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Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

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Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

Direction du développement des individus et des communautés

Janvier 2019

AUTEURS

Chantal Blouin Direction du développement des individus et des communautés Institut national de santé publique du Québec

Samiratou Ouédraogo Université McGill et Institut national de santé publique du Québec

Marie-Claude Gélineau Direction de santé publique Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud de l’Île de Montréal

Céline Lepage Direction de santé publique Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale

Ernest Lo Bureau d’information et d’études en santé des populations Institut national de santé publique du Québec

Marie-Claude Paquette Direction du développement des individus et des communautés Institut national de santé publique du Québec

Gilles Paradis Département d’épidémiologie, biostatistiques et de santé au travail Université McGill

Stéphane Perron Direction de la santé environnementale et toxicologie Institut national de santé publique du Québec

SOUS LA COORDINATION DE

Jean-Pierre Landriault, chef d’unité scientifique Direction du développement des individus et des communautés Institut national de santé publique du Québec

MISE EN PAGE

Anouk Sugar Direction du développement des individus et des communautés Institut nationale de santé publique du Québec

Ce document est disponible intégralement en format électronique (PDF) sur le site Web de l’Institut national de santé publique du Québec au : http://www.inspq.qc.ca.

Les reproductions à des fins d’étude privée ou de recherche sont autorisées en vertu de l’article 29 de la Loi sur le droit d’auteur. Toute autre utilisation doit faire l’objet d’une autorisation du gouvernement du Québec qui détient les droits exclusifs de propriété intellectuelle sur ce document. Cette autorisation peut être obtenue en formulant une demande au guichet central du Service de la gestion des droits d’auteur des Publications du Québec à l’aide d’un formulaire en ligne accessible à l’adresse suivante : http://www.droitauteur.gouv.qc.ca/autorisation.php, ou en écrivant un courriel à : [email protected].

Les données contenues dans le document peuvent être citées, à condition d’en mentionner la source.

Dépôt légal – 1er trimestre 2019 Bibliothèque et Archives nationales du Québec ISBN : 978-2-550-83306-2 (PDF)

Gouvernement du Québec (2019)

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

Institut national de santé publique du Québec I

Remerciements

L’équipe de recherche tient à remercier tous les participants aux groupes de discussion, tous les informateurs clés et toutes les organisations qui ont collaboré à la réalisation de ce projet. Notamment, nous remercions les groupes communautaires pour leur aide lors de la planification et la tenue des groupes de discussion : Ressources familiales Côte-de-Beaupré, Mères et Mondes, la P'tite Maison de Saint-Pierre, le Groupe de travail en sécurité alimentaire de Lachine, Ressource Action Alimentation, Famijeunes, et le Centre communautaire de loisirs de la Côte-des-Neiges (CELO).

Nous remercions Madame Monique Caron-Bouchard pour son travail d’animation pour les groupes de discussion et Madame Monique Provost pour la transcription des entrevues et des groupes de discussion.

Finalement, les auteurs remercient le Réseau de recherche en santé des populations du Québec pour sa contribution au financement de cette étude ainsi que les Instituts de recherche en santé du Canada pour le financement accordé à Samiratou Ouédraogo dans le cadre de son stage postdoctoral.

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

Institut national de santé publique du Québec III

Table des matières

Faits saillants .......................................................................................................................................... 1

Sommaire ................................................................................................................................................ 3

1 Introduction .................................................................................................................................... 5

2 État des connaissances sur l’efficacité et l’acceptabilité des interventions économiques pour favoriser la saine alimentation .................................................................... 7

3 Méthodologie ................................................................................................................................ 11

3.1 Description de l’intervention ................................................................................................ 11

3.2 Questions de recherche ....................................................................................................... 11

3.3 Méthodes de collecte des données .................................................................................... 12

3.4 Méthode d’analyse des données ........................................................................................ 13

4 Présentation des résultats .......................................................................................................... 15

4.1 Attitudes et perceptions des populations défavorisées concernant une subvention pour l’achat de fruits et légumes ......................................................................................... 15

4.2 Quels éléments de cette intervention et de sa mise en œuvre apparaissent acceptables ou non, et pour quelles raisons? ..................................................................... 19

4.3 Quels scénarios de mise en œuvre de cette intervention semblent plus facilement réalisables et pour quelles raisons? .................................................................................... 20

4.4 Quelles sont les perceptions concernant les obstacles à la mise en œuvre et les facteurs qui pourraient augmenter la faisabilité de l’intervention? ............................ 25

4.5 Le programme de coupon pour l’achat de fruits et légumes en Colombie-Britannique .... 29

5 Discussion des résultats ............................................................................................................. 31

6 Conclusion .................................................................................................................................... 33

Références ........................................................................................................................................... 35

Annexe 1 Guide pour groupe de discussion ................................................................................. 39

Annexe 2 Guide d’entretien pour les informateurs clés ............................................................... 43

Annexe 3 Grille de codage pour les groupes de discussion ....................................................... 47

Annexe 4 Grille de codage pour les entrevues ............................................................................. 51

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

Institut national de santé publique du Québec 1

Faits saillants

Ce rapport de recherche présente l’analyse de la faisabilité et de l’acceptabilité sociale d’une subvention pour l’achat de fruits et légumes visant les ménages défavorisés avec enfants au Québec. Six groupes de discussion ont été menés avec des membres de ménages défavorisés dans les régions de Montréal et Québec et dix entrevues avec des personnes œuvrant dans des organisations qui ont une expertise liée à la mise en œuvre potentielle de cette intervention.

L’acceptabilité sociale de l’intervention auprès des populations ciblées était unanime. Certains soulignaient que le risque de stigmatisation était bien présent mais, au final, ces risques étaient jugés comme étant moindres que les bénéfices liés à l’intervention. Pour ce qui est de la faisabilité, il apparait comme réaliste de mettre en œuvre, dans le contexte québécois, une intervention économique telle que proposée, même si certains obstacles techniques doivent être surmontés.

Cinq principes directeurs se dégagent pour guider la conception et la mise en œuvre d’un tel programme au Québec.

La simplicité de l’utilisation du coupon ou de la carte est très importante pour réduire le risque destigmatisation, en diminuant la visibilité de la transaction, et pour réduire les coûts pour lesmarchands.

La proximité des lieux d’utilisation des coupons est un autre critère à appliquer lors de laplanification d’une telle intervention.

Le troisième principe directeur concerne l’importance d’adapter l’intervention aux réalités del’offre alimentaire de proximité, dans le milieu d’intervention.

La conception et la mise en œuvre de l’intervention devront se faire en partenariat avec lesacteurs communautaires et commerciaux du lieu d’intervention.

L’intervention devrait être conçue, de sorte à maximiser les co-bénéfices; il s’agirait donc nonseulement de viser l’augmentation de la consommation de fruits et légumes au sein despopulations défavorisées, mais aussi, lorsque le contexte local s’y prête, de contribuer à l’atteinted’autres objectifs socio-économiques, tels que de la promotion et la valorisation des produitsbioalimentaires du Québec.

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

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Sommaire

Ce rapport de recherche présente l’analyse de la faisabilité et de l’acceptabilité sociale d’une subvention pour l’achat de fruits et légumes visant les ménages défavorisés avec enfants au Québec. Six groupes de discussion ont été menés avec des membres de ménages défavorisés dans les régions de Montréal et Québec et dix entrevues avec des personnes œuvrant dans des organisations qui ont une expertise liée à la mise en œuvre potentielle de cette intervention.

Quelle est l’intervention sous examen?

Il s’agit d’une subvention pour l’achat de deux portions de fruits et légumes par jour. Chaque ménage participant recevrait des coupons (ou une carte prépayée) échangeables contre des fruits et des légumes frais, congelés ou en conserve dans les épiceries, les supermarchés et autres commerces d’alimentation. Les coupons auraient une valeur marchande de 0,62 $ par personne, par jour. Ainsi, un ménage de quatre personnes recevrait un coupon d'une valeur de 17,36 $ par semaine pour l'achat de fruits et légumes.

Quelles sont les attitudes et perceptions des populations défavorisées concernant une subvention pour l’achat de fruits et légumes?

La totalité des participants aux groupes de discussion a exprimé des commentaires positifs à l’égard d’une subvention pour l’achat de fruits et légumes pour les ménages à faible revenu. Ils croient qu’une telle subvention est une bonne manière d’encourager l’achat et la consommation de fruits et légumes. Parmi les participants, les fruits et légumes sont perçus comme étant des aliments chers, ou même un produit de luxe, dont l’achat n’est pas priorisé lorsque le budget est trop serré. En outre, les fruits et légumes sont présentés comme des aliments dont les parents se privent pour s’assurer que leurs enfants puissent en consommer.

Les participants se sont aussi exprimés sur le risque de stigmatisation associé à l’intervention. Plusieurs participants aux groupes de discussion ont souligné que ce risque était en effet bien présent. En particulier, ils ont noté que les employés des commerces d’alimentation où ils échangeraient les coupons, de même que les autres clients, pourraient porter un jugement négatif, ou un regard de désapprobation lors de la transaction. Cependant, la perception quant au risque de stigmatisation lié à l’intervention n’est pas partagée par tous les participants, et au final, ces risques étaient jugés comme étant moindres que les bénéfices liés à l’intervention.

Quels éléments de cette intervention et de sa mise en œuvre apparaissent acceptables ou non, et pour quelles raisons?

Les perspectives des participants concernant les critères d’éligibilité pour l’intervention pointent vers un élargissement des critères, de manière à inclure tous les ménages à faible revenu et non seulement les ménages avec enfants. Toujours concernant l’acceptabilité de l’intervention, les participants aux groupes de discussion considèrent que les montants proposés sont suffisants, seulement si on les présente comme étant des montants additionnels qui permettent d’augmenter la consommation de fruits et légumes, et non pas des montants qui peuvent couvrir l’ensemble des achats des fruits et légumes d’une famille pour une semaine. Pour ce qui est des produits couverts par l’intervention, les participants aux groupes de discussion sont surtout intéressés à acheter des produits frais, plutôt que des fruits et légumes congelés ou en conserve.

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

4 Institut national de santé publique du Québec

Quels scénarios de mise en œuvre de cette intervention semblent plus facilement réalisables et pour quelles raisons?

Cinq principes directeurs se dégagent des résultats et des expériences à l’extérieur du Québec pour guider la conception et la mise en œuvre d’un tel programme au Québec. Premièrement, la simplicité de l’utilisation du coupon ou de la carte est très importante pour réduire le risque de stigmatisation, en réduisant la visibilité lors de la transaction et pour réduire les coûts de transactions pour les marchands. Dans cette perspective de simplicité, la carte prépayée est jugée comme étant préférable aux coupons papier, même si elle requiert des investissements pour développer une solution qui comble tous les besoins exprimés.

Deuxièmement, la proximité des lieux d’utilisation des coupons, peu importe le type d’établissements, est un autre critère à intégrer lors la conception d’une telle intervention. Le troisième principe directeur concerne le besoin d’adapter l’intervention aux réalités des sources d’approvisionnement alimentaire dans le milieu d’intervention, étant donné la diversité que l’on peut observer d’une région à l’autre du Québec, ou d’un quartier à l’autre d’une même ville.

Quatrièmement, la conception et la mise en œuvre de l’intervention devront se faire en partenariat avec les acteurs communautaires et commerciaux du lieu d’intervention. En effet, la distribution des coupons ou des cartes par les organismes communautaires, malgré certaines faiblesses, demeure l’option la plus viable. La participation des marchands ou producteurs sera elle aussi incontournable pour s’assurer du bon déroulement de l’intervention.

Finalement, l’intervention devra être conçue afin de maximiser les co-bénéfices; il s’agirait donc non seulement de viser l’augmentation de la consommation de fruits et légumes chez les populations défavorisées, mais aussi de contribuer à l’atteinte d’autres objectifs socio-économiques, tels que la promotion et la valorisation des produits bioalimentaires du Québec et l’amélioration de l’accès et l’identification des aliments favorables à la santé, partout sur le territoire. Une telle approche, qui a été adoptée dans plusieurs états américains et en Colombie-Britannique, tient compte de la coexistence des multiples objectifs de l’action publique et contribue à l’acceptabilité, la pérennité et la cohérence des politiques publiques favorables à la santé. Concrètement, cette cinquième ligne directrice pourrait se traduire par une intervention qui privilégie les marchés publics et les producteurs maraîchers du Québec comme partenaires de l’intervention, lorsque le contexte local s’y prête.

Quelles sont les perceptions concernant les obstacles à la mise en œuvre et les facteurs qui pourraient augmenter la faisabilité de l’intervention?

En ce qui concerne les obstacles, plusieurs participants aux groupes de discussion et des informateurs clés ont exprimé leurs préoccupations par rapport au fait que la mise en œuvre de l’intervention devrait s’assurer que les coupons soient véritablement utilisés pour l’achat de fruits et légumes et non pas pour d’autres produits.

Plusieurs informateurs clés durant les entrevues ont exprimé leurs préoccupations liées à la mécanique de remboursement des coupons; ils s’inquiètent qu’elle ne crée un fardeau pour les commerces d’alimentation et conséquemment devienne un frein important à la faisabilité de l’intervention.

Pour ce qui est des facteurs facilitants, plusieurs participants aux groupes de discussion, de même des informateurs clés, jugeaient très souhaitable que des mesures d’accompagnement de type éducatif soient mises en place avec le programme de subvention. Ce point de vue converge avec ce qui est observé dans la littérature, qui indique que les mesures éducatives ont généralement un niveau d’acceptabilité sociale plus élevé que les mesures économiques, et que de les combiner augmente l’acceptabilité des instruments économiques.

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

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1 Introduction

Une partie importante de la population ne consomme pas suffisamment de fruits et légumes. Au Québec, 39 % des adultes n’atteignent pas le seuil de cinq fruits ou légumes par jour (Blanchet et collab., 2009, données d’enquête de 2004), alors que le Guide alimentaire canadien recommande un minimum de 7 portions de fruits et légumes par jour pour les adultes.1 La consommation de fruits et légumes est plus faible chez les personnes provenant des ménages à faible revenu et moins scolarisées : ainsi, au Québec, dans les ménages à plus faible revenu, on consomme en moyenne 4,6 portions de fruits et légumes par jour alors que ce nombre s’élève à 6,4 chez les ménages avec des revenus les plus élevés (Blanchet et collab., 2009, données d’enquêtes de 2004). La consommation insuffisante de fruits et légumes serait plus accentuée chez les jeunes; une enquête réalisée en 2010-2011 dans les écoles secondaires du Québec pour les élèves généralement entre 12 et 17 ans, observe que 67 % d’entre eux ne consomment pas les quantités recommandées de fruits et de légumes pour leur groupe d’âge (Pica, 2012).

Une augmentation de la consommation de fruits et légumes au sein de la population québécoise réduirait le risque de maladies chroniques. La recension des écrits scientifiques sur les liens entre l’alimentation et la santé, menée par le Dietary Guidelines Advisory Committee aux États-Unis, a conclu qu’une alimentation riche en fruits et légumes réduirait le risque de maladies cardio-vasculaires, d’obésité, de diabète de type 2 et de cancers colorectaux ainsi que du sein (DGAC, 2015).

Le projet de recherche présenté dans le présent rapport vise à étudier l’acceptabilité et la faisabilité d’une intervention sous forme de subvention, pour augmenter la consommation de fruits et légumes chez les populations défavorisées au Québec.

Le rapport est divisé en quatre sections principales. Premièrement, nous présentons les connaissances scientifiques actuelles sur l’efficacité et l’acceptabilité des interventions économiques pour favoriser la saine alimentation, en particulier la consommation de fruits et légumes. Deuxièmement, nous présentons la méthodologie employée pour réaliser notre étude d’acceptabilité et de faisabilité d’une telle intervention, dans le contexte québécois. Troisièmement, nous décrivons les résultats de l’étude. La dernière section traite des résultats de l’étude, en les plaçant en contexte par rapport à d’autres travaux dans ce champ de recherche. On y présente aussi les forces et les limites de la méthodologie déployée.

1 Pour les hommes de 19 à 50 ans, le minimum est fixé à 8 portions par jour. Pour les enfants, le minimum varie entre 4 et 8, selon l’âge et le sexe. www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/guide-alimentaire-canadien/renseignements-base-guide-alimentaire/quelles-quantites-aliments-avez-vous-besoin-chaque-jour.html

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2 État des connaissances sur l’efficacité et l’acceptabilité des interventions économiques pour favoriser la saine alimentation

La création d’environnements favorables à l’adoption de saines habitudes alimentaires est un élément clé de la promotion de la saine alimentation (Story et collab., 2008). En particulier, les interventions qui modifient l’environnement économique peuvent faciliter des choix alimentaires plus sains. Les travaux sur les interventions économiques pour favoriser la saine alimentation sont de plus en plus nombreux. Dans une recension exploratoire, l’INSPQ identifiait 25 études sur l’effet des subventions pour l’achat de fruits et légumes (Blouin, 2017). Cette recension examinait 44 publications additionnelles qui traitent de l’impact des subventions sur l’achat d’aliments favorables à la santé, tels que les aliments faibles en sucres ajoutés, sodium ou gras saturés, ou encore riches en fibres.

Les subventions ou rabais pour l’achat d’aliments peuvent prendre plusieurs formes, telles que des coupons d’achat à l’épicerie ou aux marchés publics, la réduction ou l’élimination de la taxe de vente sur des produits favorables à la santé, la réduction des prix des « options santé » à la cafeteria ou dans les machines distributrices. Dans tous les cas, elles ont un aspect incitatif (c’est-à-dire qu’elles visent à faciliter des choix plus sains) plutôt que dissuasifs (c’est-à-dire créer des obstacles aux choix moins sains).

Dans la revue exploratoire mentionnée ci-dessus, la majorité des travaux recensés sur les mesures incitatives concluent qu’elles parviennent à atteindre leurs objectifs (Blouin, 2017). Comme on peut le voir au tableau 1 ci-dessous, les études sur les instruments économiques ne mesurent pas uniquement l’effet des subventions sur la consommation d’aliments favorables à la santé. Parfois, la même étude mesure deux effets plutôt qu’un, ce qui explique que la somme des résultats présentés ci-dessous est supérieure au nombre de publications examinées. Ainsi, cette revue exploratoire arecensé 34 mesures de subventions pour l’achat de fruits et légumes, provenant de 25 publicationsscientifiques. Pour 23 de ces 34 mesures, les chercheurs ont constaté qu’une subvention ou unrabais pour l’achat de fruits ou de légumes menait à une augmentation de la consommation. Onremarque que lorsque les chercheurs examinent l’impact des instruments économiques sur le poidscorporel ou le nombre de calories, ils observent moins souvent que la subvention a mené à des effetsdésirés que lorsqu’ils mesurent l’effet sur la consommation de fruits et légumes.

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

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Tableau 1 Nombre de publications rapportant l’efficacité de subventions pour l’achat d’aliments selon le type d’effets mesurés et selon l’efficacité observée

N = 69 publications. * Une publication peut mesurer plusieurs types d’effets. Les totaux du tableau sont donc plus élevés que le nombre de

publications (69 publications).Source : Blouin, 2017.

Une méta-analyse des études quantitatives publiées avant juillet 2014, mesurant l’impact d’un changement de prix sur la consommation des aliments, examinait 26 publications qui testaient soit une augmentation des prix des aliments défavorables à la santé (taxes), ou une diminution des prix des aliments favorables à la santé (subventions) (Asfhin et collab., 2017). Les résultats de leur analyse indiquent qu’une diminution de 10 % des prix des aliments favorables à la santé augmentait leur consommation de 12 %; dans le cas des fruits et légumes, cette augmentation s’élève à 14 %.

Pour illustrer la nature des interventions mises en place, il est utile de décrire ici un peu plus en détail, les quelques expériences naturelles de subventions pour favoriser la consommation de fruits et légumes. Premièrement, aux États-Unis, plusieurs organisations ont mis en place des subventions pour l’achat de fruits et légumes qui ciblent les récipiendaires de l’aide alimentaire. Plusieurs de ces programmes ont été soumis à des évaluations rigoureuses. Ces expériences naturelles viennent confirmer le potentiel de ce type d’intervention pour améliorer les habitudes alimentaires, en particulier chez les ménages à faible revenu. Dans les programmes américains, on augmente la valeur des coupons d’aide alimentaire offerts aux ménages à faible revenu de 30 % à 100 %, lorsqu’ils sont utilisés pour l’achat de fruits et légumes. Les études d’impact de ces programmes ont observé une augmentation de l’achat et de la consommation de fruits et légumes chez la population ciblée par la mesure (Bowling, 2016, Klerman, 2014, Lindsay, 2013, Oslho, 2015, Phipps, 2015, Savoie-Roskos, 2015, Young, 2013). Ainsi, l’évaluation fondée sur un devis expérimental qui mesurait l’impact d’un incitatif de 30 %, observait une augmentation de 24 % de la consommation quotidienne de fruits et légumes chez les participants, en comparaison avec le groupe témoin (Klerman, 2014).

Type d’effet

Nombre d’études évaluant les subventions/rabais pour l’achat

d’aliments répondant à des critères nutritionnels

Nombre d’études évaluant subventions/rabais pour l’achat

de fruits et légumes

Nombre de publications

Avec effets désirés

Nombre de publications

Avec effets désirés

Consommation d’aliments favorables à la santé 39 34 14 11

Consommation d’aliments peu favorables à la santé

8 3 0 0

Nombre de calories consommées 7 1 4 1

Mesure de poids (p. ex. : IMC ou tour de taille)

5 2 8 5

Qualité générale de l’alimentation 2 1 3 2

Mesure physiologique (p. ex. : diagnostic de diabète) 1 1 4 3

Autres 0 0 1 1

TOTAL* 62 42 34 23

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

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Un second exemple de subventions pour favoriser la consommation de fruits et légumes provient de l’Australie. Un programme de distribution hebdomadaire de boîtes de fruits et légumes auprès des ménages à faible revenu avec enfants dans les communautés autochtones, a été mis en place dans une région de l’Australie. La boîte qui avait une valeur marchande de 40 à 60 $ australiens, selon le nombre d’enfants, était disponible au montant de 5 $. L’évaluation a constaté une augmentation des biomarqueurs associés à la consommation de fruits et légumes dans le sang des enfants participants au programme (p. ex : vitamines A, E, C). Les chercheurs ont aussi observé une diminution de l’utilisation des services de soins de santé chez ces enfants (Black, 2013a, Black 2013b).

En Afrique du Sud, la compagnie d’assurance maladie privée Discovery offre depuis 2009, une carte de type fidélisation, qui donne un rabais de 25 % à l’achat en supermarchés d’aliments favorables à la santé, incluant les fruits et légumes. Plus de 260 000 ménages d’Afrique du Sud sont abonnés au programme Vitality et bénéficient de ce rabais. Les chercheurs qui ont évalué le programme Vitality ont observé que les personnes qui en bénéficient consomment plus de fruits et légumes, plus de grains entiers et moins d’aliments à haute teneur en sel et en sucre que les non-participants (An, 2013, Sturm, 2013).

Notons qu’aucune étude n’a été recensée dans le contexte québécois ou canadien sur les effets d’un incitatif économique sur la consommation de fruits et légumes. Cependant, une évaluation du programme OLO a été repérée. Ce programme québécois s’adresse aux femmes enceintes à faible revenu et leur offre, en plus d’un service de counseling nutritionnel, des coupons pour obtenir du lait, des œufs et du jus d’orange dans les commerces de proximité (Haeck et Lefebvre, 2016). Les chercheurs ont observé que l’intervention atteignait son objectif d’augmenter le poids des bébés à la naissance.

En plus des études sur l’efficacité des instruments économiques favorisant la saine alimentation, la revue exploratoire de l’INSPQ a aussi recensé les publications examinant des enjeux de mise en œuvre liés à ce type d’instrument, dont l’enjeu de l’acceptabilité sociale (Blouin, 2017).

Du point de vue de la population générale, les interventions jugées les plus équitables et les moins intrusives sont les plus acceptables (Diepeveen et al. 2013). Les instruments qui sont perçus comme efficaces sont aussi plus acceptables (Promberger, Dolan, et Marteau 2012), (Bos et al. 2013). L’acceptabilité des interventions est d’autant plus grande lorsqu’elles bénéficient en priorité aux groupes sociétaux qui en ont le plus besoin, comme les femmes enceintes et les personnes à faible revenu. Les stratégies qui encouragent le choix des aliments peu caloriques sont jugées plus équitables et plus acceptables que celles qui découragent le choix des aliments riches en calories (Bos et al. 2015).

Les taxes nutritionnelles ont moins d’appui parmi la population que les mesures incitatives comme les subventions, ou celles qui concernent le changement de la taille des portions (Petrescu et al. 2016). Cependant, la taxation des aliments riches en calories est aussi jugée plus équitable, si elle s’accompagne de subventions pour les aliments faibles en calories (Bos et al. 2013). On note aussi que les instruments contraignants comme les taxes, reçoivent plus d’appuis si les revenus générés sont investis pour des soins de santé ou la prévention. De plus, l’efficacité et la rentabilité de ces interventions pour la population doivent être démontrées, avant qu'elles ne soient mises en œuvre et elles devraient être accompagnées d’éducation au changement de comportement (Giles et al. 2015).

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

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Dans une étude à partir de groupes de discussion aux Pays-Bas, qui porte sur les perceptions des populations défavorisées envers les instruments économiques, les auteurs soulignent que ces populations ont une perception positive des mesures qui réduisent le prix des aliments sains pour les ménages à faible revenu (Waterlander, de Mul, et al., 2010). Ces mesures sont jugées efficaces, en combinaison avec des techniques de marketing telles que le placement plus visible des aliments en magasin. Elles sont aussi jugées par les participants comme étant plus efficaces que des mesures qui augmentent le prix des aliments peu favorables à la santé.

González-Zapata et al. (2010) ont réalisé une enquête auprès d’experts sur la taxation nutritionnelle et les incitatifs pour les aliments sains, en les comparant à d’autres stratégies de prévention de l’obésité. Ils ont trouvé que pour les décideurs, les spécialistes de la santé publique, les distributeurs alimentaires et les professionnels au sein des organisations non gouvernementales, les subventions nutritionnelles sont jugées faciles à mettre en œuvre, du point de vue de la faisabilité. Ces experts estiment aussi que ces subventions sont largement acceptées par les citoyens, car elles conduisent à des prix moins élevés, permettant un meilleur accès à des aliments « plus sains » pour les groupes à faible niveau socio-économique. En utilisant une méthode délibérative avec une quarantaine d’experts du secteur public, privé et non-gouvernemental, Waterlander, Steenhuis et al. (2010) ont observé que des stratégies qui visent à réduire le prix des aliments favorables pour la santé sont bien reçues par les participants.

Étant donné l’état actuel des connaissances, un groupe d’experts mandaté par l’OMS a recommandé la mise en place de subventions pour l’achat de fruits et légumes, comme intervention pour la promotion de la saine alimentation et la lutte contre les maladies chroniques (WHO, 2016). « There is (…) strong evidence that subsidies for fresh fruits and vegetables that reduce prices by 10-30 % are effective in increasing fruits and vegetable consumption. » (WHO, 2016). Ce constat concerne la population en général, mais les auteurs ajoutent que les populations vulnérables, telles que les ménages à faible revenu sont celles pour qui les politiques économiques sont les plus bénéfiques, car ils sont plus sensibles aux variations de prix (WHO, 2016).

Deux limitations principales sont ressorties du corpus des connaissances sur l’intervention sous examen. Premièrement, la plupart des études se penchent sur l’efficacité des instruments économiques et non pas sur la faisabilité et les enjeux liés à la mise en œuvre de l’intervention dans différents contextes. Les interventions en promotion de la santé sont sensibles aux variables contextuelles et elles doivent souvent être adaptées aux réalités de chaque pays ou région (Rychetnik, 2002). Dans le contexte québécois, on note une étude sur l’efficacité, et non pas la mise en œuvre, d’une intervention économique pour favoriser la saine alimentation, le programme OLO. Par contre, la logistique de l’intervention que nous envisageons est plus complexe que le programme OLO, qui ne vise que trois aliments précis, plutôt que l’ensemble des fruits et légumes.

Deuxièmement, la grande majorité des études qui examinent l’acceptabilité des subventions nutritionnelles sondent les perceptions et les attitudes de la population en général ou de public d’experts, et non pas des populations défavorisées. Les programmes sociaux qui ne sont pas universels peuvent créer de la stigmatisation chez les bénéficiaires. Par exemple, aux États-Unis, on suggère que l’écart entre le nombre de ménages éligibles aux coupons d’aide alimentaire et le nombre de ménages qui participent au programme s’explique en partie par cette stigmatisation (Gundersen, 2013). Ce projet de recherche que nous avons réalisé visait à combler ces deux lacunes dans nos connaissances.

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

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3 Méthodologie

3.1 Description de l’intervention

L’instrument économique proposé dans cette recherche est une subvention qui réduit de 100 % le prix d’achat de deux portions de fruits et légumes par jour. Chaque ménage participant recevrait des coupons (ou une carte prépayée) échangeables contre des fruits et des légumes frais, congelés ou en conserve dans les épiceries, les supermarchés et autres commerces d’alimentation à proximité des sites d’intervention. Les coupons auraient une valeur marchande de 0,62 $ par personne par jour, ce qui est équivalent au prix moyen de deux portions de fruits et légumes par jour. Avec deux portions supplémentaires par jour, une partie importante des ménages à faible revenu pourrait soutenir l’atteinte de la cible de la Politique gouvernementale de prévention en santé du Québec, soit une consommation minimale de cinq fruits et légumes chaque jour, chez plus de la moitié de la population. Donc, selon l’intervention proposée, un ménage de quatre personnes recevrait un coupon d'une valeur de 17,36 $ par semaine pour l'achat de fruits et légumes.

L’instrument proposé pour la mesure, c’est-à-dire un coupon échangeable, plutôt qu’un rabais ou qu’un bonus à l’achat, est l’instrument qui est le plus avantageux pour ceux qui n’achètent habituellement pas ou très peu de fruits et légumes. En effet, les expériences américaines auprès des récipiendaires des coupons alimentaires indiquent que le coupon échangeable tend à augmenter davantage la consommation de fruits et légumes chez ceux qui n’achetaient pas de fruits et légumes. Chez les ménages qui achetaient des fruits et légumes à la hauteur de la valeur du coupon échangeable, les rabais ou les bonus à l’achat ont plus d’impact (Prell, 2017). Le coupon échangeable accroit donc les chances d’augmenter la consommation de fruits et légumes chez les ménages qui sont les plus à risque.

3.2 Questions de recherche

Ce projet de recherche utilise des méthodes de recherche qualitatives afin de mesurer les perceptions et les attitudes des populations défavorisées face à l’intervention considérée et les scénarios envisagés pour le déploiement de celle-ci. Les questions de recherche principales sont les suivantes :

1. Quelles sont les attitudes et perceptions des populations défavorisées concernant unesubvention pour l’achat de fruits et légumes?

2. Quels éléments de cette intervention et de sa mise en œuvre apparaissent acceptables ou non,et pour quelles raisons?

3. Quels scénarios de mise en œuvre de cette intervention semblent plus facilement réalisables etpour quelles raisons?

4. Quelles sont les perceptions concernant les obstacles à la mise en œuvre et les facteurs quipourraient augmenter la faisabilité de l’intervention?

Afin de répondre aux deux dernières questions, nous avons aussi mesuré les perceptions des organisations qui pourraient être impliquées dans la mise en œuvre de l’intervention, tels que des groupes communautaires et des organisations représentant des marchands. La collecte de donnée a aussi été l’occasion de colliger les perceptions de ces organisations quant à l’acceptabilité de l’intervention.

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

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Dans notre projet, la faisabilité référait à la capacité et à la facilité de mettre en œuvre l’intervention proposée dans le contexte québécois; cette définition inclut la capacité organisationnelle des partenaires potentiels, de même que la capacité technique. Nous souhaitions tester la faisabilité de différentes modalités de mise en œuvre, en particulier la distribution des coupons par les organisations communautaires, la forme de la subvention (coupons papier, cartes prépayées, coupons électroniques) et les lieux d’échanges des coupons.

3.3 Méthodes de collecte des données

Le premier volet de la collecte de données consistait à réaliser un petit nombre d’entrevues avec des informateurs clés, c’est-à-dire des personnes qui œuvrent dans des organisations qui pourraient avoir un rôle clé dans le déploiement de l’intervention. Nous avons réalisé dix entrevues. Quatre entrevues ont eu lieu avec des représentants d’organisations communautaires qui travaillent sur les enjeux de sécurité alimentaire ou de promotion de la saine alimentation (deux organisations œuvrant à l’échelle provinciale, une organisation œuvrant à l’échelle régionale, une organisation œuvrant au niveau local). Nous avons aussi réalisé cinq entrevues avec des acteurs œuvrant à l’intérieur d’organisations commerciales ou représentant des organisations commerciales, et une entrevue avec un responsable d’une intervention économique en promotion de la saine alimentation, à l’extérieur du Québec. Lors de certaines entrevues, à la demande des répondants, plus d’une personne de l’organisation participait à l’entrevue. Nous avons donc mené dix entrevues avec un total de quatorze personnes. Les entretiens ont été réalisés en deux vagues entre le 1er mars 2018 et le 28 août 2018.

Les informateurs clés ont été identifiés de deux manières. Dans certains cas, il s’agissait de personnes qui étaient connues de l’un des membres de l’équipe de recherche. Dans les autres cas, nous avons eu recours à une technique boule de neige pour identifier des personnes-ressources. Pour ce faire, nous avons contacté un total de 9 personnes de notre réseau professionnel, en leur demandant de nous suggérer des personnes-ressources.

Les entrevues ont été réalisées en personne (3) ou au téléphone (7), par quatre des membres de l’équipe, à l’aide du guide d’entrevue que l’on retrouve en annexe 1. Sept entrevues ont été enregistrées et une transcription de ces échanges a été préparée. Pour les trois autres entrevues, des notes ont été prises durant les échanges. Tous les informateurs clés, sauf un, ont rempli le formulaire de consentement. Cet informateur clé a confirmé son consentement au téléphone avant l’entrevue, mais n’a pas fait suivre le formulaire signé par la suite. Ces données ont tout de même été utilisées, parce que ce répondant avait donné son consentement au téléphone.

Durant les entrevues, nous souhaitions recueillir des commentaires sur des scénarios possibles de mise en œuvre de l’intervention : 1) un scénario de distribution des coupons papier ou de cartes prépayées par le réseau d’aide alimentaire, 2) un scénario de distribution électronique des coupons par messagerie électronique ou un site internet, et 3) un scénario de distribution de coupons papier ou de cartes prépayés par la poste. Nous souhaitions aussi recueillir des commentaires sur les différentes modalités de mise en œuvre de l’intervention. Nous avons colligé des perspectives concernant l’acceptabilité et la pertinence de l’intervention, du point de vue des informateurs clés.

Le second volet de la collecte de donnée consistait à mener des groupes de discussions (focus group) avec des adultes faisant partie de ménages à faible revenu avec au moins un enfant. Nous avons mené quatre groupes de discussion dans différents quartiers du territoire de la Direction régionale de santé publique (DSP) de Montréal et deux groupes sur le territoire de la DSP de la Capitale-Nationale. Ces groupes de discussions furent convoqués par des organisations communautaires qui ont recruté les participants au travers de contacts en personne, et ce parmi les

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personnes qui sollicitent leurs services. Les membres de l’équipe de recherche qui travaillent au sein des DSP ont identifié les organisations communautaires à contacter, en privilégiant celles dont les activités se concentrent sur le soutien des familles à faible revenu et qui ont des activités touchant à la sécurité alimentaire. Nous n’avons pas fait de vérification du niveau de revenu des participants, car en principe, les personnes qui sollicitent les services de ces organisations rencontraient notre critère d’inclusion.

Les groupes de discussion ont eu lieu dans les locaux des six organisations communautaires qui ont accepté de collaborer. La durée des groupes variait entre 60 et 90 minutes et le nombre de participants comptait entre 7 et 11 personnes. L’animation des groupes de discussion à Montréal a été réalisée par une professionnelle qui n’était pas membre de l’équipe de recherche, mais qui possède une expérience importante en animation de groupes de discussion. Un ou deux membres de l’équipe de recherche ont assisté à chacun des groupes. Un des groupes à Montréal s’est déroulé en anglais. À Québec, l’animation a été réalisée par une membre de l’équipe de recherche, soutenue par un autre membre de l’équipe. Un des groupes de discussion a été réalisé dans une communauté en grande partie rurale. Dans cinq des six groupes, un représentant de l’organisation communautaire partenaire a assisté aux discussions comme observateur afin de faciliter les questions logistiques, mais surtout pour créer une atmosphère de confiance avec les participants.

Le guide de discussion utilisé par les animatrices est disponible à l’annexe 2. Le premier groupe de discussion a servi de test et des modifications mineures ont été faites au guide de discussion, suite à cette première rencontre. Les discussions ont été enregistrées et retranscrites pour faciliter l’analyse de données.

Tous les participants ont signé un formulaire de consentement qui leur a été présenté avant le début des discussions. Les participants avaient été informés qu’à la fin de la séance, ils recevraient une carte-cadeau d’une valeur de 20 $, échangeable dans une épicerie de leur quartier en guise de remerciement pour leur participation. Une collation ou un goûter ont été offerts sur place avant ou durant les discussions. Un total de 50 personnes (45 femmes, 5 hommes) ont participé aux groupes de discussion, qui ont eu lien entre le 10 avril 2018 et le 25 juillet 2018. Ce projet de recherche a reçu l’approbation du Comité d’éthique de la recherche CIUSS Centre-Sud de Île de Montréal – Dépendances, inégalités sociales et santé publique, le 13 février 2018 (Numéro de projet MP-DIS-1718-42).

3.4 Méthode d’analyse des données

Pour l’analyse des données, nous avons mené une analyse de contenu thématique des transcriptions provenant des enregistrements audios des groupes de discussions et des entrevues. À l’aide du logiciel NVivo 10, nous avons classé les énoncés en différentes catégories selon la grille de codage (voir annexe 3). Pour chaque catégorie, nous avons classé le contenu des verbatims sous les thématiques que l’on retrouvait dans les guides d’entretien pour les entrevues et les groupes de discussion, de même que des thématiques qui ont émergé lors des échanges. L’analyse de contenu a été réalisée par un membre de l’équipe de recherche et a été révisée par un deuxième.

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4 Présentation des résultats

4.1 Attitudes et perceptions des populations défavorisées concernant une subvention pour l’achat de fruits et légumes

4.1.1 PERCEPTION POSITIVE DE L’INTERVENTION

La totalité des participants aux groupes de discussion a exprimé des commentaires positifs à l’égard d’une subvention pour l’achat de fruits et légumes pour les ménages à faible revenu. Ils croient qu’une telle subvention est une bonne manière d’encourager l’achat et la consommation de fruits et légumes.

… y en a pas tout le temps je dirais des fruits pis des légumes dans le frigidaire. Même que y en a pas souvent. Fait que tsé, je pense que ça donnerait un bon coup de main à beaucoup de monde. Groupe de discussion no 1

Moi je trouve que c'est un très bon programme, ça encourage les gens. Pis les gens qui peuvent pas se le permettre, de s’acheter certains fruits ou légumes, vont se le permettre. Groupe de discussion no 4

Parmi les participants, les fruits et légumes sont perçus comme étant des aliments chers, même un produit de luxe, dont l’achat n’est pas priorisé lorsque le budget est trop serré. En outre, les fruits et légumes sont présentés comme des aliments dont les parents se privent pour s’assurer que leurs enfants puissent en consommer.

Participant 1 On se rabat directement sur le pain, les pâtes, parce qu’on veut nourrir, mais on n’a comme pas les affaires que… on considère dans notre cerveau, quand t’as pas d’argent, que c'est fancy quasiment les légumes.

Participant 2 Oui asteure c'est rendu comme ça. C'est rendu de même. Quelqu’un que chez eux y a toujours fruits ou légumes, ben c'est comme quelqu'un qui a de l’argent, c'est comme quelqu'un qui vit ben.

Groupe de discussion no 1

Plusieurs participants ont souligné que leurs enfants doivent amener des collations à l’école tous les jours et que ces collations doivent être des fruits et légumes, ce qui entraîne des coûts importants pour leur famille. L’intervention est donc particulièrement perçue comme positive par ceux qui ont des enfants d’âge scolaire, afin de faciliter l’achat de ces collations. Elle permettrait aussi de diversifier les types de fruits qu’ils peuvent inclure dans ces collations. Le fait que l’intervention permettrait de manger une plus grande variété de fruits et légumes est aussi mentionné pour l’alimentation des adultes.

Des fois y a des choses qu’on n’est pas porté à acheter qu’on pourrait acheter comme des mangues. C'est bon au goût, mais c'est dispendieux, je trouve. Groupe de discussion no 5

Une participante qui a recours à l’aide alimentaire souligne que l’intervention lui permettrait d’avoir accès à des fruits et légumes de meilleure qualité, car elle remarque que la majorité des fruits et légumes qu’elle reçoit de la banque alimentaire ne sont pas frais.

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Ce que je trouve plate dans les banques alimentaires, c'est que les trois quarts des fruits et légumes qui sont là-dedans sont pourris. Groupe de discussion no 5

Un autre commentaire positif qui a été exprimé concerne l’impact positif potentiel de l’intervention sur la santé.

Parce que manger des fruits et légumes, ça va nous aider sur le niveau santé. Ça va nous éviter de tomber beaucoup malade donc moins dépenser sur les médicaments. Groupe de discussion no 6

Les informateurs clés rencontrés lors des entrevues ont aussi exprimé que l’intervention était pertinente afin d’inciter les ménages défavorisés à améliorer la qualité nutritionnelle de leur alimentation. Par contre, un informateur clé a exprimé sa perception négative de l’efficacité potentielle des interventions économiques pour augmenter la consommation de fruits et légumes à long terme.

La faiblesse principale parce qu’on habitue les gens à ne pas payer pour avoir ces produits-là. Ces produits-là, ils coûtent quelque chose. Que ce soit du couponing, que ce soit des rabais à l’achat, dans certains types de points de vente, c'est une béquille malheureusement, c’est un diachylon. Il faut habituer les gens, il faut éduquer les gens à l’importance d’en manger. Entrevue no 10

4.1.2 RISQUE DE STIGMATISATION

Nous avons posé des questions aux participants concernant le risque de stigmatisation associé à l’intervention. Plusieurs participants aux groupes de discussion ont souligné que ce risque serait bel et bien présent. En particulier, ils ont noté que les employés des commerces d’alimentation où ils échangeraient les coupons, de même que les autres clients pourraient porter un jugement négatif, un regard désapprobateur lors de la transaction.

Souvent on divise la société, pis c'est vrai on n’a pas le choix, mais souvent y a les moins nantis, y a les plus riches, y a les… tsé, quand que le monde arriverait avec un coupon, pis que l’autre va payer ces fruits et légumes, ça peut créer un malaise pour la personne qui a les coupons. (Intervieweur : C'est comme créer une différence avec l’autre.) Ouais c'est plus que ça, c'est une étiquette genre. C'est vraiment… les gens vont dire : lui y est pauvre. Ah ben, lui il l’est pas. Groupe de discussion no 5

Des participantes ont décrit des expériences négatives qu’elles ont rencontrées lors de l’utilisation d’un coupon d’achat dans une épicerie :

Ca m’est déjà arrivé moi, v’là longtemps. Je suis arrivé avec un bon de Saint-Vincent-de-Paul. Le petit caissier savait pas dans quoi le rentrer, y cri devant tout le monde : « Aye on met ça dans quoi le bon de Saint-Vincent-de-Paul? ». C’est comme gênant là, tu te dis après c’est fini. C’est comme juste assez gênant. T’as eu de la misère à le demander pour nourrir tes enfants pis tu te fais faire ça en plus, oublie ça. (…), mais depuis ce temps-là, je choisis mes caissières. Mettons que j’ai des coupons à passer n’importe quoi, je vais choisir ma caissière. Tu commences pas à crier ma situation devant tout le monde. Groupe de discussion no 1

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I have an experience when I came in 2012. I go to the preacher and the preacher give me a coupon of 200 $ (…) And then I buy from groceries in Provigo. Then I give the coupon and the she has reacted : ‘You, you have a new problem with your work?’ Then I think OK, then I remember I have a coupon that’s why she asked me this question. I said yes I’m new in Canada so it’s the Canadian government help me. I’m broke is a new thing in here. In my country I never get that.2 Groupe de discussion no 3

Les participants qui proviennent de milieux ruraux ont souligné que le risque était plus grand dans les petites communautés, « où tout le monde se connaît ». Des participants ont aussi parlé du fait qu’ils ressentent des jugements négatifs à l’épicerie, sans égards à l’utilisation de coupon, mais plutôt en lien avec le calendrier de la réception des aides financières pour les familles. Cet échange entre deux participants illustre ce sentiment.

Participant 1 : Comme nous on est tous des parents, on va au magasin le 20, oh my God, ah elle vient de se faire payer. Ils ont tous…

Participant 2 : Un préjugé. Moi, j’y va jamais le 1er, j’y va jamais le 20.

Intervieweur : Pourquoi vous n’y allez pas le 1er ni le 20?

Participant 1 : Ben premièrement parce qu’y a trop de monde.

Participant 2 : Parce que c'est l’épicerie de tout le monde, on est payé le 1er.

Intervieweur : Parce qu'il y a trop de monde, c'est trop achalandé?

Participant 2 : Non, les personnes avec des enfants on reçoit de l’argent le 20 et le 1er. Alors ils disent, ah vous venez d’avoir de l’argent. So ils sont là, ils sont en train de nous juger.

Groupe de discussion no 5

Notons que la perception quant au risque de stigmatisation lié à l’intervention n’est pas partagée par tous les participants. D’autres ont exprimé qu’ils ne ressentaient peu ou pas du tout de malaise à utiliser de tels coupons comme ceux qui sont offerts aux femmes enceintes pour l’achat d’œufs, de lait et de jus d’orange avec le programme OLO.

Moi j’ai eu le programme OLO, j’avais des œufs, le jus pis le lait, pis non. Au début, peut-être un peu de gêne, mais finalement non là, ça me donnait vraiment un gros coup de main. Quand t’as pas ces choses-là à acheter, ça aide beaucoup. Groupe de discussion no 1

Non, non. Ça regarde pas les autres. C’est comme quand t’arrives avec les coupons OLO là, c'est juste que t’as-tu y a droit. C’est à toi. Ça te revient. Groupe de discussion no 2

2 Traduction libre : « J’ai eu une expérience lorsque je suis arrivé en 2012. Je vais voir le prêtre et il me donne un coupon de 200 $. Je vais ensuite faire les courses au Provigo. Je donne le coupon et elle réagit : « Vous avez un problème avec votre travail? » Donc, je pense, ok j’ai ce coupon et c’est pour ça qu’elle me pose cette question. Je lui ai dit que oui, je suis nouveau au Canada et donc que le gouvernement canadien m’aide. D’être sans le sous, c’est nouveau pour moi ici. Dans mon pays, je n’ai jamais vécu ça. »

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Même ceux qui jugent que le risque de stigmatisation existe n’estiment pas que cela justifie d’éviter de mettre en œuvre l’intervention. Ils proposent plutôt des manières de réduire le risque en rendant la transaction moins visible au regard des autres clients et dans une moindre mesure, des employés du commerce d’alimentation. Ainsi, plusieurs des participants croient que l’utilisation de cartes prépayées, plutôt que des coupons, pourrait rendre la transaction moins évidente.

Lors des entrevues, plusieurs informateurs clés ont émis des points de vue quant au risque de stigmatisation qu’ils perçoivent en lien avec l’intervention. Ils sont particulièrement préoccupés par le jugement que les employés et les autres clients en magasin pourraient porter sur l’utilisateur du coupon.

Est-ce que ça ne pourrait pas être gênant pour eux, de montrer à une personne qui n’est pas dans un réseau communautaire, qui n’ont… parce que quand on fait partie d’un réseau communautaire, on a des règles, de ne pas porter de jugements, etc. Donc quand on ouvre la porte d'une banque alimentaire normalement on sait qu’on ne sera pas jugé par le personnel qui est là. Contrairement à une personne qui travaille dans une épicerie qui elle n’a aucun devoir de ce côté-là. Donc, est-ce que le regard de cette personne-là quand on donner le ticket sera euh... aura un jugement dans son regard? Donc c’est sûr que ça peut. Entrevue no 7

Pour contrecarrer ce risque, certains proposent que l’intervention soit mise en œuvre de telle façon que la transaction soit la plus simple possible à la caisse et ne soit pas visible pour les autres clients. D’autres suggèrent que le personnel des commerces où les coupons pourraient être utilisés devrait être formé et sensibilisé avant la mise en place de l’intervention.

Tout ce qui peut limiter la durée ou la complexité de la transaction à la caisse vient aider cette question-là. Parce que dès qu’on arrête la ligne d’épicerie, pis que les gens demandent que le gérant vienne et qu’ils ne comprennent pas, c'est là que ça créé le… ça créé le bruit que les gens ne veulent pas avoir. Donc un programme qui est rapide simple et connu des opérations. Entrevue no 9

Un autre répondant propose que les communications autour de l’intervention soient positives et que l’intervention soit présentée comme faisant partie d’un mouvement de société vers un Québec en meilleure santé, un mouvement auquel tous les groupes de la société peuvent participer incluant les ménages à faible revenu.

On ne les traite pas à part, au contraire, on les inclut dans ce grand mouvement-là. On a fait un plan de prévention pis ils font partie de la solution et on a besoin de leur aide pour y arriver. Fait que je trouve que d’un point de vue communicationnel c'est ça, c'est motivant pour eux autres de dire qu’ils font une différence, au lieu de dire qu’ils sont la différence. Entrevue no 9

Pour un autre informateur clé, le risque de stigmatisation n’est pas seulement lié au moment de la transaction, mais aussi au sentiment d’injustice que peuvent ressentir des membres de la communauté qui n’ont pas beaucoup de revenus, mais qui ne sont pas éligibles à l’intervention (parce qu’ils n’ont pas d’enfants par exemple). Une autre perspective mise de l’avant est que l’intervention comme telle n’est pas le principal risque de stigmatisation; le risque est plutôt lié au fait de vivre en situation de pauvreté au quotidien :

C’est ça qui est stigmatisant, c’est pas le coupon. C'est l’exclusion sociale qui vient avec… le manque de moyen. Pis le stress qui vient avec ça, pis ce que ça te demande de déployer dans toutes sortes de sphères de ta vie. Entrevue no 6

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Finalement, un autre informateur indique que le programme OLO au Québec observe des taux d’utilisation des coupons de 90 % par les bénéficiaires, ce qui indique que la stigmatisation associée à l’intervention est relativement faible.

4.2 Quels éléments de cette intervention et de sa mise en œuvre apparaissent acceptables ou non, et pour quelles raisons?

4.2.1 CRITÈRES D’ÉLIGIBILITÉ

Les participants aux groupes de discussion et aux entrevues ont tous souligné la pertinence de rendre la subvention aux fruits et légumes disponible aux ménages défavorisés, mais plusieurs ont proposé que les ménages sans enfants et les personnes seules devraient aussi être éligibles. On a noté que les ménages avec enfants sont déjà éligibles à plusieurs programmes et services qui ne sont pas accessibles aux ménages sans enfants. Les participants se sont questionnés, à savoir si l’objectif de l’intervention était la prévention des maladies chroniques dans la population en général, ou plutôt l’amélioration de l’alimentation et de la santé des enfants.

Les plus mal pris des mal pris. Admettons on regarde, tous ceux qui sont sur l’aide sociale, les plus mal pris des mal pris, les personnes seules mettons 40-65 ans. Parce qu’ils tombent dans les craques là. Ils rentrent dans aucune case de tous les programmes. Les familles, ça c'est amélioré beaucoup dans les 10 dernières années. Tsé y a eu, autant au niveau quand on fait notre rapport d’impôt, ou, ce qu’on reçoit chaque mois pour les enfants là, les allocations. C’est pas le paradis, mais tsé, c'est un petit peu mieux. Les pires du pire là, je vous le dis, c'est les personnes seules. Groupe de discussion no 1

Moi je vais y aller très simple. Y a du monde qui ont de la misère à joindre les deux bouts, pis si ce 17 $ peut faire que les familles, ben y en a qui vont manger plus pis y vont en manger mieux. Ma recommandation c'est de faire manger plus le monde et mieux. Ceux-là qui ont de la misère à rejoindre les deux bouts.

Intervieweur : Donc, vous essayez de rejoindre au maximum ceux qui sont le plus dans le besoin.

Participant : Oui oui. Qu’ils puissent réussir à se nourrir comme le monde normal. Groupe de discussion no 5

Participant 1 : Je vois pas pourquoi quelqu'un de tout seul n’a pas le droit de manger des légumes.

Participant 2 : […] t’es écoeuré de le voir ton pot de beurre de pinot pareil là. Même si t’as pas d’enfants, t’es à bout de manger la même affaire pareille.

Participant 3 : Moi je suis d’accord, mais je pense qu’il faut voir les objectifs aussi. Si c'est envers le développement de l’enfant, tsé, c'est moins plate de s’alimenter avec des chips à 40 ans je pense là.

Participant 4 : Oui, mais en même temps ça aiderait pour contrer un peu l’obésité aussi.

Participant 1 : Le diabète, maladie, cholestérol.

Participant 2 : Ouain, mais même là ça aiderait si on peut l’offrir à tous aussi, ce serait l’idéal là. Moi je suis d’accord.

Participant 1 : Parce que l’objectif c'est la prévention des problèmes de santé en général. Groupe de discussion no 1

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4.2.2 VALEUR DES COUPONS OU DES CARTES PRÉPAYÉES

Le montant proposé pour la subvention pour l’achat de fruits et légumes (17 $ par semaine pour une famille de 4 personnes) ne fait pas l’unanimité. La majorité des participants aux groupes de discussion considère qu’il s’agit d’un montant suffisant pour faire une différence et pour améliorer l’alimentation des ménages ciblés, même s’il ne couvre qu’une partie des achats de fruits et légumes. Par contre, d’autres trouvent que le montant est trop modeste.

Durant l’une des entrevues, on a suggéré que la valeur des coupons ou des cartes soit modulée selon les communautés, car le prix des fruits et légumes varie selon les régions; par exemple, les prix peuvent être significativement plus élevés dans les petits villages ou dans les régions de villégiature.

4.2.3 PRODUITS COUVERTS PAR L’INTERVENTION

Les participants aux groupes de discussion sont surtout intéressés à acheter des produits frais, plutôt que des fruits et légumes congelés ou en conserve. En effet, plusieurs soulignent qu’ils considèrent que le goût des fruits et légumes frais est meilleur et qu’ils consomment rarement des fruits et légumes congelés. Par contre, une participante explique que pour ceux, comme elle, qui ont des limitations physiques, les légumes congelés, ou des légumes frais préparés, sont une bonne option, car ils ne requièrent pas de préparation. Une autre participante souligne son intérêt à ce que les aliments préparés pour bébés, comme les purées de fruits ou de légumes, soient aussi couverts par l’intervention.

Durant les entrevues, quelques informateurs clés se questionnent à savoir si les jus de fruits devraient être inclus dans les produits couverts par l’intervention, l’un d’entre eux soulignant que le futur guide alimentaire canadien pourrait nous orienter vers l’exclusion des jus de fruits. L’éligibilité des fruits séchés et des compotes de fruits est aussi recommandée par un des informateurs clés.

4.3 Quels scénarios de mise en œuvre de cette intervention semblent plus facilement réalisables et pour quelles raisons?

4.3.1 L’UTILISATION DE COUPONS EN PAPIER, DE CARTES PRÉPAYÉES OU DE COUPONS ÉLECTRONIQUES

La question de la forme de la subvention (coupons ou carte) a été le sujet de plusieurs commentaires de la part des participants aux groupes de discussion. La majorité de ceux qui s’expriment à ce sujet, indiquent une préférence pour la carte prépayée par rapport à l’utilisation de coupons en papier. Les raisons de cette préférence incluent le risque moindre de stigmatisation mentionné ci-dessus et une plus grande flexibilité et simplicité d’utilisation. En particulier, les participants expriment le souhait que le montant alloué puisse être utilisé lors de plus d’une visite au commerce et que le montant hebdomadaire puisse se cumuler d’une semaine à l’autre, s’il n’était pas entièrement utilisé durant une semaine. Un autre avantage perçu de la carte prépayée par rapport aux coupons papier, est qu’il n’est pas nécessaire de se rendre régulièrement dans un lieu précis pour récupérer ses coupons. La carte pourrait être distribuée une fois et être rechargée automatiquement par la suite, le temps de déplacement étant un enjeu important pour les participants.

Pour nous la carte prépayée c'est préférable. On peut alimenter ça de semaine en semaine directement, je crois que c'est mieux. Si c'est un coupon, on doit venir au centre communautaire pour venir chercher le coupon. Tandis que la carte prépayée, chaque semaine on alimente cette carte sans difficulté. Pour moi. Groupe de discussion no 4

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Pour d’autres, l’utilisation de coupons papier leur semble un système simple à mettre en place. L’utilisation de coupons électroniques disponibles sur le téléphone intelligent, ou encore à imprimer à partir d’un ordinateur, ne fait pas consensus. Certains participants, souvent les plus jeunes, trouvent que l’utilisation du téléphone intelligent est une très bonne option pour eux, mais plusieurs qu’un téléphone intelligent n’est pas accessible à tous et que plusieurs ne sont pas à l’aise avec les technologies de l’information.

Parce qu’il y en a qui sont vraiment plus que sous le seuil de la pauvreté qui n’ont même pas le téléphone, qui n’ont pas rien là. Fait que là, eux autres, ça leur prend quelque chose de physique là. Groupe de discussion no 2

Les commentaires reçus de la part des informateurs clés soulignent les avantages et les inconvénients de l’utilisation de cartes prépayées ou des coupons, mais il n’y a pas eu de consensus à ce sujet (voir tableau 2). Les principaux avantages de l’utilisation des coupons papier qui ont été nommés sont la facilité technique de produire et imprimer des coupons et le fait qu’ils peuvent être utilisés plus facilement dans un plus grand nombre de lieux d’approvisionnement, incluant les petits commerces et les marchés publics. Les principaux inconvénients qui ont été mentionnés dans les entrevues sont que le caissier doit être formé, afin qu’il connaisse les produits qui sont éligibles aux coupons, que la transaction est plus visible aux yeux des autres clients, le programme plus facilement sujet à de l’utilisation frauduleuse et que les coupons demandent plus d’efforts et de coûts pour les marchands.

Les principaux avantages des cartes prépayées, du point de vue des informateurs clés sont leur moindre visibilité lors de la transaction et que l’éligibilité des produits couverts par l’intervention est automatiquement contrôlée par la carte, et non pas par le personnel du commerce d’alimentation. Un des principaux inconvénients est que le développement d’une telle carte requiert des investissements significatifs, afin que la carte exclue automatiquement le paiement de produits non éligibles. En effet, les cartes prépayées existantes ne permettent pas de distinguer entre les produits. Une telle caractéristique pourrait être développée, mais les informateurs clés ont souligné que cela demanderait des investissements, tel qu’énoncé plus haut. On note par contre qu’une solution mitoyenne pourrait être l’utilisation de cartes prépayées de type carte-cadeau, qui seraient identifiées comme étant des cartes pour les fruits et légumes, mais que le contrôle de l’éligibilité serait fait par la caissière lors de la transaction. Un autre inconvénient de la carte prépayée est qu’elle pourrait être plus difficile à utiliser dans des commerces autres que les grandes bannières.

Tableau 2 Synthèse des perceptions des informateurs clés concernant les avantages et les inconvénients des coupons papier vs. les cartes prépayées

Avantages Inconvénients

Coupons papier

Facilité technique de produire et imprimer des coupons

Transaction est plus visible aux yeux des autres clients

Utilisation plus facile dans un plus grand nombre de lieux d’approvisionnement

Formation du personnel requise

Plus facilement sujets à la fraude

Plus de coûts pour les marchands

Cartes prépayées

Moindre visibilité lors de la transaction Investissement nécessaire pour développer carte

L’éligibilité des produits couverts contrôlée automatiquement

Plus difficile à utiliser dans commerces autres que les grandes bannières

Moins de risque d’utilisation frauduleuse

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4.3.2 CADRE DE DISTRIBUTION DES COUPONS OU DES CARTES PRÉPAYÉES

Les participants aux groupes de discussion ont généralement exprimé que la distribution des cartes ou des coupons par les organisations communautaires était une bonne manière de faire. Par exemple, cette participante compare cette option à celle où les personnes devraient s’inscrire elles-mêmes pour avoir accès aux coupons :

Moi je pense qu’idéalement je passerais par un organisme qui connait les gens, passer par les travailleurs de rues, qui connaissent les familles vraiment dans le besoin. Ce serait peut-être plus… tsé une inscription volontaire là, moi je connais des gens qui vont y aller d’amblée, qui sont habitués de se débrouiller dans vie, qui vont faire les pas. Mais j’en connais beaucoup aussi qui voudront pas du tout, pis qui le sauront pas. Pis même s’ils savent, qui ne feront pas les pas. Y a des gens… qui sont… plus… facilement… qui se débrouillent plus facilement que d’autres, mettons. Groupe de discussion no 1

Par contre, les participants soulignent que d’aller chercher les coupons demande du temps et des coûts de transports, qu’il faut chercher à minimiser. Donc, le lieu de distribution doit être disponible à proximité des personnes ciblées. La distribution par la poste a été recommandée par plusieurs participants pour limiter les déplacements.

Moi je trouve parce que venir ici (au centre communautaire), on n’a vraiment pas le temps. Y a le travail les enfants et tout ça. Donc venir chaque fois dans un centre communautaire récupérer, je trouve que c'est un peu de temps, qu’on n’a pas le temps. Je préfère que ce soit par la poste. Groupe de discussion no 6

La distribution par courriel ou autre moyen électronique est bien reçue par certains, alors que d’autres soulignent que cette manière de faire ne convient pas pour plusieurs qui ne sont pas suffisamment familiers avec les technologies de l’information. La distribution dans les écoles a été mise de l’avant, mais rejetée par plusieurs comme posant un plus grand risque de stigmatisation chez les enfants. La distribution en CLSC a été évoquée par certains comme une possibilité, mais d’autres s’inquiètent des files d’attente qu’ils connaissent déjà dans les CLSC. Finalement, un autre moyen de distribuer les coupons qui a été proposé, est serait de passer par les travailleurs de rue, car ils sont perçus comme connaissant bien les besoins des familles qu’ils côtoient.

Parmi les informateurs clés dans les entrevues, la possibilité de distribuer les coupons ou les cartes dans les organisations communautaires recevait un accueil très favorable. Certains ajoutaient que la manière de faire devrait « rentrer dans les processus déjà existants » afin de ne pas créer un fardeau de travail supplémentaire. On propose de travailler avec les organisations qui ont déjà des activités en sécurité alimentaire.

Par contre, l’idée de les distribuer de façon électronique n’a pas été bien reçue par les informateurs clés, étant donné le manque d’accès aux ordinateurs ou téléphones intelligents pour plusieurs ménages ciblés.

L’un d’entre eux a fortement souligné l’importance du cadre de distribution des coupons du point de vue des récipiendaires : « Je pense que l’acceptabilité va dépendre de la façon dont les coupons sont remis. » Un autre a suggéré d’utiliser les programmes d’aide sociale et solidarité sociale pour identifier et distribuer les coupons et de faire cette distribution par la poste.

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4.3.3 LIEUX D’UTILISATION DES COUPONS

Les participants aux groupes de discussion ont exprimé une préférence à ce que les coupons soient échangeables dans une diversité de commerces d’alimentation qui sont à proximité de leur lieu de résidence: les supermarchés, les épiceries de toutes sortes, les fruiteries, mais aussi les marchés publics, les dépanneurs ou même chez les producteurs (kiosques ou paniers).

Moi, je pense que tous les marchés peuvent participer, parce que des fois quand… les dépanneurs sont ouverts, les Maxi sont fermés. Si tu peux utiliser partout c'est mieux. Groupe de discussion no 4

La question de l’achat au marché public ou à la ferme a soulevé plusieurs commentaires. Plusieurs participants ont souligné la question de la qualité et de la fraicheur et leur perception positive de la qualité des produits achetés au marché, ou directement à la ferme.

Dans les fermes ce qui est le fun, c'est que c'est frais. Quand t’es capable d’avoir ton producteur qui vend un peu de fruits aussi là. Parce qu’à l’épicerie en tout cas moi y a ben des affaires que je j’achète pu à cause que t’achètes ça, c’est dur de même, pis là, tu le regardes y est pourri : Voyons, y était dur comme de la roche, j’ai même pas pu le goûter. Groupe de discussion no 1

Ça serait bien les marchés publics parce qu’on trouve les meilleurs fruits et légumes, plus frais. Groupe de discussion no 4

…mettons au Marché Atwater où les fruits et légumes sont peut-être trois fois le prix, mais sont 100 fois meilleurs, si tu pouvais avoir utilisé tes coupons là… Tsé moi des fois je serais tenté d’aller acheter au Marché Atwater, parce que le goût des fruits et légumes là-bas sont 100 fois mieux que… juste les fraises l’été au Marché Atwater, c'est super bon. Groupe de discussion no 5

Dans un des groupes qui se trouvait dans une communauté rurale, les participants ont soulevé leur intérêt à ce que les coupons puissent être utilisés pour payer une partie de l’inscription à des paniers de légumes chez des fermiers locaux, surtout pour des paniers pour lesquels les clients peuvent choisir le contenu hebdomadaire. Certaines participantes sont préoccupées que les paniers puissent entraîner du gaspillage, étant donné la quantité que l’on reçoit et doit préparer chaque semaine. On suggère donc que la possibilité d’appliquer les coupons aux paniers soit offerte mais non obligatoire.

Participant 1 : Si mettons, vous partez ça, mettons que les personnes décideraient de prendre les paniers de familles, qui fait quelque chose de beaucoup plus varié, ben en ayant les sous que vous donnez pour acheter les fruits et légumes, ben ça pourrait coûter comme vraiment moins cher. Ils pourraient avoir une vraie abondance, une vraie… c'est le fun les paniers.

Participant 2 : Mais dans le fond ça pourrait être un choix pour les gens pour qui ça convient, mais ceux que ça convient moins, peut-être qu’ils pourraient choisir d’appliquer leurs bons à l’épicerie.

Groupe de discussion no 1

Notons que la perception générale dans les milieux urbains est que les prix des aliments dans les marchés publics sont plus élevés. Certains participants indiquent ne pas les fréquenter pour cette raison et ne pas souhaiter utiliser les coupons dans ces commerces.

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Mais moi j’aimerais mieux dans les places où est-ce que c'est pas cher, parce qu’on fait affaire à des places où c'est pas cher, comme IGA, c’est bon. Groupe de discussion no 2

La proximité du commerce est un critère important pour plusieurs dans la sélection des lieux d’approvisionnement alimentaire. Même si le transport en commun est disponible pour se rendre au commerce, cela entraîne des frais supplémentaires. Les commerces qui sont accessibles à pied sont donc privilégiés. Il est donc jugé essentiel que les coupons soient échangeables dans les commerces de proximité.

We don’t have a car, so it’s better to buy from Provigo, because we have to pay 6 $ for metro3. Groupe de discussion no 3

Participant 1 : On va toutes pas mal là au IGA.

Participant 2 : C'est ça, parce que c'est à côté. Groupe de discussion no 2

Le problème d’accès à des lieux d’approvisionnement a aussi été soulevé par des informateurs lors des entrevues.

Mais comme je vous dis, c’est une affaire aussi d’accès. Il faut que les gens puissent avoir accès dans un rayon près de chez eux. S’il faut que je dépense 10 $ du 60 $ pour aller chercher mes fruits et légumes, c’est moins intéressant. Entrevue no 6

C’est parce qu’il y a beaucoup de familles qui sont des familles défavorisées, y en a beaucoup qui s’alimentent uniquement dans un dépanneur. Fait qu’il faut que les produits soient disponibles. Des fruits frais en dépanneur, y en a pas. En tout cas, y a des projets peu à peu à Montréal, mais c’est vraiment pas la norme (…). Fait qu’il faudra voir ensuite dans la distribution et la façon dont les gens vont échanger des coupons d’avoir des produits qui sont accessibles aux endroits où cette clientèle-là s’approvisionne. Entrevue no 1

Des informateurs clés ont soulevé la question du lieu d’utilisation des coupons en lien avec des objectifs de développement régional et de soutien à la production agricole québécoise. En particulier, un des informateurs clés propose que les coupons soient échangeables dans les marchés publics ou pour l’achat de paniers de fruits et légumes. En plus de soutenir l’économie locale, il a mis de l’avant que cette manière de faire permettait la création de liens sociaux entre les producteurs et les populations ciblées et d’un changement du lien à l’aliment chez le consommateur. De plus, dans le cas des paniers, le risque d’utilisation des coupons pour des produits non éligibles deviendrait très limité. Néanmoins, ce répondant souligne l’importance d’adopter une approche flexible, qui reflète les contextes particuliers de chaque communauté.

C'est difficile de faire du mur à mur à travers la province. Vous le savez autant que moi, c'est… y a beaucoup de particularités régionales, et même supra-local, qui fait en sorte que c'est peut-être plus facile d’avoir un programme comme ça en Estrie ou en Montérégie où est-ce que pratiquement, on est ensevelie de fruits et légumes frais en période estivale, qu’en Côte-Nord ou qu’en Abitibi-Témiscamingue. Entrevue no 8

3 Traduction libre : « Nous n’avons pas de voiture, donc c’est mieux d’acheter au Provigo parce que nous devons payer 6 $ pour utiliser le métro ».

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Pour ce qui est de l’utilisation dans les marchés publics ou pour l’abonnement à des paniers hebdomadaires, deux informateurs expriment de fortes réserves quant à ces options, étant donné le caractère saisonnier de ce lieu d’approvisionnement et le fait que l’on retrouve des marchés publics seulement dans un petit nombre de quartiers.

4.3.4 DURÉE DE VALIDITÉ DES COUPONS

Comme mentionné précédemment, les participants aux groupes de discussion soulignent l’importance de réduire les déplacements. Donc, ils suggèrent aussi que les cartes ou les coupons soient valides pour une période assez longue, plus longue qu’une semaine, afin de réduire les déplacements. Une période de validité d’un mois a été proposée par plusieurs.

Moi à toutes les semaines, ce qui m’inquiétait, quand t’es tout seul, c’est de me déplacer à chaque semaine. Tu l’as (le coupon ou la carte) pour ton mois de légumes pis de fruits. Pour moi, je vois plus facilement faisable que j’ai pas à me redéplacer. Parce que pour moi c'est dur de me déplacer. Disons que j’ai les petits. Pour moi, ça… un trouble même psychologique, va falloir que je le débarque, pis je le contienne de pas se sauver, pour aller chercher trois coupons. Je vais calculer dans ma tête si ça vaut la peine. Fait que c'est pour ça que si on l’a sur une plus large période qu’une semaine ça aiderait, même si c'est deux semaines on va dire. Ça va aider les gens à y aller parce que sinon se déplacer à toutes les semaines là, je sais que je le ferai pas. Groupe de discussion no 1

4.4 Quelles sont les perceptions concernant les obstacles à la mise en œuvre et les facteurs qui pourraient augmenter la faisabilité de l’intervention?

Obstacles à la mise en œuvre : enjeux liés à la fraude

Plusieurs participants aux groupes de discussion ont exprimé leurs préoccupations quant à la mise en œuvre de l’intervention et qu’il faudrait s’assurer que les coupons (ou la carte prépayée) soient véritablement utilisés pour l’achat de fruits et légumes et non pas pour d’autres produits.

Mais moi j’ai une question : comment vous allez faire pour gérer que la personne vraiment elle achète des fruits et légumes avec sa carte prépayée? Non, mais tsé tu peux te faire avoir là. Groupe de discussion no 1

Plusieurs des informateurs clés durant les entrevues ont soulevé des enjeux liés au risque d’utilisation frauduleuse des coupons. Certains ont connu des expériences de copies frauduleuses de coupon d’achat. On souligne que si l’on opte pour des coupons, on doit s’assurer que l’impression soit de qualité, pour diminuer les risques de copies frauduleuses. Plusieurs des informateurs clés durant les entrevues ont aussi souligné la difficulté de mettre en place un système pour s’assurer que les bons d’achat servent uniquement à l’achat de fruits et légumes. Le système mis en place doit être simple et clair pour les marchands et les utilisateurs.

Ça se passe très souvent dans le marché que les gens vont essayer de trouver un moyen de monnayer les coupons pour acheter ce qui n’est pas nécessairement ce que le programme veut véhiculer. Entrevue no 9

Par contre, certains soulignent qu’il importe de faire une évaluation des coûts associés à mettre en place des mesures antifraudes très avancées et les comparer au risque réel d’utilisation frauduleuse. Des informateurs clés notent aussi que la carte prépayée pourrait être moins sujette à la fraude que

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les coupons. Elle pourrait être identifiée au nom du bénéficiaire pour s’assurer que c’est la bonne personne qui l’utilise. De plus, la carte est moins facile à dupliquer que peuvent l’être les coupons.

4.4.1 ENJEUX LIÉS À L’IDENTIFICATION ET LA VÉRIFICATION DES BÉNÉFICIAIRES

Lors des échanges sur le cadre de distribution, certains participants ont mentionné que les organismes qui seraient responsables de distribuer les cartes ou les coupons devraient aussi faire les vérifications quant aux revenus pour s’assurer que les personnes répondent aux critères d’éligibilité, de même que vérifier le nombre de personnes dans le ménage. On a aussi noté que les organismes procédaient déjà à ce type de vérification pour les services qu’ils offrent. Un participant a souligné que ces vérifications devraient se faire régulièrement, car certains ménages pourraient ne plus répondent aux critères.

Moi je dirais, vu qu'il y en a que leur situation de vie des fois change, qu’ils fassent une bonne conversation pour dire : OK cette famille était à l’époque à telle chose pis sont rendus là. Parce que, je pense aux parents qui retournent aux études, ils ont un bon métier tout ça, parce que la vie, ça peut changer pour certains. Groupe de discussion no 5

Une participante a soulevé l’enjeu des enfants en garde partagée et se demandait quel parent recevrait les coupons.

Les difficultés à rejoindre les populations ciblées est aussi soulevé par un des informateurs clés du milieu communautaire, lors des entretiens. Il souligne qu’une stratégie à plusieurs volets est probablement celle à adopter pour s’assurer que tous ceux qui sont éligibles puissent avoir accès à l’intervention.

Pour moi c’est comment on les cible, comment on les rejoint, comment on les rejoint? Dans un quartier où je travaille…, on vient de faire 500 portes avec un questionnaire. Aye on s’aperçoit y a le tiers des gens, ils ne connaissent aucune ressource dans leurs quartiers. Donc y a toute une population qui ne vont pas aller vers… ils ne viendraient même pas dans une salle commune chercher un coupon. Fait que pour moi là, c’est quelque chose, comment on les rejoint? Par la poste? Mais y en a le tiers qui ne lisent pas. Euh... par euh... notre journal qu’on envoie à tous les locataires? Ce que je réalise là, je cherche « un » moyen, mais d’après moi il n’y en a pas « un », y en a plusieurs. Entrevue no 6

Une autre organisation communautaire rencontrée suggère que la procédure pour identifier les personnes éligibles demeure très simple. On présente la manière de faire adoptée par cette organisation comme un modèle à suivre pour l’intervention :

On demande des preuves de revenu, pis c'est vraiment une rencontre informelle, où est-ce qu’on discute pour vraiment pouvoir aider la personne sur son besoin réel. Si y a des situations d’endettement, si y a une perte d’emploi soudaine, si c'est une situation temporaire, ou si c'est du long terme, on essaye de voir ça. Mais c'est vraiment faire une rencontre informelle. Pas lourd non plus, pas des grosses procédures, nous on a des gens qui arrivent ici ils ne savent pas lire ni écrire là. Fait que je peux même les accompagner à remplir les quelques questions, mais c'est pas des gros formulaires. C'est des choix de réponses. Entrevue no 3

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4.4.2 ENJEUX LIÉS AU REMBOURSEMENT DES COUPONS

Plusieurs informateurs clés durant les entrevues ont exprimé leurs préoccupations liées à la mécanique de remboursement des coupons; ils s’inquiètent qu’elle ne crée un fardeau pour les commerces d’alimentation et conséquemment devienne un frein important à la faisabilité de l’intervention.

Le petit marchand de fruits et légumes, lui y a pas une personne à la comptabilité comme chez Métro qui fait ça toute la journée là. Lui ça va lui demander, en plus de la TPS, de la TVQ, de son rapport trimestriel de faire une démarche non? Je ne suis pas sûr qu’il va aimer ça moi les coupons. Entrevue no 6

Il faut aussi comprendre que pour le détaillant, à chaque fois qu’on fait un crédit plutôt qu’une transaction financière, nous, y a une écriture comptable à chaque transaction. Donc, si par exemple dans une semaine j’ai 100 de ces transactions-là, moi j’ai une transaction dans les comptes à recevoir et dans les comptes payables. Fait qu’au niveau de l’opération, pour un détaillant, je vous dirais souvent le détaillant est bien ouvert à le faire, mais y va le faire et y fera pas un sou sur cette transaction-là. Parce que, c'est des aliments frais souvent y a de la manipulation, maintien chaud et froid, ... entreposage, etc. Entrevue no 10

4.4.3 FACTEURS POUR AUGMENTER LA FAISABILITÉ DE L’INTERVENTION : MESURES D’ACCOMPAGNEMENT

Les participants aux groupes de discussion ont appuyé l’idée que des mesures de type éducatives puissent accompagner l’intervention, en particulier pour contrer le manque de familiarité avec certains légumes et le manque de connaissances sur les manières de les apprêter.

C'est ben bon je te donne une carte de 17 $ va t’acheter des fruits et légumes, mais si la personne en a jamais mangé de légumes, si la personne ne sait pas quoi faire, il faut pousser la personne vers des choix de recettes de fruits et légumes, faire quelque chose avec. Groupe de discussion no 5

Le soir quand j’allais, exemple La mission bon accueil, ils te refilaient de la bouffe. Des fruits et légumes, des sortes de pâtes que des fois je sais même pas d’où c'est que ça vient, ni c'est quoi, ni comment l’apprêter, pis ils t’offrent aucune recette avec le produit. Tsé, ça pourrait être intéressant d’avoir des fois, en tout cas ça concerne vraiment les fruits et légumes aujourd'hui. Parce que même des fois les fruits et légumes, y a des fruits et légumes que tu sais pas trop c'est quoi. Tu sais même pas trop comment l’apprêter. Groupe de discussion no 5

Les principales suggestions ont été d’offrir des recettes, présentées sur des fiches papier ou des capsules vidéos, des ateliers de dégustations, des cours de cuisines avec des pairs, des activités de groupe en épicerie et les cuisines collectives. La dimension de socialisation des activités de groupes est notée par quelques participants.

Participant 1 : Pis comme les cuisines communautaires, ça c'est le fun parce que tu cuisines avec plein de gens qui t’apprennent toutes sortes d’affaires. Fait que ça c'est vraiment le fun là.

Participant 2 : On peut passer un beau moment ensemble.

Participant 3 : Oui c'est ça. Tu sors de la maison…

Participant 4 : T’as une semaine de bouffe, c'est le fun. Groupe de discussion no 1

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Certains participants soulignent l’importance que les recettes proposées soient simples, bien illustrées et bien expliquées pour ceux qui cuisinent peu ou connaissent peu les ingrédients utilisés en cuisine. Par exemple, on suggère d’utiliser des noms de marque de commerce qui sont souvent plus connus que le nom générique des ingrédients, comme le bicarbonate de soude.

Plusieurs participants aux groupes de discussion ont proposé que des campagnes de sensibilisation sur l’importance de consommer des fruits et légumes pour la santé puissent accompagner l’intervention. Par contre, certains estiment que cette information est déjà bien connue de la population ciblée.

L’importance de mettre en place des mesures d’accompagnement à la subvention pour l’achat de fruits et légumes a aussi été soulevée par plusieurs informateurs clés lors des entrevues.

Parce que, ce qu’on remarque aussi beaucoup dans les banques alimentaires, c'est que, les personnes ne refusent pas forcément de manger des légumes, mais c’est qu’ils ne savent pas comment les apprêter, comment les cuisiner, donc ça les freine beaucoup. Donc si on leur donne des coupons pour les acheter, c’est une bonne chose, mais il faudrait les conseiller sur comment vous allez pouvoir utiliser tel, ou tel légume qui est en promotion, dans telle ou telle épicerie. Je pense que ça, ça aiderait énormément et ce serait vraiment très pertinent. Entrevue no 7

Durant les entrevues, il a aussi été suggéré que des outils soient offerts pour informer les consommateurs sur l’achat des fruits et légumes selon les saisons et pour réduire le gaspillage alimentaire.

Qu'est-ce qui est un bon achat selon les saisons. On se fait souvent dire nous autres par les consommateurs que le frein est au niveau du prix… quand les gens savent qu'est-ce qui est en saison, qu'est-ce qui est à bon prix, qui est au meilleur de sa capacité pour le meilleur prix, ben ça les aide à faire des meilleurs achats et ils répètent ce geste d’achat là, parce que l’expérience est bonne au niveau du prix et elle est bonne au niveau de la qualité gustative et nutritionnelle aussi. Qu'est-ce qui coûte cher c'est qu’est-ce qu’on jette. Entrevue no 9

Une informatrice a proposé une mesure d’accompagnement qui ne se rapportait pas à des mesures de type éducatives, mais plutôt à l’offre de livraison à domicile pour les participants au programme.

4.4.4 L’ENGAGEMENT DES COMMERÇANTS OU D’AUTRES ACTEURS COMMERCIAUX

Certains informateurs clés lors des entrevues ont soulevé la possibilité que la mise en œuvre de l’intervention soit développée en partenariat avec des organisations commerciales comme des producteurs ou des transformateurs agroalimentaires. Ils ont noté que de tels partenariats offraient des avantages du point de vue du financement de l’intervention, mais aussi de la possibilité de s’arrimer avec des campagnes d’information déjà existantes.

Un des informateurs clés a suggéré de déployer l’intervention communauté par communauté, en partenariat avec les marchands d’alimentation et les organisations communautaires. En effet, la mise en place de l’intervention exige un niveau d’engagement important de la part des commerces d’alimentation, dans lesquels les coupons ou les cartes devront être utilisés. Ils devront former le personnel à l’utilisation des coupons et à la mécanique de remboursement des coupons, ce qui engendra des coûts de transaction importants pour eux. Ainsi, bâtir la mise en œuvre de l’intervention à l’échelle des communautés faciliterait l’engagement de ces commerçants et mettrait à profit les liens qui existent déjà entre ces commerces et les organismes du milieu.

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Les détaillants sont parties prenantes de leur communauté, vont vouloir donner un coup de main… les détaillants, c'est les premiers contributeurs à toutes les campagnes de financement local. C'est les premiers à donner du temps ou des denrées pour des activités communautaires, on est toujours au « bat » tout le temps. Fait qu’on est déjà connecté avec la communauté. Entrevue no 10

4.5 Le programme de coupon pour l’achat de fruits et légumes en Colombie-Britannique

Depuis 2007, le Ministère de la Santé de la Colombie-Britannique finance un programme de distribution de coupons pour l’achat de produits frais dans les marchés publics, le Farmers’ market nutrition coupon program. Les récipiendaires peuvent échanger les coupons contre des fruits et légumes, de même que du fromage, de la viande, du poisson et des noix. Le programme est saisonnier et est géré par l’association provinciale des marchés publics. Les objectifs du programme sont d’améliorer l’alimentation des ménages à faible revenu (ménages avec enfants, femmes enceintes et personnes âgées), de même que de contribuer à l’économie locale, en soutenant les producteurs et les marchés de la région.

Les ménages participants reçoivent des coupons d’une valeur de 21 $par semaine, pendant 16 semaines, qu’ils peuvent utiliser tout au long de la saison dans le ou les marchés publics de leur communauté. Des organisations communautaires sélectionnées par l’association des marchés publics sont partenaires afin de recruter les participants, d’organiser des séances d’information pour les marchands sur le programme, et d’offrir des activités éducatives aux participants, liées à la saine alimentation. En 2017, le programme fonctionnait dans 54 communautés, avec un budget d’environ 1 MM de $. Notons que certaines communautés ont aussi investi dans des fonds locaux additionnels, afin d’élargir la portée du programme (Entrevue no 5).

Une évaluation du programme menée en 2014 soulignait les retombées positives du programme. Ainsi, une enquête auprès de plus de 200 participants indique que 84 % d’entre eux considèrent que le programme a mené à une augmentation de leur consommation de fruits et légumes (Context, 2014b). Lors de deux groupes de discussions, des participants au programme ont souligné leur perception positive du programme en termes de l’expérience d’achat au marché et de la liberté de pouvoir s’acheter des produits qu’ils n’avaient que rarement ou jamais mangé auparavant. Le problème le plus souvent noté concerne la difficulté d’accéder aux marchés publics en transport en commun (Context, 2014a).

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5 Discussion des résultats

Nos résultats concernant l’acceptabilité de l’intervention envisagée, convergent avec ce que l’on retrouve dans la littérature sur l’acceptabilité sociale des mesures économiques pour favoriser la saine alimentation. Cette littérature indique que dans la population en général, les mesures incitatives sont mieux reçues que les mesures dissuasives, et qu’elles sont perçues de façon plus positive lorsqu’elles ciblent les personnes défavorisées. Les groupes de discussion avec des membres de ménages à faible revenu nous ont permis de constater qu’une subvention pour l’achat de fruits et de légumes est très bien accueillie par cette population cible. Parmi ces participants, elle fait l’unanimité, comme étant une intervention pertinente.

Les points de vue des participants sur les risques de stigmatisation associés à l’intervention sont plus divisés; certains soulignent que ce risque est bien présent, alors que plusieurs n’exprimaient pas de préoccupations à cet égard. En fin de compte, ces risques sont jugés comme étant moins importants que les bénéfices liés à l’intervention. Il est plus difficile de comparer ces résultats à ce que l’on retrouve dans la littérature, puisque peu de travaux sur les instruments économiques se sont penchés sur les risques de stigmatisation, associés à cette intervention. Nous considérions comme très important d’examiner cette lacune dans la littérature, car notre intervention pourrait accentuer la stigmatisation dont les populations défavorisées font déjà l’objet. En effet, les populations défavorisées sont souvent sujettes à la stigmatisation, ce « processus social à travers lequel se construisent ou se renforcent des représentations sociales négatives à l’égard de certains groupes d’individus » (Désy, 2018, page 1). Les conséquences possibles de la stigmatisation incluent la discrimination au logement ou à l’emploi, la difficulté à accéder aux services de santé et sociaux, et une vulnérabilité accrue à rencontrer des problèmes de santé.

Nous avons observé que plusieurs participants aux groupes de discussion, de même que des informateurs clés, jugent très souhaitable que des mesures d’accompagnement de type éducatives soient mises en place avec le programme de subvention. Ce point de vue converge avec ce qui est observé dans la littérature, qui indique que les mesures éducatives ont généralement un plus haut niveau d’acceptabilité sociale que les mesures économiques et que de les combiner augmente l’acceptabilité des instruments économiques.

Les perspectives des participants concernant les critères d’éligibilité pour l’intervention pointent vers un élargissement des critères, de manière à inclure tous les ménages à faible revenu et non seulement les ménages avec enfants. Toujours concernant l’acceptabilité de l’intervention, les participants aux groupes de discussion considèrent que les montants proposés sont suffisants, seulement si on les présente comme étant des montants additionnels qui permettent d’augmenter la consommation de fruits et légumes, et non pas des montants qui peuvent couvrir l’ensemble des achats des fruits et légumes d’une famille pour une semaine.

Pour ce qui est de la faisabilité, il apparait comme réaliste de mettre en œuvre, dans le contexte québécois, une intervention économique telle que proposée dans ce projet, même si certains obstacles doivent être surmontés. Nos données offrent aussi un éclairage sur les modalités de l’intervention. Ainsi, cinq principes directeurs se dégagent de nos résultats et des expériences à l’extérieur du Québec pour guider la conception et la mise en œuvre d’un tel programme au Québec. Premièrement, la simplicité de l’utilisation du coupon ou de la carte est très importante pour réduire le risque de stigmatisation, en diminuant la visibilité de la transaction et pour minimiser les coûts de transactions pour les marchands. Dans cette perspective de simplicité, la carte prépayée est jugée comme étant préférable aux coupons papier, même si elle requiert des investissements pour développer une solution qui comble tous les besoins exprimés.

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Deuxièmement, la proximité des lieux d’utilisation des coupons, peu importe le type d’établissements dont il s’agit, est un autre critère à appliquer à la conception d’une telle intervention. Le troisième principe directeur concerne l’importance de concevoir une intervention adaptée aux réalités des sources d’approvisionnement alimentaires et des commerces d’alimentation de proximité dans le milieu d’intervention, étant donné la diversité que l’on peut observer d’une région à l’autre du Québec, ou d’un quartier à l’autre d’une même ville. Quatrièmement, la conception et la mise en œuvre de l’intervention devront se faire en partenariat avec les acteurs communautaires et commerciaux du lieu d’intervention. En effet, la distribution des coupons ou des cartes par les organismes communautaires, malgré des faiblesses, demeure l’option la plus viable. La participation des marchands ou producteurs sera elle aussi incontournable pour s’assurer du bon déroulement de l’intervention.

Finalement, l’intervention devra être conçue afin de maximiser les co-bénéfices; il s’agira donc de viser non seulement l’augmentation de la consommation de fruits et légumes chez les populations défavorisées (MSSS, 2016), mais aussi de contribuer à l’atteinte d’autres objectifs socio-économiques, tels que la promotion et la valorisation des produits bioalimentaires du Québec et l’amélioration de l’accès et l’identification des aliments favorables à la santé partout sur le territoire (MAPAQ, 2018). Une telle approche, qui a été adoptée dans les états américains et en Colombie-Britannique, tient compte de la coexistence des multiples objectifs de l’action publique et contribue à l’acceptabilité, la pérennité et la cohérence des politiques publiques, favorables à la santé. Concrètement, cette cinquième ligne directrice pourrait se traduire par une intervention qui privilégie les marchés publics et les producteurs maraîchers du Québec comme partenaires de l’intervention, lorsque le contexte local s’y prête.

Cette étude est la première à examiner l’acceptabilité et la faisabilité d’une intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes dans le contexte québécois. Le devis de recherche qualitative a permis de colliger les perspectives des populations défavorisées et des parties prenantes, sur l’intervention et les modalités potentielles de mise en œuvre. Nous avons observé que le nombre de groupes de discussions (6) était suffisant pour atteindre un niveau important de saturation (c’est-à-dire que les données additionnelles n’ajoutaient pas ou peu de nouvelles informations ou perspectives). L’information collectée est suffisamment détaillée pour guider l’action quant aux modalités de mise à œuvre à privilégier et des questions à approfondir.

Néanmoins, notre approche comporte certaines limites méthodologiques. Premièrement, nous avons tenu les groupes de discussion dans seulement deux régions du Québec. La diversité des contextes d’approvisionnement alimentaire et de disponibilité des fruits et légumes au Québec n’est donc pas entièrement représentée. Par exemple, les enjeux particuliers aux régions éloignées ne sont pas couverts. Deux autres limites potentielles de notre projet sont tributaires du mode de recrutement des participants aux groupes de discussion. Comme il s’agissait de personnes qui utilisaient les services de groupes communautaires, les participants ont probablement un profil sociodémographique qui diffère de l’ensemble des ménages à faible revenu (Loopstra, 2015).

Finalement, une autre limite de notre étude est qu’elle s’intéresse à une intervention qui vise à réduire les inégalités de santé, en ciblant les déterminants de la santé associés aux comportements, plutôt des déterminants plus structurels tels que le revenu. Les chercheurs qui se penchent sur les inégalités de santé estiment que cette dernière approche est plus efficace pour réduire les inégalités (Mantoura et Morrison, 2016). Cependant, notre étude n’était pas conçue pour comparer la pertinence d’une subvention à la consommation de fruits et légumes à d’autres interventions ou politiques publiques; elle ne permet donc pas d’évaluer quelles mesures peuvent avoir le plus d’impact en termes d’amélioration de la santé de ces populations.

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6 Conclusion

La création d’environnements favorables à la saine alimentation requiert la mise en place d’une multitude de politiques publiques et d’interventions qui touchent aux différentes dimensions de l’alimentation. Cette étude nous indique qu’une subvention pour l’achat de fruits et légumes est un outil d’intervention prometteur à inclure dans une stratégie globale d’amélioration de l’alimentation de la population québécoise. Les connaissances scientifiques disponibles nous indiquent qu’il s’agit d’une intervention qui se montre efficace dans différents contextes. Notre étude indique que l’acceptabilité de l’intervention est bonne chez la population ciblée, et nous amène à proposer des principes directeurs pour limiter les obstacles possibles à sa mise en œuvre.

Une mesure économique pour améliorer l’accès aux fruits et légumes pour les populations défavorisées pourrait contribuer à la réalisation des objectifs de plusieurs politiques gouvernementales québécoises actuelles. Ainsi, la Politique gouvernementale en prévention en santé (PGPS) vise à favoriser l’accès physique et économique à une saine alimentation, particulièrement dans les communautés défavorisées ou isolées géographiquement (MSSS, 2016). Une des cibles de cette politique est d’atteindre une consommation minimale de cinq fruits et légumes chaque jour, chez plus de la moitié de la population d’ici 2025 (MSSS, 2016). Le Plan d’action gouvernemental pour l’inclusion économique et la participation sociale, quant à lui, vise à améliorer l’accès à l’alimentation saine, nutritive et abordable pour les personnes à faible revenu (MTESS, 2017). La Politique bioalimentaire, pour sa part, cible l’amélioration de l’accès et l’identification des aliments favorables à la santé partout sur le territoire (MAPAQ, 2018). Un projet d’évaluation dans le cadre d’un projet-pilote au sein de communautés diverses au Québec permettrait d’estimer les effets d’une mesure de subvention pour les fruits et légumes, afin de mieux le comparer aux autres instruments que les autorités publiques ont à leur disposition pour atteindre ces objectifs.

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

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Annexe 1

Guide pour groupe de discussion

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

Institut national de santé publique du Québec 41

Guide pour groupe de discussion

Version 23 avril 2018, révisée après le premier groupe de discussion

Titre du projet : Projet économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : Étude initiale sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

Groupe de discussion (focus group), 6 à 10 participants potentiels de l’étude (membre d'un ménage avec au moins un enfant).

Les participants développeront librement leur propos à partir de la question de départ. L'animatrice pourra explorer plus en profondeur les thèmes abordés par les participants.

1. INTRODUCTION

Accueil des participants par l'animatrice Explication et signature du formulaire de consentement Distribution des cartes-cadeaux (ou à la fin de la discussion) Présentation personnelle de l’animateur, rappel des objectifs et thèmes qui seront abordés dans le groupe de discussion sans détails, pour ne pas influencer les réponses des participants Préciser qu'une personne prendra des notes et que les discussions sont enregistrées.

2. BRISE-GLACE

Quel est votre fruit ou légume préféré et pourquoi? OU Où achetez-vous vos fruits et légumes habituellement et pourquoi? OU

3. ÉLÉMENTS FAVORISANTS ET BARRIÈRES À LA CONSOMMATION DE FRUITS ET LÉGUMES

Peu de Québécois mangent assez de fruits et légumes par jour (pour leur santé).

3.1 Selon vous, pour quelles raisons la plupart des gens ne mangent pas assez de fruits et légumes?

3.2 Pour vous, qu’est-ce qui pourrait rendre ça plus facile, de manger plus de fruits et légumes?

4. ACCEPTABILITÉ :

Description de l’intervention

Le programme que nous voulons tester c’est d’offrir des coupons aux familles avec au moins un enfant pour acheter des fruits et légumes à l’épicerie. Les coupons auraient une valeur d’environ 17 $par semaines pour une famille de 4 personnes pour acheter n'importe quels fruits et légumes frais, congelés ou en conserve.

4.1 Est-ce que vous trouvez que c’est une bonne idée, une bonne chose?

4.2 Comment vous sentiriez-vous si vous deviez échanger les coupons?

4.3 Comment pensez-vous que les autres autour (la caissière à l’épicerie, ou les autres clients) peuvent voir ça?

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

42 Institut national de santé publique du Québec

5. FAISABILITÉ

Rappel de l’intervention

Le programme que nous voulons tester c’est d’offrir des coupons aux familles avec au moins un enfant pour acheter des fruits et légumes à l’épicerie. Les coupons auraient une valeur d’environ 17 $par semaine pour une famille de 4 personnes pour acheter n'importe quels fruits et légumes frais, congelés ou en conserve. Notez que la valeur varie selon le nombre de personnes dans le ménage (p. ex : 8,5 $ par semaine pour une famille avec 2 personnes).

5.1 D’après vous, quelle serait la meilleure façon de mettre en place ce programme? Comment faire pour que cela fonctionne bien?

5.2 Si pas beaucoup de commentaires à la question ouverte ci-dessus, présenter les scénarios ci-dessous.

- 1re possibilité : Distribution par mois ou par semaine de coupons papier; la distribution a lieusur les sites des organisations communautaires

- 2e possibilité : Distribution de cartes prépayées; la distribution a lieu sur le site desorganisations communautaires

- 3e possibilité : Distribution de coupons électroniques (par envoi d’un code sur votretéléphone)

- 4e possibilité : Distribution de cartes prépayées (déjà chargées) : la distribution a lieu sur unautre site ou est envoyé par la poste.

Ya-t-il une autre manière de faire?

Selon vous, quels sont les avantages et les désavantages de ces différentes possibilités? Qu’est-ce qui faciliterait la réalisation de ce programme?

Pour chacune des possibilités, les coupons (ou les cartes) pourraient être échangeables à l’épicerie ou dans d’autres commerces (dépanneurs, kiosques à la ferme, marchés publics). Selon vous, quels commerces devraient participer au programme?

5.4 Pensez-vous que ce programme devrait être accompagné d’un programme d’éducation pour mieux connaitre la façon de préparer ou de cuisiner les légumes?

6. AUTRES ENJEUX :

Est-ce qu’il y a d’autres choses à ajouter par rapport à cette idée de programme ou à la consommation de fruits et légumes? Des sujets dont on n’a pas encore parlé?

Annexe 2

Guide d’entretien pour les informateurs clés

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

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Grille d’entretien pour les informateurs clés

Titre du projet : Projet économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude initiale sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention.

Entretien semi-directif, en face à face, environ 60 minutes auprès d’informateurs-clés

Tous les thèmes définis en gras seront abordés. La personne interviewée développera librement son propos à partir de la question de départ. Les exemples de questions suivantes permettront, si nécessaire, d’accompagner l’enquête vers les thèmes à aborder et à apporter des précisions.

1. INTRODUCTION

Présentation personnelle de l’enquêteur, de la mission, du but de l’entretien et du projet de recherche. Faire signer le formulaire de consentement. Préciser que l’enquêteur reste à la disposition de l’interviewé si celui-ci a des questions ou s’il souhaite apporter des précisions ou des modifications. Demander l’autorisation de prendre des notes et d’enregistrer l’entretien.

2. PRÉSENTATION

Pouvez-vous me faire une description de : - Votre organisme - Votre rôle dans l’organisme

3. ACCEPTABILITÉ

Que pensez-vous de ce projet? Quels éléments du projet et de sa mise en œuvre apparaissent acceptables ou non, et pour quelles raisons?

Nous sommes préoccupés par la stigmatisation (de ce que vont ressentir les personnes qui vont recevoir ces coupons, mais aussi du regard et de l’opinion de la communauté et de la société en général envers celles-ci) qui peut découler d’une telle intervention. Qu’en pensez-vous? Comment réduire ce risque?

Nous proposons un coupon d’une valeur équivalente à deux portions de fruits et légumes par personne par jour : de 0,62 $ par personne par jour soit 17,36 $ par semaine pour une famille de 2 adultes et de 2 enfants.

Qu’en pensez-vous?

4. FAISABILITÉ

Quelles possibilités de mise en œuvre de cette intervention vous semblent plus facilement réalisables et pour quelles raisons?

- 1re possibilité : Distribution par mois ou par semaine de coupons papier; distribution a lieu sur les sites des organisations d’aide alimentaire

- 2e possibilité : Distribution de cartes prépayées; distribution a lieu sur le site des organisations d’aide alimentaire

- 3e possibilité : Distribution de coupon électronique (par téléphone)

- 4e possibilité : Distribution de cartes prépayées : La distribution a lieu sur un autre site ou par courrier

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

46 Institut national de santé publique du Québec

Dans le cas de toutes ces possibilités, les coupons ou la carte sont échangeables contre des fruits et des légumes frais, congelés ou en conserve chez les épiceries, les supermarchés et autres commerces d’alimentation à proximité des sites d’intervention.

Est-ce que vous proposeriez une autre manière de faire?

5. FAISABILITÉ

Quelles sont vos perceptions concernant les obstacles à la mise en œuvre d’une telle intervention? Quels sont les facteurs facilitants qui pourraient augmenter la faisabilité de l’intervention?

6. AUTRES ENJEUX

Est-ce qu’il y a d’autres enjeux liés à cette intervention que vous aimeriez soulevés?

Annexe 3

Grille de codage pour les groupes de discussion

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

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Grille de codage pour les groupes de discussion

Catégories Sous catégories Codes

Commentaires généraux sur les fruits et légumes

Commentaires généraux sur les fruits et légumes

Acceptabilité de l’intervention du point de vue des bénéficiaires

Modalités qui affectent l’acceptabilité générale de l’intervention

Acceptabilité par rapport à l’usage de cartes prépayées Acceptabilité par rapport à l’usage de coupons

Acceptabilité par rapport à l'usage de coupons électroniques Accessibilité et disponibilité des produits couverts par l’intervention Cadre de distribution des coupons/cartes prépayées et messages véhiculés Critères d’éligibilité à l’intervention Fréquence de distribution et durée de validité des coupons/ cartes prépayées Lieux d'achat des produits couverts par l'intervention Produits couverts par l’intervention

Valeur des coupons/cartes prépayées

Acceptabilité sociale

Perception positive vis-à-vis de l’intervention

Stigmatisation perçue par les bénéficiaires

Plaintes venant de non-bénéficiaires

Facteurs qui favoriseraient l’utilisation des coupons ou cartes prépayées

Mesures d’accompagnement de la distribution des aides (coupons ou cartes)

Enjeux influençant la faisabilité de l’intervention

Enjeux liés à l’engagement des commerçants

Enjeux liés à l’identification et la vérification des bénéficiaires Enjeux liés à la gestion du montant des cartes

Enjeux liés à l'utilisation des coupons et cartes (incluant l’utilisation frauduleuse) Enjeux liés au remboursement des commerçants

Annexe 4

Grille de codage pour les entrevues

Intervention économique pour augmenter la consommation de fruits et légumes : étude sur la faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention

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Grille de codage pour les entrevues

Catégories Sous catégories Codes

Acceptabilité de l’intervention du point de vue des bénéficiaires (la perception des informateurs)

Acceptabilité sociale Perception positive vis-à-vis de l’intervention

Plaintes venant des non-bénéficiaires

Stigmatisation perçue par les bénéficiaires

Modalités qui affectent l’acceptabilité générale de l’intervention

Acceptabilité par rapport à l’usage de cartes prépayées

Acceptabilité par rapport à l’usage de coupons

Acceptabilité par rapport à l'usage de coupons électroniques Cadre de distribution des coupons-cartes et messages véhiculés

Critère d'éligibilité à l'intervention

Commentaires concernant la faisabilité de l'intervention

Fréquence de distribution des coupons-cartes

Lieux d'achat des produits couverts par l'intervention

Produits couverts par l’intervention

Valeur des coupons-cartes distribués lors de l'intervention

Délai de validité des coupons-cartes

Distribution des coupons-cartes par les organismes communautaires (administration des coupons) Enjeux liés à la fraude (lors de la production, la distribution et la réclamation des coupons)

Faisabilité par rapport à l'utilisation de cartes

Faisabilité par rapport à l'utilisation de coupons

Faisabilité par rapport à l'utilisation de coupons électroniques

Modalités qui affectent l’acceptabilité de l’intervention du point de vue des distributeurs et des marchands

Identification et vérification des bénéficiaires de l'intervention et évaluation de la demande Identification et vérification par les caissiers(ières) des produits couverts par l'intervention Mesures d’accompagnement de la distribution des aides (coupons ou cartes) Partenariat avec les fournisseurs des produits couverts par l'intervention

Acceptabilité de l'intervention par les marchands

Acceptabilité par rapport à l'usage de cartes prépayées

Acceptabilité par rapport à l'usage de coupons

Acceptabilité par rapport à l'usage de coupons électroniques Identification des produits couverts par l'intervention par les caissiers (ières)

No de publication : 2498

Centre d’expertise et de référence

www.inspq.qc.ca