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HAL Id: dumas-01389565 https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01389565 Submitted on 8 Nov 2021 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Expliquer ses émotions au cycle 3 : comment utiliser le jeu Feelings ? Laure Lodeho To cite this version: Laure Lodeho. Expliquer ses émotions au cycle 3 : comment utiliser le jeu Feelings?. Education. 2016. dumas-01389565

Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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HAL Id: dumas-01389565https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01389565

Submitted on 8 Nov 2021

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Expliquer ses émotions au cycle 3 : comment utiliser lejeu Feelings ?

Laure Lodeho

To cite this version:Laure Lodeho. Expliquer ses émotions au cycle 3 : comment utiliser le jeu Feelings ?. Education.2016. �dumas-01389565�

Page 2: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

École Supérieure du Professorat et de l'Éducation

Académie de Nantes, site d’Angers

Master « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation »

Mention Premier degré

Expliquer ses émotions au cycle 3 :

comment utiliser le jeu Feelings ?

Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de master

soutenu par

Laure LODEHO

le 11 mai 2016

en présence de la commission de soutenance composée de :

M. Olivier BLOND-RZEWUSKI, directeur de mémoire

Mme Aurélie LAINE, codirectrice de mémoire

Mme Florence LACROIX, membre de la commission

Page 3: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

3

SOMMAIRE

Introduction ..................................................................................................................... 5

Éléments théoriques et conceptuels ..................................................................................................... 7

A. Pensées, émotions, réactions ......................................................................................................................... 7

A-1. Émotions et cognition

A-2. Des réponses pour prendre en compte ses émotions : relaxation, méditation

B. À l’origine des émotions, au cœur des pensées ........................................................................................... 10

B-1. Le développement moral

B-2. Le regard des autres dans la construction de soi

B-3. Quelle morale ?

B-4. La nécessaire empathie

C. Méthodologie de la recherche ..................................................................................................................... 14

C-1. Participants et objectifs

C-2. Le jeu Feelings comme outil pour exprimer ses émotions

C-3. Modalités d’organisation

Présentation et analyse des résultats ................................................................................................. 19

A. Principe des analyses .................................................................................................................................... 19

A-1. Exemple de retranscription

A-2. Explication de la grille d’analyse

B. Analyse des séances ..................................................................................................................................... 21

B-1. Les interventions des élèves : caractéristiques et évolution

B-2. La place et l’influence du professeur

C. Pour une observation approfondie............................................................................................................... 34

Discussion ................................................................................................................................................... 36

A. Les émotions dans le jeu Feelings ................................................................................................................ 36

A-1. Bilan des résultats obtenus

A-2. Limites du travail proposé

B. Des obstacles cognitifs.................................................................................................................................. 38

B-1. La peur du jugement

B-2. La question du développement des enfants

B-3. De la théorie à la pratique

C. Le discours et les pratiques quotidiennes .................................................................................................... 40

C-1. Le travail sur les émotions, un « fil rouge » dans la classe

C-2. Un apprentissage qui demande du temps

Conclusion ...................................................................................................................... 45

Bibliographie .................................................................................................................. 47

Annexe : Retranscription des séances, grilles d’analyses et résultats ............................... 51

Page 4: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

5

INTRODUCTION

« Charlotte1, mets-toi au travail ! » - « Je ne comprends rien… ». Souvent dissipée, Charlotte

ne parvient pas à se concentrer sur les disciplines scolaires, elle part défaitiste : pourtant tout à fait

capable de comprendre et de réussir (quelques secondes à ses côtés suffisent à lui démontrer), elle ne

montre aucune persévérance, ni même effort pour simplement essayer. Elle n’aime pas l’école et le

dit. C’est une élève très franche et naturelle dans sa façon de s’exprimer, face au professeur comme

face aux autres élèves. Elle n’a pas de filtre la retenant d’émettre des propos parfois blessants pour

ses camarades : elle ne semble pas voir le mal qu’il y a à leur dire en face des choses qui peuvent

pourtant être humiliantes pour eux.

« Simon, tu as mis un coup de raquette à Bastien, tu peux m’expliquer ça ? » - « Mais c’est

parce qu’il ne voulait pas… ». L’impulsivité de Simon se manifeste souvent par des réactions physiques

violentes : il mord, frappe, dès qu’il est contrarié. Ses colères l’amènent parfois aussi à bouder, seul

dans un coin. Il est nouveau dans l’école, mais il s’est vite fait un petit groupe d’amis. Il s’exprime peu

sur ses difficultés relationnelles : ses parents disent qu’il ne dénoncera ainsi jamais personne, mais

préfère régler ses problèmes par lui-même.

« Morgan, tu as bien compris ? » - Hochement de tête, sans sourire, un visage impassible

quelle que soit la question posée (lorsqu’on pose machinalement une question fermée). Morgan est

une élève au sérieux déconcertant : une « fonceuse », attentive en classe et qui rend des copies

toujours impeccables. Il est bien rare de la voir sourire, bien qu’elle soit plus expressive dans la cour

de récréation, lorsqu’elle est avec ses amies. Elle s’exprime sur un ton monotone, qui ne change jamais,

quels que soient les jours et les circonstances. Elle semble étrangère aux émotions, est toujours

d’humeur égale, et pourtant, une fois de retour au domicile familial, elle exprime à ses parents ses

angoisses en classe, le fait qu’elle ne comprenne pas tout, qu’elle se sente débordée et sa peur de ne

pas y arriver.

Ils sont 25 élèves, dans cette classe de CM2 d’une école publique ordinaire, à gérer chacun leur

année scolaire à leur façon, avec leur tempérament, leur passé, l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, des

autres, de l’école. Ils ont chacun une éducation, une famille, et parfois une culture différente. Ils

pensent, ressentent et agissent à chaque minute dans la classe, à longueur de journée, et c’est un

aspect que l’enseignant ne peut éluder. Se concentrer uniquement sur leurs capacités cognitives exclut

toute une part de leurs comportements : impossible de ne chercher qu’à savoir ce qu’ils pensent, ce à

1 Les prénoms des élèves ont été modifiés.

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quoi ils devraient penser pour « y arriver ». Cela apparaît indissociable de ce qu’ils ressentent. Il ne

s’agit pas alors uniquement de le prendre en compte au quotidien, mais aussi de permettre aux élèves

de prendre un premier recul sur leur propre fonctionnement, pour en éviter les pièges. Il s’agit de leur

donner à tous des outils de compréhension d’eux-mêmes, les amener à travailler dessus, à y réfléchir,

et à apprendre à s’écouter. Ne pas s’écouter pour se concentrer sur tous les maux qui les affectent,

sur la moindre petite douleur physique, le moindre mécontentement, mais apprendre à écouter ce qui

est ressenti et savoir le relativiser, sortir de son point de vue personnel pour rapporter cela aux autres,

à sa société. Apprendre à se référer à des valeurs, et non à ce que l’on pense que les autres pensent

de nous.

Nous partons de l’idée qu’une explication des émotions permet une meilleure compréhension

de soi et des élèves entre eux, instaurant au fil du temps un climat de classe apaisé et favorable aux

apprentissages. Un bien vaste sujet, que nous choisissons ici d’aborder au travers d’un outil utilisé en

classe : le jeu de société Feelings. Centré sur la reconnaissance des émotions, chez soi et chez les

autres, il permet de parler de ce sujet avec les élèves dans un cadre ludique. Il permet à un élève, face

à une situation donnée, de reconnaître sa propre émotion, d’expliquer son ressenti aux autres, et ainsi

de se faire comprendre et de mieux comprendre les émotions et réactions des autres. Nous nous

intéressons donc, d’une part, aux rapports des élèves entre eux et à ce que ce jeu peut leur apporter,

et d’autre part au rapport entre élèves et professeur, à savoir quelle est l’influence de ce dernier dans

leurs interactions. Comment travailler sur les émotions à partir du jeu Feelings ? Voici l’objet de ce

mémoire.

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Éléments théoriques et conceptuels

A. Pensées, émotions, réactions

A-1. Émotions et cognition

« Le contexte de l’apprentissage (contenu, déroulement, enjeux) est évalué par l’apprenant notamment en termes d’agréabilité, de pertinence, de ressources pour y faire face. Ce processus d’analyse de la situation génère des émotions et s’accompagne de régulations (inhibition ou contrôle plus ou moins importants) susceptibles d’infléchir le processus émotionnel et d’orienter l’activité d’apprentissage. De fait, les émotions constituent des processus intrinsèques à l’apprentissage car elles signalent à l’individu la nature de sa relation à la situation, laquelle se transforme du fait de ces expériences émotionnelles. » Cuisinier & Pons 2011, p. 10.

L’impact des émotions et sentiments de l’élève sur les processus d’apprentissage, en contexte

scolaire, peuvent être abordés de multiples manières. Les émotions face à une tâche et à son contexte

(voir Cuisiner & Pons, ci-dessus), les émotions dues aux préoccupations des élèves (contexte familial,

amical), les émotions face à l’enseignant (rapport à celui-ci) : les élèves reçoivent des informations de

tous côtés pendant leurs heures d’école, qu’ils en aient conscience ou non.

Les réactions aux sollicitations sociales ne sont plus vues depuis bien longtemps comme un

processus qui ne relèverait que de la seule raison : les émotions y tiennent une influence certaine.

L’intérêt pour la compréhension des émotions s’est particulièrement développé à partir de la fin du

XXe siècle, et son essor s’est poursuivi au début des années 2000 (pour un historique et un état de l’art

des développements sur ce thème, voir Sander & Scherer, 2009). La psychologie des émotions est ainsi

née, faisant suite aux recherches développées dans le champ des neurosciences (le lecteur pourra se

reporter avec profit aux ouvrages de A. Damasio, notamment Damasio, 2010).

La capacité à maîtriser ses émotions, et à les utiliser pour s’épanouir socialement a été étudiée

sous le terme d’« intelligence émotionnelle » à partir des années 1990 (voir notamment Mayer &

Salovey, 1997 ; Salovey & Mayer, 1990). Les ouvrages de développement personnel sont venus

populariser ce thème, aujourd’hui en vogue (Goleman, 2014 pour une nouvelle édition de ses

publications de 1997 et 1998 ; Tolle, 2000). Le concept d’intelligence émotionnelle a ainsi pu être

diffusé au grand public, mais il est à noter que la littérature concernant la gestion des émotions chez

les enfants reste bien moins développée que celle dirigée vers les adultes.

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Parler des émotions aux enfants peut aider à leur compréhension, à la prise de recul sur les

situations qui mènent à les expérimenter (voir notamment Harris & Pons, 2003). Il paraît ainsi

important d’éclairer les enfants sur les processus en jeu lors de chacune de leurs réactions, afin de les

aider à parvenir à maîtriser leurs émotions. La connaissance de ces émotions est à la base de

l’enseignement : en connaître les principales catégories (joie, peur, tristesse, colère, dégoût), et savoir

que chacun les expérimente à longueur de journée, seconde après seconde. Les élèves peuvent ensuite

apprendre que, par leurs pensées, les émotions peuvent être entretenues dans le temps : un

événement douloureux passé ne nous apporte de la tristesse que parce qu’il est vécu de nouveau

mentalement, rappelé à la mémoire. L’homme peut ainsi entretenir des états pendant de longues

périodes sans avoir conscience du processus en jeu. Il faut que les élèves saisissent que, non

seulement, les émotions peuvent nous parvenir de stimuli externes (vision d’un aliment considéré

comme dégoûtant, situation accidentelle et brusque qui provoque une peur) mais aussi internes

(pensées entretenues sur un sujet qui nous met en colère, nous désespère, ou au contraire nous met

en joie, dans un état de bien-être).

A-2. Des réponses pour prendre en compte ses émotions : relaxation, méditation

Les recherches déjà menées sur ces sujets ont permis de proposer des activités en classe,

permettant d’appréhender la gestion des émotions par les élèves, parfois en lien avec la résolution de

conflits. Il paraît nécessaire d’exposer quelques travaux effectués pour nous situer dans cet ensemble,

et cerner les apports et les limites des approches existantes.

La prise de conscience des émotions en classe n’est pas nouvelle, et au-delà des pratiques

quotidiennes de tous les professeurs, qui y font face chacun à leur manière, elle a pu être théorisée

par certains. Certaines approches psychanalytiques les lient à l’inconscient, et traitent donc de la

nécessité de prendre en considération les processus inconscients dans la gestion de la classe : c’est

une préoccupation que l’on retrouve notamment dans le cadre de la pédagogie institutionnelle (voir à

ce propos Imbert, 1996, ou encore Laffitte et al., 1999). La pédagogie Freinet traite aussi ouvertement

de ce thème, proposant des démarches pour apprendre au professeur à recevoir les émotions des

élèves et non à entrer dans des stratégies d’évitement (voir par exemple ICEM, 2010).

Pour de nombreux spécialistes, apprendre à gérer ses émotions ne passe par ailleurs pas que

par la tête : il faut entrer dans le corps, et se concentrer notamment sur son ventre. Des techniques

de respiration abdominale, des automassages de cette région corporelle, viendraient apporter des

bienfaits importants à tous ceux qui auraient tendance à trop mentaliser leur fonctionnement. Ce

meilleur fonctionnement corporel pourrait avoir des effets positifs sur les comportements (aidant

notamment à mieux maîtriser l’impulsivité), et ce à tous les âges, notamment à l’enfance et à

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l’adolescence (Ghahremani et al., 2013). Le ventre, comme « deuxième cerveau » du corps, occupe

d’ailleurs une place de mieux en mieux reconnue dans les médecines occidentales (pour une première

approche, voir le reportage de Denjean, 2013, et pour en savoir plus consulter notamment les

recherches de Gershon, 1999 ; voir Mayer, 2011).

En Europe, l’écoute du corps a connu un essor important ces dernières années : dès les

premières séances, l’effort va alors souvent être porté vers la prise de conscience de sa propre

respiration. Des méthodes applicables au quotidien ont été développées, notamment dans le cadre de

la sophrologie, permettant aux sujets de mieux gérer les périodes de stress qui les affectent. Parmi ces

méthodes, la « pleine conscience » est souvent privilégiée. Nombreux sont les ouvrages de

vulgarisation à avoir été publiés sur ce thème et à destination du grand public. Certains s’attachent à

éclairer des parents sur l’approche qu’ils peuvent en faire auprès de leurs enfants (Snel, 20122). Les

bénéfices d’une telle approche, bien qu’ils restent à prouver, sont dits nombreux concernant les

capacités de concentration des enfants, leur attention et finalement leurs apprentissages (Burke,

2010 ; Flook et al., 2010 ; Huppert & Johnson, 2010). Ils peuvent en effet permettre à des élèves de

mieux maîtriser leurs émotions (Semple & Lee, 2011). Il faut souligner que leur valeur et effets sont

difficiles à estimer à court terme, puisque les exercices proposés requièrent généralement de

l’entraînement et une pratique régulière. Il s’agit notamment d’apprendre à chacun à s’attacher à

l’instant présent, à quitter des pensées pour accueillir avec bienveillance ce qui se passe en et autour

de soi. Il s’agit, aussi, d’un retour au calme pour les élèves. Des méthodes de relaxation

complémentaires sont parfois envisagées (de type Jacobson – une méthode de détente mentale

s’appuyant sur la maîtrise de la détente musculaire), voire des thérapies psychosensorielles comme la

méthode Vittoz, qui peut être déclinée en classe (Castelle-Marie, 2014). Dans cette dernière, des

exercices mentaux de visualisation et de décontraction permettent d'améliorer le contrôle cérébral et

la capacité de concentration (focalisation sur l’instant présent).

Ces approches aux nombreux points communs ont ceci d’intéressant qu’elles privilégient la

maîtrise de soi au contrôle de soi : l’écoute de son corps est privilégiée, ce qui permet de sortir des

mentalisations et ruminations excessives. Mais toucher un public d’enfants sur ces points implique

l’intérêt des adultes pour ces pratiques, afin qu’ils puissent les leur faire connaître et leur permettre

de les appliquer au quotidien (voir notamment Coatsworth, Duncan, Greenberg, & Nix, 2010).

Cependant, ces réponses données ne sont que partielles : écouter son corps, reconnaître ses

émotions, ne pas s’y identifier, favorise le « comment gérer » et délaisse souvent le « pourquoi ».

Engageant les élèves à se méfier des jugements, il faudrait leur apprendre à accueillir les émotions et

2 Pour les enfants de 5 à 12 ans.

Page 9: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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pensées avec bienveillance, ou en observateur. Si ce travail d’observation et de reconnaissance paraît

bien essentiel, il nous semble tout aussi fondamental de travailler la question suivante : quelles

pensées conduisent l’élève à ressentir une émotion, et pourquoi ? Et comment peut-on faire réfléchir

les élèves sur ce point en classe ?

B. À l’origine des émotions, au cœur des pensées

B-1. Le développement moral

Il est ici possible de faire un lien entre les pensées évoquées, les émotions perçues, et le sens

moral de la personne qui pense. Nous venons de le voir, la relation de dépendance entre émotions et

cognition a bien pu être démontrée par des chercheurs œuvrant dans le domaine de la psychologie

cognitive (Damasio, 1995). Par ailleurs, le raisonnement de la personne qui pense, et qui l’amène à

ressentir des émotions diverses, est issu de sa raison, que la philosophie définit ainsi dans son sens

large : « faculté de bien juger, ou de discerner le vrai et le faux, le bien et le mal » (Blay, 2006). Le

champ de la philosophie morale a exploré plus d’une fois les relations entre émotions et valeurs

(Tappolet, 2000, par exemple, discutée notamment par Livet, 2002, p. 166 et 177). Nous nous situerons

cependant ici plus dans l’optique de la psychologie du développement, et il nous paraît donc important

de nous arrêter un instant sur la question du développement du sens moral d’un individu, notamment

pendant son enfance.

L. Kohlberg a été l’un des premiers, à la suite de J. Piaget (Piaget, 1932), à s’intéresser au

développement moral de l’individu (Kohlberg, 1981). Nous entendons ici par morale « un ensemble de

valeurs, c'est-à-dire de concepts permettant de juger et de classer les acteurs humains et leurs

actions » (d’après l’Encyclopédie philosophique universelle ; Jacob, 1998). L. Kohlberg propose une

modélisation du développement moral, avec six différents stades regroupés en trois étapes, pré-

conventionnelle, conventionnelle et postconventionnelle, basés sur l’étude du type de justification

donnée par un individu face à un dilemme moral. Les trois principales étapes du développement

peuvent être ainsi résumées :

- comportement centré sur soi et adapté pour fuir les punitions,

- intégration des normes morales et compréhension de l’intérêt de leur respect pour soi et les autres,

- jugement fondé sur des valeurs morales universelles considérées comme prévalant sur les lois.

Tout comme J. Piaget, ce développement propose une décentration progressive de l’individu.

Ces stades ont été débattus, mais nous n’en présenterons pas d’analyse exhaustive : cela dépasserait

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11

de beaucoup l’ambition de notre travail (pour une étude de quelques critiques, voir par exemple

Leleux, 2003). Mais un des points soulevés par ces études nous intéresse ici tout particulièrement : au

stade dit de la moralité conventionnelle, qui se développerait entre 7 et 15 ans, l’enfant serait amené

à centrer ses pensées autour de la question « Que va-t-on penser de moi ? ». Le besoin de paraître à

son avantage pourrait alors influencer l’enfant plus que des motifs moraux. Il n’agit alors pas selon la

morale, mais plutôt selon l’idée qu’il se fait de ce que les autres vont penser de lui, et des éventuels

« retours d’ascenseur » qui pourraient en résulter. C’est un point capital dans la suite de notre propos

(nous y reviendrons).

Nous l’avons vu plus haut, il a paru nécessaire, avec le temps, d’approfondir ces premières

recherches de J. Piaget et L. Kohlberg en amenant des dimensions complémentaires à la cognition dans

le développement moral (jugement cognitif et agir), notamment l’étude des émotions. Pour bien

paraître en société, un enfant pourra ainsi être amené à étouffer ses émotions, ne plus les écouter.

B-2. Le regard des autres dans la construction de soi

Si la question « Que va-t-on penser de moi ? » est essentielle dans le développement moral

d’une personne, dans son intégration des conventions sociales et des normes morales, elle a aussi des

conséquences importantes sur la formation de la personnalité d’un individu (voir Cervone & Pervin,

2014, sur les théories de la personnalité). Le jugement des autres sur nous-même, le jugement de soi

sur soi-même, va ainsi conditionner peu à peu notre confiance en nous.

Le jugement est systématique dans l’interaction avec les autres. Dès le premier contact, la

tenue, la démarche, le regard, les expressions, l’odeur de notre interlocuteur vont nous conduire à

nous en faire une certaine idée. Le jugement se porte ensuite sur les propos et réactions de l’autre,

selon sa personnalité, sa culture, ses connaissances, ses croyances. Nous excluons du propos de ce

mémoire les préjugés avec lesquels une personne arrive face à une autre (que ce soit sur l’âge, la

couleur de peau, le sexe, le milieu social, etc. – pour une étude du sujet, voir les recherches menées

en psychologie sociale, par exemple Légal & Delouvée, 2008), pour nous centrer sur le jugement porté

sur les comportements.

Le jugement du mérite nous concerne aussi, dans ce cadre scolaire : les élèves, leurs

camarades, leurs professeurs et leur entourage familial jugent en effet des capacités scolaires de

chacun, et des potentialités qui en ressortent pour la future vie sociale de l’individu. Les recherches en

psychologie sociale ont cependant montré que la méfiance doit être de mise face à cette question et

aux jugements qu’elle peut conduire à émettre. M. Lerner avance ainsi l’idée que les individus auraient

une propension à croire en un monde juste, où chacun obtient ce qu’il mérite. Les individus, tout en

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se confrontant chaque jour à la réalité qui est pourtant fort éloignée de cette situation idéale,

pourraient faire abstraction de cette distorsion et continuer à considérer globalement que les

personnes obtiennent bien ce qu’elles méritent et méritent ce qu’elles obtiennent. Chacun est alors

conduit à justifier le sort des autres, éventuellement à les dévaloriser, pour maintenir la légitimité de

cet ordre, quitte à perpétuer l’injustice sociale (Lerner & Miller, 1978 ; Lerner & Simmons, 1966 ; Rubin

& Peplau, 1973 ; et pour un aperçu global des recherches menées sur ce thème depuis les années 1960,

voir Hafer & Bègue, 2005). Les effets de ces croyances ont été analysées également dans le cadre

scolaire, notamment dans les choix d’orientation des élèves, parfois contraints et perçus par les élèves

eux-mêmes comme étant plus ou moins justes et liés à leur mérite (Duru-Bellat & Tenret, 2009 ;

Lannegrand-Willems, 2004, 2006).

Si un élève ne peut être jugé sur ses émotions (qu’il subit) ou sur son tempérament (il n’en a

pas le choix non plus), il peut en revanche être jugé sur ses comportements, notamment sur sa capacité

à vivre en harmonie avec ses camarades de classe. Il l’est, en fait, automatiquement : un professeur

jugera bien le comportement d’un élève qui l’insulte, et c’est ce jugement (qu’il soit verbalement émis

ou pas) qui guidera sa réaction.

Les élèves doivent prendre conscience de leurs propres réactions, des actes qu’ils font au

quotidien et qui peuvent toucher, voire meurtrir, d’autres personnes. Si juger est constant dans ses

relations à autrui, un individu peut toutefois apprendre à ne pas émettre chacun de ses jugements, et

à protéger ainsi les autres et à se protéger lui-même des conséquences de remarques désobligeantes.

Les élèves doivent ainsi s’exercer à se mettre à la place de leurs camarades : chercher à comprendre

ce qu’ils éprouveraient s’ils étaient dans la situation de la personne qui reçoit une remarque, afin

d’apprendre à y réagir au mieux. Il est donc fondamental d’apprendre aux enfants à se mettre à la

place de l’autre : comprendre ses émotions, son raisonnement, ses réactions. Et comprendre aussi que

nombreux sont ceux (à commencer par soi-même) qui dissimulent leurs émotions face aux autres,

pour paraître. Il faut donc apprendre à ne pas se mentir pour progresser dans ces exercices.

B-3. Quelle morale ?

Les principes et objectifs de l’enseignement moral, à l’école d’aujourd’hui, peuvent être repris

du Rapport de la mission sur l’enseignement laïque de la morale (Bergounioux, Loeffel, & Schwartz,

2013) :

« Dans une perspective maximaliste, la morale comportera un ensemble de prescriptions et un socle de valeurs denses ; elle ne prescrira pas seulement de ne pas nuire à autrui, elle prescrira encore, par exemple, de le respecter, de se respecter soi-même, de sacrifier son intérêt personnel à l’intérêt commun, de se dévouer, de faire le bien, etc. Une éthique

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minimaliste pourra se résumer au souci d’éviter de nuire délibérément à autrui, elle s’abstiendra de densifier la morale avec des valeurs, pense-t-elle, engageant un idéal humain particulier, comme la dignité, l’altruisme, etc. » (Bergounioux, Loeffel, & Schwartz, 2013, p. 9) « L’enseignement de la morale vise une appropriation libre et éclairée par les élèves des valeurs qui fondent la République et la démocratie : le socle des valeurs communes comprend la dignité, la liberté, l’égalité – notamment entre les filles et les garçons –, la solidarité, la laïcité, l’esprit de justice, le respect et l’absence de toute forme de discrimination, c’est-à-dire les valeurs constitutionnelles de la République française, inscrites dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et dans le préambule de la Constitution de 1946. » (Bergounioux, Loeffel, & Schwartz, 2013, p. 2)

Des principes fondateurs qui se confrontent à la réalité du terrain :

« Mais l’École est aussi un lieu où ce discours a moins de prise que par le passé sur la réalité des élèves. Ainsi de l’exhortation unanime au respect, qui semble au mieux rhétorique, au pire concurrentielle avec la conception de certains élèves, au point que l’on peut parler à l’École d’une « guerre des respects » opposant le respect moral au respect « mafieux » autorisé par le droit du plus fort. » (Bergounioux, Loeffel, & Schwartz, 2013, p. 10)

Ces propos sont bien liés à ceux qui nous occupent. Les émotions des élèves peuvent ainsi être

liées à leur conception de la vie : face à une même situation, un enfant peut ressentir de la colère face

à un de ses amis qui se fera sanctionner, tandis qu’un autre reconnaîtra la justesse de la sanction si

l’ami en question avait commis un acte nuisant à autrui. Comprendre la logique d’un élève (du

professeur face à l’élève, ou des élèves entre eux) demande à chacun de savoir s’exprimer : expliquer

l’émotion qui est ressentie, pourquoi elle est ressentie, et d’un autre côté expliquer la réaction, les

conséquences d’un certain comportement. Elle demande qu’un élève soit capable de reconnaître les

émotions qu’il ressent (comprendre son propre fonctionnement), qu’il sache les exprimer, les

expliquer, et apprenne à écouter, pour pouvoir comprendre, la vision d’autrui. Admettons qu’un élève

ait appris à reconnaître ses propres émotions et sache les exprimer, il lui reste donc à savoir écouter

et comprendre celles des autres, pour éventuellement faire évoluer son propre point de vue.

B-4. La nécessaire empathie

La question de l’empathie est donc fondamentale. L’empathie émotionnelle comme

l’empathie cognitive : avoir la capacité de percevoir les émotions ressenties par autrui, et celle de

comprendre les idées d’un autre. En d’autres mots, parvenir à « se mettre à la place » de quelqu’un.

Pour développer cet aspect, nous avons choisi de travailler avec le jeu Feelings, un jeu de

société qui permet d’échanger autour des émotions, dans le but de générer des attitudes empathiques

(voir http://www.feelings.fr/). Nous supposons qu’à travers ce jeu, les élèves pourront exprimer leurs

émotions et les expliquer, pour se faire comprendre des autres. Nous pensons qu’il s’agit d’un premier

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pas essentiel pour le développement des capacités d’empathie : savoir reconnaître ses propres

émotions, les comprendre, être capable de les expliquer aux autres. Cette capacité sur soi permet de

mieux saisir le fonctionnement des autres (ressentis, pensées, tempérament, réactions). Et savoir

écouter les explications des autres permet de mieux comprendre leur raisonnement et leurs émotions.

Nous souhaitons, au travers de cette étude, répondre à la question suivante : comment

travailler sur les émotions à partir du jeu Feelings ? Nous chercherons ainsi à vérifier si :

- le jeu Feelings permet de développer l’empathie cognitive comme l’empathie émotionnelle,

- les émotions ressenties par les élèves sont celles exprimées lors du jeu,

- la posture du professeur peut influencer les élèves dans l’expression de leurs émotions.

Par ailleurs, les obstacles rencontrés sont-ils surmontables ? Sont-ce des obstacles aux

apprentissages ?

C. Méthodologie de la recherche

C-1. Participants et objectifs

Participants à l’étude

La classe sujet de l’expérimentation est une classe de CM23 de 25 élèves (8 garçons, 17 filles :

18 d’entre eux ayant déjà atteint 10 ans à la rentrée scolaire 2015, les 7 autres fêtant le même âge en

cours d’année). Le jeu Feelings n’a cependant pas été utilisé face à l’ensemble du groupe-classe, mais

sous forme d’atelier dans le cadre des activités pédagogiques complémentaires (APC), avec quatre à

huit joueurs au maximum.

Les élèves choisis pour l’atelier (Alexandre, Julien, Bastien et Gaël) sont ceux dont le

comportement avait fait l’objet de maints reproches de la part de leurs camarades de classe au cours

des premières semaines de l’année scolaire. Ils ne présentent pas de troubles du comportement. Leurs

difficultés en matière de relations humaines sont marquées avant tout par des moqueries nombreuses

envers les autres. Déjà rappelés à l’ordre, voire sanctionnés parfois, pour leurs écarts de conduite, il a

paru nécessaire d’aller au-delà de la simple réprimande. Les mettre face à leurs comportements fautifs

ne suffisait pas : les élèves en question en niaient la portée, même lorsqu’ils étaient pris sur le fait et

qu’ils en voyaient les effets (les pleurs de leurs camarades sont alors interprétés comme une

3 École primaire publique Les Hautes Vignes, Saint-Hilaire-Saint-Florent (Saumur)

Page 14: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

15

exagération, eux-mêmes considérant que « ce n’est rien, ce n’est pas grave »). Ces quatre élèves ne

montrent par ailleurs pas de difficulté particulière dans les apprentissages scolaires.

À noter : lors de la deuxième séance, l’absence d’un élève malade nous a conduite à en inviter

un autre à participer au jeu (un élève choisi en raison de sa présence à l’étude ce soir-là). Ce nouvel

élève a apprécié le jeu, et sa présence semblait intéressante pour diversifier le groupe. Les quatre

premiers élèves choisis sont en effet amis de longue date, et nous introduisions ici un élève qui ne

faisait pas partie de leur cercle habituel. Il a été invité à poursuivre les APC avec le groupe, et afin

d’avoir un nombre de joueurs pair la semaine suivante, un autre élève a été invité à rejoindre

l’assemblée (quatre élèves ont donc participé aux deux premières séances, et six aux trois suivantes).

Les élèves sont ici tous des garçons.

Objectifs de travail

Face à ces problématiques, les objectifs de travail sont les suivants :

- accorder un temps de travail spécifique aux élèves sur la question des émotions et de la relation

aux autres, hors de la sanction ;

- les exercer à « se mettre à la place des autres » ;

- confronter les élèves à des points de vue différents des leurs, qu’ils se rendent compte que les

points de vue peuvent être multiples face à une même situation et développer ainsi leurs capacités

cognitives (argumentation, compréhension) et leur sens moral ;

- développer l’empathie cognitive (comprendre le raisonnement de l’autre) et émotionnelle

(comprendre ses ressentis face aux situations).

C-2. Le jeu Feelings comme outil pour exprimer ses émotions

Outil méthodologique

Avant d’entrer dans l’explication de notre protocole d’étude, il faut noter que l’utilisation du

jeu Feelings, dans le cadre des activités pédagogiques complémentaires, n’est qu’un aspect d’un

système mis en place dans la classe, visant à travailler les émotions. Dès le début de l’année, deux

séquences d’enseignement avaient été dédiées aux émotions et à la personnalité, en enseignement

moral et civique. La séquence sur les émotions avait pour objectifs de familiariser les élèves avec ce

concept : leur faire acquérir du vocabulaire pour les exprimer, mettre en évidence qu’ils ressentent

des émotions à longueur de journée, que ces émotions se reconnaissent par des signaux physiques

(voix, gestes, expressions du visage). Celle sur la personnalité visait à permettre aux élèves d’exprimer

ce qui les différencie des autres, ce qui fait qu’ils sont « eux-mêmes ». Leur donner un temps pour se

Page 15: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

16

définir, mettre en évidence le caractère immédiat de l’expression de leur personnalité, et la nécessité

d’une bonne maîtrise d’eux-mêmes. Il nous a semblé judicieux de cibler l’enseignement sur la question

des comportements (en lien avec la personnalité de chacun).

Par ailleurs, le travail sur les émotions n’est pas passé que par la réflexion sur celles-ci : l’aspect

physique de leur manifestation ne pouvait être écarté. Dans les séquences évoquées, les

manifestations des émotions ont été vues d’un point de vue extérieur, et pas intérieur (expressions

vocales ou gestuelles, mais qu’en est-il des sensations physiques, par exemple dans le ventre, au cœur

ou à la gorge ?). Il était nécessaire de revenir sur ce point. Des séances de relaxation ont ainsi été

régulièrement menées en classe, avec pour objectif d’amener les élèves à s’écouter, à mieux percevoir

leurs sensations physiques, à être dans le présent plutôt que dans les mentalisations excessives.

Notons que ces séances doivent faire l’objet d’une progression : dans l’idéal, elles doivent aboutir à

des exercices permettant aux élèves de se concentrer sur les sensations physiques qu’ils ressentent à

l’évocation d’une pensée chargée en émotion. Pour cela, le simple fait de se concentrer sur le présent,

et sur ses sensations physiques, doit faire l’objet d’un entraînement préalable.

Présentation du jeu

Feelings s’adresse à tout public à partir de 8 ans, et se joue de 3 à 8 joueurs.

Le principe du jeu peut être ainsi résumé : à chaque manche, une situation est choisie, parmi

trois possibilités, sur une carte. Il peut s’agir de situations de la vie quotidienne (« Ta mère pleure

devant toi »), comme de situations plus « extraordinaires » (« Un astéroïde menace de percuter la

Terre »).

Les élèves disposent chacun de onze cartes « Vote » : huit d’entre elles sont numérotées de 1

à 8, tandis que les trois autres portent la mention « Feeling ». Huit cartes « émotion » sont par ailleurs

disposées autour du plateau de jeu (chaque carte porte une « émotion » : « Je suis triste », « Je suis

satisfait », « Je suis excité », etc.), et sont associées à un numéro allant de 1 à 8. Les élèves doivent

choisir la carte du plateau qui se rapproche le plus de l’émotion qu’ils ressentent dans la situation

donnée. Un élève qui serait « content » pourra ainsi poser sa carte vote no 3, si le no 3 correspond à la

carte « Je suis satisfait » sur le plateau.

Une fois que chaque élève a posé la carte correspondant à sa propre émotion, des cartes

« équipe » sont distribuées : chacun est alors affecté d’un partenaire de jeu, dont il doit deviner

l’émotion. S’il pense que son partenaire serait « triste » dans la même situation, il pose la carte no 5

(correspondant à la carte « Je suis triste » sur le plateau de jeu). S’il pense que son coéquipier

ressentirait la même émotion que lui dans la situation donnée, il pose une carte « Feeling ». Les cartes

Page 16: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

17

Feeling utilisées sont mises de côté après chaque manche et ne peuvent plus resservir : il faut donc

bien réfléchir avant d’en faire usage. Les cartes sont ensuite retournées : si les deux partenaires ont

chacun deviné l’émotion de l’autre, ils marquent trois points, si seul l’un des deux a correctement

deviné, un seul point est marqué, et si aucun n’a deviné l’émotion de l’autre, aucun point n’est marqué.

C-3. Modalités d’organisation

Déroulement de l’étude

Cinq séances d’APC ont été prévues, au cours de la Période 3, le jeudi après la classe, de 16h30

à 17h15. Les deux premières séances ont duré 30 minutes, un temps qui a ensuite été porté à 45

minutes.

Les séances sont animées par la professeure des écoles (P. E.). Les élèves sont installés autour

d’un îlot de tables dans une salle de classe (ils sont seuls dans cette classe, afin de limiter le parasitage

sonore alentour). La P. E. est assise à une table de l’îlot, avec les élèves, et se déplace parfois autour

d’eux.

Les séances ont été filmées. La caméra est placée derrière la P. E., de façon à avoir la meilleure

vue possible sur les élèves et leurs réactions faciales et gestuelles. Les images captées sont ensuite

exploitées et retranscrites (cf. annexe), ce qui permet un certain recul pour analyser les situations sous

différents angles (les avantages et limites de ce type d’observation sont exposées ailleurs : voir

Norimatsu & Pigem, 2008). L’observateur est l’enseignante elle-même, avec sa subjectivité et sa vision

partielle des événements. L’analyse est menée à partir de la retranscription et de quelques

observations (libres) notées au fil des séances (juste après celles-ci).

Il s’agit ici d’une observation participante, à caractère exploratoire : une première approche

qui doit permettre de définir des critères (catégories de comportements) pour une éventuelle

recherche plus approfondie à valeur statistique effective. Nous n’avons pas utilisé, dès le départ, de

grille d’observation telle qu’il est possible d’en concevoir en recherche en éducation (voir notamment

Dessus, 2007, qui en présente de récentes évolutions). Pour répondre à nos questions, nous avons

analysé les interactions entre élèves et entre élèves et professeur au cours des séances. Nous avons

relevé la façon dont se manifestaient les différents types de communication (verbale/non-verbale), la

nature des propos échangés (propos des élèves, propos du professeur). Nous avons relevé le nombre

d’occurrences par élève, afin d’observer l’équilibre des échanges, et d’expliquer la manière dont il s’est

instauré (ou perdu). C’est ainsi que s’est construite peu à peu notre grille d’observation, à partir du

matériel recueilli.

Page 17: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

18

Travail préparatoire aux APC :

- Première exploration du jeu, de l’utilité des différentes cartes et jetons, des règles du jeu.

- Réflexion sur la meilleure configuration possible pour jouer à ce jeu avec les élèves.

- Préparation du matériel (caméra, etc.), et des autorisations parentales expliquant le projet.

Page 18: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

19

Présentation et analyse des résultats

A. Principe des analyses

Le travail mené sur le jeu Feelings sera ainsi présenté : un extrait de séance sera d’abord pris

en exemple (retranscription de la scène filmée). L’ensemble des retranscriptions de séances filmées

est présenté en annexe. La grille d’analyse sera ensuite présentée. Nous mènerons l’analyse suite à

cette description, afin d’en faire ressortir les principaux points. Notre analyse portera en particulier sur

les trois dernières séances, une fois les élèves familiarisés avec les règles. Nous discuterons alors des

évolutions des élèves face au jeu et entre eux.

Soulignons, pour commencer, l’intérêt manifeste des élèves pour le jeu, et ce dès la première

séance : ils ont exprimé spontanément plusieurs fois leur goût pour le jeu, et s’y prêtent donc

volontiers.

A-1. Exemple de retranscription

Un extrait de retranscription peut ici être présenté. La scène se passe lors de la deuxième

manche de la séance 4, lors de laquelle les six élèves sont présents.

« Julien choisit la situation, en disant qu’il pense que « ça va être assez compliqué ».

Situation : « Lors d’un repas au restaurant, à la table voisine, un enfant s’agite et crie. Son père

le gifle. » Les élèves réagissent, plaisantent autour du fait qu’ils puissent être contents parce

qu’il va avoir une claque, émerveillés, fiers du papa, inquiets qu’il aille à l’hôpital, etc. Ils

cherchent leur carte. Gaël dit : « Si t’en reçois une, je pense pas que t’es émerveillé ». Ils

continuent d’échanger par courtes phrases, expressions, gestes (imitant la claque). Florian fait

le geste d’un enfant qui prend une claque, citant les émotions qui passent de « émerveillé » à

« tristesse ».

Découverte des cartes équipe, recherche de l’émotion du partenaire. […]

Julien retourne ses cartes : Gaël aurait pensé qu’il allait avoir honte, alors qu’il était plutôt

inquiet. Gaël aussi était inquiet, et Julien a mis la bonne carte : Julien note qu’ils ont un point

chacun. La P. E. demande : « Vous êtes tous les deux inquiets, c’est ça ? ». Julien : « Bah parce

que… à la base je voulais mettre « j’ai honte », j’ai honte pour les gens qui sont… ». Gaël le

coupe : « moi, même, j’ai honte pour moi ». Julien : « Ouais, même honte pour moi, c’est…

quand tu te fais gifler devant… tu te fais tout de suite remarquer ! ». Alexandre : « Bah c’est pas

forcément la personne, c’est les parents qu’on regarde ». Gaël s’exprime en parallèle de Julien

et Alexandre : « Bah tout dépend parce qu’on sait pas si c’est quelqu’un de ta famille. Si c’est

notre famille, ou si c’est quelqu’un qu’on ne connaît pas ». La P. E. lui répond que c’est juste au

Page 19: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

20

restaurant, une table à côté, ce ne sont pas des gens qu’il connaît (un enfant qui crie, son père

le gifle). Pendant cet échange, Florian veut donner un exemple mais ne trouve pas

d’interlocuteur et s’arrête. Alexandre également, commence de son côté : « Bah c’est vrai aussi,

s’il crie, pour moi c’est bien fait pour lui », mais personne ne rebondit, les deux élèves suivants

(Bastien et Thomas) sont en train de retourner leurs cartes. »

A-2. Explication de la grille d’analyse

Deux grilles ont été utilisées, pour relever d’un côté les interventions provenant des élèves, et

d’un autre celles de la P. E. Dans les deux cas, nous avons différencié les items selon qu’ils relèvent de

la communication verbale ou non-verbale.

Du côté des élèves, dans le domaine de la communication verbale, trois grandes catégories

d’interventions ont été distinguées : « Autour du jeu » (répertoriant les interventions en relation avec

les règles du jeu), « Apprentissages » (sur les émotions et conversations liées) et « Diversion »

(interactions parasites, hors sujet). En annexe sont présentées les grilles en question, précisant les

objets des interventions, accompagnés d’exemples. Dans le domaine de la communication non-

verbale, des interventions de plusieurs natures ont été consignées : des bruits incongrus, rires, regards,

gestes et mouvements (se lever, se taper dans les mains, mimes, etc.).

C’est sur le domaine de la communication verbale que se centre notre analyse ; la

communication non-verbale n’a, elle, pas fait l’objet d’une quantification. Nous nous sommes

concentrés sur sa nature. Elle dépend du tempérament des élèves et de leurs relations entre eux : les

regards de connivence sont nombreux entre Julien et Alexandre, ou Gaël et Julien ; les mimes sont très

présents chez Thomas, et moins chez les autres élèves, etc. Nous n’en avons cependant pas mené

d’analyse systématique, dans la mesure où de telles données n’auraient pas permis d’affiner la réponse

à nos questions originelles.

Concernant la P. E., le domaine de la communication verbale a là aussi été scindé en trois

parties selon la nature des interventions : « Autour du jeu » (rappel aux règles, explications du jeu),

« Apprentissages » (émotions et jugements émis), et « Gestion de groupe » (rappel à l’ordre,

corrections). Une catégorie « Autres » a été créée pour une intervention unique, sortant des

interventions mentionnées avant. La communication non-verbale a, elle, pris la forme de gestes (poser

la main sur une épaule), signes (pour engager au silence), ou déplacements (se placer debout derrière

un élève, etc.).

Dans nos grilles sur la communication verbale, les occurrences ont été relevées pour chaque

séance, par élève et pour la professeure. Deux phrases de même nature et portant sur le même sujet

ont été comptées comme une seule intervention. Quelques cas de conversations impliquant

Page 20: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

21

l’ensemble des élèves ont été notés sous ce registre. Par exemple, un moment lors duquel tous les

élèves sont en train de compter les points d’une équipe est ainsi reporté dans le tableau :

Objet de l’intervention Ensemble des élèves

Décompte des points 1

Pour le reste, à titre d’exemple, citons un extrait de la première manche de la séance 4 :

« Julien et Thomas retournent leurs cartes. Alexandre dit : « Je serais avec Bastien, moi, je pense

qu’il serait satisfait ». La P. E. dit qu’ « on va voir après », mais ramène à l’émotion de Julien. Il

dit : « Moi j’aurais été satisfait de voir les filles aider un garçon handicapé ». Thomas dit : « Moi

j’ai mis, je serais touché, parce que voir [cherche ses mots] par exemple, c’est ton meilleur

copain qui a fini en fauteuil roulant, bah ça te touche parce que c’est pas très bien d’être en

fauteuil roulant ». Gaël dit : « Comme moi un peu, quoi » [pour dire que c’est le même type

d’émotion, de réaction]. Florian : « C’est pas très rigolo, donc… ». La P. E. dit « D’accord les

garçons » et demande aux deux suivants de retourner leurs cartes. »

Cet extrait entrera dans nos grilles de la manière suivante :

B. Analyse des séances

B-1. Les interventions des élèves : caractéristiques et évolution

Les deux premières séances sont de même durée (30 minutes), et ce sont les séances

d’introduction au jeu, les moments de familiarisation des élèves avec les règles (jeu avec un groupe de

quatre élèves). Les trois séances suivantes durent chacune 45 minutes ; le groupe de six élèves joueurs

est alors formé et reste identique.

Élèves

Sous-type B. G. A. J. T. F. Ensemble des élèves

Explication d'une émotion 1 1 1 1 1

P. E.

Sous-type Nombre

Règle du jeu (explication / rappel) 1

Validation / acquiescement 1

Page 21: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

22

Fig. 1 : Graphique représentant l’évolution du nombre d’interventions au fil des séances

Le nombre total d’interventions progresse au fil des séances (Fig. 1). Ce sont celles liées à

l’expression des émotions qui dominent et augmentent le plus clairement (Fig 2.). Elles sont

concurrencées, lors de la dernière séance, par celles qui ont trait à la distraction des élèves.

0

20

40

60

80

100

120

140

Séance 1 Séance 2 Séance 3 Séance 4 Séance 5

Évolution des interventions des élèves (en nombre)

Autour du jeu Apprentissages Diversion

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

Séance 1 Séance 2 Séance 3 Séance 4 Séance 5

Évolution des interventions des élèves (en pourcentages)

Autour du jeu Apprentissages Diversion

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

1 2 3 4 5

Nombre total d'interventions des élèves -évolution au fil des séances

Fig. 2 : Évolution du nombre d’interventions des élèves, classées par catégorie

Page 22: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

23

Fig. 3 : Évolution du nombre d’interventions des élèves, classées par objet

(dans la catégorie « Apprentissages »)

Autour du jeu

À chaque manche, une fois la situation donnée, tous les élèves exprimaient leurs premières

émotions sous la forme d’exclamations, souffles, puis en se répétant la situation entre eux pour bien

la comprendre, préciser des cas (dire que « ça dépend »), citer des émotions possibles. Cette courte

phase de recherche de l’émotion, d’hésitations, était écourtée par la P. E. qui demandait aux élèves de

ne pas révéler leurs émotions aux autres ; ils étaient invités à donner leurs explications une fois leurs

cartes retournées. Les interventions de cette catégorie proviennent souvent de cette phase

particulière.

Rapidement, les élèves ont accepté cette composante du jeu : l’explication de l’émotion

ressentie (ce sont d’ailleurs ces interventions qui dominent – Fig. 3). À la demande de la professeure,

qui orientait les questions en ce sens, les élèves argumentaient leur point de vue après avoir cité leur

émotion. Ce n’est pourtant pas indispensable dans le jeu, selon les objectifs que l’on se donne. Lors de

la séance 5, l’agitation des élèves a en effet compromis l’équilibre des séances précédentes, et le

décompte des points a pris l’avantage sur l’explication des émotions. Si l’objectif du jeu n’est pas

0

10

20

30

40

50

60

70

80

Définition devocabulaire

Citation de l’émotion ressentie

Explicationd'une émotion

Sur les équipes Idée que tousressentiront

pareil

Sur le besoin decarte Feeling

Discussionautour dessituations

Conversationsur le jeu, en

aparté

"Apprentissages": évolution du nombre d'interventions (classées par objet)

Séance 1 Séance 2 Séance 3 Séance 4 Séance 5

Page 23: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

24

l’explication mais la recherche de l’émotion de l’autre, il est possible de laisser les élèves procéder

ainsi. Le jeu reste en effet valable : afin d’obtenir le maximum de points, les élèves vont faire de leur

mieux pour deviner l’émotion de l’autre. Il nous semblait ici plus judicieux d’axer les échanges sur

l’explication, en ce qu’elle donne l’avantage de permettre à l’élève de comprendre l’autre, de

comprendre son raisonnement. Il s’agit en fait d’un développement verbal du processus d’empathie :

une personne à l’aise dans cet exercice pourra imaginer seule la diversité des émotions possibles selon

les contextes. Nous considérons que des élèves en difficulté dans ce domaine ont besoin de se

confronter au point de vue des autres, d’entendre clairement leurs ressentis et raisonnements pour

pouvoir les accepter comme bien existants et recevables. Et les scores recueillis et remarques

consignées nous invitent à penser qu’à ce stade, deviner l’émotion de leur partenaire de jeu s’avère

être encore un exercice difficile pour les élèves ici mentionnés.

Donc certes, dans leur logique de joueurs, les élèves considèrent le décompte des points

comme plus important que l’explication des émotions, mais il s’agit d’un jeu mené et encadré à l’école,

avec des objectifs d’apprentissages derrière l’aspect ludique, et ces objectifs ne doivent pas être

perdus de vue. Si maintenir l’aspect divertissant paraît essentiel pour garder la motivation des élèves,

un juste équilibre doit être atteint.

Apprentissages

Expliquer la variété des émotions face à une situation

Au cours de la phase de recherche de l’émotion, ou lorsque les cartes étaient retournées et les

émotions expliquées, les élèves exprimaient la diversité possible des émotions face à une même

situation. Par exemple :

« Florian lit la situation : « Tes parents te demandent de tondre la pelouse. Ils ne te

donnent pas d’argent de poche ». Interrogation des élèves entre eux à savoir qui a de

l’argent de poche : Alexandre a quelque chose quand il aide son père à couper du bois,

etc. Pour Gaël, c’est un paramètre important pour savoir quelle émotion on ressentirait. »

- Séance 2, 5e manche.

Les élèves réfléchissent donc à l’émotion dans son contexte : en détaillant la situation, ils en

créent en fait plusieurs différentes. Selon l’idée qu’ils se font de la situation, du contexte, ils donnent

des émotions différentes. Mais ces émotions peuvent être aussi différentes selon la personnalité du

sujet. Gaël souligne, au sujet d’une situation proposant un déménagement en Chine :

Page 24: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

25

« Tu peux être émerveillé parce que t’es content d’y aller, tu peux être en colère parce

que t’as pas envie d’y aller, tu peux être inquiet parce que t’as peur » - Séance 4, 3e

manche

Le lien entre émotions et tempérament apparaît ainsi parfois. Par exemple, face à la situation

d’un élève handicapé qui joue avec les filles :

« Pour sa propre émotion, Alexandre dit : « J’en avais trois parce que moi, je suis très

jaloux, donc je suis curieux, en colère, et je suis inquiet ». Gaël dit : « Pour moi, je pensais

que tu allais être… j’hésitais aussi avec en colère parce que comme je sais que tu es un

peu jaloux ». Alexandre : « Au début, moi je voulais mettre inquiet parce que par exemple,

ça serait, je dis n’importe quoi, Gaël qui serait en fauteuil roulant, et par exemple, je ne

sais pas, ça serait Capucine et Charlotte qui demandent […] bah là y a pas la carte mais je

serais jaloux ». Julien : « Je comprends, pareil ». » - Séance 4, 1ère manche.

C’est ici la possessivité d’Alexandre qui ressort et sa difficulté à maîtriser cet aspect de son

tempérament.

L’explication des émotions entraîne donc bien les élèves à se mettre à la place de l’autre, à se

rendre compte que le point de vue va différer selon son coéquipier. Les émotions sont expliquées aux

autres (contexte, tempérament) pour être mieux comprises. Et pour finir sur ce point, notons d’ailleurs

qu’une émotion comprise n’assure pas un raisonnement validé. Certes les justifications permettent de

se comprendre, même si on ne réagirait naturellement pas de la même façon, selon son tempérament.

Mais l’autre peut être accusé d’un manque de maîtrise de lui-même. Par exemple dans le cas suivant,

d’une situation où « Tes parents te laissent jouer aux jeux vidéo si tu as des notes supérieures à 15 » :

« Thomas : « Parce que genre, comment dire, t’es stressé, genre t’es en mode stressé [fait

le geste de se manger les doigts] ». La P. E. : « Toi tu serais inquiet ? Thomas toi tu serais

inquiet… ». Bastien : « Thomas, toi tu travailles bien, donc euh… t’as jamais de mauvaises

notes ». Thomas : « Bah t’inquiète, en CE2 j’ai eu un gros 0 ». Bastien : « Mais on s’en

fiche ». La P. E. : « C’était il y a deux ans quand même… ». Bastien : « Ouais mais là, en fait

je veux dire en CM2 et en CM1 t’as toujours eu des bonnes notes donc t’as pas besoin

d’être inquiet, quoi ». Thomas : « Je suis inquiet de ma note, genre ». Alexandre :

« Surtout toi Thomas parce que… ». Bastien : « T’es un peu un des premiers de la classe,

quoi ». La P. E. : « Donc t’es quand même un peu stressé… bon ». » – Séance 4, 4e manche.

Si le sentiment d’inquiétude de Thomas est compris (il explique sa crainte d’avoir une mauvaise

note, comme par le passé), il est considéré comme exagéré par les autres, puisque dans le présent

Page 25: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

26

Thomas a des bonnes notes en classe. Mais c’est bien, encore une fois, l’explication qui peut permettre

à chacun de faire éventuellement évoluer son point de vue : comprendre si la réaction de Thomas doit

être acceptée, comme cela fait partie de son tempérament, ou engager Thomas à réfléchir au bien-

fondé de sa réaction.

Emotions ou sentiments ?

Notons ici un point de vocabulaire : parle-t-on d’émotions ou de sentiments ? « Tu peux être

inquiet parce que t’as peur » (voir plus haut) montre un sentiment dans un premier cas (l’inquiétude,

appelée « émotion » dans le jeu), dû à une émotion universelle (la peur). Certes, cette distinction est

débattue au sein même de la communauté scientifique, (psychologues, linguistes, etc.), qui proposent

nombre de classements de ces concepts (Blumenthal, 2009, p. 41). La distinction n’apparaît peut-être

pas forcément essentielle chez les élèves de cet âge. Cependant, l’exercice demandé n’est pas le

même, que l’on demande l’émotion ou le sentiment d’un élève face à une situation. L’émotion, le

ressenti direct, pourrait être exprimé en quelques secondes par l’élève. Il serait par exemple possible

d’instaurer un dispositif de type sablier, pour ne pas laisser trop de temps de réflexion à l’élève, au

risque de modifier son émotion première. La réflexion lui permet en effet de construire un

raisonnement, de justifier un sentiment, qui peut être différent de l’émotion première ressentie face

à une situation. Par exemple, face à un accident, l’émotion ressentie sera la surprise ou la peur, laissant

éventuellement place à la curiosité ou à l’inquiétude après quelques instants d’analyse, sentiment qui

pourra même être transformé en indifférence chez certains, bien que ce ne soit pas là leur émotion

première. Dans ce jeu, il semble donc que ce ne soit pas l’émotion qui soit recherchée, mais plutôt le

sentiment face à une situation.

Sur l’écoute des autres

Lors de la phase d’explication des émotions, il peut être noté que les élèves donnent leur

propre émotion mais portent peu d’attention à celle des autres. Ils expriment donc leur point de vue,

ce qu’ils pensent, mais n’écoutent pas toujours celui des autres, surtout quand il s’agit de points de

vue de l’équipe adverse, et que l’émotion ne les concerne donc pas directement.

Les élèves sont par ailleurs plus enclins à donner leur propre émotion et à la justifier qu’à

justifier celle qu’ils ont pensée pour leur coéquipier. Pour contrer cette tendance forte au centrage sur

soi, il serait d’ailleurs possible d’orienter le travail sur ce point : justifier l’émotion pensée pour l’autre.

Ce peu d’intérêt pour les émotions des autres n’est cependant pas systématique, et plusieurs

réactions laissent penser que l’émotion d’un camarade est parfois attendue, par curiosité, ou parce

qu’un élève est persuadé de la connaître. Les élèves donnent également à plusieurs reprises leur

Page 26: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

27

opinion sur les émotions et réactions supposées d’un élève absent (un autre camarade de classe, fille

ou garçon). Il peut être noté que dans ces cas, nous avons choisi de ne pas développer ces points avec

les élèves. Rechercher les émotions ressenties par un élève absent pourrait également être traité

comme un point d’étude, en amenant les élèves à justifier leur point de vue, aller au-delà de leurs

préjugés pour s’interroger sur la validité de leurs hypothèses. Mais ce n’était pas un objectif de nos

séances.

Sur la sincérité des émotions exprimées

Dans le jeu, mieux vaut être sincère pour que l’autre devine son émotion. Sans cette sincérité,

un élève devra non seulement deviner l’émotion originelle de celui-ci, mais en plus savoir que cet élève

a tendance à la dissimuler, et savoir de quelle manière (que veut-il paraître ?). Si cette dissimulation

est fréquente cependant, c’est ainsi que les autres élèves connaîtront leur camarade dissimulateur, et

ils pourront penser que c’est l’émotion qu’il ressent réellement.

Un exemple peut être donné, sur la notion de vérité dans l’expression des émotions, d’après

les élèves :

« Gaël commence. Il choisit : « Les garçons se moquent d’un élève en difficulté, les filles

le défendent ». Julien dit qu’il serait « confiant » dans cette situation. La P. E. lui demande

pourquoi ; il répond qu’il serait content qu’elles l’aident (donc peut-être plutôt

« satisfait »). Alexandre dit que lui a vraiment dit la vérité. Il dit qu’il serait déçu qu’une

autre personne défende un garçon, si lui estime que ce qui a été dit n’était pas méchant.

La P. E. écoute, mais ne développe pas sur ce point. » - Séance 2, 2e manche

Ici, Alexandre estime donc que son point de vue est la vérité, et témoigne de sa difficulté à

concevoir qu’un autre élève puisse penser différemment (s’il le fait, c’est qu’il ment, d’après lui). Cela

témoigne d’une difficulté certaine à se décentrer. Nous n’avons pas développé le dernier point lors de

la séance (Alexandre serait déçu qu’une autre personne défende un garçon, si lui estime que ce qui a

été dit n’était pas méchant), mais il appuie cette interprétation : c’est d’ailleurs pour cela que cet élève

avait été retenu pour ce travail en APC.

L’équilibre des échanges entre joueurs

Le fait que certains élèves se connaissent mieux que d’autres, le sentiment d’isolement de

certains, peut-il affecter l’expression de leurs émotions ?

Déjà, nous pouvons nous demander s’il est nécessaire de bien connaître quelqu’un pour faire

preuve d’empathie à son égard. Ça semble être l’avis des élèves, qui font de multiples remarques en

Page 27: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

28

ce sens, notant qu’il est plus difficile de chercher les émotions d’un partenaire de jeu qu’ils connaissent

moins. Bien connaître une personne permet en effet de mieux appréhender ses réactions face à

certaines situations.

Qu’ils parlent d’émotions ou de sentiments, les élèves vont-ils être plus honnêtes face à une

personne bien connue, ou vont-ils chercher à paraître, jouant une personne qu’ils ne sont pas ? Nos

données ne permettent pas de répondre à cette question. L’insouciance affichée de certains, face à

une situation donnée, est-elle réelle ? Est-ce réellement le sentiment ressenti par l’élève en question,

ou s’agit-il d’une attitude feinte pour amuser les autres ? Le caractère public de l’expression des élèves

(face à leurs camarades) introduit sans doute un biais à la valeur de leurs propos.

Toujours concernant les rapports entre élèves : la tricherie repérée à trois reprises entre Julien

et Gaël montre, certes, leur degré de connivence (regards de complicité, discussions en messes

basses), mais elle n’affecte pas selon nous la sincérité des élèves dans l’expression de leurs émotions.

Elle compromet, en revanche, le fait d’apprendre à la deviner chez l’autre, et pour la bonne marche du

jeu, vis-à-vis des autres joueurs, elle ne peut être tolérée.

Notons par ailleurs que le groupe d’élèves constitué est exclusivement masculin. Il n’y avait

pourtant pas de volonté particulière de ne mettre que des garçons ensemble dans ce jeu : le choix de

départ a bien été basé sur des critères comportementaux (moqueries) et d’opportunité (disponibilité

des élèves). Quatre d’entre eux se connaissent bien, ils sont amis depuis plusieurs années, certains ont

fait toute leur scolarité ensemble. L’avantage est qu’ils n’ont pas de problème à s’exprimer les uns

devant les autres : la timidité n’est ici pas une barrière. L’introduction de Florian et Thomas en séances

2 et 3 n’a pas semblé changer les attitudes des premiers, mais Florian s’est retrouvé souvent en retrait

dans le groupe. Sur l’équilibre des échanges entre élèves, on peut noter que lors de la première séance,

Julien est en retrait : il parle peu, ce que l’on peut attribuer au temps de familiarisation avec le jeu (une

incompréhension des règles est d’ailleurs relevée dans son cas, lors de la première manche). Cette

attitude réservée disparaît dès la deuxième séance (une dizaine d’interventions sont alors notées,

contre deux en première séance). Bastien est très présent dans les interventions (une disposition à la

parole qui se vérifie par ailleurs en classe). Dans l’ensemble, les échanges entre Gaël, Alexandre et

Thomas sont assez équilibrés (Thomas est plus discret en séance 3, qui est aussi la première à laquelle

il participe). Mais on peut donc noter la plus grande discrétion de Florian, souvent mis à l’écart du

groupe. Les comportements d’ouverture attendus des autres restent difficiles à construire dans ce

cadre où il y a d’un côté un groupe de quatre fortement solidaire et d’un autre deux autres élèves.

C’est pour cette raison que pour les séances suivant celles ici analysées, nous avons décidé de séparer

Page 28: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

29

le groupe de quatre pour n’en garder que deux élèves, afin de voir si le comportement de Florian

pouvait évoluer en présence d’autres personnes.

Il est possible d’envisager bien d’autres configurations de joueurs. Introduire la mixité

permettrait d’étudier les changements éventuels dans les réactions des garçons : répondraient-ils

différemment si des filles étaient à leurs côtés ? Quels changements se produiraient ? Plusieurs filles

de la classe ont par ailleurs une grande maturité dans le domaine de l’empathie, et jouer à leurs côtés

pourrait peut-être s’avérer bénéfique pour les garçons ici concernés, afin qu’ils saisissent mieux leurs

logiques. Il est aussi possible d’introduire dans ce groupe de base des élèves avec qui ils sont en conflit

fréquent, afin qu’ils soient amenés, dans ce contexte de jeu, à s’intéresser aux autres, à prendre en

compte leur point de vue. Il pourrait être intéressant pour le groupe classe que certains élèves

partagent ces moments, hors conflit, où ils sont en petit comité et peuvent s’expliquer dans un cadre

posé.

Le choix des élèves est donc important dans le déroulé du jeu, pour que chacun puisse en tirer

le maximum de bénéfices, et pour ne pas contribuer à accentuer des dissensions préalables, ou

renforcer la solidarité d’un petit groupe au détriment des autres.

Diversion

L’influence de la caméra

La présence de la caméra amène-t-elle les élèves à « jouer », à affecter des attitudes qui ne

leur sont pas naturelles ? On pourrait craindre que, se sachant filmés, les réactions (gestes, paroles)

soient moins naturelles, plus contraintes.

La caméra est bien repérée par les élèves, qui y jettent parfois des coups d’œil ou en soulignent

la présence. Le fait d’être filmés leur vient à l’esprit en cas de situation qui leur paraît potentiellement

embarrassante pour l’un d’eux :

« Gaël et Julien lisent des situations sur les cartes vertes pendant que les autres cartes

sont ramassées. Ils rient lorsqu’ils en trouvent une « pour Alexandre » : les trois

plaisantent entre eux, à savoir s’ils vont lire une situation sur les filles, ce qui concernerait

en particulier leur ami Alexandre. Julien rappelle à Alexandre qu’il est filmé. » – Séance 3,

3e manche

Cette préoccupation vient en fait plutôt lors des moments de plaisanteries, mais cela ne

semble pas avoir une grande influence dans les réponses des élèves sur leurs émotions. Au cours du

jeu, les élèves semblent ne plus tenir compte de la caméra, bien qu’ils soient toujours conscients de sa

Page 29: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

30

présence. Notons d’ailleurs que si certains de leurs camarades de classe ont déjà exprimé clairement

leur crainte de passer un jour à l’écran, ces six élèves-ci n’ont jamais exprimé être impressionnés ou

gênés (ni attirés) par les caméras.

Un état d’excitation variable

Notons que l’écoute des élèves varie selon les phases, au cours d’une même séance : plutôt

convenable en première partie de séance, elle a tendance à se perdre au fil du temps. Par ailleurs,

l’idée de faire écrire les situations par les élèves, en séance 5, s’est avérée mauvaise sur ce plan. Lors

de la première séance, nous avions en effet nous-même choisi et lu les situations. Dès la deuxième

séance, ce sont les élèves qui ont les ont choisies à tour de rôle. Ils disent alors parfois choisir une

situation plutôt qu’une autre pour des raisons d’identification (« Il dit qu’il a fait exprès de choisir celle-

là parce que ça peut leur arriver de le faire ». – Gaël, séance 2, 2e manche). Lors de la dernière séance,

nous avons proposé aux élèves d’écrire des situations de leur choix. Cependant, ceux-ci n’ont pas joué

le jeu, n’attendant pas leur tour pour la lire, trop pressés d’en plaisanter avec leurs camarades. Ce n’est

sans doute pas la seule raison de l’état d’excitation prononcé des élèves lors de cette séance, mais cela

a sans conteste contribué à l’accentuer.

L’agitation des élèves est clairement perceptible lors de la dernière séance (qui se déroule,

précisons-le, l’avant-veille du départ en vacances d’hiver). Elle est marquée par :

- des élèves qui anticipent et pressent le jeu à plusieurs reprises (ils souhaitent retourner leurs

cartes alors que leurs camarades n’ont pas fini de s’exprimer) ;

- une grande importance prise par le décompte des points ;

- une émotion qui est souvent citée, mais peu expliquée, contrairement aux séances

précédentes où l’explication était souvent développée et riche ;

- des plaisanteries et marques d’excitation particulièrement présentes ;

- des conversations hors sujet plus nombreuses que lors des séances précédentes ;

- des rappels à l’ordre des élèves entre eux (Alexandre demandant notamment le silence) ;

- une P. E. qui intervient bien plus que lors des séances précédentes, notamment pour rappeler

les élèves aux règles du jeu, et pour questionner autour des émotions.

Le nombre de joueurs en jeu

Nous sommes mitigée sur le nombre d’élèves avec qui il paraît le plus souhaitable de jouer ;

cela dépendra certainement du comportement de ceux-ci, de la dynamique du groupe. Dans notre cas,

jouer à quatre nous paraît préférable pour favoriser l’écoute des autres, limiter les conversations

parallèles. Le professeur est alors plus disponible pour chacun, pour se concentrer sur les propos des

Page 30: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

31

élèves et moins sur la discipline de groupe. Par ailleurs, certains élèves se comportent différemment

en petit comité ou en comité plus étendu, et selon le public qui les entoure. Ici, le groupe choisi ne

fonctionnait plus après quelques séances, et en cas de poursuite, des changements se seraient avéré

nécessaires pour que nos objectifs d’apprentissage restent valables et réalisables.

Notons pour finir que quand les élèves s’excitent, c’est généralement en rapport avec le jeu.

La grande majorité des discussions engagées entre élèves a pour sujet le jeu en cours (discussions

autour de situations, anecdotes liées à ces situations, décompte des points, etc.). Plus rarement, des

questions sont posées sur le déroulé de la classe par ailleurs, dans d’autres matières, ou les élèves

échangent sur des histoires de vie de classe qu’ils partagent entre eux. Parfois, l’excitation des élèves

vient au fil de la séance (ex : séance 4), parfois elle commence dès le début du jeu (séance 5). Cet état

d’excitation rend difficile la bonne marche du jeu. La volonté de s’amuser, de rire, peut non seulement

fausser le choix de son émotion (l’élève choisira ce qu’il pense qui amusera les autres, et non ce qu’il

ressent), mais en plus la déconcentration favorise les erreurs dans le choix des émotions. Par exemple :

« Julien a fait une erreur et s’est mis une carte Feeling à lui-même. » - Séance 5, 3e manche.

B-2. La place et l’influence du professeur

Une posture qui se réfléchit

La nature des interventions de la professeure, sa position physique dans le groupe peuvent-

elles influencer les élèves dans leurs réponses ? Notons tout d’abord que nos interventions portent

0

10

20

30

40

50

Séance 1 Séance 2 Séance 3 Séance 4 Séance 5

Évolution des interventions de la P. E.(en nombre)

Autour du jeu Apprentissages

Gestion de groupe Autres

0

10

20

30

40

50

60

Séance 1 Séance 2 Séance 3 Séance 4 Séance 5

Évolution des interventions de la P. E.(en pourcentages)

Autour du jeu Apprentissages

Gestion de groupe Autres

Fig. 4 : Évolution du nombre d’interventions de la professeure des écoles, au fil des séances

Page 31: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

32

principalement sur les apprentissages (Fig. 4), bien que les propos liés aux règles du jeu ou à la gestion

de groupe soient également bien présents, et même en augmentation au fil des séances.

Notons, concernant la position physique, que nous nous sommes volontairement placée hors

du cercle de jeu, en marge, pour noter les points marqués (assise sur une chaise à la table des élèves,

à côté de la caméra). Nous nous déplacions parfois autour des élèves, nous arrêtant parfois derrière

l’un d’eux, notamment lorsqu’il s’agissait de ramasser des cartes, mais surtout pour faire cesser des

messes basses repérées ou pour calmer des élèves qui s’agitaient.

Les marques de jugement

Notre intervention orale était destinée à recadrer le jeu : inciter un élève à réfléchir quand il

se dispersait, ramener à l’explication d’une émotion, faire poursuivre la bonne marche du jeu quand

les élèves s’égaraient en anecdotes ou questionnements hors sujet. L’idée que nous avions de notre

rôle était d’être là pour amener le débat et l’équilibrer (notamment permettre à tous de s’exprimer).

Nous guidions la discussion, reformulions pour nous assurer que les élèves s’étaient bien fait

comprendre : ces interventions étaient cependant volontairement limitées, afin de permettre aux

élèves d’échanger entre eux. Il ne s’agissait pas de juger les émotions exprimées, ni de dire ce qu’il

« faudrait » ressentir : c’est aux élèves d’exprimer les variations d’émotions et de situations. Il n’y a

donc pas de jugement des émotions, juste un « D’accord » et une demande de justification.

Nous avons donné notre point de vue personnel en première séance : « Gaël demande à la

P. E. ce qu’elle avait mis comme émotion : la P. E. le dit et s’explique sur l’émotion exprimée » - Séance

1, premier tour d’essai. Au cours des séances suivantes, le point de vue exprimé par la P. E. est absent

ou presque. Lorsqu’il est présent, il ne porte plus sur sa propre émotion dans une situation donnée.

Dans un cas, il s’agit d’une opinion sur l’intérêt du jeu : « La P. E. répond que justement, c’est

intéressant d’essayer de deviner les émotions de ceux qu’on ne connaît pas forcément bien » - Séance

2, 2e manche. Dans un autre, il s’agit d’une réaction à une anecdote d’élève, sous-entendant que celui-

ci réagit avec excès : « C’était il y a deux ans quand même… » - Séance 4, 4e manche. Et enfin, la

dernière marque d’opinion personnelle porte sur une émotion qu’il serait possible de ressentir dans

une situation donnée : « Ça pourrait être : je suis impressionné » - Séance 5, 1ère manche.

Nous ne souhaitions donc pas que les élèves disent ce qu’ils pensent que la professeure

attendait, ce qu’ils pensent qu’il convient de dire, mais ce qu’ils ressentent et ce qu’ils pensent que

l’autre ressent réellement. Attention cependant : dans certains cas, il a paru nécessaire de « creuser »

au-delà d’une première réponse d’un élève. Une indifférence feinte face aux autres peut être

« fouillée », les questions plus poussées pour faire s’interroger l’élève. L’idée n’est alors pas qu’il

Page 32: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

33

change forcément sa réponse face aux autres, mais de lui faire observer si le sentiment qu’il exprime

est réellement celui qui est ressenti, s’il pense bien à la situation. Il s’agissait alors de « ralentir » le jeu,

de faire attention aux réponses précipitées et « pour les autres », souvent pour les amuser. Par

exemple :

« Bastien demande à Gaël : « Comment t’as deviné que j’allais faire ça ? ». Gaël lui répond

qu’il a mis au hasard en rigolant. La P. E. lui demande si c’était vraiment le cas (il ne savait

pas trop quoi mettre ?). Gaël précise qu’il hésitait entre « amusé » et « fier ». La P. E.

souligne qu’il ne s’agissait donc pas complètement d’un hasard, il avait déjà une idée de

la réponse. Gaël dit qu’il pensait que Bastien allait être fier parce qu’il est souvent content,

etc. » – Séance 1, 2e tour d’essai

Des paroles qui influencent

Un biais doit être souligné dans les questions que nous avons posées, pour développer les

justifications des élèves. Ça a été le cas notamment lors de la première séance (son visionnage après

coup a permis de repérer le biais et de travailler à l’effacer lors des séances suivantes). Les questions

s’orientent en effet facilement sur ce que nous ressentirions nous-même dans la situation exposée.

Les émotions suggérées ne sont pas neutres : les élèves ne seraient-ils pas dégoûtés ? impressionnés ?

Le vocabulaire qui vient et revient le plus facilement dans nos paroles est celui des émotions que nous

ressentirions probablement nous-même.

Un professeur plus ou moins présent

Notons que le fait que nous ne jouions pas avec les élèves n’était pas prévu ainsi au départ.

Lors de la première partie, le fait que les joueurs soient en nombre impair (en comptant la P. E.) rendait

l’appréhension du jeu plus compliquée. Nous nous sommes donc retirée. Au final, cela paraît plus

confortable pour les élèves : tenter de deviner les émotions de la professeure, qui fait figure d’autorité,

aurait pu mettre les élèves en position délicate. Les éléments en jeu dans leur choix risquaient alors

plus fortement d’interférer avec leur sincérité, qui était ici recherchée.

Il est possible d’envisager différemment le rôle du professeur, et de proposer par exemple des

séances sans aucune intervention, en assistant juste au jeu, en retrait, et en laissant faire les élèves

comme ils l’entendent. Il est aussi possible d’envisager une présence plus forte du professeur, qui

viendrait développer les réflexions des élèves, pour faire évoluer leurs points de vue : inviter plus

souvent les élèves à se mettre à la place des autres, étudier les questions pour en poser des

volontairement ouvertes ou fermées selon les circonstances. Le naturel des échanges a ici été

privilégié, mais cela peut évoluer selon le tempérament du professeur.

Page 33: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

34

Sur la présence d’un autre professeur

Une courte remarque doit être faite sur la présence d’un autre professeur, M. B., lors de la

séance 5. Rappelons que lors de cette séance, les situations ont été écrites par les élèves, et l’une

d’elles impliquait directement les deux professeurs des élèves (Mme Lodeho et Mme R.) et M. B.,

professeur de CM1. Dans ce cas, la question se pose de savoir si les élèves se sentent vraiment libres

de dire ce qu’ils ressentent, ce qu’ils pensent réellement, alors qu’ils sont en présence des

protagonistes de la situation inventée. Est-ce d’ailleurs important ? Cela ne le serait pas si notre

objectif n’était que d’apprendre à reconnaître sa propre émotion : l’élève pourrait très bien la

reconnaître sans la donner aux autres. Ici, les élèves sont gênés (les rires nerveux sont nombreux) et

projettent d’ailleurs cette gêne sur leur professeure. Ce qui est à craindre est que non seulement les

élèves ne soient pas sincères dans leurs réponses et leurs explications, mais en plus soient

déconcentrés et cherchent avec difficulté l’émotion de leur partenaire. Ici, l’idée de s’amuser a

clairement perturbé l’intérêt du jeu.

Si la présence d’un professeur peut d’une certaine façon limiter les élèves dans leurs

expressions (ils n’oseront peut-être pas « tout » dire face à lui), cela n’a pas paru particulièrement

compromettant pour nos objectifs d’apprentissages. Lors d’une séance ultérieure qui n’a pas été

enregistrée, Alexandre nous a par ailleurs confié qu’il comptait mettre telle émotion, dans telle

situation, en raison de notre présence, mais que sinon il aurait plutôt choisi telle autre : il témoigne

ainsi d’une aisance certaine à nous révéler l’émotion qu’il aurait mise en notre absence. Mais il faut

veiller à ne pas impliquer le professeur dans les situations données (en tout cas pas en présence de

celui-ci), afin de préserver l’intérêt du jeu.

C. Pour une observation approfondie

Il est possible de reprendre les données recueillies pour en faire une analyse plus approfondie.

La méthodologie variera en fonction de la question posée. Plusieurs sont dignes d’intérêt :

- Les propos des élèves : les élèves sont-ils spontanément centrés sur eux dans leurs propos, ou le

sont-ils parce que le P. E. les guide dans cette direction (en leur posant, par exemple, des questions

sur leurs ressentis et pas ceux des autres) ?

- Quel type de relation entretiennent les élèves et leur professeur, et cela influence-t-il les réponses

données ? (affectivité, distance, crainte, etc.).

- Le P. E. interagit-il avec tous les élèves, ou certains apparaissent-ils privilégiés ?

- De quelle manière les élèves expriment-ils leurs émotions ? Certains sont en effet gestuellement

expressifs, d’autres passent par le langage oral.

Page 34: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

35

- Les émotions originellement exprimées lors de l’annonce de la situation (perceptibles

visuellement, notamment) sont-elles les mêmes que celles qui sont posées par carte, une fois

réfléchies ?

Le recueil de telles données permettrait peut-être de faire ressortir des points qui ne nous sont

pas apparus jusqu’ici.

Page 35: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

36

Discussion

A. Les émotions dans le jeu Feelings

A-1. Bilan des résultats obtenus

Le travail mené avait pour objectif de développer le sens de d’empathie chez les élèves de

notre classe. Le jeu Feelings a été utilisé dans cette optique, comme un espace où les élèves pouvaient

exprimer leurs émotions et échanger entre eux autour de celles-ci. Cet échange a cours en présence

du professeur habituel des élèves. Nous cherchions, par notre étude, les modalités paraissant les

meilleures pour un travail sur les émotions à partir de ce jeu. Nous nous posions la question de savoir

si empathie émotionnelle et cognitive pouvaient être également développées par ce jeu, si les élèves

exprimaient bien les émotions qu’ils ressentaient, ou encore si la posture du professeur pouvait

influencer les élèves dans l’expression de leurs émotions. Quels obstacles étaient donc rencontrés dans

le travail sur les émotions, comment les surmonter, et les apprentissages pouvaient-ils tout de même

avoir lieu en leur présence ?

Les principaux résultats de notre étude peuvent être ainsi résumés :

L’empathie peut être développée sans que les élèves expliquent forcément l’émotion

ressentie : ils cherchent de toute façon l’émotion de leur partenaire, pour marquer un

maximum de points. Par l’observation des récurrences, les élèves vont alors tenter de deviner

les émotions des autres (tel élève est toujours « étonné », il devrait donc ressentir telle

émotion dans telle situation). Mais la justification permet de développer l’empathie cognitive,

elle permet à chacun de mieux connaître l’autre et ainsi de mieux connaître ses réactions

possibles aux situations. Les élèves perçoivent cette phase comme un ralentissement au jeu,

mais elle a pourtant un effet à moyen terme, et son développement permet aux élèves de

marquer plus de points au final.

Les élèves semblent bien exprimer l’émotion qu’ils ressentent, ou plutôt leur sentiment (après

une réflexion construite). Celui-ci peut différer de l’émotion première ressentie face à une

situation. La diversité des émotions données à chaque manche montre que les élèves ne

cherchent apparemment pas à donner une émotion « type », qu’ils penseraient attendue par

les autres (les réponses données seraient alors plus homogènes). Bien que leur sincérité soit

parfois mise en doute par leurs camarades (notamment quand l’émotion citée n’est pas

Page 36: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

37

comprise), les élèves semblent s’exprimer assez librement (l’influence de la caméra paraît

négligeable, celle de la professeure n’est importante que dans les situations embarrassantes).

La posture du professeur s’avère importante, notamment sa manière de relancer les échanges

entre élèves (jugement émis ou non). Sa présence peut être utile pour garder le sérieux dans

les débats, et notamment pour retrouver de la sincérité, face à une réponse donnée trop vite

par un élève pour amuser les autres. Il doit cependant prendre garde à rester assez en retrait

pour ne pas influencer les réponses des élèves (par des suggestions involontairement dirigées).

Il peut permettre d’équilibrer les échanges dans le groupe, et permettre ainsi à tous de

s’exprimer, pour qu’il n’y ait pas d’élève lésé.

Parmi les obstacles rencontrés, il faut noter que l’aisance des élèves face au jeu, au fil des

séances, s’est manifesté par un plus grand détachement de son objectif premier (le travail sur les

émotions) pour accentuer son intérêt ludique. Cela a certainement compromis nos objectifs

d’apprentissage. L’acquisition du vocabulaire, le fait de donner son émotion et de l’expliquer ont bien

été intégrés par les élèves, mais l’écoute des autres (et donc l’empathie) reste à travailler. Cela pourrait

être favorisé par l’instauration de règles plus strictes au jeu, comme l’impératif de ne pas se couper la

parole, par exemple. Des injonctions faites en ce sens n’ont pas été ici respectées par les élèves, et il

faudrait donc améliorer le dispositif de cadrage pour surmonter cet écueil. Il est possible d’apporter

ici des éléments de régulation de débats, comme il en existe pour des débats à portée philosophique

en classe, par exemple (inducteurs de parole, etc.).

A-2. Limites du travail proposé

Le jeu Feelings ne permet pas de travailler les émotions sous tous leurs aspects : il n’y a par

exemple pas, ici, de prise en considération des perceptions physiques liées aux émotions. Nous ne

sommes pas dans un exercice d’observation physique de ses émotions (appréhension des émotions

par le corps, ressenti et observation) : l’élève est amené à réfléchir son émotion plus qu’à la ressentir.

Mais l’esprit ne peut-il pas être trompeur ?

Les échanges au sujet des émotions sont complexes et il est certain que les élèves n’en

distinguent pas toutes les facettes. L’élève cherche en effet l’émotion qu’il ressentirait,

théoriquement, dans une situation donnée. En l’expliquant, il explique le « pourquoi » : « Je serais

triste parce que ». Le fait qu’un autre élève donne une émotion différente dans une même situation

met les élèves dans une situation de conflit : l’un d’eux a-t-il raison ou a-t-il tort ? Y a-t-il une émotion

qu’il serait plus juste de ressentir plutôt qu’une autre dans une situation donnée ? Les interactions

entre élèves peuvent permettre à chacun de faire évoluer son point de vue, et ce faisant de permettre

un certain développement moral : une émotion face à une situation peut être expliquée comme

Page 37: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

38

biaisée par un élève, qui argumentera que pour telle autre raison (considérée comme moralement

supérieure), une autre émotion peut être ressentie. Reprenons l’exemple donné en partie 1 : Face à

une même situation, un enfant peut ressentir de la colère face à un de ses amis qui se fera sanctionner,

tandis qu’un autre reconnaîtra la justesse de la sanction si l’ami en question avait commis un acte

nuisant à autrui. Mais toutes les situations ne se prêtent pas à cette simple distinction. Dans la plupart

des situations, la complexité vient de ce que l’émotion variera non seulement en fonction du sens

moral de l’élève, mais aussi en fonction de son tempérament (et aucun n’apparaît alors plus justifié

qu’un autre). C’est par la pratique que les élèves peuvent s’entraîner à distinguer ces sources possibles

de variations, et apprendre à réagir en fonction. Des développements en classe pourraient s’avérer

bien utiles pour apprendre aux élèves à éclaircir ces points (mais peut-être cela serait-il plus adapté à

l’enseignement secondaire ?).

B. Des obstacles cognitifs

B-1. La peur du jugement

L’aspect sans doute le plus délicat dans notre recherche est de parvenir, dans un travail de

groupe, à faire réfléchir les élèves sur des éléments qui peuvent relever de l’intime pour eux (leurs

pensées, leurs émotions face à certains événements). C’est une difficulté qui a été perçue avant tout

dans le travail des émotions en classe, plus que lors du jeu Feelings.

Notre idée est en effet d’expliquer pensées et émotions en cherchant à émettre un jugement

juste sur ces dernières. Pour cela, l’honnêteté est fondamentale : il ne faut pas se mentir à soi-même,

dans l’explication de ses ressentis. Mais c’est un prérequis bien délicat à obtenir chez des enfants de

cet âge, puisqu’il nécessite un certain recul sur soi ; par ailleurs, aucun « contrôle » extérieur n’apparaît

possible. Le biais peut être important entre ce que l’enfant pense et ce qu’il va dire à l’adulte : pour

beaucoup, se dévoiler aux autres (et en particulier à une autorité) peut être source de honte ou

d’angoisse. La volonté de bien paraître risque de dépasser la nécessité de l’honnêteté pour progresser.

Tenter de surmonter ces obstacles semble bien illusoire, tant ils tiennent à une situation

hiérarchique qu’il est impossible de supprimer. Le professeur des écoles peut chercher à instaurer un

climat de confiance, afin que l’élève sache que ce qu’il dit ne sera pas répété, pas rapporté aux parents,

mais cela ne s’instaure que dans un temps long, quand l’élève a la preuve que le professeur tient bien

parole. Il est peut-être plus important, encore, de ne pas forcément chercher à faire parler l’élève sur

ses émotions, de le laisser libre d’y réfléchir par lui-même, et qu’il sache qu’il peut garder pour lui ce

qu’il pense, et qu’on ne l’interrogera pas dessus s’il ne le souhaite pas (le professeur travaillera alors

avec l’élève sur les émotions mais hors du jeu Feelings).

Page 38: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

39

Un enfant qui craint le jugement et réserve son expression peut aussi être amené à travailler

sur les émotions des autres, pour au moins apprendre à utiliser le vocabulaire qui les caractérise (ce

qui peut l’aider par la suite dans sa réflexion sur lui-même). Le professeur peut alors veiller à utiliser

lui-même au quotidien des formulations qui permettront aux élèves de se familiariser avec cette façon

de fonctionner.

Et nous parlons ici d’émotions communes pour les élèves, des émotions du quotidien, pas

nécessairement d’événements traumatisants dont il serait particulièrement délicat de parler (le

professeur des écoles sortirait ici de son rôle). Le dégoût face à un aliment, la surprise face à un

contrôle non prévu, la colère suite à son matériel que l’on retrouve dégradé, peuvent être abordés

sans difficulté avec les élèves.

B-2. La question du développement des enfants

Les élèves sont-ils « prêts » à acquérir ces savoirs, sont-ils capables de les comprendre ? Et,

s’ils comprennent la démarche, l’appliquent-ils parce que le professeur leur demande de l’appliquer,

ou parce qu’ils ont compris que c’était dans leur intérêt propre ?

Est-il bien utile d’enseigner à des élèves qui ne seraient pas prêts à comprendre

l’enseignement ? Notre expérience en classe nous a montré que les élèves qui la constituaient en

étaient chacun à des stades de développement moral très différents. Certains élèves, dès le début de

l’année, ont témoigné d’une grande maturité, de comportements empathiques déjà très développés.

D’autres, en revanche, pourtant parfois à l’aise dans les apprentissages scolaires, vifs à comprendre,

témoignaient de difficultés à se décentrer pour chercher à comprendre le point de vue d’un autre.

En collectif, il nous a semblé important, malgré les écarts de maturité, de persister à donner

une première approche, même si elle n’était pas encore saisie par tous. Nous ne pouvons en effet pas

savoir quels éléments chacun va s’approprier, mais puisque certains étaient prêts à saisir l’ensemble,

il fallait leur permettre de construire peu à peu les outils auxquels ils pourront se référer en temps

voulu.

B-3. De la théorie à la pratique

C’est pour cela qu’il nous a semblé légitime, lors de nos séances, d’allier l’enseignement

conceptuel à des mises en situation. Cependant, ces situations restent théoriques, et ne reflètent pas

forcément l’attitude qui serait celle de l’élève face à la même situation si elle se présentait dans la

réalité. C’est aussi pour cela que l’enseignement doit trouver des prolongements dans la pratique

quotidienne du professeur, notamment dans la résolution de conflits en classe ou dans la cour de

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40

récréation. Pour progresser dans leur développement moral et dans la gestion de leurs émotions, il

nous semble que les élèves doivent être mis à l’épreuve, et qu’il peut être bon de faire un retour sur

ces expériences qui les concernent directement.

Tout comme les dilemmes moraux, avec lesquels il est possible de travailler en classe (voir par

exemple les ressources proposées sur le site internet Éduscol, ou le numéro spécial du magazine Entre-

vues, 1990), nous engageons les élèves, avec le jeu Feelings, à réagir à distance, sur des réactions

théoriques, sans être « à chaud », ou en état de choc émotionnel comme cela peut se produire dans

la vie courante. Cela présente des avantages comme des inconvénients. Dans la réalité des faits, les

élèves pourront avoir des réactions différentes de celles qu’ils prédisent (ce n’est pas certain, mais

c’est une possibilité). L’effet de groupe avait ainsi été évoqué par Julien et Alexandre, avant le travail

en APC, pour expliquer leurs propos blessants (ils se laissent entraîner par un élève et se retrouvent

dans des situations qu’ils perçoivent comme injustes). Ils prévoient ainsi par avance leur tendance à se

laisser entraîner par d’autres. Ce type de propos peut engager les élèves à travailler sur leur affirmation

d’eux-mêmes, comme sur l’empathie.

C. Le discours et les pratiques quotidiennes

C-1. Le travail sur les émotions, un « fil rouge » dans la classe

Nous l’avons mentionné plus haut : l’utilisation du jeu Feelings n’est qu’un sous-aspect d’un

système plus global mis en place dans la classe, avec pour fil rouge l’étude des émotions et des valeurs.

C’est un travail qui trouve tout son sens dans cet ensemble, et il faut ici en citer quelques aspects, pour

comprendre l’attitude des élèves face au jeu.

Les élèves étaient en effet déjà familiarisés avec le vocabulaire des émotions, leur expression.

Une séquence y avait été dédiée en enseignement moral et civique, et un prolongement en avait été

fait en arts visuels (cinéma), avec la projection du film Vice-Versa (Walt Disney 2015), permettant le

réinvestissement du vocabulaire étudié (différentes émotions, personnalité, sentiments). Nos séances

de langage oral étaient également en lien, notamment par un travail de théâtre sur l’expression des

émotions (les élèves étaient invités à jouer des scènes du film). L’intérêt du théâtre, même s’il ne

convient pas à tous, est la familiarisation avec les émotions tout en jouant un personnage. La

distanciation peut rendre l’exercice plus facile pour certains. Ce travail a d’ailleurs été réinvesti par

certains élèves, qui ont choisi de créer des pièces de théâtre qu’ils ont présentées en classe : les

commentaires des élèves après ces pièces ont montré qu’ils avaient bien intégré le vocabulaire des

émotions étudié, ainsi que les questionnements amenés depuis le début de l’année.

Page 40: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

41

Lors de séances de récitations de poésies, source de stress pour de nombreux élèves, les

exercices de respiration, accompagnés d’autres conseils, sont par ailleurs réinvestis. Le travail sur les

émotions prend alors corps. L’adhésion des élèves à la pratique de la relaxation nous a par ailleurs

amenée à réfléchir à la possibilité d’en proposer des prolongements, en EPS par exemple : des séances

de yoga pourraient ainsi tout à fait être envisagées. Dans une salle adaptée, cela permettrait,

notamment, de pratiquer des exercices allongés, et de sortir de l’espace classe où certains peinent à

quitter leurs habitudes de contrôle d’eux-mêmes.

Notons que le lexique des émotions et des sentiments peut également être travaillé par l’étude

de la langue et la production d’écrit. Grossmann & Boch (2003, p. 127) proposent ainsi une démarche,

appliquée à une classe de CM2, partant d’une expérience vécue par les élèves à l’école (sortie scolaire,

nouvelle activité en EPS). Cela peut permettre d’apprendre à relier les émotions et les réactions,

expliquer les réactions des personnages dans un récit par exemple. De nombreux thèmes peuvent

être travaillés avec les élèves en Français : l’empathie peut être travaillée par la notion de point de

vue, en cherchant à se mettre à la place d’un personnage autre que le protagoniste d’une histoire.

Il est aussi possible d’envisager l’option d’un cahier d’écrivain, qui serait ici comme un journal

intime de l’élève, destiné à son seul usage dans le cadre de la classe : il pourrait y consigner ses

émotions, ses sentiments, et en l’occurrence y mener le travail demandé, sans avoir en pensée que cet

écrit sera lu par quelqu’un d’autre ou jeté une fois formulé. Le professeur pourrait envisager

d’exploiter pédagogiquement ces supports pour en assurer la reconnaissance (sans nécessairement

les lire directement). Il est possible, par exemple, de demander aux élèves de les reprendre pour écrire

un texte sur un thème donné en lien avec la vie de classe : inventer une histoire où il faudrait mettre

les sentiments d’une personne face à une situation, en utilisant son propre vécu en référence. Il serait

ainsi possible pour le professeur de valider le réinvestissement fait par les élèves grâce à cette trace

écrite.

D’autres jeux, que nous n’avons pas testés en classe, pourraient peut-être aider au

développement des capacités d’empathie : Dixit (qui permet de travailler sur l’imaginaire), Gift trap

(où il faut deviner les cadeaux qui pourraient faire plaisir à l’autre), ou plus tard, pour des adolescents,

le jeu 8e dimension (avec pour objectifs, entre autres, d’exprimer ses pensées et de s’affirmer).

Il existe également des ateliers utilisant le corps : cette démarche est d’autant plus

intéressante qu’elle permet de travailler l’observation des autres, la prise en compte de leurs signaux

physiques, et elle permet de travailler avec l’ensemble du groupe-classe sur des activités qui peuvent

leur paraître ludiques (voir Zanna, 2015). Dans la classe, le « Jeu des mousquetaires » (Zanna, 2015,

p. 73) a été testé en EPS, avec des équipes décidées par nous-même afin qu’elles soient mixtes et ne

Page 41: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

42

correspondent pas aux affinités constatées en classe. Des élèves fréquemment en conflit ont ainsi été

amenés à travailler ensemble en équipe. Ce principe de jeu peut d’ailleurs trouver écho dans le

quotidien des élèves, où il peut leur être rappelé que, par exemple face à un élève portant une charge

lourde et qui fatigue, d’autres peuvent se proposer à lui en relais.

Notons que tous les travaux en rapport avec les émotions ne sont pas forcément en accord

avec la conception ici évoquée des relations humaines. La communication non-violente, par exemple,

se base sur des principes qui ne correspondent pas tout à fait avec le lien que nous proposons

(notamment, dès le départ : éviter d’utiliser des jugements et évaluations lors de l’observation d’une

situation) (Rosenberg, 2004). La gestion des relations entre élèves qui en découle peut être fort

différente. Plutôt que de ne pas juger, il nous paraît plus important d’apprendre en quoi un jugement

peut être malvenu dans certaines circonstances, ou en quoi il peut être nécessaire dans d’autres (à

quel moment le garder pour soi, à quel moment l’exprimer et comment).

Dans tous les cas, inviter un élève à se mettre à la place de l’autre paraît bénéfique. Et c’est

d’ailleurs une idée que l’on peut appliquer dans les sanctions.

C-2. Un apprentissage qui demande du temps

Il faut souligner que l’enseignement ne peut avoir d’effet réel que si les personnes en charge

des élèves le reste du temps y adhèrent et le promeuvent également. Et c’est là un des écueils de notre

démarche. Un élève du groupe de jeu Feelings nous a ainsi confié que l’activité n’était pas prise au

sérieux par sa mère : elle ne s’oppose pas à ce que son fils « joue » avec la professeure, tant que cela

n’a pas de répercussions sur son travail en classe. L’explication donnée aux parents en préalable à ce

travail en APC n’a donc pas suffi à en faire comprendre l’intérêt à tous. Pour qu’ils aient de l’effet, ce

sont pourtant des exercices qui doivent être pris au sérieux, au même titre qu’un exercice de

mathématiques ou de français. Cela demande de l’entraînement, comme le développement de tout

type d’intelligence. On gagnerait d’ailleurs, pour ce système, à observer l’intelligence des enfants sous

différentes formes (voir les théories des intelligences multiples de H. Gardner ; Gardner, 1996). Pour

qu’ils comprennent mieux l’autre, parviennent à saisir les différentes réactions possibles face à une

situation, il serait ainsi bon qu’ils aient une perception de l’intelligence qui ne soit pas celle

traditionnellement diffusée (qui passe bien souvent par le quotient intellectuel).

Les connaissances et compétences que l’on souhaite développer chez les élèves sont déclinées

dans les Instructions officielles, et notamment le Bulletin officiel spécial no 6 du 25 juin 2015 détaillant

les programmes d’Enseignement moral et civique.

Page 42: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

43

Dès le cycle 2, apparaissent ainsi les objets d’enseignement suivants, sous l’item « La

sensibilité : soi et les autres » :

- Connaissance et reconnaissance des émotions de base (peur, colère, tristesse, joie).

- Connaissance et structuration du vocabulaire des sentiments et des émotions.

- Expérience de la diversité des expressions des émotions et des sentiments.

Avec, notamment, ces objectifs de formation :

1. Identifier et exprimer en les régulant ses émotions et ses sentiments.

2. S'estimer et être capable d'écoute et d'empathie. (B.O., 2015, p. 16)

L’item « Le jugement : penser par soi-même et avec les autres » inclut également nombre de

nos préoccupations. Les objectifs de formation sont les suivants :

1. Développer les aptitudes à la réflexion critique : en recherchant les critères de validité des

jugements moraux ; en confrontant ses jugements à ceux d'autrui dans une discussion ou un

débat argumenté.

2. Différencier son intérêt particulier de l'intérêt général.

Ces éléments se voient prolongés au Cycle 3, sous les mêmes entrées. Figure alors, en objet

d’enseignement, la « Connaissance et structuration du vocabulaire des sentiments et des émotions »,

avec en proposition d’activité, entre autres, des jeux théâtraux (B.O., 2015, p. 11). Est également

notable la présence de l’entrée : « Les critères du jugement moral : le bien et le mal, le juste et

l'injuste ».

Le temps nécessaire à l’apprentissage paraît être un paramètre essentiel pour sa réussite : il

faut noter que l’enseignement proposé pourrait être adapté, avec différents niveaux d’exigences, à

des enfants plus jeunes comme à des adolescents, voire à des adultes. Il aurait ainsi été possible d’aller

plus loin dans notre travail si le vocabulaire des émotions avait déjà été maîtrisé par les élèves, ce qui

est à la portée d’élèves de cycle 2 (des ouvrages adaptés existent déjà : voir Zürcher & Nicolet, 2012,

par exemple, pour les enfants dès l’âge de 7 ans). Le travail sur l’empathie peut, lui, être abordé dès la

maternelle (Circonscription de Dieppe Ouest, 2016). Les objectifs d’apprentissage suivront le

développement psychologique de l’enfant, et notamment leur prise de conscience progressive de leur

corps. L’Instance régionale d’Éducation et de promotion de la santé des Pays de la Loire (IREPS)

propose également nombre d’activités en lien avec le travail des émotions, dans l’optique du

développement des compétences psycho-sociales des élèves (voir le site internet de l’IREPS Pays de la

Loire, « Le cartable des compétences psychosociales »). Les équipes de l’IREPS proposent d’ailleurs un

accompagnement des professeurs dans cette démarche, leur offrant outils, formation, et l’assurance

Page 43: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

44

d’un cadre déjà éprouvé sur le terrain. Par ailleurs, le travail sur la personnalité est complexe et devrait

être pour le moins poursuivi dans l’enseignement secondaire pour que les élèves en saisissent bien

quelques clefs pour un recul sur eux-mêmes, ô combien important à l’adolescence.

Les pistes ici présentées visent à être développées dans des compétences de cycle, au sein

d’un projet d’école. Cela peut être un projet ambitieux et réalisable, mais il ne peut avoir d’effet seul,

en restant isolé dans la scolarité d’un élève. Tout comme naissent aujourd’hui des projets emportant

l’adhésion de l’ensemble d’une équipe pédagogique, notamment sur des questions

environnementales (voir par exemple des écoles « Zéro déchet » qui sensibilisent enfants et adultes –

Saumur Agglopropreté 2016), il est bien possible que d’autres apparaissent, intégrant de manière

forte et claire la dimension émotionnelle à l’éducation. Ce qui est aujourd’hui souvent perçu comme

de l’affect, de l’intime, et hors du champ d’action de l’enseignant peut tout à fait être relativisé d’une

autre façon, dédramatisé, et respecté pour son caractère personnel tout en faisant l’objet d’un

enseignement instructif et constructif pour les enfants. Et pour être réellement efficace, nous pensons

que cela doit faire partie d’un système : un tel enseignement ne peut fonctionner si, d’un autre côté,

un fonctionnement délétère se perpétue (pression dans le travail, stress). Le discours doit être

accompagné des pratiques associées pour faire sens auprès des élèves.

Page 44: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

45

CONCLUSION

Apprendre aux élèves à reconnaître leurs émotions, les expliquer, et comprendre celles des

autres, voici le projet que nous nous proposions de développer dans ce mémoire. Nous avons choisi,

pour ce faire, d’étudier l’utilisation du jeu de société Feelings en activité pédagogique complémentaire.

Ce travail n’était pas isolé : il était mené parmi d’autres dispositifs de classe proposés autour

des pensées et des émotions. Dans ce projet d’ensemble, plusieurs objectifs d’apprentissage ont

structuré notre travail :

prendre conscience de ses émotions et de leur possible maîtrise ;

écouter ses perceptions physiques (prendre le temps de prendre conscience de sa respiration,

s’accorder des temps de relaxation) ;

savoir exprimer ses émotions, expliquer pourquoi on les ressent ;

développer le sens de l’empathie (compréhension des émotions et du raisonnement d’autrui).

Comment donc travailler sur les émotions à partir du jeu Feelings ? Ce jeu permettait-il aux

élèves d’exprimer leurs ressentis réels, n’y avait-il pas de risques de feintes ? Comment surmonter les

difficultés rencontrées, comment permettre aux élèves d’apprendre et d’évoluer sur ces sujets ?

Au fil des séances, les élèves ont montré leur capacité à exprimer leurs émotions et à les

expliquer. Écouter celles des autres et les deviner s’est avéré plus délicat. Des éléments

potentiellement perturbateurs nous sont apparus dans le placement du professeur (quel rôle, quels

propos tenus, quels jugements éventuellement portés sur les élèves) comme dans la dynamique de

groupe (quels élèves mis à jouer ensemble). Les obstacles n’étaient ici pas du même ordre que ceux

qui ont pu apparaître lors d’enseignements théoriques, en classe : en classe, les concepts abstraits

paraissaient difficiles à saisir pour certains, tandis que d’autres éprouvaient des difficultés à exprimer

leurs émotions, que ce soit en raison de leur crainte du regard des autres, de leur tempérament, ou de

leur stade de développement. Avec le jeu Feelings, il n’y a pas d’erreur majeure de compréhension, et

la distance existante avec les situations permet aux élèves de manier ces concepts sans crainte. La

pratique du jeu a bien permis aux élèves qui en ont bénéficié d’exprimer leurs émotions dans un cadre

sécurisé. Cette étude nous a permis d’affiner nos propositions pour tenter de surmonter, à l’avenir, les

difficultés observées.

Au fil de l’année, certains élèves de la classe ont évolué dans leurs comportements, qu’ils aient

participé ou non aux séances de jeu Feelings. L’ouverture à l’expression des émotions et à leur

Page 45: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

46

explication a permis, par exemple, à Simon de mieux contrôler son impulsivité, bien qu’il y en ait encore

quelques traces rémanentes. Il a appris à s’exprimer, à mettre des mots sur des situations qui

provoquaient chez lui un réel mal-être. L’accompagnement des parents a ici été fondamental, comme

dans le cas de Morgan : c’est avec l’aide de ses parents que des comportements ont pu être décryptés,

analysés, et une attention portée pour tenter de favoriser un mieux-être en classe. Charlotte, elle, est

restée fâchée avec l’école, et c’est par ses écrits libres que ressortaient des émotions sur lesquelles il

aurait été bon de revenir, dans un cadre privé.

Alexandre et Julien ont évolué dans leurs comportements au fil des mois, sans doute en raison

des efforts communs menés par l’ensemble de l’équipe pédagogique les entourant. Des

comportements empathiques difficiles à imaginer en début d’année ont ainsi été observés.

Il paraît difficile de déterminer à quel niveau le jeu Feelings a fait évoluer les comportements

des élèves, si c’est bien le cas. Il nous est impossible de distinguer ce qui est attribuable au jeu ou à

d’autres activités mises en place, ce qui peut être attribué à l’équipe pédagogique, aux parents, aux

autres camarades, ou encore à la seule croissance de l’enfant, au fait qu’il grandisse en société et en

apprenne chaque jour, indépendamment des activités que nous pouvons proposer. Nous n’avons pas

ici de groupe de contrôle pour lier de manière systématique les dispositifs à leurs effets. Quoi qu’il en

soit, le jeu Feeling n’apparaît pas comme une solution miraculeuse pour résoudre des comportements

d’élèves néfastes à un groupe. Mais il s’agit, certainement, d’une piste de développement d’une forme

d’intelligence, celle qui permet à toutes les autres de coexister.

Page 46: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

47

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Page 50: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

51

Annexes

Séance 1 APC : Initiation au jeu Feelings

Déroulement effectif de la séance

Phase 1 : Introduction à la séquence

Les quatre élèves s’installent autour de la table d’atelier (la salle utilisée est celle du professeur

de CM1, pour des raisons pratiques – indisponibilité de la salle de classe des CM2 sur ce créneau

horaire).

La P. E. leur rappelle pourquoi ils sont là : suite aux remarques nombreuses faites à leur sujet

par d’autres élèves de la classe (moqueries, rejets), il a paru nécessaire de travailler avec eux sur

l’empathie. Retour sur la définition de l’empathie, l’idée de se mettre à la place des autres. Explication

du projet sur les cinq séances d’APC programmées entre les congés de Noël et ceux de février :

utilisation du jeu Feelings comme support, explications de la présence de la caméra et sur le type

d’exploitation possible des images.

Début de la séquence filmée

Phase 2 : Découverte du jeu

Prise en main du jeu par la P. E., qui y joue aussi pour la première fois en situation réelle.

Découverte par les élèves du plateau, jetons, cartes.

Pendant cette phase d’installation du matériel, Bastien prend une carte verte et lit une

situation : « Ton équipe préférée gagne la finale sur une tricherie ». Il la reformule et les élèves

commencent à en débattre : seraient-ils contents, pas contents, ou indifférents comme Alexandre, qui

dit que « ce n’est pas notre problème ». Pour Gaël, « Tout dépend de la tricherie ». La P. E. les laisse

échanger entre eux, sans intervenir.

Le plateau est installé, les cartes « émotion » posées. Vérification de la bonne compréhension

du vocabulaire par la P. E. (« Je suis comblé », « Je suis touché », etc.), mais passage sans doute trop

rapide : « comblé » ne paraît pas compris par tous.

Phase 3 : Premier tour d’essai (4 min 30 s)

Explication des règles : le lecteur choisit la situation qu’il préfère parmi les trois proposées sur

la carte. Première situation lue (choisie par la P. E.) : « Ton meilleur ami a toujours ce qu’il veut pour

Noël ». Les élèves doivent choisir, sur les cartes du plateau, l’émotion qui est la plus proche de celle

qu’ils ressentiraient dans cette situation.

Bastien exprime son émotion, s’explique. Mais les autres élèves ne sont pas attentifs : deux

conversations parallèles s’engagent alors, Bastien face à la P. E. d’un côté, et d’un autre les trois autres

élèves qui échangent sur une incompréhension de Julien. Après l’explication de Bastien, la P. E. fait

s’exprimer Gaël (son coéquipier), et en vient après à Julien et Alexandre : l’incompréhension de Julien

est alors exposée et résolue.

Page 51: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

52

Ensuite, les élèves justifient les émotions qu’ils ont décrites. Ils s’expliquent sur la variation

possible des émotions selon la situation : l’émotion dépend de si nous aussi avons eu ce que nous

voulions à Noël ou pas, etc.

Explication progressive du jeu, au fil de sa mise en place : utilité de la carte Feelings, décompte

des points, etc.

À la fin de la manche, la P. E. s’interroge sur son rôle, si elle doit prendre part au jeu avec les

élèves. Choix de se mettre en retrait pour simplifier le jeu : poursuite comme au premier tour d’essai

pour que les élèves s’y habituent, et la P. E. reste lectrice de la situation. Gaël demande à la P. E. ce

qu’elle avait mis comme émotion : la P. E. le dit et s’explique sur l’émotion exprimée.

Phase 4 : Deuxième tour d’essai (14’56)

Le temps restant est court pour s’engager dans une nouvelle manche (il ne reste que quelques

minutes avant la fin de la séance). Mais les élèves se montrant partants pour un nouveau tour, une

nouvelle manche rapide est consentie.

Situation : « Fin d’année scolaire, tu dois te produire dans un spectacle devant tout le monde ».

Les élèves réagissent encore de suite pour dire que « ça dépend » : devant qui exactement ?

Quelle est la nature du spectacle ? (un truc « bien » ou ridicule ?). La P. E. ne donne pas plus de

précisions sur la situation, si ce n’est qu’il s’agit d’un spectacle à l’école.

Après que les élèves ont fait leurs choix et que les cartes ont été retournées, le professeur

souligne que chaque élève a mis une émotion différente dans cette situation. Bastien demande à

expliquer le pourquoi de l’émotion exposée, la P. E. le laisse s’exprimer s’il le souhaite.

Développement, au cours de l’échange, sur d’autres émotions possibles, pas placées sur le plateau :

ne serait-il pas impressionné ? Les échanges sont riches : fierté de présenter quelque chose aux autres

(mais l’émotion dépendra de si on présente quelque chose seul ou en groupe), peur de rater quelque

chose, déçu ou dégoûté si on rate quelque chose, touché si on nous applaudit et que c’était bien.

Bastien demande à Gaël : « Comment t’as deviné que j’allais faire ça ? ». Gaël lui répond qu’il

a mis au hasard en rigolant. La P. E. lui demande si c’était vraiment le cas (il ne savait pas trop quoi

mettre ?). Gaël précise qu’il hésitait entre « amusé » et « fier ». La P. E. souligne qu’il ne s’agissait donc

pas complètement d’un hasard, il avait déjà une idée de la réponse. Gaël dit qu’il pensait que Bastien

allait être fier parce qu’il est souvent content, etc.

Bastien dit que si Florian [autre élève de la classe] avait été là, il aurait mis telle autre émotion.

La P. E. ne développe pas sur ce point, sur les émotions supposées d’un élève ici absent.

Fin de jeu, les élèves disent spontanément avoir apprécié. Ils interrogent pour finir la P. E. sur

la possibilité d’intégrer d’autres camarades de classe au jeu (Florian et qui ?).

Fin de la séquence filmée (22’33)

Page 52: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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Séance 2 APC : Feelings – 2e séance

Déroulement effectif de la séance

Cette semaine, toujours quatre élèves autour de la table, mais Bastien, absent pour maladie,

a été remplacé par Florian, qui a accepté la proposition de se joindre au groupe.

Début de la séquence filmée

Tour d’essai

Mise en place du jeu, définition du vocabulaire problématique, et premier tour d’essai pour

expliquer à Florian (réactivation pour les autres). La P. E. choisit et lit la première situation : « Ta

maîtresse n’arrête pas de te citer en exemple ».

Partie longue à démarrer, entrecoupée d’explications sur les règles du jeu. Les émotions citées

par les élèves sont diverses : Florian dit qu’il serait impressionné, Gaël l’aurait pensé étonné ; Florian,

lui, devine bien l’émotion de Gaël (« impressionné ») ; Julien et Alexandre ne trouvent pas leurs

émotions respectives.

Les points ne sont pas comptabilisés dans cette partie.

Deuxième manche (8’30)

La P. E. donne les cartes « situations » aux élèves pour qu’ils soient eux-mêmes lecteurs. Gaël

commence. Il choisit : « Les garçons se moquent d’un élève en difficulté, les filles le défendent ». Il dit

qu’il a fait exprès de choisir celle-là parce que ça peut leur arriver de le faire. La P. E. acquiesce.

Alexandre dit que « après, ça dépend c’est pourquoi… », mais la P. E. recadre le jeu : on parlera après

pour justifier, expliquer les différentes possibilités, mais pour le moment on cherche juste l’émotion

ressentie. Les élèves cherchent. Au moment de distribuer les cartes « équipe », Gaël dit : « J’espère ne

pas encore être avec Florian… ». La P. E. lui demande pourquoi, Gaël répond qu’ils se connaissent

mieux entre eux trois. La P. E. répond que justement, c’est intéressant d’essayer de deviner les

émotions de ceux qu’on ne connaît pas forcément bien.

Distribution des cartes équipe : Florian doit deviner l’émotion de Julien, Gaël celle d’Alexandre.

Les élèves cherchent l’émotion de leur coéquipier, puis arrive le moment de révéler les cartes.

Julien dit qu’il serait « confiant » dans cette situation. La P. E. lui demande pourquoi ; il répond

qu’il serait content qu’elles l’aident (donc peut-être plutôt « satisfait »). Alexandre dit que lui a

vraiment dit la vérité. Julien retourne la carte que Florian lui a attribuée : Florian l’aurait pensé

« impressionné ». Florian, lui, serait étonné (que les filles défendent un garçon), et Julien a bien deviné

son émotion.

À chaque étape, à chaque émotion révélée, la P. E. approfondit la discussion : pourquoi serait-

il étonné personnellement ? pourquoi pensait-il que l’émotion de son partenaire était celle-là ? Les

Page 53: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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élèves s’expliquent, argumentent, disent entre quelles options ils hésitaient, quel raisonnement ils ont

suivi.

Gaël dit qu’il serait impressionné, mais tout dépend comment se présente le problème : se

moquer gentiment ? en insultant ? avec violence type coups de pieds ? Les élèves débattent : est-ce

que les filles défendraient un garçon dans tel ou tel cas ? Ça dépend des filles, etc.

Alexandre dit qu’il serait déçu qu’une autre personne défende un garçon, si lui estime que ce

qui a été dit n’était pas méchant. La P. E. écoute, mais ne développe pas sur ce point.

Fin de la manche : Julien et Florian remportent chacun un point.

Troisième manche (16’07)

Julien choisit une situation : « Des parents laissent leur enfant de 10 ans jouer aux jeux vidéo

et regarder des films interdits aux moins de 18 ans ».

Début de discussions des élèves autour des jeux vidéo et films interdits aux mineurs, chacun

raconte ses histoires, expériences, peurs et angoisses chez eux suite à des films vus, notamment le

soir. La P. E. interroge au départ, pour comprendre d’où viennent les peurs en question, puis ramène

les élèves au jeu. Leur distraction s’étend cependant, ils souhaitent raconter leurs anecdotes sur le

sujet : la P. E. laisse Alexandre s’exprimer, puis repose la question de l’émotion ressentie dans la

situation évoquée. La P. E. engage les élèves à chercher seuls leur propre émotion, du moins mettre la

carte la plus proche de celle ressentie, et ils s’expliqueront après.

Julien serait entre étonné et déçu, il s’explique (il ne trouverait pas ça « normal », le symbole

est clair sur les jeux vidéo et films). Florian n’a pas trouvé l’émotion de Julien, il ne savait pas du tout

ce qu’il aurait ressenti. Florian révèle sa propre émotion, « excité », mais ses explications laissent

penser qu’il y a eu une incompréhension de la situation (il a décrit l’émotion qu’il ressentirait si ses

propres parents le laissaient jouer à des jeux vidéo interdits, et pas l’émotion face à des parents qui

autorisent leur enfant mineur à y jouer).

Gaël et Alexandre seraient tous les deux étonnés et ont chacun mis leur carte Feeling : ils

marquent 3 points chacun.

Quatrième manche (24’18)

Alexandre lit la situation : « Ton ami te bat tout le temps aux jeux de société ».

Gaël et Julien disent penser que tout le monde va mettre pareil dans cette situation.

Julien pense d’abord que son coéquipier est Florian, puis se rend compte qu’il faut qu’il donne

sa carte à Alexandre ; Alexandre lui demande s’il est bien sûr de l’émotion, comme du coup c’est pour

lui et non Florian.

Alexandre serait déçu, Julien serait dégoûté (ils ont perdu leurs cartes Feeling au passage).

Florian serait triste, Gaël l’aurait pensé dégoûté. Gaël serait déçu, et Florian a bien trouvé son émotion,

ils marquent tous deux un point.

Cinquième manche (27’24)

Page 54: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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Florian lit la situation : « Tes parents te demandent de tondre la pelouse. Ils ne te donnent pas

d’argent de poche ».

Les élèves réagissent, la P. E. leur demande de ne pas dire tout haut leurs émotions, il faut les

garder pour eux.

Interrogation des élèves entre eux à savoir qui a de l’argent de poche : Alexandre a quelque

chose quand il aide son père à couper du bois, etc. Pour Gaël, c’est un paramètre important pour savoir

quelle émotion on ressentirait.

Florian serait déçu, mais en s’expliquant, il dit qu’il serait déçu s’il était appelé pour tondre la

pelouse en plein milieu d’une autre activité (jeux vidéo), et que cela l’interrompait. La P. E. réexplique

la situation ; Florian dit qu’il serait déçu parce qu’ils ne lui donnent pas d’argent de poche dans ce cas.

Gaël l’aurait pensé confiant. Gaël, lui, serait excité (il aimerait bien passer la tondeuse) ; ça ne le

dérangerait pas de ne pas avoir d’argent de poche puisque de toute façon il n’en a pas.

Julien serait excité, il adorerait passer la tondeuse. Alexandre aussi : les deux avaient la même

émotion mais n’ont pas retrouvé celle de l’autre.

Bilan final des points : Gaël en tête, suivi d’Alexandre, Florian et Julien. Rangement du matériel.

Fin de la séquence filmée (22’33)

Page 55: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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Séance 3 APC : Feelings – 3e séance

Déroulement effectif de la séance

Mise en place du plateau de jeu et explication des règles à Thomas, nouveau joueur.

Première manche (6’09) :

Alexandre lit la situation : « Tu as préparé un exposé avec un ami, et tu as fait tout le travail.

Vous avez eu tous les deux une bonne note ».

Bastien dit qu’il n’y a pas « Je suis dégoûté ». La P. E. lui réexplique qu’il faut choisir l’émotion

la plus proche de celle qu’il ressent, mais qu’il vient de donner une bonne indication à son futur

coéquipier en disant ça à haute voix : rappel du fait qu’il faut garder son émotion pour soi.

La P. E. relit à haute voix les émotions présentes autour du plateau, puis distribue les cartes

équipe. Thomas est avec Florian, la P. E. lui explique qu’il faut qu’il devine l’émotion de son partenaire

dans la situation donnée. Bastien dit qu’il faut connaître le caractère de son partenaire, la P. E.

acquiesce. Hésitations des élèves sur les émotions à mettre.

Alexandre, qui a choisi la situation, retourne la carte de son émotion en premier : il serait déçu.

Son partenaire, Bastien, a mis la même émotion et tous deux ont utilisé leur carte Feeling. La P. E. les

félicite, leur demande pourquoi ils seraient déçus. Bastien dit que « Parce que, c’est toi qui as fait tout

le travail, alors que normalement l’autre s’engage à être avec toi. C’est un peu comme si tu faisais un

exposé tout seul ». La P. E. demande : « Donc, même si tu as une bonne note, ça te déçoit, d’avoir fait

le travail… ». Alexandre ajoute : « Ouais parce que du coup, ton partenaire il sert à rien ». La P. E.

demande aux élèves suivants : Bastien dévoile son émotion, il serait en colère. Thomas a mis déçu

(pour lui) et en colère pour Bastien : les deux camarades auraient des émotions différentes mais on

bien deviné celle de l’autre. La P. E. dit « D’accord » suite aux émotions exposées par chacun. Julien et

Gaël retournent leurs cartes : ils comptent les points qu’ils vont marquer avant même de dire les

émotions. Julien serait satisfait : il explique son point de vue, en débat avec Bastien (qui reprécise que

c’est lui qui fait tout, l’autre n’a rien fait du tout). Julien dit qu’il le considérerait plutôt comme son

travail à lui et pas comme le travail de l’autre. Gaël a bien deviné son émotion. De l’autre côté, Gaël

serait déçu, et Julien pensait qu’il allait être satisfait, comme lui. Les élèves s’expliquent entre eux,

prennent l’exemple d’un exposé qu’ils travaillent en ce moment en classe, mais trouvent la situation

différente comme en l’occurrence, tout le monde travaille.

Bilan sur les points, les élèves avancent leurs pions.

Deuxième manche (11’15) :

Bastien choisit la situation : « Ton père s’est engagé dans un nouveau travail où il gagne

beaucoup d’argent. Depuis, il est souvent absent à la maison ». La P. E. répète : « Il est souvent

Zabsent », suite à une faute de liaison manifeste. Bastien se corrige.

Page 56: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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Gaël redemande « Ça veut dire quoi « résigné ? » », bien qu’une définition en ait été donnée

en début de partie. Bastien répond que « Résigné, c’est que tu t’en fous un peu » ; la P. E. : « Ce n’est

pas que tu t’en fous, c’est que tu te dis que tu ne peux rien y faire, et donc tu acceptes la situation ».

Distribution des cartes équipe. Les élèves cherchent l’émotion de leur partenaire. Bastien est avec

Thomas, il dit « En connaissant Thomas… ah, je sais », puis : « Merci à Thomas d’être dans mon

équipe ».

La P. E. s’assure que tous ont bien déposé leurs cartes, puis c’est à Bastien de retourner ses

cartes. Bastien serait déçu, et Thomas l’aurait pensé impressionné. Bastien lui demande : « Pourquoi

impressionné ? ». Alexandre répond pour Thomas : « Bah qu’il gagne autant d’argent ». Bastien dit

qu’il pensait qu’il allait mettre la même chose que lui, parce que quand son père était parti, il était

déçu, triste. Thomas dit que c’est parce que lui [son père] ne revenait pas, alors que là c’est différent.

Bastien dit qu’ « en gros c’est la même situation, puisque tu ne le vois plus ». Thomas a mis pour lui-

même qu’il serait excité, l’explique par le fait qu’« il a un nouveau boulot » ; Bastien poursuit en disant

« et beaucoup d’argent, bah oui mais tu ne le vois pas, donc au total… ». Les élèves plaisantent sur

l’argent gagné. Florian retourne sa carte, il serait « excité », et Gaël l’aurait pensé déçu. La P. E.

demande pourquoi il l’aurait pensé déçu : il dit qu’il l’aurait pensé déçu, comme il n’y a pas son père.

Gaël, lui, avait mis « résigné » pour lui-même, et Florian a bien deviné son émotion. Florian dit qu’il a

mis résigné pour lui parce qu’on ne peut rien faire, on ne peut pas changer ça. Julien et Alexandre

devinent leurs émotions respectives, la P. E. les félicite : les deux ont mis « résigné ». Julien dit qu’il a

mis résigné parce qu’il serait d’accord : « Je suis content que mon père gagne de l’argent… bah, je ne

suis pas très content que je ne le voie pas beaucoup, mais après tu peux… voilà. »

Décompte des points.

Les élèves plaisantent autour d’un cheveu de la maîtresse tombé sur l’un d’eux.

Troisième manche (15’35) :

Florian choisit une situation : « Tes parents ne te font plus confiance depuis que tu leur as

menti ».

Discussion entre les élèves pour savoir ce que ça signifie (« Ils ne te donnent plus des secrets »

- « Bah ouais mais les parents, ça ne donne jamais de secrets » - « Ils ne te font plus confiance… te

laisser tout seul »). Les élèves réfléchissent et posent leurs cartes. Distribution des cartes équipe.

Alexandre dit qu’il hésite entre deux pour son coéquipier Thomas, il ne le « connaît pas assez pour… ».

Les élèves cherchent l’émotion de leur partenaire.

Florian retourne sa carte : il serait « déçu », Gaël serait « en colère » et il aurait pensé Florian

en colère également. Florian, lui, a bien deviné l’émotion de Gaël. Florian dit qu’il serait déçu que ses

parents ne lui fassent plus confiance. Gaël dit que ses parents lui ont toujours fait confiance, et il serait

donc en colère si ce n’était plus le cas. La P. E. félicite Florian d’avoir encore trouvé l’émotion de son

partenaire.

Au tour de Julien de retourner ses cartes, avec Bastien. Julien pensait que Bastien allait être

résigné, il s’est trompé sur son émotion. Bastien, lui, a bien deviné que Julien serait déçu. Bastien aurait

été « en colère », « parce que, si ça se trouve, c’est quelque chose de pas grave… [cherche ses mots]

et t’es en colère qu’ils te fassent plus confiance parce que des fois ça peut être des choses

Page 57: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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importantes ». Bastien demande à Julien pourquoi il pensait qu’il serait résigné – les garçons

s’expliquent.

Thomas et Alexandre retournent leurs cartes, décomptent leurs points. Alexandre serait déçu

et pensait que Thomas allait être déçu aussi. Thomas, lui, aurait pensé Alexandre en colère. Alexandre

explique qu’il hésitait entre trois émotions du plateau, les deux plus importantes étant en colère et

déçu.

Bilan des points, rangement des cartes pour le prochain tour.

Gaël et Julien lisent des situations sur les cartes vertes pendant que les autres cartes sont

ramassées. Ils rient lorsqu’ils en trouvent une « pour Alexandre » : les trois plaisantent entre eux, à

savoir s’ils vont lire une situation sur les filles, ce qui concernerait en particulier leur ami Alexandre.

Julien rappelle à Alexandre qu’il est filmé. Les élèves engagent Gaël à choisir une situation « bien »,

une qui « serait marrante », « pas une où on serait résigné… ». La P. E. rappelle à Gaël qu’il doit choisir

sur une carte, pas faire 36 cartes.

Quatrième manche (20’14) :

Gaël lit la situation choisie : « Ta meilleure amie participe à The Voice Kids ». Les élèves

rigolent.

Bastien dit savoir pour Alexandre. La P. E. rappelle de commencer par soi déjà. Bastien pense

trouver, s’il se retrouve avec Alexandre. Dans l’ensemble, excitation de plus en plus forte des élèves,

qui font des bruits, chantonnent, etc. Ils plaisantent, « et si elle a pas de voix ta copine », « bah pour

toi Alexandre on sait c’est qui ta meilleure amie » - « ouais bah aussi mon amoureuse quoi ». « La

maîtresse elle va le savoir bientôt » - La P. E. répond le savoir depuis 4 mois, et ramène au jeu par ses

gestes.

Découverte des cartes équipe. Remarques autour du fait que certaines équipes se retrouvent

souvent, mais la P. E. rappelle que c’est du hasard. Nouvelle excitation des élèves, la P. E. demande à

se calmer un peu.

Première équipe : Gaël et Florian. Gaël serait excité, et Florian l’aurait pensé résigné. Florian

serait curieux, et Gaël l’aurait pensé satisfait. La P. E. leur dit que c’est donc complètement à côté.

Julien et Thomas retournent leurs cartes. Thomas explique qu’il a mis qu’il serait en colère

parce qu’il serait jaloux « genre ma copine elle irait au spectacle et pas moi ». Julien lui répond qu’il

n’a pas de voix, lui. Bruits parasites des élèves. La P. E. se dirige vers Julien pour lui demander quelle

serait son émotion à lui. Julien serait excité, et il aurait pensé Thomas excité ; Thomas aurait pensé

Julien en colère, comme lui. Ils ne marquent pas de point.

Bastien et Alexandre retournent leurs cartes, ils ont trouvé leurs émotions respectives. La P. E.

les félicite, leur demande quelles étaient leurs émotions. Alexandre serait excité, il dit qu’il serait

content pour elle. Bastien, lui, serait satisfait pour elle. La P. E. leur demande comment ils ont deviné

l’émotion de l’autre ? Bastien dit que « c’est un peu la même chose excité et satisfait, donc c’est un

peu du hasard en fait ». La P. E. reformule pour dire qu’il hésitait entre les deux. Alexandre dit que lui

Page 58: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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aussi, et que comme il n’avait plus de carte Feeling, il s’est dit que tant pis, il allait lui mettre « satisfait »

comme ce n’était pas très loin.

Décompte des points, certains ont déjà plus de 10 (notamment Alexandre, qui prend la tête).

Les élèves regardent où ils en sont sur le plateau.

Julien lit les situations pour en choisir une, rigole. Pendant ce temps-là, les élèves chantent

« La queuleuleu » devant le plateau puisque leurs pions se font suite. Julien dit « Allez, une pour

Alexandre ». La P. E. demande à retrouver le calme.

Cinquième manche (25’12) :

Julien lit la situation : « Ta meilleure amie te suit partout ». Les élèves ricanent, continuent à

s’exciter. « Même sous ma douche » - « Même dans le bain » - « Même aux chiottes » (Julien regarde

vers la P. E. et reprend Thomas pour dire « toilettes ») – « Même dans le lit » - « J’ai pas envie de faire

crac-crac… ». Au milieu des ricanements, la P. E. demande à chacun s’il a choisi son émotion, mais

n’arrête pas les élèves. Julien finit par dire : « Bon allez, les gars les gars… ». Les ricanements

continuent, quelques regards sont vers la P. E., qui leur fait signe pour dire que c’est un peu long, et

leur demande si c’est bon ? et distribue les cartes équipe. Les élèves découvrent leur coéquipier.

Florian demande ce que veut dire « satisfait » en fait. Bastien lui répond que c’est « content »,

la P. E. valide. La P. E. demande d’attendre que chacun ait posé ses cartes pour que Julien révèle les

siennes. Bastien, particulièrement énervé, dit que c’est son équipe qui commence ; la P. E. lui répond

que non, c’est à Julien de commencer. Julien et Gaël retournent leurs cartes et se tapent dans les mains

en voyant qu’ils ont trouvé leurs émotions respectives. La P. E. leur demande quelles étaient ces

émotions. Ils seraient tous les deux curieux, Julien se demandant « Pourquoi elle me suit ? ». Gaël dit

que « c’était ma meilleure amie, c’est pas mon amoureuse ou un truc comme ça ». Gaël rit face au

sourire d’Alexandre. Alexandre dit « Faudrait un truc : ton meilleur copain embrasse la fille que tu

aimes ». La P. E. ne rebondit pas, et dit à Thomas que c’est à son tour.

Thomas serait en colère. Il devient difficile d’entendre les élèves, qui ne s’écoutent plus entre

eux. Alexandre explique qu’il n’a pas pu mettre de carte Feeling à Thomas, comme il n’en a plus, sinon

il aurait mis aussi « en colère ». Du coup, il a mis « déçu ». La P. E. rappelle Bastien à l’ordre, en disant

son prénom, pour qu’il cesse de parler fort en parallèle. Thomas, lui, a bien deviné l’émotion

d’Alexandre.

Bastien et Florian retournent leurs cartes. Florian a deviné l’émotion de Bastien mais ce n’est

pas réciproque. La P. E. félicite Florian, souligne qu’il a trouvé plusieurs fois l’émotion de son partenaire

et lui dit que c’est bien. Les bruits parasites continuent, il devient difficile de jouer. Bastien dit qu’il

serait satisfait. Florian s’aperçoit qu’il a fait une erreur, il a mis « confiant » pour lui-même mais pensait

en avoir mis une autre. Thomas se moque de cette émotion de Florian (« confiant ») auprès de Julien.

La P. E. demande à écouter, justement, l’explication de Florian. La P. E. regarde l’émotion de Bastien,

et lui demande si lui est satisfait, que sa copine le suive partout ? Il justifie en disant qu’il s’en fiche un

peu ; Alexandre lui dit qu’il serait résigné alors. Les élèves plaisantent sur le fait que Bastien serait

content que son amie le suive partout.

Les cartes sont ramassées pour un nouveau tour.

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Sixième manche (30’35) :

Thomas lit la situation qu’il a choisie : « Sortie scolaire à la piscine, l’institutrice est couverte

de tatouages ».

Les élèves continuent leurs plaisanteries et ricanements : Alexandre demande si c’est

« partout… partout partout ? ». Bastien demande « sur les fesses aussi ? ». La P. E. explique que si elle

est à la piscine, on peut imaginer qu’elle a un maillot de bain, on ne la voit pas entièrement nue quand

elle est à la piscine. Les élèves continuent de plaisanter. La P. E. demande si les émotions sont mises,

puis distribue les cartes équipe. Julien, après avoir lu sur la carte, demande s’il s’agit de l’institutrice ?

Il pensait qu’il s’agissait de la maître-nageuse.

Alexandre dit à Florian qu’il ne le connaît pas assez. Gaël dit pareil de Bastien, qu’il « connaît,

mais pas assez ». Les élèves continuent de jouer et de chercher l’émotion des autres.

C’est à Thomas et Julien de retourner leurs cartes. Thomas serait curieux. Julien s’interroge sur

le fait que ça doit faire mal en fait, d’être couvert de tatouages. Alexandre lui dit que c’est quand on

grave que ça fait mal. Julien pensait que Thomas serait impressionné. Julien, lui, serait résigné.

Conversations parallèles qui se poursuivent. La P. E. demande aux garçons qui suivent, prêts à

retourner leurs cartes, d’attendre avant de le faire, pour qu’on puisse écouter avant les justifications

de Thomas et Julien. Julien dit que « tu t’y habitues après quand elle a des tatouages ». Thomas, excité,

interrompt Julien pour lui faire part d’une nouvelle plaisanterie. Alexandre l’arrête, lui dit que « c’est

bon… arrête de penser qu’à ça ». Gaël dit que « c’est comme s’il n’avait jamais vu une fille en maillot

de bain… ».

La P. E. demande au suivant, Alexandre, de retourner sa carte. Il dit qu’il serait résigné, il s’en

ficherait. La P. E. lui répond : « D’accord ». Il précise : « Elle fait ce qu’elle veut ». Florian l’aurait pensé

impressionné. Florian retourne ses cartes : ils s’aperçoivent que tous deux avaient la même émotion

(résigné) mais en ont mis une autre (impressionné) pour leur partenaire.

Gaël a bien deviné l’émotion de Bastien, « impressionné ».

Décompte des points.

Septième et dernière manche (35’) :

Tous les élèves ont déjà lu une fois, la P. E. dit donc que c’est à elle de choisir une situation.

Les élèves demandent une situation qui peut leur ressembler. Le temps de choisir, les élèves font

quelques réflexions sur la caméra qui tourne, le fait qu’ils sont filmés.

La P. E. lit : « Tes copains se battent à la récréation ».

Hésitations des élèves, qui posent leurs cartes. Alexandre dit qu’il n’y a pas vraiment l’émotion

qu’il ressent ; la P. E. rappelle de mettre la plus proche. Distribution des cartes équipe, puis les élèves

cherchent l’émotion de leur partenaire. Alexandre hésite toujours entre deux. Florian redemande la

situation à la P. E., qui lui répète l’énoncé. Bastien dit qu’il n’a plus de carte Feeling, Alexandre répond

qu’il est dans la même situation. Suite des réactions d’excitations, petits bruits, gestes d’énervement ;

la P. E. le souligne. Alexandre pousse Bastien à poser sa carte ; ce dernier, qui hésite toujours, dit qu’il

va mettre « un truc au hasard, si ça se trouve c’est totalement faux… ».

Page 60: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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La P. E. s’assure que toutes les cartes sont bien posées avant qu’un élève commence à révéler

les siennes. Bastien retourne sa carte : il serait « résigné », il dit que « c’est comme ça, c’est pas

vraiment mon histoire ». La P. E. lui dit : « D’accord. Même si c’est tes copains ? » - « Bah ouais mais y

a pas trop d’émotion qui ressemble après, donc… ». Alexandre dit : « Bah moi je serais déçu qu’ils se

battent parce que c’est mes copains, donc qu’ils se battent entre eux… ». Bastien dit : « Bah moi y avait

pas l’émotion que je ressentais ». Derrière, Gaël et Julien ne sont plus à l’écoute, ils discutent entre

eux et raccrochent à la discussion principale au milieu de celle-ci. Alexandre a bien trouvé l’émotion

de Bastien, mais ce dernier a mis pour Alexandre : « Je suis confiant ». Ce dernier ne comprend pas.

Bastien dit : « Non mais voilà, je savais vraiment pas quoi te mettre ». Gaël se moque : « Je suis confiant

qu’ils se battent… » - Julien dit que c’est n’importe quoi. Bastien rajoute en plaisantant : « Je suis

confiant, ils ne vont pas se faire mal ».

À Florian de tourner ses cartes. Il serait résigné. Les conversations Gaël-Alexandre continuent

derrière, en plaisanterie sur le rapport entre Alexandre et les filles. Florian justifie son émotion : « C’est

pas mon histoire ». Gaël a mis qu’il serait « excité », mais se rend compte qu’il s’est trompé, il voulait

mettre l’émotion 8. L’erreur fait rire les autres, toujours aussi énervés.

Julien et Thomas retournent leurs cartes, mais aucun n’a deviné l’émotion de l’autre. Julien

serait résigné, Thomas impressionné.

Fin du jeu : Alexandre a gagné, Bastien deuxième. Gaël engage Alexandre à ne pas trop

fanfaronner, puisque la semaine précédente il n’était pas en si bonne position. Rangement du jeu.

Page 61: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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Séance 4 APC : Feelings – 4e séance

Déroulement effectif de la séance

Installation du jeu. Avant de commencer, avertissement de la P. E. pour dire qu’elle ne veut

pas voir de messes basses (parler tout bas pour échanger ce qu’on est éventuellement en train de

mettre, ce que l’autre mettrait, etc.) [une remarque qui fait suite à deux moments de doute sur une

triche possible entre Gaël et Julien, vus sur les vidéos des séances précédentes].

Première manche (4’10) :

Gaël choisit la première situation : « Ton copain qui est en fauteuil roulant ne peut pas jouer

au foot. Les filles lui proposent de jouer avec elles ».

La P. E. relit la situation. Bastien s’arrête sur un point de grammaire : « avec lui ? », la P. E.

répond « avec elles », puis reprend pour dire « jouer ensemble, si tu préfères ». Alexandre prend la

parole pendant ce temps pour dire que « ça dépend, si c’est avec une fille que t’aimes bien… ».

Alexandre demande à la P. E. : « On dit que c’est une fille qu’on aime bien ? ». La P. E. répond : « On

ne dit rien du tout, on garde ça dans sa tête et tu fais avec la situation qu’on te donne ». Alexandre

souffle. La P. E. lui dit qu’il justifiera après, il dira par la suite les différentes émotions possibles. La P. E.

reprécise que c’est « les filles, il n’y en a pas qu’une ». Gaël dit que c’est comme si c’était toutes les

filles de CM2. Florian demande la définition de « Satisfait », Gaël répond : « on va dire content », la

P. E. valide (« un peu comme content, je suis satisfait, ça me va »).

Les élèves hésitent, peinent à trouver leur émotion. Bastien dit : « Je pense que tout le monde

va mettre la même presque ». Mais les autres manifestent leur désaccord. Bastien dit qu’ « il n’y en a

pas beaucoup. Par exemple, tu ne vas pas mettre « J’ai honte » ». Les autres disent que si quelqu’un

veut le mettre, il le peut. La P. E. s’assure que tous ont bien mis leur émotion, et distribue les cartes

équipe.

Les élèves cherchent l’émotion de leur partenaire, hésitent entre plusieurs.

Alexandre et Gaël retournent leurs cartes et regardent les émotions mises, « curieux » pour

Alexandre, « touché » pour Gaël. Alexandre demande à Gaël : « Tu serais touché ? ». Gaël répond : « Je

serais touché parce que ça serait cool que des filles viennent voir un garçon handicapé pour qu’il joue

avec elles ». Pendant que Gaël s’exprime, Julien acquiesce, Bastien dit que lui hésiterait mais est coupé

par la P. E. qui lui demande de laisser Gaël parler, et, suite aux propos de Gaël, Thomas rebondit mais

la P. E. est en train de demander à Alexandre quelle émotion il aurait pensée pour Gaël (il l’aurait pensé

« satisfait »). Pour sa propre émotion, Alexandre dit : « J’en avais trois parce que moi, je suis très jaloux,

donc je suis curieux, en colère, et je suis inquiet ». Gaël dit : « Pour moi, je pensais que tu allais être…

j’hésitais aussi avec en colère parce que comme je sais que tu es un peu jaloux ». Alexandre : « Au

début, moi je voulais mettre inquiet parce que par exemple, ça serait, je dis n’importe quoi, Gaël qui

serait en fauteuil roulant, et par exemple, je ne sais pas, ça serait Capucine et Charlotte qui demandent

[…] bah là y a pas la carte mais je serais jaloux ». Julien : « Je comprends, pareil ». Gaël : « Je crois

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qu’elle existe pas la… ce que t’as dit » [parlant de la carte « jaloux »]. Bastien : « Bah… « dégoûté ! » »,

Gaël et Julien disent que oui. Bastien reprend : « Bah moi en fait j’hésitais… » mais la P. E. le coupe

pour lui dire que ce n’est pas à lui de révéler ses cartes, c’est d’abord à Julien.

Julien et Thomas retournent leurs cartes. Alexandre dit : « Je serais avec Bastien, moi, je pense

qu’il serait satisfait ». La P. E. dit qu’ « on va voir après », mais ramène à l’émotion de Julien. Il dit :

« Moi j’aurais été satisfait de voir les filles aider un garçon handicapé ». Thomas dit : « Moi j’ai mis, je

serais touché, parce que voir [cherche ses mots] par exemple, c’est ton meilleur copain qui a fini en

fauteuil roulant, bah ça te touche parce que c’est pas très bien d’être en fauteuil roulant ». Gaël dit :

« Comme moi un peu, quoi » [pour dire que c’est le même type d’émotion, de réaction]. Florian :

« C’est pas très rigolo, donc… ». La P. E. dit « D’accord les garçons » et demande aux deux suivants de

retourner leurs cartes.

Florian et Bastien retournent leurs cartes, l’un a bien deviné l’émotion de l’autre. Les joueurs

comptent les points. Thomas dit : « Florian, t’as un pouvoir mental ou quoi ? », mais il est vite

détrompé : c’est Bastien qui a deviné l’émotion de Florian. Bastien était satisfait, et a pensé que Florian

allait avoir la même émotion, ce qui était le cas. En revanche, Florian pensait que Bastien allait être

« curieux ». Florian dit : « Ça serait un peu bizarre ». Bastien dit : « Bah en fait, moi c’est un peu en

rapport avec Gaël, moi j’hésitais entre touché et satisfait parce que « touché », je pensais que ça allait

être un peu trop fort comme émotion. Donc j’ai pris « satisfait ». C’était un peu entre les deux ».

Alexandre dit : « Moi après, mon émotion ça serait un peu différent si ça serait par exemple, Florian,

et c’est Emilie et Louise par exemple ». La P. E. dit : « Ah, donc ça dépend de la personne en fait. Il y en

a où tu n’es pas jaloux ». Alexandre : « Parce qu’il y a des personnes… je m’en fiche ». [Pendant ce

temps, Bastien, Thomas et Florian sont en train de faire avancer leurs pions sur le plateau, Julien

cherche quelque chose sous la table, et seul Gaël écoute]. Gaël dit : « Il y a des personnes qu’on

apprécie moins, c’est normal, c’est… ». La P. E. : « Donc ça va dépendre de la personne qui est

handicapée ou des filles qui proposent de jouer… d’accord. ».

Les garçons commencent à ranger leurs cartes en vue de la prochaine manche, mais la P. E.

demande à Florian : « Juste une chose, tu disais que ça allait être bizarre ? ». Florian : « Bah oui… voir

ton… bah je sais que Bastien il serait un peu curieux que les filles acceptent de jouer avec un… ».

Bastien le coupe : « Après ça dépend du caractère des filles qui demandent. Par exemple, tu mets

Louise et Emilie qui disent ça, moi je suis [il fait une grimace de surprise, comme estomaqué] ». Il

continue : « C’est pas Louise qui va demander à un… » ; Gaël le coupe : « Si, ça peut, si » ; Alexandre :

« Quand je vois le caractère… ». La P. E. ne rebondit pas, ramasse les cartes équipe.

Deuxième manche (12’30) :

Julien choisit la situation, en disant qu’il pense que « ça va être assez compliqué ». Situation :

« Lors d’un repas au restaurant, à la table voisine, un enfant s’agite et crie. Son père le gifle. » Les

élèves réagissent, plaisantent autour du fait qu’ils puissent être contents parce qu’il va avoir une

claque, émerveillés, fiers du papa, inquiets qu’il aille à l’hôpital, etc. Ils cherchent leur carte. Gaël dit :

« Si t’en reçois une, je pense pas que t’es émerveillé ». Ils continuent d’échanger par courtes phrases,

expressions, gestes (imitant la claque). Florian fait le geste d’un enfant qui prend une claque, citant les

émotions qui passent de « émerveillé » à « tristesse ».

Page 63: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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Découverte des cartes équipe, recherche de l’émotion du partenaire. Julien : « Ouais c’est

assez compliqué, je trouve ». Bastien : « Surtout pour deviner celle de l’autre ». Thomas : « Bah oui

parce qu’en fait y a plusieurs, genre, y a plusieurs propositions ». Ils hésitent. Julien dit qu’il a fait

exprès, parce que sinon c’était une autre situation : « Ton père te propose de faire du vélo toute

l’après-midi ». Thomas : « Ouais c’est trop bien ». Bastien : « Je suis émerveillé, bah oui ». Alexandre :

« Ça dépend, si c’est comme mon père qui t’arrête toutes les trois secondes en te disant : « Oh, regarde

le bel oiseau ! » ». Les autres rigolent. Gaël : « Bah ça serait cool ». Alexandre : « Tu te rends pas

compte, mais quand c’est tous les jours, à un moment… ». Bastien et Alexandre donnent des

exemples : « Ah, regarde la goutte de pluie ! », « Un chardonneret, attends je vais le prendre en

photo ». La P. E. intervient pour demander aux garçons d’en revenir à la situation. Julien est parti dans

sa phrase, pour dire que quand il fait du vélo avec son père, c’est sur un vélo d’appartement. La P. E.

finit ici l’échange sur ce point et demande si tout le monde a trouvé l’émotion de l’autre. Les garçons

n’ont pas encore tous posé leur carte. La P. E. relit la situation, les élèves cherchent. Alexandre dit :

« Je pense que la personne que je connais le moins, c’est Thomas ». Julien : « ou Florian ». La P. E. :

« Où c’est le plus difficile pour toi de deviner ? ». Bastien : « Moi le plus difficile c’est Florian ».

Thomas : « Ouais parce que… je sais pas ». [Pendant la conversation, Gaël et Julien trichent : Gaël

montre discrètement sa carte à Julien, sans que la P. E. ne le voie – vers 16’05].

Julien retourne ses cartes : Gaël aurait pensé qu’il allait avoir honte, alors qu’il était plutôt

inquiet. Gaël aussi était inquiet, et Julien a mis la bonne carte : Julien note qu’ils ont un point chacun.

La P. E. demande : « Vous êtes tous les deux inquiets, c’est ça ? ». Julien : « Bah parce que… à la base

je voulais mettre « j’ai honte », j’ai honte pour les gens qui sont… ». Gaël le coupe : « moi, même, j’ai

honte pour moi ». Julien : « Ouais, même honte pour moi, c’est… quand tu te fais gifler devant… tu te

fais tout de suite remarquer ! ». Alexandre : « Bah c’est pas forcément la personne, c’est les parents

qu’on regarde ». Gaël s’exprime en parallèle de Julien et Alexandre : « Bah tout dépend parce qu’on

sait pas si c’est quelqu’un de ta famille. Si c’est notre famille, ou si c’est quelqu’un qu’on ne connaît

pas ». La P. E. lui répond que c’est juste au restaurant, une table à côté, ce ne sont pas des gens qu’il

connaît (un enfant qui crie, son père le gifle). Pendant cet échange, Florian veut donner un exemple

mais ne trouve pas d’interlocuteur et s’arrête. Alexandre également, commence de son côté : « Bah

c’est vrai aussi, s’il crie, pour moi c’est bien fait pour lui », mais personne ne rebondit, les deux élèves

suivants (Bastien et Thomas) sont en train de retourner leurs cartes.

La P. E. demande à Bastien quelle était son émotion. Bastien : « Moi je serais inquiet pour lui,

un peu comme Julien, quoi ». La P. E. : « Inquiet de quoi ? ». Florian demande à Thomas : « Pourquoi

tu serais curieux ? », mais Thomas lui répond d’attendre. Bastien : « Moi je serais inquiet, bah déjà

pour l’enfant [cherche ses mots] je sais pas trop comment dire ». La P. E. : « Et Thomas a pensé que tu

allais être « satisfait », tiens. ». Bastien est surpris. En arrière-plan, Gaël et Julien poursuivent leurs

messes basses. Thomas : « Genre, après, bah par exemple il crie, le père il donne une claque, bah peut-

être parce que ça lui sert de leçon. T’es satisfait pour dire qu’il est bien honnête ». La P. E. dit :

« D’accord. Mais toi, par contre, tu n’avais pas cette émotion-là, puisque tu dis…, toi ton émotion à toi,

ça serait quoi ? ». Thomas : « Curieux ». La P. E. : « Tu serais curieux… de savoir ce qui se passe ? ».

Thomas : « Parce que je serais… ouh la, pourquoi il fait ça à son… ». Bastien pensait qu’il allait être

plutôt touché. Gaël et Julien n’ont rien écouté des échanges ; la P. E., maintenant debout à côté d’eux,

leur demande : « Les garçons… » ; ils répondent être en train de parler de ce qu’ils pensent que les

autres [Florian et Alexandre] vont mettre.

Page 64: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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Florian et Alexandre retournent leurs cartes, mais aucun point n’est marqué. La P. E. demande

l’émotion de Florian, qui répond qu’il serait un peu inquiet. Alexandre, lui, serait satisfait : « Bah pour

moi, c’est pas mon problème. Pour moi en plus, c’est bien fait pour l’enfant donc… parfois, c’est

insupportable quand t’entends des gamins ». Bastien : « Quand t’es en train de manger, tu vois ».

Gaël : « Comme des fois, des bébés, quand tu manges ». Thomas : « Bah, les bébés, ça c’est normal ».

Gaël : « Ouais, d’accord mais… ». Julien : « Le pire c’est quand… une fois j’étais allé dans un restaurant,

dans les Deux-Sèvres, au bord d’une rivière, et puis y avait une famille qui avait emmené quatre-cinq

enfants, et les enfants arrêtaient pas de pleurer, ça faisait n’importe quoi. » Alexandre : « Bah moi ça

m’énerve direct ». Julien continue : « Bah surtout quand t’as envie de passer un après-midi tranquille

avec une bonne discussion, quand tu parles d’affaires ». Mais la P. E. n’écoute pas la suite de

l’anecdote, elle est vers Alexandre pour voir ce qu’il aurait pensé pour Florian : « curieux ».

La P. E. dit qu’il y a eu plein de choses différentes encore, et ramasse les cartes.

Troisième manche (20’35) :

Bastien prend une carte au hasard, lit une situation : « Tes parents t’annoncent que vous

déménagez en Chine ». Les élèves montrent leur étonnement, échangent rapidement. Gaël : « J’ai pas

envie de déménager moi ». Julien : « Moi j’ai envie de rester en France… eh la pollution ». Bastien :

« Bon bah je pense que tout le monde va mettre pareil, là ». Les autres regardent, s’il y a plutôt deux

choix, trois, ou plus possible. Alexandre plaisante : « Je suis fier, mes parents déménagent ! ». Bastien :

« Ouais mais tu déménages avec eux ». Thomas : « Ouais, déménagez, pas moi ! L’enfant il reste tout

seul : ouais, je peux faire ce que je veux ! ». Alexandre : « Ouais ! J’ai plus d’argent pour m’acheter à

manger ». Thomas continue sa conversation avec Alexandre, s’imaginant une situation dans laquelle

l’enfant va au McDo parler à un serveur pour avoir sa pitié. Il est interrompu par la P. E. qui lui demande

s’il a mis son émotion, ce à quoi il répond que non, il ne trouve pas du tout. Le P. E lui dit qu’il y en a

plein, pourtant. En parallèle de la conversation Alexandre/Thomas, la P. E. était à côté de Gaël, qui lui

disait : « Tu peux être émerveillé parce que t’es content d’y aller, tu peux être en colère parce que t’as

pas envie d’y aller, tu peux être inquiet parce que t’as peur ». La P. E. dit que c’est la plus proche, la

plus proche de celle qu’ils ressentent : « Vos parents arrivent et vous disent ça, qu’est-ce que vous

ressentez, du coup ? ». Gaël et Julien poursuivent sur les émotions possibles, mais la P. E. demande à

ne pas en raconter plus, à garder ça pour soi.

Distribution des cartes équipe. Pendant que les joueurs réfléchissent, Gaël demande à la P. E.

si elle compte inviter des filles, finalement. Echanges autour du jeu, à savoir si ça continuera après les

vacances, comment et avec qui. Tout le monde est prêt pour retourner les cartes.

Julien et Bastien retournent leurs cartes. Julien : « Pourquoi t’as pensé que j’étais inquiet ? ».

Bastien fait une moue pour dire qu’il ne sait pas. Alexandre dit : « Inquiet, c’est vrai, t’es inquiet parce

que tu sais pas ce qui va se passer, tu vas plus voir tes potes ». Les élèves s’expriment chacun de leur

côté, mais ne s’écoutent pas. La P. E. demande l’émotion de Bastien. Bastien : « Bah moi je serais

curieux, comment ça se passerait ». Julien que c’est dommage, il aurait pu lui mettre le « 7 », Bastien

lui répond qu’il a hésité entre « 7 » et « Feeling ». Ils marquent un point.

Au tour d’Alexandre et Gaël de retourner leurs cartes. Ils le font en même temps, et voient

qu’ils ont bien trouvé l’émotion de l’autre, « en colère ». Thomas : « en colère ? ». Gaël : « Bah ouais,

j’aimerais pas déménager. J’ai tous mes amis ici ». Quelques échanges cacophoniques entre élèves,

Page 65: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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qui disent qu’en plus le collège est déjà prévu à côté, qu’en plus Saumur est une belle ville, etc. mais

personne ne s’écoute. La P. E. félicite Alexandre et Gaël, note leurs trois points. Les élèves regardent

leur placement sur le plateau de jeu.

Florian et Thomas retournent leurs cartes et voient qu’ils marquent un point. Thomas serait

« émerveillé ». Mais les autres élèves font des bruits parasites. La P. E. les interrompt pour demander

à ce qu’on écoute. Le calme revient. Thomas : « En Chine, dans les rues bah c’est joli, genre y a, je sais

pas, les petites lampes partout là ». Gaël : « La Chine, c’est beau, c’est un beau pays ». Bastien : « En

même temps, porter un masque à gaz ». Alexandre, qui n’a pas écouté Bastien : « Par contre, avec les

usines et tout ». Bastien : « Mais toi, tu seras pas triste de quitter tes amis ? ». Mais Thomas est en

train de regarder l’émotion de Florian : « en colère ». Florian : « Je serais en rage, j’ai pas envie de

partir ». Thomas se lève pour mimer Florian en colère du fait que ça fait 5 fois qu’ils déménagent.

Florian précise qu’il a déménagé deux fois. Les élèves parlent de leur nombre de déménagements. La

P. E. demande à Thomas : « Toi tu pensais qu’il allait être plutôt inquiet ? ». Thomas : « Ouais parce

que… comment dire…par exemple, il va y avoir des attentats ». La P. E. : « D’accord, tu serais inquiet

de ça. ».

Décompte des points, récupération des cartes. Gaël remarque que le placement des pions sur

le plateau forme une croix. Bastien : « Ah ouais ça fait la croix de Jésus ! ». Thomas mime la croix,

comme pour une personne qu’on va enterrer : « Ah je suis mort ! ». Bastien : « Faut appeler le Clergé ».

Plaisanteries pendant le ramassage des cartes, les élèves s’amusent avec des mots de vocabulaire du

cours d’histoire, s’interrogent sur les rois de France, le programme d’histoire. La P. E. ramène au jeu.

Quatrième manche (27’42) :

Alexandre lit : « Tes parents te laissent jouer aux jeux vidéo si tu as des notes supérieures à

15 ». Bastien : « Bah ça dépend si t’en as des bonnes tout le temps ou des mauvaises ». Gaël : « Bah

attends Bastien, t’as déjà eu des cadeaux, toi… quand t’as eu des 20/20 ». Bastien : « Quand j’étais en

CE1 et CE2 ». La P. E. parle en parallèle pour demander de garder ça dans sa tête. Echanges

cacophoniques entre les élèves pendant qu’ils réfléchissent sur leur propre émotion. Distribution des

cartes équipe. Les élèves réfléchissent, Gaël pose sa carte devant Florian en disant qu’il n’est pas du

tout sûr de ce qu’il [Florian] a mis.

Alexandre et Julien retournent leurs cartes. Julien serait satisfait, Alexandre serait curieux, et

ils se sont tous les deux trompés sur l’émotion de l’autre. Alexandre : « Je serais curieux : pourquoi j’ai

des notes supérieures à 15 ? ». Thomas : « Pourquoi 15 ? Genre, pourquoi pas 10 ? pourquoi pas 20 ?

». Julien : « Si t’as 14,5, tu rages ? ». Gaël : « 14,9 ; 14, 99 ». Les élèves échangent sur la note possible.

La P. E. les interrompt : « Alors là, on n’entend plus rien. Vous êtes tous en train de parler en même

temps ». Alexandre : « Je suis curieux parce que… bah je sais pas, pour moi en tout cas, t’es pas obligé

d’avoir des notes au-dessus de 15 pour jouer aux jeux vidéo. En fait, c’est le truc, bah c’est un peu du

chantage, c’est un peu le truc pour te forcer à avoir des bonnes notes ». Julien acquiesce. La P. E. lui

demande : « Toi, tu es satisfait ? ». Julien : « Bah oui, j’ai jamais eu moins de 15 ». En parallèle, Thomas

dit à Florian : « Et en gros, genre, t’as une bonne note, et en fait ils te disent [fait le geste de quelqu’un

qui s’en moque] ». Florian : « C’est comme moi, j’avais eu que des « A » et ils m’ont interdit de jouer

aux jeux vidéo ». Les élèves recommencent à échanger tous ensemble, sur leurs plus mauvaises notes.

Gaël : « Ma pire, je crois, c’est 13 ». Bastien : « Ma pire note c’est 14 ». Thomas : « Ma pire note c’est

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0 ». Alexandre : « Moi ma pire c’est 10 ». La P. E. : « Bah là vous avez 0 les garçons, parce que vous

n’avez pas trouvé, ni l’un ni l’autre ». Julien : « Là c’est notre pire note ».

Thomas et Bastien retournent leurs cartes en même temps, et montrent leur déception de ne

pas avoir trouvé l’émotion de l’autre. Bastien : « Pourquoi inquiet ? ». Thomas : « Parce que genre,

comment dire, t’es stressé, genre t’es en mode stressé [fait le geste de se manger les doigts] ». La P. E. :

« Toi tu serais inquiet ? Thomas toi tu serais inquiet… ». Bastien : « Thomas, toi tu travailles bien, donc

euh… t’as jamais de mauvaises notes ». Thomas : « Bah t’inquiète, en CE2 j’ai eu un gros 0 ». Bastien :

« Mais on s’en fiche ». La P. E. : « C’était il y a deux ans quand même… ». Bastien : « Ouais mais là, en

fait je veux dire en CM2 et en CM1 t’as toujours eu des bonnes notes donc t’as pas besoin d’être

inquiet, quoi ». Thomas : « Je suis inquiet de ma note, genre ». Alexandre : « Surtout toi Thomas parce

que… ». Bastien : « T’es un peu un des premiers de la classe, quoi ». La P. E. : « Donc t’es quand même

un peu stressé… bon ». Julien : « Bah après, moi, genre c’est souvent pour des carottes ». Les autres

rigolent, ne comprennent pas. Julien explique le principe de la carotte qu’on met devant l’âne pour

qu’il avance : « C’est la stratégie qu’on élabore à la maison. Et souvent, c’est des trucs « arrête de faire-

ci », « continue à faire ça », et après c’était des trucs qu’on m’achetait ou… ». La P. E. : « D’accord. Ça

fonctionne en récompenses… ». Bastien : « Bah moi je suis fatigué » puis se corrige, « satisfait ». Julien

et Thomas rient de son erreur, pendant ce temps Florian raconte une anecdote sur son plus beau

cadeau, et Alexandre finit par dire : « Chut !! On s’entend plus. Arrêtez, on s’entend plus. ». La P. E. :

« C’est vrai qu’on ne s’entend plus, tout le monde parle, là ». Thomas reprend, en s’adressant à

Bastien : « Je suis d’accord avec toi, satisfait, parce que genre ils sont stricts ». Bastien : « Bah oui. Mais

c’est un peu du chantage, comme Alexandre dit, mais enfin, t’es un peu satisfait d’avoir des

récompenses après. Enfin, ça dépend si tu travailles pas bien et que t’as souvent des notes en dessous

de 15, bah t’es inquiet comme toi, mais si t’as presque jamais en dessous de 15, bah là t’es satisfait

quoi ».

Florian et Gaël retournent leurs cartes. Alexandre demande à Bastien de parler moins fort.

Thomas remarque qu’Alexandre n’a plus de carte Feeling. Gaël, en plaisantant : « La partie 0 points,

Bastien t’as mal choisi ». La P. E. remarque que tout est faux dans les émotions devinées, et demande

à Gaël quelle était son émotion. Gaël : « Euh, moi je serais satisfait, bah… [charabia] ». La P. E. : « Il

[Florian] a pensé que t’allais être émerveillé. » La P. E. : « Toi t’es fier, Florian, pour toi ? et Gaël a pensé

que tu allais être en colère ». Florian : « Pourquoi en colère ? ». Gaël : « Bah je sais pas… j’ai plus qu’une

Feeling moi !». Florian : « énervé de dire pourquoi 15 et… ? ». Alexandre : « Tu nous dis que t’as

presque toutes les consoles ».

La P. E. clôt la conversation, annonce qu’on fait une dernière situation, et que Florian n’aura

sans doute pas le temps d’en lire une, cette fois. La P. E. dit que c’est un peu laborieux, aujourd’hui,

mais n’est pas écoutée par les élèves, occupés à choisir une carte au hasard. Ramassage des cartes

équipe.

Gaël, Julien et Bastien font des rythmes avec leur bouche. La P. E. demande à ce qu’on essaie

de s’écouter pour le prochain tour, parce que c’est la « cacophonie, on n’entend plus rien ». Alexandre

acquiesce, les élèves se calment.

Page 67: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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Cinquième manche (35’35) :

Thomas : « Tu te casses le bras au ski, tu n’as plus besoin d’écrire en cours pendant trois mois ».

Julien : « Oh bah là je suis fier ! ». Thomas : « Mais tais-toi ! ». La P. E. fait également : « Shhht ». Gaël :

« c’est bon, on sait la réponse de Julien, si quelqu’un est avec lui, c’est bon, un point obligé ». Gaël

demande à la P. E. de relire la situation. En attendant, Bastien la résume : « Tu t’es cassé le bras au ski

et tu peux plus écrire pendant trois mois ». Julien corrige : « Tu vas pas à l’école pendant trois mois ».

Les élèves se demandent ce qui a été dit alors que la P. E. est en train de commencer à la relire. La P. E.

requiert l’attention des élèves : « J’aimerais bien qu’on écoute. Si je relis, j’aimerais bien que ce soit

écouté, pour pas que je relise 15 fois ». Les élèves choisissent leur carte, puis distribution des cartes

équipe.

Gaël et Thomas retournent leurs cartes, mais aucun n’a trouvé l’émotion de l’autre. La P. E.

demande quelles étaient les émotions. Gaël serait satisfait, il dit : « J’hésitais entre satisfait et fier ».

Thomas serait fier.

Julien et Alexandre retournent leurs cartes alors que c’est à Florian et Bastien de le faire. La

situation est éclaircie, et Florian et Bastien marquent un point. La P. E. demande à Thomas [qui s’est

levé et fait du bruit] de se rasseoir, et ramène aux émotions de Florian et Bastien. Florian serait fier, et

Bastien serait émerveillé : « J’aurais mal, mais je serais émerveillé aussi ». Florian a bien deviné

l’émotion de Bastien, mais pas le contraire. Bastien : « En fait, je serais émerveillé parce que si la

maîtresse elle… enfin je veux dire si la maîtresse elle essaie pas de te faire écrire ». Pendant que Bastien

parle, Alexandre se bouche les oreilles [il trouve que Bastien parle trop fort].

La P. E. demande à Julien et Alexandre de retourner leurs cartes, mais c’était déjà fait, ils ont

marqué un point. La P. E. demande quelles étaient les émotions. Julien : « Moi j’aurais été fier de pas

aller à l’école ». La P. E. demande l’émotion d’Alexandre, qui serait émerveillé : « Comme ça, ça ferait

une petite pause ». Gaël interroge les autres sur qui est droitier ou gaucher. La P. E. dit : « On n’a pas

dit, de toute façon : « t’as plus besoin d’aller à l’école », on a dit : « t’as plus besoin d’écrire ». T’es

quand même à l’école ». Gaël poursuit, à savoir si on se casse la main droite ou gauche et si on peut

quand même écrire. La P. E. : « Là, c’est pas la question, on n’est pas aussi précis ».

Fin de la partie, le temps d’APC est terminé. La P. E. dit que la semaine suivante, Florian

commencera à lire. Bilan des points : quatre personnes à égalité (Gaël, Julien, Alexandre et Bastien),

Thomas dernier et Florian deuxième. [mais ne tient pas compte de la triche].

Page 68: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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Séance 5 APC : Feelings – 5e séance

Déroulement effectif de la séance

Avant de commencer le jeu, la P. E. propose aux élèves d’écrire des situations. Elle précise que

cela n’a pas de caractère obligatoire : si les élèves n’ont pas d’idée, ils liront une situation sur une carte.

La consigne est donnée d’écrire une situation courte, comme sur les cartes : il faut qu’elle tienne en

une ou deux phrases. Bastien demande si : « On a le droit d’écrire des trucs sur vous et Mme R. ? »

[Mme R. est la professeure que les élèves ont à mi-temps, en début de semaine]. La P. E. répond :

« Pourquoi pas, si tu veux, on va voir. ». Gaël : « Tout dépend, tant que c’est pas des trucs méchants

ou… ». Bastien : « Nan ! C’est un truc marrant ». La P. E., en même temps : « On verra bien, justement,

ce qu’il va écrire ». Julien, en rigolant : « La maîtresse insulte toutes les personnes ». Gaël : « La

maîtresse se déguise en clown en classe ». Thomas se lève pour mimer un clown. Alexandre annonce

qu’il a écrit sa situation, mettant un terme aux agitations des autres. La P. E. dit qu’elle laisse réfléchir

les autres. Florian dit qu’il n’y arrive pas. La P. E. lui reprécise : « Tu n’es pas obligé, on prendra des

cartes, si tu n’as pas d’idée ».

La P. E. dit qu’elle va faire quelques changements de places par rapport à ce qu’elle disait

[avant le début de la séquence filmée]. Elle dit avoir vu sur la vidéo de la séance précédente Gaël

soulever sa carte, ce qui a permis à Julien de voir son émotion. Gaël dit : « Pourtant, c’est moi qui avait

deviné l’émotion de Julien ». Julien valide. La P. E. lui répond : « Non, non, c’était le contraire : sur ce

tour-là, Julien a bien deviné ton émotion, comme par hasard, et vous avez marqué un point. Donc

après, ça perturbe tout le système des points, puisqu’à la fin vous étiez contents de dire que vous étiez

devant telle ou telle personne, alors qu’il y avait au moins un point de triche, ce qui n’est pas très

correct. ». Gaël : « D’accord. » ; Julien fait une moue d’indifférence et sourit à Bastien. La P. E. : « Donc,

ce que je voudrais, c’est qu’on sépare les garçons [Gaël et Julien] ». Elle demande à Thomas de changer

de place avec Gaël.

Pendant que Florian choisit sa situation sur une carte, Thomas fait lire celle qu’il a écrite à

Julien. La P. E. demande : « Vous êtes en train de vous lire les situations ? ». Bastien s’écrit « Non

non ! ». Gaël demande : « On peut lire les situations ? ». La P. E. refuse, et dit que les situations seront

lues au fur et à mesure du jeu. Les garçons plaisantent entre eux, rigolent pour rigoler [Thomas

s’esclaffe sans même savoir ce que Bastien et Alexandre se sont dits au sujet des situations écrites]. La

P. E. range les stylos utilisés pour écrire les situations et demande à ce que tout le monde se calme.

Pour cette séance, M. B., P. E. de la classe de CM1 de l’école (et ancien professeur de certains

des élèves présents), reste dans la salle pour assister au jeu. Il reste en retrait, assis à son bureau, sort

parfois de la pièce ou y classe des papiers.

Première manche (4’30) :

Florian : « Ta mère pleure devant toi ». Julien : « Pourquoi ? ». Bruits vocaux de Thomas et

Bastien. La P. E. répète la situation pour s’assurer qu’elle n’est pas plus longue. Alexandre, pour

plaisanter : « Je suis fier ». Julien : « Je suis content ». Bastien : « Bravo maman ». Alexandre : « Tu vois

Page 69: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

70

le mec, « je suis impressionné » ». Gaël : « Je suis amusé qu’elle pleure ». Thomas : « J’ai peur qu’elle

pleure ! ». Bastien répète : « Bravo maman ».

Florian dit avoir trouvé ; Thomas répète ses paroles pour l’imiter. Pendant que les élèves

cherchent leur propre émotion, Gaël cherche à savoir la situation écrite par Alexandre. Bastien dit en

avoir lu deux mots. La P. E. les coupe : « Vous avez tous mis votre émotion ? ». Mais les élèves

continuent. La P. E. : « Ça n’a pas d’importance pour le moment. » ; puis : « Si c’était pas une bonne

idée et que ça vous distrait trop, on ne les fera pas vos situations. Là, si ça commence à parler… parce

que ça ça m’agace vraiment.». Le silence revient ; on entend un : « D’accord ».

Distribution des cartes équipe. Florian dit à la P. E. que, dans la mesure où c’est elle qui

distribue les cartes équipe, elle sait qui est avec qui. Les autres répondent que non ; la P. E. explique :

elle mélange les cartes et les donne à chacun face colorée vers le bas, elle ne les voit donc pas.

Alexandre et Julien disent : « Si ça se trouve, elle fait un tour de magie… ». La P. E. répond : « Ça n’a

pas trop d’intérêt, pour moi, de désigner les équipes ». Les élèves découvrent leur coéquipier.

Florian, regardant Alexandre en s’interrogeant sur l’émotion ressentie : « Toi, voir ta mère

pleurer ? ». Bastien : « Claudie, pleurer ? ». Alexandre : « Bah, tu sais, c’est souvent… ». Gaël : « Bah

moi ma mère, je l’ai déjà vue pleurer ». Alexandre, en même temps : « C’est à cause de mon père

souvent ». Bastien : « Moi je l’ai jamais vue pleurer ma mère » « ah si ! Une fois. ». Thomas : « Moi

aussi » « Au pire, à chaque fois qu’elle se chamaille avec ma grande sœur » « Parce que ma grande

sœur la traite de… patati patata ». La P. E., partie recadrer la scène à la caméra : « Vous avez tous

trouvé ? ». Quelques bruits vocaux parasites autour de « patati patata ». Les bruits vocaux continuent

en attendant que les derniers élèves posent leur carte. Les élèves posent une question à la P. E. sur la

séance de danse en EPS du lendemain. Florian et Alexandre retournent leurs cartes.

Florian et Alexandre marquent un point. La P. E. demande l’émotion de Florian. Florian serait

étonné, Alexandre aussi. La P. E. continue : « et tu [Florian] as pensé qu’il [Alexandre] allait être

impressionné. ». Les deux élèves suivants, Thomas et Julien, retournent leurs cartes sans attendre.

Thomas serait impressionné. Florian s’aperçoit d’une erreur sur le plateau de jeu et le dit : les pions

ont été placés à l’envers, sur le score maximum au lieu du zéro. Il replace les pions. La P. E. : « Thomas,

tu serais impressionné, et Julien, toi tu serais quoi ? ». Julien : « Moi je serais étonné : pourquoi elle

pleure ? ». La P. E., s’adressant à Thomas : « et toi, impressionné, pourquoi ? ». Thomas : « Parce que,

genre par exemple c’est rare quand tu la vois pleurer, t’es « Ouh, pourquoi elle pleure ? » ». Pendant

ce temps, Gaël et Alexandre parlent du jeu mais n’écoutent pas ce qui se passe à côté. Gaël et Bastien

retournent leurs cartes, et s’exclament : « Yes ! Trois points ». Ils étaient tous deux « étonnés ». Gaël

s’explique, mais n’est pas écouté par les autres, qui parlent en même temps. La P. E. se déplace et se

met derrière Thomas, pour lui faire signe d’arrêter [il ne cesse les signes d’excitation perturbateurs

depuis le début du jeu]. La P. E. demande à ramasser les cartes équipe.

Deuxième manche (vers 10’) :

C’est à Thomas de lire. La P. E. lui propose de lire la situation qu’il a écrite, mais il a préféré

aller chercher les cartes. Julien prend la feuille où Thomas avait écrit sa situation, et commence : « Sa

situation, c’était… ». La P. E. lui prend la feuille des mains, la retourne contre la table : « attends… s’il

veut la lire. Il n’est pas obligé. ». Bastien : « Allez ! Prends ta situation ! ». Les élèves essaient de le

convaincre, sans succès.

Page 70: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

71

Thomas lit sur une carte : « Les astronomes ont découvert une grosse météorite se dirigeant

droit vers la Terre. Il y a un fort risque de collision dans 10 ans ». Bastien fait un cri d’effroi : « Direct,

je pense que tout le monde va mettre la même chose ». Thomas, pour plaisanter : « Je suis fier, je suis

fier » « ou je suis amusé ». Bastien : « Je vais me faire défoncer », puis ricane. Il reprend : « Bah encore,

quand t’as 80 ans, c’est pas grave ». Thomas imite une voix de vieillard : « aaaahhh, je vais mourir ».

La P. E. : « Tout le monde a mis son émotion, c’est bon ? » ; puis elle distribue les cartes équipe. Les

élèves retrouvent les mêmes équipes que précédemment. Alexandre demande à Florian de tenter des

cartes Feeling ; la P. E. lui souligne qu’il en a trois et peut donc en effet les utiliser, du moins s’il pense

que c’est bien la même émotion. Les élèves continuent à s’exciter, parler. Alexandre fait signe à Bastien

de se taire. La P. E. s’assure que toutes les cartes ont été posées, et laisse Thomas et Julien retourner

leurs cartes.

Thomas et Julien marquent trois points ; tous deux auraient peur. Alexandre : « Alors là, si

Florian il a mis autre chose… je pète un câble ». Pendant ce temps, Thomas et Julien se tapent dans la

main pour se féliciter. Gaël et Bastien retournent leurs cartes, chacun a « peur » ; ils marquent trois

points également. La P. E. : « Tout le monde a peur ? Bon bah, ça va pas être difficile ». Julien : « Bah…

tout le monde a peur, en même temps… on va pas mettre qu’on est « excités » ». Tous s’excitent en

agitant des bras. La P. E. : « Ça pourrait être : je suis impressionné ». Florian et Alexandre retournent

leurs cartes et idem, marquent trois points pour l’émotion « peur ». Bastien : « Le gars qui aime pas sa

vie : « je suis excité ! » ». Les élèves mettent de côté les cartes «Feeling » utilisées.

Troisième manche (12’58) :

La P. E. demande à Julien s’il veut lire sa situation. Il accepte. Julien : « Ta meilleure amie se

dispute avec une copine ». La P. E. : « D’accord. ». Bastien : « Pourquoi y a pas « résigné » ? ». La P. E. :

« Shhh, eh, on dit rien » ; en même temps qu’Alexandre pour Bastien : « Dis rien ! ». Alexandre, pour

plaisanter : « Le mec, je suis fier ». Les élèves ricanent. La P. E. demande à Thomas, debout, de se

rasseoir [ce qu’il fait]. Gaël demande à ce que Julien relise sa situation. Julien répète. Thomas la dit

également en changeant sa voix pour imiter deux filles qui se disputent. Gaël, à Alexandre : « Ah bah

Alexandre, c’est déjà arrivé, toi ». Alexandre : « ah bah oui, bah… ». Gaël : « c’est bon, ça arrive tous

les mois presque ». Les élèves réfléchissent à leur propre émotion ; Thomas dit ne pas savoir quoi

mettre, Gaël dit qu’il n’y a « aucun truc qui [lui] plaît ». Bruits vocaux. Alexandre demande

tranquillement à Bastien d’arrêter de parler ; et continue : [dans sa main, à l’écart] « Il m’énerve ». La

P. E. : « Vous avez tous mis votre émotion ? ». Elle leur tend les cartes équipe en éventail, face colorée

vers le bas, en invitant les élèves à se servir eux-mêmes : « Prenez votre carte, comme ça vous

m’accuserez pas… ». Les élèves découvrent leur carte, la P. E. les invite à chercher : « Allez, on y va ».

Les élèves cherchent, échangent de courtes phrases sur leurs doutes, émettent des bruits parasites. La

P. E. : « Ça serait bien de t’arrêter, Thomas ». Échanges des élèves autour de dessins animés regardés

par un de leurs camarades de classe le matin.

Julien et Bastien retournent leurs cartes. Aucun point marqué. La P. E. : « Alors, c’est quoi les

émotions, là ? ». Julien a fait une erreur et s’est mis une carte Feeling à lui-même. La P. E., à Julien :

« Donc, ton émotion à toi, tu es ? ». Julien : « Je suis étonné ». Bastien : « Bah moi je suis satisfait,

enfin, c’était plus du côté « résigné », c’était un peu plus du côté « résigné » ». La P. E. : « Donc, ce

n’est pas trop : « je suis satisfait », alors » « D’accord ». Thomas, cartes en main : « Allez, Alexandre et

moi ! », alors que Bastien continue son explication. La P. E. pose sa main sur le bras de Thomas :

Page 71: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

72

« Attendez, attends qu’il ait terminé de s’exprimer ». Bastien : « C’était ce qui représente le plus ». La

P. E. : « et t’as pensé que Julien allait être plutôt quoi ? t’as pensé qu’il allait être… [regardant sur le

plateau] qu’il allait avoir peur ». Bastien : « Bah je sais pas, j’ai mis au hasard ». La P. E. : « D’accord ».

Thomas et Alexandre retournent leurs cartes, mais aucun n’a trouvé l’émotion de l’autre. La

P. E. cherche à savoir quelles sont les émotions posées, mais les élèves ne peuvent pas s’exprimer, les

autres ne cessent de parler (Julien dit que sa situation était dure, Florian parle des points à venir, etc.).

La P. E., s’adressant à Alexandre : « Toi, tu es satisfait, Alexandre ». La P. E. demande à ce qu’ « on

s’écoute », mais sa remarque n’est pas entendue. Alexandre : « Je serais à la fois satisfait et déçu ».

Julien fait des bruits vocaux en parallèle. Alexandre : « Parce que la dernière fois, j’étais déçu, parce

que… [il souffle] ». Gaël, soudain de nouveau attentif : « Hein ?! Toi tu serais quoi ? ». La P. E. : « Tu le

saurais si tu écoutais un peu, Gaël ». Alexandre : « Là, j’ai mis satisfait, mais je pense que j’aurais pas

dû mettre ça. Bah moi je serais plutôt déçu parce que la dernière fois que c’est arrivé… j’en avais

marre » « De toute façon, je leur ai dit : « de toute façon, vous les filles, ça va durer une journée et puis

après… » ». La P. E. : « Et tu as pensé que Thomas allait être déçu ? T’avais mis déçu pour Thomas, c’est

ça ?». Mais Gaël lui parle en même temps sur sa « plus grosse embrouille » avec lui, parce qu’il avait

dit que telle personne était amoureuse de telle autre. Thomas, en parallèle : « Moi j’étais étonné ». La

P. E. « Tu étais étonné, et tu as pensé qu’Alexandre allait être quoi ? » « Tu as pensé qu’il allait être

impressionné, plutôt ? ». Mais Thomas n’écoute plus, il regarde les cartes que Gaël et Florian viennent

de tourner. Bastien compte : un point. Les autres s’excitent après plusieurs « non » et « si » en réponse

à une question. Julien : « Nan, si, t’habites à Nancy ». Ricanements.

Gaël, à Florian : « Au début, je pensais que t’allais mettre « impressionné », comme moi, mais

comme j’avais plus qu’une carte Feeling, bah je l’ai pas mis ». Thomas : « Tas déjà plus de carte Feeling,

Gaël ? ». Gaël : « Plus qu’une ! ». Il explique avoir voulu garder la dernière pour une prochaine situation

avec Axel. Pendant ce temps, Bastien fait des bruits parasites, Thomas fait une grimace à la caméra. La

P. E. laisse faire les élèves qui ramassent leurs cartes.

Bastien demande s’il peut lire sa situation. La P. E. : « Non, on attend que le calme revienne,

là » « Parce qu’on ne s’écoute plus ».

Quatrième manche (18’) :

Bastien lit sa situation : « Madame Lodeho et Madame R. se battent pour Monsieur B. ». La

P. E. et les élèves se tournent vers M. B., assis à son bureau, qui répond : « Elles n’ont aucune chance ».

Tout le monde rit. La P. E. : « C’est ça la situation ? Bon bah allez-y. ». Les élèves continuent de rire.

Thomas : « Je crois que tout le monde va mettre la même ». Les élèves recommencent à plaisanter :

« Je suis fier », « je suis amusé ». Distribution des cartes équipe. Florian, qui est avec Julien : « Toi, je

te connais pas assez ». Thomas retient son souffle pour s’amuser, toujours excité. La P. E. lui demande

s’il a mis son émotion. Les élèves continuent de chercher.

Bastien et Alexandre retournent leurs cartes, mais aucun n’a trouvé l’émotion de l’autre.

Alexandre est étonné : « Je suis amusé ?? ». Bastien : « c’est marrant ». Les élèves rigolent et Julien

montre M. B. du doigt. La P. E. : « Alexandre, tu serais… satisfait ? ». Alexandre : « oh, je m’en fiche ».

Tous explosent de rire. La P. E. : « Bastien, tu as pensé qu’Alexandre allait être quoi ? ». Bastien :

« impressionné ». La P. E. : « plutôt « étonné », tu as mis ». Bastien : « euh oui, étonné ». Pendant que

Page 72: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

73

Bastien et la P. E. poursuivent leur discussion, Thomas engage Gaël à tourner ses cartes avec lui. La

P. E. souligne qu’ « on n’entend rien » avec les rires et les conversations parallèles.

Thomas : « Je suis étonné, moi ». La P. E. : « Toi tu serais étonné. Et tu as pensé que Gaël allait

être… ». Gaël : « impressionné ». Julien : « Bon allez, on retourne ? » [en parlant de ses cartes avec

Florian]. La P. E., en même temps : « Pourquoi tu as pensé que Gaël allait être impressionné ? », et dit

en même temps « Non » à Julien. Florian : « Un, deux et trois » [prêt à retourner ses cartes]. La P. E.

pose sa main sur les cartes de Julien, regarde Florian et lui dit : « Tu écoutes ». Elle répète sa question

à Thomas. Thomas : « Impressionné, parce que, c’est un peu bizarre de voir deux maîtresses qui se

battent pour un « beau prof » [le dit en déformant sa voix et en faisant des signes de mains] ». La P. E. :

« Et toi, Gaël, ça serait quoi ton émotion ? ». Gaël : « moi je serais amusé, comme Bastien ». La P. E. :

« et qu’est-ce que tu as mis pour Thomas ? ». Thomas : « Il m’a mis : Feeling ». Gaël aurait pensé

Thomas plutôt amusé, et il dit que s’il avait été avec Bastien, il aurait eu 3 points : « connaissant

Bastien, il est toujours en train de rigoler ». La P. E., à Florian et Julien : « Allez-y les garçons,

maintenant, vous pouvez retourner vos cartes ».

Florian et Julien retournent leurs cartes, mais ils n’ont pas trouvé l’émotion de l’autre. La P. E. :

« Alors, donc là aussi tout faux ? Dites donc, vous avez tout faux sur cette situation ». Bastien : « Nan

mais c’est trop marrant ! ». La P. E. : « Juste, une chose, quelle était ta carte, Florian ? » « Toi tu as mis

que tu étais… impressionné, et tu pensais que Julien allait être… étonné » « Et Julien, toi tu étais

plutôt… ». Julien : « Moi j’étais satisfait ». La P. E. : « satisfait, tu dirais ? » « satisfait de quoi ? ». Julien :

« Oh, on s’en fout un peu. C’est pas notre vie ». Alexandre, qui le reprend : « on s’en fiche ». Bastien :

« Nan, c’est marrant ! ». Les élèves rigolent. La P. E. : « Donc il y a un petit problème sur la définition

de « satisfait », parce qu’on n’est quand même pas sur « satisfait ». Depuis tout à l’heure, vous

dites… ». Thomas, en pleine phrase de la P. E., dit : « Maîtresse, pourquoi vous êtes toute rouge ? ».

La P. E. lui répond au milieu de sa phrase : « Parce que j’ai chaud ». Thomas, Florian et Bastien

s’amusent du fait que la P. E. puisse être rouge, gênée par la situation. Julien : « Bah, y a pas « résigné »

mais… voilà, on aurait mis « résigné »». La P. E. : « D’accord, vous voulez mettre plutôt ça. T’es

« indifférent » ».

Les élèves rangent leurs cartes et engagent Alexandre à lire sa situation.

Cinquième manche (22’18) :

Alexandre lit sa situation : « Ton meilleur ami embrasse la fille que tu aimes ». Gaël : « J’en

étais sûr ! ». Les élèves font des bruits vocaux. Alexandre précise qu’il s’agit d’embrasser sur la bouche.

La P. E. répète la situation, couverte par des bruits lorsqu’Alexandre l’avait lue. Bastien : « Et en plus,

nous deux [lui et Alexandre] on a les mêmes amoureuses ». La P. E. : « Cherchez votre émotion ».

Thomas : « Hein, c’est quoi déjà ? ». La P. E. : « Bah on l’a déjà répétée deux fois, Thomas, je ne vais

peut-être pas me répéter encore ». Alexandre répète sa situation.

Les élèves parlent des filles de la classe, à savoir qui aime qui. Pendant que les élèves discutent

entre eux, la P. E. se dirige vers M. B. pour lui présenter les cartes du jeu, lui en expliquer le principe.

La P. E. revient autour de la table de jeu, pendant qu’Alexandre dit : « Alors moi, je peux dire que je

serais déprimé pendant au moins un mois ». Le P. E : « Bah là, si vous êtes en train de dire vos

émotions… ». Gaël : « Bah non, y a pas l’émotion d’Alexandre ». Gaël : « Bah moi j’ai pas d’amoureuse,

alors je sais pas moi… ». Les garçons continuent de plaisanter autour des filles de la classe dont ils sont

Page 73: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

74

amoureux ou qui sont amoureuses d’eux. Julien : « En fait, on dit tout à la maîtresse ». Les élèves

continuent de rire entre eux. Distribution des cartes équipe. Les élèves cherchent l’émotion de l’autre ;

pendant ce temps, Julien demande à Gaël s’il a écrit une situation, mais non, Gaël répond n’avoir rien

écrit.

Julien et Alexandre retournent leurs cartes. Ils comptent leurs points : 3 points marqués.

Bastien : « Bah moi j’ai mis au hasard parce que je savais pas ». Thomas : « Ah je suis dernier, encore

une fois ». En même temps, la P. E., qui n’est pas écoutée : « Alors, est-ce qu’on peut écouter déjà les

garçons ? » « Donc dégoûtés tous les deux, et vous avez trouvé l’émotion de l’autre ». Brouhaha.

Alexandre : « S’il y aurait eu une émotion « déprimé et dégoûté, et se battre contre… » [rires] ».

Thomas : « Allez, Gaël et moi, on le fait ? ». Gaël : « Vas-y ». Les élèves cherchent à compter

les points marqués, mais il n’y en a aucun. La P. E. : « Alors, toi, Thomas, tu serais ? ». Thomas :

« Déçu ». Gaël : « On a mis la même émotion, mais… ». La P. E. : « Tu serais déçu, et t’as pensé qu’il

allait être plutôt… étonné ». [la P. E. parle dans un bruit de fond constant]. Elle reprend : « Vous aviez

la même émotion, vous étiez déçus tous les deux mais vous avez pas pensé la même chose pour

l’autre ». Gaël : « Nan mais j’avais plus de Feeling ! Sinon j’aurais mis Feeling aussi ». [Les bruits vocaux

continuent]

La P. E., s’adressant à Florian et Bastien : « Allez-y les garçons ». Ils retournent leurs cartes. Les

élèves décomptent un point. Gaël rend une carte équipe à la P. E. Thomas appelle la P. E. pour en faire

de même. La P. E. : « J’ai pas eu le temps de regarder, Florian, ta carte. Tu l’as déjà renvoyée ». Florian :

« Nan, ça c’était pas ma carte, c’était… ». La P. E. : « Attends, tu m’expliques. Toi, ton émotion, c’était

quoi, Florian ? ». Florian : « Déçu ». Thomas : « Comme Gaël et moi ». [Brouhaha]. La P. E. : « Donc

vous n’avez pas trouvé l’émotion de l’autre ». Bastien : « Si, un point ! Il a deviné ». La P. E. valide.

Gaël cherche les cartes situation pour le tour suivant. Julien : « Au pire, Gaël, dis en une au pif,

là, cherches-en une ». Gaël : « J’ai aucune idée ». Ramassage des cartes. Les élèves regardent les points

sur le plateau. La P. E., à Gaël : « Tu pioches une carte au hasard, tu choisis ». [brouhaha]

Sixième manche (27’56) :

Gaël : « On te propose t’intégrer… ». La P. E. : « Attendez, stop, là, pourquoi il y a une carte,

encore, qui est là ? » [désignant une carte de jeu sur la table]. Florian la ramasse. La P. E. : « Allez ».

Gaël : « On te propose d’intégrer une équipe de football professionnelle ». Gaël : « Et je peux dire une

deuxième, même si c’est celle-ci ? « Ta grand-mère s’est inscrite à un concours de super mamie… »

[rires] « et avec défilé en maillot de bain » » [rires des élèves]. Bastien : « oh non, mais fallait prendre

celle-là ». La P. E. : « Quelle situation tu as choisie ? ». Gaël : « l’équipe de foot ». Les élèves marquent

leur désapprobation. La P. E. : « Relis-là, s’il te plaît. C’est lui qui choisit ». Gaël : « On te propose

d’intégrer une équipe de football professionnelle ».

Florian : « Ça veut dire quoi, « intégrer » ? ». Gaël : « aller dans l’équipe, quoi ». La P. E. : « On

te propose de faire partie d’une équipe de football professionnelle ». Plaisanteries des élèves, à savoir

s’ils seraient au Bayern Munich, Real Madrid, etc. La P. E. : « On garde tout ça dans sa tête. On met son

émotion ». Les élèves continuent à parler, reviennent sur la situation de la grand-mère ; Thomas prend

l’exemple de la grand-mère de Titeuf. La P. E. laisse les élèves parler, mais engage Julien à trouver son

émotion pour pouvoir distribuer les cartes équipe.

Page 74: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

75

Distribution des cartes équipe, toujours dans l’excitation des élèves. Les élèves se demandent

à qui il reste une carte Feeling, et disent être contraints, du coup, de mettre une autre émotion que

celle qu’ils voudraient mettre.

Gaël et Bastien retournent leurs cartes et montrent leur satisfaction de marquer trois points.

La P. E. : « Bravo ! Alors c’était quoi les émotions ? ». Gaël : « Moi je serais fier de moi parce que… ».

Mais les autres élèves n’écoutent pas, concentrés sur le plateau de points. [Bruits vocaux de Florian]

La P. E. : « Par contre, tu as pensé que Bastien allait être satisfait ». Gaël : « Oui ». La P. E. : « Bastien,

toi tu étais… ». Gaël : « Ah non ! On a zéro points ! ». La P. E. : « Bah oui, vous avez pas de points, en

fait, parce que vous avez… ». Gaël : « Ah oui, parce qu’on a mis la même émotion que l’autre… ». La

P. E. : « Chacun, vous aviez la même ; en fait, vous aviez tous les deux la même émotion ». Gaël : « Ah,

je suis trop dégoûté ». Bastien : « On s’est devinés ! ». La P. E. : « Nan, vous étiez tous les deux fiers,

toi aussi t’étais fier, et t’as pensé qu’il allait être satisfait, et lui aussi a pensé que tu allais être

satisfait ». Le quiproquo s’éclaircit. Florian, pendant que la P. E. parle : « Allez ! » [prêt à retourner ses

cartes]. La P. E., posant sa main sur les cartes de Florian : « Attends un petit peu, Florian, qu’on termine

à chaque fois. Tu veux toujours retourner tes cartes avant qu’on ait fini de discuter ». Les élèves

discutent chacun de leur côté. La P. E. : « vas-y, tu peux y aller » « Thomas, c’est à toi ».

Florian et Thomas retournent leurs cartes. Décompte des points par les élèves : un point ou

zéro ? La P. E. cherche à comprendre : ils sont fiers tous les deux, et Thomas a bien trouvé l’émotion

de Florian. Les élèves continuent à s’agiter autour. La P. E. fait un signe d’agacement, et demande à

Bastien et Gaël d’arrêter ce qu’ils font. Alexandre : « Arrête de plier tes cartes, Thomas ». Gaël : « Ça

les abîme ». Alexandre : « Le jeu il est pas à toi ». Gaël : « Il est payant ».

Julien et Alexandre retournent leurs cartes, regardent les points marqués. Gaël, s’adressant à

Julien : « Ah, t’as peur d’avoir la responsabilité ! ». Julien : « J’ai peur d’avoir la responsabilité, parce

que je suis goal moi ». La P. E. : « Donc ça te ferait plutôt peur, et toi [à Alexandre] t’as pensé qu’il

serait plutôt fier. Et toi ? ». Alexandre : « Moi j’aurais mis… ». Julien : « J’hésitais entre peur et fier ».

La P. E., s’adressant à Alexandre : « Toi tu serais impressionné, c’est ça ? ». Alexandre : « Bah oui je

serais impressionné. Et en même temps fier aussi ». La P. E., à Julien : « et t’as pensé qu’il allait être

satisfait ». Les élèves recommencent à plaisanter, sur la fierté qu’il y a à jouer dans un grand club (pour

les filles, le salaire), sur le club en question, les joueurs.

La P. E. : « Alors, il est 10, on a le temps d’un dernier tour, éventuellement. ». Les élèves

continuent de parler joueurs de foot. La P. E. : « On va peut-être arrêter là, en fait, parce qu’aujourd’hui

on a du mal à justifier, vous prenez à peine le temps d’expliquer vos émotions, vous comptez vos points

avant. Vous retournez, vous comptez tout de suite vos points, vous passez tout de suite à quelqu’un

d’autre, et du coup on n’a même pas le temps de discuter. Donc c’est dommage. Ça perd un peu

l’intérêt du jeu ». Les élèves disent que tel ou tel autre parle tout le temps, en plus. La P. E. confirme

que certains sont extrêmement énervés. Bilan des points marqués : Julien, Bastien et Alexandre sont

en tête. Thomas dit qu’il est toujours dernier. Rangement du jeu.

Page 75: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

76

Grille d’analyse

Du côté des élèves, la nature des interventions a été classée de la manière suivante :

- Communication verbale

Objet de l’intervention Exemples

Au

tou

r d

u

jeu

Lecture de situation

Avance du jeu Élève qui demande à retourner ses cartes, à décompter les points, à

avancer dans le jeu

Décompte des points

Ap

pre

nti

ssag

es

Définition de vocabulaire

Citation de l’émotion ressentie

Explication d'une émotion Anecdote ; élève qui demande à un autre pourquoi il aurait pensé

telle émotion pour lui, etc.

Sur les équipes Sur la connaissance de l'autre pour deviner son émotion : élève qui

dit savoir pour un autre, élève qui dit ne pas savoir en raison de son

manque de connaissance de l'autre, etc.

Idée que tous vont mettre la même

émotion

Sur le besoin de carte Feeling

Citation de situations autres /

discussion autour des situations

Demande de situations « marrantes », qui leur ressemblent,

anecdotes autour des situations, etc.

Conversations sur le jeu, en aparté Expression d'appréciation sur le jeu ; demande d'intégrer autres

joueurs

Div

ersi

on

Présence de la caméra

Plaisanteries / excitation

Rappel à l’ordre Un élève demande le calme des autres ou en rappelle un à l’ordre en particulier.

Conversation hors sujet Questions sur les activités de la classe à venir, etc.

- Communication non-verbale

• Bruits « parasites » : bruits vocaux, chantonnements • rires, • regards vers le P. E., • regards de connivence entre élèves, • élèves qui se lèvent • élèves qui se tapent dans les mains pour se féliciter, • mimes : mimer une personne qui reçoit une gifle, etc. • autres gestes : se boucher les oreilles, etc.

Page 76: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

77

Du côté du professeur, natures et fonctions des interventions peuvent être ainsi classées :

- Communication verbale

Objet de l’intervention Exemples

Au

tou

r d

u je

u

Règle du jeu (explication / rappel) Faire respecter l’ordre de passage des élèves, l’ordre de révélation

des cartes ; rappel de mettre l’émotion la plus proche de celle

ressentie ; demande de garder son émotion pour soi (ne pas la dire)

lors de la phase de recherche ; etc.

Lecture de situation

Explication de situation

Ap

pre

nti

ssag

es

Définition de vocabulaire

Questions autour d’une émotion Demande d’émotion ressentie ou devinée / développement autour

de l’explication d’une émotion. Par exemple : « Quelle était ton

émotion ? », « Pourquoi tu serais déçu ? », « Pourquoi tu l'aurais

pensé déçu ? », mais aussi « Tu serais déçu pour telle raison ? Même

dans tel cas ? »

Reformulation d'un propos d'élève

Point de vue personnel Donne sa propre émotion / l’explique ; explique l'intérêt qu'il y a à

être avec une personne moins bien connue, etc.

Validation / acquiescement De type « D’accord » après l’explication d’un élève

Félicitations « Bravo » d’avoir trouvé l’émotion d’un autre

Souligne l’erreur d’un élève Dire aux élèves qu'ils se sont trompés

Souligne la diversité des émotions

ressenties

Ges

tio

n d

e gr

ou

pe

Reprise de faute de langage

Ramène au jeu après plaisanteries ou hors

sujet

Demande à un élève de retourner ses cartes, s’il a trouvé son

émotion, etc.

Demande de calme Demande à ce que les élèves s'écoutent entre eux, à ce qu'ils se

calment ; souligne l'état d'énervement des élèves

Rappel à l'ordre d'un élève Citation de son prénom

Autres Demande « pourquoi » à un propos d'élève (pourquoi tu ne veux pas

avoir tel partenaire ? etc.)

- Communication non-verbale

• Gestes : poser la main sur l’épaule ou la tête d’un élève • Signes : porter la main à la bouche en signe de silence • Déplacements : se placer derrière un élève pour le rappeler au calme, etc.

Page 77: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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Tableaux de résultats

Séance 1, Interventions des élèves :

Séance 2, Interventions des élèves :

Séance 3, Interventions des élèves :

Objet de l’intervention B. G. A. J. T. F. Ensemble des élèves TOTAL

Lecture de situation 1 1 1 1 1 1 6

Avance du jeu 1 1

Décompte des points 1 1 5 7

Définition de vocabulaire 2 1 1 4

Citation de l’émotion ressentie 1 1

Explication d'une émotion 13 5 10 7 3 4 42

Sur les équipes 3 1 2 1 7

Sur le besoin de carte Feeling 1 1 2

Citation de situations autres / discussion autour des situations 1 2 1 2 6

Présence de la caméra 1 1 2

Plaisanteries / excitation 1 3 1 1 2 9 17

Conversation hors sujet 3 3

TOTAL 23 13 17 12 6 6 21 98

Objet de l’intervention B. G. A. J. Ensemble des élèves TOTAL

Explication d'une émotion 4 4 2 1 1 12

Citation de situations autres / discussion autour des situations 1 1

Conversation sur le jeu, en aparté 1 1 1 3 6

TOTAL 5 5 3 2 4 19

Objet de l’intervention F. G. A. J. Ensemble des élèves TOTAL

Lecture de situation 1 1 1 1 4

Décompte des points 3 3

Citation de l’émotion ressentie 2 3 4 4 13

Explication d'une émotion 4 2 3 3 1 13

Sur les équipes 1 1

Idée que tous vont mettre la même émotion 1 1 2

Citation de situations autres / discussion autour des situations 2 2

Conversation sur le jeu, en aparté 1 1 2

TOTAL 7 8 9 10 6 40

Page 78: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

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Séance 4, Interventions des élèves :

Objet de l’intervention B. G. A. J. T. F. Ensemble des élèves TOTAL

Lecture de situation 1 1 1 1 1 5

Décompte des points 1 1 8 10

Définition de vocabulaire 1 1 1 3

Citation de l’émotion ressentie 1 1 1 3 1 7

Explication d'une émotion 15 14 15 9 10 8 71

Sur les équipes 1 1 1 1 4

Idée que tous vont mettre la même émotion 2 2

Sur le besoin de carte Feeling 1 1

Citation de situations autres / discussion autour des situations 7 6 6 6 4 3 2 34

Conversations sur le jeu, en aparté 2 1 1 4

Plaisanteries / excitation 1 3 7 11

Rappel à l'ordre 2 1 3

Conversation hors sujet 1 1

TOTAL 28 27 25 20 24 13 19 156

Séance 5, Interventions des élèves :

Objet de l’intervention B. G. A. J. T. F. Ensemble des élèves TOTAL

Lecture de situation 1 1 1 1 1 1 6

Avance du jeu 2 1 5 2 10

Décompte des points 4 5 2 2 1 10 24

Définition de vocabulaire 1 1 2

Citation de l’émotion ressentie 4 4 6 4 6 2 26

Explication d'une émotion 4 3 3 5 2 17

Sur les équipes 1 2 3

Idée que tous vont mettre la même émotion 1 1 2

Sur le besoin de carte Feeling 2 1 1 1 5

Citation de situations autres / discussion autour des situations 4 7 3 2 1 3 20

Conversations sur le jeu, en aparté 2 2 1 1 1 7

Plaisanteries / excitation 4 1 2 2 4 1 18 32

Rappel à l'ordre 1 4 5

Conversation hors sujet 1 4 5

TOTAL 22 30 24 18 22 11 37 164

Page 79: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

80

Interventions de la P. E. (séances 1 à 5) :

Séance 1 Séance 2 Séance 3 Séance 4 Séance 5

Règle du jeu (explication / rappel) 3 4 11 10 28

Lecture de situation 2 1 1 0 0

Explication de situation 1 1 1 4

Définition de vocabulaire 1 1 2 1 3

Questions autour d'une émotion 2 2 10 14 32

Reformulation d'un propos d'élève 1 4

Point de vue personnel 1 1 0 1 1

Validation / acquiescement 1 4 5 3

Félicitations 5 1 1

Souligne l'erreur d'un élève 1 1 3

Souligne la diversité des émotions ressenties 1 0 1

Reprise de faute de langage 1 0 0

Ramène au jeu après plaisanteries ou hors sujet 2 4 5 3

Demande de calme 5 5 6

Rappel à l’ordre d’un élève 1 7 10

Autres 1

TOTAL 11 14 47 59 90

Page 80: Expliquer ses émotions au cycle 3: comment utiliser le jeu

Master « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » - Mention Premier degré

Expliquer ses émotions au cycle 3 :

comment utiliser le jeu Feelings ?

Résumé du mémoire :

Maîtriser ses émotions, qu’est-ce que cela signifie ? S’agit-il de contrôler ses réactions, ne pas réagir

impulsivement en cas de colère ? S’agit-il de ne pas dire tout haut ce que l’on pense tout bas, pour

paraître raisonnable ? Déjà, il faudrait apprendre à identifier ses émotions, à se concentrer dessus

quand on les ressent : qu’est-ce que je ressens, là, maintenant, et pourquoi ? Est-ce que je viens de

vivre quelque chose d’injuste, ou est-ce que c’est moi qui ai fait un caprice exagéré ? Tout ce processus

de gestion des émotions, des pensées et réactions n’est pas simple et, si c’est un sujet en vogue auprès

des adultes (l’explosion du yoga, de la sophrologie ou des ouvrages de développement personnel en

attestent), il est moins commun d’en parler aux enfants. En parler, et surtout faire apprendre, intégrer

certains mécanismes de protection face à la pression quotidienne, qui va aujourd’hui jusqu’à entrer

dans les classes. Comment faire en classe, avec des élèves qui entreront bientôt au collège, voilà l’objet

de ce mémoire.

Mots-clés : émotion, morale, personnalité

Summary:

Regulating emotions: what does it mean? Is it about controlling reactions, avoiding impulsive reactions

when one is feeling anger? Is it about not saying out loud what we are thinking to ourselves, to appear

reasonable? First of all, learning to identify emotions seems crucial, to focus on them while they are

being felt: what do I feel, here and now, and why? Did I just live an unfair situation, or was it my fault,

some kind of excessive caprice? This all process of managing emotions, thinking and reacting is

complex. It may have become a popular subject among adults (the actual popularity of yoga,

sophrology and personal development books can prove it), but it is still rare to talk about it to children.

Talking about it, and above all making children learn, permit them to integrate some protection

mechanisms against everyday life pressure, which is today sneaking into schools and classes. How to

deal with it in a classroom, with pupils about to enter junior high schools, that is the point of this essay.

Keywords: emotion, moral, personality