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« You don’t have to get the first bite of an apple to make out. The second or third juicy bite of is good enough. Just be careful not to get the tenth skimpy one. Hence, it lefts other do the pioneering. If it’s a healthy, juicy one, the imitator is prepared to move quickly and get an early and profitable piece of it. » T. Levitt, 1966. La stratégie d’imitation Mme Benyahia-Taïbi Ghalia Université d’Oran Introduction : Ce travail s’annonce comme l’aboutissement d’un ensemble de recherches et de pensées sur l’imitation. L’étude de la stratégie d’imitation sera complétée par les conditions de l’imitation. Y seront exposés aussi les concepts en relation avec l’imitation : l’information, la connaissance et les spillovers. Quelques réflexions sur les étapes de l’imitation seront transcrites afin de définir le processus d’imitation. Un essai de modélisation de ce processus sera présenté par la suite. Enfin, nous exposerons des éléments de réflexions sur le mimétisme international et ses implications sur le niveau de développement des nations. Nous aborderons ainsi la question de la réussite du mimétisme dans certains pays asiatiques et son échec dans les pays africains. I. L’information, les connaissances et l’imitation : 1

La stratégie d'imitation

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Ghalia TAIBI, "L'identification de l'imitation dans le secteur agro-alimentaire français", Thèse de Doctorat en Stratégie et Management des Organisations, IAE de Lille, juillet 2005.

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Page 1: La stratégie d'imitation

« You don’t have to get the first bite of an apple to make out. The second or third juicy bite of is good enough.

Just be careful not to get the tenth skimpy one. Hence, it lefts other do the pioneering. If it’s a healthy, juicy one,

the imitator is prepared to move quickly and get an early and profitable piece of it. » T. Levitt, 1966.

La stratégie d’imitation

Mme Benyahia-Taïbi Ghalia

Université d’Oran

Introduction :

Ce travail s’annonce comme l’aboutissement d’un ensemble de recherches et de pensées sur

l’imitation. L’étude de la stratégie d’imitation sera complétée par les conditions de l’imitation.

Y seront exposés aussi les concepts en relation avec l’imitation : l’information, la

connaissance et les spillovers.

Quelques réflexions sur les étapes de l’imitation seront transcrites afin de définir le processus

d’imitation. Un essai de modélisation de ce processus sera présenté par la suite.

Enfin, nous exposerons des éléments de réflexions sur le mimétisme international et ses

implications sur le niveau de développement des nations. Nous aborderons ainsi la question

de la réussite du mimétisme dans certains pays asiatiques et son échec dans les pays africains.

I. L’information, les connaissances et l’imitation :

Au préalable, il faut clarifier certains concepts afin de déceler des pistes pouvant

éventuellement aider, au plan conceptuel et méthodologique, dans l’atteinte des objectifs de la

recherche.

Les concepts « connaissance » et « information » sont rarement bien définis et souvent

confondus. Cette clarification est primordiale sur le plan théorique. Elle est nécessaire à la

compréhension des méthodes et des sources d’information pour l’imitation.

Les connaissances de l’entreprise sont l’ensemble des savoirs spécifiques et des savoir-faire

individuels et collectifs. Les savoirs spécifiques caractérisent les capacités d’étude de la firme,

de réalisation, de vente et de support des produits et des services. Les savoir-faire individuels

et collectifs caractérisent les capacités de la firme à agir, à s’adapter et à évoluer.

La notion de connaissance recouvre : « les données, la mise en forme des données(par des

instruments de gestion) et les théories permettant d’interpréter les données mises en forme »1.

1 H. Dumez, A. Jeunemaître in F. Charue-Duboc, « Des savoirs en action ». L’Harmattan, 1995, p31.

1

Page 2: La stratégie d'imitation

La connaissance est stockée un peu partout dans l’entreprise dans différents supports : les

archives, les armoires de l’entreprise, les fichiers informatiques ou les personnes travaillant

dans l’entreprise. Les connaissances sont des éléments tangibles sous forme de données,

procédures, plans, modèles, algorithmes, documents d’analyse et de synthèse. Elles sont aussi

constituées d’éléments intangibles immatériels tels que les habilités, les tours de main, les

secrets de métiers, les logiques d’actions individuelles et collectives non écrites, les

connaissances historiques et les contextes décisionnels. La connaissance représente

l’expérience et la culture de l’entreprise.

Connaître la valeur de sa connaissance se fait par confrontation avec les autres connaissances

des autres organisations donc par circulation et échange avec contrepartie. La qualité de la

connaissance détenue par l’entreprise n’est connue qu’ex post. Le grand risque viendrait alors

du fait de ne compter que sur ses propres connaissances.

Au cours de la dynamique d’apprentissage, les connaissances et les actions s’enrichissent de

façon mutuelle.

Dans les conditions actuelles du monde contemporain (turbulence, complexité, incertitude,

mondialisation, affrontement entre les différentes forces, émergence de nouvelles zones

économiques, montée en puissance de nouvelles économies, concentration et pression

concurrentielle, complexité des relations inter-firmes, etc.), le rôle de l’information apparaît

comme primordial pour une vision plus précise de l’environnement concurrentiel.

L’information est un facteur stratégique pour le développement des entreprises et des

organisations. Elle est source de progrès. C’est un facteur qu’il faut surveiller, maîtriser et

gérer.

Le concept d’information est largement utilisé dans la littérature mais il est rarement défini

d’une façon claire et précise. Nous pouvons comprendre ce concept en sa relation avec celui

de la connaissance.

L’information contribue à l’amélioration de la connaissance. Cette dernière relève alors d’une

transformation, d’un traitement et/ou d’une interprétation de l’information. La connaissance

est fondée sur un flux d’informations plus ou moins complexe.

L’information peut être vue comme un ensemble structuré de données. Cet ensemble véhicule

un certain sens. Il peut être acquis. Or, la connaissance est développée et non acquise d’une

façon directe. L’information est tangible. La connaissance est, par nature, intangible. La

connaissance peut être transmissible si elle est explicite. Mais elle peut aussi être implicite

donc plus difficile à transférer.

2

Page 3: La stratégie d'imitation

C.F.E Ramangalahy(2001) définit l’information comme suit : « nous utiliserons alors la

notion d’information pour signifier un ensemble structuré de données fournissant des

indications sur la nature ou l’évolution d’un fait, d’un phénomène donné, et la notion de

connaissance pour désigner un ensemble de savoirs et savoir-faire ayant trait à la réalisation

d’une activité »1.

Une information riche peut être définie comme celle qui fournit une compréhension nouvelle,

et permet d’apprendre quelque chose de nouveau sur un sujet donné, dans un certain délai. La

richesse est définie par la qualité, l’utilité et la valeur d’une information.

Plusieurs travaux soutiennent l’idée de la subjectivité de la richesse d’une information et de sa

contextualité.

L’évaluation de la richesse d’une information est alors subjective. Elle dépend de

l’interprétation(ou du pouvoir d’interprétation) de chaque entreprise. Celle-ci (l’entreprise) la

traduit selon son contexte, ses capacités, ses ressources et ses aptitudes, etc. C’est l’acquéreur

de l’information ou son utilisateur qui définit sa richesse et sa pertinence.

Le Japon est le premier pays industrialisé à avoir fait de l’information le levier primordial de

son développement. C’est ce qui explique le rôle de l’information et de sa gestion, dans toute

l’économie.

L’information conditionne le succès et le développement dans l’environnement concurrentiel.

Chaque entreprise est spécifique de part ses caractéristiques, de son histoire, de ses aspirations

et de sa culture. Elle choisit la façon la plus adéquate pour la recherche ou le recueil de

l’information, son analyse, sa synthèse et sa diffusion. Pour ce faire, il faut avoir un service

d’information(SIAD) stratégique et opérationnel dans chaque division et qui substitut la

direction générale en matière scientifique, technique et commerciale. Ce service participera à

la prise de décision dans l’entreprise.

L’information apparaît comme un bien social mais, contrairement aux autres biens, sa valeur

s’accroît et se multiplie par le partage. Un nouveau facteur intervient dans le succès de la

recherche d’une firme : le partage des résultats de la recherche avec les concurrents et les

autres acteurs du marché (à travers les publications et les conférences par exemple).

J-A. Schumpeter avançait déjà cette idée que, dans une société capitaliste, l’innovation

dépend de la diffusion des nouvelles découvertes à l’environnement externe. Plusieurs

chercheurs (tels que K. Arrow et R. Nelson par exemple) ont aussi caractérisé l’information et

sa nature comme étant un bien peu ou pas appropriable.

1 C.F.E Ramangalahy, « Capacité d’absorption de l’information ». Thèse de doctorat. Université de Montréal. 2001, page 27.

3

Page 4: La stratégie d'imitation

L’information doit être partagée, mais la publication des découvertes scientifiques serait une

divulgation sans contrepartie. C’est l’argument des entreprises qui utilisent le secret pour

défendre l’information contenue dans leur innovation(S. Mc. Millan et alii, 1995). On parle

alors de « bien » informationnel ou de « patrimoine » informationnel de l’entreprise et qui

doit être protégé.

Ce qui empêche l’appropriation (donc la protection de l’information) est souvent son

caractère incorporel : « l’immatérialité ». Or, le caractère de l’information elle-même l’en

empêche. Selon les économistes, l’information a une valeur indépendante de son support.

Ainsi, il faut trouver une autre solution pour la protection de ce bien, et pour formaliser des

sanctions aux atteintes à ce patrimoine, même hors du champs du domaine de la propriété

intellectuelle (J. Dupré, 2001).

L’information est devenue un outil principal de la guerre économique. Les batailles avec les

concurrents se gagnent plus par l’information. Elle est l’épée et le bouclier pour la défense et

l’offensive à la fois dans l’ère de la société de l’information. Dans une économie de

l’immatériel, l’information est une source de richesse. C’est une arme redoutable. Elle

révolutionne les données de la concurrence.

L’entreprise devrait faire attention encore plus aux désinformations et aux fausses annonces

qui ont pour objectif de tromper la concurrence.

La désinformation est une technique d’encerclement mental. Elle est devenue un outil de

guerre industrielle et commerciale (R. Kauffer, 1999).

Dans le cadre de cette recherche, nous tentons d’identifier les méthodes et les sources

d’informations pour l’imitation. Rappelons ici que la question du choix de la source

d’information ou de la méthode d’imitation n’est pas posé, ni celle de la richesse de telle ou

telle source ou méthode. De plus, cette question est en relation avec le contexte de chaque

firme, ses circonstances, ses capacités et ses ressources. Néanmoins, nous insistons sur la

complémentarité entre les différentes sources d’informations et les différentes méthodes pour

une stratégie d’imitation profitable.

II. Les spillovers et l’imitation :

Certains chercheurs suggèrent que l’ouverture et la disponibilité de l’information scientifique

facilite l’utilisation par la firme de l’information publique et les spillovers des concurrents.

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Page 5: La stratégie d'imitation

Les spillovers peuvent ainsi être assimilés à l’échange informel des savoirs et des savoir-faire

(M. Millan et alii, 1995).

La notion de spillovers renvoie d’une façon générale, au partage, voulu ou non, des résultats

des recherches d’une firme avec d’autres organisations. Ainsi, les spillovers(l’effet de report,

les transferts ou les adaptations comme le nomment certains auteurs) seraient la fraction de la

R&D de la firme ou plus généralement de son information, et qui est utilisée par les autres

firmes(concurrents ou non). Le concept de spillovers est un concept difficile à

opérationnaliser.

Cette notion trouve ses origines dans les travaux de A. Marshall(1890, in B. Mauseth, B.

Verspagen, 1998). En effet, A. Marshall(1890) a observé que les spillovers des technologies

peuvent jouer un rôle crucial dans le regroupement de l’activité économique. Il écrit : « when

an industry has thus chosen a locality for itself to stay there long : so great are the advantages

which people following the same skilled trade get from near neibourhood to one another. If

one man starts a new idea, it is taken up, by others and combined with suggestions of their

own ; and thus it becomes the source of further ideas »1.

Z. Griliches(1979, in B. Mauseth, B. Verspagen, 1998) distingue entre deux types de

spillovers :

1. Les spillovers de rente : ils résultent lorsque la firme innovante est incapable

d’augmenter les prix de ses innovations(matériaux, matières premières, procédés)

d’une façon proportionnelle avec les améliorations de la qualité, qu’elle introduit sur

ses produits. Pour les firmes qui utilisent ces produits dans leurs approvisionnements

comme inputs, le ratio qualité/prix est meilleur. Celui-ci est interprété comme un

spillover. L’impact des spillovers de rente est largement lié aux inputs commerciaux.

L’importance de ce type de spillovers augmente lorsque les barrières commerciales et

d’échange sont réduites. Ces spillovers contribuent à la réduction des coûts des

industries en aval et génèrent des surplus dans le système productif. Ceci n’est pas

toujours le cas pour les spillovers de pure connaissance.

2. Les spillovers de pure connaissance (nommés aussi les spillovers « d’industrie ») : ils

sont liés à l’impact des idées (découvertes ou combinées) sur la productivité des

efforts de recherche des autres. Ils sont issus de la nature informationnelle de

l’innovation. Ainsi, d’autres firmes vont probablement s’approprier l’information

pertinente suffisante pour la reproduction de l’innovation à un coût moindre. Lorsque

1 Le regroupement des activités dans la même zone géographique permet les spillovers. Les entreprises combinent les idées nouvelles sur ce marché avec leurs propres suggestions, les améliorent et engendrent ainsi de nouvelle idées.

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Page 6: La stratégie d'imitation

l’innovation entraîne une idée pour une autre innovation, on parlera de spillovers

imitatifs ou les spillovers de création d’idées.

L. Botazzi et G. Peri(1999) proposent trois types de spillovers à travers lesquels s’opère la

diffusion des connaissances :

1. Les spillovers temporels : étant donné que le processus de R&D prend un certain temps

pour révéler ses résultats innovants, il serait judicieux d’analyser le stock des idées

existantes et la structure de l’activité de recherche et d’innovation.

2. Les spillovers sectoriels : le niveau de connaissance d’un secteur donné dépend de son

propre investissement en R&D tout autant que sur les secteurs ou les industries avec des

technologies similaires.

3. Les spillovers spatiaux : les effets possibles sur la R&D peuvent dépendre de la proximité

physique des industries et des laboratoires.

Etant donné que les spillovers représentent la transmission des nouvelles idées de l’innovateur

vers ses imitateurs potentiels et/ou ses concurrents, on pourrait penser qu’ils détruisent les

incitations à s’investir dans de la R&D et à innover.

R.C. Levin(1988) dans son étude des effets des spillovers dans l’industrie américaine, a

découvert un cas exceptionnel dans lequel de grands spillovers ne découragent pas les efforts

de R&D. Tel est le cas des secteurs de l’électronique ou l’aérospatial où un grand niveau de

R&D coexiste avec un grand taux de spillovers. Ce constat peut être expliqué par le fait que

dans ces industries, le progrès technique est plutôt cumulatif que discret. La nature des efforts

de R&D est différente. Le progrès dans ces industries repose sur des efforts de R&D

cumulatifs et non de substitution, et les innovations ne sont pas des investissements isolées.

R.C. Levin(1988) propose ainsi un nouveau concept, celui de l’innovation de type « building

blocks », c'est-à-dire l’innovation « incrémentale ». Dans ce cas, les spillovers de la R&D

d’une firme accroissent la productivité marginale de la R&D des autres firmes.

Par conséquent, les spillovers, et plus précisément les spillovers de connaissances, peuvent

améliorer la capacité technologique totale de la firme réceptrice en la rendant une rivale plus

potentielle sur le long terme (R. Levin, W. Cohen, in R. Schmalensee et R. Willig, 1989).

Les spillovers peuvent entraîner un rapide développement de la connaissance.

III. Les conditions de l’imitation :

Les conditions de l’imitation représentent les éléments que l’entreprise devrait posséder ou

rassembler afin de pouvoir imiter et/ou imiter efficacement. Ces éléments peuvent être liés au

contexte interne ou à l’environnement externe de l’entreprise. Le milieu d’accueil(qu’il soit

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Page 7: La stratégie d'imitation

interne ou externe) doit être favorable. Nous pouvons ajouter au milieu d’accueil, le rôle de la

proximité ainsi que les caractéristiques du produit imité.

III.1. Les conditions relatives à l’environnement interne :

Pour imiter, il faut être sélectif. Il faut adopter les pratiques qui s’adaptent avec ses

conditions et sa culture.

L’entreprise doit être prête à acquérir (absorber) et utiliser la connaissance externe. Pour ce

faire, il faut qu’il y est un certain préalable avant l’imitation. L’entreprise devrait disposer

d’un ensemble de compétences, de ressources, d’aptitudes, ainsi qu’un niveau satisfaisant de

développement. C’est globalement les principales conditions internes préalables à l’imitation.

Différents travaux ont tenté de préciser ces conditions avec plus de détails.

En sociologie et en psychologie, imiter c’est se soumettre à un leader et profiter de ses

expériences. Il faut alors reproduire le comportement modelé par un autre organisme. Pour ce

faire, il faut que l’imitateur ait compris le sens de l’action elle-même, observer son intérêt et

déduit sa pertinence. C’est de même dans le monde des entreprises. Une firme ne peut imiter

une autre sans une compréhension préalable du comment, et un apprentissage suivi d’une

pratique.

La vision classique de l’innovation schématisait cette activité comme un concept

informationnel pur. Un modèle statique d’allocations des ressources analysait par la suite les

implications économiques de l’innovation. Or, « il n’est jamais très facile d’accéder aux

fruits de la recherche que l’on a pas faite soi-même (…) ; la question de l’appropriation doit

être replacée dans le cadre d’une théorie de l’innovation où le développement de nouvelles

technologies apparaît fondamentalement comme un processus d’apprentissage localisé et

irréversible(c'est-à-dire, dépendant du contexte économique et de la trajectoire passée), un

processus d’apprentissage dont il est difficile d’accéder aux fruits, même lorsque ceux-ci

apparaissent comme une information publique »1.

C’est ce que K ; Pavitt(1992) a montré aussi. L’information nouvelle (issue d’une innovation)

n’est pas librement échangeable, ni gratuite d’accès aux autres firmes. Il faut qu’il y est un

préalable pour pouvoir utiliser les fruits de la R&D des autres firmes.

C. Hill(1993) résume l’aptitude à imiter dans deux facteurs importants : les compétences en

R&D et l’accès aux actifs complémentaires. En effet, il faut le plus souvent « posséder des

capacités de recherche substantielles pour comprendre, interpréter et évaluer la connaissance

qui est sur l’étagère. Le coût du maintien de cette capacité est élevé puisque son entretien

1 P. Cohendet et alii, in D. Foray et C. Freeman « Technologie et richesse des nations ». Economica, 1992, p 64.

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Page 8: La stratégie d'imitation

implique la présence d’une équipe de scientifique maison(…). Le moyen de plus sûr de rester

connecté au réseau scientifique est donc de participer au processus de recherche »2.

Selon T. Offerman et J. Sonnemans(1998), l’imitation peut se faire à travers trois mécanismes

qui relèvent de « l’observation »: l’observation des propres expériences d’un acteur,

l’observation des expériences des autres entreprises dans le présent et l’observation des

expériences passées des autres firmes. La capacité d’observation peut être considérée comme

une condition d’imitation.

C. Leboulanger et F. Perdrieu(1999) avancent le concept de capacité d’absorption et de

consolidation du savoir externe. Cette capacité est primordiale pour pouvoir imiter. Des

infrastructures sont aussi nécessaires pour acquérir et assimiler la technologie nouvelle. Il faut

aussi une capacité d’exploiter et d’identifier rapidement les opportunités.

Ce concept de « capacité d’absorption » a été avancé en premier lieu par les travaux de W.

Cohen et D. Levinthal(1989).

Selon ces auteurs, la capacité d’apprentissage et d’innovation dépend de la capacité

d’absorber une nouvelle information ou une nouvelle connaissance. Ils définissent la capacité

d’absorption comme étant la capacité de reconnaissance de la valeur, d’assimilation et

d’exploitation d’une nouvelle information ou une connaissance à des fins commerciales.

La capacité d’absorption remplit deux fonctions. En premier lieu, la compréhension et

l’exploitation de nouveaux progrès dans un domaine donné. En second lieu, fournir une

meilleure évaluation de l’intégration des innovations existantes ainsi qu’une meilleure

prévention des développements ultérieurs possibles.

En bref, la capacité d’absorption est une ressource stratégique.

Les auteurs ont souligné aussi le rôle de la R&D interne qui a une importance majeure pour la

capacité d’absorption. Ainsi, W. Cohen et D. Levinthal(1989) proposent deux fonctions de la

R&D : générer l’innovation et absorber les spillovers des autres firmes.

En effet, W. Cohen et D. Levinthal(1989) notent l’importance de la R&D interne pour

l’absorption des connaissances produites en externe. L’imitation n’est aisée que s’il y a des

efforts préalables de recherches, et une capacité pour acquérir, assimiler et adapter ces

connaissances externes. La capacité d’absorption selon ces auteurs dépend du stock de

connaissances premières (l’investissement propre à l’entreprise en R&D) et aussi de la

capacité d’assimiler et d’utiliser la connaissance externe. Celle-ci a un caractère cumulatif.

L’accumulation est importante pour préparer les phases ultérieures d’acquisition et

d’assimilation, donc une autre accumulation. Les meilleures capacités scientifiques internes

2 1 K. Pavitt in D. Foray et C. Freeman, op. cit, p51.

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Page 9: La stratégie d'imitation

permettent à l’entreprise d’exploiter efficacement la connaissance externe, mais aussi d’en

faire une meilleure utilisation en interne. Dans le travail de W. Cohen et D. Levinthal(1989),

les dépenses de R&D déterminent la capacité d’absorption en augmentant le stock des

connaissances de la firme.

La capacité d’absorption détermine ainsi la capacité d’une organisation à apprendre et à

innover. Elle permet aussi à la firme de reconnaître la valeur des nouvelles informations

externes, de les assimiler et les appliquer à des fins commerciales. Elle rend la firme plus

« proactive ». Elle permet de prédire plus efficacement la nature et le potentiel commercial du

progrès technologique.

Il existe cinq dimensions de base de la notion de capacité d’absorption(C.F.E. Ramangalahy,

2001) :

1. La dimension cognitive : c’est la possession de connaissances préalables et riches dans le

domaine considéré.

2. La dimension informationnelle : la capacité d’absorption est plus grande si l’entreprise

possède préalablement, des informations riches liées au domaine considéré.

3. La dimension réticulaire : elle est autant plus grande si l’entreprise a accès à des sources

d’information riches liées à un domaine donné.

4. La dimension expérientielle : elle dépend des expériences accumulées, des efforts

d’apprentissage investis dans un domaine au préalable. Elle dépend des expériences riches

dans le domaine. Il existe une relation étroite entre la capacité d’absorption, l’expertise et

la sensibilité aux informations et aux connaissances externes.

5. La dimension managériale : elle possède six sous-dimensions qui sont les unités

opérationnelles, la formation, la veille, la communication, la coordination et la stratégie.

Ainsi, la capacité d’absorption d’une organisation est plus grande si elle met en œuvre des

pratiques riches de gestion.

W. Cohen et D. Levinthal(1990 in A.L Vinding, 2001a) ont montré le fait que la capacité

d’absorption est dépendante des individus travaillant dans l’organisation. Ils argumentent que

la capacité d’absorption peut être développée directement en envoyant les employés pour

surveiller et lire la littérature technique dans leurs zones d’expertise.

La capacité d’absorption de la firme se construit au fil de ses efforts en matière de recherches,

dans des domaines similaires à ceux qui vont faire l’objet de l’internalisation. Or, la

transmission ne peut être parfaite et complète vu le caractère tacite de certaines

connaissances. La capacité d’absorption se développe. C’est une construction cumulative,

longue et coûteuse. Elle est nourrie par l’accumulation des compétences. Cette capacité

9

Page 10: La stratégie d'imitation

d’absorption peut se dégrader lors de l’apparition de nouveaux paradigmes sectoriels qui

bouleverse les donnes. Ces paradigmes ou designs dominants peuvent déstabiliser l’entreprise

puisqu’ils sont destructeurs de compétences (Déméter 2000, 1999). Par conséquent, les

connaissances préalables sont primordiales pour la capacité d’absorption mais elles doivent

être combinées avec d’autres facteurs tels que les sources externes de connaissances

(fournisseurs, acheteurs, universités, etc.). Par ailleurs, les capacités d’innover et d’imiter

« sont particulières à chaque entreprise et dépendent du passé d’innovation de l’entreprise

considérée »1.

La firme va, tout au long de son histoire, découvrir ce dont elle est capable de faire, en

fonction de sa faculté d’apprentissage (P. Cabagnols, 1996). Il va exister une sorte de

dépendance de la firme vis-à-vis de ses options technologiques antérieures qui vont

conditionner ses compétences ainsi que ses choix futurs et qui explique les voies très

différentes empruntées par les firmes et l’orientation précise de chacune d’elles. Les

connaissances se cumulent à travers les différentes expériences de l’entreprise elle-même, son

passé, ainsi que celles des autres firmes. L’apprentissage est cumulatif.

Dès lors, les connaissances préalables ont deux fonctions : la fonction de filtre et celle de

leviers. En effet, elles permettent d’identifier et de sélectionner les informations pertinentes.

Elles permettent ainsi de filtrer l’information utile. Puis, au cours du processus d’acquisition

de nouvelles informations et leurs traitements, elles permettent de générer de nouvelles

connaissances.

Plusieurs travaux empiriques indiquent que les organisations n’apprennent pas toujours des

expériences des autres firmes dans une industrie et persistent dans des stratégies inefficaces.

Les préjugés cognitifs ont été analysés dans l’étude de P. Ingram et G. Bhardwaj(1998) ainsi

que leur effet sur la prise de décision. Apprendre est difficile. L’une des barrières à

l’apprentissage inter-organisationnel est que l’expérience des autres organisations peut

apparaître sous une forme ambiguë. Les décideurs ne sont pas obligés de réviser leurs

croyances initiales erronées quant à l’efficacité des stratégies. Les préjugés cognitifs sont des

erreurs systématiques qui compromettent la perception, le traitement de l’information et la

prise de décision d’un stratège.

Outre la capacité d’absorption et d’assimilation dont la capacité d’apprentissage et

d’observation (basée sur la connaissance préalable et la R&D interne), l’entreprise doit

rassembler d’autres conditions internes.

1 F. Chiaromonte, G. Dosi, in D. Foray, C. Freeman, op.cit, p126.

10

Page 11: La stratégie d'imitation

L’imitation est l’une des stratégies de développement d’un nouveau produit. Outre la capacité

de recherche, elle nécessite un certain degré d’expertise en engineering orientée vers la baisse

des coûts de la production. Ainsi, l’entreprise doit avoir un avantage stratégique en matière de

coûts.

La flexibilité de l’entreprise est aussi à noter comme condition. Cette flexibilité recouvre les

structures organisationnelles, les systèmes de production, les processus d’information(T.

Levitt, 1966). Elle doit être combinée avec les autres éléments, ainsi qu’avec l’effet

d’expérience de la firme et sa maîtrise technologique afin de pouvoir imiter. Il faut aussi une

certaine flexibilité dans le recueil de l’information utile sur les concurrents.

L’imitation est fondée aussi sur une compétence marketing spécifique. Elle requiert un bon

suivi des innovateurs et de leurs comportements tout en cherchant le moyen d’accéder aux

informations clés (J-M. Choffray, F. Dorey, 1988).

Les résultats viennent lentement et impliquent une dépense qui peut être considérable.

L’habilité à identifier correctement et puis après de mettre en application un certain nombre

de modifications adaptatives exigent un haut degré d’expertise et d’investissement qui est

spécifique à la tâche d’adoption elle-même.

D’autres conditions s’imposent aussi pour imiter. C’est le cas de la familiarité avec la

technologie, la connaissance du marché, la performance en matière de marketing, la

performance en production avec des coûts et des délais de production meilleurs(sinon

l’imitation perdrait sa logique et sa légitimité).

L’imitation requiert ainsi une adaptation active de la technologie à un nouveau cadre et reflète

ainsi les exigences particulières du nouvel utilisateur (M. K. Bolton, 1993). La nature de

l’imitateur détermine ainsi son imitation. En effet, une fois l’imitation effectuée, elle sera

transformée ou modifiée selon les compétences internes de l’imitateur. Ces compétences lui

sont spécifiques et déterminent par la suite le degré de similitude entre la copie et l’originel,

ainsi que les possibilités d’imitation futures.

L’entreprise devrait alors posséder une connaissance du marché, ainsi qu’un système de

production plus performant. Elle doit s’appuyer sur une pratique de prix plus compétitifs. Il

faut aussi posséder de meilleures références et savoir tirer profit des difficultés de l’entreprise

innovante.

Il faut enfin avoir une expérience en termes de R&D.

11

Page 12: La stratégie d'imitation

Selon ses capacités d’apprentissage, la firme va donc découvrir, au fil des périodes de son

existence, ce dont elle est capable (P. Cabagnols, 1996). L’apprentissage est important dans et

pour l’imitation. La surveillance et l’observation du terrain seront ses outils.

Nous pouvons comprendre encore plus les conditions de l’imitation en étudiant les

paragraphes sur la stratégie de l’imitation et les conditions de sa réussite.

III.2. Les conditions relatives à l’environnement externe :

L’imitation consiste à copier les produits d’un concurrent puis de tenter de le dépasser en

matière de commercialisation et des ventes, de fabrication et de service après-vente(M.

Robert, M. Devaux, 1996). Elle vise à inciter le consommateur à opérer un certain arbitrage

entre le produit originel et sa copie. L’imitateur va en quelque sorte, recréer les étapes de

conception et de fabrication de l’objet qu’il veut reproduire. Pour ce faire, il faut posséder

certains actifs (financiers, humains, matériels, etc.).

D. Teece(1986) définit les actifs complémentaires comme nécessaires à la diffusion. Ces

actifs sont principalement : l’appartenance à des réseaux, la réputation, la R&D incrémentale,

une bonne connaissance des utilisations des produits et des fortes relations avec les

utilisateurs. C. Hill (1993) a aussi souligné l’importance de ces actifs comme condition à

l’imitation.

L’imitation en tant qu’apprentissage par observation nécessite un développement en largeur

de l’entreprise en matière de relations externes et d’investissements substantiels en

information stratégique formelle et informelle.

L’entrée sur un marché peut être réussie par le nouage de liens en réseaux avec les clients, les

fournisseurs et non pas seulement par la fabrication d’un produit similaire et son lancement

sur le marché. Le réseau traduit la dépendance mutuelle entre les organisations. Il est basé sur

des relations multiples et de différentes natures.

Outre les actifs complémentaires définis par D. Teece(1986), d’autres facteurs sont à

considérer comme conditions à l’imitation.

Les conditions de la demande doivent être favorables pour qu’un nouvel entrant puisse offrir

ses produits sans encombrer le marché. Une demande potentielle devrait exister. L’imitateur

pourrait compter sur ses propres clients habituels ou cibler de nouveaux clients.

L’innovateur ne devrait pas aussi manifester des ripostes offensives face aux imitateurs (tels

que les procès). En cas de ripostes, l’imitateur (notamment lorsque son imitation est une

simple reproduction en copie conforme) risquerait de perdre gros surtout lorsqu’une

protection légale existe. Il faut donc agir avec prudence.

12

Page 13: La stratégie d'imitation

III.3. Le rôle de la proximité :

Le rôle de la proximité comme condition à l’imitation a été noté dans plusieurs travaux.

L’importance de la diffusion géographique a été soulignée depuis R. Vernon comme base à sa

théorie du cycle de vie.

Différents types de proximité existent. A. Saives et alii(1999) énumèrent cinq types de

proximité :

1. La proximité géographique : elle facilite les échanges nécessaires au développement

des activités dans une économie où l’accès à l’information devient un facteur clé de

succès.

2. La proximité industrielle : elle est intrinsèque à l’espace. Elle peut être définie en

termes de similitude industrielle (recours à des capacités technologiques semblables)

et/ou de complémentarité industrielle (complémentarité technologique horizontale).

3. La proximité organisationnelle : elle résulte des modes de coordination intra-firme

(organisation intégrée), inter-firmes (réseaux de coopération) ou de marché.

4. La proximité culturelle : elle contribue à cette atmosphère industrielle (évoquée par

A .Marshall, 1890) mais correspond aussi aux grands réseaux comme les réseaux

professionnels. Elle fonde des représentations qui facilitent l’émergence de rationalités

collectives.

5. La proximité temporelle : elle est question de synchronicité dans les offres de

compétences et de produits susceptibles de rentrer dans des relations d’inter-activité.

Plusieurs travaux se sont intéressés à l’étude de la proximité géographique et son rôle dans la

diffusion de l’innovation.

La diffusion des connaissances se fait plus entre des endroits géographiquement proches que

dans ceux qui sont éloignés. Cette idée a été avancée en intégrant le concept du brevet : la

fréquence des citations locales des brevets est supérieure entre les régions proches. Une

prolongation de cette idée est faite par extension à la R&D. Ainsi, D.B. Audretsch et M.P.

Feldman(1996, in J-F. Thisse et T.V. Ypersele, 1999) montrent que le niveau de R&D est

positivement corrélé avec la concentration géographique des innovations. Il y a un caractère

local des idées et des innovations au moins dans les premières phases. Vu l’importance des

contacts répétés entre les acteurs dans les premières phases de développement d’une

technologie, l’importance de la proximité géographique des acteurs est ici d’une importance

majeure.

L. Botazzi, G. Perri(1999) montrent que si la proximité physique(ou géographique) permet les

spillovers, la proximité technologique les améliorent. Ainsi, et parmi les régions proches en

13

Page 14: La stratégie d'imitation

Europe, celles qui ont une structure de production similaire sont les plus efficaces pour

influencer l’innovation. C’est l’un de leurs principaux résultats dans leur étude qui vise à

analyser l’effet des spillovers de la connaissance sur la génération des innovations en Europe.

J-F. Thisse et T. Ypersele(1999) montrent que la proximité géographique réduit le nombre

d’intermédiaires ce qui améliore par la suite la qualité de l’information. Le contact personnel

est un facteur crucial dans la transmission de cette information. Il renforce le rôle de la

proximité. Celle-ci facilite ainsi les échanges qui sont importants pour le développement des

activités économiques. L’accès à l’information devient alors un facteur clé de succès.

Ainsi, et comme on l’a vu dans la partie réservée à la cible de l’imitation, et selon H.

Haveman(1993), les organisations imitent celles qui sont dans la même population, ont les

mêmes structures, stratégies, ressources et contraintes, mais aussi celles qui se trouvent dans

la même zone géographique. Une certaine proximité géographique, technologique et

organisationnelle devrait exister afin de capter les externalités d’apprentissage. En effet, « la

facilité d’imitation augmente avec le nombre d’entreprises en place produisant déjà une

certaine marchandise, et les compétences concernant l’utilisation d’un type particulier

d’équipement fuient de chez tel ou tel adoptant pour se répandre dans l’ensemble de

l’industrie »1. 

III.4. Les conditions relatives au produit :

La reproduction dépend aussi de l’objet lui-même. En effet,  la vulnérabilité de l’innovation

face à l’imitation est conditionnée par la facilité technique de l’innovation ainsi que la

possibilité de protection par la propriété industrielle. La facilité technique de copier

l’innovation présente la facilité par laquelle une autre entreprise peut rassembler les éléments

constitutifs de l’innovation pour la reproduire. Cette facilité fait référence à la notion de

connaissance et sa nature. Ainsi, plus une connaissance est tacite, on trouvera plus de

difficultés à la transmettre donc à l’imiter. Il paraît que les processus sont plus tacites que les

produits et ainsi plus difficiles à imiter (G. Koenig, 1996).

L’une des sources de l’avantage concurrentiel de l’entreprise est son apprentissage collectif et

sa façon propre à elle de coordonner diverses compétences, mais aussi sa propre expérience.

Cet avantage est sujet à l’imitation si l’activité de l’entreprise est simple c'est-à-dire que

l’entreprise fait de l’assemblage de certaines ressources sans transformation donc un

avantage facilement décodable et identifiable, et que l’entreprise imitée n’a pas bénéficié des

effets d’expérience(expérience capitalisée, diffusée et mémorisée).

1 G. Dosi, F. Chiaromonte in D. Foray, C. Freeman, op.cit, p127.

14

Page 15: La stratégie d'imitation

Plus l’avantage de l’entreprise est simple à décrypter et plus facile à reproduire, plus grande

sera sa vulnérabilité devant l’imitation. Plus le savoir-faire est opaque et complexe, plus

l’entreprise est plus assurée contre l’imitation.

Nike copiait son concurrent Reebok International parce que ses atouts étaient facilement

identifiables et imitables : la fabrication dans des pays à bas salaires avec des investissements

dans la commercialisation. Ainsi, la facilité technique du produit et la compréhension de la

source de l’avantage concurrentiel de la firme cible, conditionne aussi l’imitation.

Après l’étude approfondie de tous les éléments concernant les conditions de l’imitation, nous

pouvons déduire un certain nombre de conclusions.

L’entreprise imitatrice doit être très attentive à son environnement afin d’améliorer son stock

de connaissances. Elle doit surveiller sciences, recherches et innovation et leurs

développements.

La recherche propre et l’information obtenue de l’extérieur ne doivent pas être considérées

comme des biens substituts mais complémentaires. On ne consomme pas de l’information

technologique, on l’articule sur une connaissance existante à condition d’avoir les moyens

cognitifs.

Chaque entreprise peut être spécifique par son imitation par rapport aux autres entreprises.

Les conditions de l’imitation constituent l’environnement idéal pour une imitation intelligente

et/ou réussie. Ces conditions ne sont pas toujours remplies par les entreprises imitatrices mais

un minimum de surveillance de l’environnement, de flexibilité et de ressources devrait

exister. Dans ces conditions, l’entreprise devrait imiter avec des coûts et dans des délais

intéressants. Sa stratégie d’imitation pourrait lui être bénéfique.

Le tableau suivant résume les conditions de l’imitation :

Conditions internes Conditions externes Le rôle de la proximité Les conditions

liées au produit

La capacité d’absorption ou le niveau de développement de l’entreprise. Les expériences. Les avantages de coûts et de délai. Le passé de la firme dans l’innovation. La flexibilité. La maîtrise technologique et la familiarité avec la

L’appartenance à des réseaux. La réputation. Les relations avec les utilisateurs. L’existence d’une demande potentielle. L’existence ou non de protection légale. Les possibilités de ripostes de la part de

La proximité géographique. La proximité technologique et organisationnelle.

La facilité technique du produit convoité. Des connaissances non tacites. Une activité simple, décodable, et indentifiable.

15

Page 16: La stratégie d'imitation

technologie. La connaissance du marché. La performance marketing et de production ?

l’innovateur.

Tableau n° 1   : Les conditions de l’imitation.

IV. La stratégie d’imitation :

Après avoir exposé les conditions de l’imitation, nous pouvons enfin aborder le thème de la

stratégie d’imitation.

Nous allons présenter dans ce qui suit des éléments de réflexions autour de la stratégie

d’imitation : sa définition, ses composantes, ses conditions de réussite ainsi que ses effets.

IV-1 Définition de la stratégie d’imitation :

Toute stratégie d’entreprise vise, par définition, et de façon générale, à maîtriser

l’environnement en anticipant son évolution. C’est ce qui revient à : cibler les objectifs de

marché (quelle demande satisfaire ?) et les allocations de ressources (quelle offre faire ?).

L’impossibilité de maintenir son avantage concurrentiel durablement relève presque de

l’évidence. L’imitation souligne le fait qu’aucune idée n’est unique.

Parler des stratégies d’imitation comporte deux volets (L. Philippe, 1984). Les stratégies

d’imitation peuvent d’abord faire référence dans le cadre micro-économique, aux entreprises.

Ces stratégies relèvent alors des actions de ces firmes face à divers choix au sein de la

concurrence avec pour but de favoriser la croissance et le développement de la firme. Les

stratégies d’imitation peuvent ensuite faire référence aux politiques gouvernementales et aux

grandes options économiques et ce, sur le niveau macro-économique.

Au niveau des entreprises, la stratégie d’imitation n’est ressentie que lorsque la technologie

est fondamentale. Sinon, dans le cas d’une technologie incrémentale par exemple, elle n’est

peut être pas ressentie par l’entreprise. Au niveau d’un pays, elle représente une volonté

nationale et mobilise un ensemble d’agents économiques sur tous les niveaux, tous

poursuivant un objectif commun (L. Philippe, 1984).

L’imitation décroît l’écart technologique entre les nations mais aussi entre les entreprises.

Cette stratégie peut être volontaire ou contrainte (J-M Pointet). Elle est volontaire si elle cible

un produit qui ne soit pas encore une norme dans le marché. La stratégie d’imitation peut être

contrainte si un produit innovant a été élu par les consommateurs et qu’il est devenu une

norme de référence. Selon J-M Pointet, la stratégie d’imitation est souvent une stratégie

contrainte. Ceci peut être expliqué par le fait qu’elle cible souvent une innovation réussie.

L’imitation est une stratégie de duplication des compétences distinctives de la firme

16

Page 17: La stratégie d'imitation

innovatrice. C’est aussi une stratégie d’homogénéisation des produits de la part du second

entrant.

La décision d’imiter peut entraîner un ensemble de décisions d’imitations en termes de prix,

de fournisseurs, de publicité, de canaux de distribution, etc.

Plusieurs possibilités s’offrent à une entreprise pour imiter un nouveau produit. Il est possible

de :

Prendre une idée ou une méthode dans une industrie et l’adapter à un autre secteur (par

exemple : les techniques de gestion, le concept de qualité totale, le contrôle de stock, la

livraison à domicile, etc.).

Prendre un produit qui est en fin de son cycle de vie, le rénover et le remettre à neuf ou le

transformer, le moderniser ou en fabriquer les différentes pièces pour en faire un produit

différent.

Assembler un produit en achetant les pièces qui le composent et les assembler en un produit

fini. Offrir en un produit un service d’assemblage de pièces détachées pour d’autres, etc.

Remplacer des matériaux dans des produits existants.

Opérer des changements pour rendre le produit : plus facile à fabriquer, plus sûr ou moins

coûteux à fabriquer, plus écologiques(plus facile à éliminer comme les matériaux recyclables)

ou en faire un produit plus résistants, plus souple, plus acceptable socialement, plus durable

ou plus court à fabriquer.

Combiner deux produits ou services ou plus, en un seul produit. Ceci donnera plus de valeur

parce que la synergie des éléments combinés offrira plus d’intérêts que chacun des éléments

offerts séparément.

Ajouter de la valeur au produit en trouvant une meilleure façon de l’emballer pour le vendre.

Ainsi, l’emballage deviendra plus attrayant, plus original, plus pratique, avec une meilleure

préservation du produit, une possibilité de recyclage ou de réutilisation. Il est aussi possible

d’emballer le produit avec des produits gratuits ou emballer de petites quantités d’articles

offerts en vrac. L’emballage peut aussi être plus réduit et plus léger pour le transport. Il est

possible d’emballer des produits qui ne le sont pas ou emballer des produits semblables qui se

vendent séparément.

Reprendre des caractéristiques du produit originel avec la transposition de ce produit ou de

l’un de ses éléments, dans un autre secteur totalement différent. Tel est le cas par exemple des

lessiviers qui s’inspirent des grands parfums.

On peut saisir une occasion intéressante en trouvant un brevet pour un produit ou un service

qui possède une valeur commerciale, mais qui n’a jamais été fabriqué, ou qui l’a été sans

17

Page 18: La stratégie d'imitation

toutefois jouir d’une commercialisation adéquate. Il peut s’agir d’un brevet échu, qu’on peut

imiter « sans échu ».

Récupérer des marchés abandonnés par des entreprises pour l’une ou l’autre des raisons

suivantes : l’entreprise opte pour une technologie de pointe et ne souhaite plus desservir le

marché qui conserve l’ancienne technologie ; elle a pris tellement l’ampleur qu’elle ne veut

plus s’occuper des petites commandes ; elle conquiert rapidement de nouveaux marchés et

n’est pas en mesure d’assurer un service convenable à l’ensemble des marchés, ou encore une

grande entreprise laisse tomber une affaire rentable pour se contenter des gammes ou secteurs

de produits encore plus rentables. Il faut être attentif aux changements dans les industries, et

être à l’affût des industries qui prennent une nouvelle orientation ou chercher les entreprises

qui mettent termes à leurs activités à certains endroits et analyser sa substitution. En revanche,

il faut toujours qu’il y est des clients intéressés par le produit.

R. d’Aveni(1995) rassemble ces différentes possibilités d’imitation dans une typologie claire

et plus compréhensible en considérant l’imitation en tant que stratégie de différenciation du

second entrant.

Selon cet auteur, les stratégies de différenciation du second entrant sont : l’imitation pure à

bas prix, l’apport d’accessoires supplémentaires, la simplification à l’extrême, les produits

dérivés, les produits reconceptualisés, les produits de marque et les produits compatibles(R.

D’Aveni, 1995) :

1. L’imitation pure avec bas prix : pour ce faire, il faut aussi réduire les coûts de production

et de développement surtout si le pionnier devance les nouveaux entrants dans la courbe

d’expérience. La réduction des coûts est possible par la réduction des dépenses de R&D et

de la commercialisation, et l’amélioration des procédés et des technologies de fabrication.

2. L’apport d’accessoires supplémentaires : ajouter des caractéristiques supplémentaires au

produit pour gagner du terrain dans le marché.

3. La simplification à l’extrême : elle est l’inverse de la seconde stratégie. L’imitateur

supprime les options secondaires pour donner un produit moins cher visant un segment

plus étroit.

4. Les produits dérivés : ces produits ont les mêmes objectifs et les mêmes clients que le

produit originel, mais avec un aspect légèrement différent. Le produit devient plus petit ou

plus grand, avec moins de calories, offerts dans des paquets moins encombrants ou plus

pratiques, etc.

5. Les produits reconceptualisés : en modifiant les utilisations du produit originel(exemple

la bicarbonate de soude).

18

Page 19: La stratégie d'imitation

6. Les produits de marque : fournir des garanties par la publicité, distribuer des échantillons

gratuits et proposer des démonstrations gratuites. Cette issue vise à convaincre le client

lorsque celui-ci est réticent par rapport au produit originel.

7. Les produits compatibles : c’est le cas où le produit originel implique plus de frais pour le

client. L’imitateur peut alors lui éviter ces dépenses en lui proposant des produits

compatibles comme c’est le cas pour les logiciels PC et Macintosh par exemple, pour des

accessoires compatibles comme le modem, etc.

La nature de l’imitateur détermine son imitation. En effet, une fois l’imitation effectuée, elle

sera transformée ou modifiée selon le contexte interne de l’imitateur. Ce contexte lui est

spécifique et détermine par la suite le degré de similitude entre la copie et l’originel, ainsi que

les possibilités d’imitation futures.

IV.2. Les composantes d’une stratégie d’imitation :

L’apprentissage en psychologie est le processus ou l’ensemble de processus qui sous-

entendent les modifications de comportements survenant par suite de l’expérience ou du

contact avec l’environnement.

L’apprentissage est important pour l’imitation. Il est même primordial pour une stratégie

d’imitation réflective. La stratégie d’imitation n’est pas seulement une stratégie d’acquisition

ou d’appropriation mais aussi une stratégie d’adoption et d’adaptation.

La stratégie d’imitation implique un processus d’apprentissage par la surveillance et

l’observation. L’imitation a ainsi deux composantes : la stratégie du suiveur et l’apprentissage

par la surveillance(M.K. Bolton, 1993). Cette stratégie, à partir de ses deux composantes,

aide les firmes à bénéficier de l’expérience du pionnier et à réduire les incertitudes qui

accompagnent une innovation.

La stratégie du suiveur fait référence au retard d’une firme dans l’adoption d’un produit

nouveau ou une nouvelle pratique organisationnelle. Matsushita est un excellent exemple (en

électronique) de ce type de stratégie.

L’apprentissage par observation, qui est la seconde composante d’une stratégie d’imitation,

fait référence aux activités dirigées vers le partage et l’acquisition de la connaissance externe.

La popularité croissante du benchmarking en est un exemple.

La vision américaine tend à garder la réflexion sur la stratégie du suiveur comme aspect de

l’imitation. En revanche, la perspective japonaise est plutôt axée sur la composante de

l’apprentissage. Cet apprentissage résulte de l’acquisition de la connaissance à travers

l’observation et l’assimilation de l’information externe. Cette information sera incorporée par

19

Page 20: La stratégie d'imitation

la suite dans le processus de prise de décision de l’entreprise avant qu’elle se traduise

(l’information) en une portion tangible du produit ou de la stratégie de l’entreprise.

D’autres stratégies sont considérées comme des stratégies annexes de l’imitation : le

positionnement, la qualité, le prix et le marketing. Ces stratégies peuvent éroder la part de

marché du pionnier dans le cas d’une différenciation extrême du produit nouveau ou dans le

cas où les standards technologiques changent pour l’industrie dans son intégralité.

Le produit imitant doit se différencier du produit originel puisque l’imitation est une stratégie

compétitive et non passive comme la contrefaçon. Ainsi les stratégies de positionnement, de

qualité, de prix et de marketing de l’imitateur peuvent réduire la part de marché du pionnier

particulièrement lorsque le produit nouveau est différencié ou que les standards

technologiques changent pour l’industrie toute entière. C’est l’imitation réflective qui ajoute

de la valeur au produit originel et peut assurer à l’entreprise un avantage concurrentiel.

La stratégie d’imitation est une stratégie basée sur la différenciation. C’est une stratégie

concurrentielle très astucieuse, impliquant un investissement, une certaine créativité et une

bonne expertise. Elle est considérée comme l’une des stratégies de développement d’un

nouveau produit.

Bref. La stratégie d’imitation nécessite un certain degré d’expertise en engineering, orientée

vers la baisse des coûts de la production et une capacité de recherche scientifique. Cette

stratégie est utilisée par les firmes qui ont un avantage stratégique en matière de coûts. Elle est

basée en premier lieu, sur un facteur de production moins cher et c’est ce qui légitime le

recours à l’imitation.

IV.3. Les conditions de réussite de la stratégie d’imitation :

Le tableau ci-dessous montre que l’imitation a été une stratégie réussie pour certains, et un

échec pour d’autres. Même l’innovateur n’est pas toujours sûr de réussir.

Innovateur Imitateur

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Page 21: La stratégie d'imitation

Vainqueur

Pilkington : float glass(flottage de verre)G.D Searle : NutrasweetDupont : Teflon

IBM :PC(ordinateur personnel)Matsushita : magnétoscope VHSSeiko : montres à quartz

PerdantRC Cola : Diet Cola EMI : scanner médicalBowmar : calculatrice de pocheDe Havilland : Comet

Kodak : photographie instantanéeDEC : PCNorthup : F20

Tableau n° 2 : Innovateur et imitateur entre échec et succès. Source: D.J. Teece, 1986.

Selon le marché, l’imitation peut être réussie ou non. Dans le cas de la formation d’un marché

nouveau et croissant, il serait important de joindre les éléments clés d’un nouveau design

dominant. Dans le cas de marchés déjà établis et saturés, la différenciation et/ou les bas prix

apparaissent importants particulièrement pour les derniers entrants.

L’imitateur peut établir des politiques profitables qui, malgré son entrée tardive sur le marché

(par rapport au pionnier) lui permettront d’avoir des avantages. Ces politiques peuvent

reposer sur des prix inférieurs, des services offerts plus améliorés et/ou une atteinte meilleure

et plus ciblée des consommateurs. Les avantages de cette imitation sont des coûts

irrécouvrables inférieurs à ceux de l’innovation et un délai de recouvrabilité inférieur aussi (E.

Julien, 1995).

Le maintien de l’avantage de l’imitation tient essentiellement, à défaut de sa maîtrise, de la

juste appréciation de la date de l’imitation. Pour un innovateur, il faut apprécier la date

d’entrée des premiers imitateurs afin de faire une configuration du profit temporel de la

courbe d’investissements (E. Julien, 1995). Ce raisonnement s’applique aussi à l’imitation. Il

faut donc apprécier la date d’entrée des autres imitateurs, pour profiter au mieux de sa

position comme premier suiveur- imitateur sur le marché. De ce fait, il convient de noter qu’il

serait peut être profitable d’être le premier à imiter. Par conséquent, la stratégie d’imitation

doit être une réponse rapide et réfléchie à l’offensive de l’innovation.

M.K. Bolton(1993) énonce cinq conditions selon lesquelles une stratégie d’imitation peut

dégager l’équivalent ou des retours supérieurs à ceux de l’innovation :

1. Dans des industries avec de faibles droits de propriété intellectuelle.

2. Dans des industries technologiquement interdépendantes.

3. Dans des industries avec une grande incertitude technique ou de marché.

4. Dans des industries avec un progrès technologique rapide.

21

Page 22: La stratégie d'imitation

5. Dans des industries avec un flux d’informations rapide.

D’autres travaux ont souligné le rôle de différentes conditions pour la réussite de la stratégie

d’imitation.

D’après A. Thomson et J.P. Formby (1993), l’imitation en tant qu'une stratégie de

"followership" peut s'avérer plus avantageuse qu'un leadership, dans les cas suivants :

1. Lorsque les investissements dans une nouvelle technologie sont spécialisés et inflexibles

et que le changement dans la production de la technologie est rapide.

2. Lorsque les besoins des consommateurs et leurs pouvoirs d'achat changent rapidement.

3. Lorsque la nature du changement technologique implique des déplacements sporadiques

d'une courbe technologique à une autre, plutôt qu'un déplacement dans une seule et même

courbe.

4. Lorsqu'il existe une grande incertitude concernant la direction appropriée de la

technologie.

5. Lorsque les efforts technologiques du leader sont facilement copiables.

6. Lorsqu'il n'y a pas de grandes barrières à l'entrée.

Dans de telles conditions, l’innovation est chargée de nombreux risques, bien au-delà des

désavantages de la nouveauté. Un nombre limité d’entreprises innovatrices réussissent, sans

oublier la faible durabilité de l’avantage du premier attaquant.

Les facteurs énumérés ci-dessus relèvent de l’environnement externe de l’imitation sur lequel

l’imitateur n’a pas réellement d’effets. D’autres facteurs relatifs à l’imitateur lui-même

devraient être considérés.

D. Debicella(1995) propose la combinaison entre deux types de paramètres pour le succès

d’une stratégie d’imitation :

1. Les paramètres matériels : avec une meilleure qualité, une baisse de prix, des

améliorations du produit, etc.

2. Les paramètres de positions : en considérant, le plus, le positionnement sur le marché, la

perception des clients à travers la publicité, en utilisant des canaux de distribution

différents de ceux du produit originel, etc.

Une autre étude complète la vision de D. Debicella(1995) sur le succès de la stratégie

d’imitation.

H. Georg (2001) présente une étude intéressante en matière d’imitation. Il énonce quatre

potentiels requis et indispensables pour qu’un imitateur réussisse sa stratégie d’imitation :

1. Le potentiel d’intelligence de l’imitateur est mesuré par l’analyse de la concurrence,

l’analyse des brevets et l’analyse du marché.

22

Page 23: La stratégie d'imitation

2. Le potentiel technologique de l’imitateur est mesuré par l’importance de la

compétence en R&D pour le succès de l’imitation, l’importance des activités de R&D

pour la compétitivité d’une firme, la fréquence du leadership technologique dans le

passé et la familiarité avec la technologie appropriée pour le produit imité.

3. Le potentiel marketing de l’imitateur est mesuré par l’importance de la connaissance

du marché, l’importance du système de distribution, l’importance de la performance

marketing et l’importance de la part de marché dans les marchés voisins pour le

succès de la stratégie d’imitation.

4. Le potentiel de production de l’imitateur est mesuré par l’importance de la

performance dans la production pour le succès de l’imitation.

Les conditions du succès d’une stratégie d’imitation renvoient aussi aux conditions de

l’imitation que nous avons développées précédemment.

IV.4. Les effets d’une stratégie d’imitation :

Les effets de l’imitation sur l’environnement économique peuvent s’opérer sur :

1. La structure industrielle : par la définition de nouveaux segments,

2. La structure de la concurrence : par l’entrée de nouveaux opérateurs,

3. La croissance : par la création et la satisfaction de nouveaux besoins,

4. Les positions concurrentielles : parce que l’imitation réussie érode des parts de marché

à l’innovateur.

L’imitation provoque des tensions sur les marchés. Elle peut entraîner des situations

d’affrontement ou les aggraver. L’affrontement est la situation dans laquelle plusieurs

intervenants veulent acquérir ou garder la même source. A travers une stratégie d’imitation,

les intervenants auront les mêmes cibles, les mêmes produits ou services (approvisionnés ou

fabriqués) et les mêmes compétences requises(P. Joffre, G. Koenig, 1992).

L’imitation peut aussi représenter un danger pour le langage des marques. En effet, et devant

la prolifération de produits similaires, le consommateur, attiré par les prix, peut se diriger

vers les produits moins chers puisqu’il ne perçoit pas « la différence » et que les deux

produits(originel et copie) lui donnent le même niveau de satisfaction(J-N. Kapfefer, 1991).

L’évolution et le développement des imitations peuvent aussi entraîner l’effondrement du

marché ou la substitution de ce dernier grâce à une autre innovation.

Cette stratégie peut aussi entraîner une baisse des prix dans certain secteurs où la demande du

produit est élastique au prix. Autrement dit, le comportement mimétique peut entraîner une

situation sur-capacitaire du marché à cause de la mauvaise estimation de la demande (H.

Dumez et A. Jeunemaître in F. Charue-Duboc, 1995).

23

Page 24: La stratégie d'imitation

L’imitation peut provoquer une situation sur-capacitaire ainsi que le phénomène de lock-in.

Une situation sur-capacitaire apparaît lorsque le marché est presque saturé en termes d’offre,

mais des entrants par imitation n’arrêtent pas d’affluer. Une demande croissante,

l’introduction de nouveautés dans le produit originel, ou une autre innovation, devraient

remédier à cette situation.

L’effet de lock-in intervient lorsqu’un entrepreneur introduit une innovation (quels que soient

son degré et sa nature), dans un marché, et que sous l’effet de rendements croissants, les

améliorations se font de plus en plus nombreuses par les acteurs du jeu concurrentiel

puisqu’ils sont obligés de suivre la trajectoire initiée par la firme leader. Les adoptions se

suivent et se succèdent jusqu’au verrouillage des possibilités techniques, conceptuelles,

esthétiques, fonctionnelles ou plus généralement, jusqu’à épuisement des stocks d’idées

d’améliorations et de modifications. L’effet de lock-in peut être utilisé délibérément par la

firme leader (et/ou pionnière), comme une barrière à l’entrée. Il permet ainsi de bloquer

l’entrée (J-C. Tarondeau, 1998).

L’imitation n’a pas que des effets négatifs. Elle n’est pas totalement répréhensible.

Les comportements mimétiques peuvent avoir des effets positifs s’ils font promouvoir la

concurrence. La concurrence élargit le marché et renforce la capacité des firmes individuelles,

bien qu’elle peut avoir un effet négatif dans certaines industries où elle peut entraîner une

allocation de ressources non efficiente. Ce type de comportement s’il est combiné avec des

efforts créatifs a été l’un des facteurs très importants dans le succès de firmes japonaises.

L’imitation peut être un bon élément dans la société si elle est bien connue comme telle par

les consommateurs, si elle est de bonne qualité ou si elle apporte de la valeur. Dans de telles

conditions, l’innovateur peut même être amené à améliorer son produit. Les imitateurs

doivent signaler leur présence sur le marché (par de la publicité par exemple). Ils doivent

informer les consommateurs qu’ils substituent l’originel. Dans le cas où l’imitation n’est pas

connue, il est possible que le produit imitant ne réussisse pas. L’imitation requiert pour ce

faire certains efforts en termes de communication.

La loi suprême de l’imitation paraît être, selon G.Tarde(1890), sa tendance à une progression

infinie. Ainsi, à force de s’assimiler à leurs modèles, les copies s’égalent à eux, c'est-à-dire,

deviennent capables d’être modèles à leurs tours en revêtant une supériorité non plus

héréditaire et dépendante mais individuelle et partielle.

V. Le processus d’imitation :

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Page 25: La stratégie d'imitation

Nous allons dans ce qui suit, présenter une tentative de « structuration » du processus

d’imitation. Comme l’innovation, ce processus passe par différentes étapes distinctes. Or,

l’imitation n’est pas un processus linéaire mais combinatoire. C’est aussi un processus

dépendant. Sa première phase est déclenchée suite à la première phase du cycle de vie du

produit nouveau (la phase de lancement). Les imitateurs spontanés et rapides peuvent

commencer à s’intéresser à l’innovation dès les premières phases de R&D.

Certains auteurs schématisent le processus d’imitation en distinguant principalement trois

phases : une phase d’acquisition, une phase mixte et enfin une phase de maîtrise complète et

indépendante (C. Leboulanger, F. Perdrieu, 1999).

Ce schéma s’assimile plus au processus de catch-up dans le cadre d’un mimétisme

international.

Pour imiter, il faut d’abord évaluer les possibilités futures, examiner les concepts ou les

produits qui se vendent bien, établir une liste des principaux facteurs de succès de l’entreprise

cible et trouver comment s’y prendre pour rentabiliser son imitation. Il faut aussi évaluer la

demande afin de ne pas générer un surcroît d’offre qui ne sera dans l’intérêt d’aucune firme.

L’analyse de la demande se fait par son estimation. Ceci peut être fait par les enquêtes

d’intentions d’achats, les opinions des vendeurs, les opinions d’experts, le marché témoin les

séries chronologiques ou l’analyse statistique de la demande.

Il existe trois moyens d’obtenir de l’information sur la demande. Il faut s’intéresser à :

1. Ce que les gens disent : étudier les opinions des chercheurs, de la force de vente et des

experts.

2. Ce que les gens font : par le lancement du produit dans un marché témoin.

3. Ce que les gens ont fait : par les séries chronologiques et les études statistiques.

L’imitation représente la captation unilatérale d’un flux d’information en provenance de

l’innovateur vers l’imitateur. La captation est nécessaire mais pas suffisante (E. Julien, 1995).

La stratégie d’imitation doit passer d’abord par l’observation d’un ou plusieurs modèles, la

comparaison entre les capacités de l’entreprise et ses ressources avec celles du modèle choisi.

L’imitation implique un processus d’apprentissage par la surveillance et l’observation

« learning by watching » (M.K. Bolton, 1993).

L’apprentissage peut se faire par le transfert de savoir ou par imitation. Cette forme

d’apprentissage peut prendre deux formes : l’une directe et l’autre indirecte (J-C. Tarondeau,

1998).

L’apprentissage direct par transfert ou imitation est le fait d’apporter les savoirs (ceux qui

améliorent les performances de la firme) des autres organisations et de les adopter. Cet

25

Page 26: La stratégie d'imitation

apprentissage direct peut prendre la forme d’une fusion ou acquisition afin d’acquérir les

ressources et les compétences dont l’entreprise a besoin.

L’apprentissage indirect par transfert ou imitation (« vicarious learning ») est la recherche

d’informations sur les autres firmes et leur adoption afin de se conformer aux règles

institutionnelles minimisant les conflits.

Par la suite, l’entreprise passe à l’action par l’appropriation des ressources, actifs ou capacités

et informations dont elle a besoin pour accomplir sa stratégie.

La R&D imitative est une phase qui intervient entre l’observation et l’acquisition des

ressources nécessaires pour imiter. La recherche appliquée peut déboucher sur un produit

différencié par rapport à celui de l’innovation.

La phase de développement de l’imitation est une phase intermédiaire importante entre

l’observation et l’apprentissage, et le lancement.

Le développement peut être technique, commercial ou juridique.

Le développement technique passe par la mise au point et la réalisation de prototypes, avec le

choix des fournisseurs et des sous-traitants.

Le développement commercial se fait par la fixation des prix, le choix des canaux de

distribution, le choix des zones de lancement ainsi que le choix des supports de publicité et de

la publicité appropriée.

Le développement juridique peut ne pas avoir lieu mais si l’imitation est réflective,

l’entreprise pourra faire appel aux différents instruments de protection. Elle peut aussi

protéger son savoir-faire.

La phase de lancement du produit imitant coïncide généralement, avec la phase de croissance

dans le cycle de vie du produit nouveau.

Dans la phase de croissance (du cycle de vie du produit nouveau), l’imitateur vise à réussir lui

aussi. Il apporte des améliorations dans le produit et profite des erreurs du pionnier. Il

bénéficie de moins de risques, moins de dépenses de recherches et de mise en œuvre mais il

ne peut, peut être pas, bénéficier des mêmes rentes que l’innovateur.

L’entrée tardive, dans la phase de maturité (du cycle de vie du produit nouveau) doit apporter

de nouveaux éléments au produit ou accéder à de nouveaux débouchés en ciblant une clientèle

qui n’est pas encore touchée.

Dans la phase de déclin, l’entrée tardive consiste à commercialiser le produit (puisque

plusieurs entreprises y renoncent) et cibler une clientèle résiduelle (par exemple les PVD).

Bref, l’imitation est le processus par lequel l’information se dissémine.

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Page 27: La stratégie d'imitation

La firme va découvrir, tout au long de son histoire, ce dont elle est capable de faire en

fonction de sa capacité d’apprentissage (P. Cabagnols, 1996).

L’imitation peut être juste une étape dans le processus de développement d’une firme, d’une

nation.

Ces phase n’existent pas obligatoirement dans l’entreprise imitatrice. L’imitateur pourrait se

passer par exemple de la phase de R&D imitative et lancer une copie pure et simple de ce

qu’il voit dans le produit nouveau. L’apprentissage par contre est important. Ici, on revient

aux conditions de l’imitation comme base à la stratégie d’imitation. Ces conditions combinées

avec les conditions de réussite de la stratégie d’imitation, peuvent rendre la stratégie

d’imitation une stratégie bénéfique pour l’entreprise, pour les consommateurs et pour

l’économie nationale en général.

Le schéma suivant tente de résumer les principales étapes du processus d’imitation.

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Nouvelles idées

Communication des nouvelles idées par :

Page 28: La stratégie d'imitation

Décision

Schéma n° 1   : Modèle global récapitulatif des principales étapes du processus d’imitation

VI. Le mimétisme international :

L’imitation a été étudiée dans la théorie contemporaine du commerce international. Les

principaux auteurs qui ont étudié le rôle de l’imitation dans le commerce international sont

Posner avec l’analyse de l’écart technologique, Vernon avec la théorie du cycle de vie du

produit, et Johnson dans sa théorie dynamique du commerce internationale, de

l’investissement, des migrations et de la croissance économique (L. Philippe, 1984).

Le succès des NPI a été expliqué par leur accès aux technologies de l’Occident par différents

mécanismes. Ils ont bénéficié d’un transfert de technologies, et à travers le temps, ils ont su en

faire un avantage en dépassant de plus en plus cette phase de rattrapage industriel.

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Divulgation par la protection de la propriété industrielle

Lancement et diffusion sur le marché

Erreurs éventuelles du pionnier combinées avec : (et/ou)

Succès de l’innovation combinée avec : (et/ou)

Choix de la cible : grande firme(taille), firme leader, firme réussie, etc.

Observation d’un ou plusieurs modèles. Surveillance de l’environnement concurrentiel.

Evaluation de la demande et des potentialités de l’imitateur

Captage des idées grâce aux méthodes et aux sources d’informations(acquisition)

R&D imitative : Collecte, analyse et validation

Affrontement avec l’environnement interne et externe de l’entreprise imitatrice

Lancement du produit

Manufacture Production

Marketing du produit

Développement

Page 29: La stratégie d'imitation

Le rattrapage technologique n’est pas toujours réussi. Certains pays sont devenus des maîtres

dans le jeu concurrentiel au niveau international ainsi que pour l’échange technologique et

industriel. Ils ont réussi assez rapidement à se développer tout en accumulant des capacités

technologiques.

D’autres ont échoué à bénéficier d’un niveau de développement comparable à celui des pays

développés et même a être indépendants et autonomes en termes économiques et

technologiques.

Les pays d’Asie et les pays d’Afrique sont relativement partis dans la même période(la

seconde moitié du 20ème siècle) avec presque les mêmes moyens et un niveau de

développement comparable. Les uns ont réussis, les autres non. Bien que les NPI du sud et

sud-est asiatiques restent encore fragiles, néanmoins, leur niveau de développement est

sensiblement meilleur que celui des pays d’Afrique. Les échecs du mimétisme ne touchent

pas que les pays africains mais aussi les pays de l’Amérique du Sud (D. Rouach, 1993).

VI.1. Les raisons d’échec et de succès des pays imitateurs :

L’idéologie mimétique explique le remplacement des technologies jugées anciennes par les

nouvelles technologies apparues. Cette idéologie mène à la non utilisation des technologies

utiles et bénéfiques. Dès lors, il faut prévenir les entreprises du risque de choisir une

technologie nouvelle tandis que celle jugée « ancienne » est encore bénéfique (D. Thévy,

1994). C’est en un mot, ce qui s’est passé dans les pays d’Afrique.

Plusieurs chercheurs ont tenté de déterminer les raisons de la réussite de certains pays et

l’échec d’autres.

Le recours à l’imitation, et le déficit des PVD peut être expliqué par les raisons suivantes (S.

Brion, 1994 ) :

Les raisons techniques et financières : déficit du transfert de technologie, déficit de

l’innovation, manque de moyens, etc.

Les raisons historiques.

Le retard des pays africains peut ainsi être expliqué par leur histoire. En effet, la majorité des

PVD(en Afrique) n’ont eu leur indépendance qu’après la seconde guerre mondiale. Les

dirigeants de ces pays ont une grande influence sur leur histoire actuelle. Ils ne peuvent pas se

passer de leur passé colonial, et en même temps, sur le plan commercial et des échanges, ils

ont plus de relations avec le pays ex-colonisateur qu’avec le reste du monde. Un désir de

rattrapage rapide du retard technique et économique animait ces pays ce qui était favorable

pour les transferts de technologies. Ce désir de rattrapage s’est avéré dangereux parce qu’il

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Page 30: La stratégie d'imitation

peut amener à faire des choix ne correspondant pas aux intérêts du pays (D. Rouach, 1993).

L’histoire de ces pays montre aussi le rôle négatif de l’immigration et l’exode des campagnes.

La majorité de la population était composée de paysans sans oublier le manque de main-

d’œuvre qualifiée (coût, productivité, etc.).

Selon S. Quiers-Valette(1999), le succès des NPI n’est pas seulement lié à l’imitation du

modèle des pays développés ou aux forces concurrentielles du marché mais aussi à

l’encouragement et la mise en valeur de l’initiative individuelle à travers l’action de l’état.

L’échec des pays africains est dû à différents facteurs, selon l’auteur, et qui sont surtout

l’étroitesse des marchés internes, les spécifications régressives sur le marché mondial ainsi

qu’un déficit institutionnel perpétré par des états rentiers et prédateurs. Les uns(les pays

d’Asie) ont encouragé les initiatives individuelles et les ont favorisées tout en les aidant à

surmonter les difficultés et à devenir des preneurs de décisions. Les autres(les pays d’Afrique)

ont découragé les initiatives et les ont englouties dans un engrenage de routines et d’imitation

routinière et un apprentissage gestuel négatif, pur et simple.

Par conséquent, les pays africains ont échoué dans leurs efforts mimétiques. Leurs dettes

proviennent justement du mimétisme aveugle qu’ils se sont empressés de suivre, par la

construction d’usines et de grands projets imitant ceux des pays occidentaux. Ces pays ont

décidé par la suite l’arrêt de certains projets, et ont demandé l’assistance technique pour

pouvoir faire marcher les usines qui existent, dans la limite des crédits publiques d’aide. Mais

même l’assistance technique n’a pu résoudre le problème (R. Boyer et alii, 1994).

Les raisons de l’échec peuvent s’expliquer aussi par le désir d’autonomie. Mais l’autonomie a

mené à plus de dépendance et d’asservissement technologique. L’identité nationale a été

menacée par les stratégies de rattrapage aveugle qui trouve comme justification la promotion

d’un développement rapide. La préférence pour les techniques venues d’ailleurs plutôt que

pour la créativité locale est aussi à noter comme l’un des facteurs d’échec des stratégies

africaines de catch-up.

Une raison encore importante du déficit des stratégies de rattrapage technologique des PVD

est le manque d’une capacité d’adaptation et d’absorption et une capacité d’apprentissage. En

effet, le transfert de technologie nécessite une adaptation de la technologie et du savoir-faire.

D’après cette brève synthèse des différentes raisons de succès et d’échec des pays imitateurs,

nous pouvons aborder le thème des conditions de l’imitation internationale (tout comme les

conditions de l’imitation inter-organisationnelle). Ces conditions ont été décisives dans le

succès des uns et l’échec des autres.

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Page 31: La stratégie d'imitation

VI.2. Les conditions du mimétisme international :

Pour imiter un pays, il faut réunir certaines conditions : un développement suffisant des

connaissances scientifiques et techniques, une expérience industrielle, et la capacité

d’adaptation à un savoir-faire et à des techniques étrangères. Il faut aussi une demande locale

ainsi qu’une bonne législation.

La différence entre les pays qui ont réussi leur processus de rattrapage technologique et

d’industrialisation, et ceux qui ne l’ont pas réussi, réside le plus dans le concept de

« dynamisme technologique ». Ce terme inclut (S. Brion, 1994) :

La capacité à copier une technologie parce que la technique et le savoir-faire sont

indispensables.

La capacité d’absorption et de déploiement des technologies nouvelles d’une manière

efficace.

La capacité d’adaptation de ces technologies aux conditions locales.

Le dynamisme technologique requiert aussi une politique de R&D. Pour le réussir, il faut

combiner les incitations, les capacités et des institutions adaptées.

La capacité d’innovation est liée au niveau de développement du pays. Les capacités

d’imitation, par déduction, sont aussi dépendantes de ce niveau (L. Philippe, 1984).

L’imitation n’est pas la simple adoption des modèles étrangers et leur reproduction. C’est

l’adaptation de ces modèles dans le contexte local avec des modifications qui peuvent être

novatrices. L’imitation est, de ce fait, innovante. Elle prépare le pays à des phases ultérieures

d’innovation en favorisant ainsi la création d’une capacité nationale d’innovation.

La capacité d’imitation technologique est déterminée par les structures de recherche pour la

maîtrise technologique. Celle-ci peut être assimilée à l’expérience technique et industrielle

des ressources humaines qualifiées telles que les techniciens et les ingénieurs par exemple.

Cette maîtrise est primordiale pour le développement de la capacité d’imitation dont la

capacité d’apprentissage.

En 1954, Hirschman(in S. Quiers-Valettes, 1999) a avancé l’idée du rôle de l’apprentissage

collectif(social learning) dans le développement.

La capacité d’imitation peut être assimilée au concept de « capacités sociales » introduit par

Abramovitz (1979, 1986 in K. Linsu, 1999) et qui inclut les facteurs organisationnels et

institutionnels du pays. Ce concept inclut donc la capacité d’un pays à imiter les produits

réalisés ailleurs, tout comme la capacité d’adapter les technologies importées au contexte

national ou la capacité d’importer des formes adéquates institutionnelles et organisationnelles.

31

Page 32: La stratégie d'imitation

L’adaptation de l’entreprise imitatrice passe par l’amélioration de son processus

technologique, tout comme les entreprises innovatrices (S. Brion, 1994). Elle vise la réponse à

l’évolution des produits ainsi que la prévention de la demande. Il faut introduire des

améliorations dans les techniques de production, et les revaloriser. C’est surtout le cas pour

les produits incluant une technologie élevée.

Par conséquent, l’imitation peut être un moteur pour l’industrialisation sous deux conditions :

La rapidité de la diffusion de l’information.

Un effort d’adaptation aux techniques nouvelles.

Le mimétisme peut représenter une menace réelle si le pays ne possède pas les moyens

efficaces pour adopter et adapter les nouvelles technologies. Il faut qu’il y est des capacités

d’absorption des technologies venues d’ailleurs donc un stock initial combiné avec des flux

additionnels.

Bref. Le mimétisme peut être une bonne solution pour le rattrapage technologique mais sous

certaines conditions.

VI.3. Les risques du mimétisme :

Certains pays asiatiques souffrent de pénuries en termes de ressources naturelles, de pressions

démographiques, mais ils ont surpris le monde par leur rapidité d’assimilation technologique

par rapport à d’autres pays qui possèdent des ressources et ont une faible densité de

peuplement.

Or, l’imitation peut avoir aussi des répercussions négatives sur la nation en entier. Elle peut

être une source de coûts en ce qu’elle engendre comme changements supplémentaires (S.

Brion, 1994) :

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Page 33: La stratégie d'imitation

Le coût démographique : par la création d’entreprises non porteuses de développement, et

l’émergence d’une classe d’entrepreneurs protégés (aussi par l’état) pour leurs devises.

La dépendance du pays au tourisme et à l’importation.

Le manque de qualité et de sécurité.

Le mimétisme a donc ses critiques.

D’abord, l’asservissement à un seul système économique. Ensuite, les articulations avec les

organisations multinationales. Il y a aussi la destruction rapide de l’héritage technique du

pays, l’effondrement des systèmes de production du monde rural et artisanal.

Un autre risque de l’imitation consiste dans le risque de la mise à l’écart dans les relations

internationales.

L’uniformisation est l’un des dangers du transfert de technologie. Les spécificités du pays

importateur d’une technologie peuvent être effacées par la diffusion de techniques étrangères.

Le pays perd alors son originalité (D.C. Lambert, 1979).

Les leçons à tirer des exemples des PVD et des NPI sont nombreuses.

En résumé, l’imitation peut profiter à une nation comme elle peut être un échec pour une

autre.

Les enjeux de l’imitation internationale sont nombreux. Pour pouvoir imiter et exporter, les

firmes du pays imitateur doivent respecter un certains nombres de critères : qualité technique,

normes, coûts unitaire, etc. C’est parce que le marché international est difficile. Il faut donc

avoir une bonne qualité et préserver un certain niveau de coûts de production afin de rester

dans la compétition internationale.

Eviter le mimétisme négatif passe par une politique nationale de réglementation sur les

conditions d’entrées des capitaux étrangers. Il faut qu’il y est un effort de défense nationale.

Accéder à l’indépendance scientifique et plus tard, à l’indépendance technologique, ne passe

pas seulement par l’acquisition de la connaissance et de la compétence. Accéder à

l’autonomie technologique se fait par un apprentissage docile et résolu. Les pays d’Afrique

ont préféré l’appropriation pure et simple comme volonté nationale pour préserver une

maîtrise d’œuvre nationale, à l’apprentissage par imitation et l’acquisition des technologies

par l’achat de licences ou l’acquisition de brevets.

Conclusion :

Pour imiter, il faut d’abord évaluer les possibilités futures, examiner les concepts ou les

produits qui se vendent bien, établir une liste des principaux facteurs de succès et d’échec de

l’entreprise cible et trouver comment s’y prendre pour rentabiliser son imitation. Il faut aussi

évaluer la demande afin de ne pas générer un surcroît d’offre qui ne sera dans l’intérêt

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Page 34: La stratégie d'imitation

d’aucune firme.

La stratégie d’imitation doit passer d’abord pas l’observation d’un ou plusieurs modèles, la

comparaison entre les capacités de l’entreprise et ses ressources avec celles du modèle

convoité. Par la suite, l’entreprise passe à l’action par l’appropriation des ressources, des

actifs et des informations dont elle a besoin pour accomplir sa stratégie.

Différentes opportunités d’apprentissage se présentent pour les entreprises. Elles peuvent

apprendre de leurs propres expériences, apprendre en imitant les autres entreprises ou

apprendre des expériences des autres entreprises. Ces trois opportunités d’apprentissage

peuvent se combiner mutuellement pour aboutir à l’apprentissage de la firme.

Une stratégie d’imitation a plusieurs débouchés. L’imitateur a le choix entre plusieurs

possibilités qui varient entre la copie pure et simple jusqu’à une stratégie de différenciation du

second entrant.

L’imitation peut être une stratégie réussie si elle combine entre les moindres coûts, une

rapidité de réponse ainsi qu’une stratégie de différenciation. Le temps de réaction est aussi

important ainsi que l’environnement d’accueil (la demande, les fournisseurs, les circuits de

distribution, etc.).

A propos du mimétisme international, nous pouvons conclure qu’il se base sur l’identification

aux réalisations les plus avancées des pays avancés.

Plusieurs pays asiatiques ont pu rattraper les pays industrialisés par des pratiques de catch-up.

Ces pratiques ont réussi dans ces pays et échoué dans d’autres.

En Asie, le mimétisme a plus ou moins réussi. Il a été combiné avec d’autres conditions,

surtout des conditions internes (capacité d’absorption du pays). Cette stratégie n’aurait peut

être pas réussi sans l’intervention de l’état. Dans le modèle coréen par exemple, l’état a

favorisé le processus de « grignotage » : l’assimilation et la diffusion active de l’information

requise. Le rôle de l’état a été primordial pour la formation de la population pour

l’observation, l’assimilation et l’éducation (S. Brion, 1994).

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