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Ubi societas ibi jus
Université Montpellier
Faculté de droit et de science politique
Année 2017/2018 : Licence 1 Semestre 1- Groupe B , Pr. S. Cabrillac
Introduction au Droit – Plaquette de
travaux dirigés
Equipe pédagogique : Pierre BORDAIS, Sébastien FUCINI, Laura
MARGALL, Alice ROQUES
Liste des thèmes
séance n° 1 : Réflexion générale sur le droit, p. 3
Première partie : La création du droit : les sources du droit séance n° 2 : La codification, p. 4
séance n° 3 : La hiérarchie des normes et préparation méthodologique à
l’analyse de décisions de Justice, p. 5
séance n° 4 : La hiérarchie des normes et première analyse de décisions de
Justice, p. 8
séance n° 5 : L’application de la loi dans le temps : illustrations, p. 10
séance n° 6 : La jurisprudence et la coutume, p. 13
Deuxième partie : La réalisation du droit séance n° 7 : Qualification, classification et interprétation, p. 18 séance n° 8 : La charge de la preuve, p. 20
séance n° 9 : Le droit de la preuve : révisions, p. 21
séance n° 10 : Correction du partiel du samedi 2 décembre
Annexe :
- Méthodologie, p. 22
- Sujets corrigés des partiels d’introduction au droit 2006 et 2001
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Déroulement des séances et notation
I) Les 5 règles d’or
Règle n° 1 : La présence en séance est obligatoire (seule les absences
justifiées par un certificat médical seront admises).
Règle n°2 : Toutes les séances doivent faire l’objet d’une préparation
manuscrite (AUCUN document tapé ou envoyé par mail ne
sera admis). Les exercices à réaliser sont indiqués dans chaque séance.
Règle n°3 : Les ordinateurs portables sont interdits durant les séances de
travaux dirigés. Ils doivent rester dans vos sacs, de même que les
téléphones portables.
Règle n° 4 : Les changements d’horaire entre séances de travaux dirigés
ne sont pas autorisés. Une exception sera faite en justifiant d’un contrat de
travail dont les horaires sont incompatibles avec la séance initialement
attribuée.
Règle n° 5 : Il est impératif de venir en travaux dirigés avec la plaquette et
à partir de la séance n° 2 un code civil.
II) Engagement de l’équipe
La correction de toutes les séances sera diffusée sur l’ENT, ce qui
vous permettra de vous concentrer sur la compréhension lors des séances
et de ne prendre en note que l’essentiel.
III) Notation
La note de travaux dirigés sera établie à l’aide de trois notes :
- Une interrogation écrite lors de la séance n° 3 portant sur des définitions
- Une préparation relevée aléatoirement par votre chargé de travaux dirigés
- Un partiel écrit en trois heures
Les coefficients sont les suivants : (interrogation/10 + préparation à la maison
/10) + partiel/20 = total/2
Cette note globale sur 20 pourra être augmentée ou diminuée jusqu’à 2 points/20
par votre chargé de TD pour tenir compte de votre participation et du fascicule
rendu lors de la séance n°5.
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Séance n° 1 : Réflexion générale sur le droit
Exercice n° 1 : commentaire de texte
En suivant la méthode exposée dans l’annexe méthodologique, établissez le plan détaillé et
l’introduction du commentaire du texte suivant (ne pas rédiger le commentaire lui-même) :
« Le droit n’aurait ni de sens ni d’utilité dans le cas d’ailleurs théorique de l’homme
isolé, de Robinson dans une île inconnue. Il apparaît au contraire dès qu’il y a des hommes
vivant en société, Ubi societas, ibi jus1. Même les thèses les plus anarchistes ne peuvent se
dispenser d’un minimum de règles, ne fût-ce que celle qui reconnaîtrait effet aux conventions
et associations librement formées. Même les conceptions les plus autoritaires et les plus
tyranniques, ne peuvent se passer de règles pour manier le corps social et obtenir l’obéissance.
Dans toute société humaine l’organisation de la coexistence et de la vie en commun suppose
que des règles déterminent ce qui est permis ou défendu, ce qui est obligatoire et ce qui ne
l’est pas, en bref les contraintes et les libertés que la vie sociale comporte.
Toutefois les règles juridiques ne sont pas les seules qui tendent à régir la vie de
l’homme, en particulier dans la société. L’homme dans les diverses circonstances de sa vie
rencontre des règles de conduite qui avec une précision et une force variable tendent à régir
son comportement et à lui indiquer ce qui doit être. Par exemple, dans le groupe familial dont
il fait partie, existent certaines règles de vie familiale. La bienséance et les bons usages
sociaux, la morale, la religion interviennent aussi, tendant à imposer à l’homme leurs
préceptes dans les circonstances les plus variées de son existence et en particulier dans ses
rapports avec ses semblables. Il apparaît donc qu’il ne suffit pas de caractériser le droit
comme règle de vie sociale. »
G. Marty et P. Raynaud, Droit civil, Tome I : Introduction générale à l’étude du droit, Sirey,
1972, n° 2 et 3.
1 Ubi societas, ibi jus : Pas de société sans droit.
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Séance n° 2 : La codification
Exercice n° 1 : commentaire de texte
Etablissez le plan détaillé et l’introduction du commentaire de la définition du Code civil
donnée par Jean-Etienne-Marie Portalis :
« C’est un corps de lois destinées à diriger et à fixer les relations de sociabilité, de famille et
d’intérêt qu’ont entre eux des hommes qui appartiennent à la même cité . »
Cité par A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Librairie Videcoq,
1836, t. I, p. 464.
Pour trouver les éléments concernant l’auteur, allez consulter à la salle de lecture : Anthologie
de la pensée juridique, P. Malaurie, éditions Cujas
Exercice n° 2 : manipulation d’une édition du Code civil
1) Utilisation de l’index
Déterminez le texte applicable aux questions suivantes :
- pouvez-vous épouser votre tante ou votre oncle ?
- votre voisin vous permet de faire des fouilles sur son terrain, vous y découvrez un
coffre rempli de pièces anciennes. Qui en est le propriétaire ? - quelle est la définition légale de l’usufruit ?
2) Utilisation des tables
Dans votre édition du Code civil trouvez :
- l’article 7 de la loi du 30 ventôse an XII
- l’article 1er
de la loi du 1er
juillet 1901 relative au contrat d’association Combien existe-t-il de modes d’acquisition de la nationalité française ?
3) Utilisation des annotations
* la date des textes normatifs
De quand datent :
- le livre quatrième du code civil ?
- les dispositions instaurant le Pacs ? - l’alinéa 1
er de l’article 16-4 du Code civil ? l’alinéa 2 du même texte ?
** Les références bibliographiques Trouvez des références doctrinales sur le Pacs.
*** La jurisprudence
A quelle date apprécie-t-on l’intérêt légitime nécessaire au changement de prénom ?
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Séance n° 3 : La hiérarchie des normes
Exercice à préparer : travail sur la hiérarchie des textes
1) Déterminez la nature au regard de la hiérarchie des normes des documents n° 1 à 3.
2) Placez ces documents sur le schéma de la pyramide des normes
3) En tenant compte des qualifications effectuées, déterminez si le décret pourrait
contenir l’article 2 suivant « Le greffier peut recevoir un pacte conclu par un
partenaire mineur, il doit alors apposer une mention spéciale sur le pacte. » ?
Justifiez votre réponse
4) Si le document n° 3 précisait « dans ces cas-là, les partenaires peuvent justifier de
leur identité par un document délivré par une mutuelle ou une société de téléphonie
mobile », un greffier serait-il tenu de tenir compte de tels documents ?
Document n° 1
Décret n°2006-1806 du 23 décembre 2006 relatif à la déclaration, la modification, la
dissolution et la publicité du pacte civil de solidarité.
Article 1
Le greffier du tribunal d'instance dans le ressort duquel les partenaires d'un pacte civil de
solidarité fixent leur résidence commune enregistre leur déclaration conjointe. A cette fin, les
partenaires produisent l'original de la convention, les pièces d'état civil attestant l'absence
d'empêchement au regard des articles 515-1 et 515-2 du code civil, et, pour le partenaire de
nationalité étrangère né à l'étranger, le certificat délivré par le greffier du tribunal de grande
instance de Paris attestant qu'il n'est pas déjà lié à une autre personne par un pacte civil de
solidarité. Les partenaires produisent, le cas échéant, les pièces permettant la vérification du
respect des dispositions prévues aux articles 461 et 462 du code civil.
Les partenaires justifient de leur identité par un document officiel délivré par une
administration publique comportant leur nom, leur prénom, leur date et leur lieu de naissance,
leur photographie et leur signature ainsi que l'identification de l'autorité qui a délivré le
document, la date et le lieu de délivrance.
Le greffier du tribunal d'instance qui a enregistré la déclaration conjointe de conclusion d'un
pacte civil de solidarité vise et date l'original de la convention qu'il restitue aux partenaires.
Lorsqu'il constate que les conditions d'enregistrement de la déclaration ne sont pas remplies, il
prend une décision motivée d'irrecevabilité. Cette décision fait l'objet d'un enregistrement.
Les contestations portant sur l'enregistrement ou le refus d'enregistrement d'un pacte civil de
solidarité, de sa modification ou de sa dissolution sont soumises au président du tribunal de
grande instance, ou à son délégué, statuant en la forme des référés. Les contestations relatives
aux décisions d'irrecevabilité prises par l'autorité diplomatique ou consulaire sont portées
6
devant le président du tribunal de grande instance de Paris ou son délégué statuant en la forme
des référés.
Document n° 2
Article 515-1 du Code civil
Un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de
sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune.
Document n° 3
11ème législature
Question N° :
52962 de M. Dupilet Dominique ( Socialiste - Pas-de-Calais ) QE
Ministère
interrogé : justice
Ministère
attributaire : justice
Question publiée au JO le : 30/10/2000 page : 6202
Réponse publiée au JO le : 08/01/2001 page : 199
Rubrique : famille
Tête d'analyse : PACS
Analyse : enregistrement. formalités administratives
Texte de la
QUESTION :
M. Dominique Dupilet attire l'attention de Mme la garde des sceaux,
ministre de la justice, sur les modalités de conclusion d'un pacte civil de
solidarité. Il lui signale le cas d'une personne qui se trouve être dans
l'incapacité physique de se déplacer avec son futur compagnon ou future
compagne au greffe du tribunal d'instance aux fins de conclure ce pacte. Il
lui demande s'il n'est pas envisageable d'assouplir ce dispositif au regard
de ce cas particulier.
Texte de la
REPONSE :
La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable
parlementaire que par circulaire Jus C 00200 66 C du 11 octobre 2000 des
instructions ont été données aux greffes des tribunaux d'instance afin de
permettre le déplacement du greffier au domicile de personnes désirant
conclure un pacte civil de solidarité mais se trouvant dans l'impossibilité
physique de se déplacer au tribunal d'instance de leur domicile. Le
déplacement du greffier aux fins d'enregistrement d'un pacte civil de
solidarité peut intervenir en cas d'empêchement durable pour la personne
de se déplacer, revêtant un cas de force majeure. L'impossibilité absolue
pour un partenaire de se déplacer doit être justifié par tout document utile
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tel un certificat médical en cas d'hospitalisation ou d'immobilisation au
domicile pour une affection pathologique invalidante ou à issue fatale. Si
l'hospitalisation ou l'immobilisation a lieu dans le ressort du greffe
compétent, le greffier se déplace auprès du partenaire empêché, en
présence de l'autre partenaire pour constater leur volonté commune de
conclure un pacte civil de solidarité. La procédure d'enregistrement se
poursuit aussitôt au greffe en présence du partenaire non empêché. Si
l'hospitalisation ou l'immobilisation a lieu hors du ressort du greffe du
tribunal d'instance où les intéressés entendent fixer leur résidence
commune, le greffier du tribunal d'instance du lieu de l'immobilisation se
déplace pour constater la volonté commune des partenaires de conclure un
pacte civil de solidarité. Il dresse un procès-verbal et transmet ce dernier
au greffe du tribunal d'instance du lieu où les partenaires entendent fixer
leur résidence commune, lequel effectue les formalités d'enregistrement du
pacte civil de solidarité.
Exercice n°2 : Préparation à la lecture de décision de Justice
1) Lire, en annexe de ce document p. 22, les indications méthodologiques « l’analyse d’une
décision de Justice » sauf le c) La valeur.
2) Rechercher la définition des notions nouvelles utilisées par cette fiche méthodologique (ces
définitions pourront faire l’objet de l’interrogation).
3) Lire les exemples de partiels corrigés utilisant cette méthodologie
4) Repérer tous les points qui vous posent des difficultés dans cette méthodologie pour
demander un éclaircissement à votre chargé de travaux dirigés.
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Séance n° 4 : La hiérarchie des normes
Exercice : Effectuez l’analyse de la décision suivante selon la méthodologie proposée en
annexe
Cour de Cassation
Chambre MIXTE
Audience publique du 24 mai 1975 REJET
N° de pourvoi : 73-13556 Publié au bulletin
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SES DEUX BRANCHES :
ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET DEFERE (PARIS, 7
JUILLET 1973) QUE, DU 5 JANVIER 1967 AU 5 JUILLET 1971, LA SOCIETE CAFES
JACQUES VABRE (SOCIETE VABRE) A IMPORTE DES PAYS-BAS, ETAT MEMBRE
DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE, CERTAINES QUANTITES DE
CAFE SOLUBLE EN VUE DE LEUR MISE A LA CONSOMMATION EN FRANCE; QUE
LE DEDOUANEMENT DE CES MARCHANDISES A ETE OPERE PAR LA SOCIETE J.
WIEGEL ET C. (SOCIETE WEIGEL), COMMISSIONNAIRE EN DOUANE; QU'A
L'OCCASION DE CHACUNE DE CES IMPORTATIONS, LA SOCIETE WEIGEL A
PAYE A L'ADMINISTRATION DES DOUANES LA TAXE INTERIEURE DE
CONSOMMATION PREVUE, POUR CES MARCHANDISES, PAR LA POSITION EX
21-02 DU TABLEAU A DE L'ARTICLE 265 DU CODE DES DOUANES; QUE,
PRETENDANT QU'EN VIOLATION DE L'ARTICLE 95 DU TRAITE DU 25 MARS 1957
INSTITUANT LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE, LESDITES
MARCHANDISES AVAIENT AINSI SUBI UNE IMPOSITION SUPERIEURE A CELLE
QUI ETAIT APPLIQUEE AUX CAFES SOLUBLES FABRIQUES EN FRANCE A
PARTIR DU CAFE VERT EN VUE DE LEUR CONSOMMATION DANS CE PAYS, LES
DEUX SOCIETES ONT ASSIGNE L'ADMINISTRATION EN VUE D'OBTENIR, POUR
LA SOCIETE WIEGEL, LA RESTITUTION DU MONTANT DES TAXES PERCUES ET,
POUR LA SOCIETE VABRE, L'INDEMNISATION DU PREJUDICE QU'ELLE
PRETENDAIT AVOIR SUBI DU FAIT DE LA PRIVATION DES FONDS VERSES AU
TITRE DE LADITE TAXE;
(…)
SUR LE DEUXIEME MOYEN :
ATTENDU QU'IL EST DE PLUS FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR DECLARE
ILLEGALE LA TAXE INTERIEURE DE CONSOMMATION PREVUE PAR L'ARTICLE
265 DU CODE DES DOUANES PAR SUITE DE SON INCOMPATIBILITE AVEC LES
DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 95 DU TRAITE DU 24 MARS 1957, AU MOTIF QUE
CELUI-CI, EN VERTU DE L'ARTICLE 55 DE LA CONSTITUTION, A UNE AUTORITE
9
SUPERIEURE A CELLE DE LA LOI INTERNE, MEME POSTERIEURE, ALORS,
SELON LE POURVOI, QUE S'IL APPARTIENT AU JUGE FISCAL.D'APPRECIER LA
LEGALITE DES TEXTES REGLEMENTAIRES INSTITUANT UN IMPOT LITIGIEUX,
IL NE SAURAIT CEPENDANT, SANS EXCEDER SES POUVOIRS, ECARTER
L'APPLICATION D'UNE LOI INTERNE SOUS PRETEXTE QU'ELLE REVETIRAIT UN
CARACTERE INCONSTITUTIONNEL; QUE L'ENSEMBLE DES DISPOSITIONS DE
L'ARTICLE 265 DU CODE DES DOUANES A ETE EDICTE PAR LA LOI DU 14
DECEMBRE 1966 QUI LEUR A CONFERE L'AUTORITE ABSOLUE QUI S'ATTACHE
AUX DISPOSITIONS LEGISLATIVES ET QUI S'IMPOSE A TOUTE JURIDICTION
FRANCAISE;
MAIS ATTENDU QUE LE TRAITE DU 25 MARS 1957, QUI, EN VERTU DE
L'ARTICLE SUSVISE DE LA CONSTITUTION, A UNE AUTORITE SUPERIEURE A
CELLE DES LOIS, INSTITUE UN ORDRE JURIDIQUE PROPRE INTEGRE A CELUI
DES ETATS MEMBRES; QU'EN RAISON DE CETTE SPECIFICITE, L'ORDRE
JURIDIQUE QU'IL A CREE EST DIRECTEMENT APPLICABLE AUX
RESSORTISSANTS DE CES ETATS ET S'IMPOSE A LEURS JURIDICTIONS; QUE,
DES LORS, C'EST A BON DROIT, ET SANS EXCEDER SES POUVOIRS, QUE LA
COUR D'APPEL A DECIDE QUE L'ARTICLE 95 DU TRAITE DEVAIT ETRE
APPLIQUE EN L'ESPECE, A L'EXCLUSION DE L'ARTICLE 265 DU CODE DES
DOUANES, BIEN QUE CE DERNIER TEXTE FUT POSTERIEUR; D'OU IL SUIT QUE
LE MOYEN EST MAL.FONDE;
(…)
PAR CES MOTIFS :
REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 7 JUILLET 1973 PAR
LA COUR D'APPEL DE PARIS (1. CHAMBRE).
Pour information :
articles 54 et 55 de la Constitution française du 4 octobre 1958 :
Article 54
Si le Conseil constitutionnel saisi par le président de la République, par le Premier
ministre, par le président de l’une ou de l’autre assemblée ou par soixante députés ou soixante
sénateurs, a déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la
Constitution, l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne
peut intervenir qu’après révision de la Constitution.
Article 55
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication,
une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son
application par l’autre partie.
10
Séance n° 5 : L’application de la loi dans le temps : illustrations
Exercice n° 1 : application de dispositions transitoires
La loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 a modifié les règles de dévolution du nom, ces
modifications ont été insérées à l’article 311-21 du code civil. Etablissez une frise
chronologique retraçant l’entrée en vigueur des dispositions de cet article en application des
dispositions transitoires de la loi :
Publication au JORF du 5 mars 2002
Loi n°2002-304 du 4 mars 2002
Loi relative au nom de famille (1)
NOR:JUSX0104677L
version consolidée au 19 juin 2003 - version JO initiale
Article 23
Modifié par Loi n°2003-516 du 18 juin 2003 art. 11 (JORF 19 juin 2003 en
vigueur le 1er janvier 2005).
La présente loi n'est pas applicable aux enfants nés avant la date de son entrée en vigueur. Toutefois,
dans le délai de dix-huit mois suivant cette date, les parents exerçant l'autorité parentale peuvent
demander par déclaration conjointe à l'officier de l'état civil, au bénéfice de l'aîné des enfants
communs lorsque celui-ci a moins de treize ans au 1er septembre 2003 ou à la date de la déclaration,
l'adjonction en deuxième position du nom du parent qui ne lui a pas transmis le sien, dans la limite
d'un seul nom de famille. Le nom ainsi attribué est dévolu à l'ensemble des enfants communs, nés et à
naître.
Dans le cas où cette faculté est exercée par les parents d'un enfant âgé de plus de treize ans, le
consentement de ce dernier est nécessaire.
Cette faculté ne peut être exercée qu'une seule fois.
Article 25
Modifié par Loi n°2003-516 du 18 juin 2003 art. 13 (JORF 19 juin 2003 en
vigueur le 1er janvier 2005).
11
L'entrée en vigueur de la présente loi est fixée au 1er janvier 2005.
Les dispositions de la présente loi sont applicables à Mayotte à compter du premier jour de la sixième
année de la promulgation de la présente loi.
Exercice n° 2 : Etablissez l’analyse de la décision suivante :
Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 14 juin 2007 Cassation
N° de pourvoi : 06-15512 Publié au bulletin
Président : M. ANCEL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 2 du code civil ;
Attendu que nul ne peut être condamné à une peine disciplinaire qui n'était pas encourue à la
date à laquelle a été commise l'infraction poursuivie ;
Attendu que le 23 décembre 2004, des poursuites disciplinaires ont été engagées contre M.
X..., greffier de tribunal de commerce, pour des faits remontant aux années 2000 à 2002 ;
Attendu que pour condamner l'intéressé à la peine de l'interdiction temporaire prévue à
l'article L. 822-2 du code de l'organisation judiciaire issu de la loi du 11 février 2004, l'arrêt
attaqué retient que la loi nouvelle était applicable aux poursuites engagées postérieurement à
son entrée en vigueur ;
Qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mars 2006, entre les
parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans
l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d'appel de Besançon, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
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Exercice non corrigé en séance (sa rédaction ne sera pas exigée). Pour faire vivre vos
connaissances et vos compétences, voici un exemple de cas pratique. Vous devez
systématiquement vous fabriquer de tels entraînements.
Votre voisin Lucas Duculot, apprenant avec plaisir que vous entreprenez des études
juridiques, en profite pour vous interroger gratuitement. Devant la multiplication des
réformes, il se demande quelles peuvent être les conséquences sur sa situation de l’adoption
de lois nouvelles.
Par exemple, il a entendu dire qu’une loi pourrait être votée pour éviter que les
banques françaises reportent, sur les particuliers, les difficultés financières qu’elles
rencontrent en raison des importantes spéculations financières qu’elles avaient effectuées sur
le marché immobilier de Saint Martin, anéanti par les intempéries de septembre. Or, si une loi
sur le crédit étudiant est adoptée en décembre (limitant à 2,8 % les intérêts des emprunts
finançant les études universitaires), il se demande si ses dispositions seront applicables au
crédit qu’il a contracté pour venir faire ses études à Montpellier (crédit souscrit en septembre
à 2,95 %)?
De même, il a entendu parler d’un projet d’offrir un statut juridique aux beaux-parents
(c’est-à-dire au conjoint du père ou de la mère qui n’est pas le parent biologique de l’enfant) ?
Si cette loi est adoptée lui imposera-t-elle des obligations nouvelles ou lui accordera-t-elle
plus de droit (sachant que son père s’est remariée avec Elisée Unetereur, à la fois
fantastiquement riche, mais également terriblement directive à son égard) ?
13
Séance n° 6 : La jurisprudence et la coutume
« Il y a une science pour le législateur, comme il y en a une pour les magistrats ; et l’une ne
ressemble pas à l’autre. La science du législateur consiste à trouver dans chaque matière, les
principes les plus favorables au bien commun ; la science du magistrat est de mettre ses
principes en action, de les ramifier, de les étendre, par une application sage et raisonnée, aux
hypothèses privées, d’étudier l’esprit de la loi quand la lettre tue. Il faut que le législateur
veille sur la jurisprudence : il peut être éclairé par elle, et il peut, de son côté la corriger »
J. E. M. Portalis, Discours préliminaire du premier projet de Code civil, 1801, red.
Massenet, Conflictuences, Bordeaux, 2004, p. 23.
« Qu’est-ce que la coutume, sinon les règles directement posées par la nation, non écrites,
c’est-à-dire écrites dans la pensée et la conscience des individus qui composent le groupe
social, connues pour cette raison sans être publiées, obéies sans être imposées ? Qu’est-ce
qu’une coutume, sinon la conscience et la volonté nationale ? »
R. Capitant, La coutume constitutionnelle, 1929 rééd : RDP 1979, 968.
Exercice n°1 : Etablissez l’analyse de la décision suivante selon la grille méthodologique de
l’annexe
Cour de cassation
Assemblée plénière
Audience publique du vendredi 24 janvier 2003
N° de pourvoi: 01-41757
Publié au bulletin Rejet
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ Mme Evelyne X..., demeurant..., 2°/ Mme Lysiane Y..., demeurant...,
3°/ Mme Véronique Z..., demeurant...,
en cassation d'un arrêt rendu le 1er février 2001 par la cour d'appel d'Orléans (Chambre
sociale), au profit de l'association Promotion des handicapés dans le Loiret (APHL),
défenderesse à la cassation ;
La SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez s'est constituée en intervention en défense pour :
14
1°/ la Fédération des syndicats nationaux d'employeurs des établissements et services pour
personnes inadaptées et handicapées,
2°/ le Syndicat national des associations pour la sauvegarde de l'enfant à l'adulte (SNASEA),
La Chambre sociale a, par arrêt du 23 mai 2002, décidé le renvoi de l'affaire devant
l'Assemblée plénière ;
Les demanderesses invoquent, devant l'Assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au
présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de Cassation
par la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de Mmes X..., Y..., Z;
Donne acte à la Fédération des syndicats nationaux d'employeurs des établissements et
services pour personnes inadaptées et handicapées, au Syndicat national des associations pour
la sauvegarde de l'enfant à l'adulte, de leur intervention ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 1er février 2001), que l'Association Promotion des
handicapés dans le Loiret (APHL), au sein de laquelle s'applique la Convention collective
nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars
1966, gère deux foyers qui accueillent des adultes handicapés ; que Mme X... et quatre autres
salariées de cette association, employées en qualité d'éducatrices, assurent une permanence de
nuit dans une chambre dite de " veille " mise à leur disposition dans chaque établissement
pour leur permettre de répondre aux sollicitations des pensionnaires et à tout incident ; que ces
heures de surveillance nocturne leur sont payées conformément à l'article 11 de l'annexe 3 de
la Convention collective prévoyant que les neuf premières heures sont assimilées à trois
heures de travail éducatif et qu'entre neuf heures et douze heures, chaque heure est assimilée à
une demi-heure de travail éducatif ; que les salariées, après avoir saisi, le 3 août 1998, la
juridiction prud'homale en réclamant des rappels de salaire, les indemnités de congés payés
afférentes et des dommages-intérêts, se sont prévalues, en cause d'appel, d'une jurisprudence
nouvelle de la Cour de cassation qui a décidé que les heures de surveillance nocturne
constituaient un temps de travail effectif et ne pouvaient être rémunérées selon le régime
d'équivalence institué par la Convention collective applicable ;
Attendu que les salariées font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le
moyen :
1°) que le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable, résultant de
l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du
pouvoir législatif dans l'Administration de la Justice afin d'influer sur le dénouement
judiciaire d'un litige ; qu'il était acquis aux débats que l'Association était chargée d'une
mission de service public et placée sous le contrôle d'une autorité publique qui en assure le
financement par le paiement d'un prix de journée, que le procès l'opposant au salarié était en
cours lors de l'entrée en vigueur de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 et que ce texte,
15
dont il n'est pas établi qu'un impérieux motif d'intérêt général le justifiait, remettait en cause,
au profit de l'Association, une jurisprudence favorable au salarié en matière d'heures
d'équivalence ; qu'au vu de ces constatations, la cour d'appel ne pouvait, sans violer les
dispositions de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales, refuser, ainsi qu'il lui était demandé, d'écarter l'article
29 de la loi du 19 janvier 2000 pour juger le litige dont elle était saisie ;
2°) qu'il résulte des articles L. 212-2 et L. 212-4 du Code du travail, dans leur rédaction alors
en vigueur, qu'un horaire d'équivalence peut être institué soit par un décret, soit par une
convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel étendu, soit par une
convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement soumis aux dispositions de l'article L.
132-26 du Code du travail ; qu'une convention collective agréée ne remplit pas ces conditions
; qu'en se fondant, par suite, sur l'institution d'un temps d'équivalence par la seule Convention
collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées
du 15 mars 1966, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
3°) qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les salariées intéressées effectuaient
des heures de présence de nuit dans une chambre spécialement mise à leur disposition dans
l'enceinte du foyer afin d'être en mesure de répondre à tout moment, en cas de besoin, aux
sollicitations des personnes handicapées, et que, s'il y avait des temps d'inaction entre les
interventions, ils devaient être considérés par ailleurs comme des temps de travail effectif ;
qu'il s'en déduisait nécessairement qu'il s'agissait d'un temps pendant lequel les salariées
étaient tenues de rester en permanence à la disposition de l'employeur pour les besoins de
l'entreprise, de sorte que ces heures de garde de nuit constituaient un temps de travail effectif
qui devait être rémunéré comme tel ; que de ce chef, la cour d'appel a encore violé l'article L.
212-4 du Code du travail ;
Mais attendu que si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives,
le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif
dans l'administration de la Justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges ;
Et attendu qu'obéit à d'impérieux motifs d'intérêt général l'intervention du législateur destinée
à aménager les effets d'une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité du
service public de la santé et de la protection sociale auquel participent les établissements pour
personnes inadaptées et handicapées ; que dès lors, la cour d'appel, en faisant application de
l'article 29 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 au présent litige, a légalement justifié sa
décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Exercice n° 2: après une lecture attentive des trois documents suivants, indiquez le rôle joué
par la coutume dans chacune de ces hypothèses et déterminer la nature de la coutume dans les
documents 1 et 3.
Attention il n’est pas demandé de faire l’analyse de ces décisions de justice
Document n° 1
16
Cour de cassation, chambre civile, Audience publique du jeudi 18 juillet 1929
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
CASSATION, sur le pourvoi du sieur X... et autres, d'un arrêt rendu, le 28 décembre 1923,
par la cour d'appel de paris, au profit des consorts Z....
LA COUR,
Vu l'article 1107, par. 2, du Code civil ;
Attendu qu'aux termes de cette disposition, des règles particulières aux transactions
commerciales sont établies par les lois relatives au commerce ;
Attendu qu'il résulte de la décision attaquée que, suivant conventions du 20 novembre 1916,
Renoux et Sargé, négociants en bois, se sont engagés à livrer à X..., également négociant en
bois, dix mille mètres cubes de bois de mines, dans un délai de trois ans, avec un minimum
annuel de fournitures de deux mille cinq cents mètres cubes ;
Que, suivant lettre du 20 novembre 1917, Delaval, Van den Heyden et Huet, autres négociants
en bois, se sont engagés, vis-à-vis du même X..., à prendre la suite du contrat passé entre lui et
Renoux et Sargé ;
Attendu que le marché n'ayant été exécuté qu'à concurrence de quatre-vingt-quatre mètres
cubes, X... a, par exploits des 13 et 17 février 1919 et 5 avril 1919 et 5 avril 1919, assigné,
devant le tribunal de commerce de la Seine, Renoux, Sargé, Delaval, Van den Heyden et
Huet, à l'effet de voir prononcer à leurs torts et griefs la résolution des conventions du 20
novembre 1916 et de s'entendre condamner solidairement à 56954 francs de dommages-
intérêts ;
Attendu que le tribunal de commerce ayant, par jugement du 24 avril 1920, résilié le marché
et condamné solidairement les cinq défendeurs à 25000 francs de dommages-intérêts envers
X..., Renoux et Sargé seuls ont interjeté appel de cette décision, tant contre leurs codéfendeurs
que contre X... et, que, devant la cour, ce dernier a conclu à la confirmation du jugement
condamnant Renoux et Sargé, solidairement avec leurs codéfendeurs ;
Attendu que la cour de Paris après avoir déclaré irrecevable à l'égard de Delaval et de Huet
l'appel formé par Renoux et Sargé, a, par arrêt du 28 décembre 1923, confirmé le jugement
sous réserve "que la solidarité ne se présumant pas il n'y avait lieu qu'à condamnation
conjointe des vendeurs originaires et cessionnaires" ;
Mais attendu que, s'il en est ainsi aux termes de l'article 1202 du Code civil, ce texte demeure
sans application en matière commerciale, ou à défaut de convention contraire ou de
circonstances relevées par les juges du fond la solidarité entre débiteurs est de règle ;
17
D'où il suit qu'en refusant d'appliquer à une obligation commerciale le principe de la solidarité
pour un motif tiré d'une disposition du droit civil étrangère à cette matière, l'arrêt attaqué a
faussement appliqué et par conséquent violé les textes visés au moyen ;
Par ces motifs ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé qu'il n'y avait lieu à condamnation
conjointe des vendeurs originaires et cessionnaires.
Document n° 2 :
Cass. com., 10 janv. 1995 ; SARL Invitance c/ Sté Crédit du Nord.
LA COUR ; (...)
Attendu, selon l'arrêt confirmatif critiqué, que le Crédit du Nord a clôturé le compte courant
de la société Invitance, à laquelle il avait consenti un découvert pendant plusieurs années ;
qu'un litige est né entre les parties au sujet (…) des modalités de la fixation du taux des
intérêts (…) et de la durée de l'année prise en considération pour le calcul de la dette
d'intérêts ; que (…) la cour d'appel a désigné un expert et dit que celui-ci devrait calculer, à
partir du solde du compte de la société Invitance au 10 septembre 1985, les découverts
successifs jusqu'à la clôture du compte en se conformant aux usages bancaires relatifs,
notamment à la capitalisation trimestrielle des intérêts, à l'année bancaire de trois cent
soixante jours (…)
( …) Vu l'article 1er du décret du 4 septembre 1985 relatif au calcul du taux effectif global
Attendu que, pour décider que l'expert qu'il désignait devrait tenir compte de l'usage bancaire
relatif à l'année de trois cent soixante jours pour calculer, à partir du solde du compte de la
société Invitance au 10 septembre 1985, les découverts successifs jusqu'à la clôture du
compte, l'arrêt retient que le calcul des intérêts doit être fait sur trois cent soixante jours et non
trois cent soixante-cinq jours, l'année bancaire n'étant que de trois cent soixante jours,
conformément à un usage qui trouve son origine en Lombardie, au Moyen-Âge, en raison de
son caractère pratique en ce que le chiffre de trois cent soixante, à la différence de celui de
trois cent soixante-cinq, est divisible par 12, 6, 4 et 2, ce qui correspond au mois, à deux mois,
au trimestre et au semestre, (…)
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte du texte susvisé que le taux annuel de l'intérêt
doit être déterminé par référence à l'année civile, laquelle comporte trois cent soixante-cinq ou
trois cent soixante-six jours, la cour d'appel a violé ce texte.
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du
premier moyen :Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a décidé que l'expert qu'il
désignait devrait se conformer aux usages bancaires relatifs à l'année bancaire de trois cent
soixante jours, l'arrêt rendu le 20 septembre 1991, entre les parties, par la Cour d'appel de
Paris ; remet en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de
Versailles ; (...) .
Document n° 3 : Article 593 du Code civil.
18
Séance n° 7 : Qualification, classification et interprétation
Avertissement : profitez de cette séance, pour regrouper l’ensemble des
questions méthodologiques que vous vous posez et pour recenser les termes
juridiques dont la signification vous paraît obscure afin d’interroger votre
chargé de TD sur ce point.
1°) Définissez les arguments d’interprétation suivants :
par analogie ; a fortiori, a contrario ; Specialia generalibus derogant
2°) Donnez une illustration, en justifiant vos déductions, de l’application de
l’argument a fortiori et de l’argument a contrario à la règle suivante : « Il est
interdit de se promener dans le massif de la Clape en période de sécheresse en
raison des risques d’incendie ».
3°) Voici le résumé donné par l’éditeur Dalloz d’une décision rendue en
application du texte suivant : « Sauf autorisation de justice, il est interdit, à peine de
nullité, à quiconque exerce une fonction ou occupe un emploi dans un établissement
hébergeant des personnes âgées ou dispensant des soins psychiatriques de se rendre acquéreur
d'un bien ou cessionnaire d'un droit appartenant à une personne admise dans l'établissement,
non plus que de prendre à bail le logement occupé par cette personne avant son admission
dans l'établissement. », indiquez quel argument d’interprétation il est possible
d’évoquer au soutien de cette solution. Justifiez votre réponse.
1. Personnes qui ne peuvent acquérir. Doit être annulée la vente à la directrice
d'une maison de retraite d'un droit d'usage et d'habitation sur une maison
appartenant à son beau-frère, pensionnaire de l'établissement, l'art. 1125-1,
rédigé en termes généraux, ayant vocation à s'appliquer quels que soient les liens
affectifs et familiaux unissant les parties. ● Civ. 1re, 12 juin 1990.
4°) Déterminez, dans l’extrait suivant, l’argument d’interprétation qui fondait la
solution de la Cour d’appel et qui a été censuré par la Cour de cassation (nb
19
argument remplacé par « XXXXX » dans le document fourni). Justifiez votre
réponse.
Répertoire du Notariat Defrénois, 15 septembre 2001 n° 17, P. 1003 – note
Massip
« L'article 220 du Code civil, qui institue une solidarité de plein droit des époux
en matière de dettes contractées pour l'entretien du ménage ou l'éducation des
enfants, n'est pas applicable en matière de concubinage (Cass. civ. 1re, 2 mai
2001 (cassation), Bull. civ. I, à paraître).La juridiction du second degré a énoncé
que « l'union libre confère des droits de plus en plus nombreux qui rapprochent
cette situation du statut du mariage », de sorte qu'il convient de « faire
application aux concubins des mêmes obligations que celles des époux quant
aux dépenses d'entretien, au nombre desquelles figurent les factures de
fourniture d'électricité ». En somme, la cour d'appel avait appliqué aux
concubins les dispositions de l'article 220 du Code civil qui édicte, en ce qui
concerne les époux, une solidarité de plein droit pour les dettes ménagères. Un
tel arrêt ne pouvait manquer d'être cassé. La Cour de cassation a toujours
considéré - et elle vient de le réaffirmer par des décisions récentes - que le statut
du mariage ne peut être étendu par XXXXX au concubinage. Celui-ci n'est pas
soumis à des règles spécifiques et il convient d'appliquer, pour résoudre les
problèmes qui peuvent se poser, les principes du droit commun. »
5°) Dans le même extrait, déterminez quel est l’argument d’interprétation
implicitement utilisé par l’auteur au soutien de la solution rendue. Expliquez
votre réponse.
20
Séance n° 8 : La charge de la preuve
Exercice n° 1 : Effectuez l’analyse de la décision suivante
Cour de Cassation Chambre civile 1 Audience publique du 15 novembre 1989
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1315 du Code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la
prouver ;
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que M. Ferrato, négociant en matériaux, a
assigné M. Bergoin en paiement de la somme de 38 102,13 francs représentant le solde de
factures établies du 5 août au 12 décembre 1981 pour des fournitures qu'il prétendait lui avoir
livrées ; que M. Bergoin ayant soutenu que c'était le maçon, M. Gervasoni, auquel il avait
confié partie de la construction d'une villa, qui devait faire son affaire des matériaux, M.
Ferrato a mis en cause celui-ci ;
Attendu que pour condamner M. Bergoin à payer cette somme, l'arrêt énonce que celui-ci ne
conteste ni la livraison sur le chantier de la construction dont il est maître d'ouvrage, ni le prix
des matériaux, qu'il a accepté le règlement de l'une des factures litigieuses à concurrence de
35 781,85 francs, acquitté par chèque le 14 octobre 1981 et que ce paiement partiel, effectué
sans réserve, implique reconnaissance de sa qualité de débiteur du prix des matériaux dès lors
qu'il ne justifie pas avoir agi au nom et en l'acquit de M. Gervasoni dont aucun élément
n'établit l'intervention dans la commande des fournitures litigieuses ;
Attendu qu'en statuant ainsi, mettant à la charge de M. Bergoin la preuve de ce qu'il n'avait
effectué le paiement partiel qu'au nom et en l'acquit de M. Gervasoni, alors qu'il appartenait à
M. Ferrato de rapporter la preuve de ce que M. Bergoin était engagé envers lui à payer
l'ensemble des fournitures objet des factures, obligation dont l'existence ne pouvait être
déduite du seul paiement partiel effectué par M. Bergoin qui niait avoir passé commande, la
cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les quatre autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 1987, entre les
parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties
dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d'appel de Montpellier
Exercice n° 2 :
1) Expliquer le rôle de la présomption sur la charge de la preuve
2) Déterminer la nature des présomptions suivantes :
- article 653 du Code civil ; article 730-3 du Code civil ; article 911 alinéa 2 du Code
civil ; article 1402 du Code civil
21
Séance n° 9 : le droit de la preuve
Exercice : Traitez le cas pratique suivant
Au cours d’un traditionnel repas entre amis, votre cousin germain Jean Brouille a
annoncé son projet de participer au Championnat du Monde de Poker qui se tiendra cette
année à Paris.
Beau parleur, il a su communiquer à tous son enthousiasme. L’assemblée décida donc de
le soutenir dans cette aventure.
Patrick Burel, son meilleur ami, lui prêta 2000 euros, Monique 1700 euros, Jérôme
1500 euros, Laurence 2000 euros, Vincent 800 euros, Rémy 500 euros (qu’il a d’ailleurs
retiré au guichet de sa banque), vous même 800 euros et une de vos amies venue par
hasard partager ce bon moment le double.
Prudent, Patrick Burel a fait rédiger à Jean Brouille le texte suivant : « Aujourd’hui, 14
novembre 2011, j’ai reçu la somme de 2000 euros de Patrick Burel. Signé : Jean
Brouille ».
Monique a demandé la même lettre, par précaution l’a photocopiée et, comme toujours
fort distraite, a laissé l’original dans le magasin de photocopie qui l’a perdu.
Jérôme a également demandé la même lettre mais à la place de la signature Jean Brouille a
apposé une croix. Les autres n’ont rien demandé.
Lors du Championnat, Jean a écrit à Laurence pour lui raconter sa victoire et préciser
combien sa participation financière avait été utile. Touchée, Laurence a conservé cette
lettre.
Jean a également raconté sa victoire et remercié Vincent en lui envoyant un courriel
électronique.
Jean a remporté le Championnat et est parti s’installer définitivement la Côte d’Azur.
Apprenant la bonne nouvelle, tout le monde l’appelle pour le féliciter et demander son
remboursement. Jean répond qu’il n’a rien reçu, sauf de Patrick Burel mais qu’il s’agissait
d’une donation.
Compte tenu de sa réaction, Laurence en profite pour lui demander une indemnisation
pour avoir renversé, lors de ce fameux repas et dans le feu de l’action, une bouteille de vin
sur sa nouvelle robe de Barbary. Jean prétend n’avoir aucun souvenir de cet accident.
Déterminez et justifiez quelles sont les chances de chacun de récupérer ses fonds.
Séance n° 10 : correction du partiel
22
Annexe méthodologique :
(à détacher en fin de semestre pour le semestre suivant, à conserver et à appliquer)
La méthode du commentaire de texte
La construction d’un commentaire de texte se fait classiquement en cinq phases, après une
lecture et deS relectureS attentives :
1°) la mise en situation du texte : il faut tenter de déterminer sa date et réfléchir sur
les incidences de cette date, son auteur, sa nature (discours, texte normatif, article de
réflexion, …etc …) et son contexte s’il s’agit d’un extrait.
2°) la recherche approfondie sur les mots du texte : c’est un travail indispensable de
définition des termes et notions du texte. Il doit être systématique pour éviter de passer à côté
d’un point essentiel. L’approche du droit passe avant tout par la précision et la rigueur du
vocabulaire.
3°) la recherche des constructions du texte :
- Sa construction typographique : c’est-à-dire sa structure (nombre de paragraphes, plan
adopté même s’il est implicite).
- Sa construction grammaticale : rechercher sa syntaxe, les mots de liaison, afin de
mettre en valeur le cheminement du propos (ex : le texte développe un principe, puis
des exceptions ; le texte pose des conditions à l’application d’une règle etc…)
- Sa construction logique : les types d’arguments utilisés (Est-ce des exemples ? Il
faudra alors tester leur pertinence, rechercher s’il n’existe pas des contre-exemples. Si
ce n’est pas le cas, il faudra voir si d’autres exemples peuvent venir renforcer la
démonstration de l’auteur ou l’énoncé de la règle. Est-ce des déductions ? des
comparaisons ?).
Les deux dernières recherches ne font, en général, que confirmer les éléments révélés par la
première, mais il convient de s’astreindre à effectuer ces vérifications pour éviter tout
contresens.
4°) la recherche des intérêts du texte et de sa pertinence. Ces points paraissent
souvent difficiles à déterminer, aussi pour éviter de rester sec il convient systématiquement de
se poser une question principale :
Quelle est l’intention du l’auteur ou du législateur ? Le but recherché est-il atteint ?
Pour y répondre, il faut s’aider des étapes précédentes. En effet, ce but est déterminé grâce à
la compréhension du texte, mais sa nature et son contexte doivent aussi être pris en compte.
S’il s’agit d’un texte normatif, il faut se demander si la règle est clairement énoncée, si elle est
facilement applicable, si elle répond aux aspirations de la société, si le texte normatif a été
modifié (sa pérennité est un indice de son efficacité, sa modification rapide pourra laisser
penser qu’il présente des défauts). Le texte a-t-il été accepté par la jurisprudence ? De quel
principe, découle la règle proposée ? A quoi s’oppose-t-elle ? etc….
S’il s’agit d’un discours, il faut se demander s’il est convaincant. S’il s’agit d’un article de
réflexion, il faut se demander si l’idée soutenue été reprise ou abandonnée par la suite.
23
5°) La construction du plan du commentaire. Enfin, à partir de la syntaxe relevée,
des notions développées et des intérêts majeurs que présente le texte, on propose un plan de
commentaire. Ce plan doit restituer la logique du texte, donc il ne faut pas hésiter, dans un
premier temps, à « calquer » la construction du plan sur celle du texte. Cela évite, dans une
grande mesure, le hors sujet et surtout les contresens, le commentaire erroné, lacunaire,
contradictoire ou répétitif du texte.
L’analyse d’une décision de Justice
Le sens de l’exercice : Il s’agit de procéder de manière systématique à l’analyse d’une
décision de Justice afin de comprendre sa signification. Comment ? En « démontant » la
décision, c’est-à-dire en isolant ses quatre composantes essentielles : les faits, la procédure et
les prétentions des parties, le problème de droit et la solution de droit donnée par la décision
étudiée.
L’utilisation de cette grille d’analyse : Cette méthode est une première approche des décisions
de Justice, elle vous permettra de ne pas faire de contresens dans la lecture des premiers
documents qui vous seront donnés en travaux dirigés. Le plan de cette grille d’analyse devra
être systématiquement suivi, ainsi dégagés des soucis de construction vous pourrez vous
concentrer sur le sens des décisions abordées.
1) Les faits
Il s’agit de relever, d’une façon objective et dans leur ordre chronologique, les
événements qui ont donné lieu au litige.
2) La procédure et les prétentions des parties
Il s’agit de déterminer le cheminement judiciaire du litige (c’est-à-dire de déterminer
les juridictions qui ont eu à traiter du litige et le sens de leurs décisions) et les raisonnements
soutenus par les différents acteurs au procès.
a) La procédure
Il faut décrire les différentes étapes de la procédure, depuis l’introduction de l’instance
jusqu’à la décision étudiée, en utilisant le vocabulaire approprié.
Pour une décision de Cour de cassation, vous devez répondre aux questions suivantes :
Juridiction de 1ère
instance
- Qui est le demandeur (c’est-à-dire déterminer qui a pris l’initiative du procès) ?
- Qui est le défendeur (c’est-à-dire la personne contre laquelle le demandeur agit) ?
- Quelle est la première juridiction saisie, quand et dans quel sens a-t-elle statué ?
Cour d’appel
- Qui est l’appelant (c’est-à-dire déterminer qui conteste, devant la Cour d’appel, la
solution rendue en première instance) ?
- Qui est l’intimé (c’est-à-dire déterminer qui se défend contre cette contestation) ?
- Quand et dans quel sens a statué la Cour d’appel ?
24
Cour de cassation
- Qui a formé le pourvoi (c’est-à-dire déterminer qui conteste, devant la Cour de
cassation, la solution rendue par la Cour d’appel) ?
- Quand et dans quel sens a statué la Cour de cassation ?
NB. La description de la procédure peut vous paraître anecdotique, en réalité elle est
essentielle car elle peut vous permettre d’identifier les positions de chaque juridiction et ainsi
de ne pas les confondre et donc de ne pas commettre de contresens sur celle que l’on vous
demande de commenter (car il est possible que la position à commenter prenne le contrepied
des précédentes). Cette description peut également vous permettre de déterminer si les
juridictions saisies sont unanimes ou non (ce qui, dans cette seconde hypothèse, peut vous
fournir des arguments pour critiquer la position commentée puisqu’elle n’est pas évidente).
Cette description doit reposer sur une analyse rigoureuse de la décision à
commenter et non sur des déductions divinatoires. En effet, la rédaction de certaines décisions
ne permet pas de remonter la chaîne jusqu’à la première instance, il faut alors le signaler et
non inventer.
Consultez le schéma simplifié de l’organisation judiciaire.
b) Les prétentions des parties
Il s’agit de démonter les raisonnements qui ont été soutenus par les différents acteurs
au procès, c’est-à-dire déterminer les arguments de chaque partie. Ce travail, s’il peut paraître
fastidieux, est absolument fondamental car il vous permet de vous entraîner à la construction
d’un raisonnement juridique et de déterminer la question de droit.
Vous devez répondre aux questions suivantes :
- Que demande concrètement le demandeur ? Quels sont ses arguments (c’est-à-dire
sur quels textes, sur quels principes se fonde-t-il ou sur quelles interprétations de
ces textes ou de ces principes fonde-t-il sa prétention) ? Placez-vous ici au stade du
pourvoi en cassation pour identifier le demandeur (car cela sera toujours
déterminable alors que, parfois, la décision ne permet pas de déterminer quelle est
la partie qui a introduit l’affaire en première instance).
- Que répond le défendeur ? Quels sont ses arguments pour repousser cette demande
(c’est-à-dire sur quels textes, sur quels principes se fonde-t-il ? Ou s’il se fonde sur
les mêmes : de quelle différence d’interprétation entend-t-il se prévaloir) ?
Lors de ce travail, vous devez partir des demandes concrètes pour arriver à la présentation
théorique et générale des arguments.
25
Suggestion de présentation :
Demandeur au pourvoi Défendeur au pourvoi
Monsieur X demande …. (un résultat
concret, par exemple : le divorce ; des
dommages et intérêts ; une expulsion)
Pourquoi ? (dans la situation particulière,
par exemple : car il y a mésentente dans le
couple ; car le défendeur a endommagé sa
barrière ; car son locataire n’a pas payé son
loyer)
Pourquoi ? (en général, par exemple : car
l’article X autorise le divorce en cas de
mésentente ou oblige à réparation en cas de
faute ou permet l’expulsion pour non
paiement des loyers. Il s’agit ici de
déterminer le fondement juridique du
résultat concret que le demandeur réclame. Il
faut donc donner la référence exacte du texte
concerné ou la formulation précise du
principe invoqué)
Pourquoi ? (ici la formulation se situe
toujours à un niveau général, elle tend à
démontrer que le fondement invoqué
s’applique bien ou produit bien les effets
demandés)
Madame Y refuse …. (le même résultat
concret)
Pourquoi ? (dans la situation particulière)
Pourquoi ? (en général. Il s’agit ici de
déterminer le fondement juridique du refus
opposé au demandeur)
Pourquoi ? (il s’agit de déterminer le
raisonnement par lequel le défendeur
soutient que le fondement ne s’applique pas à
la situation ou ne produit pas les effets
demandés)
3) La question de droit
Cette étape est fondamentale, car elle témoigne de votre bonne compréhension de
l’affaire. Vous devez y apporter un soin particulier.
La question de droit est l’exposé en termes généraux de la question juridique.
Il s’agit donc de déterminer le point sur lequel s’opposent les raisonnements juridiques des
parties. Ce point est dégagé grâce à la confrontation des prétentions de chaque partie,
confrontation opérée lors de l’étape précédente (dernière phase du tableau des prétentions).
La formulation de cette question doit évidemment se faire sous forme interrogative.
Elle doit aussi se présenter sous forme générale (ou abstraite). En effet, à ce stade de
l’étude, la situation particulière des plaideurs ne nous intéresse plus (peu importe si
monsieur X et madame Y pourront divorcer ou si monsieur Y pourra demander l’expulsion
de madame Y). Il faut donc éliminer les arguments de fait et les noms des parties. Ce qui
26
nous intéresse, c’est de déterminer quel est le raisonnement juridique pertinent, car il sera
susceptible de s’appliquer aux situations identiques. Il faut donc formuler la problématique
en remplaçant les éléments de fait par la catégorie à laquelle ils appartiennent ( exemples :
Des époux peuvent-ils divorcer pour mésentente ? Un propriétaire peut-il demander
l’expulsion de son locataire ?).
4) La solution de droit
C’est la réponse que la juridiction apporte à la question de droit. Il s’agit de vous
interroger sur le sens (a), la portée (b) et la valeur (c) de la décision étudiée.
a) Le sens
Déterminer le sens d’une décision consiste à dégager la règle abstraite retenue par la
juridiction. Cette phase se réalise en deux temps, il faut d’abord isoler la solution pour
déterminer ensuite sa signification.
Isoler la solution est simple, car celle-ci est la réponse à la question de droit formulée
au point n° 3. En aucun cas, la solution à analyser n’est « casse » ou « rejette », il ne s’agit
ici que de l’issue procédurale et particulière de l’affaire (elle n’intéresse que les parties et
leurs conseils). Ce qu’il faut mettre en valeur est la règle retenue par la juridiction pour
trancher le litige, car ce sont cette règle et son raisonnement qui seront peut-être reproduits
dans des cas similaires. C’est pour cette raison que l’on vous demande de les comprendre et
de les étudier.
Une fois isolée la solution de droit rendue par la juridiction, il faut cerner son
contenu. Pour cela, il vous faut définir et étudier le sens des termes employés et la façon dont
ils sont agencés (y compris la ponctuation qui est un indicateur essentiel). En vous appuyant
sur ce travail, vous devez proposer une formulation de la règle. Cette transcription permettra à
votre lecteur, à votre correcteur de voir si vous avez compris la décision. Elle est donc
primordiale. Cette transcription doit être fidèle à la décision et doit se présenter sous une
forme générale (c’est-à-dire, par exemple, qu’il ne s’agira pas d’énoncer que « monsieur
Dupont ou madame Karam ne peuvent se prévaloir de la loi nouvelle », mais de déterminer
quelle est la qualité juridique de ces personnes prise en compte pour le choix de la règle et de
remplacer leur nom par cette qualité, par exemple « les contractants ne peuvent se prévaloir
de la loi nouvelle ».).
Concrètement, cette rubrique intitulée sens de la solution doit
comprendre :
- la citation exacte de la solution de droit rendue par la juridiction (il s’agit ici d’un
travail de recopiage, mais il n’est pas inutile car il vous obligera à vous imprégner des
termes utilisés par les juges).
- la définition des termes principaux de la solution. Lorsque des termes importants de la
solution ne figurent pas dans les textes cités au visa, signalez-le car cela indique
souvent qu’ils ont été ajoutés par l’interprétation de la Cour.
- la transcription que vous en proposez.
A partir de ce travail, il vous faut évaluer la portée de la solution.
27
b) La portée
Envisager la portée d’une solution consiste à déterminer son influence, à la fois, dans
le temps et dans l’espace juridique.
α) Dans le temps : au regard du droit existant
au regard des textes
Il vous faut ici déterminer si la décision opère une modification du droit antérieur, et dans
l’affirmative, montrer en quoi consiste ce changement. Pour mesurer ce changement, il faut
comparer la solution de droit rendue et le texte appliqué si la Cour de cassation se réfère à
un texte précis. Cette comparaison doit être minutieuse pour déterminer si la solution étudiée
ajoute ou retranche des éléments à la lettre du texte. Si cela est le cas, il faudra absolument
essayer de déterminer la justification de ces ajouts ou de ces retraits en démontrant soit que
cela découle d’un argument classique d’interprétation (a contrario, a fortiori, par analogie,
etc…) soit de la place du texte, soit de l’esprit du texte, soit d’une justification pratique…
Par rapport aux décisions antérieures
Il vous faut déterminer si la décision opère une modification des solutions antérieures et,
dans l’affirmative, montrer en quoi consiste ce changement. Vous ne pouvez vous contenter
ici d’indiquer qu’il s’agit d’un revirement de jurisprudence ou d’une jurisprudence constante,
sans justifier votre affirmation par une évocation précise des solutions antérieures. Il ne s’agit
nullement de se contenter d’aligner des dates de décisions. La mention de la date des
décisions pertinentes n’est que la première étape, il faut ensuite expliquer en quoi elles sont
identiques ou différentes de celle étudiée. Il est parfaitement inutile de recopier les références
des commentaires de ces décisions (vous n’êtes pas des moines copistes !).
Dans la même optique, vous devez indiquer si la solution est toujours d’actualité ou si elle a
été depuis écartée par des solutions ou des textes contraires.
β) Dans l’espace juridique : tentative de détermination du domaine de la solution
Il faut ensuite essayer de dresser la liste des conséquences juridiques que la solution pourra
produire. Cette délimitation du domaine de la solution se fait en deux temps.
La première analyse repose sur la définition et l’étude attentive des termes de la
solution pour délimiter les hypothèses visées. Cette détermination peut se heurter à des
hésitations, certains mots pouvant être définis de façon plus ou moins extensive. Il vous faut
mentionner ces différentes interprétations et éventuellement indiquer les raisons qui
justifieraient de privilégier l’une d’elles.
La deuxième analyse consiste à se demander si la solution a une force d’expansion au-
delà du domaine ainsi défini. Ainsi, on se demandera s’il faut appliquer la solution aux
situations voisines – par exemple au concubinage, si la solution est rendue à propos du
mariage-, s’il faut l’appliquer à la catégorie générale dans laquelle s’inscrit le problème traité
– par exemple à toutes les locations d’immeuble, si la solution est rendue à propos d’un
immeuble à usage professionnel. Pour effectuer cette deuxième analyse, il est nécessaire
d’avoir une vision assez générale du droit, aussi il est conseillé pour l’instant de vous en tenir
à la première.
28
Quand vous serez familiarisés avec les étapes précédentes, il faudra vous interroger sur
la valeur de la solution.
c) La valeur
Réfléchir sur la valeur d’une solution consiste à apprécier son intérêt et son
opportunité d’un point de vue juridique, mais également à l’égard de considérations plus
générales.
α) D’un point de vue juridique
Il vous faut déterminer si la solution est cohérente par rapport aux principes et aux
textes qui régissent la matière.
Pour vous aider dans ce travail, vous devez vous poser systématiquement les
questions suivantes :
si la solution est rendue au visa d’un texte normatif : est-elle conforme à sa
lettre ? Est-elle conforme à son esprit ? La lettre du texte permettait-elle son
application à la question ? Si cette dernière réponse est négative : un argument
d’interprétation a-t-il était mis en œuvre ou peut-il permettre de critiquer le
raisonnement (a pari, a fortiori, a contrario), une maxime d’interprétation peut-elle
justifier la solution ou permettre de la critiquer (Exceptio est strictissimae
interpretationis, Ubi non distinguit, Specialia generalibus non derogant).
Pour toutes les solutions : est-elle cohérente par rapport aux solutions antérieures,
aux propositions doctrinales formulées sur la question, aux solutions tranchant les
questions voisines, aux textes internationaux …etc…
Les réponses à ces questions vous permettront de dresser une sorte de bilan de la décision
(arguments pour / arguments contre) permettant de porter une appréciation sur son contenu.
β) Au regard de l’objectif du droit : la bonne organisation des rapports humains
De façon plus générale, il faut vous demander si la solution est équitable, si elle est
viable (c’est-à-dire si sa mise en œuvre ne risque pas d’entraîner des complications ou des
effets pervers insurmontables), si elle est économiquement opportune (par exemple, si elle ne
crée pas une charge ou un avantage injustifiés à l’égard d’une certaine catégorie), si elle est
souhaitable d’un point de vue sociologique, …..etc….
Selon la teneur et le domaine de la solution, ces dernières interrogations ne fournissent
pas systématiquement des éléments intéressants. Aussi, si vous devez systématiquement vous
interroger sur ces points, il ne convient de mentionner les réponses auxquelles vous êtes
parvenus que si vous les juger dignes d’intérêt.
Annexe pour l’aide à la compréhension des décisions : organisation simplifiée des
juridictions et structure des deux types d’arrêt de la Cour de cassation :
29
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31
32
Méthodologie succincte du cas pratique
I) Détermination de la réponse
La détermination de la réponse suppose un travail organisé en quatre étapes.
La première étape est commune à tous les types d’exercice, même si elle est
malheureusement trop souvent négligée. Il s’agit d’opérer une lecture attentive et complète du
sujet. Pour atteindre ces qualificatifs, il convient de lire le sujet au moins trois fois, en son
entier et avec une attention soutenue (ceci n’est absolument pas une perte de temps). Il est
recommandé de profiter de ces lectures pour traduire la situation sous forme de schémas
(situant les protagonistes, leurs rapports) et pour établir une frise chronologique des faits. Il
est ensuite indispensable de qualifier les éléments qui vous sont présentés. Monsieur Pilou
est-il marié ou vit-il en concubinage ? Son fils Jean est-il mineur ? Pour résoudre cette
question, l’énoncé vous dit peut-être de façon anodine qu’il vient de réussir ou de rater son
permis de conduire. Ce sont ces points de détails qu’il ne faut pas rater. En effet, cette
anecdote vous indique que le protagoniste a plus de 18 ans et donc qu’il est majeur, ce qui
peut avoir une incidence sur les règles appicables. Il est possible que l’énoncé ne précise pas
un élément fondamental (par exemple l’âge de l’enfant), il faudra alors relever cette
incertitude et indiquer ses incidences (notamment si cela change quelque chose en
envisageant alors les deux hypothèses : minorité/majorité).
La deuxième étape est fondamentale : il s’agit d’identifier les questions juridiques
posées par les faits. Pour cela, il va falloir à l’aide du travail de qualification traduire la
question concrète (par exemple : « Que risque-t-il ? ») en termes juridiques (par exemple :
« Un père peut-il être responsable des dommages causés par son enfant mineur ? »). Cette
étape, même si elle peut paraître simpliste, est absolument essentielle car seule une bonne
formulation de la problématique permet ensuite de déterminer les règles applicables.
La troisième étape consiste à déterminer les règles générales répondant aux questions
dégagées. Elle doit permettre d’accumuler les références précises des règles concernées. Il
s’agira de tel texte de loi, interprété en ce sens par telle jurisprudence, conforté par telle
opinion doctrinale (en aucun cas, on peut se contenter de citer sans expliquer comment elle
peut guider la réponse une jurisprudence). Si aucune décision n’a été rendue pour interpréter
le texte concerné afin de le rendre applicable au cas précis, sa citation doit nécessairement
s’accompagner de l’argument d’interprétation qui peut le rendre applicable (littéral, par
analogie, a contrario…etc …).
Enfin, la dernière étape consiste à appliquer ces règles générales aux faits qui vous
sont soumis. Cette ultime phase est indispensable (si l’examinateur avait voulu vous faire
exposer vos connaissances théoriques, il aurait proposé un sujet de dissertation). Il faut donc
la mener avec application : par exemple en déterminant par rapport aux faits quel est le
recours le plus pertinent pour votre client (au regard du droit, mais aussi du contexte : par
exemple telle personne étant solvable, telle autre l’étant moins).
Il convient nécessairement de vérifier si les conditions d’application des règles
générales sont bien remplies, puis de détailler les conséquences de leur application (par
exemple s’il s’agit d’un délai de prescription d’indiquer clairement, si l’énoncé le permet, la
date à laquelle la prescription va jouer).
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Si plusieurs règles générales sont applicables, il conviendra de déterminer si une doit
être privilégiée (par exemple sur la base du raisonnement specialia generalibus derogant) ou si
elles peuvent être cumulées (dans ce cas, il faudra sans doute apprécier les avantages et
inconvénients respectifs de ces diverses voies pour votre client).
II) La présentation de la réponse
L’introduction doit être courte et elle ne doit absolument pas consister à recopier
l’énoncé. Elle doit résumer drastiquement les faits en leur restituant leur qualification
juridique.
Le plan doit être concret (par exemple : I) Les actions de la victime II) Les moyens de
défense du responsable) et comporter autant de parties que de questions distinctes.
Les développements doivent suivre le triptyque suivant :
qualification en termes juridiques de la question
détermination des règles générales applicables
application aux faits.
Le style doit être :
concis
simple (il faut privilégier les phrases sujet-verbe-complément)
précis (il convient de bannir les imprécisions qui figurent volontairement dans l’énoncé et qui
ont été choisies pour vous habituer à recevoir des clients par définition non juristes. Une fois
qualifiées les situations dans l’introduction, vous ne devez plus employés que les termes
exacts (par exemple un beau-fils n’est pas un fils).
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Annexe 2 : sujet et correction du partiel 2006/2007
Durée de l'épreuve : 3h – Document autorisé : Code civil
Etablir l'analyse de la décision suivante / 15 points Cour de Cassation, Chambre civile 2
Audience publique du 7 octobre 2004
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 9 du nouveau Code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu qu'en 1989 Mme X... a reçu de M. Y... une somme d'argent que les héritières de ce
dernier lui ont réclamée au motif qu'elle aurait été prêtée et non donnée ; qu'afin de rapporter la
preuve de leur allégation, elles ont versé aux débats une cassette contenant l'enregistrement
d'une conversation téléphonique effectué par M. Y... à l'insu de son interlocutrice, Mme X... ;
Attendu que pour condamner Mme X... à payer aux consorts Z... une somme de 150 000 francs
outre les intérêts et dire qu'elle serait redevable des conséquences fiscales d'une réintégration
de la créance au patrimoine de M. Y..., tardive en raison de son refus de reconnaître le prêt, la
cour d'appel a énoncé que le secret des correspondances émises par la voie des
télécommunications était opposable aux tiers mais pas à M. Y... qui avait pu valablement
enregistrer une conversation qu'il avait eue personnellement avec une autre personne, ni à ses
héritiers qui sont l'émanation de sa personne ;
35
que sa production à la présente instance ne portait pas atteinte à la vie privée de Mme X...
dès lors qu'aucun fait relevant de la sphère de son intimité n'était révélée, la discussion
rapportée portant exclusivement sur le remboursement du prêt consenti par M. Y... et que
la production de la cassette était un moyen de preuve recevable ; Qu'en statuant ainsi,
alors que l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué et conservé à
l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en
justice la preuve ainsi obtenue, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES
MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : CASSE ET
ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2003, entre les parties,
par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état
où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d'appel de Paris
Pour information :
NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE
Article 9
Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au
succès de sa prétention.
CONVENTION EUROPENNE DES DROITS DE L'HOMME
Article 6 al 1er – Droit à un procès équitable
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et
impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière
pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès
de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité
ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la
sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs
ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure
jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances
spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
Exercice n° 2 / 5 points
1°) Donner la définition des termes « visa » (1 point) et « droits subjectifs » (1 point).
2°) Donnez une illustration, en justifiant vos déductions, de l’application de
l’argument a fortiori et de l’argument a contrario au texte suivant : « Sauf
autorisation de justice, il est interdit, à peine de nullité, à quiconque exerce une fonction
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ou occupe un emploi dans un établissement hébergeant des personnes âgées ou dispensant
des soins psychiatriques de se rendre acquéreur d'un bien ou cessionnaire d'un droit
appartenant à une personne admise dans l'établissement, non plus que de prendre à bail le
logement occupé par cette personne avant son admission dans l'établissement. »
Correction
Exercice n° 1 (NDLR : cette correction n’a pas été mise à jour en fonction des
évolutions postérieures pour vous permettre d’être dans la peau de l’étudiant
présentant ce partiel lorsque le sujet a été proposé en 2006)
Vous constaterez que la longueur du devoir attendu est COURTE, vous ne devez pas
mentionner dans votre copie d’éléments inutiles. Le hors sujet vous fera perdre des
points, du temps et vous empêchera de soigner la rédaction.
Analyse de la décision de la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation
du 7 octobre 2004
1) Les faits
En 1989, madame X reçoit une importante somme d'argent (150 000 francs) de
monsieur Y. Monsieur Y enregistre à l'insu de madame X une de leurs conversations
téléphoniques pendant laquelle l'opération est décrite comme étant un prêt.
Monsieur Y décède. Ses héritières (les consorts Z) demandent alors à madame X
le remboursement de la somme remise, en affirmant qu'elle avait été versée dans le cadre
d'un contrat de prêt et non dans celui d'une donation, comme l'atteste l'enregistrement
effectué.
2) La procédure et les prétentions des parties
a) La procédure
Les héritières de monsieur Y (les consorts Z) assignent madame X en
remboursement de la somme prêtée devant un tribunal de grande instance.
Ce tribunal de grande instance rend un jugement inconnu, appel est alors interjeté.
Le 16 janvier 2003, la Cour d'appel de Versailles statue en faveur des consorts Z et
condamne madame X à rembourser le prêt et diverses pénalités.
Madame X se pourvoit en cassation.
Le 7 octobre 2004, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation casse et
annule l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles.
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b) Les prétentions des parties
Demandeur au pourvoi Défendeurs au pourvoi
Madame X conteste l’obligation de
rembourser la somme remise.
Les consorts Z demandent le
remboursement de la somme
remise.
Car la remise n'était pas un prêt,
mais une donation et qu'on ne peut
pas tenir compte de
l'enregistrement pour prouver le
contraire
Car la remise était un simple prêt
comme le prouve l'enregistrement
Car l'enregistrement ayant été
effectué et conservé à son insu ne
peut être valablement produit en
justice
Car l'enregistrement, ne portant
pas atteinte à la vie privée, peut
valablement être produit en justice
3) La question de droit
La Cour de cassation s'est ici interrogée sur la question suivante :
Peut-on utiliser n'importe quel procédé pour obtenir un moyen de preuve ?
(autres formulations possibles : Peut-on utiliser un procédé déloyal pour produire un
moyen de preuve ? / L'enregistrement dissimulé d'une conversation peut-il constituer une
preuve recevable ?)
4) La solution de droit
a) Le sens
A cette question, la Cour a répondu « Vu les articles 9 du nouveau Code de
procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales ; (...) l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée,
effectué et conservé à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal
rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue ».
Afin d'éclairer le sens de la solution de droit ainsi rendue, nous définirons ses
termes principaux.
A l'insu : en cachette, c'est-à dire en dissimulant, en mentant.
38
Procédé : façon d'agir. Il s'agit donc de contrôler la façon dont les plaideurs ont obtenu
l'élément de preuve qu'ils produisent. Cette question est distincte de celle de la nature de
la preuve (par exemple, l'écrit ou le témoignage). Ce n'est donc pas sur le mode de preuve
que la Cour de cassation se prononce dans cette solution, mais sur la façon dont il a été
constitué.
Déloyal : qui n'est pas correct, qui n'adopte pas une conduite honnête. Ce terme renvoie à
un standard général de conduite et non pas à des dispositions légales précises. Il faut
souligner que ce terme ne figure dans aucun des textes invoqués par la Cour de cassation
dans son visa.
Irrecevable : ne pouvant être accepté et pris en compte par les juridictions.
En justice : mise en oeuvre du droit par les tribunaux
Preuve : démonstration de l'existence d'un fait ou d'un acte.
Il résulte de cette analyse de texte que la Cour de cassation écarte du débat
judiciaire les preuves obtenues de façon incorrecte, c'est-à-dire grâce à un comportement
qui n'est pas sincère.
b) La portée
α) Dans le temps : au regard du droit existant
Par rapport au visa
La Cour de cassation a statué au visa des articles 9 du NCPC et de l'article 6 de la
Convention Européenne des Droits de l'Homme. Elle s’est donc référée à deux textes. Or,
cette invocation cumulée des deux textes est utilisée pour accroître leur portée, pour
dépasser la lettre de chacun de ces textes. Ainsi, cette invocation permet à la Cour de
cassation d'imposer aux plaideurs un comportement « loyal » dans l'obtention des preuve,
c'est-à-dire d'aller plus loin que le comportement « légal », qu'elle aurait pu fonder sur la
lettre de l'article 9 du NCPC « conformément à la loi ». Etre loyal suppose non seulement
de respecter les prescriptions légales, mais aussi d'agir avec correction (il reviendra aux
décisions postérieures et à la doctrine de déterminer les contours exacts de cette notion).
Par rapport à la jurisprudence antérieure
Cette décision constitue un arrêt de principe car, si la jurisprudence avait déjà été
sensible à la façon dont les éléments de preuve présentés avaient été obtenus, elle n'avait
sanctionné ces procédés que sur la base de textes légaux précis (par exemple, la violation
de la vie privée, c'est-à-dire de l'article 9 du Code civil pour la production de lettres
missives ou celle d'une correspondance informatique non professionnel du salarié : Cass.
Soc., 2 octobre 2001 : Bull. Civ. V, n° 291). C'est donc la première fois que la Cour de
39
cassation affirme de façon solennelle le principe général de la loyauté de la preuve.
β) Dans l’espace juridique : tentative de détermination du domaine de la solution
La Cour de cassation a statué au visa des articles 9 du NCPC et de l'article 6 de la
Convention Européenne des Droits de l'Homme Il s'agit de textes très généraux. Ces
références donnent donc une ampleur maximale à la solution rendue car elle ne sera pas
limitée à un mode de preuve en particulier (comme cela aurait pu être le cas si la Cour
avait cité un texte relatif à l'un de ces modes de preuve, par exemple l'aveu), ni à la preuve
d'un type d'événement (comme cela aurait pu être le cas, si elle avait parlé de fait ou d'acte
juridique).
Toutefois, si cette exigence est générale, en pratique ses conséquences se
manifesteront davantage lorsque le point à prouver est soumis à la preuve par tous
moyens (car, pour un écrit préconstitué, les hypothèses d'obtention incorrecte sont plus
rares).
c) La valeur
α) D’un point de vue juridique
L'exigence instaurée ici par la jurisprudence se nourrit de la même inspiration que
certaines dispositions légales traditionnelles, ainsi deux modes de preuve (l'aveu et le
serment) reposent sur la loyauté de celui qui les effectue. Toutefois, il est vrai, qu'en
pratique, ils sont peu utilisés. La jurisprudence a voulu donner, par le principe affirmé, un
renouveau à la moralité de la preuve (en rendant inutiles les comportements visant à
tromper et à surprendre les autres). L’instauration d’une telle exigence, au-delà de la lettre
des textes, ne devrait-elle pas relever du législateur ?
β) Au regard de l’objectif du droit : la bonne organisation des rapports humains
Cette solution traduit toute la difficulté du droit de la preuve, en mettant en avant
l'exigence morale (et donc la condamnation des comportements douteux), elle limite les
éléments de preuve recevables (c'est-à-dire elle diminue les chances de faire apparaître la
vérité objective comme l'espèce l'illustre).
Exercice n° 2
40
Le texte interdit au personnel des établissements hébergeant des personnes âgées d’acheter les
biens de ces personnes car le personnel pourrait être tenté de profiter de la dépendance de ces
personnes âgées pour obtenir des prix avantageux. A fortiori, pour ce personnel il est interdit
de recevoir une donation de la part des personnes âgées hébergées car une donation opérant
un transfert du bien sans contre partie est encore plus dangereuse pour ces personnes âgées
qu’une vente.
Le texte interdit la vente de biens de personnes âgées au personnel des établissements dans
lesquels elles sont hébergées. A contrario, ces personnes âgées peuvent vendre leurs biens à
toutes les autres personnes.
Attention. Les copies ayant indiqué qu’avec une autorisation il était possible pour le
personnel concerné d’acquérir un bien appartenant à une personne admise dans
l’établissement n’ont fait qu’appliquer la lettre du texte. Il n’y a aucune déduction dans ce
dernier exemple. Nous ne sommes absolument pas en présence d’un raisonnement a contrario.
Il en est de même pour les copies qui ont fourni comme exemple du raisonnement a fortiori
l’interdiction de prendre à bail le logement occupé par la personne avant son admission. Il
s’agit encore une fois de l’application pure et simple de la lettre du texte.
Les arguments a contrario, a fortiori et a pari sont invoqués dans des hypothèses où il n’existe
pas de règle pour trancher le cas qui se présente et où on s’interroge sur la pertinence
d’utiliser une règle ou les indications données pour d’autres hypothèses. Il ne s’agit
absolument pas de justifier à l’aide de ces arguments le contenu d’un texte, sa lettre.
Annexe 3 : sujet et correction du partiel 2011/2012
Durée 3 heures, Code civil autorisé
Exercice n° 1 : 5 points
1°) Définissez les arguments suivants :
- par analogie
- a fortiori
- a contrario
2°) Appliquez, en justifiant vos déductions, ces arguments à la règle suivante :
« Il est interdit de déjeuner dans les amphithéâtres»
Exercice n° 2 : 15 points
Effectuez l’analyse de la décision suivante :
Cour de cassation, chambre civile 1, Audience publique du jeudi 11 juin 2009
N° de pourvoi: 08-16914 , Publié au bulletin Rejet
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
41
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu qu'imputant sa contamination par le virus l'hépatite C au traitement de ses varices,
réalisé entre le 27 septembre 1981 et le 11 janvier 1982 par injection d'un liquide sclérosant,
Mme X... a recherché la responsabilité de M. Y..., son médecin ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt confirmatif (Bordeaux, 16 avril 2008) de l'avoir déclaré
responsable de la contamination de Mme X... par le virus de l'hépatite C et de l'avoir
condamné à lui verser une indemnité en réparation de son préjudice, alors, selon le moyen,
que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'en conséquence,
une partie à un procès ne peut se voir opposer une règle de droit issue d'un revirement de
jurisprudence lorsque la mise en oeuvre de celle-ci aboutirait à la priver d'un procès équitable
; qu'en 1981 et 1982, la jurisprudence mettait à la charge du médecin, en matière d'infection
nosocomiale, une obligation de moyens et n'a mis à sa charge une obligation de sécurité de
résultat qu'à compter du 29 juin 1999 ; que l'application du revirement de jurisprudence du 29
juin 1999 à la responsabilité des médecins pour des actes commis avant cette date a pour
conséquence de priver le médecin d'un procès équitable, dès lors qu'il lui est reproché d'avoir
manqué à une obligation qui, à la date des faits qui lui sont reprochés, n'était pas à sa charge ;
qu'en décidant néanmoins que M. Y... était tenu d'une obligation de sécurité de résultat en
raison des actes qu'il avait pratiqués sur Mme X... entre le 27 septembre 1981 et le 11 janvier
1982, bien que ceux-ci eussent été réalisés avant le revirement de jurisprudence ayant
consacré l'existence d'une obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel a privé M. Y... du
droit à un procès équitable, en violation des articles 1147 et 5 du code civil et 6 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès
équitable pour contester l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une
évolution de la jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée,
dès lors que la partie qui s'en prévaut n'est pas privée du droit à l'accès au juge ; que le moyen
n'est pas fondé en sa première branche ;
Et attendu qu'aucun des griefs du moyen unique, pris en ses autres branches, ne serait de
nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi
Pour information :
CONVENTION EUROPENNE DES DROITS DE L'HOMME, Article 6 al 1er – Droit à un
procès équitable :
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans
un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera,
soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de
toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu
publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public
pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de
la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la
protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement
42
nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature
à porter atteinte aux intérêts de la justice
Obligation de moyens : obligation qui pèse sur un débiteur de mettre en œuvre tous les
moyens dont il dispose pour satisfaire son créancier. Dans cette hypothèse, le seul fait qu’un
résultat précis n’est pas réalisé ne suffit pas à engager la responsabilité du débiteur.
Obligation de résultat : obligation qui pèse sur un débiteur de fournir à son créancier un
résultat précis. Dans cette hypothèse, la responsabilité est engagée du seul fait que ce résultat
n’est pas réalisé (la responsabilité est donc plus facilement engagée qu’en présence d’une
obligation de moyens, l’obligation qui pèse sur le débiteur est ainsi plus lourde).
Article 1147 du Code civil, rédaction alors applicable : « Le débiteur est condamné, s'il y a
lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à
raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient
d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de
sa part. »
Correction de l’exercice n° 2
- (NDLR : cette correction n’a pas été mise à jour en fonction des évolutions
postérieures pour vous permettre d’être dans la peau de l’étudiant présentant ce
partiel lorsque le sujet a été proposé en 2006)
- Les passages introduit par (NDLR) sont des explications données pour vous
permettre de comprendre la correction, ce ne sont pas des passages attendus dans
une copie.
Analyse de la décision de la première Chambre civile de la Cour de cassation
du 11 juin 2009
1) Les faits
Entre le 27 septembre 1981 et le 11 janvier 1982, madame X est traitée pour un
problème de varices par monsieur Y, médecin qui procède à des injections d’un liquide
sclérosant. Madame X est contaminée par le virus de l’hépatite C.
Le 29 juin 1999, dans une toute autre affaire, la Cour de cassation alourdit les
obligations pesant sur les médecins en présence d’une infection nosocomiale (c’est-à-dire
d’une infection contractée dans un établissement de soin). Elle considère que leur
responsabilité est engagée par le seul fait de l’infection. Cette obligation repose sur une
nouvelle interprétation jurisprudentielle, le texte normatif [NDLR : l’article 1147 du Code
civil] n’ayant pas été modifié.
2) La procédure et les prétentions des parties
a) La procédure
Madame X assigne monsieur Y, médecin en responsabilité devant le tribunal de
grande instance compétent.
Cette juridiction fait droit à sa demande, c’est-à-dire reconnait la responsabilité du
médecin et le condamne à indemniser madame X [NDLR : le texte de l’arrêt de la Cour de
cassation permet de détermine le sens de la décision de première instance, car il évoque
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l’arrêt confirmatif de la Cour d’appel de Bordeaux, ce qui indique que la Cour d’appel a statué
dans le même sens que la juridiction de première instance]. Monsieur Y interjette appel.
Le 16 avril 2008, la Cour d'appel de Bordeaux retient la responsabilité du médecin et
le condamne à indemniser madame X.
Monsieur Y se pourvoit en cassation.
Le 11 juin 2009, la première Chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
b) Les prétentions des parties
Demandeur initial Défendeur
Madame X demande réparation au médecin
Y.
Le médecin Y refuse d’indemniser madame
X.
Car elle a contracté une infection
nosocomiale durant un traitement qu’il lui a
administré.
Car il n’est pas tenu d’indemniser l’infection
nosocomiale qu’elle a contractée durant le
traitement
Car, en vertu de la jurisprudence actuelle, le
médecin est tenu d’une obligation de sécurité
de résultat en présence d’une infection
nosocomiale
Car à l’époque où les soins ont été prodigués,
la jurisprudence considérait que le médecin
n’était tenu que d’une obligation de moyens
Car on ne peut se prévaloir de l’interprétation
jurisprudentielle existant au moment des faits
Car doit lui être appliquée l’interprétation
jurisprudentielle existant au moment des faits
Car un revirement de jurisprudence s’applique
à tous les faits
Car un revirement de jurisprudence ne peut
s’appliquer aux faits antérieurs à la décision
qui l’opère
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3) La question de droit
La Cour de cassation s'est ici interrogée sur la question suivante :
Quels sont les effets d’un revirement de jurisprudence sur les faits accomplis antérieurement ?
(Autres formulations possibles : Quels sont les effets dans le temps d’un changement
d’interprétation jurisprudentielle ? / Les revirements doivent-ils être rétroactifs ?/ A-t-on un
droit acquis à une jurisprudence figée ?)
4) La solution de droit
a) Le sens
A cette question, la Cour a répondu « Mais attendu que la sécurité juridique, invoquée
sur le fondement du droit à un procès équitable pour contester l'application immédiate d'une
solution nouvelle résultant d'une évolution de la jurisprudence, ne saurait consacrer un droit
acquis à une jurisprudence figée, dès lors que la partie qui s'en prévaut n'est pas privée du
droit à l'accès au juge ; que le moyen n'est pas fondé en sa première branche ».
Afin d'éclairer le sens de la solution de droit rendue, nous analyserons ses termes
principaux.
Sécurité juridique : le terme sécurité désigne les situations qui sont à l’abri du danger. Cette
notion appliquée au domaine juridique fait référence à un droit dont la mise en œuvre respecte
les prévisions des intéressés, à un droit qui ne fait pas subir à ses sujets des perturbations
imprévues.
Le fondement est l’argument, le motif avancé au soutien d’une prétention.
Le droit à un procès équitable est un droit établi par l’article 6 de la CEDH pour garantir la
probité et la qualité du traitement judiciaire.
L’application immédiate est la mise en œuvre sans délai d’une règle. On notera que
l’expression est utilisée de façon ambigüe. En effet, dans la problématique voisine qu’est
l’application de la loi dans le temps : elle vise l’application de la loi nouvelle à tous les faits
postérieurs à son entrée en vigueur. Or, ici il s’agit d’appliquer la règle à des faits antérieurs à
son apparition.
Solution nouvelle : il s’agit ici d’une règle différente due à une « évolution ». Le choix du
vocabulaire est ici intéressant, car si les termes retenus montrent bien qu’un changement s’est
produit ils n’insistent pas sur le contraste avec la solution antérieure. En effet, le terme
« évolution » fait dans le langage courant référence à une transformation graduelle et le choix
de l’adjectif « nouvelle » évite d’employer les termes « différente » ou « contraire ».
Corroborant ces éléments, il faut également noter que le vocable « revirement » n’est pas
employé. Pourtant, c’est bien de cela dont il s’agit. Toutefois, si la Cour de cassation n’a pas
souhaité utiliser le terme, c’est sans doute car il renvoie, dans le langage courant, à un
changement complet et brusque.
Jurisprudence : ce terme englobe plusieurs significations. Ces deux principales acceptions
sont « l’ensemble des décisions rendues pendant une certaine période dans une certaine
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matière » et « la solution apportée par une juridiction à une question juridique discutée et qui,
en raison de l’autorité morale de la juridiction concernée et/ou de la qualité du raisonnement
juridique est reprise par les autres juridictions ». Ce second sens est celui utilisé ici par la
Cour de cassation.
Se prévaloir : tirer un avantage ou un parti de quelque chose.
Droit acquis : droit qui étant valablement entré dans le patrimoine d’une personne en
application de la règle ancienne ne peut plus être remis en cause par l’application d’une
nouvelle règle. Cette notion a surtout été utilisée dans la réflexion menée à propos de la loi
dans le temps. Elle doit attirer l’attention sur la similitude des problématiques et la question
de la rétroactivité.
Jurisprudence figée : interprétation d’un texte qui ne pourrait pas évoluer. A noter que
l’adjectif « figé » a une connotation en général négative (renvoyant aux idées de sclérose, de
paralysie). Son utilisation ici montre que la Cour de cassation entend privilégier le caractère
évolutif de la jurisprudence et justifier ainsi son caractère rétroactif (en effet, pour viser la
même réalité, elle aurait pu utiliser les adjectifs « établie », « stable » ou « constante » qui ne
présentaient pas cette connotation).
Etre privé : ne pouvoir utiliser obtenir quelque chose.
Accès au juge : droit de faire entendre sa cause par une juridiction.
Ainsi, la Cour de cassation considère qu’un changement de jurisprudence doit
s’appliquer sans considération de la date des faits concernés (c’est-à-dire y compris aux faits
antérieurs). Il n’est donc pas possible d’invoquer l’interprétation qui prévalait au moment où
les faits se sont réalisés. Une seule limite est admise : lorsque l’évolution jurisprudentielle
pourrait priver un justiciable de son droit de saisir le juge.
b) La portée
Ce débat sur l’encadrement du caractère rétroactif de la jurisprudence ne pouvait être
tranché par l’application de textes internes, car officiellement dans notre système juridique la
jurisprudence n’est pas une source de droit. Aussi, ni la Constitution, ni le Code civil
n’encadrent l’application dans le temps des règles qu’elle institue.
Ce constat explique que la discussion et la réponse donnée par la Cour de cassation se
soient focalisées sur un texte international : l’article 6 de la CEDH. Néanmoins, ce texte
n’évoque pas explicitement le problème, il instaure un droit général à un procès équitable.
L’enjeu est donc de déterminer si un procès équitable suppose la prévisibilité des règles
applicables, et plus précisément des règles prétoriennes. La réponse de la Cour de cassation
est négative : l’article 6 de la CEDH ne permet pas d’encadrer de façon générale l’application
dans le temps des positions jurisprudentielles. Le seul rôle reconnu à ce texte est d’encadrer
les solutions relatives à l’accès au juge.
Le principe retenu (application du revirement indépendamment de la date des faits
jugés) n’est pas nouveau, en effet cette position a déjà été affirmée dans des termes identiques
par un arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation du 21 mars 2000.
Toutefois, une décision de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 21
décembre 2006 avait accepté sur le fondement de l’article 6 de la CEDH de moduler dans le
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temps les effets des revirements de jurisprudence. Or, l’ampleur de cette admission suscitait
des profondes divergences d’interprétation.
La décision commentée est venue préciser qu’il ne s’agissait que d’une exception,
cantonnant donc l’ouverture opérée par l’Assemblée plénière aux seules hypothèses où il est
question du droit à l’accès au juge.
Pour saisir l’intérêt et les incidences de la décision commentée, il faut tenter de
déterminer le domaine exact de l’exception, c’est-à-dire des hypothèses auxquelles est
cantonné l’effet de l’article 6 de la CEDH. La Cour évoque la privation de l’accès au juge,
donc cela ne devrait concerner que les règles de procédure et celles de prescription. Il faut
souligner que ce domaine est très réduit.
c) La valeur
Cette décision est un facteur d’insécurité juridique. Un citoyen se conformant
aujourd’hui à une interprétation jurisprudentielle peut voir demain son comportement critiqué
car la règle a changé.
Cette insécurité a été perçue et encadrée pour les lois nouvelles, pourquoi ne pas
étendre cette protection aux règles créées par la jurisprudence ? En effet, la comparaison avec
l’application de la loi dans le temps met en lumière les inconvénients de la solution retenue.
Ainsi, en ce qui concerne la loi, la rétroactivité est, en principe, écartée par l’article 2 du code
civil. De plus, les juges ont même limité la possibilité pour le législateur d’édicter des lois
rétroactives. En effet, les juridictions ont imposé qu’il existe une justification à cette
rétroactivité, c’est-à-dire ont considéré que le choix de la rétroactivité par le législateur n’était
plus discrétionnaire. (CEDH décision du 28 octobre 1999 qui exige que la rétroactivité soit
justifiée par d’« impérieux motifs d’intérêt général » et Cass, AP, 23 janvier 2003 reprenant
la même formule). Le contraste doit ici être souligné entre la limitation de la rétroactivité de la
loi et l’admission de celle de la jurisprudence.
De plus, l’application de cette solution ne se fera pas sans difficulté d’interprétation,
car il n’est pas évident de cerner le champ d’application de l’exception. Quelles sont
précisément les matières où une interprétation jurisprudentielle pourrait priver le justiciable de
son droit d’accès au juge ?
Néanmoins, il est vrai que ce n’est peut-être pas à la Cour de cassation de déterminer
elle-même quel va être le statut de ses décisions. L’évolution de ce statut appelle sans doute
l’intervention du législateur ou du moins un renouvellement de la réflexion sur les sources du
droit français et la remise en cause de la présentation héritée de l’époque révolutionnaire selon
laquelle la jurisprudence n’est pas, dans notre système, une source de droit.