Upload
zen6574
View
10
Download
0
Embed Size (px)
DESCRIPTION
Vovelle Michel
Citation preview
UN HISTORIEN HORS DES SENTIERS BATTUS
Jacques Guilhaumou et Michel Vovelle
Presses Universitaires de France | Actuel Marx
2006/2 - n 40pages 188 198
ISSN 0994-4524
Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2006-2-page-188.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Guilhaumou Jacques et Vovelle Michel, Un historien hors des sentiers battus , Actuel Marx, 2006/2 n 40, p. 188-198. DOI : 10.3917/amx.040.0188--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Distribution lectronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. Presses Universitaires de France. Tous droits rservs pour tous pays.
La reproduction ou reprsentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorise que dans les limites desconditions gnrales d'utilisation du site ou, le cas chant, des conditions gnrales de la licence souscrite par votretablissement. Toute autre reproduction ou reprsentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manire quece soit, est interdite sauf accord pralable et crit de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislation en vigueur enFrance. Il est prcis que son stockage dans une base de donnes est galement interdit.
1 / 1
Doc
umen
t tl
cha
rg
depu
is ww
w.ca
irn.in
fo -
- -
201
.52.
232.
230
- 18/
02/2
015
07h3
6.
Pre
sses
Uni
vers
itaire
s de
Fra
nce
Docum
ent tlcharg depuis www.cairn.info - - - 201.52.232.230 - 18/02/2015 07h36. Presses Universitaires de France
_188_
ENTRETIEN
J. Gui lhaumou et M. Vovel le Un historien hors des sentiers battus
UN HISTORIEN HORS DES SENTIERS BATTUSEntretien de Jacques GUILHAUMOU avec Michel VOVELLE
Dans vos travaux, vous avez toujours
soulign limportance dune perspective de
totalisation historique, par le fait mme
dune dialectique entre lvnement et le
temps long. Quen est-il pour vous plus pr-
cisment de l histoire totale ?
Michel Vovelle : En 1989, lors des dis-
cussions du colloque Histoire Sociale, histoire
globale, tenu lEHESS, on voit intervenir
Pierre Vilar, un peu dans le rle dun anctre
dj, et qui concde : Je sais que les mots
histoire totale font sourire comme porteurs
de trop de prtentions, de difficults. Mais
ne pourrait-on concilier la spcialisation des
quipes de recherche avec le continuel
rappel, auprs delles, des problmes gn-
raux quelles doivent clairer ? Il rpond ici
Jacques Dupaquier, qui a proclam (ou
ritr) lclatement des histoires, que ce
soit, au sommet, dans la diversit des terri-
toires ou, la base, par le triomphe du micro
sur le macro. Et Vilar dajouter cette dfini-
tion : Je pense que cette fidlit lesprit
de synthse en histoire est possible . Mais
cela sonne comme un combat en retraite.
On essaie de tricher : Christophe Charle,
pour sa part, invoque une histoire globale
moins compromettante qui, au fil des discus-
sions, pourrait peut-tre autoriser une remar-
que de couloir comme celle dErnest Labrousse
Pierre Vilar, vingt-cinq ans plus tt :
comme si toute histoire ntait pas sociale... .
Mais on nous a vus venir : ds les annes
soixante-dix, Franois Furet et Emmanuel
Leroy Ladurie ont annonc dans Le Monde,
qui ne ment jamais, la mort de cette
histoire-l. Conceptuelle , Franois Furet
a relgu le rve dhistoire totale au rang des
illusions, rcusant tout son apprentissage
labroussien encore que le modle quil
propose ait bien vocation donner une
nouvelle (?) cl de lecture universelle. Mais
lcole critique ne reprsente quune des
voies dans lexplosion du champ des histoi-
res, quil est devenu banal de dsigner la
suite de Franois Dosse comme l histoire
en miettes , refltant le crpuscule de
lEcole des Annales et o lon voit aussi
Actuel Marx / no40 / 2006 / Fin du nolibralisme?
Doc
umen
t tl
cha
rg
depu
is ww
w.ca
irn.in
fo -
- -
201
.52.
232.
230
- 18/
02/2
015
07h3
6.
Pre
sses
Uni
vers
itaire
s de
Fra
nce
Docum
ent tlcharg depuis www.cairn.info - - - 201.52.232.230 - 18/02/2015 07h36. Presses Universitaires de France
_189_
avant tout labolition dune lecture marxiste
ou marxisante. Les histoires vont dsor-
mais leur chemin, ayant repris leur autono-
mie, leur temporalit et leur dynamique
propres dans le cadre de cette histoire sans
nom dont parle Alain Corbin.
Cest vrai que jai clos mon essai sur
La Dcouverte de la politique par une profes-
sion de foi dhistoire totale . Je ne pensais
pas alors Pierre Vilar, et je dois avouer en
le relisant que je ne partage pas tout fait la
sereine assurance de certains articles de son
livre testament (Une Histoire en construc-
tion), notamment Les mots et les choses
ou Lhistoire aprs Marx . Finalement,
cest peut-tre la formule plus modeste
dune histoire en construction , que jadop-
terais plus volontiers de lui. Cest partir de
deux de mes ouvrages que, trs concrte-
ment et le plus brivement possible, je ten-
terai dillustrer ma tentative, sinon dune
histoire totale, du moins dune dmarche
qui na pas abdiqu devant la recherche de ce
qui fait lunit du processus historique.
La Mort et lOccident de 1300 nos jours
est sans doute le chantier le plus ambitieux
auquel je me sois attaqu, couronnement
dune escalade qui a commenc par des
approches monographiques partir darchi-
ves crites (Pit baroque et dchristianisation
en Provence au XVIIIe sicle) ou visuelles
(Vision de la mort et de lau-del) pour
conduire cette synthse aventure. Travail
men en synchronie avec la recherche de
Philippe Aris, que jvoque car il illustre la
diffrence de deux mthodes et de deux
visions. Dans lchange amical que nous
avons entretenu, Philippe Aris ma par-
donn avec le sourire davoir voqu sa rf-
rence un inconscient collectif sur coussin
dair , sur lequel se meuvent les reprsenta-
tions collectives devant la mort, en fonction
de leur dynamique propre. Jacques Revel a
dfini ma dmarche comme une combina-
toire souple, prenant en compte diffrents
paramtres, socio-conomiques, anthropo-
logiques, dmographiques, institutionnels,
religieux, culturels... considrs dans leur
interaction. Cette ambition daboutir la
saisie des reprsentations collectives dans
la complexit de ce que jai dsign comme
la mort subie, la mort vcue, le discours sur
la mort, implique la prise en compte dune
batterie de sources trs diversifies, crites
ou non crites, organises en sries quand le
support sy prte, valorisant le qualitatif ou
lexemple emprunt la microstoria quand il
soffre. De cet entrelacement de rfren-
ces, jai extrait la perception dune respira-
tion ample, inscrite dans la longue dure,
o simpose de faon hgmonique un sys-
tme (un modle ?), bien quil puisse y avoir
cohabitation (conflictuelle ou non) dans une
mme priode. Ainsi, pour ne prendre quun
PRSENTATION DOSSIER INTERVENTIONS ENTRETIEN LIVRES
Doc
umen
t tl
cha
rg
depu
is ww
w.ca
irn.in
fo -
- -
201
.52.
232.
230
- 18/
02/2
015
07h3
6.
Pre
sses
Uni
vers
itaire
s de
Fra
nce
Docum
ent tlcharg depuis www.cairn.info - - - 201.52.232.230 - 18/02/2015 07h36. Presses Universitaires de France
_190_
ENTRETIEN
J. Gui lhaumou et M. Vovel le Un historien hors des sentiers battus
exemple, ai-je pu caractriser un temps de la
mort baroque correspondant lpa-
nouissement des monarchies de lge
moderne, au grand renfermement et la
pastorale de la Contre-rforme, jusqu sa
contestation au temps des Lumires.
De lune lautre de ces squences, jai
insist sur lexistence de crises, sinon dans le
temps court, du moins dans la moyenne-
ment longue dure (le macabre, le frisson du
baroque, le crpuscule des Lumires). ce
niveau, lvnement refait surface, ou du
moins la rupture, qui laisse place dans le
vritable temps court la Rvolution dcli-
ne sous diffrents aspects.
Toute pragmatique, ou presque, ma
dmarche reflte mon souci dune prise
en compte globale des lments constitu-
tifs dans leur interrelation. O se cache le
tout surdterminant ? Le mouvement de
la dmographie dans sa respiration scu-
laire semble dicter le rythme... jusqu un
certain point, et jusqu un certain temps,
sans dtermination mcanique. Ainsi, la
rationalisation du regard sur la mort anti-
cipe au sicle des Lumires la rvolution
dmographique. Cest la saisie de cette
dialectique qui rend lenqute passion-
nante, dfiant tout rductionnisme.
Dans un cadre apparemment bien diff-
rent, cest la mme dmarche quon trou-
vera loeuvre dans mon livre sur
La Dcouverte de la politique. Gopolitique
de la Rvolution franaise. Refus de rdiger
un manuel classique dhistoire rvolu-
tionnaire, ce testament anticip sinscrivait
lissue de lenqute obstine que jai
mene durant un quart de sicle, partir de
ltude de la dchristianisation, sur la dia-
lectique du temps long (la dchristianisation
des Lumires) et du temps court (celle de
lan II). linverse de La Mort et lOccident,
je minstalle ici dans linstant rvolution-
naire, mais pour y interroger contradictoire-
ment lancien et le nouveau : lhritage le
plus enracin, qui renvoie au socle anthro-
pologique ou aux strates institutionnelles,
dune part, et les rvlations, les crations
de linstant au fil dun apprentissage que jai
dsign comme linvention de la politique,
dautre part. Pour ce faire, fidle une
mthode de spatialisation gographique qui
mest chre, jai constitu partir de tout ce
qui me tombait sous la main une batterie de
dizaines, voire de centaines de cartes, pour
les faire parler en les confrontant. Au bout
du chemin, on obtient un tableau crois de
corrlation des donnes les plus exploita-
bles, dont une partie dmontre ou simple-
ment suggre des interrelations significati-
ves. ce moment, le lecteur mme bienveil-
lant ne pourra sempcher de relever quau
stade de lanalyse hirarchique des corres-
pondances, le miracle ne sest pas produit :
je nai pas identifi le tout surdterminant,
ni dcouvert le grand secret, et cest sur une
gographie tablie sur des critres qualitatifs
que je conclus la description des tempra-
Doc
umen
t tl
cha
rg
depu
is ww
w.ca
irn.in
fo -
- -
201
.52.
232.
230
- 18/
02/2
015
07h3
6.
Pre
sses
Uni
vers
itaire
s de
Fra
nce
Docum
ent tlcharg depuis www.cairn.info - - - 201.52.232.230 - 18/02/2015 07h36. Presses Universitaires de France
_191_
ments rgionaux. Mais je persiste et signe :
dfaut dune histoire totale, sinon dans ses
ambitions du moins dans ses conclusions,
le matre mot reste pour moi de corrler
infatigablement, de chercher en quoi lhis-
toire a un sens entendons une significa-
tion et non une finalit comme prsuppos
dmontrer. Ce qui est faire aussi la place
de lalatoire o lon retrouverait le poids
de lvnement.
On vous prsente, juste titre, comme
lun des fondateurs, avec Robert Mandrou,
de lhistoire des mentalits. Pouvez-vous
prciser ce quil en est actuellement de lim-
pact dune telle approche dans le vaste mou-
vement actuel de (re) dcouverte de lhistoire
culturelle ?
Michel Vovelle : Vous me ferez plaisir,
Vovelle, de ne pas utiliser ce terme devant
moi : ctait mon matre Aix, au demeu-
rant historien estimable auquel je dois de la
reconnaissance, qui madmonestait avec
peine le sourire, au dbut des annes
soixante. Lclat de son collgue Duby lui
portait ombre. Mais cela voque les dbuts
controverss de lhistoire des mentalits,
mme si je mabstiens de rappeler quil y a
toute une prhistoire des mentalits sans
ltiquette (quest-ce, sinon, que La Grande
Peur de Georges Lefebvre ?). Cest me faire
trop dhonneur que de minscrire au rang
des pres fondateurs, et me vieillir un peu.
Les vrais pres taient alors Robert
Mandrou, officiellement pour sa contro-
verse Introduction la France moderne, mais
plus encore pour Magistrats et Sorciers et
De la culture populaire au XVIIIe sicle,
et Georges Duby (qui avait plusieurs cordes
son arc), Philippe Aris free lance fut
charg de la prsenter dans la Nouvelle
Histoire , associ avec Mandrou la direc-
tion dune collection chez Plon. Prventions
et sarcasmes ne manquaient pas, sans attein-
dre peut-tre lintensit quils ont eue dans le
monde anglo-saxon, intrigu par cette nou-
velle mode franaise, sous-produit, semblait-
il, dune Ecole des Annales dont lhgmo-
nie commenait tre conteste chez eux.
Mais la demande a t forte, et si je me
reporte mon exprience personnelle, au
sein dune gnration qui cherchait alors
sinon sa voie, du moins des issues, elle a cor-
respondu lors des annes 1964-1965
(les deux colloques de Saint-Cloud) la crise
de lhistoire sociale dont Ernest Labrousse
avait t le promoteur et le grand coordina-
teur. Tel Mose contemplant la Terre pro-
mise dans laquelle il nentrerait pas, il a
conclu la rencontre de 1964 en appelant
prospecter le nouveau territoire des mentali-
ts, que significativement il identifiait
comme les rsistances . Nous navions pas
attendu cette injonction Maurice Agulhon,
moi-mme et quelques autres pour pren-
dre conscience de la ncessit de sortir dune
sociographie devenue rptitive. Pour ceux
qui ont choisi de sengager dans la voie de
PRSENTATION DOSSIER INTERVENTIONS ENTRETIEN LIVRES
Doc
umen
t tl
cha
rg
depu
is ww
w.ca
irn.in
fo -
- -
201
.52.
232.
230
- 18/
02/2
015
07h3
6.
Pre
sses
Uni
vers
itaire
s de
Fra
nce
Docum
ent tlcharg depuis www.cairn.info - - - 201.52.232.230 - 18/02/2015 07h36. Presses Universitaires de France
_192_
ENTRETIEN
J. Gui lhaumou et M. Vovel le Un historien hors des sentiers battus
lhistoire des mentalits comme moi,
les motivations ont t la fois communes
et diverses. Entre 56 et 60, sinscrit lbran-
lement des certitudes idologiques, la
dcouverte que le progrs nest pas linaire.
Ma gnration ne pouvait plus partager
ladmonestation amicale du respect Pierre
Vilar : Au lieu de vous occuper de la mort,
pourquoi ne pas vous attacher la prise de
conscience ? . Alors... mon chemin person-
nel, je lai confi laconiquement la page de
titre de mon livre Religion et Rvolution,
la dchristianisation de lan II (1976) : Fais
le tour : cette injonction que fait Peer
Gynt, le Grand Courbe , ce troll gigantes-
que qui lui barre le chemin. Sauv par
Mandrou et Aris, qui ont publi ma thse,
quAndr Latreille avait accept daccueillir
in extremis, je fus adoub lors de la soute-
nance par un historien de renom, en qute
de renouveau mthodologique sur les hau-
teurs du Troisime niveau , Pierre Chaunu,
qui affirma que ctait la seconde fois quil
entendait un appel un 18 juin. Il a appris
plus tard se mfier de ses voix.
Assez parl de moi : chemin faisant,
lhistoire des mentalits prosprait et sim-
posait de faon spectaculaire. Jai crit
plusieurs reprises de faon trop simplifiante
quelle tait passe du niveau de la culture
claire, telle que labordait Robert Mandrou
dans La Culture populaire, celui de ce que
Philippe Aris va ranger sous la bannire de
linconscient collectif. Je sous-estimais la
richesse de lapport de Mandrou. Mais,
globalement il est vrai que lon a vu prosp-
rer alors jusqu la fin des annes soixante-
dix la srie des grandes ouvertures sur les
attitudes (voire les reprsentations ?) devant
la vie, lamour, le sexe, lenfant, la mort
Boulimique, la nouvelle histoire des menta-
lits surclassait, au hit-parade des thses et
des recherches, lhistoire conomique et
sociale, elle annexait sans trop de mnage-
ments des pans entiers de lhistoire dmo-
graphique, religieuse, littraire, de lart
Le dsir et la ncessit, du fait mme de ces
contacts, de sapproprier de nouvelles sour-
ces non classiques lexpression graphique,
loral diversifiaient sa palette, lautorisant
chapper la maldiction porte sur le
quantitatif relay par le sriel. Attention,
toutefois lorsque Jacques Le Goff lance
sa collection d anthropologie historique
on peut sinterroger : laquelle de lanthro-
pologie ou de lhistoire des mentalits man-
gera lautre ?
On stait repos sur la dfinition rsu-
me par Robert Mandrou Une histoire des
visions du monde , dont il est de bon ton
de sourire dsormais. Elle a t bien utile par
sa complaisance, au temps des grands dfri-
chements. Lorsque jai publi, en 1982,
Idologies et mentalits, celui de mes ouvrages
qui a t traduit dans le plus de langues, je
pouvais avoir la satisfaction de prsenter
comme sur un ventaire, lchantillon de
mes produits (et de ceux des autres), mais
Doc
umen
t tl
cha
rg
depu
is ww
w.ca
irn.in
fo -
- -
201
.52.
232.
230
- 18/
02/2
015
07h3
6.
Pre
sses
Uni
vers
itaire
s de
Fra
nce
Docum
ent tlcharg depuis www.cairn.info - - - 201.52.232.230 - 18/02/2015 07h36. Presses Universitaires de France
_193_
lobjectif tait bien, sur la vive conscience
du flou des concepts luvre dans ce
champ, dessayer dajuster le tir, non point
de dcrter des normes, mais de fixer des
objectifs. Fondamentale tait la question du
mental collectif sous sa version Aris de
l Inconscient collectif , dbouchant sur
lautonomie du mental O lon retrouve-
rait des thmes que jai voqus prcdem-
ment autour de l histoire sur coussin dair
de mon partenaire. Dsignant le problme
dune redfinition des mentalits, peut-tre
assez maladroitement vis--vis de lidologie,
du fait des limites de ma culture marxiste,
jai tent alors de faire le point, sans indiquer
suffisamment de perspectives sans doute.
Cest que la contestation dj faisait
rage. Il y eut celles des mthodes quantitati-
ves, inities par Ginzburg avec la perce
de la microstoria et des case studies. Je ny
reviendrai pas : jai tent, dans les mlanges
Hobsbawm, de proposer non pas un com-
promis bourgeois, mais un accommode-
ment sur ce point, sous le titre : Histoire
sexuelle et tude de cas, vrai ou faux
dilemme de lhistoire des mentalits . Mais
le concept mme de mentalit a t mis en
cause : Alain Boureau invitait une lecture
restrictive dune dmarche devenue pltho-
rique. La multiplication des chantiers inci-
tait leur autonomisation : gender history,
histoire du corps, de lolfact Pour
conduire une histoire en miettes mais
qui nen a pas plus honte : pourquoi pas
l histoire sans nom que prconise Alain
Corbin, on la vu. Dans ce contexte, lmer-
gence de lhistoire des reprsentations, telle
que Roger Chartier en a nonc les objectifs
et, avec dautres, expriment les territoires,
reprsente-elle une alternative ? Retour
lhistoire culturelle mais non point au stade
initial, enrichie de toute la problmatique
inspire de Bourdieu et des rflexions
contemporaines que je nai pas su intgrer
dans ma rflexion.
La dimension sociale, exclue de toute
une partie des tudes postmodernes y
retrouve sa place. Parfois, je me demande si
lhistoire des reprsentations na pas simple-
ment reformat lhistoire des mentalits
qui, avec tous les acquis des dernires
dcennies du XXe sicle, offre un bilan si
impressionnant quil est difficile de le
ranger au rang dun pisode rvolu, dun
phnomne de mode.
Il reste quil est de bon ton de parler de
lhistoire des mentalits comme dun
moment dpass, avec quelque condescen-
dance ainsi chez Pierre Nora, dans un
rcent entretien qui le consacre comme
larbitre de lhistoriographie moderne. Mais
saurait-on comparer le moment de la vogue
mmorielle daujourdhui aux dcouvertes
des annes soixante quatre-vingt, dont la
fcondit nest pas puise ?
Quelle est plus prcisment votre rela-
tion Marx et au marxisme (Gramsci en
PRSENTATION DOSSIER INTERVENTIONS ENTRETIEN LIVRES
Doc
umen
t tl
cha
rg
depu
is ww
w.ca
irn.in
fo -
- -
201
.52.
232.
230
- 18/
02/2
015
07h3
6.
Pre
sses
Uni
vers
itaire
s de
Fra
nce
Docum
ent tlcharg depuis www.cairn.info - - - 201.52.232.230 - 18/02/2015 07h36. Presses Universitaires de France
_194_
ENTRETIEN
J. GUILHAUMOU et M. VOVELLE Un historien hors des sentiers battus
particulier) ? Vous considrez-vous comme
un historien marxiste ? Albert Soboul,
tout en tant trs attentif aux textes de
Marx, naimait gure ce qualificatif : il lui
semblait occulter son excellence dans le
mtier dhistorien, rien de plus, tout en
ayant un rapport privilgi lactualit du
mouvement ouvrier et communiste
Quen pensez-vous ?
Michel Vovelle : Pierre Vilar, ma rf-
rence frquente, crit : Nimporte qui peut
se dire historien, nimporte qui peut y ajou-
ter marxiste. Pourtant, rien nest plus diffi-
cile et rare que dtre historien, si ce nest
dtre historien marxiste... . Lui-mme ne
se dfend pas dassumer cette qualit.
Mathiez sen revendiquait, mais son biogra-
phe Friguglietti conteste ltendue de sa cul-
ture, plus indiscutable chez Georges
Lefebvre. On comprend la rserve dAlbert
Soboul, en constatant que dans notre tradi-
tion lhistorien dit marxiste, oiseau rare, est
soumis un examen de comptence de la
part de ses compagnons comme de ses
adversaires, avant mme dtre class par
ceux-ci dans la catgorie des animaux dange-
reux ou simplement exotiques.
mon modeste niveau, je ne manque
pas lappel. Ds la soutenance de ma thse,
Leroy Ladurie, en rendant compte dans
Le Monde, sinterrogeait : quest-ce que cet
historien quon prtend marxiste et qui dit le
comment et pas le pourquoi, et qui na pas
le langage de lemploi, la langue de bois
attendue ? Une considration qui a certaine-
ment jou aussi bien dans mon contact avec
Steve Kaplan, beaucoup plus laise pour
dialoguer avec Claude Mazauric quavec le
drle doiseau que je suis.
Puis le verdict est tomb en juin 2005,
quand mes collgues et amis anglo-saxons
ont dcid, lors de leur congrs tenu Paris,
de consacrer une session mon uvre.
Colin Jones, amical et incisif ne sy est pas
tromp : non seulement un marginal de
lEcole des Annales, mais somme toute un
marxiste de pacotille. quoi jai rpondu,
en me dfendant faiblement et, sur le fond,
en reconnaissant les faits. Il maccusait de
navoir pas lu Gramsci. Jai rappel que,
quelque part vers 1957 ou 58, javais aid de
mon mieux mon ami Gilbert Moget,
Saint-Cloud, prparer les notes dune pre-
mire traduction franaise de morceaux
choisis (si ce nest la premire ?). Mais si je
ne puis me prvaloir dune ignorance crasse,
je me dois de reconnatre aussi que je ne suis
pas marxologue et que ma culture marxiste
est limite, comme ma formation philoso-
phique est faible.
Historien de terrain, pragmatique, assu-
mant une dmarche de tradition positiviste
pour rpondre mon dsir dobjectivit
scientifique, jassume cependant ce que
jappellerai, reprenant une formule dErnest
Labrousse, une prformation de sympathie
pour une explication de type marxiste, dans
un hritage jaursien, et plus directement
Doc
umen
t tl
cha
rg
depu
is ww
w.ca
irn.in
fo -
- -
201
.52.
232.
230
- 18/
02/2
015
07h3
6.
Pre
sses
Uni
vers
itaire
s de
Fra
nce
Docum
ent tlcharg depuis www.cairn.info - - - 201.52.232.230 - 18/02/2015 07h36. Presses Universitaires de France
_195_
labroussien. Cest Labrousse, aussi discret
que moi sur son marxisme affich (du moins
au sortir de sa priode militante des annes
1920), qui a t mon introducteur dans le
domaine de lhistoire sociale. De lui, je tiens
une vision classiste, soumise lpreuve du
retour larchive, une lecture de la dynami-
que sociale qui claire la subversion violente
par la voie rvolutionnaire et reste fidle
lide de progrs, en termes danticipations.
Des limites de lhistoire sociale labrous-
sienne, jai pris la mesure au coeur mme de
ma recherche : cest parce que je les prouvais
que jai cherch aller plus loin ou, comme
je lai dit plus haut, faire le tour . En cela,
je ne partage pas la sereine assurance
jusquau bout de Pierre Vilar, affirmant tra-
vailler la double lumire de Marx perfec-
tionn par Labrousse. Moins innocent quon
ne le dit, jai par exemple lu et relu Gramsci
lorsque jai crit mon essai sur Les Jacobins et
le jacobinisme et me suis autoris discuter
sa lecture dun jacobinisme transhistorique
comme alliance de classe ville-campagne,
revenant pour ma part au jacobinisme histo-
rique enracin en son temps : mais nous dis-
posons de connaissances qui ntaient pas
sa porte.
Je ne prtends nullement, pour autant,
rviser ou perfectionner le marxisme, mais je
men tiens fermement la conviction que
lhistoire des mentalits, telle que je lai pra-
tique, reste la fine pointe de lhistoire
sociale. Ce qui nimplique pas une sujtion
mcanique lentranement socio-conomi-
que, mais sinscrit en termes de dialectique
complexe entre ralits objectives (eh oui, jy
crois encore) et reprsentations. De cette
dialectique comme de l entrelacement des
temps tel que je lenvisage, jai tent de dire
quelques mots prcdemment.
Cela ma amen avoir vis--vis de mes
compagnons de combat politique une posi-
tion longtemps et encore marginale.
Travaillant sur lhistoire religieuse, sur les
mentalits et les reprsentations devant la
mort, je ne minscrivais pas dans les chan-
tiers que lon aurait pu attendre dun
marxiste engag. Claude Mazauric ma relat
la remarque dun cadre mridional sur les
cinq volumes de liconographie rvolution-
naire que je dois aux Editions sociales
davoir pu publier : les images, cest bien
mais, pour le texte, je me reporte Soboul.
Pourriez-vous nous parler des nom-
breux combats (cest le titre de lun de vos
livres) que vous avez mens depuis bien
longtemps dj ? Vos combats en tant que
communiste ? Votre activit au cours du
bicentenaire de la Rvolution franaise ?
Vos combats actuels en particulier dans
votre rle dsormais incontest de principal
missionnaire patriote des valeurs des
Lumires et de la Rvolution franaise en
Europe, et sur bien dautres continents ?
Michel Vovelle : Mme si je nai pas t
digne dtre sollicit pour voquer mon ego-
PRSENTATION DOSSIER INTERVENTIONS ENTRETIEN LIVRES
Doc
umen
t tl
cha
rg
depu
is ww
w.ca
irn.in
fo -
- -
201
.52.
232.
230
- 18/
02/2
015
07h3
6.
Pre
sses
Uni
vers
itaire
s de
Fra
nce
Docum
ent tlcharg depuis www.cairn.info - - - 201.52.232.230 - 18/02/2015 07h36. Presses Universitaires de France
_196_
ENTRETIEN
J. Gui lhaumou et M. Vovel le Un historien hors des sentiers battus
histoire, figurer au dictionnaire des intellec-
tuels ou prsenter des Historiens (o lon
ma concd cependant une place risque
mais flatteuse pour prsenter Karl Marx),
jai eu loccasion dvoquer mes combats
dans un livre (Les Aventures de la raison,
entretiens avec Richard Figuier) qui neut
aucun succs, dans des interviews (avec
F. Benigno) ou dans un article paru dans une
revue cubaine qui nest pas dans toutes les
mains sous le titre Itinerario . Ma traduc-
trice a d affronter la difficult de me
prsenter ds la premire ligne : Tu es un
drle de coco, ma dit un jour Maurice
Godelier . Intraduisible en espagnol, ou
dans tout autre langue.
Quelle vie nest pas un enchanement de
combats ? En dehors dune existence person-
nelle, avec des malheurs et de grands bon-
heurs que je nai pas voquer ici, je dois
reconnatre que, dans ma carrire de profes-
seur, de chercheur, dhomme engag, je nai
pas cherch la facilit.
Pour lestablishment historien ou cultu-
rel, japparais comme lun des derniers des
Mohicans, un monadnock dans le paysage
actuel. Communiste (on sinterroge y est-
il encore ?) entr au parti en 1956 quand
tous les autres en sortaient, sous le coup du
bouleversement profond que la dcouverte
du stalinisme avait provoqu en moi (y
entrer pour le changer ?), je nen suis pas
sorti, mme lpreuve de la guerre
dAlgrie vcue en solitude sur lautre rive, et
je suis rest obstinment fidle en mme
temps quhrtique convaincu. Jai t signa-
taire de lappel dit des 300 , lanc Aix
par Michel Barak et quelques autres, qui fut
lune des toutes premires manifestations
dindiscipline ouverte. On sait que tu nes
pas un politique, on te passera cela pour
cette fois , ma crit un ami. Sans doute ai-
je d cette appartenance discrte dans ma
province de pouvoir persvrer dans mes
erreurs et ma fidlit, mais surtout au fait
que les conditions ont chang et, quelques
annes prs, je nai pas eu affronter les dra-
mes de la gnration de Madeleine
Reberioux ou Maurice Agulhon.
Je suis aujourdhui respect dans le
parti, jai assum de grand coeur la charge
de prsider la Socit des Amis de
lHumanit durant les annes de sa fonda-
tion. Jhsite accepter la prsidence du
conseil scientifique de la fondation Gabriel
Pri. Vu den face, si je suis tolr dans mon
milieu par ceux qui me considrent comme
un original sympathique, je reste mal vu de
ceux qui ne sauraient me pardonner de
navoir pas abjur et me dnoncent comme
fidiste et bas de plafond.
Ma fiche politique ne reprsente quune
rubrique de ma carrire, mme si elle en a
conditionn les aspects. Je serais mal venu de
me plaindre dun parcours apparemment
linaire : lve de lENS de Saint-Cloud, o
jai t pendant deux ans le premier caman
littraire, jai eu la chance, au sortir de 29
Doc
umen
t tl
cha
rg
depu
is ww
w.ca
irn.in
fo -
- -
201
.52.
232.
230
- 18/
02/2
015
07h3
6.
Pre
sses
Uni
vers
itaire
s de
Fra
nce
Docum
ent tlcharg depuis www.cairn.info - - - 201.52.232.230 - 18/02/2015 07h36. Presses Universitaires de France
_197_
mois de service militaire, de faire la Facult
des Lettres dAix devenue Universit de
Provence une carrire continue, du jeune
assistant dbutant en 1961 au vice-prsident
que jtais mon dpart en 1983, ayant
gravi tous les chelons du cursus. Ce sans-
faute, au bilan duquel jajouterai le bonheur
davoir eu des collgues et une foule dtu-
diants et de chercheurs que je noublie pas,
ne saurait masquer compltement les diffi-
cults, les avanies lunique anne de dta-
chement au CNRS, dramatiquement vcue
la mort de ma femme , les coups durs
aussi, parfois venus do on ne les attendait
pas : une excution capitale lors dune
sance de la Socit dHistoire Moderne en
1964, sur un rquisitoire dAlbert Soboul et
dont jaurais pu ne pas me remettre.
Jai donc pein frayer ma voie dans la
recherche : il ma fallu une grande obstina-
tion pour imposer enfin Ma Pit Baroque.
Mes matres vanouis, Labrousse, Reinhard,
cest finalement le doyen Andr Latreille qui
accueillit ma soutenance Lyon en 1971.
Jai profit de lengouement inattendu et
passager de Pierre Chaunu. Un temps,
jai pu tre considr comme un compagnon
de route des Annales, acteur de la nouvelle
histoire des annes soixante-dix, sans jamais
toutefois intgrer le lobby de lEHESS.
Est-ce la chance ou la malchance de ma
vie, que la mort brutale dAlbert Soboul
mait valu de monter Paris en 1993 pour
occuper durant dix ans la chaire (comme
on ne dit plus) dhistoire de la Rvolution
la Sorbonne, au moment mme o
dbutaient les grandes manoeuvres de la
prparation de la commmoration du
Bicentenaire ? Je recule, au point o je suis
parvenu de mes trop longues rponses,
devant la perspective de prendre bras-le-
corps le rcit de mes combats en ces lieux et
place. Ce serait lobjet dun dveloppement
en soi, peut-tre du clou de ces Mmoires
que je ncrirai pas.
Dun mot, je rappellerai, ce que lon
nignore pas, lintensit du dbat et du com-
bat dans lequel je me suis trouv engag la
tte de lInstitut dHistoire de la Rvolution
Franaise, mais aussi la prsidence de la
Commission Scientifique du CNRS pour la
prparation du Bicentenaire, sans parler
dautres instances (Commission Jaurs,
Socit dEtudes Robespierristes). Cumul
qui ne ma pas valu que des amis, non dsir
et toutefois non refus, tant javais besoin
dasseoir une autorit discute et un peu
drisoire. Mais jai eu des soutiens coll-
gues, lves et des amis. Jen avais besoin
devant la dferlante dhostilit, voire de
haine qua suscite ce moment de vrit.
Reprsentant dsign de la tradition jaco-
bino-marxiste confront loffensive tt
proclame victorieuse de lcole critique ani-
me par Franois Furet sur le thme la
Rvolution est termine propre recevoir
un accueil favorable du public et des mdias,
lapprenti en politique que je suis a d
PRSENTATION DOSSIER INTERVENTIONS ENTRETIEN LIVRES
Doc
umen
t tl
cha
rg
depu
is ww
w.ca
irn.in
fo -
- -
201
.52.
232.
230
- 18/
02/2
015
07h3
6.
Pre
sses
Uni
vers
itaire
s de
Fra
nce
Docum
ent tlcharg depuis www.cairn.info - - - 201.52.232.230 - 18/02/2015 07h36. Presses Universitaires de France
_198_
ENTRETIEN
J. Gui lhaumou et M. Vovel le Un historien hors des sentiers battus
sadapter aux contraintes dun rle puisant.
Kamikaz de la dfense jusquau bout
dune ligne, au service de ministres socialistes
Chevnement, Lang soumis aux alas de
lalternance politique, bnficiant du sou-
tien lointain mais continu du Prsident
Mitterrand, jai ram de mon mieux.
En adoptant une ligne jacobino-rpubli-
caine plus aulardienne encore que jaur-
sienne, je crois avoir russi viter la db-
cle annonce. Jai gagn , a pu crire
Franois Furet, sacr roi du Bicentenaire par
la tlvision, mais je crois que nous navons
pas perdu. De tous les hommages qui mont
t rendus et dont je suis reconnaissant, lun
de ceux que je retiens le plus volontiers est
celui de Colin Lucas, plus tard Los
Angeles, lorsquil ma remerci davoir, par
mon ouverture desprit et ma dmarche
accueillante, russi viter le repli sectaire
et contribu au foisonnement crateur de ce
moment historique. Le grand congrs mon-
dial des historiens la Sorbonne en juillet
1989 a t le couronnement symbolique
dune mission finalement accomplie, dont
louverture sur le monde au fil de mes voya-
ges est un lment important. Dans
Adieu 89 , Steve Kaplan clt sa dernire
page sur mon dpart la retraite en 1993.
Cest me faire un honneur ambigu.
Au fil dune retraite que jai tent de
vivre activement, malgr les misres de
lge, jai continu voyager, dans le
monde, en Italie, ma seconde patrie. Jai
aussi continu crire des livres sur les
Rpubliques soeurs, les Jacobins, sur ma
ville dadoption dans Les folies dAix. Jai
rpondu la commande dun petit livre sur
Les Mots de la Rvolution, puis rcemment
La Rvolution Franaise raconte ma
petite-fille. Cest l que les choses ont mal
tourn : un chroniqueur du Monde, zlote
de la nouvelle vulgate furetiste, ma inflig
de la faon la plus grossire une excution
capitale en dnonant un archasme, hri-
tier des Mathiez, Lefebvre et autres Soboul.
Je ne my sens pas en mauvaise compagnie.
Je viens de livrer le manuscrit de mon pro-
chain livre 1789 : lhritage et la mmoire :
la fois bilan sans fard de la mmoire per-
due, proclamation que la Rvolution nest
pas termine. Que les chroniqueurs dici ou
dailleurs se prparent : jassume.
Doc
umen
t tl
cha
rg
depu
is ww
w.ca
irn.in
fo -
- -
201
.52.
232.
230
- 18/
02/2
015
07h3
6.
Pre
sses
Uni
vers
itaire
s de
Fra
nce
Docum
ent tlcharg depuis www.cairn.info - - - 201.52.232.230 - 18/02/2015 07h36. Presses Universitaires de France