ; il opre commecrateur et perptuel conservateur de l'trequi agit et comme propulseur de la force envertu de laquelle il agit ; mais, sous peine derendre la cration inutile et illusoire, on ne peutsoustraire aux forces naturelles l'opration pourlaquelle elles ont t cres 1 .

    Je dis plus, Messieurs, l'universalit du gou-vernement immdiat de Dieu ne doit s'entendreque de l'extension de ses desseins tous lestres, car il daigne confier parfois aux cra-

    1. Virtutes operativ quae in rbus inveniuntur, frustraessent rbus attributae si per eas nihil operarentur ; quinimoomnes res creat viderentur quodammodo esse frustra, si pro-pria operatione destituerentur ; cum omnes res sint proptersuam operationem... Sic igitur intelligendum est Deum ope-rari in rbus, quod tamen ipsse res habeant propriam opera-tionem. (Summ. Theol., I p., quaest. 105, a. 5. Leg. fatumarticulum.)

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN 31tures L'excution de ces desseins. Il permet auxtres suprieurs de gouverner les intrieurs,non par dfaut de puissance, mais par excsde bont, afin de partager avec les craturesL'honneur d'tre cause 1 , et de rendre son gou-vernement d'autant meilleur qu'il communi-quera une plus grande perfection 2 . C'est cequi fait dans le monde cette sublime harmonieque nous avons admire, c'est ce qui fait notregrandeur.Ne sommes-nous pas trop pris de cettegrandeur et n'y cherchons-nous pas une sacri-lge indpendance ? Sans doute nous n'oseronspas refuser Dieu l'honneur de nous avoircrs, parce que nous sentons que nous n'avonspas en nous-mmes la raison de notre existence.Mais la raison de nos actes nous la possdons,nous sommes les matres de nos dtermina-tions, nous sommes libres, nous nous gouver-nons, nous n'avons pas besoin du gouverne-

    1. Inferiora gubernat per superiora, non propter defectumsuie virtutis, sed propter abundantiam suae bonitatis. ut digni-tatem causalitatis etiam creaturis communicet. (Summ. Theol.,I p., quaest. 22, a. 3.)

    2. Tanto erit melior gubernatio. quanto major perfectio ajjubernante rbus gubernatis eommunicatur. (Summ. Theol.,1 p.. qua?st. 103. a. 6.)

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    38 LE GOUVERNEMENT DIVINment de Dieu. Oui, Messieurs, vous tes libres,et votre libert, la fois bienfait et mystre,parat, je l'avoue franchement, plus difficile concilier avec la souverainet de Dieu que lesforces aveugles de la cration. J'aurai besoinde revenir sur cette importante question. Pr-sentement je ne veux pas briser la chane demes explications. Qu'il me suffise de vous faireremarquer ici que votre libert, par cela mmequ'elle est une force cre, ne peut pas tre unecause premire, et qu'elle doit tre soumise,comme toute cause seconde, l'universel gou-vernement de Dieu. Non seulement ses actessont prvus et ordonns, non seulement cen'est pas en elle-mme, c'est en des chosesdivines, le vrai et le bien, qu'elle prend les mo-tifs de ses dterminations ; mais de plus elleobit, sans changer de nature, la motion d'unpremier principe sans l'intervention duquel elledemeurerait perptuellement immobile. Ce quesaint Thomas, qui dit si bien toutes choses,exprime en ces paroles qu'il faut retenir etmditer, pour vous prparer des explicationsultrieures : Quantumcumque natura corpo- ralis vel spiritualis ponatur perfecta, non po-

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN .'39test in actum suum procdera, nis% moveatura Deo 1 . Une nature corporelle ou spirituelle,si parfaite qu'on la suppose, ne peut pro-cder son action si elle n'est mue par Dieu, iTout est donc entre ses mains, le cur des

    rois comme celui des peuples 2 . Il manie, sansla violenter, la libert humaine avec autantde facilit que le potier l'argile dont il fait desvases d'honneur et des vases d'ignominie 3 .Du sommet aux bas-fonds de la cration, songouvernement touche tout avec force et rgletout avec douceur. Attingit a fine usque ad finemfortiter et disponit omnia suamter*.

    Fortiter ! car sa souverainet est absolue. Ilest la sagesse mme, pourquoi limiter son pou-voir ? et du reste qui donc pourrait le limiter ?Les peuples ont vis--vis de la souverainethumaine des droits que l'on ne peut violer sansoffenser la nature et tarir la source du bien pu-blic : d'autre part, ils savent que, pour tre

    1. Sunmi. Theol., I a I" p., quaest. 109, a. 1.2. Cor rgis in manu Efei est. (Prov., cap. (XXI. l.)3. Quasi lutuni fi^uli in manu ipsius, plasmare illud et dispo-

    nere, omnes via' ejus secundum dispositionem ejus, sic homoin manu illius qui se fecit. (Eccles., cap. XXXIII. 13, 14.)

    \. Sap., cap. VIII. 1.

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    10 LE GOUVERNEMENT DIVINlev au rang suprme, un homme n'est pas L'abri des mauvais conseils de Pgosme, del'ambition et de toutes Les funestes passions d'onat la tyrannie. Ils ont vu tant de princes, en quiiK mettaient leur espoir, devenir les flaux dumonde, qu'ils estiment ne pouvoir prendre tropde prcautions contre l'arbitraire. Voil pour-quoi, par des conventions solennelles, ils rglentl'exercice du pouvoir auquel ils s'engagentd'obir. Mais quand la cause premire de toutbien, quand la suprme perfection est la tted'un gouvernement, il faut qu'elle rgne d'unemanire absolue. Toute existence tant un dongratuit de sa bont, c'est son droit imprescrip-tible de la gouverner comme elle l'entend, etnous n'avons pas. nous ne pouvons pas avoird'autre droit que de nous Laisser conduire.En nous abandonnant soyons sans crainte.

    Messieurs : l'arbitraire divin est aussi douxqu'il est fort. Il s'est impos lui-mme desLois marques au coin d'une parfaite sagesse :lois ternelles en vertu desquelles la crature,quelle qu'elle soit, est traite selon les besoinsconnus et dfinis de sa nature. On ne pouvaitrien exiger de lui. il a prvenu toutes les exi-

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN 11gences. Far un excs de bont, il a ajout auxlois ternelles des promesses et des engage-ments maintes fois renouvels dans le coursdes sicles : il a donn sa parole, il a l'ait de^serments, il a prouv, jusqu' la dernire vi-dence, que la souverainet absolue de son gvernement n'est que l'exercice d'une inpuisablebienveillance, et qu'il n'est irrsistiblement fortque pour mieux manifester -a bont. La sagesseet la bont : voil. Messieurs les meilleuresgaranties contre l'absolutisme. Soyez srs qu'unpouvoir de quelque nom qu'on l'appelle, s'ilest profondment imprgn de l'esprit de Dieu.imitera son gouvernement, et nous donnera plusde scurit que les pactes publics que l'audaced'un ambitieux peut dchirer du jour aulendemain.

    J'ai parl tout a l'heure de lois ternellesmarques au coin d'une parfaite sagesse : ellesme rappellent le second article de la constitu-tion providentielle : Lt* loi -y du. -

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    42 LE GOUVERNEMENT DIVINtelle poque, telle gnration, telles circons-tances : tout cela change, il faut qu'il rviseses codes et ses constitutions. Plus les tempssont agits, plus il devient timide. Il n'ose plusse permettre rien de dfinitif, tant il a peur quel'imprvu ne se moque de lui. Dieu, au con-traire, dcrte en prsence de l'ternit. Seslois enveloppent dans tous les temps, mmedans l'avenir, toutes les existences, tous lesmouvements, toutes les relations ; leur en-semble est d'une seule venue, voil pourquoielles n'ont pas besoin de revision. Par ellestoute essence est fixe, toute volution dter-mine, tout progrs rgl, tout rapport del'ordre physique et de l'ordre moral fermementtabli. Ce qui nous semble une dviation estternellement prvu et ordonn. Le miraclelui-mme. qui. de temps autre, nous tonnepar de brusques apparitions, est compris l'avance dans l'arrangement gnral des choseset des vnements. C'est en vain que l'on cherche le mettre en contradiction avec les perfectionsdivines, en vain que l'on invoque contre luiles lois providentielles ; il est un acte de laProvidence, il procde son heure et selon sa

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN Kloi. Qu'il contrarie ou qu'il suspende seulementTordre accoutum des phnomnes, qu'importe,s'il est prvu et rglement. Comme exception,il confirme la loi en plein exercice ; comme signe,il est prpar par un dcret qui lui assigne saplace et ses fonctions dans l'ordre physique etdans l'ordre moral. Prouvez-moi donc que Dieu,en dterminant les effets des causes secondes,abdique ce point sa toute-puissance qu'il nepuisse plus tendre l'efficacit des agents natu-rels, ou produire directement lui-mme les effetssans les causes. Prouvez-moi donc que Dieune s'est pas rserv d'intervenir dans le monde,d'une manire extraordinaire, et qu'il n'a pasternellement dcrt les signes qui doiventnous avertir de son approche, et fter la pr-sence de sa trs haute majest. Vous ne le pouvezpas. Messieurs. Le bon sens nous dit que lesagents naturels, bien qu'ils soient enchans un ordre de choses, restent sous la dpendancede l'ordre suprme qui. ne les ayant point crspar ncessit, peut modifier librement leuraction 1 . Nos instincts religieux nous montrent

    l. Cf. Summ. Theol.. I p.. qusest. l

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    44 LE GOUVERNEMENT DIVINdans le miracle une fte de la nature dont leprogramme a pu tre ternellement dress etarrt. Quand un roi se dplace pour visiterses sujets, les mouvements accoutums de lavie publique sont suspendus ; les difices sepavoisent et s'illuminent, les cloches s'branlent,le canon tonne, la foule s'empresse, et ses millevoix clatent en joyeux vivat. Ainsi, Messieurs,quand le Roi des rois daigne nous rappelerd'une manire sensible son invisible prsence,la nature s'meut ; le miracle est l'oriflammedont elle se pare, le feu dont elle s'illumine, lasalve triomphale qu'elle fait entendre, la voixinaccoutume qui provoque nos applaudisse-ments et nous invite crier : Ecce Deus ! Vivatrex ! Voici Dieu ! Vive le roi !

    Prtendre que le miracle contredit l'im-mutabilit des lois du gouvernement divin, c'estse laisser prendre une quivoque qui consiste mettre les lois dans les choses et non dans lavolont souveraine du lgislateur. En quelquesmots saint Augustin dissipe cette quivoque : Dieu, dit-il, agit quelquefois contre le courshabituel de la nature ; mais il ne fait jamais riencontre la loi suprme, parce qu'il ne peut rien

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN t5faire contre lui-mme : Deus contra solitumcursum natur facit ; sed contra summam legemnittto modo facit. quia contra seipsum non fa-cit 1 . L'incrdulit contemporaine a compriscela, elle abandonne volontiers la question depossibilit pour la critique scientifique des faits. Nous ne disons plus : (ce sont ses propresparoles ) : e le miracle n'est pas possible, nous disons : le miracle n'est pas suffisammentconstat 2 . Je prends acte de l'aveu.

    Messieurs, et je vous renvoie ingnument, pourla question rserve, l'apologie que j'ai faite,il y a dix ans. des prodiges divins, alors que jene pensais pas avoir un jour l'honneur de vousadresser la parole. Lisez cette apologie : si ellevous satisfait j'en serai heureux, si elle nevous satisfait pas. notre second article de laconstitution divine n'en sera pas moins ferme :Les lois du gouvernement divin sont immuables 3 .Examinons notre troisime et dernier article

    ainsi conu : L'action du gouvernement divin estinfaillible et sainte dans sa fin et ses moyens.

    1. Lib. XXVI. contra Faustum, cap. ant med.2. Renan. Vie de Jsus. Introduction.3. Cf. Introduction au dogme catholique : vingt-deuxime

    et vingt-troisime confrences.

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    16 LE GOUVERNEMENT DIVINNous pouvons, dans le gouvernement des

    choses humaines, nous proposer une bonne finet n'employer pour l'obtenir que des moyensinefficaces ; de l des surprises et des dcep-tions. Nous pouvons nous tromper de but. etalors, si grands et efficaces que nous paraissentles moyens dont nous nous servons, nous n'en-fantons que le dsordre. Surprises, dceptions,dsordre, rien de tout cela n'est craindre dansle gouvernement de Dieu. Son action est aussisre que son coup d'il. il va droit ses finspar des moyens dont il a. avec un art infini,mesur la vertu l . Parfois il nous semble qu'onlui rsiste. C'est possible dans une certainemesure ; absolument, rien ni personne ne peutfaire obstacle sa volont qui cesserait d'tresouveraine si elle n'atteignait pas le but su-prme qu'elle s'est propos 2 . C'est ce but qu'ilfaut considrer. Messieurs, parce qu'il domine

    1. Providentia non dficit suo effectu neque a modo eve-niendi quem providit. (Summ. Theol.. I p.. quaest. 22. a. 4,ad 3.)

    Cf. Summ. Theol.. I p.. qusest. 23. art. 6. utrum j>r-destinatio sit ceria ?

    2. Domine rex omnipotens in ditione tua cuncta sunt posita,

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN 47Us dfections particulires qui peuvent nousfaire illusion. Devant ce but tout desseinde Dieu se tient ferme, toute volont de Dieus'accomplit : Omne consilium meum stabit, etomnis volunts mea fiet. Ne vous laissez tromper,je vous prie, ni par les dfaillances de la nature,ni par les erreurs des intelligences, ni par lesrvoltes des volonts. Tout cela est prvu,tout cela est permis, tout cela concourt quelquebien, tout cela est dirig vers une fin gnraleqiri sera infailliblement atteinte, et qui per-mettra Dieu de bnir la conclusion de songouvernement par les paroles mmes dont ils'est servi pour bnir l'ensemble de la cration :Omnia sunt valde bona : Tout est parfaitementbien.Dieu est saint ; il ne peut que vouloir le bien.

    faire le bien, ordonner tout au bien. Son gou-vernement est l'excution d'un dessein parfaitet d'une dtermination amoureuse qui enve-ct non est qui possit t un- resistere voluntati. (Esther. cap.XIII. 9.)

    Cf. Summ. Theol.. I p.. quaest. 103, a. T. utrum aliquidprter ordinem divin gubemationis contingere possit ? a. 8,utrum aHquid possit reniti contra orriinent gubemationisdivin ?

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    48 LE GOUVERNEMENT DIVINloppent tous les tres. Si l'ingale rpartition deses dons vous parat une injure faite ceux-ciau bnfice de ceux-l. considrez. Messieurs,que. tout tant gratuit dans les faveurs de laProvidence. Dieu est parfaitement libre de semontrer plus ou moins gnreux ; du momentqu'il donne, il est bon. il est saint. Vous savez dureste que l'ingalit est une ncessit de l'ordre,que. mme dans une multitude infinie, si elletait possible, l'uniformit serait sans beaut.La sainte volont de Dieu procde comme sonintelligence qui voit le tout avant les parties,la fin avant les moyens ; elle aime Je bien uni-versel avant le bien particulier, elle n'aime lebien particulier que pour le bien universel.Amour sans peur et sans reproche : sans peurparce qu'il ne peut se tromper, sans reprocheparce qu'il ne se trompe jamais ; jamais, en-tendez-vous ? Vous aurez beau faire comparatredevant lui le mal sous toutes ses formes : icides causes sans effets, l des effets avorts : icila souffrance, l le pch ; Dieu vous rpondqu'il n'est pas tenu de rendre indfectibles descauses dont la nature est d'tre dfectibles,qu'une dfection peut devenir un bien dans

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    LE COVVKKNKMKNT DIVIN H>l'ordre gnral l, qu'il nous avait originairenient mis l'abri de la souffrance, que la souf-france purifie et grandit celui qui la supporteavec patience et magnanimit, que le malmoral n'est pas son fait mais le fait de la volontlibre et responsable de l'homme, que s'il nele fait pas il le permet parce qu'il y a tant depuissance en sa bont qu'il peut tourner le malau bien, ne serait-ce qu'au grand bien de sa justiceet de sa misricorde 2 . Et si Dieu rpond ainsi quiosera lui rpondre ? Quis respondebit ? Qui oseradire encore que son gouvernement n'est pas saint ?

    Messieurs, vous allez peut-tre me reprocherd'expdier bien promptement les plus profondsmystres religieux dont se proccupe l'esprithumain ; je n'accepte pas ce reproche, car jevous ai promis de dbattre contradictoirementchacun des articles de la constitution du gou-vernement divin. Aujourd'hui je devais mecontenter d'en lucider le texte, moins pourcarter les difficults sans importance, qui repo-

    1. Cf. Summ. Theol., I p., qua?st. 48, aa. 2 et 3, quaest49, a. 2.

    2. Deus cum sit summe bonus, nullo modo sinerct aliquidmali esse in operibus suis, nisi esset adeo potens et bonus utbene faceret etiam de malo. (S. Aug., Enebir.)

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    50 LE GOUVERNEMENT DIVINsent sur des malentendus, que pour tablir fer-mement les principes auxquels il faut tenir,quel que soit le rsultat des batailles que nous en-gagerons successivement contre des difficultsplus srieuses. Je ne vous promets pas de fairedisparatre les mystres, j'espre vous prouverqu'il faut les accepter humblement. Une vritfondamentale brille avec clat au milieu de leurstnbres sacres, c'est que le Dieu qui nous acrs est le Dieu qui nous gouverne. Attachez-vous cette vrit, Messieurs ; que les difficilesproblmes qui inquitent vos esprits trop cu-rieux ne vous fassent pas oublier un seul ins-tant que Dieu est votre doux pre et votreaimable roi.O Pre-Roi ! rien ne trouble celui qui croiten votre souveraine autorit et s'abandonne votre amoureuse conduite. Il jouit en paix de lavie que vous lui conservez et reoit avec actionsde grces vos dons de chaque jour. S'il est dansl'ombre il attend la lumire : s'il ploie sous ladouleur il se laisse redresser par vos clestesconsolations. Vous lui tenez compagnie dans lasolitude, vous le protgez dans le tourbillon dumonde. Votre amour est la ceinture qui affer-

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    LE GOUVERNEMENT DIVIN ."ilmit ses reins dans la Lutte, le bouclier qui ledfend contre les ennemis de sa perfection etde son saint. Est-il tomb, il compte sur votrepardon : reste-t-il debout, il vous demande desforces pour combattre jusqu' la fin le boncombat. Parce qu'il vous doit tout ici-bas. ilespre fermement les biens ternels que vouslui avez promis. Qu'il est tranquille et heureux,mme quand sa vie est prouve par la tribu-lation ! Il ne dpend que de vous. Messieurs.de vous procurer cette paix et ce bonheur. Jetez-vous avec confiance entre les bras de la bonneet sainte Providence. Aussi bien, puisqu'il fautqu'elle vous gouverne, mieux vaut que ce soitavec un sceptre d'amour qu'avec une verge dejustice.

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    VINGTIME CONFRENCE

    LA SOUVERAINET DU GOUVERNEMENT DIVINET LA LIBERT

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    VINGTIME CONFRENCE

    LA SOUVERAINETE DU GOUVERNEMENT DIVINET LA LIBERT

    Eminentissime Seigneur, Monseigneur, Messieurs,Le gouvernement divin, ainsi que nous l'avons

    vu, dans le premier article de sa constitution 1 ,s'tend tous les tres, et sur tous sa souve-rainet est absolue. Cependant ils ne marchentpas tous de la mme manire sous la directionqu'ils reoivent d'en haut : les uns la subissent,les autres l'acceptent : les uns accomplissent,sans le savoir, des actes rgls par une volonttrangre ; les autres, dous d'une volontpropre, mesurent leurs actes. Pendant que lescorps clestes obissent aveuglment aux lois

    1. Voy. la Confrence prcdente, 2 L' partie.

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    50 LA SOUVERAINETE ET LA LIBERTEdu mouvement, les plantes et Les animauxaux lois de la vie et de l'instinct, l'hommerflchit, dlibre. se dtermine, ordonne >e^oprations : on dirait qu'il se gouverne lui-mme. Cette diffrence d'attitude vis--vis dela souverainet de Dieu est trop importantepour qu'elle ne soit pas observe de prs.L'homme possde-t-i] rellement une facult envertu de laquelle il est matre de ses actions !La suprme autorit de Dieu n'est-elle pasoblige de flchir devant cette facult ? Com-ment s'y adapte-t-elle. si eue ne flchit pas !Voil. Messieurs, les intressantes questionsqu'il faut examiner prsentement.

    I

    Lorsque je traitais l'an pass de la beautmorale de l'homme, je vous disais : L'homme

    est libre, j'affirme cette vrit, la preuve enviendra plus tard 1 . Nous sommes ce

    plus tard. Messieurs, j'accomplis aujourd'huila promesse que je vous ai faite. Vous devez

    1. Voy. dix-septime confrence, pag. 252.

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    LA SOUVERAINETE ET LA LIBERTE O,me rendre cette justice que j'ai toujours tfidle rengagement pris de dmontrer unevrit, quand je vous priais d'en accepter provi-soirement l'affirmation pour les besoins de monexposition. J'espre vous donner encore, et plusd'une fois, des preuves de ma fidlit.Deux raison^ m'engagent insister sur la

    preuve de la libert. Premirement, je veuxpousser fond un argument qui rpond d'unemanire triomphante aux affirmations du mat-rialisme contemporain. Secondement, je veuxtablir une vrit qu'il faut tenir fermementpour ne pas trbucher quand on tudie le mys-tre des opration de Dieu dans les mes.Disons d'abord ce que c'est que la libert.

    J'carte tous les sens que l'on peut donner ce mot pour m'applique! celui qui convient notre sujet. tre libre, c'est vouloir une choseavec le pouvoir de ne la vouloir pas l. Nousvoulons, sans doute, les mouvements intimes etrguliers de nos organes d'o rsulte le bontat de notre corps ; nous voulons l'harmo-nieuse correspondance des objets extrieurs

    1. Voluntas enim potest non velle antequam velit quia libraest. (Anselni. De lib. arb. conc. I part.)

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    58 LA SOUVERAINET ET LA LIBERTavec nos sens : nous voulons surtout le biensuprme qui repose nos dsirs et rassasie notrenature affame : la flicit. Nous la poursui-vons travers toutes les difficults, malgrtoutes les dceptions, avec l'opinitre espoirde l'obtenir un jour ; mais en ces vouloirs lancessit s'impose, nous ne sommes pas libresde la manire dont il faut entendre ici la libert l.Au contraire, nous voulons avoir telle pense,accomplir telle action, et nous sentons au dedansde nous-mmes que nous pourrions ou nousabstenir, ou choisir notre gr une autre pense,une autre action : nous sommes libres. Lalibert que nous revendiquons ici pour l'hommeest la facult de choisir entre ceci ou cela, dese dterminer pour ceci ou cela aprs dlib-ration. Voil pourquoi nous l'appelons librearbitre. Son propre, dit saint Thomas, est l'lec-tion. Proprium liberi arbitrii est electio'1 . Il rend

    1. Cf. S. Thom., opusc. de voluntate.2. Summ. Theol.. I p.. qiUL-st. 83. a. 3.Aristote appelle spontan ce dont le principe est dans celui

    qui agit. Il y distingue deux parties : la volont proprementdite ouXfai et l'lection -yj-jJ.zz-:'.; qu est eorum qu suntad finem. H >j.Ij [JouXTjfft tou reXoo z-\ fiaXXov r, os xpoaipe-lt twv Tcpo to 7sao;. Il dfinit l'lection, -zo-xlcz?'.: : Eorum

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    LA SOUVERAINET ET LA LIBERT 59l'homme matre de ses actions, et accuse avecune suprme nergie sa diffrence avec lestres sans raison : Differt homo ab aliis irratio-nalibus, in hoc quod est suorum actuum Dominus 1 .Que l'homme dlibre, choisisse, se dter-

    mine, soit matre de ses actions, qu'il jouisse,en un mot. du libre arbitre, c'est ce que nousenseigne, d'une manire prcise, la doctrinecatholique. Au fatalisme, sous quelque formequ'il se prsente, elle oppose non pas un texte,mais toutes les pages de nos livres saints. Iln'en est pas une qui ne nous parle des per-fections de Dieu, pas une aussi qui ne nousrvle la grandeur de l'homme, par l'affirmationau moins indirecte de son libre arbitre. Il y estdit que Dieu nous traite avec des gards qu'il n'apoint pour les autres cratures : Cum reverentiadisponis nos'1 ; que. dans le principe, en difiantnotre nature il nous a laisss entre les mains denotre conseil : Deus ab initio constituit hominemqu in nostra potestate sita sunt ex deliberatione constantemappetitionem, xat rt -yriiz'.; v eij (JouXeurixT] opeis xtm iiVJ.h. Les choses qui sont en notre pouvoir sont celles quenous pouvons faire ou ne pas faire : h o; Ecp' ry.'.v r rcpaTreiv/.-xi 70 y.r; TCprceiv (Ethic. ce. L .">. 7).

    1. Sunun. TheoL. IIa . IIe p.. quaest. 1. a. 1.2. Eceli.. cap. XV. 1 I.

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    60 LA SOUVERAINET ET LA LIBERTet reliquit eum in manu consilii si 1 . Toutefoison pourrait discuter ces textes et en corromprele sens par de subtiles interprtations. Mais dis-cuter la trame et corrompre le sens de tous lesrcits scripturaires, c'est impossible. Or. Mes-sieurs, tous les rcits scripturaires nous don-nent conclure que l'homme est libre. Nous yvoyons Dieu se plaindre de nos abandons, nousreprocher les rsistances de notre volont, luifaire des propositions de vie ou de mort, luiadresser de tendres appels 2 . Pourquoi ces

    1. Sap.. cap. XII. 18.2. Vos semper Spiritui saneto resistitis. (Act., cap. VIII, 51.)Qui autem resistunt ipsi sibi damntionem acquirunt.

    (Rom., cap. XIII, 2.)A resistentibus dcxtcnc tua- custodi me. (Psalm. XVI.)Deum qui te genuit dereliquisti. (Deut., cap. XIII, 18.)Dereliquistis Dominum ut derelinqueret vos. (II Par., cap.XXIV, 20.)Considra quod hodie proposuerim vitam et bonum, mortem

    et malum. (Deut., cap. XXX, l.)Derelinquat impius viam suam, et vir iniquus iniquitatemsuam. (Isai., cap. LV, T.)Convertere ad Dominum et relinque peccata tua. (Eccli.,cap. XVII, 21.)

    Si quritis, qurite : convertimini. venite. (Isai.. cap. XXI,12.)

    Convertimini peccatores. (Tob.. cap. XIII. 8.)Convertimini, filii revertentes. (.1er., cap. III, 14, 22.)Convertimini ad me in toto corde vestro. (Jol., cap. II.12.)Convertimini et recedite ab idolis vestris. Convertimini et

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    62 LA SOUVERAINET ET LA LIBERTdes livres saints. Ce tmoignage peut tre faci-lement contrl par la raison, car il ne s'agitpas ici d'une de ces vrits inaccessibles pourlesquelles nous devons nous contenter de laparole de Dieu. Consultez votre nature, invo-quez votre exprience, des deux cts vousrecevrez la mme rponse : nous sommes libres.

    Tout est harmonie dans nos facults, elles setiennent par des attaches sympathiques, etmarchent du mme pas vers la fin qui leur estpropre. Il est impossible que l'une soit assu-jettie l'empire de la ncessit pendant quel'autre en est affranchie. Notre raison cdencessairement l'vidence des principes ter-nels, notre volont ncessairement l'attrait dubien. Mais ne voyez-vous pas que dans leschoses contingentes et pratiques la raison dli-bre et juge diversement ? Pourquoi cela ? Parce que, dit saint Thomas, dans les chosescontingentes et pratiques, le jugement de laraison n'est pas dtermin une chose pluttqu' une autre. Si le jugement de la raisontait ainsi dtermin, nous jugerions tous, dansles mmes circonstances, de la mme manire, et,par une consquence invitable, nous agirions

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    l.A sot vkkaixktk ET LA LIBERTE 63tous de la mme manire. C'est ce qui arriveaux animaux, dont le jugement est dterminpar l'instinct. Notre raison dtermine sonjugement par des considrations qu'elle colla-tionne et dont elle pse la valeur, la volont lasuit ; c'est pourquoi nous devons dire, avecl'anglique docteur : Pro tanto necesse est quodkomo sit liberi arbitrii ex hoc ipso quod ratio-nalis est : Par cela mme qu'il est raisonnable,il est ncessaire que l'homme jouisse du librearbitre 1 . Le libre arbitre se voit dans l'tude de nos

    facults : je dis plus, il se sent dans notre ma-nire d'agir. Un moment d'attention nous suffitpour constater exprimentalement son exis-tence. Entre tous vos actes prenez le plusindiffrent : par exemple de remuer votre main. Je sens, dit Bossuet. que levant ma main je puis ou vouloir la tenir immobile, ou vouloir lui donner du mouvement : et que me rsol-vant la mouvoir, je puis la mouvoir droite

    ou gauche avec une gale facilit : car la nature a tellement dispos les organes du

    1. Summ. Theol., I p., quaest. 83, a. 1.

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    64 LA SOUVERAINETE ET LA LIBERT mouvement, que je n'ai ni plus de peine, ni plus de plaisir l'un de ces actes qu' l'autre ; de sorte que plus je considre srieusement et profondment ce qui me porte celui-ci plutt qu' celui-l, plus je ressens clairement qu'il n'y a que ma volont qui m'y dtermine, sans que je puisse trouver aucune raison de le faire 1 . Vous me direz que j'ai de l'agrment prouver ma libert ; soit, cela suppose qu'elleexiste et que je la sens.

    Voulez-vous une contre-preuve du mmegenre dans une autre volont que la vtre ?Allez trouver son travail un homme deschamps qui n'a jamais rflchi ni discut surl'existence et la nature du libre arbitre ; dites-lui : Mon ami, venez avec moi la promenade. Pourquoi ? vous rpondra-t-il. Parce qu'ille faut. Il le faut, cela vous plat dire ; maisje ne veux pas. Vous croyez vouloir, vous voustrompez. Votre volont ne dcide de rien, il y aquelque chose qui vous retient. Pas du tout,et la preuve c'est que je vais avec vous. J'taisdans l'erreur et la ncessit que je supposais tout l'heure n'est pas votre travail, elle est la

    1. Trait du libre arbitre, chap. XI.

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    LA SOUVERAINET ET LA LIBERT (mpromenade. Vous vous trompez encore, carje reste. Il n'y a pas de raison. Messieurs, pourque cet homme cesse de vous contredire jusqu'ce que vous ayez reconnu qu'il est libre defaire ce qu'il veut.Ayant constat exprimentalement notre

    libert la racine d'une de nos actions, nousdevons conclure qu'elle est en toutes les autres,parce que toutes ont pour principe la mmevolont. Sans doute cette volont se dtermine,d'habitude, pour des motifs plus ou moinsgraves, il le faut bien puisque nous sommesdes tres raisonnables : mais ne confondonspas les motifs de nos actions avec leur causeefficiente. Cette cause se rvle avant que nousagissions, et aprs que nous avons agi. Avant,par la dlibration et le choix : aprs, par le sen-timent imprissable de notre responsabilit,Si nous n'tions pas libres, les motifs qui nousportent agir de telle ou telle faon pseraientsi souverainement sur nos dterminations, quenous n'aurions pas mme l'ide de les examiner ;en tout, nous nous abandonnerions sans rfl-chir au courant de la ncessit. Telle n'est pointnotre manire de procder. Nous collationnons

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    66 LA SOUVERAINETE ET LA LIBERTEles motifs d nos actions, nous comparons,apprcions, prononons, dcidons, et cette suited'oprations nous parat tellement oblige quenous considrons comme draisonnable celuiqui refuse d'assurer par ces prcautions la libertde son choix.

    Aprs l'action, notre me replie sur elle-mmeattend un tmoignage. Tantt elle tressaille d'al-lgresse- : une voix joyeuse se fait entendre quilui dit : Sois frre et satisfaite, c'est bien. -Tantt, confuse et tremblante, elle se sent acca-ble sous le poids de douloureuses plaintes etde svres reproches. Vous avez pass par cestats. Messieurs. Souvent vous vous tes cris'comme l'Aptre : Que d'autres cherchent lagloire dans les vaines apparences auxquelles selaisse prendre la lgret de l'esprit humain,notre gloire nous c'est le tmoignage de notreconscience : Gloria nostra testimoniwn consdentinostr 1 . Plus souvent, hlas! vous vous tesadress cette amre question du Psalmiste : Mon me. pourquoi es-tu triste et pourquoime troubles-tu ? Quart tristis es. anima mca.

    1. II Cor., cap. I, 12,

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    LA SOUVERAINET ET LA LIBERT 67et quarc conturbas me 1 ? Pourquoi ? vous nele savez que trop. Le souvenir d'une mauvaiseaction, peut-tre de toute une trame d'iniquits,vous poursuivait obstinment, jetait comme unvoile funbre sur vos penses, et vous abreuvaitde je ne sais quel mystrieux dgot pour leschoses mmes o vous aviez cherch votrecontentement. Auriez-vous prouv ces joieset ces afflictions intimes, si vous n'aviez eu lesentiment de votre responsabilit ? Auriez-voust responsables, si vous n'aviez us ou abusde votre libre arbitre ?Nous voudrions en vain. Messieurs, oublier

    que nous sommes responsables de nos actions ;une constante exprience nous rappelle cethonneur que Dieu n'a fait ici-bas nulle autrecrature. Cette exprience, tous les peuples l'onttraduite dans leur langage, fait immense parlequel il appert que. sur ce point, nous nesommes pas victimes d'une illusion. Le genrehumain ne peut se tromper sur une chose siimportante, si proche et si facile constater.La place qu'occupe la libert dans ses croyances,

    1. Psalm. XLI.

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    OS LA SOUVERAINET ET LA LIBERTEses proccupations, ses respects, suffit nousla rendre vnrable et sacre.D'o viendrait, je vous le demande, cette

    ide si claire et si distincte qu'ont tous lespeuples d'une puissance intime, capable dedlibrer, de choisir, de se dterminer, de crerune responsabilit, si l'existence de cette puis-sance n'avait jamais t constate ? Car enfintoute ide suppose un objet. Je puis m'attribuerfaussement une qualit que je n'ai pas, maiscette qualit je l'ai vue quelque part. Si jene l'avais jamais vue, je ne pourrais mmepas avoir la pense de me l'attribuer. D'onous devons conclure que si jamais aucunhomme n'avait vu la libert, nous ignorerionset le mot, et la chose qu'il signifie. Or, Messieurs,l'homme n'a pu voir la libert qu'en lui-mme,puisque tout marche passivement autour delui sous la conduite des lois. Il l'a vue partoutet toujours ; c'est ce qui nous explique, surcet objet, l'universelle et imperturbable croyancedu genre humain, croyance tellement enracinedans notre nature que ceux-l mmes quiprofessent le fatalisme, consultent, dlibrentsur ce qu'ils doivent faire, se laissent mouvoir

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    LA SOUVERAINETE ET LA LIBERTE 69et s'indignent absolument comme des treslibres.Supprimez le libre arbitre, tout devient inex-

    plicable, ridicule, odieux, dans la vie pratiquedes peuples. Je ne comprends plus cette hor-reur qu'ils ont des dominations violentes etabsolues, ce besoin % qu'ils prouvent d'tre res-pects, cette fiert avec laquelle ils se pro-clament affranchis, ces revendications solen-nelles qu'ils font entendre pour le devenir.Sans doute il y a de ces revendications quisont excessives, injustes, ennemies de toutordre ; mais non moins que les revendicationsmesures, lgitimes et pacifiques, elles de-meurent un problme insoluble, ou bien ellesaccusent cette gnrale et profonde convictionque les peuples ne doivent pas tre conduitscomme un troupeau de btes, parce que l'hommeest matre de ses actions. Differt homo ab aliisirrationabiHbus in hoc quod est suorum actuumdominus.

    Essayez d'expliquer autrement l'histoire etles monuments, vous ne le pourrez pas. Je lisdes pages enthousiastes o Ton chante leslouanges d'hommes depuis longtemps disparus,

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    70 LA SOUVERAINET ET LA LIBERTEje vois des inscriptions, des tableaux, des m-dailles, des statues, des ares de triomphe, destemples, qui me rappellent les clbrits dupass. Mais qu'est-ce donc qu'une clbrit ?C'est un gnie dont les inspirations ont donnaux lettres, aux arts, aux sciences, aux insti-tutions politiques et sociales, une vigoureuseimpulsion ; c'est un vaillant homme toujoursle premier aux combats : c'est un hros qui avers son sang et sacrifi sa vie pour son pays :c'est un cur gnreux dont les intarissablesbienfaits sont tombs comme une onde salu-taire sur quelque grande misre de l'humanit ;c'est un saint dont les vertus sublimes ontembaum tout un sicle pour le prserver d'uneuniverselle corruption. Il est juste d'immor-taliser leur souvenir s'ils taient libres. Legnie, au lieu de s'puiser par un travail opi-nitre, pouvait s'endormir dans la mollesse etse contenter d'un talent facile ; il ne l'a pasvoulu. Le vaillant homme pouvait se couvrir,comme tant d'autres le font, du corps de sesgens, les commander de loin et les pousserdevant lui au lieu de les enlever par son exemple :il ne l'a pas voulu. Le hros pouvait attendre

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    LA SOUVERAINETE ET LA LIBERTE /lla mort au lieu d'aller au-devant d'elle ; il nel'a pas voulu. Le bienfaiteur pouvait jouir deses trsors au lieu de les prodiguer aux autres,taler un faste insolent au lieu de se montrermagnifique pour les malheureux : il ne l'a pasvoulu. Le saint pouvait imiter ses contem-porains, prendre sa part de leur vie volup-tueuse, ou. du moins, se contenter d'une hon-ntet vulgaire : il ne l'a pas voulu. Vouloir cequ'on pourrait ne vouloir pas. ne vouloir pasce qu'on pourrait vouloir, toute la gloire est l.Messieurs, parce que l est la libert. N'y a-t-ilplus de libert ? Alors faites une hcatombede tous les souvenirs. Effacez tout, dchireztout, brisez tout, renversez tout, dtruisez tout :pages de l'histoire, inscriptions, tableaux, m-dailles, statues, arcs de triomphe, temples etau milieu des ruines btissez-vous des demeurescommodes o vous vivrez au jour le jour, dansl'oubli du pass, subissant la fatalit, attendantque sa main de fer vous touffe et vous jettedans le gouffre de l'inconnu, en compagnie desfausses clbrits si ridiculement glorifies parle genre humain. Oui. les souvenirs que nousappelons glorieux sont ridicules, immensment

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    72 LA SOUVERAINET ET LA LIBERTEridicules, s'ils n'ont pour raison cette pos-session de soi-mme que donne l'homme lalibert. Le soleil est -il glorieux parce qu'ilinonde les espaces de sa fconde lumire ? Laterre est-elle glorieuse parce qu'elle se couvrede moissons ? Le lion est -il glorieux parce quesa force et son courage font trembler les btesdu dsert ? Que m'importent les gnies, leshros, les bienfaiteurs de l'humanit, les saints.s'ils ne pouvaient pas faire autrement qu'ilsn'ont fait ? Le sourire du destin sur leur viene mrite pas un souvenir de mon obscuritet de ma misre.

    Ridicule dans la gloire, le genre humain estodieux dans la justice ds que l'on supprime lelibre arbitre.La premire justice des peuples, c'est l'opi-

    nion. A son tribunal comparaissent tous lesvices. L'orgueil, l'envie, l'gosme, la cupidit,la cruaut, la dbauche, sont les noms de chosescontre lesquelles l'honntet s'indigne, et aux-quelles elle inflige la fltrissure d'un blmepublic. Mais, parce que ce blme, trop souventinefficace, ne saurait protger suffisammentles droits de tous, la justice ds peuples s'incarne

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    l.A SOUVERAINETE ET LA LIBERTE < .dans une institution dont L'office est de connatredes aetes que perptre le vice, de les condamneret de les punir. Partout o il y a une socit,cette institution subsiste et fonctionne : leserreurs qu'elle a commises n'ont jamais pucompromettre son existence, ni faire douterun seul instant de la saintet de sa mission.Elle est sainte, en effet, ds qu'elle s'adresse un tre responsable, parce qu'elle reprsenteun ordre tabli sur la loi ternelle laquelledoivent se soumettre toutes les volonts ; c'estson devoir de rprimer quiconque veut s'encarter, et il est juste que celui qui jouit desbnfices de la vie publique soit puni du troublequ'il y apporte volontairement. Mais si l'hommeobit la fatalit, rien de plus odieux que cettepompe hypocrite dont on l'entoure pour luiimputer son crime et l'en chtier. Vous voulezconvaincre et frapper un coupable. En quoi, jevous le demande, le voleur est -il plus cou-pable que l'animal qui vit de rapines ? en quoil'assassin plus coupable que le tigre qui tuepour assouvir ses instincts de cruaut ? en quoil'insurg plus coupable que la trombe qui broiedans son treinte le vaisseau qu'elle rencontre

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    74 LA SOUVERAINET ET LA LIBERTsur son passage ? Si vous avez la force, tuezla bte fauve, fendez la trombe ; mais ne jugezpas. Vous invoquez les lois ? Vos lois sontodieuses comme votre justice. Vous n'avezpas le droit d'en faire, car il ne vous appar-tient pas de mettre des entraves la nces-sit.

    Messieurs, il y a des hommes qui ne reculentpas devant ces consquences insenses, ce sontles aptres du matrialisme. Ils ont tudil'organisation humaine jusqu' la molcule mreet constat que nos apptits, nos instincts,nos habitudes morales, nos actions dpendentde cette organisation. Il n'y a donc plus poureux de criminels, il n'y a que des malades.Leur code pnal se rduit cette prescriptionscientifique : Gurissez, ne punissez pas.

    - Supprimez la justice. Remplacez la sciencedu droit par la pathologie, la magistrature parun jury mdical. Transformez les bagnes enhpitaux, les prisons en maisons de sant, laguillotine en douches sagement administres.Vous voyez d'ici la charmante socit que nousferait cette doctrine, si elle pouvait devenir largle de nos murs publiques et prives. Plus

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    LA SOUVERAINETE ET LA LIBERTE 75de responsabilit, par consquent libre carrire toutes les passions viles et cruelles. Ne lut-tons plus ; on ne commande pas un viced'organisation par la seule force de la volont.Vous tes organiss pour le bien, c'est unechance, mais je ne vous dois ni admirationpour vos grandes actions, ni gratitude pourvos bienfaits ; je suis organis pour le mal,c'est un malheur, mais il vous est dfendu deme blmer, de me maudire, de me condamner.Que dis-je ? votre piti mme serait une insulte,je n'en veux pas. Car. au demeurant, il n'y ani bien, ni mal. il n'y a que des idiosyncrasies.Vous voulez faire prvaloir la vtre sur lamienne parce que vous avez la force, maisvienne le jour o la force passera de mon ct,les rles seront renverss. C'est moi qui vousgurirai de ces maladies que vous appelez ledevoir, l'honntet, la vertu, le sacrifice.On nous reproche parfois ce genre de preuve

    qui consiste rendre odieuse une doctrine, enmontrant ses consquences pratiques. C'est dela personnalit, dit-on. et la personnalit estde mauvaise guerre. Je proteste. Messieurs.contre tonte intention malveillante 1 "endroit

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    76 LA SOUVERAINETE ET LA LIBERTEdes personnes. Bien loin d'accuser les matria-listes de vouloir directement les consquencesde leur doctrine, je sais et je confesse que,dans les habitudes de la vie, il n'est pas diffi-cile de les prendre en flagrant dlit de contra-diction avec leurs thories. Mais je prtendsqu'il n'est rien de plus lgitime que de fairevoir o aboutissent logiquement ces thories.Comme tres sociaux nous avons droit la viesociale ; de ce droit drive naturellement celuid'examiner si une doctrine est. au point de vuesocial, vitale ou mortelle. Si elle est vitale nousl'acceptons avec joie et respect, si elle estmortelle nous la repoussons avec mpris etindignation. Arrire donc le matrialisme, arrirele fatalisme, sous quelque forme qu'il seprsente.

    Assurment nous tenons compte des infir-mits et des passions humaines. Il n'est aucuntribunal qui ne modre ses sentences d'aprsles circonstances attnuantes des fautes et descrimes. L'opinion elle-mme, toujours prompteen ses jugements, sait, quand il le faut, adoucirses rigueurs ; mais nous tenons compte aussides forces de la volont. Sans recourir aux

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    LA SOUVERAINETE ET LA LIBERT 77illustres exemples de l'histoire qui nous mon-trent l'orgueil abattu, la cupidit rprime, lacolre touffe, la chair dompte par de glo-rieux combats, nous pouvons, dans les humbleslimites de notre propre vie, nous convaincre del'efficace de notre libert. Quel est celui d'entrevous. Messieurs, qui ne voit, dans ses souve-nirs, mls aux jours sombres et nfastes o ila cd aux attraits du mal et l'orage des pas-sions, des jours sereins et illustres o sa volontest demeure matresse de la tentation ? N'yet-il qu'un de ces jours dans une vie, c'estassez pour prouver au monde que ni les pen-chants de notre organisme, ni les violencesdu dehors ne peuvent produire malgr nousle vouloir. A ces paroles d'un clbre pan-thiste : La libert dont se vantent les hommes n'est que la conscience de leur volont et l'ignorance des causes qui la dterminent \.nous pouvons rpondre hardiment, instruitspar l'exprience : c'est faux. Non seulementnous avons conscience de notre volont, maisnous sentons en nous l'enfantement du vouloir

    1. Spinoza.

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    78 LA SOUVERAINETE ET LA LIBERTEdans toutes ses phases ; la dlibration, la lutte,le choix, la dtermination ; donc nous sommesmatres de nos actions, donc nous sommeslibres.

    II

    Il tait important, Messieurs, de bien dfinirnotre condition dans le gouvernement divin ;mais il ne faut pas que la vrit de notre librearbitre nous fasse perdre de vue la souveraineautorit qui le rgle et le conduit. Nous pos-sdons le domaine de nos actions, sans cesserpourtant d'tre dpendants du domaine uni-versel et absolu de Dieu sur les cratures. Cesdeux choses doivent se concilier, dans l'intrtde notre perfection comme dans l'intrt de laperfection divine. Ne nous enivrons pas, jevous prie, d'orgueilleuses illusions, n'exag-rons pas le sentiment de notre libert, ne per-vertissons pas le sens des paroles qui nousassurent l'honneur de primer les tres sansraison, et le privilge d'tre matres de nosactes. Il est dit que Dieu nous a remis origi-

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    80 LA SOUVERAINET ET LA LIBERTmonde est le rsultat de son universelle appli-cation et de son incessante direction. Inter-rogez la science, elle vous dira qu'aucun tre nese tient en son tat et sa place, qu'aucuneaction ne s'exerce, qu'aucun mouvement nes'opre, qu'aucun phnomne ne se produit, surla terre et dans les cieux, qu'en vertu d'une loi,et il est manifeste que toute loi de la nature estl'expression d'une volont suprieure. Engagsdans l'ordre gnral et recevant d'un autrel'tre et la vie, nous ne pouvons pas rclamerle privilge de l'autonomie. Plus nous sommesgrands, plus nous avons besoin d'une direction ;Dieu nous la donne. A notre corps il appliquela loi des corps, notre me la loi surminentedes esprits. Le souverain bien nous attire, etnos facults se meuvent avec ordre pour l'at-teindre. L'intelligence a ses rgles dont elle nedoit pas se dpartir sous peine de tomber dansl'erreur, la volont ses rgles qu'elle doit suivrepour ne point s'garer dans le pch. Noussommes libres de mal faire, mais la loi nousdit comment il faut bien faire. Elle s'appelleraison et conscience dans notre for intrieur :raison et conscience, elle est un coulement

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    LA SOUVERAINETE ET LA LIBERTE 81de la lumire d'en haut, une participation dece Verbe ternel qui claire tout hommevenant en ce monde 1 , une impression de laface radieuse du Trs-Haut 2 . Oui, Messieurs.Dieu rgne et parle en matre au dedans denous-mmes, et dussions-nous ne l'entendreque dans les profondeurs sacres de la raisonet de la conscience, nous serions criminels dene pas l'couter.Voyez jusqu' quel point il est jaloux de

    nous gouverner, moins, croyez-le bien, pournous faire sentir son autorit que pour nousconduire plus srement au but suprme denotre vie. Il ajoute la loi infuse la loi crite,il complte et perfectionne, par des rvlationset des prceptes saints, les enseignements in-times de la raison et de la conscience. Dieua parl, on nous a transmis sa parole, nousl'avons lue et relue sur des pages vnrables,si bien que nous savons mieux du dehors quedu dedans ce qu'il veut de nous. C'est notreLibert de dcider si elle va se soumettre son

    1. Verbum... erat lux vera, quae illumint omnem hominemvenientem in hune mundum. (Joan.. cap. I, 9.)

    2. Signatum est super nos lumen vultus tui. Domine.(Psalra. IV.)i \i; i:\ii: L876 6

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    82 LA SOUVERAINET ET LA LIBERTautorit tant de fois manifeste ; mais, quelleque soit la dcision, nous ne saurions conqurirl'indpendance. Dieu reste matre. Si, aujour-d'hui, il semble fermer les yeux sur nos rsis-tances et nos prvarications, viendra le jour deson terrible rveil. Alors, pour avoir vouluchapper au doux embrassement de sa loi, nousserons saisis par les dures treintes de sa jus-tice ; alors nous reconnatrons que nous avonsabus d'un don qui, avant de nous appartenir,appartenait au pre de tous les dons ; alors noussentirons d'une manire cruelle notre dpen-dance ; alors nous confesserons, pour notreternelle confusion et notre ternelle douleur,l'universelle souverainet de Dieu.La loi sanctionne par la justice peut suffire

    l'universalit de la souverainet divine. Maisnous avons dit, Messieurs, que cette souverai-net e