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MINISTERE DE LA JUSTICE SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES PARIS LE CAS DES ETATS-UNIS Etude à jour le 1 er mai 2009 JUSTICE DES MINEURS ORIENTATIONS EN TERME DE PROTECTION ET DE REPRESSION 1998-2008

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MINISTERE DE LA JUSTICE

SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES

PARIS

LE CAS DES ETATS-UNIS

Etude à jour le 1er mai 2009

JUSTICE DES MINEURS ORIENTATIONS

EN TERME DE PROTECTION ET DE REPRESSION 1998-2008

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ANALYSE COMPARATIVE DE LA LEGISLATION EN MATIERE DE JUSTICE DES MINEURS

METTANT EN EVIDENCE LES ORIENTATIONS EN TERMES DE

PROTECTION ET DE REPRESSION SUR LA PERIODE 1998-2008

LE CAS DES ETATS-UNIS

I. LE PRINCIPE EDUCATIF ET LA SOLUTION REPRESSIVE DITE « DES 8% »

A. LE PRINCIPE B. SON CADRE LEGAL AU NIVEAU FEDERAL C. SON CHAMP D’APPLICATION

II. L’APPLICATION DU PRINCIPE EDUCATIF DANS LES VOIES ALTERNATIVES DE

TRAITEMENT DE LA DELINQUENCE DES MINEURS

A. LES TRIBUNAUX DE RESOLUTION DES CONFLITS (« PROBLEM SOLVING COURTS ») B. LA JUSTICE REPARATRICE C. LES PROGRAMMES DE REINSERTION

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TEXTES LEGISLATIFS CITES

Juvenile Accountability and Incentive Block Grants (Responsabilisation des mineurs et subventions globales incitatives) de 1998, modifiée en 2004, sous le nom de Juvenile Accountability Block Grants, (JABG), 42 U.S.C.A. § 3796ee

http://www.law.cornell.edu/uscode/search/display.html?terms=juvenile%20accountability%20%20grant&url=/uscode/html/uscode42/usc_sup_01_42_10_46_20_XII-F.html

Juvenile Justice and Delinquency Act de 2002 (JJDA - loi sur la délinquance et la justice des mineurs), 42 U.S.C. 5631, amendé par l'article 42 U.S.C. 5633

[http://www.law.cornell.edu/uscode/search/display.html?terms=juvenile%20justice%20and%20delinquency%20act&url=/uscode/html/uscode42/usc_sec_42_00005633----000-notes.html](http://njjn.org/media/resources/public/resource_234.pdf).

Second Chance Act (loi de la deuxième chance), 2008 http://www.reentrypolicy.org/government_affairs/second_chance_act

JURISPRUDENCE CITEE

Kent v. United States, 383 U.S. 541, 86 S. Ct. 1045 (1966) Roper v. Simmons, 543 U.S. 551 (2005) 112 S. W. 3d 397

http://www.law.cornell.edu/supct/html/03-633.ZS.html Atkins v. Virginia, 536 U. S. 304 (2002)

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I. LE PRINCIPE EDUCATIF ET LA SOLUTION

REPRESSIVE DITE « DES 8% » ___________________________________________________________________________

A. LE PRINCIPE

Aux Etats-Unis, il revient à chaque Etat de légiférer en matière de délinquance juvénile. Le gouvernement fédéral et le District de Columbia disposent également de lois et d'un système de justice des mineurs qui leur sont propres. C'est donc sur 52 systèmes que l'analyse des tendances de ces dix dernières années doit s'appuyer. Le présent rapport présente bon nombre des grandes tendances de la justice des mineurs observées entre 1998 et 2008 aux États-Unis, sans prétendre à l'exhaustivité.

Le début des années 1990 a vu une augmentation des infractions reprochées aux jeunes et des arrestations de mineurs. Vers la fin du siècle dernier, les médias et les criminologues conservateurs ont inventé le terme de "superprédateur" pour qualifier une nouvelle catégorie de mineurs délinquants dont ils anticipaient le développement au 21ème siècle. Caractérisés par leur amoralité et leur goût pour la violence, ces "superprédateurs" ont fait l'objet de nombreux débats législatifs et d'un grand intérêt de la part des médias. Toutefois, il est devenu évident dès la fin des années 1990 que la délinquance des mineurs déclinait, mettant ainsi fin au mythe du "superprédateur" (voir tableau ci-dessous). Encouragées par des lois fédérales portant sur le financement des initiatives de justice des mineurs, les législateurs des Etats ont commencé à étudier d'autres modes de traitement et de sanction des jeunes délinquants.

Nombre d'arrestations pour 100 000 mineurs âgés entre 10 et 17 ans

(Infractions avec violence ; source : http://ojjdp.ncjrs.org/)

Avec l'aide du gouvernement fédéral, les Etats ont entrepris de rechercher le bon équilibre entre d'une part l'identification et l'incarcération des 6 à 8 % de jeunes délinquants récidivistes réellement dangereux, et d'autre part la réinsertion des mineurs responsables de la grande majorité des infractions (voir par exemple http://ojjdp.ncjrs.org/action/sec2.htm). Baptisée "8% solution" ou "solution des 8 %", cette approche caractérise la période 1998-2008. Les lois de la fédération et des Etats cherchent à augmenter la sévérité des sanctions

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pour ces 8 %, tout en préférant de nouvelles méthodes moins répressives pour les autres jeunes délinquants.

B. SON CADRE LEGAL AU NIVEAU FEDERAL Lorsqu’on étudie les tendances marquantes de la période 1998-2008, il est impossible

de ne pas évoquer tout d'abord la législation fédérale responsable des orientations prises par les différents Etats. Bien que, comme précisé plus haut, aucune loi fédérale majeure n’impose de dispositions minima pour les lois étatiques régissant les tribunaux des mineurs (Juvenile courts), deux lois importantes ont eu une grande influence sur l'orientation prise par les législateurs d'Etat : la loi sur la responsabilisation des mineurs et les subventions globales incitatives de 1998 (1) et la loi sur la délinquance et la justice des mineurs de 2002 (2).

1. LA LOI DE LA RESPONSABILISATION DES MINEURS ET DES SUBVENTIONS GLOBALES INCITATIVES DE 1998

En 1998, le gouvernement fédéral a adopté une loi appelée Juvenile Accountability and Incentive Block Grants (Responsabilisation des mineurs et subventions globales incitatives). En 2004, le Congrès a modifié cette loi, rebaptisée Juvenile Accountability Block Grants, ci-dessous JABG, et a élargi à 17 ses 12 domaines d'application initiaux1

.

Cette législation a introduit de nouvelles exigences et procédures pour les Etats souhaitant recevoir les financements fédéraux nécessaires au fonctionnement de leur système de tribunaux des mineurs (Juvenile courts). Pour obtenir ces subventions globales spéciales, les Etats doivent prouver que ces sommes serviront à créer des programmes visant à favoriser la responsabilisation des mineurs pris en charge par le système de justice des mineurs. Le Congrès des États-Unis a élaboré une liste des 17 domaines prioritaires pour le financement :

(1) le développement, la mise en oeuvre et l’application de sanctions progressives pour les délinquants mineurs ;

(2) la construction, l’agrandissement, la rénovation ou l’exploitation de structures disciplinaires en milieu ouvert ou non, ou de centres de détention, temporaires ou permanents, destinés aux mineurs ;

(3) l’emploi de juges dans les tribunaux des mineurs (Juvenile courts), de contrôleurs judiciaires, d'avocats commis d'office ainsi que de « special advocates » (intervenants bénévoles parrainant et soutenant des enfants en difficulté, négligés ou maltraités), et le financement des services destinés aux mineurs délinquants en amont des procès (notamment les examens et expertises psychologiques), pour un système de justice des mineurs plus efficace et plus rapide ;

1 42 U.S.C.A. § 3796ee

[http://www.law.cornell.edu/uscode/search/display.html?terms=juvenile%20accountability%20%20grant&url=/uscode/html/uscode42/usc_sup_01_42_10_46_20_XII-F.html]

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(4) la création de nouveaux emplois de procureurs afin d'augmenter le nombre d'affaires portées en justice mettant en cause des mineurs délinquants violents, et de réduire le nombre d'affaires en attente ;

(5) l’apport de subventions permettant aux procureurs de traiter avec plus d'efficacité les problèmes de drogue, de bandes et de violence des jeunes, et de bénéficier des technologies, du matériel et des formations les aidant à cerner et à accélérer les poursuites des mineurs délinquants violents ;

(6) la création et le maintien de programmes de formation à la prévention et à la maîtrise des infractions juvéniles, destinés aux employés des forces de l'ordre et des tribunaux ;

(7) la création de Juvenile gun courts, tribunaux spécialisés dans les poursuites et les arbitrages concernant les mineurs ayant enfreint les lois sur les armes à feu ;

(8) la création de programmes judiciaires de lutte contre la toxicomanie permettant une surveillance judiciaire continue des mineurs délinquants souffrant de toxicomanie et une application intégrée des autres sanctions et services qui leurs sont destinés ;

(9) la création et le maintien d'un système de casiers judiciaires pour mineurs afin d'améliorer la sécurité publique ;

(10) la création et le maintien de programmes de partage des données inter-agences afin de permettre aux systèmes de justice pénale et de justice des mineurs, aux établissements scolaires ainsi qu'aux services sociaux de prendre des décisions mieux éclairées quant à l'identification, à la maîtrise, à la surveillance et au traitement des mineurs commettant de manière répétée des actes de délinquance graves ;

(11) la création et le maintien de programmes de responsabilisation afin de réduire le récidivisme chez les mineurs ;

(12) la création et le maintien de programmes d'évaluation des risques et besoins des mineurs délinquants facilitant une intervention précoce efficace et offrant des services complets (notamment examens psychologiques et soins, dépistage d'usage de stupéfiants et soins) ;

(13) la création et le maintien de programmes de responsabilisation destinés à améliorer la sécurité en milieu scolaire (programmes éprouvés de prévention du harcèlement et des brimades, du cyberbullying - harcèlement sur Internet - et des bandes, par exemple) ;

(14) la création et le maintien de programmes de justice réparatrice ;

(15) la création et le maintien de programmes donnant aux tribunaux des mineurs (Juvenile courts) et aux contrôleurs judiciaires de mineurs une plus grande efficacité quant à la responsabilisation des mineurs délinquants et à la réduction du récidivisme ;

(16) l’emploi de personnel pour les structures disciplinaires et de détention, ainsi que la création et le maintien de programmes de formation pour ces personnels afin d'améliorer les pratiques et la gestion des structures ;

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(17) la création, l’amélioration et la coordination de systèmes et programmes en aval ou en amont de la remise en liberté des délinquants afin de faciliter leur réintégration dans la société suite à une détention dans une structure locale ou d'Etat.

2. LA LOI SUR LA DELINQUANCE ET LA JUSTICE DES MINEURS DE 2002 Le Juvenile Justice and Delinquency Act de 2002 (JJDA - loi sur la délinquance et la

justice des mineurs) est une loi fédérale qui a elle aussi encouragé les Etats à créer des programmes novateurs pour les mineurs délinquants2.

Dans cette loi, le Congrès a formulé des directives précises concernant la délinquance juvénile, précisant notamment que :

« (10) (…) Ces problèmes doivent être traités par une approche de bon sens à double orientation qui puisse répondre aux besoins de chaque mineur et de la société en général en développant :

(A) des programmes de prévention performants

(i) s'adressant aux mineurs, à leur famille, aux services publics locaux et aux organismes sur le terrain, et prenant en compte des facteurs tels que d'éventuelles violences familiales (négligence ou maltraitance infantiles...) ; et

(ii) conçus pour réduire les risques et développer chez les mineurs en danger les savoir-faire leur permettant d'éviter les comportements délinquants violents ou de réduire leur fréquence ;

(B) des programmes aidant les mineurs à assumer la responsabilité de leurs actions et à développer les savoir-faire nécessaires pour devenir des membres responsables et productifs de leur communauté, notamment par le biais d'un système progressif de sanctions, des réparations offertes à la victime ou des travaux d'intérêt général, de diverses méthodes d'augmentation de la satisfaction des victimes.

(11) Des projets de prévention de la délinquance et une justice des mineurs coordonnés répondant aux besoins des mineurs grâce à la collaboration des différents systèmes de services locaux auxquels ils ont accès peuvent permettre d'éviter que les mineurs ne tombent dans la délinquance ou peuvent les aider à retrouver une vie productive. »

L'objectif de cette loi est de permettre au gouvernement fédéral de soutenir les efforts des autorités locales et des Etats quant à la création et au financement de programmes judiciaires novateurs pour mineurs. Le gouvernement fédéral apporte les financements et le soutien technique aux Etats qui s’engagent à respecter les objectifs et exigences de cette loi.

2 42 U.S.C. 5631, amendé par l'article 42 U.S.C. 5633. http://www.law.cornell.edu/uscode/search/display.html?terms=juvenile%20justice%20and%20delinquency%20act&url=/uscode/html/uscode42/usc_sec_42_00005633----000-notes.html](http://njjn.org/media/resources/public/resource_234.pdf)

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En conclusion, c’est à travers ces deux lois ci-dessus que le gouvernement fédéral a pu modeler les lois étatiques à l'origine des programmes de justice des mineurs. Bon nombre des tendances présentées plus bas sont une conséquence directe de cette liste de priorités.

C. SON CHAMP D’APPLICATION Les différentes mesures à caractère éducatif et protecteur ne s’appliquent pas

automatiquement à tout mineur délinquant. Il existe en droit américain au moins deux mécanismes par lesquels les mineurs se voient retirer le bénéfice de l’application de ces mesures spécifiques. Le premier est la procédure de renvoi des mineurs devant la juridiction des adultes (1). Le second consiste dans la compétence dite mixte du tribunal des mineurs, qui peut prononcer, à titre subsidiaire, des peines relevant du droit pénal des adultes (2).

1. LE RENVOI DES MINEURS DEVANT LA JURIDICTION DES ADULTES Les Etats américains ont tous adopté des lois relatives aux renvois des mineurs devant

la juridiction pénale de droit commun (les tribunaux pour adultes), les « Transfet laws ».

C'est en 1966 que la Cour suprême des États-Unis a jugé la première affaire relative à ces lois avec Kent v. United States, 383 U.S. 541, 86 S. Ct. 1045 (1966). La Cour a alors affirmé que bien que le juge pour enfants bénéficie d'un important pouvoir discrétionnaire quant à la décision de renvoi d'un mineur vers un tribunal pour adultes, les exigences fondamentales d'équité et de respect des procédures légales régulières doivent être respectées. Cela implique une équité dans l'examen des faits, de l'importance à leur donner et de la conclusion à tirer. Par conséquent, tous les mineurs faisant l'objet d'un renvoi doivent en être avertis, bénéficier d'une audience et de l'assistance d'un avocat, et les raisons du renvoi doivent leur être communiqués.

En outre, la Cour a retenu huit critères qui doivent fonder tout renvoi, même si ce dernier reste néanmoins, dans une large mesure, à la discrétion du juge :

(1) Quel est le degré de gravité de l'infraction présumée à l'égard de la société et la protection de la société nécessite-t-elle un renvoi ?

(2) L'infraction présumée a-t-elle été commise avec agressivité, violence, préméditation ou intentionnellement ?

(3) L'infraction présumée touche-t-elle des personnes ou des biens, une plus grande importance étant donnée aux atteintes à la personne, notamment en cas de blessures corporelles ?

(4) La plainte est-elle fondée ?

(5) Est-il souhaitable que le procès et la condamnation se déroulent dans un tribunal unique lorsque les complices du mineur sont des adultes ?

(6) Quel est le degré de maturité du mineur, en prenant en compte sa situation familiale et sociale, son attitude et son mode de vie ?

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(7) Doivent être pris en compte le casier judiciaire du mineur et ses antécédents, notamment d'éventuels contacts avec des services de la justice des mineurs, d'autres services de police, des tribunaux des mineurs ou d'autres juridictions, les précédentes périodes de probation ou les séjours dans des centres de détention pour mineurs.

(8) Quelles sont les chances d'une protection adéquate du public et les probabilités que le mineur se réinsère correctement dans la société (s'il est reconnu coupable de l'infraction) grâce aux procédures, services et équipements à disposition du tribunal des mineurs (Juvenile court) ?

Suite à l'affaire Kent v. United States, la plupart des Etats ont adopté des lois sur les renvois qui intègrent ces huit critères dans le processus décisionnel judiciaire. Toutefois, après le pic d'arrestations pour infractions avec violence en 1994, les législateurs de presque tous les Etats ont révisé leurs lois pour élargir le champ d'application du renvoi. De nombreux Etats ont revu à la baisse l'âge minimum de renvoi3, ont ajouté de nouvelles infractions nécessitant des auditions de renvoi, ont renoncé aux évaluations individualisées au profit des renvois automatiques en raison de la réunion de certaines conditions préétablies, et ont attribué aux procureurs le pouvoir décisionnel qui avait été exercé auparavant par les juges.

Ces lois sont également appelées lois de dérogation ("waiver laws") ou lois de certification (certification laws). Elles utilisent trois mécanismes de renvoi : le renvoi judiciaire (a), le renvoi légal (b) et le renvoi par le procureur (c).

a. Le renvoi judiciaire (judicial waiver) Quarante-cinq Etats disposent de lois dites de renvoi judiciaire octroyant aux

tribunaux pour mineurs (Juvenile courts) la compétence exclusive pour prononcer l’éventuel renvoi d’un mineur devant un tribunal pénal pour adultes. Elles confèrent aux tribunaux pour mineurs un pouvoir discrétionnaire en la matière, tout en imposant l’examen de certains points précis susceptibles de justifier le renvoi. Il s'agit, sous une forme ou une autre, des huit critères de Kent v. United States, principalement focalisés sur l'âge, l'infraction commise, le casier judiciaire, ainsi que la probabilité de tirer profit des mesures à disposition de la Juvenile court. Il incombe au procureur de prouver le bien fondé de la demande de renvoi.

Au cours des années 1990, une majorité d'Etats a étendu le champ d'application des lois sur les renvois en abaissant l'âge minimum rendant possible le renvoi et en élargissant la liste des infractions concernées.

3 Actuellement, 23 Etats ne prévoient pas d’âge minimum pour le renvoi des mineurs devant la juridiction des adultes (ce qui ne préjuge pas de l’existence par ailleurs, dans ces Etats, de dispositions relatives à un âge minimum de la responsabilité pénale ou de la majorité pénale). Les autres Etats prévoient un âge minimum de renvoi qui varie entre 10 ans (Kansas et Vermont) et 15 ans (New Mexico). La plupart d’entre eux (16 Etats) ont retenu l’âge de 14 ans : cf. site Internet du National Council of Juvenile Justice : http://www.ncjj.org/stateprofiles/.

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Nombre total de décisions de renvoi judiciaire (judicial waivers)

Données extraites de : Szymanski, L. (2008) Once an Adult/Always an Adult. NCJJ

Snapshot 13 (4) (journal publié par le National Center for Juvenile Justice)

[http://www.ncjj.org/stateprofiles/asp/transfer.asp?print=yes&topic=Transfer&state=OK06.asp]

Il existe toutefois 2 exceptions au pouvoir discrétionnaire judiciaire : la présomption relative de renvoi (presumptive waiver) (1) et le renvoi obligatoire (mandatory waiver) (2).

1. La présomption relative de renvoi (« presumptive waiver)

Quize Etats disposent d'une loi dite de presomption relative de renvoi (presumptive waiver) qui fait peser la charge de la preuve sur le mineur, à qui il incombe de prouver qu'il peut tirer profit des mesures du tribunal des mineurs et qu'il ne doit pas être renvoyé vers un tribunal pour adultes.

Les présomptions de renvoi sont de trois types :

- liées à l'infraction (offense-based) : pour les infractions d’une certaine gravité et quel que soit l'âge du délinquant, il existe une présomption relative de l'inutilité des mesures que pourrait prendre le tribunal des mineurs et donc du bien fondé du renvoi ;

- liées à l'âge du délinquant (age-based) : pour les mineurs plus âgés, il n'est pas en principe attendu que les mesures à la disposition du tribunal pour mineurs soient efficaces ;

- liées au casier judiciaire (record-based) : d'importants antécédents font présumer le bien fondé du renvoi.

A titre d’exemple, la loi de l’Etat du New Hampshire dispose :

169-B:24 Transfert vers un tribunal supérieur –

I. Toute affaire soumise au tribunal concernant un crime (felony), ou une infraction qui

serait qualifiée de crime (felony) s'agissant d'un adulte, peut être renvoyée au tribunal supérieur

avant l'audience conformément au RSA 169-B:16 (Revised Statutes Annotated), selon les

dispositions du présent article. Le tribunal tiendra une audience sur la question du renvoi et étudiera

notamment les critères suivants afin de déterminer si l’affaire doit faire l'objet d'un renvoi :

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(a) Quel est le degré de gravité de l'infraction présumée à l'égard de la société et la protection de la

société nécessite-t-elle un transfert ?

(b) L'infraction présumée est-elle de nature agressive, violente, préméditée ou volontaire ?

(c) L'infraction présumée a-t-elle été commise à l'encontre de personnes ou de biens ?

(d) La plainte est-elle justifiée ?

(e) Est-il souhaitable que le procès et la condamnation se déroulent dans le même tribunal si les

complices du mineur sont des adultes qui doivent être inculpés ?

(f) Quel est le degré de maturité du mineur ?

(g) Le casier judiciaire du mineur et ses précédents contacts avec les services de police.

(h) Quelles sont les chances d'une protection adéquate du public et les probabilités que le mineur se

réinsère correctement dans la société grâce au système des tribunaux pour mineurs (Juvenile

courts) ?

(Cf. http://www.gencourt.state.nh.us/rsa/html/XII/169-B/169-B-24.htm)

2. Le renvoi obligatoire (mandatory waiver)

Quize Etats4 disposent d’une loi dite de renvoi obligatoire (mandatory waiver). L'affaire est évoquée devant le tribunal pour mineurs simplement pour que le juge vérifie si les conditions légales du renvoi sont réunies. Le mineur est ensuite renvoyé vers un tribunal pénal pour adultes. La plupart des lois stipulent un renvoi obligatoire sur la base de la gravité de l'infraction, de l'âge du délinquant, ainsi que de son casier judiciaire et de ses antécédents.

Par exemple, les dispositions du Code de l’Etat de Delaware sont les suivantes :

§ 1010. Jugement d'un enfant en tant qu'adulte ; procédures d'admissibilité ; renvoi vers

un autre tribunal.

(a) Un enfant sera jugé en tant qu'adulte dans les cas suivants :

(1) Les actes présumés sont un homicide avec ou sans préméditation, un viol avec ou sans

préméditation, des coups et blessures avec préméditation, un vol avec préméditation (lorsqu'il

implique l'exhibition d'un objet assimilé à une arme dangereuse ou qu'il a été donné l'impression

que la personne était en possession ou qu'elle contrôlait une telle arme, ou qu'il implique

l'infliction de graves blessures corporelles à une personne non complice de l'infraction et lorsque

l'enfant a été reconnu coupable d'une ou plusieurs crimes (felonies) selon les lois de l'Etat

concerné), un enlèvement avec préméditation, ou toute tentative de l'un des actes précédents ;

(2) L'enfant n'est pas apte à tirer profit des mesures de réinsertion à disposition du

tribunal ;

4 Connecticut, Delaware, Géorgie, Illinois, Indiana, Kentucky, Louisiane, New Jersey, Caroline du Nord, Dakota

du Nord, Ohio, Rhode Island, Caroline du Sud, Virginie, Virginie occidentale.

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(3) L'enfant a précédemment été reconnu coupable d'une ou plusieurs infractions

considérées comme des crimes lorsqu'elles s'appliquent à des adultes selon les lois de l'Etat

concerné, il a atteint son 16ème anniversaire et les actes concernés par les allégations en cours

correspondent à l'une ou à plusieurs des infractions suivantes : conspiracy in the first degree

(association de malfaiteurs impliquant des mineurs), rape in the third degree (viol avec

circonstances aggravantes), arson in the first degree (incendie criminel), burglary in the first

degree (cambriolage aggravé), trafic de cannabis, de cocaïne, de stupéfiants illégaux, de

méthamphétamine, L.S.D. ou autres drogues de synthèse ("designer drug") lorsque l'enfant est

soupçonné d'avoir commis des actes enfreignant le sous-paragraphe b ou c du paragraphe (1), (2),

(3), (4), (5), (6) ou (7) du § 4753A(a), Title 16, ou enfreignant le § 4753A(a)(8)a.), ou qu'il a tenté

de commettre l'une des infractions précisées dans ce paragraphe ;

(10 Del. Code 1010 [Code du Delaware])

http://delcode.delaware.gov/title10/c009/sc03/index.shtml#1010

b. Le renvoi légal (statutory exclusion) Vingt-neuf Etats5 disposent d’une loi dite de renvoi légal (statutory exclusion) de

certains mineurs vers la juridiction pénale des adultes. Certaines affaires impliquant des mineurs relèvent ainsi automatiquement de la juridiction pénale de droit commun (Criminal court) sans que le juge ou le procureur ne puisse exercer son pouvoir de décision discrétionnaire. Ces lois s’appuient le plus souvent sur l'âge du délinquant, stipulant le transfert automatique des mineurs plus âgés vers un tribunal pour adultes.

A titre d’exemple, la loi du Nouveau Mexique6 :

A. Le tribunal peut imposer des sanctions pour mineurs ou une peine pour adultes à un jeune

délinquant, à sa discrétion. Le procureur chargé des enfants auprès du tribunal doit déposer un

préavis (notice of intent) s'il souhaite requérir une peine pour adultes dans les dix jours ouvrés

suivant le dépôt de la requête (…). Une audience préliminaire du tribunal avec jury doit être

organisée dans les dix jours suivant le dépôt du préavis de demande de peine pour adultes afin de

statuer sur son bien fondé.

B. Si le procureur chargé des enfants auprès du tribunal a déposé un préavis de demande de peine

pour adultes et que l'enfant est jugé comme jeune délinquant, le tribunal doit s'assurer que les

conditions suivantes sont satisfaites pour demander une peine pour adultes :

(1) L'enfant n'est pas apte à tirer profit des mesures de rééducation ou de réinsertion proposées aux

enfants dans les centres à disposition ;

5 Alabama, Alaska, Arizona, Californie, Delaware, Floride, Géorgie, Idaho, Illinois, Indiana, Louisiane, Maryland,

Massachusetts, Minnesota, Mississippi, Montana, Nevada, Nouveau Mexique, New York, Oklahoma, Oregon,

Pennsylvanie, Caroline du Sud, Dakota du Sud, Utah, Vermont, Washington et Wisconsin. 6 http://law.justitia.com/newmexico/codes/nmrc/jd_32a-2-20-d139.html

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(2) L'enfant ne peut pas prétendre à une place dans une institution pour enfants souffrant de

déficiences ou de troubles mentaux.

C. Lors de l'examen des points du sous-article B du présent article, le juge doit prendre en compte

les critères suivants :

(1) Quelle est la gravité de l'infraction présumée ?

(2) L'infraction présumée a-t-elle été commise avec agressivité, violence, préméditation ou de

manière volontaire ?

(3) Une arme à feu a-t-elle été utilisée pour commettre l'infraction présumée ;

(4) L'infraction présumée touche-t-elle des personnes ou des biens, une plus grande importance étant

donnée aux atteintes à la personne, notamment en cas de blessures corporelles ?

(5) Quel est le degré de maturité de l'enfant, en prenant en compte sa situation familiale et sociale,

son attitude et son mode de vie ?

(6) Quel est le casier judiciaire et les antécédents de l'enfant ?

(7) Quelles sont les chances d'une protection adéquate du public et les probabilités que l'enfant se

réinsère correctement dans la société grâce aux procédures, services et équipements à disposition ?

(8) Tout autre critère pertinent, dès lors qu'il est mentionné dans le dossier.

D. Si un enfant a déjà été jugé en tant qu'adulte sur la base des dispositions de la présente section, il

existe une présomption relative que l'enfant n'est pas apte à tirer profit des mesures de rééducation

ou de réinsertion proposées aux enfants dans les centres à disposition.

E. Si le tribunal demande une peine pour adultes, il peut condamner l'enfant à une peine inférieure à

la peine en vigueur pour les adultes, mais en aucun cas à une peine supérieure. Un jeune délinquant

condamné à une peine pour adultes sera traité comme un délinquant adulte et sera transféré sous la

garde d'un service responsable de l'incarcération de personnes condamnées à des peines pour

adultes. Ce transfert met fin à la juridiction du tribunal concernant l'enfant quant aux actes

délictueux présentés dans la requête.

c. Le renvoi par le procureur (« direct file ») Quinze Etats disposent d’une loi dite de renvoi par le procureur (direct file), qui

octroie un pouvoir discrétionnaire aux seuls procureurs quant au choix entre le tribunal des mineurs (Juvenile court) et le tribunal pénal de droit commun pour une affaire donnée. La plupart des lois exigent la prise en compte de critères tels que l'âge, la gravité de l'infraction concernée, ainsi que le casier judiciaire et les antécédents du mineur. Certains Etats permettent expressément un renvoi direct pour des infractions graves et violentes, quel que soit l'âge de l'accusé7. Toutefois, certains Etats tentent de limiter ce pouvoir discrétionnaire en exigeant que le procureur adresse au tribunal des mineurs (Juvenile court) ses conclusions écrites quant aux critères de renvois mis en oeuvre8.

7 Par exemple, Florida Statutes §985.556, Nebraska Revised Statutes §43-276. 8 Idem.

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Pour la plupart des Etats américains (33 – en blanc sur la carte ci-dessous), dès lors qu’un mineur a été renvoyé devant la juridiction des adultes, il devra en être toujours ainsi pour d’éventuelles infractions à venir, quelque soit leur nature (même légère). Par conséquent, toute infraction ultérieure commise par ce jeune, même mineur, sera du ressort des tribunaux de droit commun et plus du ressort des tribunaux pour mineurs (selon le principe « once an adult, always an adult »).

2. LA COMPETENCE MIXTE DU TRIBUNAL DES MINEURS (« BLENDED SENTENCING »)

A la différence des lois relatives au renvoi des mineurs vers la juridiction pénale des adultes, les lois dites de compétence mixte (blended sentencing)9 accordent au tribunal des mineurs (Juvenile court) la compétence exclusive pour juger les infractions commises par les mineurs en prononçant une peine mixte, à savoir principalement des mesures spécifiques au droit pénal des mineurs et, pour l’hypothèse du non respect de ces mesures, une peine relavant du droit pénal des adultes10.

Pour déterminer si un mineur peut prétendre à une peine mixte, les tribunaux se basent sur des critères semblalbles à ceux des lois sur les renvois : âge, infraction, casier judiciaire et antécédents du mineur, aptitude à tirer profit des mesures.

Quinze Etats connaissent ce système.

Onze d’entre eux ont opté pour un système « blended sentencing inclusive » qui permet au tribunal des mineurs (Juvenile court) d'imposer une peine correctionnelle dont l'exécution est ajournée tant que le mineur participe à un programme disciplinaire de

9 Certains Etats nomment ce type de procédure "extended jurisdiction juvenile" ou "youthful offender disposition".

10 Voir Griffin, Patrick, Trying and Sentencing Juveniles as Adults: an Analysis of State Transfer and Blended

Sentencing Laws, National Center for Juvenile Justice (Centre national de la justice des mineurs), octobre 2003 :

www.ncjj.org

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rééducation. Si le mineur ne respecte pas les conditions de ce programme, le tribunal applique la peine correspondante conformément au droit pénal des adultes et le mineur est alors généralement incarcéré.

L'Etat du Nouveau Mexique suit quant à lui le modèle « blended sentencing exclusive », selon lequel le tribunal des mineurs peut choisir entre une peine pour mineurs ou une peine pour adultes, mais doit opérer ce choix, ne pouvant combiner les deux types de peine (voir par ex. New Mexico Statutes §§32A-2-3, 32A-2-20).

Trois Etats ont opté pour une troisième formule dite « blended sentencing contiguous » qui signifie que le tribunal pour mineurs peut élargir sa compétence au-delà de l'âge normalement autorisé. Généralement, la peine consiste en un placement en centre correctionnel pour mineurs, avec possibilité de transfert vers un établissement pour adultes.

État Inclusive Exclusive Contiguous

Alaska X

Arkansas X

Colorado X

Illinois X

Kansas X

Massachusetts X

Michigan X

Minnesota X

Montana X

Nouveau Mexique X

Ohio X

Rhode Island X

Texas X

Vermont X

Les Etats ont clairement respecté l'exigence fédérale quant à la différenciation en matière de traitement entre les délinquants plus dangereux et les primo-délinquants capables de se réinsérer, en stipulant que seuls "les pires des pires" peuvent être renvoyés vers une juridiction pour adultes.

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3. LA JURISPRUDENCE Depuis 1973, 22 mineurs délinquants ont été exécutés aux États-Unis pour des

infractions commises alors qu'ils étaient âgés de moins de 18 ans.

En 2005, la Cour suprême des États-Unis a statué sur la constitutionnalité de l'exécution d'individus ayant commis un meurtre alors qu’ils étaient mineurs. Dans l'affaire Roper v. Simmons, 543 U.S. 551 (2005) 112 S. W. 3d 397, elle a déclaré l’inconstitutionnalité de la peine de mort imposée à Christopher Simmons pour un meurtre commis alors qu'il était âgé de 17 ans (http://www.law.cornell.edu/supct/html/03-633.ZS.html)

M. Simmons était accusé d'avoir enlevé une femme de chez elle et de l'avoir tuée pour s'emparer de son argent et d'objets de valeur. M. Simmons, qui avait 17 ans au moment des faits, ne dépendait pas de la juridiction du tribunal pour mineurs ; il a donc été jugé et condamné, en première et seconde instance, par des juridictions pour adultes.

Il a été déclaré coupable d'homicide avec préméditation. Lors de la phase de décision sur la peine applicable, la défense a appelé à la clémence en raison du jeune âge de M. Simmons au moment du crime. L'Etat du Missouri a cependant répondu que sa jeunesse au moment du crime ne faisait que mettre en évidence la nécessité de l'exécuter afin d'éviter qu'il ne représente un danger ultérieur pour la société. Le jury a recommandé la peine de mort. M. Simmons a fait appel auprès de la Cour suprême, arguant que son exécution était contraire au 8ème amendement de la Constitution des États-Unis interdisant toute punition cruelle et inhumaine.

La Cour suprême des États-Unis a donné raison à l'accusé à 5 contre 4, et a jugé l'exécution de mineurs inconstitutionnelle. La décision de la Cour prend appui sur sur différents critères. La Cour retient que l'opinion publique n'était plus favorable à la peine de mort pour les mineurs, qui a déjà été abolie par un certain nombre d'Etats. La Cour rappelle sa décision dans l'affaire Atkins v. Virginia, 536 U. S. 304 (2002) selon laquelle les personnes souffrant d'une déficience mentale ne pouvaient pas être exécutées car, en raison de leur handicap mental, le discernement leur faisait défaut. La Cour a jugé que, de la même manière, un mineur ne présentait pas le discernement requis en raison de son jeune âge.

La Cour suprême a en outre remarqué que le cerveau d'un adolescent est encore en plein développement. Par conséquent, un délinquant mineur a tendance à être plus impulsif et à moins réfléchir aux conséquences de ses actes. La Cour a retenu trois grandes différences entre un mineur et un adulte. Premièrement, "comme tout parent le sait, et comme tendent à le confirmer les études scientifiques et sociologiques citées par l'accusé et ses défenseurs, [un] manque de maturité et un sens incomplet de la responsabilité caractérisent plus souvent les jeunes que les adultes. Ces caractéristiques donnent souvent lieu à des actes et décisions impétueux et mal réfléchis." Deuxièmement, la Cou a retenu que "les mineurs sont plus vulnérables ou sensibles aux influences négatives et aux pressions externes, notamment de la part de leurs pairs. Cela s'explique en partie par le fait qu'en règle générale, les mineurs ont une moindre maîtrise de leur milieu, ou moins d'expérience concernant cette maîtrise." Et enfin, troisièmement, "la personnalité d'un mineur n'est pas autant formée que celle d'un

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adulte. Les traits de leur personnalité sont plus transitoires, moins définitifs", ce qui rend le mineur plus réceptif aux efforts de réinsertion.

Il était attendu que cette jurisprudence influe sur les décisions de renvoi, mais cela ne s'est pas encore produit11.

11 Pour une plus ample discussion sur les effets potentiels de cette jurisprudence, voir "Children as Adults: The transfer of Juveniles to Adult Courts and the Potential Impact of Roper v. Simmons" d'Enrico Pagnanelli, 44 AMCRLR 175 (2007).

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II. L’APPLICATION DU PRINCIPE EDUCATIF DANS LES

VOIES ALTERNATIVES DE TRAITEMENT DE LA

DELINQUENCE DES MINEURS ___________________________________________________________________________

A. LES TRIBUNAUX DE RESOLUTION DES CONFLITS (« PROBLEM SOLVING COURTS »)

L’expression "Problem solving court" désigne un tribunal alternatif recherchant de nouvelles solutions à des problèmes tels que la toxicomanie, les troubles psychologiques ou mentaux et les violences armées. Ces tribunaux tentent de résoudre les problèmes sous-tendant les comportements criminels ou inacceptables plutôt que d'adopter une approche strictement répressive de la délinquance. Leur taille et leur champ d'application varient mais tous ces tribunaux sont unis dans leur conviction que des mesures personnalisées adaptées au délinquant, une gestion active du dossier par les employés du tribunal et une forte implication de la famille du délinquant sont cruciaux pour obtenir des résultats.

Tout d'abord destinés au traitement de problèmes comportementaux dans les tribunaux pénaux pour adultes (Criminal courts), ces tribunaux spécialisés ont été intégrés au système de justice des mineurs au cours de ces dix dernières années. Bien que le nombre de comparutions devant les tribunaux pour mineurs ait diminué depuis les années 1990 aux États-Unis, il dépasse encore 1,6 million sur l'ensemble du pays. Les partisans des Problem solving courts espèrent qu'ils permettront non seulement de réduire le taux de récidive mais également de réaliser des économies grâce à la baisse des dépenses d'incarcération des mineurs délinquants.

1. LES TRIBUNAUX POUR ADOLESCENTS (« TEEN COURTS ») Ces dix dernières années ont vu la multiplication rapide des lois permettant le

développement et la promotion des « tribunaux pour adolescents » (Teen courts). Ces tribunaux sont parfois également appelés "Youth courts" (tribunaux de jeunes) et "Peer courts" (tribunaux de pairs, dans la mesure où d'autres jeunes composent le jury afin de juger leurs pairs).

La National Association of Youth Courts (Association nationale des tribunaux de jeunes) indique qu'il existe actuellement 1255 programmes de Teen courts dans le District de Columbia (http://www.youthcourt.net/content/view/7/14/). À l'heure qu'il est, seul l'Etat du Connecticut ne dispose pas d'un programme de tribunaux de jeunes. À la fin de la session législative de 2007, plusieurs Etats avaient promulgué des lois portant sur le fonctionnement local des Teen courts :

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Alaska, Alaska Stat. (Alaska Statutes) Articles 4.16.050, 47.12.040 et 47.12.400 (2006),

[http://www.touchngo.com/lglcntr/akstats/Statutes/Title47/Chapter12/Section400.htm] ;

Colorado, Colo. Rev. Stat. (Colorado Revised Statutes) Articles 19-2-1101 à 1105 (2005),

[http://www.michie.com/colorado/lpext.dll?f=templates&fn=main-h.htm&cp=] ;

Mississippi, Miss. Code Ann. (Mississippi Code Annotated) Articles 43-21-751 à 755, 43-21-

151 (2006)

[http://michie.com/mississippi/lpext.dll?f=templates&fn=main-h.htm&cp=] ;

Caroline du Nord, N.C. Gen Stat (North Carolina General Statutes) 7B-1501, 7B-1706 et 143B-

5200 (2006),

[http://www.ncleg.net/EnactedLegislation/Statutes/HTML/BySection/Chapter_7B/GS_7B-

1501.html] ;

Tennessee, Tenn. Code Ann. (Tennessee Code Annotated) Articles 37-1-701 à 706, 39-17-

1505(c) (2005),

[http://michie.lexisnexis.com/tennessee/lpext.dll?f=templates&fn=main-h.htm&cp=tncode] ;

Texas, Tex. Fam. Code (Texas Family Code) Article 54,032 (2005), Tex. Gov’t Code

(Government Code) Article 103.021 (2005), Tex. Code Crim. Proc. (Code of Criminal Procedure) 45.052

(2005),

[http://www.statutes.legis.state.tx.us/] ;

Utah, Utah Code Articles 78A-6-1203 (2008),

[http://www.livepublish.le.state.ut.us/lpBin22/lpext.dll?f=templates&fn=main-j.htm&2.0]

Vermont, Vt. Stat. Ann. (Vermont Statutes Annotated) Tit.12 Articles 7101 à 7111 (2006),

[http://law.justia.com/vermont/codes/title12/chapter216.html] ;

Washington, Wash Rev. Code (Washington Revised Code) Articles 3.72.005 à 050 (2006),

[http://apps.leg.wa.gov/RCW/default.aspx?cite=3.72.005] ;

Virginie occidentale, W. Va. Code (West Virginia Code) Article 49-5-13d (2006),

[http://www.legis.state.wv.us/WVCODE/49/code/WVC 49 - 5 - 13 D.htm] ;

Wyoming, Wyo. Stat. (Wyoming Statutes) Articles 7-13-1201 à 1205 (2006),

[http://legisweb.state.wy.us/statutes/statutes.aspx?file=titles/Title7/Title7.htm]

Toutefois, dans de nombreux Etats, les Teen courts fonctionnent sans que des lois

spécifiques précisent leur structure ou leur financement.

Lorsque de telles lois existent, elles varient d'un Etat à un autre, tout en partageant

quelques principes communs. La Youth court type cherche à éviter aux jeunes délinquants un

jugement officiel de l'affaire en leur proposant des échanges avec leurs pairs sur la nature

inacceptable de leurs actes illégaux et sur les conséquences de ceux-ci. Cette approche

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s'appuie sur l'idée qu'un adolescent réagit plus énergiquement à la désapprobation de ses pairs

qu'à celle exprimée par une figure d'autorité. Généralement, les pairs du jeune délinquant

participent au jury ou jouent un autre rôle dans le tribunal. Dans une minorité d'Etats, tels que

l'Alaska, un jeune délinquant peut plaider non-coupable et laisser le jury de pairs décider de

son innocence ou sa culpabilité ainsi que de la suite à donner. Toutefois, dans la grande

majorité des programmes, les délinquants doivent admettre leur faute pour accéder au

programme de la Teen court.

L'accès aux Teen courts est souvent limité aux délinquants n'ayant pas commis

d'infractions violentes ni impliquant des stupéfiants. Le tableau suivant préparé par la

National Association of Youth Courts (Association nationale des tribunaux de jeunes)

présente les différents types d'infractions traitées par les Teen courts :

Infractions typiquement acceptées par les Youth courts

Source : base de données des Youth courts (octobre 2006)

Type d'infraction Part des Youth courts acceptant ce type d'infraction

Vol 91 %

Vandalisme 76 %

Alcool 73 %

Trouble de l'ordre public 73 %

Coups et blessures 67 %

Possession de cannabis 60 %

Tabac 59 %

Non-respect d'un couvre-feu 50 %

Discipline scolaire 45 %

Non-respect de la sécurité routière 39 %

Absentéisme scolaire 39 %

Violation de propriété privée 38 %

Dégradations matérielles 30 %

Possession de matériel lié à l'usage de

stupéfiants 24 %

Autres infractions liées aux stupéfiants 20 %

Harcèlement 21 %

Fraude 8 %

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Les Teen courts ne sont pas habilitées à condamner des mineurs à des peines

d'emprisonnement. Les délinquants peuvent se voir imposer des mesures telles que les travaux

d'intérêt général, la rédaction d'une lettre d'excuse, les soins, la réparation des dommages

subis par la victime, les programmes éducatifs et la participation au jury d'adolescents.

L'usage de ces mesures est présenté dans le tableau ci-dessous.

Mesures prononcées par les Teen courts

Source : base de données des Teen courts (octobre 2006)

Mesure Part des Teen courts utilisant cette peine

Travaux d'intérêt général 99 %

Excuses orales/écrites 94 %

Rédactions 92 %

Ateliers éducatifs 73 %

Participation à un jury 73 %

Restitution 61 %

Consultation alcool/stupéfiants 57 %

Couvre-feu 46 %

Cours (formations) 37 %

Suivi psychologique 37 %

Dépistage stupéfiants 31 %

Cours de sensibilisation aux victimes 29 %

Médiation victime/délinquant 28 %

Médiation par des pairs 23 %

Visite de prison 22 %

Observation du Teen court 14 %

Parrainage 13 %

Retrait du permis de conduire 9 %

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2. LES TRIBUNAUX SPECIALISES DANS LES ARMES A FEU (« GUN COURTS »)

Les Gun courts constituent une innovation judiciaire spécifiquement définie dans la

JABG. L'objectif des Gun courts est d’induire un changement du comportement des jeunes

accusés d'avoir enfreint les lois sur les armes à feu sans avoir causé de graves blessures à

autrui.

Leurs procédures diffèrent de celles d'un tribunal pour mineurs (Juvenile court) classique sur trois points importants. Premièrement, ils s'appuient sur une sélection et une recommandation précoces identifiant les jeunes délinquants susceptibles de tirer profit des mesures à la disposition des Gun courts. Deuxièmement, le juge officiant dans ce tribunal n'a pas seulement un rôle d'arbitrage, mais également d'éducation. Et enfin, les Gun courts impliquent fortement la communauté dans le processus de responsabilisation du jeune délinquant12.

Les adultes, parrains et membres de la communauté qui interviennent dans les Gun courts, tentent d'éduquer les jeunes délinquants et de leur faire prendre conscience des conséquences de l'usage d'armes à feu. Ils dénoncent le mal dont elles sont responsables, en leur montrant par exemple des photographies choquantes de blessures dues aux armes à feu ou en faisant témoigner des victimes. Ils leurs apprennent également des techniques de résolution non-violente de conflits. Des membres de la communauté et des policiers peuvent en outre informer les mineurs des conséquences graves et immédiates des infractions liées aux armes à feu. Le tribunal cherche ainsi à convaincre les mineurs de ne plus s'impliquer dans des affaires d'arme à feu.

Des Gun courts opèrent dans les juridictions suivantes : Alabama, Arkansas, Californie, Connecticut, tribunaux fédéraux, Floride, Illinois, Louisiane, Maryland, Massachusetts, Missouri, New Jersey, New York, Oklahoma, Puerto Rico, Rhode Island, Tennessee, Virginie et Washington13.

3. LES TRIBUNAUX SPECIALISES DANS LES STUPEFIANTS (« JUVENILE DRUG COURTS »)

Les premières Juvenile drug courts (autre objectif spécifiquement visé par la loi JABG) ont été créées cinq ans environ après la mise en place des premiers tribunaux pour adultes spécialisés dans les stupéfiants, au milieu des années 90. Le recours à leurs services est monté en flèche depuis. L'utilité des Juvenile drug courts est évidente : pour plus de la

12 cf. JAIBG Bulletin, mai 2002, http://www.ncjrs.gov/html/ojjdp/jaibg_2002_5_1/page1.html.

13 National Center for State Courts - Centre national des tribunaux d'Etat,

http://www.ncsconline.org/wc/CourTopics/StateLinks.asp?id=71

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moitié des mineurs faisant l'objet d'une arrestation, les résultats du dépistage de stupéfiants sont positifs.

Depuis avril 2007, des Juvenile drug courts sont prévues ou opèrent déjà dans 50 Etats et territoires, notamment dans les tribunaux tribaux des réserves amérindiennes, dans le District de Columbia, dans les Îles Mariannes du Nord, à Guam et à Puerto Rico14.

Le tableau suivant illustre le développement des Drug courts durant les années 1997-2007.

Ouverture de « Juvenile drug courts » par an

Juvenile drug courts

Année Dans l'année Total à cette date

1997 20 36

1998 29 65

1999 38 103

2000 71 174

2001 60 234

2002 67 301

2003 33 334

2004 43 377

2005 41 418

2006 20 438

2007 4 442

Tout comme les Youth courts, les Juvenile drug courts partagent de nombreux points communs, malgré le fait qu'elles soient régies par des lois qui diffèrent selon les Etats15.

Les mineurs accusés d'infractions violentes graves et ceux précédemment condamnés pour de telles infractions ne sont généralement pas admis. De nombreux tribunaux refusent également les mineurs accusés d'avoir produit ou fourni des substances contrôlées. Pour être accepté dans une Drug court, un délinquant doit en règle générale admettre qu'il consomme des stupéfiants. Il n'est pas nécessaire qu'une infraction liée aux stupéfiants ait été commise, mais il en est souvent ainsi. En principe, le délinquant doit avoir entre 13 et 18 ans.

14 Source : http://www1.spa.american.edu/justice/documents/2105.pdf 15 Cf. http://www1.spa.american.edu/justice/documents/2392.pdf pour une présentation des différentes lois.

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Un mineur souhaitant être admis devant une Drug court est soumis à un processus d'évaluation strict déterminant son niveau d'usage de stupéfiants, ses besoins éducatifs et d'éventuels problèmes mentaux/psychologiques parallèles. Il est souvent demandé aux parents ou à d'autres membres de la famille de participer au programme. Une fois accepté, le mineur doit s'engager dans une période intensive de probation et d'abstinence. Il doit souvent accepter de prendre part à un programme formel de désintoxication : soins en tant que patient externes ou internes, ou participation à un groupe de soutien de type Alcooliques ou Narcotiques Anonymes. Les délinquants suivant ce programme sont récompensés lorsqu'ils accomplissent certaines étapes importantes. Il peut s'agir d'une « mention » lors d’une audience devant le tribunal, d'une diminution de la fréquence des dépistages de consommation de stupéfiants, de récompenses exceptionnelles telles que des tickets de cinéma ou des billets pour des évènements sportifs, ou une place dans des cours tendant à l’acquisition de certaines aptitudes. Ils peuvent également être sanctionnés par une augmentation de la fréquence des audiences obligatoires devant le tribunal, par une exclusion du programme ou de courtes périodes d'incarcération.

La Drug court traditionnelle fonctionne sur un mode d'évitement des poursuites judiciaires. Une fois accepté dans le programme, le mineur plaide généralement non coupable de l'infraction dont il est accusé. À l'issue positive du programme, le juge ou le procureur clôt l'affaire. Le mineur évite ainsi la stigmatisation et les répercutions d'un jugement formel. Ceux qui n'ont pas mené à bien le programme regagnent généralement le système classique des tribunaux des mineurs où ils sont jugés et condamnés.

Le système des Juvenile drug courts n'est pas sans encourir des critiques. Son efficacité a fait l'objet de peu de recherches, bien que des études préliminaires portant sur des groupes restreints aient mis en évidence une diminution du taux de récidive chez les participants. Le problème d'une moindre motivation des mineurs à mener à bien ces programmes se pose. Leur casier judiciaire est souvent scellé, que les poursuites soient maintenues ou non. La toxicomanie des mineurs n'est pas aussi ancrée que celle des adultes et elle ne leur fait pas courir le risque de perdre leur emploi ou leur logement. Seules les recherches à venir permettront de dire si le financement des Juvenile drug courts a été judicieux.

B. LA JUSTICE REPARATRICE Le début des années 1990 a vu une augmentation des mesures répressives à l'encontre

des mineurs délinquants. Les mesures de justice réparatrice pour les mineurs accusés de faits non violents ou de « status offenses » (à savoir infractions relatives à des actes interdits à une classe de la société et non à son ensemble ; s'agissant des mineurs, violations des règles concernant la consommation d'alcool ou de tabac, l’absentéisme scolaire, le port d'arme, etc.) ont été progressivement admises.

Le terme de justice réparatrice (ou restaurative) se rapporte à une théorie de la justice mettant en avant la réparation des conséquences de l’acte délictueux envers un individu ou une communauté. Par le biais de diverses méthodes interactives telles que les médiations

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victime/délinquant, les réunions de conciliation ou les demandes de restitution, les mesures de justice réparatrice tentent de restaurer les relations mises à mal par le délinquant et de réintégrer ce dernier dans la société.

De nombreux Etats ont introduit des dispositions régissant une "justice réparatrice et équitable" dans leurs lois relatives à la justice des mineurs. Elles mettent en évidence le souhait de l'Etat de traiter le problème de la délinquance juvénile dans une optique de rétablissement du délinquant et de ses relations avec la communauté. Les Etats concernés sont : l'Alabama, l'Alaska, la Californie, le District de Columbia, la Floride, l'Idaho, l'Illinois, l'Indiana, le Kansas, le Maryland, le Minnesota, le Montana, le New Jersey, l'Oregon, la Pennsylvanie, l'Etat de Washington et le Wisconsin. Ces états mettent en avant la nécessité d'équilibrer trois éléments clés : la responsabilisation du délinquant, la sécurité de la communauté et l'apprentissage par le délinquant des compétences de la vie quotidienne afin de lui permettre de devenir un adulte bien intégré dans la société.

La grande majorité des tribunaux pour mineurs faisant usage de méthodes de justice réparatrice y associent l'abandon des poursuites. Selon ce modèle, un jeune convoqué devant la Juvenile court, généralement pour une infraction qu'un tribunal pour adultes considèrerait comme un délit mineur, a la possibilité de participer à un programme de justice réparatrice. Si l'issue de ce programme est positive, l'affaire est close. Tout comme pour les Gun courts et Drug courts, la participation à un tel programme est souvent limitée aux délinquants non violents et non récidivistes.

C. LES PROGRAMMES DE REINSERTION Comme mentionné plus haut, l'un des objectifs de la loi JABG est la promotion de

mesures de rééducation et de réinsertion en milieu ouvert des jeunes délinquants. Les besoins sont importants car, tous les ans, 100 000 mineurs environ quittent les prisons d'Etat et les centres correctionnels pour mineurs.

Un rapport national datant de 2006 provenant du Ministère de la justice des États-Unis a fait la lumière sur la population des mineurs incarcérés dans le pays. Le récidivisme est endémique. 62 % des mineurs incarcérés ont déjà été placés au moins une fois dans un centre de détention pour mineurs. 23 % de ceux qui n'avaient pas déjà été incarcérés ont fait l'objet d'au moins une condamnation préalable. 80 % de ceux qui avaient déjà été incarcérés l'avaient été plus d'une fois. Parmi les jeunes âgés de 15 ans ou plus, 64 % ont fait l'objet d'une condamnation par le passé. Parmi les mineurs plus jeunes, ce taux s'élève au chiffre surprenant de 58 %16. Le ministère de la justice a conclu sur la base de ces éléments et d'autres facteurs que les mineurs incarcérés, puis libérés, avaient grand besoin de services de réinsertion.

En avril 2008, une loi destinée à résoudre spécifiquement le problème du récidivisme chez les anciens détenus a été signée par le président de l'époque, George W. Bush. Le "Second Chance Act" (Loi de la deuxième chance) cherche à donner aux mineurs et aux

16 http://ojjdp.ncjrs.gov/ojstatbb/nr2006/downloads/chapter7.pdf

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adultes réintégrant la société les compétences et le soutien nécessaires pour leur permettre de devenir des citoyens à part entière. Cette loi autorise le financement de programmes de suivi des mineurs délinquants réintégrant la société, ainsi que de programmes et services coordonnés de réinsertion complets qui leur sont destinés. Il s'agit notamment de tests d'alcoolémie et de dépistages de stupéfiants, de soins psychologiques et d'examens médicaux. Ils permettent également d'offrir de l'aide aux anciens délinquants dans les domaines du logement, des études et de la formation professionnelle.

Au moment de la rédaction du présent rapport, le processus d'attribution des fonds de la session 2008-2009 du Congrès des États-Unis n'était pas terminé. Le 11 mars 2009, le président Obama a signé un projet de loi global de crédits pour le restant de l'année fiscale 2009 attribuant 25 millions de dollars aux programmes régis par le Second Chance Act : 15 millions de dollars aux projets pilotes de réinsertion (au niveau local ou des états) et 10 millions de dollars sous forme de subventions attribuées à des associations caritatives de parrainage ou d'autres services d'aide à la transition. Il s'agit de programmes de réinsertion destinés aussi bien aux adultes qu'aux mineurs.

Lors de son projet de budget pour l'année fiscale 2010, le président Obama a demandé 109 millions de dollars pour les programmes de réinsertion des prisonniers, dont 75 millions pour les programmes régis par le Second Chance Act. Nous espérons que les subventions accordées permettront d'atteindre tous les objectifs du Second Chance Act.

Conclusion

L'examen des lois promulguées entre 1998 et 2008 met en évidence la détermination du gouvernement quant à la résolution du "problème des 8 %". En se concentrant sur les individus suffisamment jeunes et malléables pour tirer profit des mesures de réinsertion, les Etats et le gouvernement fédéral espèrent réduire les taux de récidive et d'incarcération. Toutefois, les derniers vestiges de l'approche répressive héritée des années 90 sont encore visibles avec l'augmentation des lois encourageant le renvoi des mineurs vers une juridiction pour adultes et l'application de peines pour adultes à leur égard.

__________________________________________ Ministère de la Justice – SAEI

La justice des mineurs, Etats-Unis, à jour le 1er mai 2009 CNRS-JURISCOPE

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BIBLIOGRAPHIE

Szymanski, L. (2008), Once an Adult/Always an Adult. NCJJ Snapshot 13 (4) (journal publié par le National Center for Juvenile Justice)

http://www.ncjj.org/stateprofiles/asp/transfer.asp?print=yes&topic=Transfer&state=OK06.asp

Pagnanelli, Enrico, Children as Adults: The transfer of Juveniles to Adult Courts and the Potential Impact of Roper v. Simmons, 44 AMCRLR 175 (2007). Griffin, Patrick, Trying and Sentencing Juveniles as Adults: an Analysis of State Transfer and Blended Sentencing Laws, National Center for Juvenile Justice (Centre national de la justice des mineurs), octobre 2003 :

www.ncjj.org

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La justice des mineurs, Etats-Unis, à jour le 1er mai 2009 CNRS-JURISCOPE

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TABLE DES MATIERES

I. LE PRINCIPE EDUCATIF ET LA SOLUTION REPRESSIVE DITE « DES 8% » ............................... 4

A. LE PRINCIPE................................................................................................................................................... 4 B. SON CADRE LEGAL AU NIVEAU FEDERAL........................................................................................................ 5

1. LA LOI DE LA RESPONSABILISATION DES MINEURS ET DES SUBVENTIONS GLOBALES INCITATIVES DE 1998 ........ 5 2. LA LOI SUR LA DELINQUANCE ET LA JUSTICE DES MINEURS DE 2002............................................................... 7

C. SON CHAMP D’APPLICATION ........................................................................................................................... 8 1. LE RENVOI DES MINEURS DEVANT LA JURIDICTION DES ADULTES................................................................... 8

a. Le renvoi judiciaire (judicial waiver)...................................................................................................................... 9 1. La présomption relative de renvoi (« presumptive waiver) ............................................................................. 10 2. Le renvoi obligatoire (mandatory waiver) ....................................................................................................... 11

b. Le renvoi légal (statutory exclusion) .................................................................................................................... 12 c. Le renvoi par le procureur (« direct file »)............................................................................................................ 13

2. LA COMPETENCE MIXTE DU TRIBUNAL DES MINEURS (« BLENDED SENTENCING »)........................................ 14 3. LA JURISPRUDENCE................................................................................................................................... 16

II. L’APPLICATION DU PRINCIPE EDUCATIF DANS LES VOIES ALTERNATIVES DE

TRAITEMENT DE LA DELINQUENCE DES MINEURS ........................................................................ 18

A. LES TRIBUNAUX DE RESOLUTION DES CONFLITS (« PROBLEM SOLVING COURTS ») ...................................... 18 1. LES TRIBUNAUX POUR ADOLESCENTS (« TEEN COURTS »)............................................................................ 18 2. LES TRIBUNAUX SPECIALISES DANS LES ARMES A FEU (« GUN COURTS ») ..................................................... 22 3. LES TRIBUNAUX SPECIALISES DANS LES STUPEFIANTS (« JUVENILE DRUG COURTS »).................................... 22

B. LA JUSTICE REPARATRICE............................................................................................................................. 24 C. LES PROGRAMMES DE REINSERTION............................................................................................................. 25