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La conception d’une autoroute au Sénégal. Vers un aménagement multidimensionnel conciliant développement et mise en valeur patrimoniale.
Aimé KANTOUSSAN
Doctorant HTPS/HERITECHS
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
3, rue Arthur Rozier 75019, Paris-FRANCE
Résumé
The current building of a toll-highway in metropolitan Dakar will provide substantial socioeconomic benefits for Senegal. The capital city faces major traffic problems, which reduce mobility and make it difficult to maintain fluid exchanges with the rest of the country. Because of its geographic location, Senegal plays a strategic economic role in West Africa. As a consequence of that, the cargo tonnage transiting through the Port of Dakar has been constantly expanding over the years. Today, this freight is shipped by a system of trucks to the interior of the country, but also to cities like Bamako and Ouagadougou. However, the heavy traffic in the metropolitan area of Dakar and the degradation of the roads create numerous jams that make the truckers waste so much time. A number of studies have shown that every year Senegal endures billions of revenue loss due to these problems. This situation calls for a strategy intended for the enhancement of the fluidity of the traffic to and from Dakar.
El edificio actual de un peaje de carretera en el área metropolitana de Dakar proporcionará importantes beneficios socioeconómicos para el Senegal. La ciudad capital se enfrenta a principales problemas de tráfico, que reducen la movilidad y hacer que sea difícil mantener el intercambio fluido con el resto del país. Debido a su ubicación geográfica, Senegal tiene un papel económico estratégico en el oeste de África. Como consecuencia de ello, el tonelaje de carga que transitan por el Puerto de Dakar ha sido constante expansión en los últimos años. Hoy en día, esta carga se transporta por un sistema de camiones al interior de la país, sino también a ciudades como Bamako y Ouagadougou. Sin embargo, el el tráfico pesado en el área metropolitana de Dakar y la degradación de los caminos crear numerosos atascos que hacen los camioneros perder tanto tiempo. Varios estudios han demostrado que cada año miles de millones Senegal perdura de la pérdida de ingresos debido a estos problemas. Esta situación exige una estrategia destinada a la mejora de la fluidez del tráfico a y desde Dakar
Mots-clés : Mobilité, infrastructures et réseaux de transport, impact sur le patrimoine,
paysages, développement.
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Pour mieux camper notre projet de recherche doctoral, il est nécessaire de faire
l’historique de l’évolution de la presqu’île du Cap-‐Vert. Celle-‐ci a connu une
occupation humaine multiséculaire, aujourd’hui, certains de ces vestiges entre autres
les «villages traditionnels» de Yoff, Hann, Bargny, Rufisque et Ouakam1, témoins de
l’époque de la période des pêcheurs, les vielles bâtisses de type colonial dans le
centre ville et ses environs au milieu de grands immeubles modernes. Tous ces
différents types d’architecture se côtoient dans le paysage urbain dakarois et
témoignent de différentes phases d’évolution de la presqu’île du Cap-‐Vert.
« Soudé par un col d’une cinquantaine de kilomètres à la courbure du renflement
ouest africain, a peu près à mi-‐distance entre le 30° degré de latitude où commence le
désert et les pays du Bénin »2, c’est en effet, de tous les «Finistères», le plus occidental
de l’Afrique. Ainsi, grâce à sa position géographique, la presqu’île du Cap-‐Vert a
longtemps attiré des hommes depuis l’époque des pêcheurs préhistoriques qui se sont
installés sur les côtes atlantiques, mais aussi par sa situation favorable sur les lignes
de grande navigation et sur les lignes transatlantiques. Si grâce à sa position
géographique, la région du Cap-‐Vert a longtemps attiré et constitué un carrefour de
tout premier plan, son processus d’évolution connaîtra un tournant décisif au
lendemain de la décision dans les années 1850, de l’administration coloniale
française d’y établir un port dans les eaux profondes et quelques années plus tard de
faire de Dakar la capitale de l’ancienne Afrique Occidentale Française, détrônant
l’ancienne capitale Saint-‐Louis3. Ce statut lui valut déjà à l’époque d’être une énorme
accumulation humaine et d’activités administratives, économiques et sociales.
L’organisation de la ville tournait autour du port.
1 Ces villages tradionnels sont habités par des populations Lebbou qui sont considérés comme les premiers habitants du Cap-‐Vert et ceux ci sont sont des pêcheurs redoutables et de grands connaisseurs de la mer, ces villages traditionnels se localisent sur le long de l’océan Atlantique. 2 SECK, Assane (1970): Dakar métraopole Ouest-Africaine. Mémoires de l’institut Fondamental d’Afrique Noire. IFAN-‐Dakar, 516 p. 3 Ce qui entraîna progressivement le déclin de cette ville qui fût jadis si rayonnant.
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Jusqu’à la fin des années 1970, la ville de Dakar s’est développée selon les premiers
plans cadastraux4. Cependant, concentrant de plus en plus d’activités principalement
sur la tête de la presqu’île, au lendemain des indépendances et face à la crise
économique des 1980, celle-‐ci poussa des milliers de paysans dans la capitale fuyant
la précarité dans les campagnes. Face à cette migration accrue qui ne fait que favorisé
le développement fulgurant des bidonvilles, à la concentration de la presque totalité
des activités économiques, administratives, voire académiques sur la presqu’île, Dakar
a fini par étouffé.
4 L’un des ces plans cadastraux datant de la fin du fin XIX e siècle avait meme prévu le tracé actuel de l’autoroute.
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Figure 1: cartes motrant l’évolution de la ville de Dakar entre 1862 et 1958
Les rapports d’études du Conseil Exécutif des Transports Urbains de Dakar (CETUD),
ont toujours fait état de perte de plusieurs milliards de francs Cfa chaque année à
l’Etat sénégalais du fait principalement d’une mauvaise politique en termes de
mobilité mais surtout du manque criard d’infrastructures routières et de la vétusté de
celles existantes, d’où les incessants embouteillages, mais aussi le vieillissement
rapide du parc automobile notamment dans le secteur des transports5. Afin de palier
cette insuffisance en terme de mobilité, le gouvernement sénégalais a mis sur pied
depuis quelques années une politique de construction d’infrastructures linéaires, mais
5 Depuis plusieurs années, le Port Autonome de Dakar (PAD) est devenu une plaque tournante dans le frêt des marchandises dans la sous-‐région, ce qui se traduit par des va et vien incessants des gros porteurs raliant les différentes capitales de la sous region telle que Bamako…
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aussi des programmes ayant pour but de se pencher sur les questions de la mobilité
en générale au Sénégal6.
Le projet de l’ « autoroute de l’avenir » a vu le jour dans ce contexte d’insuffisance en
termes de mobilités, vu sous cet angle, l’ « autoroute de l’avenir » est une lueur
d’espoir notamment pour les entreprises privées7, les habitants des banlieues, qui
passent plusieurs heures pour rejoindre leurs lieu domicile, leur lieu de travail, les
secteurs des transports. Mais aussi dans un contexte de crise économique, argument
utilisé par les principaux détracteurs de cette infrastructure, qui forcément va créer
de la valeur. En effet même sans le problème des embouteillages, une nouvelle
infrastructure plus performante crée de la valeur, elle offre une accessibilité plus
vaste, des portées supplémentaires et des choix de destination plus nombreux8.
Dans la mesure où « l’espace public est intimement marqué par la mobilité, qui prend
des formes successives et connaît elle aussi des périodes d’ordre et de désordre, de
massification et de désertion »9, aujourd’hui, sans pour autant peindre Dakar, poumon
économique et administratif du Sénégal dans un tableau noir, est caractérisé par une
massification croissante et un désordre. Sur un autre angle, la construction de
l’autoroute Dakar-‐Diamnadio soulève une question de recherche fondamentale qui
jusqu’à nos jours n’est pas trop abordée dans les différents champs
historiographiques de l’Afrique, il s’agit de la mobilité en générale. Comme l’a
souligné Gordon Pirie dans: African Mobility History : récent texts on past passages,
la question de la mobilité ne fait pas l’objet de grands débats, de grands projets de
recherche ni de publications. En outre, l’histoire des transports, de la mobilité est très
largement dominée par l’histoire du chemin de fer, des cheminots celle-‐ci est en
6 Le PATMUR: Programme d’Appui au Transport et à la Mobilité Urbaine, est un exemple de types de programmes de mobilité développés par le gouvernement. Son objectif est de contribuer à améliorer le niveau de service global sur réseau routier national et d’assurer la desserte des zones enclavées et d’améliorer la mobilité urbaine. 7 Celles-‐ci sont les plus touchées par le phénomène des embouteillages à Dakar mais aussi investissent beaucoup chaque année pour l’entretien de leur parc automobile 8 Publications actes du colloque scientifique sur les observatoires autoroutiers et d’infrastructures linéaires: incidences environnementales et socio-‐économiques à partir de du cas de l’A39. APRR, 2005, 145p. 9 PASSALACQUA, Arnaud (2010): La bataille de la route. Paris, Descartes&Cie, 118p.
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étroite relation avec l’histoire de la période coloniale mais aussi des indépendances
dans la plupart des pays africains. Cependant il y a très peu de travaux sur l’histoire
de la route en Afrique sur la période pré-‐motorisation en d’autres termes sur l’histoire
des caravanes10.
Le système des transports revêt un caractère très complexe au Sénégal, ainsi, le
secteur informel et le secteur formel des transports se disputent la chaussée, à Dakar,
malgré la présence de plusieurs types de transports qui se livrent à la « bataille de la
route », le problème des transport notamment des passagers demeure aujourd’hui
plus qu’entier, l’autouroute Dakar-‐Diamnadio en absorbant une partie de ce flux
permettra-‐t-‐elle de venir à bout de cette situation ? Parmi les multiples implications
de l’autoroute prévisibles, est le respect du code de la route, le gouvernement
sénégalais devra dans le cadre de la gestion de cette infrastructure linéaire qui est la
première dans ce genre en Afrique subsaharienne, mettre sur place des politiques
strictes de code de la route afin de prévenir certaines situations telles qu’en Chine ou
l’avènement du phénomène autoroutier est à l’origine de plus cas d’accidents mortels
par an.
Le tracé de l’autoroute passe par plusieurs quartiers populaires de la banlieue,
traverse des lieux de mémoire tel que Thiaroye, des sites archéologiques en
l’occurrence ici les dunes ogoliennes, une forêt classée, les villes avec un patrimoine
architectural et historique très riche, l’image de Rufisque. La construction de
l’autoroute est un prétexte pour nous d’évoquer, de redécouvrir tout ce divers
patrimoine, en effet, face l’urbanisation galopante, associée à de nombreux facteurs, le
patrimoine de la presqu’île du Cap-‐Vert est très menacé et de nos jours plusieurs sites
et vestiges témoins du passé ont disparu sans laisser de traces.
Parler de patrimoine, notion diverse et délicate, « c’est d’abord désigner l’ensemble
des biens hérités ou réunis et conservés, dont l’on dispose et que l’on transmet aux
10 Les principaux travaux sont ceux de: ROCKEL, S.J. (2006): Carriers of culture: labor on the road in Nineteenth-Century East Africa. Portsmouth, NH:Heinemann, ROCKEL, S.J. (2009): “Slavery and freedom in nineteenth century East Africa: the case of Waungwana caravan porters”. African Studies n°68, pp. 87-‐109.
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descendants. Disposer d’un patrimoine, d‘un patrimoine, c’est disposer d’un bien, de
valeurs susceptibles d’être transmises »11. Ainsi donc, « on possède un patrimoine, on
l’entretien ou pas, on le fait fructifier ou pas ; dans tous les cas, positif ou négatif, on le
transmet »12. Dans cette perspective, nous profiterons de la construction de cette
infrastructure linéaire pour évoquer les questions liées au patrimoine bâti colonial
dont la ville de Rufisque est un bel exemple, le patrimoine populaire qui est dans le
cadre de notre étude représenté par tous ces quartiers populaires traversés par
«l’Autoroute de l’Avenir» : Pikine, Thiaroye…, le patrimoine écologique avec la forêt
classée de Mbao, le patrimoine archéologique avec les dunes ogoliennes13.
11 GARCON, Anne-‐Françoise: Le patrimoine, antidote de la disparition?, in Historiens&Géographes n°405, pp197-‐206. 12 Ibid. Ibidem. 13 Nous avons déjà effectué une prospection archéologique sur une partie du tronçon de l’autoroute Dakar-‐Diamnadio il s’agit de la zone située entre les deux échageurs de Rufisque Ouest sur une distance de 6km et nous avons découverts plusieurs sites archéologiques datant pour certains d’entre eux du Néolithique, de la protohistoire...