Monsabré. Exposition du dogme catholique. 1873-1890. Volume 11

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    PROPRIT DE L'DITEUR

    L'diteur rserve tous droits de reproduction et detraduction.

    Imprimatur :Parisiis, die 8 Decembris 1901.

    % Franciscus, Card. RICHARD,Arch. Parisiensis.

    ^GHAEij.

    Cet ouvrage a t dpos, conformment aux lois,en janvier 1903.

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    CMFRSNCES 01 NOTRE-DAME DE PARIS

    EXPOSITIONDUDOGMECATHOLIQUEGRACE DE JSUS-CHRIST

    ISACREMENTS. BAPTME, CONFIRMATION

    Par le T. R. P. J -M.-L. MONSABRdes Frres PrcheursHUITIME DITIONCAREME 1883

    PARIS (Vie)P. LETHIELLEUX, Libraire-Editeur

    10, rue Cassette, 10192*4

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    APPROBATION DE L'ORDRE

    Xous, soussigns, Maitre en sacre Thologie et Pr-dicateur gnral, avons lu, par ordre du T. R. P. Pro-vincial, les Confrences du T. R. P. Jacques-Marie-Louis Monsabr, Matre en sacre Thologie, lesquellessont intitules : Exposition, du dogme catholique uvre de Jsus-Christ. Carme 1883. Xous les avonsjuges dignes de l'impression.

    F. Antonin Y ILLARD,Matre en sacre Thologie.

    Fr. Paul MOXJARDET,Prdicateur gnral.IMPRIMATUR :

    Fr. Bernard CHOCARXE,Prieur provincial.

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    SOIXANTE-UNIME CONFERENCE

    LA NATURE DES SACREMENTS

    CONFRENCES N.-D. CARME 1883. 1

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    SOIXANTE-UNIME CONFRENCE

    IA NATURE DES SACREMENTSCredo remissionem peccatorum.

    Eminentissime Seigneur, Monseigneur*, Messieurs,

    Jsus-Christ, rdempteur du monde et cra-teur de la socit visible des rachets, gouverneson uvre par la sainte monarchie qu'il a cons-titue et investie de sa divine autorit. Les loisextrieures de son gouvernement nous sontconnues, et dj, en tudiant le dogme de lacommunion des saints, nous avons pu suivrel'action des lois intimes en vertu desquelles lesliens spirituels circulent et s'changent dans le

    1. Son minence le Cardinal Guibert, archevquede Paris, et Mouseigneur Racine, vque de Chi-coutimi (Canada).

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    latente, et nous donner l'assurance de ses mys-trieuses oprations dans nos mes par des im-pressions qui ne seraient connues que de nous.Mais, parce que son amour de l'unit est aussifort que sa compassion pour nos misres et sacondescendance pour les exigences de notrenature mixte, il a dcrt l'union de Factionintime de son gouvernement avec son actionextrieure, et en a fait la soudure dans des signessensibles que nous appelons les sacrements.

    L'ordre logique de notre exposition appelledonc aujourd'hui notre attention sur les instru-ments sacrs, au moyen desquels l'actionrdemptrice et sanctifiante de Jsus-Christpntre jusqu'aux profondeurs les plus cachesde notre tre. J'ai l'intention de vous les faireconnatre l'un aprs l'autre; mais, auparavant,nous les considrerons dans leur ensemble, etnous traiterons d'abord de la nature des sacre-ments.On a dit du sacrement : c'est un symbole,

    c'est--dire la reprsentation matrielle d'uneide et d'une opration saintes, en mme tempsqu'un signe extrieur autour duquel se rullientles croyances d'une socit religieuse.

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    Ces! une chose sacre : c'est--diiv une chosespcialement rserve au culte et qu'on nfepeut, sans se rendre coupable de sacrilge,employer aux usages de la vie profane.

    C'est un serment : parce qu'il suppose une.promesse solennelle, plus forte que notre paroled'honneur, qui nous engage au service deDieu.

    C'est un mystre : parce que ses naves appa-rences nous indiquent, dans une ombre reli-gieuse, o notre foi seule pntre, les plussecrtes et les plus hautes oprations de laDivinit.

    C'est un dpt : un dpt dans l'glise, quile conserve pour le bien spirituel de ses en-fants; un dpt dans nos mes, dont il est lalumire, la force, l'ornement, l'incomparablerichesse.

    Symbole, chose sacre, serment, mystre,dpt, aucun de ces noms, Messieurs, ne con^-tient la notion plnire du sacrement, et tousensemble ils ne nous font connatre qu'impar-faitement sa nature. Recourons la dfinitionthorique. Si elle n'gale pas la grandeurdes signes augustes dans lesquels Dieu fait p

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    ser sa toute-puissante vertu, elle nous dira aumoins ce que nous devo:ts en croire. Je rem-prunte au catchisme typique dans lequell'glise a expliqu la doctrine du saint con-cile de Trente : Le sacrement est un signevisible de la grce invisible, institu pour notrejustification f . Mieux encore : Le sacrementest une chose sensible, qui a reu de l'institu-tion divine le pouvoir de signifier et de pro-duire en nous la justice et la saintet 2 . Cequi peut se rsumer en trois mots, que j'ai vusquelque part et que je vais vous expliquer : Sacramentum est signum certum, sacrosanc-tum et efficax gratise: Le sacrement est un signecertain, sacrosaint et efficace de la grce.

    1. Sacramentum est invisibilis gratise visibile si-gnum ad nostram justificationem institutum.( Cateeh.eoncil.y Trid., part. II. n 5).

    2. Ut explicatius quid sacramentum sit declare-tur, docendum erit rem esse sensibus sibjectam, queex Dei institutione sanctitatis, et justiti tum signi-fcandae, tum efficiendee vim habet . ( Cateeh. concil. ,Trid., part. II. t n 9).

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    Avant que le sang du Christ eut inond leCalvaire, l'homme demandait Dieu, par dessignes expressifs de sa foi et de son amour, d'enrecevoir, par anticipation, la vertu rdemptrice,Ces signes, il pouvait les dterminer lui-mme ;cependant, Dieu n'a pas ddaign d'intervenirdans leur institution. Pendant les frquentesentrevues dont il honorait son serviteur Mose,lui parlant bouche abouche, comme dit l'cri-ture, il mlait, la rvlation des vrits saintesdestines clairer son peuple, la dsignationdes signes sacrs qui devaient rchauffer sapit et exciter dans son cur des sentimentscapables d'attirer la grce, que les lments im-parfaits de la loi mosaque ne pouvaient contenirencore. La circoncision, l'initiation sacerdotale,les expiations, l'agneau pascal, les pains deproposition, taient les sacrements de l'an-cienne loi. En les instituant, Dieu venait enouo judicio assumere res quibus sanctificetur ; sed hocdbet esse divina institutione determinatum. Et ideoin sacramentis nov legis, quibus hommes sanctifi-canturv, secundum illud (ad Corinth., VI, 11). Ablutiestis, sanetifieati estis, oportet uti rbus ex divinainstitutione determinatis. (Summ. TheoL, III P.,qust. 60, a 5.)

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    aide au gnie religieux de l'humanit,. avidede signes extrieurs, pour donner satisfaction la partie sensible de notre nature dans sesrelations avec la Divinit, et facilement entranesur les pentes de la superstition par les secrtessollicitations du maudit qui, depuis l'originedu monde, contrarie les desseins de Dieu ets'applique singer ses oprations.Comme la vraie religion, les fausses religionstaient pleines de sacrements : rites mystrieux,dont il ne nous reste qu'un imparfait souvenir. Par ces rites, dit Cicron, l'humanit d-grossie recevait comme le principe d'une viemeilleure *. On pourrait contester avec le phi-losophe ; mais laissons-le passer, et contentons-nous, pour le moment, de constater ce iait remar-quable que, dans la vie religieuse des peuplesantiques, les initiations, la fois tranges etterribles, ont constamment rpondu au besoinqu'prouve instinctivement tout tre raisonnabled'tre quelque chose pour Dieu, et d'unir, pardes signes sensibles, la vie humaine la vie di-

    1. Quibus ex agreati vita exculti ad humanitatemsumus, tanquam ea sint melioris vit principia.(Lib. II, De Legibus.)

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    vine. Objets, caractres, figures, actions symbo-liques, libations, aspersions, ablutions, purifica-tions, confessions, signes imprims sur le front,lectures de livres incomprhensibles, voix spul-crales, passages subits de la lumire aux tn-bres, serments redoutables, loi du silence, teltait, peu prs, le programme des mystres dupaganisme 1 . Je dis peu prs, car la nuit cou-

    1. Haec sunt sacrorum symbola, talus, J>ila, tro-chus, poma, turbo, spculum, vellusMysteriorum Eleusiniorum hanc communem quasitesseram fuisse : Jejunavi, cinnum ebibi; accepi ecista;etc... (Euseb., lib. II, Prpar. Eoang., cap. m.)Daemon fallaciorum regnum exercet... et animas de-ceptas, illusasque prcipitat... pollicens etiam purga-tionem animse per eas quasteXeTa appellant, transfigu-ando se in Angelum lucis per multiformem ma-chinationem in signis et prodigiis mendacii. (S. Aug.,lib. IV, De Trinit.y cap. 10.)

    Diaboli partes sunt intervertendi veritatem, quiipsas quoque ressacramentorumdivinorum, idolorummysteriis mulatur. Tingit et ipse quosdam, utiquecredentes et fidles suos : expositionem delictorum delavacro repromittit; etsiadhuc memini, Mithra signttlici in frontibus milites suos : clbrt et panis obla-lionem, et imaginem resurrectionis inducit, et subgladio redimit coronam. (Tertul., lib. De Prscrip-tionibus, cap. 40.)Nationes extraneae... sacris quibusdam per lava-

    crum initiantur, Isidis alicuius aut Mithree. Ipsos

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    vrait de ses ombres discrtes des infamies dont jene veux pas voquer le souvenir, bien qu'on lesappelt effrontment des choses sacres. C'taitde bonne heure qu'il fallait initier les enfants,et c'et t un crime de les laisser mourir sansleur avoir procur cet avantage. Il fallait bienqu'ils fussent assurs de la protection des bonnesdivinits, afin de n'tre pas condamns la visiteps lieux sombres et dsols o erraient dou-

    loureusement les profanes. tre initi, c'taitappartenir l'glise des dieux, s'pargner destransmigrations pnibles et honteuses, les lan-gueurs de l'attente, et prendre un droit surl'ambroisie et le nectar dont se nourrissaientet s'abreuvaient les heureux habitants de l'O-lympe.

    Voil, Messieurs, les renseignements que j'aipu prendre, et l, sur les mystres des reli-gions antiques. Le rationalisme triomphe desanalogies qu'il y rencontre. Les mystres, dit-il, taient les sacrements des paens. Nous y re-etiam Deos suos lavationibus efferunt. (Tertul., lib.De Baptismo.yCap. 5.)

    Plutarque, dans ses Apophtegmes, raconte qu'n-talcide, avant d'tre initi, fut interrog par le prtresur le plus grand pch dont il avait conscience.

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    connaissons le dveloppement naturel de la forcemystique qui devait tourmenter l'humanit, alorsqu'elle n'tait encore qu' l'tat rudimentaire.Le Christianisme, qui vint au milieu des temps,s'empara des lments religieux de l'antiquit,les purifia, et se fit un petit arsenal de rites sym-boliques trs innocents, trs anodins, parmi les-quels il faut compter les sacrements. Ce qui veutdire qu'il ne s'agit aucunement d'unir la viedivine la vie humaine par les pratiques sacra-mentelles, mais de s'lever, par la gymnastiquedu symbolisme et des figures, jusqu' la contem-plation pure de l'tre universel, l'tre des tres,l'tre-Tout.

    Cette accusation de plagiat n'est pas neuve,Messieurs. Les philosophes des premiers siclesde l're chrtienne nous reprochaient dj d'a-voir emprunt no: sacrements aux mystres dupaganisme. Leur dmontrer qu'il ne pouvait yavoiraucunrapport d'origine entre des pratiquespuriles, superstitieuses, souvent immorales, etdes signes sacrs merveilleusement adapts l'effet qu'on en attendait, et prouvant leur divinegense par les admirables vertus de ceux qu'ilsconsacraient, retourner l'accusation contre le

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    paganisme et le convaincre de s'tre appropri,en les dpravant, les rites des religions divine-ment institues, ce n'tait pas chose difficile. Lesapologistes chrtiens s'acquittrent victorieuse-ment de cette tche 1 . Je ne pense pas qu'il soitncessaire de m'tendre sur leur polmique, nide discuter longuement avec le rationalismecontemporain ; il faudrait tout remettre en ques-tion. Permettez-moi de vous renvoyer simple-ment nos prcdentes dmonstrations qui onttabli le fait capital de l'intervention de Dieudans la vie religieuse de l'humanit, par son Fils

    1. Voyez les textes cits plus haut.Saint Justin, dans son Apologie, parle de l'imitation

    du baptme, de l'offrande du pain et du calice dansles mystres paens. Origne suit pas pas le philo-sophe Celse et rfute l'accusation de plagiat qu'ilfaisait peser sur le Christianisme. (Lib. VI, ContraCelsum). Les premiers apologistes connaissaientmieux que nos modernes philosophes la date desmystres paens. Ils n'eussent pas os affirmer qu'ilsn'taient pour la plupart qu'une contrefaon des ritessacrs des Juifs et des Chrtiens, s'il et t facile deprouver leur antriorit. Aussi, Tertullien, dans sonApologie, proclame-t-il hardiment que les mystresdu paganisme ne sont qu'une conspiration diaboliquecontre la vrit : Omnia enim adversit veritatemde ipsa veritate constructa sunt, operantibus mula-tionem istam spiritibus ercorti.iApolog.^Q&p. 47.)

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    Jsus-Christ. Si le rationalisme ne croit pas cefait, qu'il s'instruise. Je ne puis raisonner aveclui sur des conclusions, du moment qu'il n'admetpas le principe d'o elles manent. S'il admetce principe, qu'il prenne rang parmi les hr-tiques qui rejettent en totalit ou en partie lessacrements, et avec lesquels nous avons d-battre notre question de certitude.

    Jusqu'au seizime sicle, l'glise n'avait eu dfendre les sacrements que contre des hr-tiques obscurs ou contre des attaques partiellesdont elle eut facilement raison ; mais le protes-tantisme lui imposa la rude tche de repousserl'assaut gnral qu'il livra tout l'difice sa-cramentel. Aprs avoir perverti le dogme delgrce, dans laquelle il ne voulait plus voir uncoulement de la vie divine, mais une simpleimputation de la justice et de la saintet, il nesut plus que faire ds signes sacrs par lesquelsDieu se communique nous, et crut que lemeilleur moyen de s'en dbarrasser tait denier effrontment leur institution divine. Il negarda donc du sacr septnaire que ce qu'il nepouvait pas rpudier sans outrager trop ouver-tement l'criture : Le Baptme et l'Eucharistie,

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    dont il interprta sa manire la nature et leseffets ; et, pour le reste, il accusa l'glise d'avoirdonn des rites de son invention l'autorit etla puissance de signes divins.

    Mais, l'glise tait fortement arme contrecette accusation. Remontant la source divined'o les sacrements reoivent leur efficacit,elle pouvait montrer le Christ ordonnant sesaptres de baptiser les nations au nom du Pre,et du Fils, et du Saint-Esprit ! ; promettant cetEsprit tous ceux qui devaient croire en lui 2 ;transformant le pain et le vin en son corps eten son sang, et disant ses aptres : Faitesceci en mmoire de moi 3 ; leur donnant lepouvoir de remettre les pchs 4 ; les envoyant,dans les villes et les bourgades de la Jude,annoncer l'vangile du salut et oindre les in-firmes pour les gurir 5 ; les choisissant commeles ministres de sa parole et de sa grce 6 ; et

    1. Matth., cap. xxvm, 19.2. Joan., cap. xiv, 16, 17; xv, 13; xvii, 20.3. Matth., cap. xxvi, 26 28. Marc, cap. xiv, 22-24.Luc, cap. xxn, 19, 20.4.. Joan., cap. xx, 23.5. Marc, cap. vi, 13.6. Vid. Text. cit. sup. de bap. pait et Eucharist.Joau., cap. xx, 21. Luc, cap. x, 16.

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    sanctifiant les noces par sa prsence *. Si tousles sacrements ne sont pas encore dterminspendant la vie mortelle du Sauveur, ils sontindiqus et prpars; tout s'achve, entre laRsurrection et l'Ascension, dans les appari-tions qui confirment la foi des aptres et leurpermettent de recevoir les suprmes enseigne-ments de leur matre 2 ,

    Instruits par lui, et munis du pouvoir de r-pandre dans les mes la vie divine au moyendes signes que le Christ a consacrs, nous lesvoyons baptiser ceux que leur parole a con-vertis 3 , appeler, par la prire et l'impositiondes mains, l'onction de l'Esprit-Saint dansles ' mes que le Baptme a purifies 4 , con-vier les fidles la mystrieuse fraction dupain eucharistique 5 , recevoir les aveux des

    1. Joan., cap. h.2. Hi dies qui inter resurrectionem Domini ascensio-nemque fluxerunt, non otioso transiere decursu; sedmagna in his confirmata sacramenta, magna suntrevelata mysteria. (S. Lo., serm. J, De AscensioneDomini.)3. Act., cap. ii, 38.4. Tune imponebant manus super illos et acci-piebant Spiritum Sanctum. (Ibid,, cap. viiJ 17.)5. Erant autem persvrantes in doctrina aposto-CONFKEXCES X.-D. CARME 1883. 2

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    18 LA NATURE DE8 SACREMENTSpcheurs et les rconcilier avec Dieu 1 , priersur les infirmes et les oindre de l'huile sainteau nom du Seigneur *, tendre leurs mainsfcondes sur ceux qui se prosternent leurspieds pour devenir comme eux les ministres dela grce 3 , proclamer la saintet des noceschrtiennes, du sacrement qui e4 grand dansle Christ et dans son glise 4 . Ce ne sont pointdes rites qu'ils inventent, c'est un ministrequ'ils accomplissent, au nom du Dieu dont laprovidence ne pouvait pas tre moins libraleet moins magnifique pour les enfants du Christque pour les enfants d'Abraham. Jhovah avaitdaign donner l'ancienne loi des sacrementslorum, et communicatione fractionis panis. (Act.,cap. ii, 42.)

    1. Multique credentium veniebant confitentes etannuntiantes actus suos. (Ibid., cap. xix, 18.)

    2. Infirmatur quis in vobisT Inducat presbyterosEcclesiee, et orent super eum, ungentes eum oleo innomine Domini : Et oratio fidei salvabit infirmum, etalleviabit eum Dominus : et si iu peccatis sit, remit-teutur ei. (Jacob., cap. v, 14-15.)

    3. Admoneo te ut ressuscites gratiam Dei, quee estin te per impositionem manuum mearum. (IL Tim.,cap. i, 6.)

    4. Sacramentum hoc magnum est, ego autem dicoin Christo et in Ecclesia. (Ephes., cap. v, 32.)

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    imparfaits; le Christ, auteur de la loi nouvelle,ne pouvait pas moins faire, puisqu'il s'agissaitd'enrichir l'glise de sacrements parfaits. C'estlui qui nous les a donns, disent les aptres ;ne voyez en nous que ses ministres et les dis-pensateurs de ses grces : Sic nos existimethomo ut ministros Christi et dispensatores mys-teriorum Dei i .

    Entre leurs mains bnies, le dpt sacramen-taire est complet, et passe inviolable et toujoursrespect aux gnrations qui les suivent. Par-courez les livres des docteurs, organes de latradition chrtienne, vous y rencontrerez aumoins une mention pour tous les sacrements.S'ils n'en dressent pas le catalogue comme le fitplus tard la thologie, si les ncessits de leurpolmique avec les hrtiques les obligent d'in-sister sur tel sacrement, plutt que sur tel autre,ils n'en oublient aucun. Je n'abuserai pas devotre attention en vous citant leurs tmoi-gnages, mais je les tiens votre disposition.Quand vous voudrez, vous pourrez en prendreconnaissance et les vrifier 2 . Ils aboutissent

    1. I Cor., cap. iv, 1.2. Tertullien, dans le texte que nous avons cit plus

    haut, propos des mystres paens, dsigne claire-

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    cette conclusion crasante pour le protestan-tisme : que, depuis les temps apostoliques,ment trois sacrements : le Baptme (tingit) ; la Con-firmation {signt in frontibus milites suos); l'Eucha-ristie (clbrt etpanis oblationem). Il a crit un livreentier sur la Pnitence. Dans son livre des Pres-criptions, cap. 41, il parie des ordinations mal rglesdes hrtiques : Alius hodie Episcopus, cras aiius :hodie Diaconus, qui cras lector : hodie presbyter, quicras lacus. Liv. II ad Uxorem, cap. 8, il parle ainsidu mariage chrtien : Unde sufficiamus ad enarran-dam felicitatem ejus matrimonii, quod Ecclesia con-cilit, et confirmt oblatio, et obsignatbenedictio; an-geli renuntiant et Pater rato habet.

    Voici les tmoignages de saint Augustin : Si ad-huc valet quod dictum est in Evangelio, Deus pecca-torem non audit, ut per peccatorem sacramenta noncelebrantur, quomodo exaudit homicidam deprecantemvel super aquam Baptismi, vel super Oleum, vel su-per Eucharistiam , vel super capita eorum quibusmanus imponiturt Quae omnia tamen fiunt et valentetiam per homicidas. . . in ipsa intus Ecclesia. (Lib. V,De Baptismo, cap. 20, n 28.)

    In hoc unguento sacramentum Chnsmatis vultisinterpretari, quod quidem in gnre visibilium signa-culorum sacrosanctum est sicut ipse Baptismus. (Lib. II Cont. PetiL, cap. 104, n* 239. Sup. hcverba Psalm. Tanquam unguentum in capite).

    Qui priusquam recdrent ordinatisunt, non utiquerursus ordinantur, sed... Sacramentum ordinationisu gerunt, et ideo eis manus inter lacos non impo-nitur. (Lib. I, De Baptismo, cap. I, n 2.^

    c Procul dubio sacramenti res est, ut mas etfmina

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    l'glise a toujours cru avoir reu du Christ lessept signes immuables par le moyen desquels ilnous communique sa grce. Ils sont tellementdivins, qu'elle n'en peut crer aucun autre, nirien changer aux lments essentiels de ceuxqu'elle a reus. Sans doute, elle revendique ledroit de les rendre plus augustes et plus respec-tables par des crmonies capables d'exciternotre pit, et elle ne craint pas de venger cedroit par l'anathme, contre quiconque le m-connubio copulati quamdiu vivunt inseparabiliterpersvrent. (Lib. I, De Nuptiis, cap. 10, n 11.)

    Matrimonii triplex bonum, proies, fides., sacra-mentum. (Lib. IX, De Genesi ad litteram. cap. 7,n 12.)

    Il n'est aucun des Pres qui n'ait parl du Baptmeet de YEucharistie. Tertullien, le pape Corneille, saintCyprien, font mention de la Confirmation qu'ils distinguent du Baptme. Origne et Tertullien ont traitde la Pnitence, contre les Montanistes et les Nova-tiens; saint Jean Chrysostome, saint Epiphane, saintJrme, Optt de Milve, saint Augustin et tous ceuxqui ont crit contre les Donatistes et Aerius ont tablila vrit, et ont veng la dignit du sacrement de l' Or-dre. Origne, Victor d'Antioche, saint Chrysostome,parlent de YExtrme-Onction. Saint Ignace martyr,Tertullien, saint Justin, Athnagore, appellent le Ma-riage une chose sacre, un sacrement. Nous revien-tfrons sur ces tmoignages, lorsque nous traiterons decaque sacrement en particulier.

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    prise * ; mais, avec les saints docteurs, elle con-fesse que le Prtre suprme est seul matredes sacrements qui nous donnent sa vie, et elles'crie : At/ctor sacramentorum qvis est, nis\Dominus Jsus-? Quel est l'auteur des sacre-ments, si ce n'est le Seigneur Jsus ? Le protestantisme a lait de vains efforts pourtrouver dans les glises schismatiques des com-plices de sa fureur de dtruire. Tous les euco-loges grecs, armniens, orientaux, taient d'ac-cord avec les plus vieux sacramentaires desLatins 3 . Et, quand il essaya de faire adopter aux

    1. Dclart sacro sancta synodus, hanc potestatemperpetuo in Ecclesia fuisse, ut in sacramentorum dis-pensatione, salua eorum substantia, ea statueret velmutaret, quee suscipientium utilitati, seu ipsorum sa-cramentorum vnration; magis expedire judicaret.(Conc. Trid., sess. 21, cap. n.)

    Si quis dixerit receptos et approbatos Ecclesise ca-tholic ritus, in solemni sacramentorum administra-tione adhiberi consuetos aut contemni, aut sine pec-cato a ministris pro libitu omitti, aut in novos aliosper quemcumque Ecclesiarum pastoremmutariposse;anathema sit. (Sess. 7. De sacram., in gnrecan. xiii.)

    2. S. Ambr. (Lib. De Saerament., cap. 4.)3. Un des plus puissants tmoignages en faveur de

    la perptuit de la tradition touchant le nombre etVinititution divine de* sacrement et l'accord de

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    LA NATURE DE SACREMENTS 23patriarches de Constantinople la confessiond'Augsbourg, l'un d'eux, Jrmie, lui rpondit: Il y a dans l'glise de Dieu sept sacrements,ni plus, ni moins. S'il triompha un instant desviles complaisances de l'intrus Cyrille Lucar,elles aboutirent bientt la complte droutede ses intrigues, car elles provoqurent cettel'glise grecque et de l'glise latine. L'glise grecquen'et pas manqu d'accuser l'glise latine d'innover,et rciproquement, si l'une d'elles eut ajout un seuLsigne aux signes sacrs institus par le Christ ettransmis traditionnellement.

    Renaudot, dans son ouvrage de la Perptuit de laFoi de VEglise catholique sur les sacrements (tomeV),dmontre que toutes les sectes chrtiennes d'Orient admettent sept sacrements, qu'elles appellent mystres.Les noms diffrent : le Baptme est appel bain sacreou rgnration; la Confirmation, myron ou chrme;la Pnitence, canon; l'Eucharistie, oblation; l'Extrme-Onction, onction des malades ; l'Ordre, conscrationdes vques ou des prtres; le Mariage, couronnementdes pouses ; mais, tous ces mystres, les Orientauxattribuent absolument les mmes effets que nous attri-buons nos sacrements.Cf. Martne : De antiquis ritibus Ecclesi, Lib.quatuor. Allas : De perpet. Occident et Orient Ec-cles. consensione, lib. trs.Serpos : Compendio storico di memorie cronologiche

    concernanti la religione et la morale dlia nazioneArmena, vol. III, Venez, 1736. Assemaai : Bibliath*orient.

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    solennelle protestation du synode de Jrusalem: Anathme Cyrille Lucar, le fabricateur denouveaux dogmes ! Anathme au menteur, quiprtend qu'il n'y a pas sept sacrements instituspar Jsus-Christ, transmis par les aptivconsacrs par la perptuelle pratique de l'-glise M

    Vous venez d'entendre, Messieurs, la grandevoix de la tradition. Ce n'est pas la soudaineexplosion d'un bruit inattendu, qui se fait travers les sicles, c'est un cho. Lorsque,dans les valles sonores o tombent les eauxde la montagne, vous entendez, dix-huit centsmtres de distance, le bruit de leur chute trans-mis par les ondes mobiles de l'atmosphre,votre me se transporte auprs des cataractes,et il vous semble les voir se prcipiter du hautdes rochers dans le lit des torrents. Un spectacleanalogue, mais bien autrement grandiose, r-

    1. Anathema Cyrille- nova dogmata fabricanti, etcredenti non esse ex institutione Jesu Christi, nequeex apostolica traditione ; praxique perptua, septemEcclesiee sacramenta, baptismum scilicet, etc. Sec?mentienti duo tantum a Christo in Evangelio fuissetradita baptismum scilicet et eucharistiam. (Syn. Hio-rosol. celeb. an 1672.)

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    jouit l'me chrtienne, lorsqu' travers les ondesmobiles de la tradition o respire sa foi, elleentend, dix-huit sicles de distance, le bruitque fait en tombant sur la terre la vie de Dieu.Elle voit s'entr'ouvrir le sein du Christ, et con-temple, avec un amoureux respect, les sept ca-taractes divines qui s'en chappent et se prci-pitent pour sanctifier les mes : le Baptme, laConfirmation, l'Eucharistie , la Pnitence

    ,

    l'Extrme-Onction, l'Ordre et le Mariage.

    II

    Le sacrement est un signe institu par Jsus-Christ. C'est une vrit si bien tablie , que l'glisea cru devoir la dfendre solennellement *. Cer-taine de cette haute et noble origine, l'mechrtienne s'ouvre dj au respect et la con-fiance; mais combien plus, Messieurs, si nous

    1. Si quis dixerit sacramenta novae legisnon fuisseomnia a Jesu Christo Domino nostro instituta; autesse plura vel pauciora quamseptem, videlicetbaptis-mum, etc.. Aut etiam aliquod horum septem nonesse vere et proprie sacramentum ; anathema sit.(Conc. Trid., sess. VII, De Scr. m gnre, cari* i*)

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    considrons les sacrements comme des signessacrs.Tout ce que Dieu a fait est. sacr, parce que

    lout ce que Dieu a fait nous rappelle son tre,sa vie, ses perfections. Le ciel raconte sa gloire,la terre lui envoie autant d'hymnes qu'il y ad'tres vivants sur ses montagnes, dans ses val-lons et dans ses plaines, sous les voiles transpa-rents et mobiles dont les ruisseaux, les rivires,les fleuves et les mers enveloppent leurs habi-tants. Les plus humbles de ces signes sacrs sontpleins de merveilles, et le langage des fleursn'est pas moins propre que celui des astres lever nos esprits et toucher nos curs. Parcombien de formes gracieuses, tranges, super-bes, ces charmantes filles de la terre rjouissentnos regards! Quelle richesse de tons et denuances dans les couleurs dont elles parent leursfeuillages et leurs corolles ! Quelle varit dansleurs parfums! Et, quand on tudie de plus prs\e chaste mystre de leur hymne au fond desloupes embaumes o il se cache, leurs organesmutils et leurs tissus dchirs par les mainsimpitoyables du savant, les affinits de leurs ver-tus multiples avec no9 besoins et nos infirmits,

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    qui peut se retenir, s'il n'est aveugle et sanscur, d'adorer et d'aimer celui qui les a cres? Quand vous rencontrerez une fleur, disait saintPaul de la Croix ses frres en religion, de-mandez-lui : Qui es-tu? Elle vous rpondra : Je suis la voix qui annonce la puissance, lasagesse, la bont, la providence de mon grandDieu!

    La nature, dit saint Basile, est comme unlivre toujours ouvert, dont les caractres tmoi-gnent et publient la gloire de Dieu. En unmot, Messieurs, la nature entire est une chosesacre, un vaste sacrement; et, dans la nature,l'homme est plus sacr que tous les tres, car,plus que tous, il est la vivante image de celuiqui l'a cr, plus que tous, il rappelle la puis-sance, la sagesse, la bont, la sainte providencede Dieu.

    Mais souvenez-vous bien, je vous prie, queles grandeurs de notre nature, qui nous confi-gurent au type divin et nous rvlent son ter-nelle beaut, ne sont pas le dernier terme del'action de Dieu notre endroit. Nous sommesdestins une plus glorieuse et plus parfaiteressemblance de notre tre avec son auteur,

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    rsultant de la pntration intime de la viemme de Dieu. Et, parce que c'est du sacrementque nous vient cette pntration, cette ressem-blance, nous l'appelons sacr par-dessus tousles signes visibles qui nous rappellent les mys-tres divins, sacr au del de toute expression:Sacrosanctum, sacrosaint.

    Ecoutez notre saint Thomas : Le propre dusacrement, dit-il, est d'tre ordonn signifiernotre sanctification, dans laquelle on peutconsidrer trois choses : la cause mme de lasanctification, qui est la passion du Christ; laforme de la sanctification, qui consiste dans lagrce et les vertus ; la fin de la sanctification,qui est la vie ternelle. Or, le sacrement signifieces trois choses. 11 est un mmorial de ce quis'est fait pour notre salut; il dmontre ce quise fait en nous par \b passion du Christ; il pro-phtise notre gloire future ' .

    1. Sacramentum proprie dicitur quod ordinatur adsignificandam nostram sanctificationem : in qua triapossunt considerari ; videlicet ipsa causa sanccifica-tionis nostr, quee est passio Christi ; et forma nos-tr sanctificationis, quee consistit in gratia, et virtu-tibus ; et ultimus finis sanctificationis nostr, qui estvit* terna. Et hc omnuper sacramenta significan-

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    Que de signes augustes nous rappellent leVerbe incarn et immol pour nous 1 La crchesanctifie par les attouchements de son corpsd'enfant, berceau de ses premires humiliationset de ses premires douleurs ; la maison deNazareth, sanctuaire de ses prires, de sa vied'ouvrier, de ses panchements intimes avecMarie et Joseph ; le rocher sur lequel il a r-pandu la sueur sanglante de son agonie; l'esca-lier qu'il a gravi et du haut duquel il fut montrau peuple ; la colonne o il fut flagell; lesverges qui ont labour sa chair; la couronnequi a dchir son front'; les clous qui ont trans-perc ses mains et ses pieds ; la lance qui a ouvertson cur ; l'inscription qui proclamait saroyaut ; la croix qu'il a abreuve de son sang ;le suaire qui a envelopp sa chair inanime ; espulcre o il attendit sa rsurrection ! Nousnous empressons pour vnrer ces saintes reli-ques; elles ont passionn des gnrations fer-tur. Unde sacramentum est et signum rememorati-vum ejus quod praecessit, scilicet passionis Christi, etdemonstrativunr ejus quod in nobis effieitur pefChristi passionem, scilicet grati, et pronosticum,idest prnuntiativum futur glori. (Summ. Theol.III P., qust. 60, a. 3.)

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    ventes, qui affrontaient la mort afin de s'enassurer la possession. Et cependant, Messieurs,je vous le dis sans exagration, aucune n'galeen dignit le plus petit de nos sacrements; au-cune ne nous rappelle avec autant d'autorit lacause de notre sanctification.

    Le sacrement condense en un seul signe tousles souvenirs parpills sur les objets sacrs quenotre foi vnre. Il imite, en se dterminant, lemystre fondamental dont dpendent les mritesdu Sauveur. La parole, dit saint Augustin, sai-sit un lment sensible, et le sacrement est fait :Accedit verbum ad elementum, ^et ft sacramen-tum l .Ainsi, la parole ternelle, le Verbe, estdevenu l'homme-Bieu, en saisissant et en unis-sant sa personne sacre les lments infirmesde notre nature 2 . Configur, par sa matire et saforme, au Verbe incarn, le sacrement s'imbibede sa divine vertu. Tous les mrites que le Sau-

    1. In Joan. Tract. LXXX, post med.2. Sacramenta possunt considerari ex parte cause

    sanctificantis quee est verbum incarnatum, cui sacra

    -

    mentum quodammodo conformatur in hoc quod rei.sensibili verbum adhibetur ; sicut in mysterio incar-nations carni sensibili est Verbum Dei unitum.(Summ. Theol., III P., qust. 60, a. 6.)

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    veur a moissonns Bethlem, Nazareth, dansle cours de sa vie publique, au jardin de Geths-mani, au prtoire, sur le Golgotha, il les con-tient, il nous les prsente, non seulement pourque nous y croyions, mais pour qu'ils noussoient appliqus. Le sacrement est fait! Celaveut dire : Souviens-toi, chrtien, qu'un Dieus'est incarn, a souffert et est mort pourtoi. Le sacrement est fait! Ouvrez vos mes,car le Christ est l, tout prt rpandre sagrce.

    Que dis-je, Messieurs ? Le sacrement ne nouslaisse pas attendre. Par cela mme qu'il est laitet que notre me est ouverte, il nous indiquequ'une mystrieuse transformation s'est accom-plie en nous, et que nous sommes devenus sacrs,autant que peut l'tre une crature . Soit que lagrce succde au pch, soit qu'elle se greffe surla justice acquise, c'est la vie de Dieu qui nousenvahit et nous perfectionne, l'instant mmeo le sacrement se dtermine ; et, par sa dtermi-nation, il nous rvle et le don essentiel que Dieunous a fait de sa propre saintet, et les vertus quien dcoulent pour perfectionner les puissancesde notre me, et le secours spcial que Dieu

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    ajoute ces vertus afin que nous puissions atten-dre la fin propre de chaque sacrement *.Donc, si le sacrement est une ablution, ilnous apprend que notre me purifie reoit unevie nouvelle, et, qu'ensevelie dans la mort duSauveur, elle est pntre d'une toute-puissantevertu qui doit la faire mourir ses vices et luipermettre de faire honneur, comme membre,au corps mystique de Jsus-Christ. Si le sa-

    it. Gratia secundum se considerata perficit essen-tiam anim, inquantum participt quamdam simili-tudinem divini esse : et sicut ab essentii animfluunt e,jus potentiee, ita a gratia fluunt quaedam per-fectiones ad potentias anim, qu dicuntur virtutes,etdona,quibus potenti perficiunturinordine ad suosactus. Ordinantur autem sacramenta ad quosdamspciales effectus necessariosin vita christiana; sicutbaptismus ordinatur ad quamdam spiritualem regene-rationem, qua homo moritur vitiis, et fit membrumChristi ; qui quidem efiectus est aliquid spcialeprter actus potentiarum anim : et eadem ratio estin aliis sacramentis. Sicut igitur virtutes, et dona ad-dunt super gratiam communiter dictam quamdam per-fectionem determinate ordinatam ad proprios actuspotentiarum; ita gratia sacramentalis addit supergratiam communiter dictam, et super virtutes, etdona, quoddam divinum auxilium ad consequendumsacramenti finem. Et per hune modum gratia sacra-Tientahs addit super gratiam virtutum, et donorum.{Summ. Theol ,111 P., qust. 6?, a. 2.)

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    crement est un jugement et une sentence, ilnous apprend que les fautes dont notre curcontrit a fait l'aveu sont pardonnes et effa-ces par le sang du Calvaire, et qu'une grcede rsurrection va se joindre nos efforts pourprvenir nos rechutes. Si le sacrement est unenourriture, il nous apprend que la chair d'unDieu devient le pain de nos mes et travaille nous unir la divinit, comme elle-mmelui est unie. Si le sacrement est une onc-tion, il nous apprend que la grce gurit nosinfirmits spirituelles, comme l'huile nos infir-mits corporelles; qu'elle assouplit et fortifieles puissances de notre me, comme l'huileassouplit et fortifie les membres des athltes,afin que nous puissions triompher dans lessuprmes combats que livre le dmon notrevie dfaillante. Si le sacrement est une im-position de mains, il nous apprend que l'Esprit-Saint pntre nos mes, comme le fluide humainpntre les organismes sympathiques sonaction; qu'il en est la lumire et la force, etque, pour les besoins de la socit chrtienne,il affermit et fconde les ministres sacrs.

    Enfin, si le sacrement est un contrat, il nousCONFERENCES N.-D. CAHilK 1883. 3

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    apprend que Dieu se donne ceux qui s'unis-sent, comme ils se donnent eux-mmes l'un l'autre, et qu'il veut tre l'indissoluble lieu deleur union.

    Indications sublimes, couronnes par unesublime prophtie. Le sacrement nous montre,au terme de toutes les grces qui sanctifient,l'ternelle flicit qui en est le prix. N'est-il pasdit que les lus , rassembls autour du trnede Dieu et chantant le ravissement sans finqui les enivre, sont ceux qui ont lav leur robedans le sang de l'Agneau 1 ? Ce sang de l'Agneau,il est dans tous les sacrements; se baigner dansses flots, c'est dj prendre possession du ciel.Vous comprenez, Messieurs, pourquoi l'on

    dit du sacrement qu'il est un signe sacrosaint.J'ai justifi mon appellation, et, du mme coup,j'ai convaincu d'injustice et d'ineptie le rappro-chement que je vous signalais tout l'heure etdont le rationalisme s'autorise pour nous accu-ser de plagiat. Non, l'glise n'a rien empruntaux mystres du paganisme; car, s'il y a, entrenos sacrements et les pratiques des fausses re-

    1. Apoc, cap. vu, 14.

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    LA NATURE DES SACREMENTS

    ligions, certaines analogies matrielles, leurssignifications sacrosaintes nous font un devoirde chercher leur origine plus haut que dansles rgions dshonores o la superstition vaprendre ses misrables inventions. Ne fussent-ils que de simples signes commmoratifs, in-dicatifs et prophtiques des choses sacres, ilsauraient droit notre vnration. Mais les sa-crements ne sont pas seulement des signes, cesont des causes; vous ne les connatrez bienque lorsque je vous aurai expliqu leur effi-cacit.

    I

    Nous avons vu le protestantisme fausser lanotion de la justification, et se dbarrasser, dansl'intrt de son systme, d'une partie de nossacrements. Pourquoi ne les a-t-il pas rpudistous? Je n'en sais rien; car ceux qu'il conser-vait n'eurent pas un meilleur sort que ceux qu'ilrejetait. Prtendant que l'homme est justifipar la foi, sans qu'il ait autre chose faire, sansqu'il soit mme besoin que la grce le trans-

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    forme, il ne pouvait plus faire grand tat des ins-truments sacrs auxquels nous attribuons notresanctification. Aussi, ne s'est-il pas gn de lesappeler des signes nus, n'ayant pour effet quede relier entre eux les divers membres d'une so-cit religieuse, ou d'exciter dans les mes la foiqui justifie. Donc, point d'union dterminanteentre la matire et la forme, mais, les lmentssensibles et les paroles des sacrements rduitsau rle d'un simple avertissement ou d'unesimple promesse.A ces erreurs, l'glise a rpondu par desdfinitions prcises qu'il importe de vous faireconnatre. Les sacrements, dit-elle, ne sontpas choses superflues, mais choses ncessaires notre salut ; car la foi seule ne suffit pas notre justification. Ce n'estpoint seulement pournourrir cette foi, ni pour signifier qu'elle nous aobtenu la grce, ni pour indiquer que noussommes chrtiens, que les sacrements ont tinstitus; mais ils contiennent la grce dont ilssont les signes, et la donnent toujours ceuxqui n'y mettent pas d'obstacle. C'est l'uvreaccomplie, l'acte sacramentel lui-mme quidonne la grce, et la perversit des ministres

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    n'en peut empcher l'effet, pourvu qu'ils aientl'intention de faire ce que fait l'glise. Siquelqu'un enseigne le contraire, qu'il soit ana-thme * !

    1. Si quis dixerit sacramenta nov legis non essead salutem necessaria, sed superflua ; et sine eis auteorum voto per solam fidem homines a Deo gratiamjustificationis adipisci; licet omnia singulis necessa-ria non sint; anathema sit. (Con. Trid., sess, 7. Desacram. in gnre, can. IV.)

    Si quis dixerit hc sacramenta propter solamfidem nutriendam instituta fuisse; anathema sit.(Ibid., can. V.)Si quis dixerit sacramenta nov legis non contineregratiam quam significant, aut gratiam ipsam nonponentibus obicem non conferre, quasi signa tantumexterna sint accepte per fidem grati, vel justiti,et not qudam christianae professionis , quibusapud homines discernuntur fidles ab infidelibus;anathema sit. {Ibid., can. VI.)

    Si quis dixerit non dari gratiam per hujusmodisacramenta semper, et omnibus, quantum est ex parteDei, etiam si rite ea suscipiant, sed aliquando et ali-quibus; anathema sit. {Ibid., can. VII.)

    Si quis dixerit; per ipsa novae legis sacramenta exopre operato non conferri gratiam, sed solam fidemdivin promissionis ad gratiam consequendam suffi-cere; anathema sit. {Ibid., can. VIII.)

    Si quis dixerit ministrum in peccato mortali exis-tentem, modo omnia essentialia quae ad sacramen-tum conficiendum aut conferendum pertinent, serva-verit non conficere aut conferre sacramentum ; anathem sit. (Ibid., can. XII.)

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    38 LA NATUflE DES 8ACREMENT1 Cet anafhme est juste. Messieurs, car la doc-trine que Tglise oppose aux erreurs du pro-testantisme est vieille comme le christianisme.C'est le Christ lui-mme qui attribue l'eau duBaptme une vertu rgnratrice, dont le propreest de nous enfanter la vie surnaturelle etd'tablir nos droits au royaume des cieux ' ; la parole de ses prtres, la puissance d'effacerles pchs et de nous rendre l'amiti de Dieu*;au sacrement de sa chair et de son sang, le donde nous communiquer une ternelle vie 3 . Cesont les aptres qui nous enseignent que l'onc-tion, la prire sacramentelle, l'imposition desmains, sauvent les mes, les remplissent degrce et des dons de l'Esprit-Saint 4 . C'est toutela tradition qui attribue aux paroles sacramen-telles une vertu conscratoire, qui fait d'un l-

    1. Nisi quis renatus fuerit ex aqua et spiritu sanctonon potest introire in regnum. Dei. (Joan., cap. m, 5.)

    2. Quorum remiseritis peccata remittuntur eis.(Ibid., cap. xx, 23).3. Qui manducat meam carnem et bibit meum san-guinem, habet vitam ternam. (Ibid., cap. vi, 55.)4.Tune imponebant super illos manus et accipie-

    bant spiritum sanctum. (Act., cap. vin, 17.)(Pour l'extrme-onction et l'ordre, voyea textes ci--pius baut.)

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    ment infirme une chose sacre * ; toute la tra-dition qui confesse que cet lment s'imbibe desaintet pour nous rendre saints 2 , se pntrede l'Esprit de Dieu pour nous perfectionner3,

    1. Baptismus Christiverbis evangelicis consecratuset per adulteros et in adulteris sanctus est. (S. Aug.,De Baptismo, cap. 10.)Detrahe verbum quid est aqua nisi aqua? (Id. ftract. 80 in Joan.)Unde tanta virtus aquse ut corpus tangat et corabluat nisi faciente verbo? (Ibid.)

    Illee syllab celeriter sonantes et transeuntes. ..nisi dicantur non consecratur. (Lib. XIX, ContraFaustum, cap. 16.)

    (Recte ergo nunc quoque) Dei verbo sanctificatumpanem in Dei Verbi corpus credo transmutari.(aAcDs oliv k%\ vvv) tov r \6y) toO Ssov aytaixevo*

    iprov eis (ia toO &eov \6yov peTCLirocsGdcu. ( S. Greg.Nyss. Migne, t. II, p. 96, Oratio Cateeh., cap. 37,in fine.)

    2. Aqu sanctificatee vim sanctificandi combibunt.(Tertul.,Z>e Baptismo, cap. 4.) Caro abluitur, ut ani-ma emaculetur. Caro ungitur, ut anima consecretur.Caro signatur ut et anima muniatur. Caro manus im-positione adumbratur, ut anima Spiritu illuminetur.Caro corpore Christi et sanguine vescitur, ut et animade Deo saginetur. (Id.> lib. De Besurrectione carnis.,cap. 8.)

    3. Saint Cyrille de Jrusalem excite les catchum*ns, faire attention la grce de TEsprit-Saint quiest donne avec Feau : Mer tov tictro folopv} -orveu/K*.tixyj ^apm.(Catech, III.)

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    40 LA NATURE DES SACREMENTSest cause en nous d'une vie nouvelle 1 , possdedes proprits saintes absolument indpen-dantes des vertus et des mrites de ceux quiadministrent ou reoivent 2 , enfin, une innar-rable efficacit 3 .

    Je sais, Messieurs, que cette efficacit n'estpas plus agre du rationalisme que du pro-testantisme. Contre le protestantisme, l'Eglise

    1. Baptismus est peccati mors, animi regeneratio,adoptionis gratia. f3

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    peut invoquer l'autorit des tmoignages; lerationalisme mprise cette autorit. Il veut desarguments rationnels, et se scandalise pour toutde bon de nous entendre attribuer des signesinfirmes et misrables, sans autre preuve que desaffirmations, le pouvoir de toucher les mes etd'y oprer des transformations. Que l'homme,par la partie suprieure de son tre, gravite versl'infini et s'efforce de le saisir; que Dieu, pourrpondre ce mouvement, veuille bien amenersa vie jusqu'aux confins de la ntre et se rsoudre une union qui nous honore , sans l'avilir, nouspourrions peut-tre l'accorder. Encore, faudrait-il que ce mystre s'accomplt d'une maniredigne de celui qui s'y trouve engag, et quedes signes magnifiques, incomparables, nousdonnassent l'assurance des noces sacres denotre me avec l'infini. Mais, de l'eau, de l'huile,du pain, du vin, des bndictions, des formulesqui passent ! Non. Dites que ce sont dessymboles, la bonne heure ! Des causes? Jamais !On ne nous fera pas croire que de pareilleschoses puissent transformer les mes, et per-sonne ne nous empchera de rire d'une si pro-digieuse absurdit

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    Si vous avez la foi, Messieurs, pardonnez-moice langage, c'est celui de l'incrdulit qui vousassige et vous tente par la redoutable perspec-tive du ridicule. N'est-il pas vrai que souventvos oreilles chrtiennes ont t profanespar ces sottes et grossires protestations ?Je les appelle sottes et grossires, et vouscomprendrez mieux pourquoi je me sers de motssi durs, lorsque, dans une prochaine conf-rence, je vous parlerai de l'harmonie de nossacrements. Aujourd'hui, il s'agit de leurefficacit.

    Cette efficacit ne serait pas un scandale pourle rationalisme, s'il se donnait la peine d'tu-dier notre thologie sacramentaire. Il y appren-drait que le contraste dont il triomphe pour nouscraser de ses sarcasmes n'est ridicule qu'au-tant que l'on attribue, la nature mme deslments sacramentels, les merveilleux effetsqu'ils produisent. Cette ineptie peut clore dansla cervelle d'un libre penseur; mais le plushumble des chrtiens, pour peu qu'il sache soncatchisme, est incapable de l'imaginer, attenduque l'glise no l'a jamais enseigne. Si ellenous dit, avec saint Paul, que Dieu se plat

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    choisir des choses infirmes pour confondre notresuperbe, elle nous apprend, avec saint Thomas,qu'il faut rapprocher l'effet des sacrements desa cause principale et non de sa cause imm-diate, si l'on veut en avoir l'explication. L'effetdu sacrement, c'est la grce; or, la grce, si-militude participe de la nature mme de Dieu,ne peut tre produite que par Dieu, comme lachaleur ne peut tre produite que par le feu. Sile sacrement intervient entre la cause principaleet son effet, ce ne peut tre que comme instru-ment charg de la transmission d'un mouvementdivin 1 . Mais, qui donc peut refuser Dieu, matre

    1. Duplex est causa agens, principalis et instru-mentalis. Principalis quidem operatur per virtutemsue forme, cui assimilatur effectus, sicut ignis suocalore calefacit, et hoc modo nihil potest causare gra-tiam, nisi Deus ; quia gratia nihil est aliud quamparticipata similitudo divinae natur, secundum illud.Il.Petr. c. 4. Magna nobiSj et preciosa promissa do-nacit, ut dimn simus eonsortes natur. Causa veroinstrumentalis non agit per virtutem suae forme, sedsolum per motum quo movetur a prmcipali agente.Unde effectus non assimilatur instrumento, sed prin-cipal i agenti; sicut lectus non assimilatur securl, sedarti qusB est in mente artificis. Et hoc modo sacra-menta nov legis gratiam causant : adhibentur enimex divina ordination hominibus ad ratiam in eis

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    absolu de son action et de ses dons, le droit defaire par des instruments ce qu'il peut faire im-mdiatement? Et les admirables effets des sa-crements sont-ils ridicules, ds qu'il est constantque Dieu les produit?

    Voil, Messieurs, la doctrine de l'glise, tou-chant l'efficacit des sacrements : ce sont desinstruments agissants, manis par une forceinfinie. La foi s'arrte l.Comment ces causes instrumentales de

    la grce oprent-elles immdiatement? C'estune autre question, sur laquelle l'glise nouslaisse libres de former nos opinions. Vous pou-vez croire que les sacrements oprent morale-ment ou physiquement, et, quoi que vous pen-siez, je prtends que vos opinions sont, aussibien que votre foi, l'abri des railleries durationalisme.

    causandam. Unde Augustinus dicit (XIV, ContraFaustum, cap. xvi, a med.), Hc omnia, silieet sa-crarnentalia,Jlunt et transeunt ; virtus tamen, scilicetDei, qu ista operatur, jugiter manet\ Hoc autemproprie dicitur instrumentum, per quod aliquis opera-tur : unde et Tit. III. 5. dicitur : Saluas nos fecit perlauacrum regenerationis. (Summ. Theol., III P.,queest. 62. a. 1.)

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    Certains thologiens, pour pargner la raisondes mystres qui contrarient son dsir d'avoirle dernier mot de toutes choses, ont imaginun systme la lumire duquel les difficultsleur semblent s'vanouir. Je ne les en blmepas, c'tait leur droit. Le sacrement, disent-ils,opre infailliblement, mais son effet se pro-duit en vertu d'une concomitance ncessaire del'action de Dieu et de l'application des signes.Quand la matire est unie aux paroles, lesacrement est fait, et Dieu, par la force d'uneconvention sacre dont il a lui-mme tabli lestermes et garanti les effets, se trouve engag nous confrer la grce, ce qu'il ne manque pasde faire, parce qu'il est jaloux de son honneurplus que qui que se soit. D'o il suit, Messieurs,que le sacrement est comme la signature de-Dieu, et vous connaissez la puissance d'unesignature. Je fais un billet par lequel vousvous engagez me payer, une poque fixe,la somme de dix mille francs; je vous le pr-sente, vous le signez. Si vous tes majeur, saind'esprit, matre de votre volont, ce billet vautdix mille francs. Il importe peu, vous compre-nez bien, que votre signature soit un chef-

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    d'oeuvre de calligraphie ou qu'elle se composede jambages informes; vous avez sign, c'esttout ce qu'il me faut. Et voil le sacrement!Avec quelque chose de bien autrement solen-nel et touchant; car cette lettre de crance,payable par Dieu, est signe du sang d'unDieu. Le Christ, dit s^int Augustin, a em-pourpr le sacrement de sor. sang *. Il y a mistous les mrites de sa douloureuse Tassion. D'oune telle grandeur, une telle dignit, une telleexcellence, une telle force pour exiger la grce,que Dieu ne peut la refuser l o le sacrementlui est prsent,

    Cette grave opinion, Messieurs, ne prtepoint l'ironie ; et la raison n'et elle que celapour s'expliquer l'opration des lments sa-crementels, elle pourrait parfaitement s'encontenter.

    Cependant, il a sembl des esprits minentsque le sacrement, rduit au rle d'une lettrede crance, ne sort pas assez de la catgoriedes signes pour entrer dans la catgorie des

    1. (Jade rubet baptismus Christi, nisi Christi san-guine consecratur. (S. August., Tract. 11. In Joan.n-4.)

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    causes '. Ils lui attribuent donc une efficacitplus directe et plus prochaine, quoique tou-jours soumise la cause principale; une effi-cacit* qu'ils comparent celle des instrumentsnaturels, et qu'ils appellent physique 2 . Cetteopinion, plus gnrale, plus ancienne, plustra-

    1. Illa pactio nihil dat sacramentis de ratione cau-se, sed solum de ratione signi.(S. Thom., in 4 Dist.1, queest. a. 4. )

    Si quis recte consideret, iste modus non transcen-dit rationem signi. . . secundum hoc sacramenta no-vee legis nihil plus essent quam signa grati ; cumtamen ex multis sanctorum auctoritatibus habeaturquod sacramenta nov legis non solum significantsed causant gratiam. (Simm. TkeoL, III P., queest. 62,a. 1.)

    2. Instrumentum habet duas actiones ; unam instru-mentalem, secundum quod operatur non in virtutepropria, sed virtute principalis agentis; aliam autemhabet actionem propriam, quee competit sibi se-cundum propriam formam, sicutsecuri competit scin-dere ratione suae acuitatis, facere autem lectum, in-quantum est instrumentum artis ; non autem perficitinstiumetalem actionem, nisi exercendo actionempropriam, scindendo enim facit lectum. Et similitersacramenta corporalia per propriam oprationsm,quam exercent circa corpus, quod tangunt, efficiuntoperationem istrumentalem ex virtute divina circaanimam ; sicut aqua baptismi abluendo,corpus secun-dum propriam virtutem,abluit animam, inquantumest instrumentum virtutis divin; nam ex anima,

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    ditionnelle, me parat plus en harmonie avecle plan de Dieu, qui a glorifi toute la natureen son Fils ; plus conforme la dignit des sacre-ments, qu'elle exalte; plus redoutable l'hr-sie, qui s'efforce d'en diminuer l'importance. Sile rationalisme n'y veut voir qu'une exagra-tion superstitieuse de la virtualit de nos signessacrs et se permet d'en rire, je me permetsde lui dire que son rire est une sottise, dont lanature nous venge avec clat.

    C'est une prtention assez commune chezceux qui tudient les phnomnes et les lois dumonde physique de croire qu'ils se donnent,par le travail et l'observation, le dernier mot detoutes choses, et qu'ils sont pays de leurs veilles,de leurs expriences et du luxe de leur instru-mentation par des certitudes au del desquellesil n'est plus permis de placer un point d'inter-rogation. Et, pourtant, cette terrible petite chosequ'on appelle un point d'interrogation va plusvite que nos investigations; si nous avions deions yeux, nous la verrions se dresser auetcorpore uaum fit. Et hoc est quod Augustinus dicit(loc.sup. cit.) quod corpus tangit, etcorabluit.{Sinnm.TheoL, III P., qust. 62. a. 1. ad 2.)

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    bout de toutes nos recherches. Nous croyons,par exemple, connatre fond le mystredes forces naturelles, parce que nous les sou-mettons des calculs prcis. Nous nous trom-pons trangement; et, quand nous avons ta-bli ces propositions : Telle force augmente oudiminue en raison directe ou inverse du carrdes distances ; telle force augmente ou diminuecomme la pression qu'on lui fait subir, etc.... lepoint d'interrogation se tord insolemment de-vant nous et nous dit : Qu'est-ce qu'une force?As-tu pu la saisir avec tes instruments? L'as-tuvue? Nos yeux et nos instruments ne nouslivrent que des corps, des mouvements, des ph-nomnes; notre esprit fait des calculs et des.inductions; mais la causalit intrinsque duplus petit des atomes nous fuit avec une iro-nique persvrance. Nous ne voyons pas lesforces. Allons-nous pour cela briser nos instru-ments, abandonner nos travaux et bouder la na-ture? Non, Messieurs. Nous acceptons commeun bienfait ce qui tombe sous nos sens, nous em-ployons les corps et les mouvements aux usagesde la vie. Mais, prenez-y garde I les corps sontles sacrements d'une force qui se rvle par leCONFRENT* m,-d. CAHME 1883. 4

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    mouvement. Du moment que vous en use/, vousn'avez pas le droit d'arrter Dieu aux portes dela cration et de l'empcher de dpenser, tra-vers le mystre des substances, un peu moinsou un peu plus de son universelle et toute-puis-sante causalit.Non-seulement, Messieurs, vous croyez l'existence occulte des forces dont les corps nesont que les instruments; mais, appliquant leprincipe de la pntration, vous faites vous-mmes des sacrements naturels; c'est--direque, mettant une substance en rapport avecune force, vous faites de l'une l'instrument del'autre. Qu'est-ce que l'eau dormant dans unvase d'airain? Un liquide vulgaire, dans lequelvous pourrez laver vos mains et votre linge.Mais, bouchez le vase, approchez-le du feu, etfaites pntrer le calorique dans le fluide en-dormi, le voil mal l'aise, il se tourmente,il se dilate, et ses imptueux mouvements, r-gls par votre gnie, font voler des lgions dechars sur les routes que vous leur avez prpa-res. Qu'est-ce que ces fils de fer qu'on voits'allonger sur le bord des grands chemins?Des perchoirs disgracieux, sur lesquels viennent,

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    LA NATURE DES SACREMENTS 51de temps autre, se reposer les oiseaux.Mettez-les en rapport avec une pile lectrique,le fer frmit et va porter votre pense et votreparole jusqu'au bout du monde. Les rsultatssont prodigieux; mais il n'y aurait rien, sil'eau et le fer n'taient les instruments d'uneforce.

    Cela se comprend, dites-vous. Il ne me se-rait peut-tre pas difficile de vous dmontrerque vous n'y comprenez pas grand'chose, et deplanter encore le terrible petit crochet, le pointd'interrogation, au bout de vos explications Mais, je vous coute : vous dites qu'entre l'effetproduit et les iont je parMs tout l'heure, si mystrieuses qu'elles soient, il y aproportion. C'est la nature qui agit danssa sphre, C'est la matire qui opre surla matire. Mais, dans les sacrements,quelle proportion? La matire opre surl'esprit , la nature agit dans la surnature

    ,

    cela se peut-il ? Et vous croyez tre quittesenvers nos signes sacrs, et mme avoir ledroit de les mpriser, parce que vous invoquezcontre eux les proportions et les accusez d'enmanquer. Je vous trouve trop oss, Messieurs,

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    et je puis, sans sortir de vous-mmes, prendreune facile revanche.

    Voici, d'un cot, un magnifique tableau; d'unautre cot, un pinceau et des couleurs. Lesfiguresdu tableau, c'est le pinceau qui les a traces etleur a donn l'expression qui vous ravit. Quelleproportion entre le pinceau et ce chef-d'uvre?Mais, le pinceau tait conduit ^ar une main.Quelle proportion entre une main et l'effet pro-duit? Mettez ce pinceau entre les doigts d'un singeet mme entre les doigts d'un enfant, vous aurezquelque chose de monstrueux. Mais, la main quiconduisait le pinceau tait la main d'un artiste.Quelle proportion entre la main d'un artiste etson ouvrage ? Pensez-vous que l'idale beautrqu'il reprsente soit dans la masse de chair etd'os qu'il remue ? Mais, la main de l'artiste estconduite par son me. C'est l que vit le chef-d'uvre avant de passer sur la toile, c'est lqu'il faut chercher la proportion. Trs bien.Mais, quelle proportion entre l'me d'un artisteet sa main ? Je sais que l'me de l'artiste dirigeles volutions de sa main, je sais que la mainrend compte l'me de l'artiste de ses sensa-tions et de ses mouvements ; mais, comment

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    LA NATURE DES SACREMENT8 5S

    cela se fait-il ? La main est de la matire, l'meest un esprit. Quelle proportion entre ces deuxchoses si disparates? Mille esprits ne ferontjamais le plus petit des atomes. Vous aurezbeau quintessencier toute la matire cre, vousn'en ferez jamais un esprit. Entre l'esprit et lamatire, il y a des abmes. Comment ces abmespeuvent-ils tre franchis ? Vous n'en savez abso-lument rien. Et, pourtant, l'esprit agit sur la ma-tire, la matire sur l'esprit. Faut-il donc direque l'artiste est un tre disproportionn ? Eh !non, Messieurs. Il faut tout simplement direque la souveraine puissance de Dieu sait, quandcela est ncessaire, proportionner les choses lesplus dissemblables ; que la matire peut de-venir l'instrument d'une force suprieure etd'autre nature qu'elle-mme, comme la mainde l'artiste devient l'instrument de son me;que le corps, instrument conjoint d'un esprit,peut faire passer la virtualit de cet esprit dansun instrument spar, comme la main fait passerdans le pinceau le mouvement qu'elle reoit dede l'me l'artiste; que l'instrument spar, sigrossier qu'il soit, peut, son tour, exprimerdans un effet la virtualit qu'il contient, comme

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    le pinceau trace les figures, distribue et nuanceles couleurs et fait vivre la toile 1 .

    Grce l'application de ces principes, lesoprations sacramentelles cessent de nous pa-ratre disproportionnes. Notre me est la toiledocile que doit transformer en un chef-d'uvresurnaturel, cette expression vivante del simi-litude divine qu'on appelle la justice, la sain-tet. Pour tre transforme, elle s'offre, par leministre du corps auquel elle est unie, l'ac-tion instrumentale du sacrement. Le sacrementopre sous l'influence de l'humanit sainte duChrist, que le Verbe a remplie de mrites divinset des effluves de sa toute-puissance. Cause mi-nistrielle des miracles, pourquoi ne serait-ellepas la cause ministrielle de notre sanctificationpar la grce, comme la main de l'artiste est lacause ministrielle des chefs-d'uvre qu'il

    1. Virtus spirituaiis non potest esse in re corporeaper modum virtutis permanentis, et complte, sicu'ratio probat. Nihil tamen prohibet in corpore essovirtutem spiritualem instrumentaliter, inquantum sci-licet corpus potest moveri ab aliqua substantia spiri-tuali ad aliquem effectum spiritualem inducendum;sicut et ipsa voce sensibili est queedam vis spirituaiisad excitandum intellectum hominis, inquantum pro-cda a conceptione sentis. Et hoc modo vis spiritua-

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    LA NATURE DES SACREMENTS 5bproduit? Mais, la grce sanctifiante, c'est duVerbe qu'elle dcoule comme de sa source pre-mire ; c'est en Lui et dans les personnes divines,avec lesquelles il n'a qu'une seule et mme ac-tion, qu'il faut chercher dfinitivement la pro-portion entre l'effet et la cause des oprationssacramentelles. Je ne prtends pas que cetteexplication supprime toutes les difficults ;mais, puisqu'il y a tant de mystres dans lanature, nous pouvons bien en accepter quel-ques-uns dans l'ordre surnaturel. Bien loin dedparer les sacrements, ils en relvent la beautet la grandeur.

    J'ai dit, Messieurs. Vous voil en prsencedes sources divines de la grce et de la saintet.Si vous avez soif d'une vie meilleure et plus nobleque celle de la nature, approchez-vous : Omnessitientes venite ad aquas. Ne croyez pas, cepen-dant, qu'il suffise d'approcher, il faut encoreouvrir son me. L'infaillible efficacit des sacre-ments ne nous dispense pas de nous prparer lis est in sacramentis, inquantum ordinaotur a Decad effectum spiritualem. (Summ. TheoL, III P., quaest.62 a. 4. ad 1 ..

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    leur action, et cette action est d'autant plusprofonde et plus vaste que notre me est plu9ouverte et plus dilate par la puret de nosintentions et la ferveur de nos dsirs. Mais, quelleque soit la mesure des grces que vous receviezdes sacrements, c'est par ces signes augustes,sachez-le bien, que vous devenez des tres sacrs;sans eux, vous ne serez jamais que dos profanes.

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    SOIXANTE-DEUXIME CONFRENCE

    l'harmonie des sacrements

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    SOIXANTE-DEUXIME CONFRENCE

    L'HARMONIE DES SACREMENTS

    Monseigneur % Messieurs,Le sacrement est un signe certain, parce que

    Dieu Fa dtermin lui-mme. La traditionnous fait entendre le bruit des cataractes vivi-fiantes qui, de la divinit, ont pass par l'huma-nit sainte du Christ; de J'humanit du Christ,dans les humbles instruments qu'il a choisis pourrpandre en nos mes les grce? ae la rdemp-tion. Le sacrement est un signe sacr, parcequ'il nous rappelle la Passion du Sauveur, causede notre sanctification ; nous indique la transfor-mation sacrosainte qui se fait en nous; et pro-phtise notre gloire future. Le sacrement estun signe efficace, parce qu'il opre rellementet directement ce qu'il signifie, en vertu de la

    1. M*1 " Richard, archevque de Larisse, coadjuteurde Paris.

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    GO l'harmonie des sacrements

    toute-puissance de Dieu, dont il est le docileinstrument.

    Voil ce que j'ai dit dans ma prcdenteconfrence, en toute francnise et libert. Au-trefois, cela ne m'et pas t permis. Lorsquel'glise naissante tait entoure d'ennemis,tout prts dnaturer nos rites divins par deperfides interprtations et de sacrilges paro-dies, la loi du secret protgeait les sacrements. Nous ne devons pas , disait saint Denis

    ,

    donner par crit nos invocations perfectives ,ni livrer au public leur sens cach et les prodigesque Dieu opre par leur ministre . Mais

    ,

    comme le veut notre sainte tradition, c'est dansde secrtes instructions qu'il faut puiser lascience de ces choses 4 .

    1. Invocationes porro consecratorias nefas estscripto interpretari et arcanum earum sensum, virtu-tesque quas in iis Deus operatur e secreto in publi-cum efferre; sed ut nostra sacrosancta traditio docet,obi pas secretioribus instructiouibus hauseris, atquead habitum sacratiorem atque capaciorem intelligen-tiam, divino araore sacrisque actionibus consomma-tus evaseris, divina luce collustratus ad supremamearum scientiam subveheris.

    Ts 8 Te)e

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    L'HARMONIE DS SACREMENTS 61

    Aujourd'hui, cette loi n'existe plus, car noussommes moins menacs par l'extravaganced'un culte impie que par l'ignorance orgueil-leuse de la raison, mprisant trop volontiersce qu'elle ne connat pas ou qu'elle feint de nepas connatre. A son endroit, il n'y a plus desecret. C'est rendre service la cause reli-gieuse, que d'expliquer au peuple les oprationsde la grce et la vertu mystique de nos signessacrs. En parler en public , ce n'est plus unetrahison, c'est le loyal et ncessaire combat del'erreur contre la vrit. Puisse ce combat avoirune heureuse issue

    J'ai dfini les sacrements et expliqu leurnature. Que ferai-je aujourd'hui, Messieurs? Jejustifierai l'institution des sacrements, en vousmontrant leur harmonie. Dieu ne fait rien quine soit marqu au coin de son infinie sagesse.Or, cette sagesse se manifeste par l'ordre admi-yeiv XX' s $ xa' rlpis iep isaphoois %ei t ratsivexTrofi-nvrots pvrjtreatv auras xpav, xal tspos &etre-pav iv xai vaycyiqv, pwrt $ei> xal vepyeiats ispxiiroreXecrdeis , viro rrjs reXerap-^tx^s XXp.ypS(os vayQyoi)tspos rr)v vireprrrjv arv entairjp.rjv. (S. Dion. Migne,tome I , page 565. De ecclesiastica hierarehia ,cap. vu, g 10.)

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    rable des relations tablies entre les sacrements,le plan divin et notre nature. Cherchons ces re-lations dans les deux choses que la thologieappelle: signum et res sacramenti, c'est--diredans les signes sacramentels eux-mmes, etdans les effets qu'ils produisent.

    I

    Pour bien me faire comprendre, je vous de-mande la permission de vous rappeler le desseinde Dieu dans la formation de la : t. :hr-tienne- Si c est une redite, elle ne sera j :mt inu-tile, car elle fixera davantage des notions fon-damentales et des vrits fcondes, qu'il fauttoujours avoir prsentes l'esprit pour bien sai-sir l'enchanement du dogme catholique.

    Rappelons-nous donc que Dieu, s'il l'etvoulu, et pu se mettre directement en rapportavec chacun de nous, se rvler nos intelli-gences dans une lumineuse et discrte vi-dence, donnera nos mes, transformes par sagrce, une assurance profonde et tout faitintime de son action, et en varier les signes

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    L'HARMONIE DES SACREMENT8 63selon son bon plaisir. Nous eussions t unisdans la mme cause de notre perfection; mais,nous n'eussions point form une socit reli-gieuse, extrieure et visible.

    Or, cette socit, Dieu avait dcrt sonexistence. Parce qu'il est nombre en mmetemps qu'unit, famille en mme temps quenature indivisible, il voulait que l'homme ftnombre et famille; non seulement famille hu-maine , c'est le cot le plus humble et le plusobscur de notre configuration au type divin,mais famille sacre, parce qu'il est lui-mmel'tre sacr par excellence- Bref, Dieu voulaitque l'homme devint membre d'un corps reli-gieux, vou au culte de sa trs sainte Majestet capable de recevoir les mystrieux retoursde son action souveraine.G Multi unum corpus sumus * : Nous qui sommesun grand nombre, dit l'aptre saint Paul,nous sommes un seul corps; un seul corps,non seulement en tant que nous drivons d'unesource commune et que le sang d'un mmepre circule dans nos veines; un seul corps,

    1. Rom., cap. xii, 5. I Cor., cap x, 17.

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    non seulement en tant que nous formons unesocit d'individus, physiquement renfermsdans une circonscription dtermine, morale-ment unis par une certaine conformit de traits,de langage et de caractres, et conventionnelle-ment placs sous la protection d'une mmeloi; mais un seul corps, en tant que noussommes consacrs, sous la mme loi religieuse,au culte d'un mme Dieu, et que nous rece-vons, en retour de notre culte, la communi-cation d'une mme vie : Multi unum corpusswnus.

    Or, tout corps suppose un chef qui l'anime,un chef qui reoit les impressions de la masseet communique la masse ses propres mouve-ments. Quel est donc notre chef nous quisommes un corps religieux? Je vous l'ai mon-tr, Messieurs. Nous l'avons appel, avec l'A-ptre, l'universel hritier de la cration, lemdiateur de Dieu et des hommes, la ttedont tout le corps mystique de l'glise re-oit ses accroissements; et nous avons constatque notre constitution religieuse est son uvre,et que, dans son uvre, il est la source detous les biens. Mais, ce chef, nous ne le voyons

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    l'harmome ds sacrements 65pas. Dpos, aprs sa mort, dans un spulcred'emprunt, il en a bris la pierre, et notre foinous dit que, vivante et immortelle, son huma-nit ressuscite est assise la droite de Dieu,en ces lieux inaccessibles o ne pntrent pas lesregards des mortels. L'glise l'appelle le roi in-visible. Mais, s'il est invisible, comment serons-nous tmoins de son action sacrosainte dans lecorps religieux dont il est le chef?Comment, Messieurs ? Ecoutez-moi bien. Il

    est trs vrai que Jsus-Christ chappe nos re-gards; il est trs vrai, aussi, qu'il se manifeste etagit visiblement. L'action mdiatrice qu'ilexerce entre Dieu et l'homme, je la vois. Oui,je vois deux mouvements de mon chef Jsus-Christ, comme je vois ici, cette heure, deuxmouvements : le mouvement de vos mes quimontent vers la mienne, par vos yeux attentifs :le mouvement de mon me qui descend en vosmes, par ma parole. Vous vous donnez moi,je me donne vous ; je vois cela, et comme jevois cela, je vois notre chef Jsus-Christ nousdonnant Dieu et nous donnant Dieu. Odonc ? me direz-vous ; montrez-nous votrevision. Ma vision, Messieurs, c'est le prtre,

    CONFRENCES N.-D. CAR.-K 1883. 5

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    substitut consacr du Christ, chef du corps reli-gieux dont nous sommes les membres. Leprtre est ptri, comme vous, d'un obscurlimon ; sa chair plbienne enveloppe, peut-tre, une me moins noble et moins intelligenteque la vtre ; il peut dire nanmoins, avec as-surance, ce que disait l'Aptre : Je remplis,;ci-bas, les fonctions du Christ : Pro Christo,/egatione fungimur* , S'il tend, par le poidsinexorable de sa nature, mler quelquefois savie aux courants de votre vie mondaine, il estenlev, par son caractre, en des rgions saintesque ne peuvent aborder vos pieds profanes ; ilplane entre Dieu et les hommes. Le prtre', telque l'a fait Jsus-Christ, qu'il remplace, c'estl'explication vivante des mystrieux rapportsdu fini et de l'infini, tant et si vainement cher-che par l'esprit philosophique ; c'est, dans lecorps religieux, ce qu'est, dans le corps humain,le fluide ministriel qui touche l'esprit et la matire, va de l'un l'autre, et fait, de l'un l'autre, les changes de la vie. 11 est pris parmiles hommes et constitu, pour eux, dans les

    i. II Cor., cap. v. 20.

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    choses qui vont Dieu : Omnis pontifex ex ho-minibus assumptaspro hominibus constituitar inhisqude sunt adDeum*. On peut retourner cesparoles et dire : Il est pris auprs de Dieu etconstitu , pour Dieu, dans les choses qui vontaux hommes : Ex Deo assumptus pro Deoconstituitur in his qu sunt ad homines, Ecoutez son nom : on l'appelle Sacerdos, commesi l'on disait qu'il est le cadeau sacr que Dieu afait aux hommes. Mieux, encore , selon saintThomas: Sacerdos, quasi sacra dans, comme siTon disait qu'il donne Dieu les choses sacrede l'humanit, l'humanit les choses sacresde Dieu.La chose sacre de Fhumanit, c'est la prire.

    Or, le prtre est charg de prier au nom detous. Il supple nos oublis et notre indiff-rence ; il saisit les vux timides et impuissantsdes membres obscurs de l'glise et les incor-pore la toute-puissante prire publique, dontil est l'organe autoris. La chose sacre del'humanit, c'est le sacrifice. Or, le prtre pr-side au sacrifice ; il l'offre pour les prsents et

    i. Heb., cap. v, 1,

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    pour les absents ; homme multiple, par l'imposi-tion de ses mains bnies, il fait passer, dansles dons qu'il consacre, l'humanit tout en-tire.Vous comprenez ce premier mouvement : le

    mouvement des choses sacres qui , de l'homme,monte vers Dieu, par l'entremise du sacerdoce;mais, comprendrez-vous l'autre, c'est--dire:lemouvement des choses sacres qui, de Dieu,descend vers l'homme, en passant par le prtre?

    La chose sacre de Dieu, c'est la vrit quicommence en nous la vie surnaturelle , et fait denous comme un rudiment de crature divine : lnitium alquod creaturx ejus i . La chosesacre de Dieu, c'est la grce qui achve notretre surnaturel et complte notre configurationau Dieu Un et Trinit.La vrit! La grce! Comment donner l'hu-

    manit ces deux choses sacres de Dieu? Noussommes la question, Messieurs; vous allez voirjaillir, dans le plan de Dieu, l'harmonieuse ma-nifestation de sa sagesse.

    Le -prtre n'est pas, comme Dieu, l'intelligible1. Jac, cap. i, 18.

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    rside et d'o elle dirige les mouvements de lavie. Les portes s'ouvrent, la parole se livre et selaisse transformer par la puissance active del'intelligence qui la saisit. Et voil que la lu-mire se fait l o rgnaient, tout l'heure, lesombres de l'ignorance ou de l'erreur; voil que,par un phnomne trange, nous rendons la lu-mire par le mme moyen qui Ta donne : Nousconfessons, par la parole, la vrit reue par laparole. Mais, prenez-y garde! la parole dont leprtre se sert pour donner la vrit n'est pointla sienne, c'est la parole que Dieu a confi. son glise, le signa traditionnel des enseigne-ments mans de la sagesse ternelle.

    Cette premire chose sacre de Dieu, la v-rit, nous tant communique par un signe, laparole de Dieu, ne vous semble-t-il pas, Mes-sieurs, que Dieu doit complter l'action de sonministre par un parallle harmonieux, en met-tant dans un signe divin la seconde chose sacrequ'il doit donner, la grce? C'est prcisment ceque Dieu a fait en instituant les sacrements.Le sacrement, combinaison mystique d'une

    formule dicte parle Christ et d'un lment d-sign par lui, le sacrement parat ne toucher

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    quel'corce de notre tre ; mais, parce que Dieului en a donn la certitude, le prtre sait quenous sommes touchs en mme temps au centremme de la vie. Les promesses du Christ sontpour lui comme les instruments d'une secondevue, l'aide de laquelle il contemple la trans-formation sacrosainte qui s'opre en nous. Asupposer que l'effet qu'il attend srement deson action sacerdotale soit empch par notremauvaise volont, il est certain, du moins, quecette action est alle jusqu' l'me qu'il voulaitatteindre. Supprimez la parole, supprimez lessacrements, le ministre sacerdotal n'a plusqu'un mouvement visible, celui qui, de l'homme,monte vers Dieu. Quant celui qui descend deDieu l'homme, on ne sait plus comment il sefait, et le prtre n'est plus, dans la moiti la plusauguste de sa reprsentation, qu'un ministreimpuissant et perplexe. Mais, Dieu soit bni! leprtre est, par la parole et par les sacrements,en possession des signes qui compltent son mi-nistre sacr, et nous pouvons adorer, dans cetteharmonie, l'infinie sagesse qui l'a cre.En voici une autre, Messieurs. De mme que

    le prtre a besoin de signes pour tre assur

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    timent? h bien, pour reprsenter l'une etl'autre, vous cherchez des signes.Une ide vous tourmente, dans le silence ducabinet ou sur un chemin solitaire, vite, votreplume ou votre crayon, autrement vous la per-driez. Vous crivez une phrase, c'est--dire unesuite de courbes et de jambages, pas toujourstrs harmonieux, et vous voil contents; car, sousce tout petit signe, sous ce vtement de pauvreapparence et de forme heurte, une ide, unegrande, noble et fconde ide peut-tre, vit etpalpite. La phrase que vous avez crite est lesacrement de votre ide, o vous retrouverez,dans dix ans, ce que vous avez pens aujourd'hui.

    Vous aimez vos enfants. Qui vous dira que leurcur bat en votre honneur, et que votre amour aveill quelque part un autre amour? Si l'enfantque vous aimez garde prs de vous un silencefarouche; si, tout entier ses instincts gostes,il ne rpond vos tendres regards que par desregards indiffrents, vous vous direz, au fond devotre cur navr : Malheur moi, celui auquelj'ai donn la vie et en qui j'ai mis toutes mesesprances, mon fils, ne m'aime pas ! Maisnon, i'enfant s'avance vers vous, le sourire sur

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    jes lvres ; il monte sur vos genoux, enlace votrecou de ses deux bras, approche sa chre petitette de la vtre, et deux baisers parlent en mmetemps. Voil le sacrement de l'amour paternelet de l'amour filial qui rejouit deux curs lafois.Vous vous glorifiez d'avoir des amis, et j'aime

    croire que vous en tes dignes. Mais, ces amis, quoi les reconnaissez-vous? Aux banales salu-tations que l'on distribue, de cot et d'autre,dans le monde ? A cette grimace strotype,sous laquelle les gens comme il faut dguisentVimperturbable sang-froid de leur me indiff-rente? Non, Messieurs, non, pas ainsi. Vousreconnaissez vos amis aux gnreux services parlesquels s'expriment leur dvouement, aux cha-leureux tmoignages qui sont le langage ducur, et, entre tous, cette franche treinte,que nous appelons, si navement et si profond-ment, une poigne de main. Si vous avez fait dece tmoignage une chose vulgaire et sans porte,c'est tort, Messieurs. Une poigne de main estun signe plein de mystres, une prise de posses-sion, un acte de proprit, qui fait tressaillir lescurs sincres. Une poigne de main veut dire :

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    t/HRMONIK DES SACREMENTS 75 Tu es mon ami, et je suis toi, comme tu es moi ; mon cur est dans ton cur, comme tamain est dans ma main ; nos deux mes s'trei-gnent et se serrent, comme s'treignent et seserrent nos deux mains. Nos deux mains vontse quitter, parce que le devoir nous appelle :toi , droite , moi , gauche ; mais nos deuxmes demeureront ensemble, parce qu'eues sesont donnes dans un sacrement. La poigaede main est le sacrement de l'amiti.

    Ainsi donc, Messieurs, nous avons besoin designes pour reprsenter l'ide et le sentiment,choses abstraites et incorporelles. Mais, plusabstraite que l'ide, plus incorporelle que le sen-timent, est la transformation que la grce opredans nos mes. N'est-il pas bon que, pour don-ner notre tre tout entier l'assurance de cettetransformation et le promouvoir aux consquen-ces pratiques qu'elle impose notre vie, Dieu larende, en quelque sorte, visible par des signes.Vous me direz que, sans passer parles sens, Dieupeut nous donner conscience de ses oprationsintimes. Je n'en disconviens pas; mais, agirainsi, ce n'et pas t harmonieux, et Dieu aimel'harmonie. Nous le voyons, dans l'ancienne

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    7G l'harmonie des sacrementsloi; multiplier les signes pour affermir la con-fiance de l'homme dans ses promesses. Pour-quoi, dans la loi nouvelle, se montrerait-il plusmystrieux et plus rserv, lorsqu'il s'agit denous assurer de plus grands biens? Pourquoichangerait-il son plan d'action, puisque nousn'avons pas chang de nature? Les exigences etl'empire des sens, dans notre vie mixte, sonttoujours les mmes. C'est ce qui fait dire saint Jean Chrysostme : Chrtien, si tu taisincorporel, les dons de Dieu le seraient commetoi ; mais, parce que ton me est unie un corps,c'est par des signes sensibles que Dieu te pr-sente ce qui ne peut tre saisi que par l'intelli-gence *. Un signe nous dira donc que nous avons tengendrs une vie nouvelle ; un signe nous dira

    que l'Esprit-Saint nous a investis de sa force etorns de ses dons; un signe nous dira que le

    1. Si incorporeus esses, nuda et incorporea tibiedisset ipse dona; sed quia anima corpori conjuncta

    est, in sensibilibus intelligenda tibi prbet.Ei (iv yp ddcb^ioLTos e, yu^v v ari aoi ta a^a.-i

    xaphcoxe Sjpa* 7rei Ss aw\ia.ii (TupnticXexTai rj yf^xif, vxiaOqto x vorjx aot tirapaSaxTi. (Chrysost. ffomil. 82io Matth. n 4.)

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    L'hARMONlE DS SACREMNS 7^

    Fils de Dieu nourrit notre me de sa chair et deson sang; un signe nous dira que nos fautes sontpardonnes et que notre me pcheresse a re-couvr son innocence ; un signe nous dira quela grce a effac jusqu'aux derniers restes denotre vie coupable. Le sacrement sera commel'inscription faite par Dieu, sur notre chair, desmystres dont notre me est l'invisible sanc-tuaire ; comme le tendre et misricordieux baiserdu Christ rdempteur, comme l'treinte de sasanctifiante amiti. Et, alors, toute notre nature,satisfaite en tous s