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ENTRE POLITIQUE É CONOMIQUE ET RENDEMENT FINANCIER « Les fonds souverains sont devenus un référentiel de l'investissement public moderne » INTERVIEW Laurent Vigier P-D G C DC Internationa l Capita l Créée en février 2014, CDC International Capital a pour vocation de favoriser les investissements des fonds souverains dans l'Hexagone t o u t en investissant à leurs côtés. Elle concrétise l'approche développée par la CDC à l'initiative des Pouvoirs Publics depuis dix ans vis-à-vis de ces investisseurs. Elle constitue à ce titre un fonds souverain de contrepartie. Comment définissez-vous les fonds souverains ? L'appellation « fonds souverains », a été formalisée seu- lement en 2005 par l'économiste Andrew Rozanov, avec l'émergence du débat autour des interventions de ces fonds. Andrew Rozanov a placé sous ce terme des entités représentant des réalités très diverses : tout d'abord des véhicules d'investissement d'État existant depuis plu- sieurs décennies pour gérer des réserves de précaution, comme K1A, l'autorité d'investissement du Koweït, qui existe depuis 1953, les deux fonds souverains de Singa- pour, le GIC' véhicule d'investissement financier créé en 1973 etTemasekcréé en 1981 qui fonctionne comme une holding industrielle, ADIA, le fonds souverain d'Abu Dhabi créé en 1976, et enfin le fonds norvégien lancé en 1990. S'y rajoutent des entités plus récentes apparues après la crise asiatique de 1998 et suite à l'entrée de la Chine dans l'OMC en 2001. Celle-ci s'est traduite par un cycle haussier des matières premières alimenté par 1. GouernmentofSingopore InuestmentCorporation. la demande chinoise et une accumulation massive de réserves de change dans certains pays. Il s'agit notam- ment du CIC 2 , fonds souverain chinois fondé en 2007, de la Qatar Investment Authority, fonds souverain qatari créé en 2004, ou encore de Mubadala Development Com- pany, la holding industrielle d'Abu Dhabi créée en 2002. Les premiers fonds souverains s'étaient construits patiemment ; les plus récents ont été dotés beaucoup plus rapidement, par la décision d'allouer à ces véhicules une partie des réserves de change engrangées dans les comptes de banques centrales. Ces fonds ont notamment pour objectifd'investir davan- tage dans des actifs réels plutôt que d'acquérir des titres de bons du trésor, principalement européens ou amé- ricains, comme le font traditionnellement les banques centrales. Ils répondent à la volonté non seulement de se positionner sur des actifs dégageant un rendement plus dynamique, mais aussi à un souci de diversifica- 2. China Inuestment Corporation. Tous droits de reproduction réservés PAYS : France PAGE(S) : 27-31 SURFACE : 412 % PERIODICITE : Mensuel DIFFUSION : (9763) 1 juin 2017 - N°4141 - Suppl.

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E N T R E P O L I T I Q U E É C O N O M I Q U E

ET R E N D E M E N T F I N A N C I E R

« Les fonds souverains sontdevenus un référentiel del'investissement public moderne »

I N T E R V I E W

LaurentVigier

P-D G

C DC Internationa l

Capita l

Créée en février 2014, CDC InternationalCapital a pour vocation de favoriserles investissements des fonds souverainsdans l'Hexagone to u t en investissant àleurs côtés. Elle concrétise l'approchedéveloppée par la CDC à l'initiative desPouvoirs Publics depuis dix ans vis-à-visde ces investisseurs. Elle constitue à cetitre un fonds souverain de contrepartie.

• Comment définissez-vous les fonds souverains ?L'appellation « fonds souverains », a été formalisée seu-

lement en 2005 par l'économiste Andrew Rozanov, avecl'émergence du débat autour des interventions de ces

fonds. Andrew Rozanov a placé sous ce terme des entitésreprésentant des réalités très diverses : tout d'abord des

véhicules d'investissement d'État existant depuis plu-sieurs décennies pour gérer des réserves de précaution,

comme K1A, l'autorité d'investissement du Koweït, quiexiste depuis 1953, les deux fonds souverains de Singa-

pour, le GIC' véhicule d'investissement financier crééen 1973 etTemasekcréé en 1981 qui fonctionne comme

une holding industrielle, ADIA, le fonds souverain d'AbuDhabi créé en 1976, et enfin le fonds norvégien lancé en

1990. S'y rajoutent des entités plus récentes apparuesaprès la crise asiatique de 1998 et suite à l'entrée de la

Chine dans l'OMC en 2001. Celle-ci s'est traduite parun cycle haussier des matières premières alimenté par

1. GouernmentofSingopore InuestmentCorporation.

la demande chinoise et une accumulation massive deréserves de change dans certains pays. Il s'agit notam-

ment du CIC2, fonds souverain chinois fondé en 2007,

de la Qatar Investment Authority, fonds souverain qatari

créé en 2004, ou encore de Mubadala Development Com-pany, la holding industrielle d'Abu Dhabi créée en 2002.

Les premiers fonds souverains s'étaient construitspatiemment ; les plus récents ont été dotés beaucoup

plus rapidement, par la décision d'allouer à ces véhiculesune partie des réserves de change engrangées dans les

comptes de banques centrales.

Ces fonds ont notamment pour objectifd'investir davan-tage dans des actifs réels plutôt que d'acquérir des titres

de bons du trésor, principalement européens ou amé-ricains, comme le font traditionnellement les banques

centrales. Ils répondent à la volonté non seulement dese positionner sur des actifs dégageant un rendement

plus dynamique, mais aussi à un souci de diversifica-

2. China Inuestment Corporation.

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tion, compte tenu du contexte debaisse des taux d'inté-rêt suite aux politiques dequantitativeeasingmenées parla Fed, la BCE ou encore la BoE.

• Ces fonds souverains n'ont-ils pas été vus, au départ,

comme une menace pour la souveraineté économique des

pays développés ?

Cedébatsur lesfonds souverainsaémergéen2005.Commele concept était un peu flottant à l'époque, certains ontaussi inclus sous la bannière des fonds souverains desopérations qui relèvent plus d'une logique d'entreprisesd'État, comme le rachat en 2006 de six ports américainspar le groupe Dubaï Ports World contrôlé par l'émiratdeDubaï. Cette transaction a probablement participé auvote par le Congrès américain d'une une régulation surle contrôle des investissements étrangers aux États-Uniset, ultérieurement, aconduit legouvernement Villepin àprendre enFranceun décretsur lesinvestissements étran-gers. Le débat s'est alors noué autour de la régulation etde la transparence deces nouveaux acteurs. Il a débou-ché en 2007, à l'issue du sommet de Heiligendamm,sur la demande faite par le G8 au FMI de travailler sur

des principes de transparenceet de bonne gouvernance. Cestravaux ont abouti aux principesde Santiago publiés aux assem-blées d'automne du FMI et de labanque mondiale à Washingtonenoctobre 2008, quelques joursaprès la chute de la banque Leh-man Brothers.

Cemoment a marqué la basculed'une période où les fonds sou-verains suscitaient une certaineméfiance et une attitude plutôtdéfensive, vers une période pen-dant laquelle lesfonds souverainsvont jouer un rôle importantdans le sauvetage de banquessystémiques, notamment aux

^ ^ ^ ^ États-Unis et en Grande-Bre-tagne. Nous passons alors d'une

prudence excessivevis-à-vis des fonds souverains à unelogique plus ouverte pour collaborer aveceux, avec lesentiment qu'ils ont la capacité de jouer un rôle d'inves-tisseurs de long terme dans l'économie. D'où la créa-tion d'une nouvelle catégoriede fonds souverains, d'unenature un peu différente, dans les paysqui ne sont pasfondamentalement exportateurs de capitaux, mais quiont, au contraire, une problématique d'attraction descapitaux. Cesvéhicules sont en quelque sorte des fondssouverains decontrepartie, qui cherchent à investir avecdes fonds souverains étrangers encréant un alignement

U Nous passons

alors d'une prudence

excessive vis-à-vis des

fonds souverains à une

logique plus ouverte

pour collaborer avec eux,

avec le sentiment qu'ils

ont la capacité de jouer

un rôle d'investisseurs

de long terme

dans l'économie.»

d'intérêt pour les attirer dans leur économie.En Russie par exemple, RDIF3, le fonds russe pour lesinvestissements directs, a été créé en 2011 pour servirà canaliser des investissements de fonds souverains etdegrands investisseurs institutionnels étrangers dansl'économie russe, en originant des transactions pour lecompte de ces partenaires et en co-investissant systé-matiquement. LeSénégala créé en2013 un fond un peusimilaire, de même que la Turquie en 2016.

• C'est dans ce contexte qu'intervient la création de CDC

International Capital...

C'esteneffet àcemoment quej'ai étéchargé par la Caissedes Dépôts de rentrer en contact avec les fonds souve-rains qui historiquement sont très peu présents dansl'économie française : leurs investissements en Francepeuvent sembler importants envaleur absolue mais ilsseconcentrent essentiellement sur les grands groupescotés du CAC 40 et sur l'immobilier « prime » dans lacapitale, du triangle d'or à La Défense. En revanche,ils sont moins présents dans le priuateequityen France,essentiellement pour des raisons historiques decanauxd'intermédiation : les premiers fonds souverains sontapparus voici plusieurs décennies, dans des territoiresqui furent sous influence britannique comme Singa-pour, Abu Dhabi, ou le Koweït, qui étaient despays enconstruction et qui avaient localement, à l'origine, peudecompétences degestion. Les ressourcesdeces fondssouverains ont donc été géréesàl'époque par des inter-médiaires anglo-saxons. Lesfonds souverainsqui se sontcréésensuite ont suivi au départ cette même tendance :enFrance, endehors dequelques exceptions (des fondsde grande taille), peu de sociétés de gestion de la Placeavaient accès à ces nouveaux investisseurs, qui préfé-raient, pour des raisons de taille critique et d'affinitésculturelles, travailler àtraversla PlacedeLondres ou cellede New York. Cela se traduit concrètement, en dehorsde quelques actifs qui font les grands chiffres mais quisont limités et très concentrés par une sous-expositionen France : les investissements des fonds souverains enFrancene reflètent pas le poids économique deces der-niers, ni le poids économique de la France.L'objectifde la CaissedesDépôts était donc d'organiserune mise en relation du groupe avec ces acteurs, nonpassous forme d'une intermédiation, mais sous le moded'une relation de pair à pair. Or, dans l'environnementfrançais, seul le groupe Caisse desDépôts pouvait exci-per d'une ancienneté de près de 200 ans, d'une taillecritique suffisante avec plus de 400 milliards d'eurosde capitaux à sa disposition, et aussi d'une diversité dechamps d'intervention allant desentreprises aux infras-

RussidnDirect Inuestment Fond.

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tructures, qui pouvaient permettre d'engager le dia-logue d'égal à égal avec les fonds souverains. C'est unexercice que nous avons mené en créant tout d'abord,en 2009, un Club des Investisseurs de Long Terme eten participant à l'initiative nord-américaine Institutio-nal Investors Roundtable, créé en 2011 et que je présideaujourd'hui. Cette instance réunit une quarantaine defonds souverains et de fonds de pension, pesant à peuprès 9 000 milliards d'actifs sous gestion, et nous avonsobtenu que son siège soit localisé en France.Puis, avec la création de CDC International Capital enfévrier 2014, l'objectifest de créer un dispositif d'inves-tissement dédié à la relation avec les fonds souverainspour canaliser leurs investissements dans l'économiefrançaise ou en lien avec l'économie française, c'est-à-dire enservant des intérêts français mais avec un objectifd'alignement de recherche de rendement économique,en partant du principe que si les fonds souverains inves-tissent à l'étranger, c'est avant tout pour chercher un

rendement économique. Cela nous a permis d'établircette relation souhaitée de pair à pair avec ces parte-naires et d'avoir de façon très régulière depuis 2011 unediscussion sur l'évolution des styles d'investissement.

• Quelle est l'évolution des styles d'investissement des

fonds souverains ?

Nous avons pu observer des tendances significatives :

- les encours sous gestion des fonds souverains, quireprésentaient il y a 13ou 14ans environ 1 500 milliardsde dollars d'actifs, atteignent aujourd'hui 7 300 milliardsde dollars. Les 54 fonds souverains existant aujourd'huireprésentent une capacité d'investissement équivalente

aux 300 premiers fonds de pension dans le monde ;- les fonds souverains ont augmenté, dans leur por-tefeuille, la part dédiée aux actifs alternatifs - privateequity, infrastructures et immobiliers - , pour la porter,

pour certains d'entre eux, aux alentours de 10 %-i5 %de leur encours ;

- cesfonds cherchent également àaccroître leurs inves-tissements en direct dans les classes d'actifs alternatifs,sans se limiter aux investissements intermédiés. Celatient à une volonté de maîtrise des coûts d'intermédia-tion, mais aussi de construire en interne une expertiseet d'avoir une meilleure compréhension des marchés.Les fonds souverains pratiquent de ce point de vue uneforme de souveraineté économique avec l'objectif deconstruire de nouvelles places financières en Asie ouau Moyen-Orient.

• Quel état des lieux faire de l'activité de CDC Internatio-

nal Capital aujourd'hui ?

CDC International Capital gère sept partenariats avecsixfonds souverains représentant les grandes zones géogra-

phiques où se concentrent aujourd'hui les ressourcesfinancières. Au Moyen Orient, nous sommes en parte-nariat avec le fonds souverain du Qatar depuis 2014, avecle fonds souverain du Koweït depuis 2015, ainsi qu'avecMubadala, le deuxième fondssouverain d'Abu Dhabi 4 quivient de fusionner avec IPIC 5,son fonds souverain pétrolier,pour constituer le 14e fondssouverain au monde. Nousavons également un partena-riat avec Kingdom Holding,qui est une société d'inves-tissement mais de nature trèsinstitutionnelle, détenue parle prince saoudien Al-Waleed,premier investisseur privé dumonde arabe. Nous avons crééavec lui un fonds d'investis-sement conjoint afin d'inves-tir en accompagnement desentreprises françaises dans la région du Golfe. Nous

avons également réalisé un premier co-investissementen France avec le nouveau fonds souverain saoudien, crééen 2016. Celui-ci a repris les encours du Public Invest-mentFund (PIF), une structure investie dans l'économielocale, mais surtout sera doté du produit de la vente departs de l'État saoudien dans ARAMCO 6, la compagniepétrolière nationale, pour créer à terme une capacitéd'investissement de plus de 1 000 milliards de dollars.L'Arabie Saoudite, bien qu'elle soit une des principalesréserves de change au monde, via la SAMA 7, sa banquecentrale, n'avait pas jusqu'à présent de fonds souverain,mais la structure en cours decréation constituera le plusgrand fonds souverain du monde. Nous avons égale-ment un partenariat avecRDIF, le fonds souverain russe,qui fonctionne à double sens : il vise à accompagnerdes entreprises françaises en Russie et des entreprisesrusses enFrance. En Asie, nous avons un partenariat avec

KIC 8, le fonds souverain de Corée, et deux partenariatsavec le fonds souverain chinois CIC, l'un pour investirdans le Grand Paris et l'autre pour co-investir en paystiers en accompagnement de partenariats industrielsfranco-chinois.

CDC International Capital compte aujourd'hui uneéquipe de 25 professionnels, et affiche une capacitéd'investissement de 4 milliards d'euros, dont 800 mil-

4. Outre ADIA (Abu Dhabi Investment Authority).5. International Petroleum Investment Company.

6. Arabian American Oil Company: compagnie nationale saoudienne

d'hydrocarbures.

7. Saudi Arabian Monetary Agency.

8. Korea Investment Corporation.

U CDC International

Capital gère sept

partenariats avec

six fonds souverains

représentant les grandes

zones géographiques

où se concentrent

aujourd'hui les ressources

financières.

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lions d'euros ont déjà été investis avec ses partenaires

sur il participations. Les données les plus récentes duSovereign Wealth Fund Institute montrent que les inves-

tissements des fonds souverains dans les PME et ETIfrançaises sont pour l'essentiel réalisés à travers le dis-positif de CDC International Capital : nous avons donc

une fonction de défricheurs et de pionniers pour édu-quer les fonds souverains et les amener à s'intéresser

en France à de nouvelles classes d'actifs.

• Quels critères incitent les fonds souverains à investir

en France ?

Chacun connaît la situation de la France et de l'Eu-rope, les forces et les faiblesses en présence. Avant la

crise, l'Europe apparaissait, comme les États-Unis,comme une zone de risque faible avec des rendements

moins élevés que les pays émergents.

Aujourd'hui les repères sont brouillés.Les perceptions du risque en Europe

souverains deviennent fluctuent > P1US OU M O I N S INDEXÉE S

sur l'évolution de la Grèce, la sériedes élections en Europe et le Brexit.Parallèlement, certains fondamen-

taux demeurent : la profondeur et lasophistication des marchés européens ;

la prise de conscience que l'économiefrançaise conserve des ressources en

matière d'innovation. Le sentiment sefait jour aussi qu'un certain nombre

de situations sont en train de se déblo-quer, avec la vente d'infrastructures,

ou, une fois encore, le projet du GrandParis quia un effetd'attractivitéimpor-tant : la France met enfin sur la table un

projet d'ampleur mondiale. Les PMEfrançaises affichent quelques belles

success stories et les chefs d'entreprise comprennentmieux aujourd'hui l'intérêt d'ouvrir leur capital à des

investisseurs internationaux.Cette solution capitalistique n'est pour autant pas adaptée

à toutes les situations d'entreprises, mais le cas échéant,elle peut apporter une véritable accélération de crois-

sance grâce à cette alliance stratégique avec des fondssouverains qui sont parmi les plus gros investisseurs

mondiaux et la sécurité amenée par le groupe Caissedes Dépôts qui a, de ce point de vue, un rôle de tiers de

confiance vis-à-vis des partenaires et des entrepreneurs.

• Pour quel type d'entreprise les fonds souverains sont-ils

une solution d'investissement ?

Il faut avant tout que l'entreprise soit intéressée. C'estd'abord aux actionnaires existants et au chef d'entre-

prise d'apprécier quelle est la meilleure solution en

U Les fonds

[...] un des éléments

de la construction

non seulement

d'une diplomatie

économique, mais

aussi d'un possible

rééquilibrage de la

mondialisation. 11

termes de composition du capital. Du point de vue

des investisseurs, nous regardons la capacité à géné-rer de la valeur au travers de la solidité et de la crédibi-

lité du business plan, ainsi que la capacité d'exécutiondu management. Nous suivons aussi plus particuliè-

rement les secteurs adossés à des trends démogra-phiques comme la santé, des secteurs d'excellence

française comme l'agriculture ou le luxe porté parl'artisanat d'exception, ou des secteurs qui ont un

potentiel important mais un besoin de modernisationdes formes d'organisation et des structures capitalis-

tiques : c'est par exemple le cas de l'agroalimentaire,où la France était une superpuissance puis a perdu du

terrain. Ainsi le cas de Neovia dans la nutrition et santéanimale (encadré) est extrêmement intéressant car la

population croît dans les pays émergents : cela créedes capacités pour renouer avec une vocation expor-

tatrice de l'agriculture et l'agroalimentaire français.Les fonds souverains en amenant des capitaux issus

de pays qui constituent nos futurs débouchés sont unesolution pertinente pour ce secteur.

• Qu'en est-il du financement de la transition énergétique

dans lequel les fonds souverains ne sont aujourd'hui pas

très présents ?

Les fonds souverains ne sont pas des investisseurs acti-vistes mais des investisseurs financiers : dès lors qu'il y

a un marché, ils s'y intéresseront. Dans cette perspec-tive, nous avons un certain nombre de discussions sur

des projets dans le secteur des énergies renouvelables.

• Quelles sont les performances constatées sur les pre-

miers investissements de CDC IC ?

CDC IC détient un portefeuille qui représente environ20 ooo emplois en France et déjà, nous enregistrons

des plus-values significatives sur certaines sociétés.Cela montre que nous amenons des fonds souverains

dans des entreprises qui ont un potentiel de croissanceet que celui-ci se matérialise sachant que nous interve-

nons toujours de façon minoritaire mais active : noussommes en accompagnement d'une stratégie du mana-

gement et il faut donc que nous soyons confortables dèsle départ avec le plan d'affaires industriel de la société.

• Quels sont les résultats de CDC IC ?

Nous recherchons une rentabilité de marché, des TRIde l'ordre de 15 % en priuate equity aujourd'hui compte

tenu de l'évolution des marchés. Pour la part infras-tructure et immobilier, notre objectif est d'atteindre

une rentabilité en ligne avec les comparables du mar-ché. Quand nous investissons dans des pays émergents,

nous ajustons le couple rendement/risque en fonctionde la situation locale.

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CO-INVESTISSEMENT CDC INTERNATIONAL CAPITALET FONDS SOUVERAINS

• Quelles sont vos perspectives ?

Nous avons deux axes de développement.Le dispositif de CDC international Capital est fondésur une stratégie multiclasses d'actifs. Ainsi, avec nospartenaires chinois, nous étudions également les actifsimmobiliers et les infrastructures notamment dans lepérimètre du Grand Paris. Cela participe d'une recherchede diversification des risques de la part de ces parte-naires, mais aussi d'une appréciation de l'évolution del'Europe suite au Brexit. Depuis l'annonce de ce dernier,nos partenaires affichent clairement un regain d'intérêtpour l'Europe et les opportunités du marché français.Le deuxième axe de développement, déjà évoqué, est l'ex-tension du dispositifà lapossibilité d'investir dans un paystiers en accompagnement d'entreprises françaises : nousy travaillons activement avec nos partenaires chinois etétudions avec eux un certain nombre de transactions enAfrique ou en Asie ; de même, notre fonds franco-saou-dien de 400 millions de dollars est opérationnel depuis ledébut de l'année et vise à investir aux côtés des entreprisesfrançaises dans les pays du GCC

9. L'Arabie Saoudite par

exemple n'achète plus simplement aux entreprises desprestations des services et des matériels, mais cherche àancrer une partie de la valeur ajoutée localement, car avecune population de 30 millions d'habitants, beaucoup dejeunes saoudiens cherchent à accéder à desemplois. Pourdes PME, cela nécessite desdépenses d'investissement etpeut constituer une barrière à l'entrée importante. Nous

apportons ainsi une solution capitalistique qui permetd'accompagner le développement des entreprises fran-çaises dans ces marchés.

• Les fonds souverains sont donc aujourd'hui définitive-ment des investisseurs bienvenus ?Les fonds souverains représentent aujourd'hui unréférentiel de l'investissement public moderne, quis'est imposé au cours des 10 à 15 dernières années. Ilsdeviennent aussi, avec la création de structures desti-nées à les accueillir et à jouer le rôle de contrepartie, undes éléments de la construction non seulement d'unediplomatie économique, mais aussi d'un possible réé-quilibrage de la mondialisation. Les fonds souverainssont des institutions financières professionnelles, maisaussi des acteurs liés à des États. Or, dans la logique des

États, il apparaît de plus en plus clairement que la mon-dialisation ne doit pas être un jeu à somme nulle, où cer-tains gagnent et d'autres perdent. Les fonds souverainsdeviennent un élément potentiel de rééquilibrage ou denégociation entre les États, pour organiser une réciprocitédans les bénéfices issus de la mondialisation. La Francemais aussi les États-Unis font par exemple partie des

9. Guif Coopération Council.

Les principales prises de participation dans les ETIet PME françaises

AVEC LE FONDS QATARI :

• Groupe Mériguet spécialisée dans l'artisanat de rénovation de haut degamme ;

• Neovia, filiale santé et nutrition animale de InVivo, premier groupe coopératif

français, très présente en Amérique latine et en Asie du sud-est ;

• Vulcanic qui conçoit des solutions industrielles de chauffage et

refroidissement ;

• SGI Africa. joint-venture entre Carrefour et CFAO qui développe des centres

commerciaux en Afrique subsaharienne ;

• Devialet, start-up spécialisée dans l'ingénierie acoustique ;

• CDC International Capital a été le deuxième investisseur du tour de table lorsde sa levée de fonds de 100 millions d'euros, fin 2016, une des plus importantes

de la FrenchTech.

AVEC LE FONDS SOUVERAIN D'ABU DHABI :• Vivalto. quatrième groupe français de cliniques privées, dont la taille a

augmenté de 50 % depuis l'arrivée de CDC IC en janvier 2016 ;• Galileo. premier groupe d'éducation privée européen et troisième groupe

d'éducation privée mondial (prise de participation aux côtés du fond américain

Providence).

AVEC LE FONDS SOUVERAIN DE CORÉE :

• Ethypharm, société pharmaceutique qui travaille notamment sur la préventiondes addictions alcooliques.

AVEC LE FONDS RUSSE ET UN CONSORTIUM AUJOURD'HUI ÉLARGI

AUX FONDS CHINOIS, SAOUDIEN, KOWEÏTI, ET BAHREÏNI1

:• Arc International, pour financer la relance industrielle de cette société

historique, aujourd'hui premier groupe verrier mondial : il s'agit de consolider le

site historique dans les Hauts de France, mais également de développer les sitesen Russie, en Chine, aux États-Unis et dans le Golfe.

1. Mumtalakat, fonds souverain du Bahreïn.

pays qui mettent les fonds souverains dans l'équationde leurs négociations avec les pays émergents. Ainsi lefonds souverain chinois suit de près le projet du grandParis, mais nous incite aussi, à travers notre partenariatd'investissement en pays tiers, à nous intéresser au pro-jet de la Nouvelle Route de la soie' 0 .Nous constatons aujourd'hui une re-politisation desfonds souverains : la volatilité géopolitique accrueconduit à chercher de nouvelles modalités de relationséconomiques entre États et, de cepoint de vue, les fondssouverains peuvent être des leviers.Mais si CDC IC a conclu un certain nombre de partena-riats sous l'égide de la diplomatie économique, le dis-positif doit ensuite fonctionner avec un objectif d'effi-cacité et de performances économiques car c'est le seulpoint d'alignement durable que l'on puisse établir avecces partenaires. •

Propos recueillis par Elisabeth Coulom b

10. LaNouvelle route de la soie estd'abord un vaste projet de développementdes infrastructures, routières, ferroviaires et portuaires, assurant la connexionentre la Chine et l'Europe passant notamment par le Kazakhstan, la Russie, laBiélorussie, la Pologne, l'Allemagne et la France, mais aussi plus largement unestratégie dedéveloppement pour promouvoir la coopération entre l'Europe etl'Asie et renforcer la position dela Chine sur le plan mondial.

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