Guilhaumou Jacques Et Vovelle Michel Un Historien Hors Des Sentiers Battus

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Vovelle Michel

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  • UN HISTORIEN HORS DES SENTIERS BATTUS

    Jacques Guilhaumou et Michel Vovelle

    Presses Universitaires de France | Actuel Marx

    2006/2 - n 40pages 188 198

    ISSN 0994-4524

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2006-2-page-188.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Guilhaumou Jacques et Vovelle Michel, Un historien hors des sentiers battus , Actuel Marx, 2006/2 n 40, p. 188-198. DOI : 10.3917/amx.040.0188--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Distribution lectronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. Presses Universitaires de France. Tous droits rservs pour tous pays.

    La reproduction ou reprsentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorise que dans les limites desconditions gnrales d'utilisation du site ou, le cas chant, des conditions gnrales de la licence souscrite par votretablissement. Toute autre reproduction ou reprsentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manire quece soit, est interdite sauf accord pralable et crit de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislation en vigueur enFrance. Il est prcis que son stockage dans une base de donnes est galement interdit.

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    ENTRETIEN

    J. Gui lhaumou et M. Vovel le Un historien hors des sentiers battus

    UN HISTORIEN HORS DES SENTIERS BATTUSEntretien de Jacques GUILHAUMOU avec Michel VOVELLE

    Dans vos travaux, vous avez toujours

    soulign limportance dune perspective de

    totalisation historique, par le fait mme

    dune dialectique entre lvnement et le

    temps long. Quen est-il pour vous plus pr-

    cisment de l histoire totale ?

    Michel Vovelle : En 1989, lors des dis-

    cussions du colloque Histoire Sociale, histoire

    globale, tenu lEHESS, on voit intervenir

    Pierre Vilar, un peu dans le rle dun anctre

    dj, et qui concde : Je sais que les mots

    histoire totale font sourire comme porteurs

    de trop de prtentions, de difficults. Mais

    ne pourrait-on concilier la spcialisation des

    quipes de recherche avec le continuel

    rappel, auprs delles, des problmes gn-

    raux quelles doivent clairer ? Il rpond ici

    Jacques Dupaquier, qui a proclam (ou

    ritr) lclatement des histoires, que ce

    soit, au sommet, dans la diversit des terri-

    toires ou, la base, par le triomphe du micro

    sur le macro. Et Vilar dajouter cette dfini-

    tion : Je pense que cette fidlit lesprit

    de synthse en histoire est possible . Mais

    cela sonne comme un combat en retraite.

    On essaie de tricher : Christophe Charle,

    pour sa part, invoque une histoire globale

    moins compromettante qui, au fil des discus-

    sions, pourrait peut-tre autoriser une remar-

    que de couloir comme celle dErnest Labrousse

    Pierre Vilar, vingt-cinq ans plus tt :

    comme si toute histoire ntait pas sociale... .

    Mais on nous a vus venir : ds les annes

    soixante-dix, Franois Furet et Emmanuel

    Leroy Ladurie ont annonc dans Le Monde,

    qui ne ment jamais, la mort de cette

    histoire-l. Conceptuelle , Franois Furet

    a relgu le rve dhistoire totale au rang des

    illusions, rcusant tout son apprentissage

    labroussien encore que le modle quil

    propose ait bien vocation donner une

    nouvelle (?) cl de lecture universelle. Mais

    lcole critique ne reprsente quune des

    voies dans lexplosion du champ des histoi-

    res, quil est devenu banal de dsigner la

    suite de Franois Dosse comme l histoire

    en miettes , refltant le crpuscule de

    lEcole des Annales et o lon voit aussi

    Actuel Marx / no40 / 2006 / Fin du nolibralisme?

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    avant tout labolition dune lecture marxiste

    ou marxisante. Les histoires vont dsor-

    mais leur chemin, ayant repris leur autono-

    mie, leur temporalit et leur dynamique

    propres dans le cadre de cette histoire sans

    nom dont parle Alain Corbin.

    Cest vrai que jai clos mon essai sur

    La Dcouverte de la politique par une profes-

    sion de foi dhistoire totale . Je ne pensais

    pas alors Pierre Vilar, et je dois avouer en

    le relisant que je ne partage pas tout fait la

    sereine assurance de certains articles de son

    livre testament (Une Histoire en construc-

    tion), notamment Les mots et les choses

    ou Lhistoire aprs Marx . Finalement,

    cest peut-tre la formule plus modeste

    dune histoire en construction , que jadop-

    terais plus volontiers de lui. Cest partir de

    deux de mes ouvrages que, trs concrte-

    ment et le plus brivement possible, je ten-

    terai dillustrer ma tentative, sinon dune

    histoire totale, du moins dune dmarche

    qui na pas abdiqu devant la recherche de ce

    qui fait lunit du processus historique.

    La Mort et lOccident de 1300 nos jours

    est sans doute le chantier le plus ambitieux

    auquel je me sois attaqu, couronnement

    dune escalade qui a commenc par des

    approches monographiques partir darchi-

    ves crites (Pit baroque et dchristianisation

    en Provence au XVIIIe sicle) ou visuelles

    (Vision de la mort et de lau-del) pour

    conduire cette synthse aventure. Travail

    men en synchronie avec la recherche de

    Philippe Aris, que jvoque car il illustre la

    diffrence de deux mthodes et de deux

    visions. Dans lchange amical que nous

    avons entretenu, Philippe Aris ma par-

    donn avec le sourire davoir voqu sa rf-

    rence un inconscient collectif sur coussin

    dair , sur lequel se meuvent les reprsenta-

    tions collectives devant la mort, en fonction

    de leur dynamique propre. Jacques Revel a

    dfini ma dmarche comme une combina-

    toire souple, prenant en compte diffrents

    paramtres, socio-conomiques, anthropo-

    logiques, dmographiques, institutionnels,

    religieux, culturels... considrs dans leur

    interaction. Cette ambition daboutir la

    saisie des reprsentations collectives dans

    la complexit de ce que jai dsign comme

    la mort subie, la mort vcue, le discours sur

    la mort, implique la prise en compte dune

    batterie de sources trs diversifies, crites

    ou non crites, organises en sries quand le

    support sy prte, valorisant le qualitatif ou

    lexemple emprunt la microstoria quand il

    soffre. De cet entrelacement de rfren-

    ces, jai extrait la perception dune respira-

    tion ample, inscrite dans la longue dure,

    o simpose de faon hgmonique un sys-

    tme (un modle ?), bien quil puisse y avoir

    cohabitation (conflictuelle ou non) dans une

    mme priode. Ainsi, pour ne prendre quun

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    exemple, ai-je pu caractriser un temps de la

    mort baroque correspondant lpa-

    nouissement des monarchies de lge

    moderne, au grand renfermement et la

    pastorale de la Contre-rforme, jusqu sa

    contestation au temps des Lumires.

    De lune lautre de ces squences, jai

    insist sur lexistence de crises, sinon dans le

    temps court, du moins dans la moyenne-

    ment longue dure (le macabre, le frisson du

    baroque, le crpuscule des Lumires). ce

    niveau, lvnement refait surface, ou du

    moins la rupture, qui laisse place dans le

    vritable temps court la Rvolution dcli-

    ne sous diffrents aspects.

    Toute pragmatique, ou presque, ma

    dmarche reflte mon souci dune prise

    en compte globale des lments constitu-

    tifs dans leur interrelation. O se cache le

    tout surdterminant ? Le mouvement de

    la dmographie dans sa respiration scu-

    laire semble dicter le rythme... jusqu un

    certain point, et jusqu un certain temps,

    sans dtermination mcanique. Ainsi, la

    rationalisation du regard sur la mort anti-

    cipe au sicle des Lumires la rvolution

    dmographique. Cest la saisie de cette

    dialectique qui rend lenqute passion-

    nante, dfiant tout rductionnisme.

    Dans un cadre apparemment bien diff-

    rent, cest la mme dmarche quon trou-

    vera loeuvre dans mon livre sur

    La Dcouverte de la politique. Gopolitique

    de la Rvolution franaise. Refus de rdiger

    un manuel classique dhistoire rvolu-

    tionnaire, ce testament anticip sinscrivait

    lissue de lenqute obstine que jai

    mene durant un quart de sicle, partir de

    ltude de la dchristianisation, sur la dia-

    lectique du temps long (la dchristianisation

    des Lumires) et du temps court (celle de

    lan II). linverse de La Mort et lOccident,

    je minstalle ici dans linstant rvolution-

    naire, mais pour y interroger contradictoire-

    ment lancien et le nouveau : lhritage le

    plus enracin, qui renvoie au socle anthro-

    pologique ou aux strates institutionnelles,

    dune part, et les rvlations, les crations

    de linstant au fil dun apprentissage que jai

    dsign comme linvention de la politique,

    dautre part. Pour ce faire, fidle une

    mthode de spatialisation gographique qui

    mest chre, jai constitu partir de tout ce

    qui me tombait sous la main une batterie de

    dizaines, voire de centaines de cartes, pour

    les faire parler en les confrontant. Au bout

    du chemin, on obtient un tableau crois de

    corrlation des donnes les plus exploita-

    bles, dont une partie dmontre ou simple-

    ment suggre des interrelations significati-

    ves. ce moment, le lecteur mme bienveil-

    lant ne pourra sempcher de relever quau

    stade de lanalyse hirarchique des corres-

    pondances, le miracle ne sest pas produit :

    je nai pas identifi le tout surdterminant,

    ni dcouvert le grand secret, et cest sur une

    gographie tablie sur des critres qualitatifs

    que je conclus la description des tempra-

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    ments rgionaux. Mais je persiste et signe :

    dfaut dune histoire totale, sinon dans ses

    ambitions du moins dans ses conclusions,

    le matre mot reste pour moi de corrler

    infatigablement, de chercher en quoi lhis-

    toire a un sens entendons une significa-

    tion et non une finalit comme prsuppos

    dmontrer. Ce qui est faire aussi la place

    de lalatoire o lon retrouverait le poids

    de lvnement.

    On vous prsente, juste titre, comme

    lun des fondateurs, avec Robert Mandrou,

    de lhistoire des mentalits. Pouvez-vous

    prciser ce quil en est actuellement de lim-

    pact dune telle approche dans le vaste mou-

    vement actuel de (re) dcouverte de lhistoire

    culturelle ?

    Michel Vovelle : Vous me ferez plaisir,

    Vovelle, de ne pas utiliser ce terme devant

    moi : ctait mon matre Aix, au demeu-

    rant historien estimable auquel je dois de la

    reconnaissance, qui madmonestait avec

    peine le sourire, au dbut des annes

    soixante. Lclat de son collgue Duby lui

    portait ombre. Mais cela voque les dbuts

    controverss de lhistoire des mentalits,

    mme si je mabstiens de rappeler quil y a

    toute une prhistoire des mentalits sans

    ltiquette (quest-ce, sinon, que La Grande

    Peur de Georges Lefebvre ?). Cest me faire

    trop dhonneur que de minscrire au rang

    des pres fondateurs, et me vieillir un peu.

    Les vrais pres taient alors Robert

    Mandrou, officiellement pour sa contro-

    verse Introduction la France moderne, mais

    plus encore pour Magistrats et Sorciers et

    De la culture populaire au XVIIIe sicle,

    et Georges Duby (qui avait plusieurs cordes

    son arc), Philippe Aris free lance fut

    charg de la prsenter dans la Nouvelle

    Histoire , associ avec Mandrou la direc-

    tion dune collection chez Plon. Prventions

    et sarcasmes ne manquaient pas, sans attein-

    dre peut-tre lintensit quils ont eue dans le

    monde anglo-saxon, intrigu par cette nou-

    velle mode franaise, sous-produit, semblait-

    il, dune Ecole des Annales dont lhgmo-

    nie commenait tre conteste chez eux.

    Mais la demande a t forte, et si je me

    reporte mon exprience personnelle, au

    sein dune gnration qui cherchait alors

    sinon sa voie, du moins des issues, elle a cor-

    respondu lors des annes 1964-1965

    (les deux colloques de Saint-Cloud) la crise

    de lhistoire sociale dont Ernest Labrousse

    avait t le promoteur et le grand coordina-

    teur. Tel Mose contemplant la Terre pro-

    mise dans laquelle il nentrerait pas, il a

    conclu la rencontre de 1964 en appelant

    prospecter le nouveau territoire des mentali-

    ts, que significativement il identifiait

    comme les rsistances . Nous navions pas

    attendu cette injonction Maurice Agulhon,

    moi-mme et quelques autres pour pren-

    dre conscience de la ncessit de sortir dune

    sociographie devenue rptitive. Pour ceux

    qui ont choisi de sengager dans la voie de

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    J. Gui lhaumou et M. Vovel le Un historien hors des sentiers battus

    lhistoire des mentalits comme moi,

    les motivations ont t la fois communes

    et diverses. Entre 56 et 60, sinscrit lbran-

    lement des certitudes idologiques, la

    dcouverte que le progrs nest pas linaire.

    Ma gnration ne pouvait plus partager

    ladmonestation amicale du respect Pierre

    Vilar : Au lieu de vous occuper de la mort,

    pourquoi ne pas vous attacher la prise de

    conscience ? . Alors... mon chemin person-

    nel, je lai confi laconiquement la page de

    titre de mon livre Religion et Rvolution,

    la dchristianisation de lan II (1976) : Fais

    le tour : cette injonction que fait Peer

    Gynt, le Grand Courbe , ce troll gigantes-

    que qui lui barre le chemin. Sauv par

    Mandrou et Aris, qui ont publi ma thse,

    quAndr Latreille avait accept daccueillir

    in extremis, je fus adoub lors de la soute-

    nance par un historien de renom, en qute

    de renouveau mthodologique sur les hau-

    teurs du Troisime niveau , Pierre Chaunu,

    qui affirma que ctait la seconde fois quil

    entendait un appel un 18 juin. Il a appris

    plus tard se mfier de ses voix.

    Assez parl de moi : chemin faisant,

    lhistoire des mentalits prosprait et sim-

    posait de faon spectaculaire. Jai crit

    plusieurs reprises de faon trop simplifiante

    quelle tait passe du niveau de la culture

    claire, telle que labordait Robert Mandrou

    dans La Culture populaire, celui de ce que

    Philippe Aris va ranger sous la bannire de

    linconscient collectif. Je sous-estimais la

    richesse de lapport de Mandrou. Mais,

    globalement il est vrai que lon a vu prosp-

    rer alors jusqu la fin des annes soixante-

    dix la srie des grandes ouvertures sur les

    attitudes (voire les reprsentations ?) devant

    la vie, lamour, le sexe, lenfant, la mort

    Boulimique, la nouvelle histoire des menta-

    lits surclassait, au hit-parade des thses et

    des recherches, lhistoire conomique et

    sociale, elle annexait sans trop de mnage-

    ments des pans entiers de lhistoire dmo-

    graphique, religieuse, littraire, de lart

    Le dsir et la ncessit, du fait mme de ces

    contacts, de sapproprier de nouvelles sour-

    ces non classiques lexpression graphique,

    loral diversifiaient sa palette, lautorisant

    chapper la maldiction porte sur le

    quantitatif relay par le sriel. Attention,

    toutefois lorsque Jacques Le Goff lance

    sa collection d anthropologie historique

    on peut sinterroger : laquelle de lanthro-

    pologie ou de lhistoire des mentalits man-

    gera lautre ?

    On stait repos sur la dfinition rsu-

    me par Robert Mandrou Une histoire des

    visions du monde , dont il est de bon ton

    de sourire dsormais. Elle a t bien utile par

    sa complaisance, au temps des grands dfri-

    chements. Lorsque jai publi, en 1982,

    Idologies et mentalits, celui de mes ouvrages

    qui a t traduit dans le plus de langues, je

    pouvais avoir la satisfaction de prsenter

    comme sur un ventaire, lchantillon de

    mes produits (et de ceux des autres), mais

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    lobjectif tait bien, sur la vive conscience

    du flou des concepts luvre dans ce

    champ, dessayer dajuster le tir, non point

    de dcrter des normes, mais de fixer des

    objectifs. Fondamentale tait la question du

    mental collectif sous sa version Aris de

    l Inconscient collectif , dbouchant sur

    lautonomie du mental O lon retrouve-

    rait des thmes que jai voqus prcdem-

    ment autour de l histoire sur coussin dair

    de mon partenaire. Dsignant le problme

    dune redfinition des mentalits, peut-tre

    assez maladroitement vis--vis de lidologie,

    du fait des limites de ma culture marxiste,

    jai tent alors de faire le point, sans indiquer

    suffisamment de perspectives sans doute.

    Cest que la contestation dj faisait

    rage. Il y eut celles des mthodes quantitati-

    ves, inities par Ginzburg avec la perce

    de la microstoria et des case studies. Je ny

    reviendrai pas : jai tent, dans les mlanges

    Hobsbawm, de proposer non pas un com-

    promis bourgeois, mais un accommode-

    ment sur ce point, sous le titre : Histoire

    sexuelle et tude de cas, vrai ou faux

    dilemme de lhistoire des mentalits . Mais

    le concept mme de mentalit a t mis en

    cause : Alain Boureau invitait une lecture

    restrictive dune dmarche devenue pltho-

    rique. La multiplication des chantiers inci-

    tait leur autonomisation : gender history,

    histoire du corps, de lolfact Pour

    conduire une histoire en miettes mais

    qui nen a pas plus honte : pourquoi pas

    l histoire sans nom que prconise Alain

    Corbin, on la vu. Dans ce contexte, lmer-

    gence de lhistoire des reprsentations, telle

    que Roger Chartier en a nonc les objectifs

    et, avec dautres, expriment les territoires,

    reprsente-elle une alternative ? Retour

    lhistoire culturelle mais non point au stade

    initial, enrichie de toute la problmatique

    inspire de Bourdieu et des rflexions

    contemporaines que je nai pas su intgrer

    dans ma rflexion.

    La dimension sociale, exclue de toute

    une partie des tudes postmodernes y

    retrouve sa place. Parfois, je me demande si

    lhistoire des reprsentations na pas simple-

    ment reformat lhistoire des mentalits

    qui, avec tous les acquis des dernires

    dcennies du XXe sicle, offre un bilan si

    impressionnant quil est difficile de le

    ranger au rang dun pisode rvolu, dun

    phnomne de mode.

    Il reste quil est de bon ton de parler de

    lhistoire des mentalits comme dun

    moment dpass, avec quelque condescen-

    dance ainsi chez Pierre Nora, dans un

    rcent entretien qui le consacre comme

    larbitre de lhistoriographie moderne. Mais

    saurait-on comparer le moment de la vogue

    mmorielle daujourdhui aux dcouvertes

    des annes soixante quatre-vingt, dont la

    fcondit nest pas puise ?

    Quelle est plus prcisment votre rela-

    tion Marx et au marxisme (Gramsci en

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    ENTRETIEN

    J. GUILHAUMOU et M. VOVELLE Un historien hors des sentiers battus

    particulier) ? Vous considrez-vous comme

    un historien marxiste ? Albert Soboul,

    tout en tant trs attentif aux textes de

    Marx, naimait gure ce qualificatif : il lui

    semblait occulter son excellence dans le

    mtier dhistorien, rien de plus, tout en

    ayant un rapport privilgi lactualit du

    mouvement ouvrier et communiste

    Quen pensez-vous ?

    Michel Vovelle : Pierre Vilar, ma rf-

    rence frquente, crit : Nimporte qui peut

    se dire historien, nimporte qui peut y ajou-

    ter marxiste. Pourtant, rien nest plus diffi-

    cile et rare que dtre historien, si ce nest

    dtre historien marxiste... . Lui-mme ne

    se dfend pas dassumer cette qualit.

    Mathiez sen revendiquait, mais son biogra-

    phe Friguglietti conteste ltendue de sa cul-

    ture, plus indiscutable chez Georges

    Lefebvre. On comprend la rserve dAlbert

    Soboul, en constatant que dans notre tradi-

    tion lhistorien dit marxiste, oiseau rare, est

    soumis un examen de comptence de la

    part de ses compagnons comme de ses

    adversaires, avant mme dtre class par

    ceux-ci dans la catgorie des animaux dange-

    reux ou simplement exotiques.

    mon modeste niveau, je ne manque

    pas lappel. Ds la soutenance de ma thse,

    Leroy Ladurie, en rendant compte dans

    Le Monde, sinterrogeait : quest-ce que cet

    historien quon prtend marxiste et qui dit le

    comment et pas le pourquoi, et qui na pas

    le langage de lemploi, la langue de bois

    attendue ? Une considration qui a certaine-

    ment jou aussi bien dans mon contact avec

    Steve Kaplan, beaucoup plus laise pour

    dialoguer avec Claude Mazauric quavec le

    drle doiseau que je suis.

    Puis le verdict est tomb en juin 2005,

    quand mes collgues et amis anglo-saxons

    ont dcid, lors de leur congrs tenu Paris,

    de consacrer une session mon uvre.

    Colin Jones, amical et incisif ne sy est pas

    tromp : non seulement un marginal de

    lEcole des Annales, mais somme toute un

    marxiste de pacotille. quoi jai rpondu,

    en me dfendant faiblement et, sur le fond,

    en reconnaissant les faits. Il maccusait de

    navoir pas lu Gramsci. Jai rappel que,

    quelque part vers 1957 ou 58, javais aid de

    mon mieux mon ami Gilbert Moget,

    Saint-Cloud, prparer les notes dune pre-

    mire traduction franaise de morceaux

    choisis (si ce nest la premire ?). Mais si je

    ne puis me prvaloir dune ignorance crasse,

    je me dois de reconnatre aussi que je ne suis

    pas marxologue et que ma culture marxiste

    est limite, comme ma formation philoso-

    phique est faible.

    Historien de terrain, pragmatique, assu-

    mant une dmarche de tradition positiviste

    pour rpondre mon dsir dobjectivit

    scientifique, jassume cependant ce que

    jappellerai, reprenant une formule dErnest

    Labrousse, une prformation de sympathie

    pour une explication de type marxiste, dans

    un hritage jaursien, et plus directement

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    labroussien. Cest Labrousse, aussi discret

    que moi sur son marxisme affich (du moins

    au sortir de sa priode militante des annes

    1920), qui a t mon introducteur dans le

    domaine de lhistoire sociale. De lui, je tiens

    une vision classiste, soumise lpreuve du

    retour larchive, une lecture de la dynami-

    que sociale qui claire la subversion violente

    par la voie rvolutionnaire et reste fidle

    lide de progrs, en termes danticipations.

    Des limites de lhistoire sociale labrous-

    sienne, jai pris la mesure au coeur mme de

    ma recherche : cest parce que je les prouvais

    que jai cherch aller plus loin ou, comme

    je lai dit plus haut, faire le tour . En cela,

    je ne partage pas la sereine assurance

    jusquau bout de Pierre Vilar, affirmant tra-

    vailler la double lumire de Marx perfec-

    tionn par Labrousse. Moins innocent quon

    ne le dit, jai par exemple lu et relu Gramsci

    lorsque jai crit mon essai sur Les Jacobins et

    le jacobinisme et me suis autoris discuter

    sa lecture dun jacobinisme transhistorique

    comme alliance de classe ville-campagne,

    revenant pour ma part au jacobinisme histo-

    rique enracin en son temps : mais nous dis-

    posons de connaissances qui ntaient pas

    sa porte.

    Je ne prtends nullement, pour autant,

    rviser ou perfectionner le marxisme, mais je

    men tiens fermement la conviction que

    lhistoire des mentalits, telle que je lai pra-

    tique, reste la fine pointe de lhistoire

    sociale. Ce qui nimplique pas une sujtion

    mcanique lentranement socio-conomi-

    que, mais sinscrit en termes de dialectique

    complexe entre ralits objectives (eh oui, jy

    crois encore) et reprsentations. De cette

    dialectique comme de l entrelacement des

    temps tel que je lenvisage, jai tent de dire

    quelques mots prcdemment.

    Cela ma amen avoir vis--vis de mes

    compagnons de combat politique une posi-

    tion longtemps et encore marginale.

    Travaillant sur lhistoire religieuse, sur les

    mentalits et les reprsentations devant la

    mort, je ne minscrivais pas dans les chan-

    tiers que lon aurait pu attendre dun

    marxiste engag. Claude Mazauric ma relat

    la remarque dun cadre mridional sur les

    cinq volumes de liconographie rvolution-

    naire que je dois aux Editions sociales

    davoir pu publier : les images, cest bien

    mais, pour le texte, je me reporte Soboul.

    Pourriez-vous nous parler des nom-

    breux combats (cest le titre de lun de vos

    livres) que vous avez mens depuis bien

    longtemps dj ? Vos combats en tant que

    communiste ? Votre activit au cours du

    bicentenaire de la Rvolution franaise ?

    Vos combats actuels en particulier dans

    votre rle dsormais incontest de principal

    missionnaire patriote des valeurs des

    Lumires et de la Rvolution franaise en

    Europe, et sur bien dautres continents ?

    Michel Vovelle : Mme si je nai pas t

    digne dtre sollicit pour voquer mon ego-

    PRSENTATION DOSSIER INTERVENTIONS ENTRETIEN LIVRES

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    ENTRETIEN

    J. Gui lhaumou et M. Vovel le Un historien hors des sentiers battus

    histoire, figurer au dictionnaire des intellec-

    tuels ou prsenter des Historiens (o lon

    ma concd cependant une place risque

    mais flatteuse pour prsenter Karl Marx),

    jai eu loccasion dvoquer mes combats

    dans un livre (Les Aventures de la raison,

    entretiens avec Richard Figuier) qui neut

    aucun succs, dans des interviews (avec

    F. Benigno) ou dans un article paru dans une

    revue cubaine qui nest pas dans toutes les

    mains sous le titre Itinerario . Ma traduc-

    trice a d affronter la difficult de me

    prsenter ds la premire ligne : Tu es un

    drle de coco, ma dit un jour Maurice

    Godelier . Intraduisible en espagnol, ou

    dans tout autre langue.

    Quelle vie nest pas un enchanement de

    combats ? En dehors dune existence person-

    nelle, avec des malheurs et de grands bon-

    heurs que je nai pas voquer ici, je dois

    reconnatre que, dans ma carrire de profes-

    seur, de chercheur, dhomme engag, je nai

    pas cherch la facilit.

    Pour lestablishment historien ou cultu-

    rel, japparais comme lun des derniers des

    Mohicans, un monadnock dans le paysage

    actuel. Communiste (on sinterroge y est-

    il encore ?) entr au parti en 1956 quand

    tous les autres en sortaient, sous le coup du

    bouleversement profond que la dcouverte

    du stalinisme avait provoqu en moi (y

    entrer pour le changer ?), je nen suis pas

    sorti, mme lpreuve de la guerre

    dAlgrie vcue en solitude sur lautre rive, et

    je suis rest obstinment fidle en mme

    temps quhrtique convaincu. Jai t signa-

    taire de lappel dit des 300 , lanc Aix

    par Michel Barak et quelques autres, qui fut

    lune des toutes premires manifestations

    dindiscipline ouverte. On sait que tu nes

    pas un politique, on te passera cela pour

    cette fois , ma crit un ami. Sans doute ai-

    je d cette appartenance discrte dans ma

    province de pouvoir persvrer dans mes

    erreurs et ma fidlit, mais surtout au fait

    que les conditions ont chang et, quelques

    annes prs, je nai pas eu affronter les dra-

    mes de la gnration de Madeleine

    Reberioux ou Maurice Agulhon.

    Je suis aujourdhui respect dans le

    parti, jai assum de grand coeur la charge

    de prsider la Socit des Amis de

    lHumanit durant les annes de sa fonda-

    tion. Jhsite accepter la prsidence du

    conseil scientifique de la fondation Gabriel

    Pri. Vu den face, si je suis tolr dans mon

    milieu par ceux qui me considrent comme

    un original sympathique, je reste mal vu de

    ceux qui ne sauraient me pardonner de

    navoir pas abjur et me dnoncent comme

    fidiste et bas de plafond.

    Ma fiche politique ne reprsente quune

    rubrique de ma carrire, mme si elle en a

    conditionn les aspects. Je serais mal venu de

    me plaindre dun parcours apparemment

    linaire : lve de lENS de Saint-Cloud, o

    jai t pendant deux ans le premier caman

    littraire, jai eu la chance, au sortir de 29

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    mois de service militaire, de faire la Facult

    des Lettres dAix devenue Universit de

    Provence une carrire continue, du jeune

    assistant dbutant en 1961 au vice-prsident

    que jtais mon dpart en 1983, ayant

    gravi tous les chelons du cursus. Ce sans-

    faute, au bilan duquel jajouterai le bonheur

    davoir eu des collgues et une foule dtu-

    diants et de chercheurs que je noublie pas,

    ne saurait masquer compltement les diffi-

    cults, les avanies lunique anne de dta-

    chement au CNRS, dramatiquement vcue

    la mort de ma femme , les coups durs

    aussi, parfois venus do on ne les attendait

    pas : une excution capitale lors dune

    sance de la Socit dHistoire Moderne en

    1964, sur un rquisitoire dAlbert Soboul et

    dont jaurais pu ne pas me remettre.

    Jai donc pein frayer ma voie dans la

    recherche : il ma fallu une grande obstina-

    tion pour imposer enfin Ma Pit Baroque.

    Mes matres vanouis, Labrousse, Reinhard,

    cest finalement le doyen Andr Latreille qui

    accueillit ma soutenance Lyon en 1971.

    Jai profit de lengouement inattendu et

    passager de Pierre Chaunu. Un temps,

    jai pu tre considr comme un compagnon

    de route des Annales, acteur de la nouvelle

    histoire des annes soixante-dix, sans jamais

    toutefois intgrer le lobby de lEHESS.

    Est-ce la chance ou la malchance de ma

    vie, que la mort brutale dAlbert Soboul

    mait valu de monter Paris en 1993 pour

    occuper durant dix ans la chaire (comme

    on ne dit plus) dhistoire de la Rvolution

    la Sorbonne, au moment mme o

    dbutaient les grandes manoeuvres de la

    prparation de la commmoration du

    Bicentenaire ? Je recule, au point o je suis

    parvenu de mes trop longues rponses,

    devant la perspective de prendre bras-le-

    corps le rcit de mes combats en ces lieux et

    place. Ce serait lobjet dun dveloppement

    en soi, peut-tre du clou de ces Mmoires

    que je ncrirai pas.

    Dun mot, je rappellerai, ce que lon

    nignore pas, lintensit du dbat et du com-

    bat dans lequel je me suis trouv engag la

    tte de lInstitut dHistoire de la Rvolution

    Franaise, mais aussi la prsidence de la

    Commission Scientifique du CNRS pour la

    prparation du Bicentenaire, sans parler

    dautres instances (Commission Jaurs,

    Socit dEtudes Robespierristes). Cumul

    qui ne ma pas valu que des amis, non dsir

    et toutefois non refus, tant javais besoin

    dasseoir une autorit discute et un peu

    drisoire. Mais jai eu des soutiens coll-

    gues, lves et des amis. Jen avais besoin

    devant la dferlante dhostilit, voire de

    haine qua suscite ce moment de vrit.

    Reprsentant dsign de la tradition jaco-

    bino-marxiste confront loffensive tt

    proclame victorieuse de lcole critique ani-

    me par Franois Furet sur le thme la

    Rvolution est termine propre recevoir

    un accueil favorable du public et des mdias,

    lapprenti en politique que je suis a d

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    ENTRETIEN

    J. Gui lhaumou et M. Vovel le Un historien hors des sentiers battus

    sadapter aux contraintes dun rle puisant.

    Kamikaz de la dfense jusquau bout

    dune ligne, au service de ministres socialistes

    Chevnement, Lang soumis aux alas de

    lalternance politique, bnficiant du sou-

    tien lointain mais continu du Prsident

    Mitterrand, jai ram de mon mieux.

    En adoptant une ligne jacobino-rpubli-

    caine plus aulardienne encore que jaur-

    sienne, je crois avoir russi viter la db-

    cle annonce. Jai gagn , a pu crire

    Franois Furet, sacr roi du Bicentenaire par

    la tlvision, mais je crois que nous navons

    pas perdu. De tous les hommages qui mont

    t rendus et dont je suis reconnaissant, lun

    de ceux que je retiens le plus volontiers est

    celui de Colin Lucas, plus tard Los

    Angeles, lorsquil ma remerci davoir, par

    mon ouverture desprit et ma dmarche

    accueillante, russi viter le repli sectaire

    et contribu au foisonnement crateur de ce

    moment historique. Le grand congrs mon-

    dial des historiens la Sorbonne en juillet

    1989 a t le couronnement symbolique

    dune mission finalement accomplie, dont

    louverture sur le monde au fil de mes voya-

    ges est un lment important. Dans

    Adieu 89 , Steve Kaplan clt sa dernire

    page sur mon dpart la retraite en 1993.

    Cest me faire un honneur ambigu.

    Au fil dune retraite que jai tent de

    vivre activement, malgr les misres de

    lge, jai continu voyager, dans le

    monde, en Italie, ma seconde patrie. Jai

    aussi continu crire des livres sur les

    Rpubliques soeurs, les Jacobins, sur ma

    ville dadoption dans Les folies dAix. Jai

    rpondu la commande dun petit livre sur

    Les Mots de la Rvolution, puis rcemment

    La Rvolution Franaise raconte ma

    petite-fille. Cest l que les choses ont mal

    tourn : un chroniqueur du Monde, zlote

    de la nouvelle vulgate furetiste, ma inflig

    de la faon la plus grossire une excution

    capitale en dnonant un archasme, hri-

    tier des Mathiez, Lefebvre et autres Soboul.

    Je ne my sens pas en mauvaise compagnie.

    Je viens de livrer le manuscrit de mon pro-

    chain livre 1789 : lhritage et la mmoire :

    la fois bilan sans fard de la mmoire per-

    due, proclamation que la Rvolution nest

    pas termine. Que les chroniqueurs dici ou

    dailleurs se prparent : jassume.

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