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164 Les it'uer turalc des pers~nnes qui s'y trouvent m61Ces et de sa proyrc: relation cha(Une ~ C S partics. 11 faut se ,;ferer a un autrc principe important dc In structure polipq~e nuer : plus le groupe local est pc!it, plus fort est 1( sentiment qui unit ses membrcs. Le sect.i- merit tribal est plus faible que le sentiment que I'on trouva dans un des s,gments, et le se~timent de ce segment cst plus faible quele senlimcnt d'un village qui en fait partir. ~o~-,uemcnt, )n pourrait supposer quc c'cst le car, car si 1 unlt6 interIlcd'un groupe esb fonction de son opposition aux groupes d, mkme espkce, on pourrait se douter que Ic sentimeIlt dvurjt6 4 l'intkrieur d'un groupe dojt ktre plus fort le senpment d'unit6 a l'interieur d'un groupe plus vaste qui le cntient. De plus, il est 6vidcnt que plus lc groupe est pet\, plus les contacts ontre ses mcrnbres sont nombreux, plu! ils sont variks, plus ils tiennent de la coop&- ration. D~~~ groupe ktendu comme la tribu, les coctact,; entre membresne sent pas frequents, et I'action solidairc se limite dese~~~r~ions mililaises de loin cn loin. 142~s un petit groupfel qUe le village, non seulcment on uni..ine tous les jours souvent pour s'entraider, mais cncorc lcs membres sent unis par des liens serrCs d'agnation, dc consanguinit6 ,t d'affinit6 qui trouvent a s'exprimcr par une r6ciprocit6dans les actcs. Ces liens se font plus rarcs et plus lsches mesure que le groupe s'klargit, et I'on ne saurait douter p e la coh6sion d'un groupe politique depend du nombre et ,-J 1" force de ces liens oh la politique n ' e ~ t r e pas. 11 faut conspter a u ~ s i que les rCalit6s politiques sont embrouillees contradictoires. Elles sont embrouillkes du fait qu7elles ]e sont pas toujours, mEme dans un contcxte politiaue, en &cord avec les valeurs politiques, encore quvell;s s'y plier; et du fait que des liens sociaux d~espt?ce diff6re&e produisent leur efTet dans le m6me champ, renforSant parf'S CeS valeurs et parfois les contrecarrant. Ces rCalit6s son contradictoires du fait que les valeurs qui jes , j ~ ~ ~ ~ ~ i ~ ~ ~ ~ s o n t elles-mtmes en conflit, vu la relativit6 des structures lolitiques. Des rCalit6s politiques logiques et uniformes, o: n'en voit que si le dynamisme et la rela- tivitC de la str,$Ure politique v0nt de soi, et si le rapport de la structurep~!itiq~e aux autres systkmes sociaux se trouve p,.is en c)ns~dCration. Lcs tribus nuer sont dil-is6cs en srgrnent,~. IVous donnons aux plus grands segments le nom de srctinns trihalrs pri- maircs. L(:s scgmc:nl2i de ces dcrciert's sont drs src,t,ions Lril~ales sccondnires, vlleq-rnornc.; scgirlrnlCcs cn sc>clii?ns Lribalcs tcrtiaircs. L'cxspbriencc montre que Ics tcrnics dc primairc, sccontlaii,tt vt tcrtiairc suf:i~cnt all?; tltfinitinris, ct que c'cst cncore lrop sans doutc pour !es plus petites trib!~s. Une scclion tribalc tcrtiairc cornprcild un certain nombrc de cornmunautes villagcoiscs, composL;es dc groupes dc parent6 et dc groupcs domestiqncs. LA TRIBU LOU Scclion primaire Mor Section primaire Gun section secondaire Gaalick section sccondalre Jimac section seconds~re Jaajoah scctlon seconda~rc R~imjok scct~on tertlalre Lcng sect~on E~it~airc I'lyar!iw3c

EvansP, Nuer, 1937, Systeme Pol1

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164 Les it'uer turalc des pers~nnes qui s'y trouvent m61Ces e t de sa proyrc: relation cha(Une ~ C S partics.

11 faut se ,;ferer a un autrc principe important dc In structure pol ipq~e nuer : plus le groupe local est pc!it, plus fort est 1( sentiment qui unit ses membrcs. Le sect.i- merit tribal est plus faible que le sentiment que I'on trouva dans un des s,gments, e t le s e ~ t i m e n t de ce segment cst plus faible quele senlimcnt d'un village qui en fait partir. ~o~-,uemcnt, )n pourrait supposer quc c'cst le car, car si 1 unlt6 interIlcd'un groupe esb fonction de son opposition aux groupes d, mkme espkce, on pourrait se douter que Ic sentimeIlt dvurjt6 4 l'intkrieur d'un groupe dojt ktre plus fort le senpment d'unit6 a l'interieur d'un groupe plus vaste qui le cntient. De plus, il est 6vidcnt que plus lc groupe est pet\, plus les contacts ontre ses mcrnbres sont nombreux, plu! ils sont variks, plus ils tiennent de la coop&- ration. D~~~ groupe ktendu comme la tribu, les coctact,; entre membresne sent pas frequents, e t I'action solidairc se limite d e s e ~ ~ ~ r ~ i o n s mililaises de loin cn loin. 1 4 2 ~ s un petit groupfel qUe le village, non seulcment on uni..ine tous les jours souvent pour s'entraider, mais cncorc lcs membres sent unis par des liens serrCs d'agnation, dc consanguinit6 ,t d'affinit6 qui trouvent a s'exprimcr par une r6ciprocit6dans les actcs. Ces liens se font plus rarcs et plus lsches mesure que le groupe s'klargit, e t I'on ne saurait douter p e la coh6sion d'un groupe politique depend d u nombre et ,-J 1" force de ces liens oh la politique n ' e ~ t r e pas.

11 faut conspter a u ~ s i que les rCalit6s politiques sont embrouillees contradictoires. Elles sont embrouillkes d u fait qu7elles ]e sont pas toujours, mEme dans un contcxte politiaue, en &cord avec les valeurs politiques, encore quvell;s s'y plier; e t du fait que des liens sociaux d~espt?ce diff6re&e produisent leur efTet dans le m6me champ, renforSant parf'S CeS valeurs e t parfois les contrecarrant. Ces rCalit6s son contradictoires du fait que les valeurs qui jes , j ~ ~ ~ ~ ~ i ~ ~ ~ ~ s o n t elles-mtmes en conflit, vu la relativit6 des structures lolitiques. Des rCalit6s politiques logiques et uniformes, o: n'en voit que si le dynamisme e t la rela- tivitC de la str,$Ure politique v0nt de soi, e t si le rapport de la structurep~!itiq~e aux autres systkmes sociaux se trouve p,.is en c)ns~dCration.

Lcs tribus nuer sont dil-is6cs en srgrnent,~. IVous donnons aux plus grands segments le nom de srctinns trihalrs pri- maircs. L(:s scgmc:nl2i de ces dcrciert's sont drs src,t,ions Lril~ales sccondnires, vlleq-rnornc.; scgirlrnlCcs cn sc>clii?ns Lribalcs tcrtiaircs. L'cxspbriencc montre que Ics tcrnics dc primairc, sccontlaii,tt vt tcrtiairc suf:i~cnt all?; tltfinitinris, c t que c'cst cncore lrop sans doutc pour !es plus petites trib!~s. Une scclion tribalc tcrtiairc cornprcild un certain nombrc de cornmunautes villagcoiscs, composL;es dc groupes dc parent6 e t dc groupcs domestiqncs.

LA TRIBU LOU

Scclion primaire Mor Section primaire Gun

section secondaire Gaalick

section sccondalre Jimac

section seconds~re Jaajoah

scctlon seconda~rc R~imjok

scct~on tertlalre Lcng

sect~on E ~ i t ~ a i r c I'lyar!iw3c

166 Les Nuer

mrammc Ainsi la tribu Lou, comme on le voit dans le dia, ci-dessus, se segmente en sect,ions primaires, Ics Gun e t les RIor. La section primaire Gun se segrrlente en sections secondaires Rumjok e t Gaatbal. La section secondairc Gaatbal se segrnenie a son tour en seclions tert,iaires Leng e t ixyarkwac. Le diagramme ne montre que quelquca segments : les Gaaliek se divisent en Ryaak e t en Buth, les Rurnjok en Falker, Nyajikany, Kwacgien! etc.

Le diagramme suivant montre les sections primaires de la tribu Gaagwang de 1'Est e t les sections primaires e t secondaires des tribus Gaajak de I 'Est e t Gaajok. J e les presente aussi exactcment que mes connaissances me 1. permettent : s'il se trouve un lecteur assez au courant de 1:i dificult6 d e d6brouiller le systbme complcse des divisions tribales nuer, il ne sera pas surpris de decouvrir ici des sec- tions qu'il connalt sous des nonis diffkrents, ou d e porter manquantes des sections qu ' i son avis je n'aurais pas dO omettre. J e n'ai pas de certitude sur les sections secondaires de la tribu Gaagwang, car je n e I'ai pas visit6e.

LES TRIBUS JIKANY DE L'EST Tribu

Tribu Caajok Goagwang Tribu Gaajak

1 Sect. sec. Thiur 1 I Sect. ~ e c . Nyayanl 1 ..................................... " -... - ..-..-

S e c t arc. Dwong prim. Sect. nec. Cany set. prim. .... -..-. 1 Gaatcika I I Gaagwong 1 Sect. sec. Kwith 1 I sect. sec. ~ a u 1

1 Sect. sec. Minyaal 1 1 Sect. sec. Kongs 1

1 Sect. sec. Nyathol 1 Sect. sec. DhillcakL I Sect. eec. Pwot

............... - ...- " -.-. I I Sect. sec. Tar Sect. sec. Kwal ......... - ,,.-, --"...- .......................

............ - ......... .- - . .- .. I Sect. aec. KWUI I I Sect. sro. Lony I

Sec.prim. yo1

Avec qui vont les Nyajaani Appe16c oussl Tiek et Yoar. %ppelbe aussi Nyaruny. Appe lb aussl eying.

Parmi 1l.s Jiltany dc l'Ouest, il semble que les Gaagwang soicnt classes comrne une partie de la tribu Gaajok, dont lc pays s'etend des deux cdtCs du Bahr el-Ghazal, alors que la trlbu Caajak vit cn aval d e cette rivilre. Les sections primaires de ces dcux tribus, Gaagqong, Reng, Thiang, Laang, Wangls~ac, e t Yol, sont les mCmes que dans I 'Est,

..S"""" ..... ect. r c . Yiic sect. RE. Kang ............................... I I Sect. see. Cam .-.--...----..

TRIBU GAA\VAR

prim. Thiang

Scct . prim. Radh Sect. prim. Bnr

Spcl. tt,rt, Caarn Svct . s c . Nyoipr~n . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

9r*cl.. st:c. Jilht. ib Scct. tt-rt. Gnthv;a

Sect. st^. 1ic~rf:iil

Sect. sec. Nyndsliwon

Sect. ~ C C . Prr

TRICU LAK

Srct. tert. Bang ...........................................

SccL. Lcrl. J a r n n ~ h

Secl. p r i~n . .lenyclr~g Sccl. prim. Iio'acbrrr

Scct. sec. Lidh

Sect. scc. Galkwa

1 I Sect tert. Tlliang I .............................

.. ................ ................. I I -. - Sect. scc. Nynpir Sect. tert. Kar

Sect. sec. ~ c c t . spc. Kudwop

I Sect. tert. Cuak

Sect. tcrt. Nyawar ................................................ Sect. tcrt. Dongrial

TRIBU THIANG Secl. prim. Riah Secl. prim. Bang

I / sect. sec. ~ ~ 0 t h I I Sect. s r c Giia j Sect. see. Cuol I

%$":,"; Sect. sec. Juak

- Sect. sec. Manyal

Sect. tcrt. Cul -.

.......... Scct. tert. Bedid ..................... --., ............ tert. Dw*ng

168 Lcs Nuer

mais certaincs sections secondaires qui ont de I'importancc: au nord du sobat ne se t.rouvent pas, a I'cxception dc quelques trks petites agelornBrations, sur le Bahr cl-Ghazal, e t vicc versa. L A raison en est que ccrtains lignagcs ont migrii vcrs ~ 'cs t , tandis que d'autres rcstaient chcz eux.

Apr& m'ctre convaincu que la scgrnefitation d ~ s autres tribus nucr suit I'excmple de celle des Lou et, dcs Jikany, je n'ai pas Iait des listes detaillees de lcurs divisions, car de nouvcaux S O ~ P ~ S d'4tude s'offraicnt, mni. On vicrlt de vojr q~~.c!quc:!; diagrarnmes reprbscntant la segmentatinn tribalc en pays gaawcr, lak e t tlliang. J c les dois a AT. B. A. Lewis, qui [ u ~ commissaire du district dc la rivikrc Zkral.

On aura remarque que je n'ai pas cherchi. laire la liste de toutes les sec;tions dc chaque tribu, mais que j'ai sim- plernent essay6 d'indiquer le mode dc segmentation de telle sorte que fe rapport dcs divisio~ls et des lignagcs se comprence plus clairenent dans lc chapilre qui suit.

Lcs segments d'une tribu presentent bien dcs caractk- risliques dc cette tribu e l l e -mhe . Cllacun a son nom dis- tinctif, son scnt.imc.nt commun e t son territoire unique. D'habitudc uric section est n e l t ~ m e n t skparke d'une autre par uce large ktcnduc dc terrcs incuiles ou par une rivibre. Lcs segments d'llne mCme tribu ont kgalement tcndance a transhumer dads des directions dill'krcntcs, comme le montrent les caites des paces 79-81, ce qui maintient les divisions spatiales de la sa~son dcs pluics, e t qui m@me les accentue la saison sechc; cepcndant, nous ayions note que chez les tribus plus grandes de l'est du Ril, la sevkrite des conditions naturelles peut recdre lcs interrelations plus 6troites que chez Ies trihus plus petites de I'Ouest.

Plus le segment tribal est petit, plus son territoire se resserre; ses mernbres vivent plus prcs les uns des autres; leurs liens sociaux sont en g6nCral plus intimes e t plus varids, e t par cc)nsCquent, ils ont un sentiment plus fort de leur unith. Comme nous le verrons, un segment tribal se cristallise autour d'un lignage du clan dominant de la tribu; e t plus ce segment est petit, plus 6troite est la rela- tion genealogique entre membres de ce fragment de clan. De mBme, plus le se,prnent esL petit, plus le systkme des classes d'sge ou.pmmotiqns determine le comportement e t suscite une act.lon solidalre en son sein. Ainsi, la cohesion

Le systdme politiqut: 169

politique ne varie pas seulement avec la distance politique, mais elle est aussi fonction d'autres especes de distance structurale.

Chaque segment est lui-mBme segment8, et il y a oppo- sition entre ses parties. Les membres d'un segment quel- conque s 'unisent pour guerroyer contre des segments adjacents du mCme ordre, e t s'unisscnt avec ces segments adjacents conirc des seclions plus larges. Les Nuer FUX- memes allirment nctlemcnt ce principe structural quand ils exposent leurs valeurs politiques. Ainsi, disent-ils, si la section tertiaire Leng de la tribu Lou livre bataille a la section tertiaire Nyarliivac - et ~ustcment , ces deux sec- tions ont @te longtemps a couteaux tirCs - les villages qui cornposcmt chaque section se ligueront pour le combat; mais s'll s'Clcve une querclle entre la section tertiaire Nyarlrwac e l la section stlcondaire r<urnjok, coinme on l'a vu recemment ri propos du droit aux points d'eau Li Fading! alors les I,eng el les >yark\~ac. s'uniront contre lcur enncmi commun les Hun~jok ; le~qucls, de leur cBt6, forrnc.ront une coalition d i : ~ divers scgrnents qui les constituent. Si la discordc oppose le:: sccstions primaires Mor e l Gun, les R~mjc) l i c5t Ics Gaatbal s'uniront contrc la ligue des scctions mor : 11.s Gaalicrk, Ics Jlrnac et lcs Jaajoah. Bt si l'on se ha t contre Ics GaaJok oti Ics Gaziiar, les sections primairrs Gun et JIor sr Iigucl~ont~, en thborie tout au moins, et c'est une tribu Lou unifitlc c l ~ l i se nlettra en carnpagne, puisque I'unck cpt l'auire scc,l.inn apparticnncnt au memc groupe politiqucl, e t p u i q ~ i c Ieurs lignagcs dominants appar- Lionncmt au mCmc clan. Ellcs s'unissaicnt certaincmcnt 1)011r Iairc la razzia cllcz Ics Dinka.

I-'armi les Ganjok ctc I'Est, les sections Jlinyal, Wan6 e t Nyatl~ol se lijiurnt contre les Yol. De mCme les sect~ons Thiur, I)\vong et K~vi th s'unissent pour faire la guerre. Ces a1l'ail.e~ cntre s~c t ions t,ribalcs et les conflits qui en resultent sc londcnt sans doute sur un principe territorial, mais on lcs reprksentc souvent en fonction des lignages, puisqu'il exisle unc relation ktroite entre les segments tcrritoriaux e t les scgmcnts lignagcrs : les Nucr ont l'habitudc d'cxpri- nicr 1cul.s obligations sociales dans I'idiorne de la parenLC. Pour nl'apprendre que les JjTangkac e t les Yo1 s'uniraient face i toutc autre scction enncmie, Ics Nuer specifiaicnt que Ic:; lignages H ~ A N C I < A C e t YOL, qui sont des lignages

I . J.':~llteur emploie, ici pt plrls loin. Ic rnnl /c?rl. qui exprime rln etat d'llosLl!ilf pcrrnn~lcil te Voir !a note ar?. dcbul de 14 S F C ~ I O ~ 1V. (h' .d .T. )

170 Les IVuer

dominants de ces sections, s'uniraient parce que leurs ancetres Ctaicnt les fils de la m&me mere. Le chapitre V nous montrera que c'est le langage ordinaire des Nuer.

Cc principe de segmentation e t cette opposition entre segments se retrouvc dans chaque section d'une tribu et passe les frontieres tribales pour s'ktcndre aux relations entre tribus, surtout chez les petites tribus de l'oucst, qui se coaliscnt plus facilcment e t plus frkquemment, soit pour pillcr les Dinka, soit pour se combattre l'une l'autre, quc les grandes tribus dc l'est du Nil. Un hornme de la section Fadang de la tribu Bor me donnait cet exemple : ci Nous luttons contre lcs Rengyan, mais quand l'un de nous lutte contrc une tiercc partie, nous nous Iiguons avec eux. ))

Ce q u e l e s s u e r eux-rncrnes knonccnt de fason hypothk- tiquc, nous pouvons Ie representer du micux possible par un diagramme.

Quand Z1 1ut.t~ co~ltre Z2, al.lcunc a r ~ t r e scction n'est impliqukr. Quand Z1 lut,tc contrc Y1, Z1 e l Z2 s'unissent comme Y2. Quand Y l comljat X1, Y1 e t Y2 s'unisscnt, X1 et X2 en font autant. Qli;111d X1 lutte contre A, X I , X2, Y1 e t Y2 sc liguent t o u ~ on tant qu!? B. (_))uand A fait une dcscente chez les Dinka? il y a drs cllarlces pour que A e t I3 s ' l~niswnt.

Les plus grandcs tlcs section? !ribales ktaient des groupes prcsquc autonomcs e t agis;aic:nt comme tels dans leurs inimities e t leurs alliances. Ellcs se combattaient lcs unes les autrcs pour se rctrouvcr le moment d'aprks alliCes cont.rc nn troicikme enncmi. Ces con~bir~aisons n'ktaient pas toujours a u s i regulii.rcs ct aussi sirr~ples que les expos6s qu'on en a fait, e t que 1'idCe que j'en ai donnee. Voici

queIques exemples de luttes entre sections tribales. L'une des pires guerres de l'histoire des Nuer mit aux prises, il y a une generation, les Gun et les Mor, ces deux moities de la tribu Lou. Cette guerre est connue sous le nom de kur luny yak, (( l'hybne en libertk s, parce que t an t de gens y perirent qu'on laissa leurs cadavres en psture aux hybnes. Dans ces combats, dit-on, les hommes firent montre d'une ferocitk inhabituelle, allant jusqu'a couper des bras pour s'emparer plus vite des bracelets d'ivoire. I1 y a eu plus rkcemment, un long conflit entre les Leng e t les Nyarkwac, deux sec- tions tertiaircs de la tribu Lou, e t il dure encore i ce jour. C'est le rebondissement d'une lutte antkrieure entre les Thiang e t les Yo1 qui formaient autrefois deux sous-sec- tions des Nyarkwac. Les ancetres des lignages dominants des divisions Leng et Yol ktaient frbres, tandis que I'anc6tre du lignage dominant de la division Thiang occupait, vis-b- vis de ces freres, la position de fils de la sceur. Pendant longtemps, Yo1 e t Thiang vkcurent paisiblement ensemble, mais il y a trente ans une bataille kclata entre eux, e t les Thiang, vaincus, s'enfuirent e t cherchbrent protection dans la section Leng. Les Yo1 envoybrent des messages aux Leng, leur signifiant qu'ils n'avaient pas ri recevoir leurs ennemis, ni a leur donner asile. Les Leng rktorqubrent que I'ancetre du lignage L E N G ktait l'oncle maternel de l'ancttre du lignage T H I A N G, e t qu'ils ne pouvaient refuser l'asile aux fils de leur sceur. Cette att i tude entrafna les Yo1 (Nyarkwac) dans unc dcuxikme guerre, cette fois contre une alliance des Leng et des Thiang. On a vu rkcemment d'autres hostilit@s prolongkes chez les Lou : entre les divi- sions Falkir et Nyajikany de la section secondaire Rumjok, entre diverses communautCs locales de la section primaire mor, surtout entre deux divisions de la section secondaire Jimac.

Dans le pays gaajok de 1'Est; la section primaire Yo1 s'est unie 5 la tribu Gaagwang contre plusieurs sections, si ce n'est contre toutes les sections de la tribu Gaajak (la tribu Gaapvang semble s'6tre identifiCe avec la tribu Gaajok A tel point que nous pouvons presque parlerd'elles, e t c'est le cas a l'ouest du Nil, comme d'une seule tribu sCparCe des Gaajak par les vastes marais Macar). Les Yo1 ont cornbattu les Kyayan tandis que les Gaagwang ont combattu les Reng e t les I<ang. I1 y a un demi-sibcle envi- ron, les sections primaires Laang et Urangkac de la tribu Gaajok s'empitrirrent dans de longues hostilit6s; il y eu t aussi entre les sections Yo1 e t Wangkac un conflit qui se

172 Les A7rrc,-

tcrmina p2;. la ~-ictcirr; 2 ~ s J.7cbl ai:t$s de leas ailiec la t r i b ~ Gaag ..,$.? -?n <+ r;fl 1% d<':.-:.

G V . - l e at:?, i%;aRgl~r,c hi si cornpl&%e

qu'ils ::iib~zr!-, s'inst~.ilc;.- rllis a:r sad silr les ri.;es de la si.v-ic:- Pi.l3~.., L2<1,, ~ i F o : - . ~ ( ~ i ~ 5 , its ' j "u!~!r l : jcs a[lnql.l&rent

7 . (ucs :,i..zh<:s, :c.:rb[e-.t-ti); iis r~?~,::?zr,t 5 - c ~ ~ I(: r,grd le the.. m!n d c !cur Y'.T~:x ?st.:. A b!~?, iie for::cs, i!s ne poursvi- vlr(:T- . > . . t t j33s 1c ~ 1 ; !llt,Lc ..:>pi-.re 11. .?.:tion Yol. E n d f ? ~ i t de ces ~ T J ~ ~ C P iht~:iti.?r:. ~i qi;~:F;,~~e s~cfi:;n de )a trihu Gsajok fa i t la 5 m:l.*rT:: - '- j 1:; iri!.:~ i(jlj. ~ 1 , ~ t e s I:.. sccijons v i e n d r ~ n t pr&te.:: n~ain-<ni t .~ i i: s::cllon ?x_enac&e? $ suppoiw qu'e!lc ne s o ~ t p a Z C : : ~ ~ T " ; ~ ~ , C ;;mur rt:sl,5lcr A qut:iqu'unudcs sections Lou. On a ;:a 311sl;i ~ Z S c?;;!;~:s :>!:.:re . iec t io~s Gaajak dc l'EsL, par c:;-irrlrlc i7rtre T::?a~:g ct B ! q . Q i x n d ~ C I I X trihus corn?;?: !cnt, E!cs a v t r t s t sihus r~y;i .~ni, r~cutres ; quimd deux

3 scc:ic;cs dl: ci2:;l.; tiji?lr;< d i f~~r t~ l : . ! c~s 9 1 c~nlijat.ti:nt, les autrc> jcc!inr:? 6,2 ~i l ,n , : ; : r ,? r ; ! : ~ ! ~11':!fi ]:::i j::./::sent ~ 1 2 ~ p r i s e ,

, , si cj!r;s 5r:nt cjc force; !,,-:, : . 2: s'j! !iry 12;i.s ~ ' ~ P ; > I I ! la rcs- -. coi~ss~c. U c s i?.k:nrat..c::-. ,Lit h l i r ~ Snulc GI![, si=n:(lb, qu'il y a q : r c ~ ! , ~ s 2?r;:':.:, q l : ~ n c i 13 di.:::zrde :? 'c~t mist* cntrc ]a si~ction Ynl (!- !c tr ;! , :~ C,,,:l;,:,): cL sccti,.,fi J.onjr il!. ]a trihil . . Ga.jnii, lcs c!c;i:i: ail;.crs:~ircs (.!?i<:nl, i la m,,.;!!rr- I'un d c l'ailt;,~: : nn ix - 1 Ics Lopy r.'s:-c;ient ;>as eu in fcrcc dl- cornl;r?tt:e w:;!: alors !(-:I; I<anr;g e t lcs Tar, (it pcut-etrc d 'aulrcs ::rcti;:?r d:;s G:::i:,k sc-r:?icnt 5 IL'gr aid?, e t en i:e cas 1:,s s,-r,:io;is sasjo";~ scraicnt joinl.:s 211x Uol. 11s fircy.;i ai;s;i :,::.;iir q.ij'jlnl: i::~;~ : sc r.J!:!i.ou\c ac!,\:i.!!ement entrc la scrtinn $u!~!n;~ c t Ia s 'x- ion Vr'anr. li \I a aussi conflit c ~ ! r c ~i;~;l:ysc:; sec:i:ons 4jr:s RTangi.:ac. Si Ips Luluaa c t Ie:: it7:in: c>c;?ptr;!, 1:: bstr,i!l!>, alors !es sect inns \\.anglrac sc moci.:-nrnod:-~-?nt ct. F:: iginJr:,ri!, aux L u l ~ ~ a a .

Pc!!;n i n ti1nd:;l:rc ciii . p;r6vn:;t + gtnbrnlcrnc>nt !'ouust du Nil, Ic< (;;nj;?!i 1' ;1~i~, : : : c t les i-ribus pn jn I i ne sont pas sculi.!t:. :it i:i:;-: ; v . t i i , l > : i:llrs :oaf aussl r:-!oini units que les C:?njol; i t LC.:; C;;?jnE.. de I 'zst , . LC Bal!r el-(;llnzal a vu bien sn~!,i-ent, I:!:-s 2;1rtks 1;errr; intc:;:ir:cs. E n un f6roce

w sosC ;:Troi,!Cc.; la di!:i.lon G:ri d e 13. srction pri- maire G;iairl:.onc c t i i c u s autrcs divisioils de !a m2me sec- tion, !es J i \ : o i i l e t Ccs Eqs, d o ~ t ics lignagcs dominants Ctaicnt isr;rls 2.c la rnijn:!: mhrc Vaincucs, Ic:: divisions K\vot!i c t Boy kinigrtrcni vcrs is: sud afin de s'etablir 5 I<\vac., en I>ayvengy:,n. La r n h e division Gai affronts la division p r i r z i r c i<,,rg? ap r& quoi elle parl i t pour le

Icarlual. La iribu G a c j a ~ a ccnnu bicn d'autres luttes. u t un t m p s ol:i la t.rih1; Gasioir vivait tout entiere sur la FYS ..I ' " t

rive gna!:he ciu. D;hr eE-G?aza~; SF clle s'est propag!':~ sur la

Le sysl i~ne polilique 173

rive droite, c'est qu'elle a dC1 kmigrer aprks dcs gucrres. Autrcfois la tribu Leek vivait tout entibre sur la rive

droite du Uahr el-Ghazal; c'est lh quc dcux de ses scciions primaires, les Cuaagh e t lcs Deng, qui vivaient a l'ouest d e la riviPre Gany, combattirent la troisikme section pri- maire, les Keunyang (I(arlaal), qui vivaicnt a l'est dc cette rivicre; apres leur dcfaite, elles traverskrent le Bahr el- Ghazal e t s 'etablirent sur la rive gauche. A ce qu'on raconte, quelques aristocrates de la seclion Syap i r e t quelques a.ristocratcs de la seclion N?ja\~.ah se -chanson- nerent les uns les autres de manikrc oll'ensante. Dcs cou- plets, on passa 5 la liltte entre jeuncs gens, e t il en mourut un de chaque bord. On se batt i t donc de plus belle, c t h a - lement Dcng e t Cuaagh traversbrent la riviere. L'annEe suivante, ils rcpassbrcnt le Bahr e!-Ghzzal pour camper

la saison skclle sur la rive droiie; retournant Q leurs vil- lages, il:; p~u~s:':r;:i~t. dcvnr~t cux des troupeaux qui ailpar- tenaicnt arls I<cunyang. Six de 1cur.s jruncs lilles rcvinrcnt sur Ics licux pour ramaFsrr leurs rtcipicnls ii lait, q u ' c l l ~ s avaient laissCs dnns une h ~ i t t e du camp : cllcs I,omk)brcnt dans un g~ret-apcns, e t quctlques honin~cs de chez Its Keu- nyang les tubrcnt. C'etait violcr gravernent les lois de la guerre, car lrs Nucr nc tuen t point les lcrnmes de leur propre pcuplc. A cause de ce forrait, les Deng prononcbrcnt une malediction, selon Iaquelle i l est delendu a un aristo- crate du Keunyang qui traverse le Bahr el-Chazal e t s'eta- blit parmi les Deng e t les Cuaagh, c t aussi a un aristocrate dcs Dcng ou des Guaagh qui se Lransl>orte vcrs le sud e t s'etablit parmi les Keunyang, de batir une Ctable a la mode ordinaire. Cctt,e malediction est kgalement cause qu 'un arislocrate, s'il change ainsi dc residence, ne doit procrkcr q ~ i c dcs garsons pour conlmencer, a cause des jeunes fllles tukes. Qua~ id le gouv~rnement lit unc espCdi- tion vers le pays karlual (kcunyang), bien des aristocrates kcunyang passerent la riviere pour vivre en pays deng e t cuaagh. Aujourd'hui, nombreux sont les Deng e t les Cuaagh qui passent la saison ~bcl ie en pays kcunyang, parce que lcur propre pays n'est pas riche en bons herbases, mais n'on're dans l'cnscmble quc dcs lierbes de marais qui nc sont pas aussi nourrissantes.

A I'intfiricur dc ces sections primaires, c'etait un train de guerre perpetuel. ilinsi, en pays karlual, les sections Riaagh, Gcm, Jiom, 3)-aoz-!:! Ji!iui e t N'gbvol en sont venues maintes lois aux mains. 11 serait fastidicux de dire ici les pretest,es e t lcs issues de ces conflits en miniature. J e veux

Les Nuer

seulement preciser que les villages occupbs par ces sections mineiires, Tutgar (Ngwol), Nyang (Riaagh), Nyueny ( Juak) , Kol (Jiliul), etc., ne se trouvent qu'a quelques kilo- metres de leurs plus proches voisins e t sont tous inscrits dans un rayon de huit kilom8tres. C'est entre villages e t sections trihalcs tertiaires que les luttes Cclatent le plus frequemment et, que lcs 6tats d'hostilitk se revelent.

J e pourrais aonner bien d'autres exemples d'affronte- rnents, mais je n'en vois gu6re I'utilite, car ceux que j'ai cites mettent suffisamment en lumibre I'absence d'autoritk politique dans les tribus nuer. Nous pouvons en conclure qu'une tribu ne demande rien d'autre a un homme que son allegcance dans les luttes intertribales e t dans les guerres contre les Dinka. En temps normal, un homme pense e t agit comme membre de groupes locaux beaucoup plus petits, au sein dcsquels il entretient de multiples contacts avec Ics autres membres.

Le diagramme de la page 170 va nous servir Q souligner le principe de contradiction de la structure politique. Un membrt: de la section tertiaire 22 de la tribu B se voit commc mcmbre de 2'2 dans son rapport A 21, e t tous les autres membres de 22 se voient eux-m2tmcs comme mem- bres dc ce groupe dans lcurs rapports a 21, et, c'est ainsi que les considkrent les membres de 21. Xlais la m6me per- sonne sc considere commc un membre dc Y2, e t non de 22, dans son rapport Y 1, e t les membres de Y1 le considkrent ainsi. De mPme cet homme se tient pour un membre de Y, et non point dc Y2, dans son rapport B X, e t pour un membrc de la tribu B, e t non de sa section primaire Y, dans son rapport a la tribu A. Tout segment se voit comme une unite ind6pcndante dans-son rapport a un autre s c g ment dc la m6ll1c scction, mais voit l'un e t I'autre segment comrne unr: unite dans leur rapport a une autre section; e t une s ~ c t i o r ~ qui, du point de vue de ses membres, comprcnd dcs srgments opposks, est vue par les membres d'aulrcxs sections comme une unite non segmentee. Ainsi il y a , comme rious I'avons signale plus haut, une contra- diction constantc dans la definition d'un groupe politique, car il n'cst groupe que dans son rapport a d'autres groupes. Un segment tribal est un groupe politique par rapport 5 d'autres segments du mOrne genre, e t ils forrnent ensemble

Le syslt?rne poliliyue

une tribu, mais par leur seul rapport a d'autrcs tribus nuer, et a d ~ s tribus etrangbres adjacc~ites, qui forment autant d e parties du mtme syst&me politique. Sans ces rapports, les concepts de segnient tribal et de tribu n'auraient que fort peu de scns. Meme remarque ici qu'a propos du mot cieng . les valcurs politiques sont relatives et le synteme politique est un kquilibre entre des tendanccs opposecs a la fission e t a la fusion; entre la tendance a se segrncnter qui est propre a tous les groupes, e t la tcndance qui ne leur est pas moins proprc a se combincr avcc des segments du m&me ordre. La tendance a la fusion est inllkrente au carac- tere segmcntaire de la structure politiquc nuer, car s'il est vrai que tout groupe tend a se scinder en parlics oppostes, ces parties doivcnt tcndre a fusionncr par rapport d'autres groupes, puisqu'elles sont des parlies d'un sys- tkme segmentaire. D'ou il suit quc fission et fusion dans les groupes po!itiques sont deux aspects du mcme principe segmentairc, e t qu'il faut comprcndre la tribu nucr ct ses divisions comme un Cquilibre enlre ces dcux tcndances contradictoires e t ~ o u r t a n t Gomplt.menlaircs. LC milicu physiquc, le mode de vie, dc pi6t;r.s communications, une technologic simple, un ravitaillemcnt irrkgulicr - en fait, tout cc que nous appc;lons lcur ticologic - concourt a expliyuer lcs particulnritts demographiqucs dc la scgmen- tation politique chez les Nuer; mais c'est conimc un prin- cipe fondamcntal de leur structure sociale qu'il faut definir la tcndance a la segmel~tation.

Pa r consequent, il y aura toujours quelque chose d'arbi- traire dans notre dkfinition formclle d'une tribu par les caractkrcs que nous avorls dCnombres plus haut. Le sys- tkme politique est une serie de scgmi~nts opposks qui se dkploicnt dcpuis Jes relations intkrieures J e la plus petite section tribale jusqu'aux rapports intertribaux, e t m2me aux relations 6trangPre.s : car I'opposition cntrc seglncnts de la plus pctite scction nous semble 6tre de mCme nature strucLurale. que I'opposition entre une tribu e t ses voisins dinka, quoique la forme de son expression soit difrkrente. Souvcnt rien n'est plus ditXcilc que de decider s'il faut considb.rer un groupe comme une trihu, ou comme le seg- ment d'une trihu, e tant donnk la qualite dynamiquc de la structure politique. Prenant pour plincipal critcre I'acquit- tement d 'un prix du sang, nous ciassons 1cs Gaajok de 1'Est e t les Gaajak comme des tribus diatinctes. car de I'une A I'autre on ne compense pas I'hornicidc; mais par rapport aux Lou ces gens se considerent con~me une seule

Les Nuer Lo sysl61nc polilique 177

e t meme communautC. On reconnaft la valeur tribale d 'un bout a I'autre du Fays lou, mais en fait les sections Gun e t Mor sont largement a,lf,onomes. c t l'on peut douter si la cornpensation d 'un homicide si,rait vrsiment versc>e, quand m2me les gsns diserit qu'il le faudrait. I1 semble bien qu'apres t a n t de morts d'llommes, aprks toutes ces luttes des sections primaires Yo1 e t VT7ang!iac de la tribu Gaajok, les dbdommagernents pour homicide sont tombes en anou- lation. E n revanche, on m'a d i l que du temps ou les pro- phktes lou Ngundeng e l G\velr jouissalcnt d 'une influence plknibre, on versa pendant un certain temps la compen- sation ent.re Lou e t Gaajok. Dans les plus grandes tribus, les segments admettent une unit6 de forme, mais il se peut que la cohhion n'en soil pas plus rPclle. On affirme pour- t a n t la valeur tribalc:, mais les relations d e fai t peuvent aller A son encontre, puisqu'clles sont fondees sur des fidelites locales Q l'int6ricur de la t r ihu; a mon sens, c'est ce coriilit enire valeurs rivales 1'iriLi.rieur d 'un systhme territorial qui f:,it I'essence de In structure politique.

Les tribus nuer sont unc 1-alorisaticin de la rkpartition territoriale, e t ies relations tribales, int.crtribales e t ktran- geres sont des modes de comporlemcnt normalis@s a tra- vers ltsqucls s'exprimcnt lcs valeurs. Par conslquent, la valeur tribale cst relal.ive e t se rat.,tacl~c a tou t moment. sans toutrlois en dhpendre in6vit,ablcrricnL, A une ccrtaine extension d'une serie de rapports structuraux en d6ploie- rncnt. En outre, cc qui la rcnd rvlativc, re n 'est pas SSUIC- menl, que noua appelons aujourd'hui tribu cc qui dernain en fera d ~ u s ; c'est qu'on ne pc:u!, dire qu'elle di:Lerminc la conduite, sauf quand un certain enscmble de rapports s t ructuraus son1 ii l'a;uvrt:, ~~r incipalement des actes d'hoslilile enlre segments tr ibaux e t entre unc Lribu et. d'aut,rcls groupcs du rntlnc ordre structural; 011 encore des actes susc,~ptiblcs de provoqller I'agression. 11 est trks rare qu 'une tribu se livrc 5 dcs activites solidaires. I1 y a plus : la va le~ l r tribaic dtitcrn:inc le comportement dans un champ dklir~i e t restmint tic rapports sociaux; ce n'est qu'unr ~ a l c u r dans upe skric de valeurs politiques, don t certaini7s sofit r.n conflit avcc ellcs. On peut en dire autant, dcs scgmcnts dr la tribu. S o u s proposons doric de definir les groupcs poliliqucs nucr, dans la mesurc oh nous parlons valcurs? par les rappolls de leurs segnients e t par leurs interrc.lationi, en tant, que scqrnen.t.s d 'un systeme plus vaste dans un r organisation dc la sociktk face A certaines situations socizles; e t non poinl conlrne des parties d 'unc

sorte de sysleme charpent6 A 11int6rieur duquel vivraient les gens.

S o u s ne dou:ons pas de I1intcrci@pendance des diverses int,crrc.lal.icns i-rict.ionnel!es e t dt: l'ensemble du systeme politique don1 c!les ioni partie; rnais i l n'cst guere facile de la dkn1onf;rer. On a remarqui: que plus le groupe local e s t reduit, plus il est col~t>rent, e t plus nombrcux sonl: les cont;~c!.s de toiltes sortes qui rapprochent ses rncmbres. La vlii!laril& vo d6crl;iss;lnt 5 nicsgre ~ I I C 1e cercle s16!end de;?ui:i Ic vil!agc jt~sqti 'aux t r i t ~ u s adjac,c:ntcs. Aussi pour- rail-on supposer quc I'oi!posi:ion est toujours plus forte entrc tleux groupes qu'c:ntre Ies sc3gments de chacun de ces gronpcs, e t que les segments sont pour alnsi dire unis par cetlc prc.ssion extdrieurc; mais nous ne saurions dire que cetle mnniiirc de voir s'accord(: a\.t:c les faits, car il scrnble hicn c~u'on kprouve un sentiincnt de plus vive liostilit6 de village i villare dc groupe a groupe de vil lagr*~, ot d e ? ' section tertiaire a section tcrt . ;air~, qu'entre vaatcs sec- tions tribales e t ent.re fribus. I1 cst proi~nble que Ics cxp6- ditions men6c5 chcz 1~ Uinka, ii l'ccl~clie de la trihu ou de plusieurs tribus fddCri.i:s, ont poussk a I'intkgration; mais les Dinka ne se sont jnmais montres agressifs a 1'Czard dcs Kuer, et, il semble que l'on doive ai.tribuer le maintien dc la section tribale a I'opposition dcs scgments mincurs plutht qu'B aucunc pressicn extkrieure. S'il en est ainsi, c t on le pense volonticrs B considerer i'institution de la vendetta, nous en arrivcns a cette conclusion que plus les contacts entrc mcmbres d 'un segrncnt se mult,iplient cL se rdpktent, plus intcnsc devient l'oppcsition de ses parties. A premiere vue, cetLe conclusion peut sembler paradoxale, mais quand nous nous dcmanc!ons ce qui constitue un systbme scgnwntaire, nous y sorrines conduits e t par l'observation e t par la reflexion.

Dans la section qui prkc&de, nous avons employ6 le termc anglais dc [cud iini!r?iii6 durable) pour dkcrire u ~ l e hostiliti: prolongbe e t rnutuclle cntre comniunaut6s loca!es, a u sein d'une t r ~ b u : sens trhs large e t plutljt vague, que la convention paralt justi5cr. il cst vrai ailssi, e t nous le montrcrons, quc ia responsahilit6 d 'un homicide e t le devoir d'en tirer vengeance reviennent ciirectemcnt e t uniquement A la proche parent6 agnatique du tueur e t d u tub; mais les

Lrs Nuer

communaut i .~ dont Ics deux adversaires font partic s;: trouvcnt, de f a ~ o n ou d'autrc, associCcs i l 'bo~lil i l i : qui s'ensuit, e t assez souvcnt cntrafnees dans tou1,c lutte c~ili peul naitre dc cette cliscorde. Quoi qu'il en yoit, Ic mot pris dans son sens le plus slrict designe propremcnt Ies rap- ports des deux parcntks qu'un liomicide a rendues ennemics, e t se rkfkre alors a une institulior, spkcifique. I1 nous arri- Vera donc de parler de vendetta, de vengeance tie sang. pour souligner ce scns restreint e t plus clairemcnt dkiini l .

Les vendetlas sont unc institution tribale : elles nc peuvent se dkclarer quc si l'on a constati: une violation de la loi, puisqu'elles consistent a ohtenir rkparation. La crainte de s'attirer une vendetta est en verit6 la plus impor- ta11Le des sanctions lkgales au sein d'une tribu, e t la prin- cipale garantie pour la vie e t Ies biens d 'un individu. Si une communautk de telle tribu s'efforce dc vcngc:r un honii- cide sur une autre communauti: de telle autre tribu, c7t:st un @ta t cle guerre intertribal qui s'ensuit, plutbt qu'un dla t de vcndctta, e t I'on n'a plus aucun moyen de rkgler Ia dispute par arbitrage.

Commc les Nuer sont tr6s portes 5 sc battrc, il y a sou- vent mort d'hommes. Le fait cst qu'il est rare de voir un homme d'un ccrtain Bge qui ne porte pas quclque marcjue d e massue ou de lance. Voici, teIles qu'un Nuer me Ics a Cnumkrees, des raisons de vider querelle : une dispute a propos d'une vache; une vache ou une chevre mange le millet d'un homme, e t il frappe I'animal; un homme frappe le jeune fils d'un autre homme; un adullkre; le droit a un point d'eau a la saison skche; les droits de p i tu re ; un homme emprunte un objet, surtout un orncment pour la danse, sans demander la permission du propriktaire. Un Nuer se bat t ra sur-le-champ s'il s'estime insultk, car il es t toujours susceptible e t chatouilleilx. Quand un bomme constate qu'on lui porte prkjudice, il ne peut s'en plaindre B aucune autoritC, ni en attendre reparation, de sorte qu'il provoque dans l'instant l'hornme qui Iui a caus6 du tort , e t il n'y a pas moyen de refuser ce duel. C'est la seule fason possible d e rbgler la dispute. L'homme n'a que son courage

1. C'est ici blood feud (littbralement : a hostilith (jusqu'av) sang W ) qui signifie s vendetta m; tout au long de la section prhcedente, 1'auteur.a emplo 8 , comme il le dit au debut de ce paragraphe, e t comne on I'a deja signall au debut de la section 11, le m05 feud, en un sen: asscz large pour qu'on se contente dele traduire par a cor,lltt, anrontement s, etc. - Q condi- tion de garder presentes Q l'esprit les notions de solidarit.8 dans la vengeanco et d'hostilitb perpbtu8e. Le mot de a vezdetta n n'e0t pas convenu; on l'a dservh pour la notion restreinte que voici. (N.d.T.)

pour se protbger. Dazs cerlains sas, le rang de sa parcntC ou de sa classe d'6ge lui inlerdit un rccours aux arnles; sinon un Nuer n1h6siLc: pas i~ lancer so11 (!&Ti, c a r il nc lui vicndr:lit pa5 <\ 1'idtSc (1:: prcn:c!r.e d ' a h ~ ~ r J conscil; c.1, poilr- quoi kcoutcrait-on un avls qu 'zn n'a pas sciiiiitC.? Di.5 lcur jcune rige, les cilfnnls sont ~ncour-r:g:k I!ar lcur:; a i n h 5 Lranchcr toutes lc i~rs disputes avcc dt.5 co;l;-is; ils sont. ClevCs dans l'idec que l'adiesse a:! c,onl!cL cst 1~ p!ii~ ni.c'!.s- saire dcs talenls, e t le cD:Jragc ia plus hau t c dcs vt?r lu~.

Les garsons se battent avcc des lirncvlcts a poinfc?. Les homnies d'un mtme village ou d'lin mime c:ln?p s'afTront.ent a coups de Inasniic, car il e ~ t crrnx-tvu ijuc Ics pro.ches voisins fie doivcnt jnm:iis se scbrvir dc lancc, a moms quc I'un d'ciix ssit tui-, et quc la ~onii1i~1fin?iL6 soit, diviske par une vci!detla. Autrc con\.c!!!ion, aL:c:nn!: ti;.r(:c personne ne pcut se m6:er i Ia bstaiiic, quand L 3 - ;(.I> mPmc 11 s'agirait d'un proche parent d t l 'un dcs corr?bal.tants. Une fois la luttc: enpa,-CP, aucur! dcs deux ad\-crsaircs ne peut abandonner, e l 1i.s coups pleuvront j r : squ l~u rnolr:cnt. oh l'un des deux scra gravcmer,i, blcssti, i rnoina quc Ics spectateurs, cornme il arrive souvent, les skpsrcnt en pro- testant .5 voix haute, e t fassent harrikre entre cux d i : ~ ~ .

Quand on lutie entrc pcrscnnes rle ~illag:s diffcrents, c'est a la lance; tous les m;iles a d ~ ~ l t e s des dcux commu- nautks prenncnt part a l'aiyaire; il n'y a pas rnoyen de I'arretcr avant quc Litn des vics soicnt per-tiur:.?. Lrs Nuer le savent et , a moins d'ane violcnte cc)lbrc, i!.s ri.piigr?cnt. a tornber sur un village voisin : ils c o ~ ~ c r ~ t ~ i i t s o ~ ~ v c i l t i i

l'intcrposition d 'un chef a peau de leopard ou d'ancicns. J'ai vu les anciens de deux cornn~unau t i :~ emi?i.c!?~.r a i i i i i une bataille; mais i n'en pas douter, leiir ~ + d i a ! i o n n'aurait pas pesB lourd si les jeunes gens avaient brii!@ d c s'empoi- gner. Dksormais ccs batailles sont nioins cournntc.e, car l'on redout,e une intervention du gousornernefit. hEais j'ai vu des camps et meme des scctions tribales masnks pour la guerre e t a deux doigts dc con~bal t rc , et je crois qu'on s'est battu trbs souvent dafis le passe.

Parfois les tribus s'atLaquaicnt pour pil1.r lc hktail, mais il Ctait rare qu'ellcs se fissent la guerre. Les luttcs entre communaut@s, e t les connits qui en rCsu!tent, font partie des rapports polikiques entre segments d'une orga- nisation tribale commune. Ainsi, me disait un h o n m e dc la tribu Leek: cc Nous a w n s nos !ultes entrc nous, ct, 1i.s Gaajok on t leurs luttes entre eux. Nous ne nous battons pas avcc les Gaajok, nous nous battons seulcment entre noue.

180 Lcs N t ~ c r

E u x , iIs o n t lcurs propres batailles. )) Dans ces affaires, on tue dcs gens, c t c'est a ~ n s i qrle Ics vendettas commcnccnt. Au sein d'une trihu, il exlsii. une methode d1arlit,ragt. pour y met t re fin.

Voici, sans entrer dans le detail du rituel, un expos6 concis d c cette prockdure. A peine un hommc a-t-il tui; qu'il se rend en h i t e a la maison du chcl .i peau d e lkopard, pour se net'toyer du sang qu'il a rkpandu, c t pour chcrclicr asile afin d'kchappcr aux reprksailles. 11 ne peut ni manger n i boire a v a n t que le sang de l'homme mort a i l qu i t t i son corps, car on pense que cc sang cst entrb en lui de quelque fason; a ce dessein, le chef fait une ou deux inci- sions verticales su r son bras, a partir de I'kpaule, en pro- menant 16gkrement une lancc de pCcile sur sa peau. Le meurtrier fait present au chef d 'un bouvillon, d 'un bklier ou d 'un bouc, que le chef sacrifie. Ce rite e t la marque de Cai'n sur le bras portent le nonl de bir. De le r~ r calk, les parents de la victime, sit6t qu'ils apprennent sa mort , cberchent j. la venger sur le meurtrier, car il n'est pas d'obligation p!us contraignante que la vengeance pour la parent6 l.~aternelle : c'est m6me le racco~.~rci de toutes ses obligations, e t lcs parents se couvriraient d e honte s'ils ne faisaient aucun effort pour venger l'homicide. Le meurtrier, lui, en v ivant chez le chef comme son invite i partir du moment oh son bras a 6tB incis6 jusqu'au rkglement final, dispose d 'un asile, car le chef es t sacrB e t le sang ne doit pas 6tre repandu dans sa ferme. 11 se pourrait que les homnles nc recherchent cet asile que dans le cas oh le danger de vengeance est pfes,sant, mais il semble bien que ce soit une pratique generale.

Tandis que Ie meurtrier se trouve sous le to i t d u chef, les vengeurs le surveillent (b irn) d e temps a autre, pour voir s'il ne quit te pas son sanctuaire e t s'ils n 'ont pas quelque chance d e le transpercer. Toute occasion leur serait bonne, mais ils se lassent vite d e l a guetter. C'est un Btat d e choses qui peut durer quelques semaines, a v a n t que le chef ouvre les nkgociations pour le reglement avec la famille d e la victime, car il ne peut gukre esp6rer d e r6ponse favo- rable a ses ouvertures t a n t qu'on n'a pas procedk a la cBrBmonie funkbre, e t que la fureur n e s'est pas moderee. On prend tou t son temps pour nPgocier. Le chef commence

pa r se rcnscigner sur IPS p~s.;cs;ians en b@tnil cle la famil!e du mcxrtrier ( j i l h i ingn) e t par s9a:surer c~u'elle est disposhe a livrer une comycnsstion. J e n e crois pas qu'il soit arriv6 tres souvent qn'on r?f::>dt de donncr du bktail pour le sang vers?, ,i mc;ins qu'on n 'habit2t trbs loin dcs vengcurs, ou qu'entrc les deux sc'ctions ccnccrnkcs un certain nornbre d e vendelfas ne fusscnt, toujours en cours; il se pouvait aussi qu'cn n'c.!^!l p : : ~ t c : ~ j r ) ~ r s 1'int.cntion de tout verser. Puis le chef vi:i!c: lcs p r ~ c h c s de la victimc ( j i ran ) c t lerir demande d'acccpter dl1 bb!ai! pcilr ceLte vie perdue. E n gCnbral ils refuscnt, e:ir on met, son poinl d 'honneur a s'cntkler, n n j s ce r!>l"[!s ne signifle pas qu'on ecarte l'id6e d'une cornpcnsetion. Le clicf le sait, il insiste, jl menace mPme ces gens de les n~autl ire s'ils ne c i . d ~ n t pas; des parents i.loi;;ni,.q d1.1 cdt6 j)aterriel e t des c o g n a t ~ , qui n 'ont pas B rect?voir dc !~i.,tail, ct qui par consbqucnt n 'ont aucune raison de faire ntqnt,re d ' o ~ ~ g r ~ c i l e t d1i.n.flcxibilit6, qui en revanche on\ le drcit dc fsirc conn:~itrc Icur cpinion puis- qu'ils avaienl dcs lien? zvec la ~ i c t i m c , appuient les discours du chef. La coiitlirne plaidc i:plr:ment pour le cornpromis. N6anrr:oins il con\iient, que les prochcs parents refusent de prkier l 'o rc i i l~ au c,htxf avarit qu'il ai t 6puisi: tous ses a r g u m c ~ t s . E t q l l snd r!:: finisscnt par acqaiescer, ils dkzla- r en t qu'ils acciiptcci. c e hktail dans le scul souci d'honorer le chef, e t non point, pour rcmplacer psi. dcs anirnaux la vie d 'un homme q r ~ i lerlr klait rlicr.

La thkorie veilt, qu'an donne q ~ ~ n r a n t e 5 cinqunnte t6tes dz bhtail, mais il t s l pea prohable qi.l'on s'en acc~uilLe en une fois, e t la de t te pcut durer pcndant des annkes. Les cCrCmonics d'expiation se di:roulent quand on a rcmis une vingtaine c!c t6tc.s; c'cet r,!ors quo la parent6 du mcur- trier peut se di:placer cans craindrc le guct-apens, du moins pour un temps, car on n'est pns .i l 'abri de la vengeance t a n t qu'on n'a pas tou t vcrsk, e t on ne l'est peut-CLre jamais. L e chcf rnitne le bktail .i la rnaison de I'hornme mort. Les parrnt,s d.o meurtrier ne cc risqueraient pas a l'accom- pagner. On dIst,rihue une partie dcs b t tes a la parent6 du mcr t , le reste ti une fem:ne que l'on marie j. son nom pour lui dcnncr des 11.6ritiers. S'il y a un mort d e chaque cdt6, les d ~ i . 1 ~ partips doivent s'entre-dbdommager e n bktail, mais lo dett,e ne se montcra peut-6tre qu'a une vingtainc de t&tes ; il f ~ u t apsiser les esprits e t soutenir I'honneur des vivants. E n outre, on doit prcckder a des sacrifices pour dhbarrasszr les villages d e la mort qui s'y donne librc coura, c t qu'il faut reiivoTcr dans les tcrres

182 Les N i i ~ r

inhabitkes; les deux parent& doivent se purifier de Ieurs souillures. Pour la part qu'il prend a cette auaire, le chef regoit, en sus de la viande dcstinke aux sacrilices, deux bktes : il doit en donner une a un parent agnatique qui l'assiste. Souvent il n'y gagne rien, car on compte qu'il donne au mcurtrier une vacl~e afin de I'aider a payer la compensation; et il 1 ~ i a fallu dcpenser pour Iui accorder une longue hospitalite.

Un homicide ne concerne pas seulernent l'hornmc qui l'a commis, i l touche aussi sa proche parent6 agnatique. De part e t d'autre, les parentages sont en 6tat d'hostilite; ils ne peuvent pas manger ou boire ensemble, ni m&me user de la vaisselle e t des recipients ou I'ennemi a mange ou bu, quand ce serzit dans la maison d'un homme qui n'est point parent de I'une ou l'autre partie : toute intrac- tion serait in6vitabIement plnnie de mort. Cette prohibition prend fin apres la remise du bktail e t I'accomplissement des sacrifices, mais le sentiment dicte aux proches parents des deux camps de ne point manger ensemble pendant des ann8es e t mkme pendant une generation ou deux. n I1 y a un os entre eux 1) : un os, c'est-a-dire un homme mort. E n verit6, t.ous les Suer reconnaissent qu'en dkpit des compensations e t des sacrifices, une vendetta dure a perp6tuit6, car les parents du mort ne cessent jamais cc de porter la guerre dans leurs cceurs n. Des annites apres la remise du bktail, les proches agnats du meurtrier Cvitent les proches agnats de la victime, surtout au cours des danses, car on se met alors dans tous ses etats, e t il sufi- rait de heurter un homme dont le parent a kt6 tu6 pour qu'une bataille &date. L'ofTense n'est jamais pardonnee e t pour finir, le compte se rkgle avec une vie humaine. Quand on marie l'homme mort, les proches parents du mari frottent de cendres 116pous8e, invoquant Dieu pour qu'elle porte bientbt un enfant msle, qui sera le vengeur de son phre. Cet enfant, c'est un gat ier, un enfant de ven- detta. Durant les sacrifices, on d6clare a l'esprit que ses parents on t accept6 du bktail, e t qu'ils s'en serviront pour marier le fils; on lui promet nkanmoins qu'un jour on le vengera dQment par la lance. a Un Nuer a sa fiert6, il veut pour sa vengeance le corps d'un homme e t non son betail. Quand il a tu6 un homme, la dette est payke, e t alors son cceur est dans la joie. R Voila pourquoi, quand m&me le chef signifie aux parents du mort, dans les c6rCmonies d'accommodement, que la vendetta est finie e t ne doit pas recommencer, les Nuer sapient a qu'une vendetta ne

finit jamais n. La paix pcul s'i:tab!ir pour un temps, par Ics mCmes raisons qui ont fait acccplcr tine colnl)cnsation, e t en considkration du bi.:ail reqn, mais 1'ininlil.iP continue e t les gcns des deux bords dcmc,urcnt, j i lcr, c'vst-h-dire gens en 6tat de vendetta, mi:.rni; s'il n'y a pas d'llostilite ouverte. Ce n'est pas la lutte 5 tout bout de champ, ce n'est pas une virulcncc sans rcldche, c'est une plaie qui s1envr.nime : la vendctta est formellerncnt terminee, mais ellc peut se ranim-cr a tout moment.

Nous avons dit que les vendcllas engcndrcnt un 61at d'hostiliti: crltre ics lig~lajii's, c t par I i , colnnle nous I'expli- querons plus loin, entre dcs sections tribalcs enlikrcs; e t que la din'@rence n'est pas bicn grand(: cntre IPS tcntatives interrnittentes de vengvanrc, initiative:: d'avant le rbgle- ment;, e t I'hostilitk qui persistc par la suite a I'ktat latent. Ce n'est pourtant vrai yue dcs homicides entre sections tribalcs prirnaires, secr,ndaires e l t.c,rtiaircs. Ilans les groupes plus petils, il n'en va pas dc mi.rric~ : si violcnts quc. soient les resscntimer?ts, e t si pcrdurablvs ~nalgri: Ie paie~nent dc la compensaLion, il faut t icn quo les vendettas s'arrangent plus rapidement. Line fois la question reglee, la querelle a moins de chance de sr: rnninlcr.

Les suites d'un homicide ti6pcndenL de la relation des personnes enga~kes e t de lcurj positions structurales. On compense d~iYcremmcnt la mort d'un vrai Nuer, celle d'un Dirika v i ~ ~ a n t en pays nuer, e t parrni les Jikany de l lEst, celle d'nn mernhre du clan aristocratiquc (voir chapitre V, section V I I ) . I'oursuivre une vendett.a, obtenir reparation, vie kumaine ou paiement de bktail, c'est aflaire de moyens, cela depend de la puissance du lignage d'un homme, de ses relations consanguincs. Mais l'inteneite de la quercllc e t la difiicult~ d'y mcttre fin dependent princi~alement de la taillc du groupc implique. Un homme vient-il a tuer l'un de ses prochcs - son cousin paternel par exemple - il lui faut; tout de mkme compenser, e t si le nombre de t t tes est rkduit, il ne s'en monte pas moins A une vingtaine environ. Or i1 se trouve en pareil cas que l 'une des sources de la contribution, les fri-res du pere, ou les fils de scs freres, sont jr~st,cment les destinataires de la compensation et ne sauraicnt donc participer au paiement. I1 n'en fau t pas moins livrer quelques t t tes, car il est neces-

181 Lcs ~Yuer

saire de dedomrnager la famille du rnort, de donner une Bpouse a son esprit, e t d'accomplir les sacrifices qui se doivent. On m'a dit qu'en pareil cas la question est promp- tement rkglee. Sans doute met-on fin plus facilement a une querelle de sang quand elle a lieu a I'intirieur d 'un camp, car les IVuer ticnnent pour fautifs les hommes d'un mZme clan qui se lancent dans une vendetta. Une fois la cornpen- sation remise, ils declarent : u Sous avons coup6 court a la vendetta, nous voici de nouveau entre parents )). On dit aussi que deux groupes lies par dc nombreux inter- mariagcs ne laisseront probablement pas s'aviver une querelle.

Quand un homme tuc un autrc homme de son village, ou d'un village voisin que d'etroits rapports sociaux rendent plus prochc encore, la vendetta est bicntdt ter- rninee, car les gens des dcux hords doivent forcement se meler, e t il se trouve entre eux, immanquabIement, bien des attaches de parent6 e t d'alliancc. On fait soigneu- sement observer a I'esprit que le betail a ete livre, qu'il est impossible de le venger au prix d'unc vie, e t que si la vendetta continuait entre parents e t voisins, il ne resterait plus homme qui vive. La vie cornmunautaire, solidaire, est incompatille avec 1'6tat de vendetta. Un homme a donne un coup de lance a un autre homme d'un village voisin : a I'accoutumCe, les gens d u village de I'agresseur envoicnt la lance qui a cause la blessure a u x gens du village de I'homme biesse, afin que par un traitement magique, ils emp&chcnt la blessure d'Ctre rnortelle. 11s envoient Cgaltment un mouton a sacrifier. Ce faisant, ils donnent a entendre qu'ils esperent en la guerison pro- chaine, e t qu'en tout cas, ils ne veulent pas se jeter dans une vendetta a cause d'une querelle de personnes. Vu ces bons procCdt5s, m&rne si I'homme vient a mourir, ses parents accepteront vraisemblablement la compensation sans trop se faire prier. E t si I'homme meurt plusieurs annkes aprits, on attribue la mort B la blessure, mais il est probable qu'on n7hCsite pas a parler compensation e t qu'on en accepk line assez riiduite. Quand un homme a tub son voisin, il arrive souvent qu'on se h5te de prouver sa bonne foi en livrant une vache, afin que la communautb demeure en paix. Gardons-nous cependant de supposer que ces facilit6s d'apaisement soient I'indice d'une indignation modkrke, ou qu'un reglcment difficile soit la preuve d'une indignation plus vive.

11 est relativement facile de conclure les vendettas dans

LP sgsldme poliliqicr 185

un milieu social rcstrcint, OD la distance structuralc n'est pas grandc cntrc participants; il devicnt df: plus cn plus difricile d'y mcttre fin a mesurc que cc milieu s'agrandit, jusqu'au mo~ncnt oil l'on attcint le stade dcs rapports intertribaux : i~ ce point, on n'ofl'rc plus dc compensation e t I'on n'en attend plus. La sociislc refrime lcs vendcttas avcc plus ou tnoins d'efficacitk sclon la taillc du scgmcnt tribal. cl.iosc quc: lcs Nucr m'ont souvcrit rxl~lic~uPc. Ucs sections trihalcs tertiairrs pouvcnt s'all'rontcr cn dcs vendcttas prolongecs, acharnkcs, mais on s'kvcrtue gene- ralemcnt a y mcttre fin, car on trouve dans un srgmcnt dc cettc taillc un scns vigoureux de la communaute, des liens serres de lignage, e t unc ccrtainc intcrditpendance Ccono- micluc. N'empCche qu'il cst bcaucoup tnoins facile d 'arrl ter unc vendctta cntre personnrs dc scctions tcrtiaires difle- rcntes, que d'en ter~nincr unc dans un village ou entre villa,oes voisins : ici on est ascur& d'un ri~glcmcnt rapide e t durable, la lei vendet.tas sans solution tmdent i s'accu- lnulcr entre scctions. (;lest cr: qui arrive surtout quand la qucrellc, nu lieu d'opposcr dcux pcrsonnes, et de fairc un nlort, prend les dimensions d'unc batailic enl.rc deux scc- tions, e t coDte plusieurs vies. Quand unc bataillc a cu lieu enlre sections tribaIes sccondaircs, on n'a gt~krr: de chance de sc venger, si cc n'cst dans unc luttc gcntiralc; ies gcns ressentent beaucoup moins Ic 1)rsoin de sc soutncltre a une mediation, puisque leurs contacts sociaux sont rares e t toujours temporaires, et l'on connait la cohesion d'une communaute d la facilite rclative dcs arrangements. Plus vaste est le segment. plus grande rst I'anarchie qui ritgne alors. Les gens disent qu'il y a paiemcnt d'un betail de sang entre sections trilales primaircs, rnais ils ne se sentent gubre presses du besoin dc s'en acquitter. De cctte anarchic croissante, la tribu est le dcrnier degre. Elle possede toujours une unite politiquc nominalc ct I'on tient que les vendettas pcuvcnt s'y aplanir par compensa- tion, quand mcme elles mcttraient aux prises scs ~nembres les plus 6loign6s; mais souvent elks demeurent inapaisees, e t si un certain nombre d'hommes trouvent la mort dans une grande tataille entre deux sections importantes, on ne fait rien pour les venger ou pour riiparer leur perte par une compensation.

Lcurs parents attcndent l'occasion. c'est-a-dire une autre bataille. I1 peut s'ensuivre que le tegument poli- tique se tende a rompre e t que pour finir la tribu se scinde en deux rnorceaux. La dkchirurc va s'klargis-

san t cntrc Iqs sec t i cn~ , ji:?c;:;'au ~oi17.t oir cllcs n'ont plus graad-chose 5 fairc cn::~:mble si ce n'cst s'allicr pour les razzjas; 1c.1-s mf:?l.:.':;:es n e vident g!us gub-e lcars quercllr:~. et s'i1s !c f o ~ f c'est arn prix dz bien des peincs c t av-e bicn ?a la d>:involture.

Ai:::i 13 vc rde t ta s?r,gl;?c&c qui p?ut naltre d 'un homi- cide, !a i-ircicnce de ceitc ~ c i ~ d e t t a . e t ses possibilitks de r(glernentj d i ? c n c ~ n t dec inLerrciations structurales des pcsonnes en ca!vsc. I1 y a p!us : la vendetta peut se concevoir comme un m ~ u v c m - t n i structural entre segments po!i4ii;ues, un nmur-t x c n t q ~ i i mainticnt la forme du, sy~l:.ril.e po!i(,ic:uc dcs 3i;rr i;.l que ilous Ic connaissons. I! esi, vrai q;:c: scules >s proc!.cs parentis agnatiques des dcux bords sc. trouv,ir;t, i:ri* ',diatemer t e t directement imp!i:ukes, r?zls Ics q;:~rcl!t.. entre p e r s n n e s dc sections triba:i:s diifkrc.;ltcs ;i>.isscni par influer t d i ou Lord sur les interrelations de ic!ars <.or;;n;l-i~~i~tds tou t entikres.

Lcs parcclz d 'un ho:nmtl tub qssaient d 'abattrc le gwan I h u n ~ a , le ~nc:irtrii.r, mais ils (;crj le droit de tuer n'irnporte leqwi de ses r,i.o?!:!'> a;.nats 2,:t;E gwnnli~n). Ils ne doivent pas iuer ic!s iils (111 f,'.:e dc la rncre, dc la s e u r du frhre, ou de la .stxu7 ile i : ~ r,!:.-cl, T)rri.c. 9u.u ces gens n'apparticn- nent pas au !ign:lgc: ci11 mi7::r:rier. En outre, seuls les lignapcs rn(i3;rnau:.: rf.:s dt.~:.- hords sont dii-ectement entrainirs dans la vcni:ri,la. e ) l : ? i qu'il en soit, on peut dire que !'impor!ancc de 1;; vcndu!.ta t icnt moins Q la faciliti: d'un r.kglcmcni, a u scir. des r,;,iits groupes qu'8 la d i a - cul t i 311 rk2ict:nent au sl.ir2 dl> sroupcs plus etendus, qlli parlicij?cnt in;!irrc,ii~n-~~-..t 213 connit. Nous avons not6 quc 10s gens en ktat d? vcr!d.::t:; ne peuvent =anger dans les m?nes rn:!isons; 0- 1:n liio:r-me mci.,ge dans toutes les maisons dc si:n villz?:.. cn s c ~ i e que ious Ics villagcois se t r o ~ v e n t ri :.n?blCe ;-us 1c Ce.iip d e la prohibition e t que les v o l i ec t ; . cux 23ns un &ta t d'opposition rituelle. Tous 1":s gens d'un viiiaze s0l.t gCnCra!ement? de f a ~ o n ou d 'autre, appar tn tes lcs uns agx natres, 5 quoi il faut ajoutel- un scns LrPs a-ji de !a cr:mn-::ina,ltd : si donc unc bataille kclate cl-itrc u? vi!l,?e c t an ::-.:kc a cawe d'une vendetta oh q~- : l ,? i~c~-u~?.s dcs -:i!ia:::.c)is sont irz:)iiql;ks, i! est pro- bable m e tc,:_ji, le v i i l a ~ . j--ser; cantrain+: C'est ainsi quc 12s horrncs d 'un 5-illage, Iorsc,::'i;s vont danser, arrivcnt en

formation guerribre, e t ne rompcnt jamais le rang au long de la danse; que I'un d'eux soit at taque, les autres sont A ses c6tes pour lui pretcr main-forte. I1 y a 12 des gens que la vendctta ne touche pas dircctemcnt c t qui pourtant seront forctis d'kpauler les protagcnistes.

Kous avons encore not6 que I'lntensitd d'une vendetta e t quc la manicre dont on la poursuit dkpendcnt des rela- tions slructuralcs des pcrsonnes en cause au sein du sys- t&mc politique. 11 cst impossiblc de tolc5rcr une vendetta 5 l'intisricur d'un v i l l ag~ , et il est impossible d'en prolonger une entre villages voisins. E n consequence, bien que Ies luttes sc produisent f r equ t~nmcnt i l'inl,i>ricur d 'un village ou camp voisin, une vendetta (entcndons bien par la le rapport de partics cntre lcsquelles reste a reglcr une dette d'hornicicle, par venjicance ou compe~isation : soit un e ta t ternporaire d'hostiliti: active qiii n'astrcint pas A un rbglcment immbdint mais requiert une conclusion finale), une vendetta ne peut persister cntre seclions tribales que si elles sont asscz prochcs l'une de I'autre pour maintenir des rapports d'hostilite actifs, e t assez eloignees l'une de I'autre pour que ccs rapports d'hostilit6 n'cinpechent pas les cont,acts sociaux essentiels, qui sont d'un genre ply? pacilique. Une vendetta a pcu d'irnportancc, ri moins qu 11 n'existe des rapports sociaux de telle ou telle espbce qui risquent de s'intcrrompre e t peuvent se renouer; dans le mkmc temps, ces rapports necessitent un rkglement final dans la mesure ou I'on veut eviter la rupture cornplkte. Ainsi envisagke, la fonction dc la vcndctta est donc de maintenir l'dquilibre structural entre des segments tribaux opposes, mais qui n'en sont pas moins confondus poli- t iquc~nent par rapport a des unites plus grandes.

Pa r la vendetta, des sections entieres demeurent e n e ta t d'hostilitk mutuellc, sans. que cette hostilit6 conduise a de frkquents engagements guerriers, car la vengeance directe rcste I'affaire de pctits groupes de parent6, qui n'en sont pas obsedks a tout mornent. I1 s'est produit une lu t te cntre dcux sections, elle a fait quclques morts de chaque (:ale. S e d s les lignages qui ont perdu I'un de leurs nlembres sont en ktat, de vendctta directe vis-i-vis des lignages qu'ils ont priv6 d'un dc leurs membres; mais la residence commune, le patriotisrnc local et un rkscau de liens de parent6 font que les sections entibres participcnt A I'ini- ~ni t ik qui s'ensuit, e t la poursuite des vendettas pcut eonduire A dc nouveaux combats entre Ics communaut6s en cause, e t a unc multiplication des vendettas. Ainsi,

Lcs iVuer Le syslemc poliliquc 189

quand la secticn Nyarltwac de la tribu Lou combattit la section Leng, lc lignage L A M e t les gens qui vivaient autour de lui se trouverenl, ranges contre les lignages M A R , K W ~ T H c t M A L U A L e t les gens qui vivaient avec eux; le lignagc n i A N T s I : E P x I se rangea contre le lignage D U M I E N ; e t ainsi de suite. Ces lignagcs minimaux etaicnt seuls i m p l i q d s d a n s lcs vendettas qui les opposaient, a l'exclusion des lignages collatkraux, encore qu'ils prisser?', par t a la luttc en d'autres dc ccs sccteuss, msis I'hostilitk de section a scction Ctait commune a tous les membres. Si l'on veut un bon exernple ciu sentiment dcs Nuer en pareille maticrc, il faut voir comment ils rkagircnt, dans le camp de pasteurs de Muot Dit quand le gouvernement mit la main sur des otages pour obtenir la reddition de deux prop!lktes. Leur principal grief, dont ils mc firent part , tttait que les otages n7appartenaient pas aux mitrnes lignages quc !cs prophktes : aussi cette affaire n'etait-elle pas directemcnt la lcur. LC gouvernement considkrait la c~ucstion sous son a ~ p e c t territorial, e t les S u e r en fonc- tion dc !a parent&, par anaiogic avec les conventions d'une vendetl>a.

En dehors dcs observances rituelles, des obligations de la p a r c ~ i h , du sentiment communautaire, etc., il est une autre raison qui faiL des vendettas crtlre petits lignages, surtout quand elles eont nomhreuses, cie veritahles etats de conflit, e t qtii tend 5 maintenir les sentiments d1hostilit6 d'une communaut6 5 I'au tre. Comme on l'expliquera au chapitre V, toutc communaute se trouve associee avec un lignage, a telle enseigne que les personnes de cette communaute qui nc sont pas membres dc ce lignage lui sont assimilkes dans Irs rapports politiques, lesquels s'expriment donc souvcnt en valeurs lignageres. D'ou vicnt qu'une vendetta entre de petits groupes agnatiques se traduit par un conflit, au sens le plus general du mot, entre les lignages avec lesqucls ces groupes sont associks : ainsi s'exprime la pertur- bation de leurs rapports en fonction de leurs structures, e t les communautes associees aux lignages sont impliqukes dans 1'hostilitC mutuelle.

L'hostilitk entre dcux segments restreints d'une tribu peut s'ktcndre aux segments plus Iarges dont iIs font partie. Ainsi? une querelle entre deux villages peut, comme nous l'avons note, provoquer une lutte entre sections tribales secondaires e t m6me primaires. Les interrelations entre sections plus larges sont pour ainsi dire actionnees par les interrelations entre sections plus petites. Une section

dkchiree par des vendettas non encore apaisees, si elle combat une autre s ~ c t i o n , neglige pour un teinps toutes ces querelles et s'organise en enher pour l'action.

La vcndetta est une institution politique, un mode de comportement rec,onnll et rCgleinent8 cntre difl'krcntrs communautes a l'iriLi.1-ieur d'une tribu. L'opposition kquilihrke entre segments trihaux, leurs tendanccs complk- mcntnirrs vcrs la scission e t la lusion, dont nous avoils vu qu'cllcs ktaicrit un principe structural, se montrc clairement dans l'instlliltion de la vcndetta, qui d'unc part permet Q 1'hosl.iliLti de s'esprimer par l'action violente c t inter- mittrnte - e t cettc action a pour elTct de mnintenir les sections skparecs; e t qui d'autre part, grice aux moyens prkvus pour le rkglement, empbche I'opposition de dkgk- nercr en fission coniplc'tc. La constitution tribale requiert les d c ~ ~ x blknlcnts d'unc vendetta, le besoin de vengeance e t Ic mnycn dc ri.glemcnt,. LC moyen de rcgleincnt, c'cst le chef B pcau dr leopard, dont nous examincrons Ic rOle pl~as loin. iirissi considerons-nous ce type de conl'lit comme esscnticl au sgstkme politique tel qu'il existc pri.scntemcnt,. Entrc tribus, i l ne peut y avc~ir que 13 gucrrc; et c'est par In guerre, par le souvenir de la guclrre, par la potcn- tialitC dc la guerre, que les rapports cntrc tribus st: dkfi- nisscnt ct s'cxprimcnt. A I'intlricur d'une tribu, la lutte produit toujours des vendettas, trt une rclation de vendetta caractkrise les silgments tribaus et donne B la structure tribalc un mouvcmcnt d'expansion e t dc contraction.

Certes, il n'y a pas dc distinction bicn tranchi:e cntre la lutte contre unc autrc tribu e t la lutte contre un segment d'unc m6mc t.ribu. C~pcndant , lcs Nuer souligncnt quc la possihlliti: d'un arbitrage c t l'acquittcment d'un prix du sang, quarld i l y a des morts au scin d'unc nlfirne tribu font dc cett.c luttc un Irr, un conflit du type vcndeltn, different dc la lutte entre tribus, kur, ou l'on ne rcconnai- trait aucune cxigcl~ce dc compensation. L'une e t l'autre forme de luttc dill'krent encore de l'cxpkdition chez les Dinlta, pec, et du duel de personnc a personne, dwnc, e t cela bien que toule lutte soit Iiur au sens genPral du mot. I1 cst pourtant evident que nous nous trouvons ici devant deux pales : la lutte au sein d'un village, qui se termine bienl,ht par lc paiemcnt d'une compensation, e t la lutle entre tribus, ou l'on ne compcnse pas lcs pertes en vies humaincs; e t que plus nous nous kloignons d'une communaut6 villagroisr, plus lcs luttes entre sections tribales resscmblent aux luttcs entre tribus, en ce sens