850
HAL Id: tel-00839314 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00839314 Submitted on 27 Jun 2013 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Enjeux fonciers et développement ”durable” au Mali Alima Chene-Sanogo To cite this version: Alima Chene-Sanogo. Enjeux fonciers et développement ”durable” au Mali. Droit. Université de Bourgogne, 2012. Français. <NNT : 2012DIJOD006>. <tel-00839314>

Enjeux fonciers et développement ''durable'' au Mali

Embed Size (px)

Citation preview

  • HAL Id: tel-00839314https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00839314

    Submitted on 27 Jun 2013

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestine au dpt et la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publis ou non,manant des tablissements denseignement et derecherche franais ou trangers, des laboratoirespublics ou privs.

    Enjeux fonciers et dveloppement durable au MaliAlima Chene-Sanogo

    To cite this version:Alima Chene-Sanogo. Enjeux fonciers et dveloppement durable au Mali. Droit. Universit deBourgogne, 2012. Franais. .

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00839314https://hal.archives-ouvertes.fr

  • UNIVERSIT DE BOURGOGNE

    UFR Droit-Science politique

    cole Doctorale LISIT

    THSE

    Pour obtenir le grade de

    Docteur de lUniversit de Bourgogne

    Discipline : DROIT

    Prsente et soutenue publiquement le 20 dcembre 2012 par

    Alima CHENE-SANOGO

    ENJEUX FONCIERS ET DVELOPPEMENT DURABLE AU MALI

    Directeur de thse

    M. le Professeur mrite Jean Claude FRITZ

    Jury :

    Monsieur Albert Bourgi Professeur mrite, Universit de Reims-Champagne-Ardenne

    Monsieur Julian Burger, Visiting Professor, Human Rights Centre, University of Essex.

    Monsieur Jean-Claude Fritz,

    Professeur mrite, Universit de Bourgogne, Directeur de thse.

    Monsieur Raphal Porteilla,

    Matre de confrences, Universit de Bourgogne

  • 1

    Je ddie exclusivement cette thse mon pre Tignougou SANOGO qui est

    dcd avant laboutissement de ce travail de recherche.

  • 2

  • 3

    REMERCIEMENTS

    Mes sincres remerciements :

    - Monsieur le Professeur Jean Claude FRITZ pour avoir accept de diriger cette thse et

    pour sa disponibilit, ses conseils, son soutien indfectible.

    - Ma mre, professeure Zalika TRAORE pour tous les sacrifices consentis pour massurer une

    ducation.

    - Marie - Thrse FRITZ pour son soutien maternel durant les annes de prparation de ce

    travail de recherche.

    - Mon mari, Jrme CHENE pour sa patience et sa comprhension notamment durant les

    deux dernires annes de ce travail.

    - Mes surs et frres pour leur soutien au quotidien.

    - Toutes les personnes qui ont concouru directement ou indirectement la ralisation de ce

    travail

  • 4

  • 5

    RSUM

    Faire du Foncier un fait conomique total, et du capital le moteur du dveloppement,

    cest donner un blanc-seing la marchandisation de la terre. Faut-il vraiment que le Mali

    cde ses terres agricoles et ses ressources foncires pour accder au dveloppement? Pour

    quel dveloppement ? Le dveloppement exige-t-il le sacrifice de lagriculture familiale

    paysanne et des mthodes traditionnelles sculaires de gestion du foncier ?

    Depuis son accession la souverainet nationale en 1960, le Mali, pays pauvre de lAfrique

    au Sud du Sahara cherche atteindre mais en vain un essor conomique, social et industriel et

    cela par tous les moyens, lexception de la mise en place dun modle endogne de

    dveloppement. Dans cette qute, il a d souscrire au modle de dveloppement dominant qui

    nest autre que celui capitaliste, fragilis depuis toujours et prsentement par les consquences

    de ses limites savoir la succession des crises alimentaire, sociale environnementale

    financire.

    Si ce revers du capitalisme a eu des effets sociaux importants dans les pays du sud, il a

    galement conduit certains pays mergents et auteurs de capitaux saccaparer des ressources

    naturelles des pays les plus pauvres.

    Pris en tenaille entre la prservation de ses spcificits socio-cologiques sur le plan

    foncier et son envie datteindre le dveloppement durable, le Mali voit dans la

    marchandisation des ressources foncires grande chelle une vritable aubaine. Ainsi, il va

    adapter son cadre juridico-politique daccs aux ressources foncires (au risque de dcalage,

    dincohrence et de flou entre ses stratgies politiques et la ralit foncire) afin dattirer de

    nouveaux acteurs. Il prend par la mme occasion le risque dexposer son peuple aux

    consquences prvisibles (la spoliation des droits fonciers coutumiers, laccroissement de la

    pauvret rurale et des ingalits, la destruction de lagriculture familiale) de ce passage sans

    transition une conomie mondialise alors que les enjeux fonciers bien matriss se

    rvlent tre une vritable stratgie de gestion quilibre de tout dveloppement et surtout du

    dveloppement durable.

    MOTS-CLS : Accaparement des terres, agriculture, acteur(s) bien, colonial, communaut,

    coutumes, dveloppement, dveloppement durable, droit, droits coutumiers, enjeux fonciers,

    foncier, gestion, hritage, juridique, Mali, paysan, politique agricole, politique foncire,

    ressources naturelles, rgime juridique, rural, savoirs locaux, stratgie, Terre, traditions,

    traditionnel, valeurs.

  • 6

  • 7

    ABSTRACT

    Making the land issue a total economic phenomenon and capital the driving force of

    development equates to giving free rein to the commodification of the land. Is it really

    necessary for Mali to sell off its agricultural land and its land resources to access

    development? For what development? Does development demand that family-run small

    farming operations and age-old, traditional land management methods be sacrificed?

    Ever since the country attained national sovereignty in 1960, Mali a poor country in sub-

    Saharan Africa has been seeking in vain to achieve rapid economic, social and industrial

    development by all the means available, with the exception of the deployment of an

    endogenous development model. In that quest, Mali has had to subscribe to the dominant

    development model which is none other than the capitalist model, made vulnerable as it

    always has been and still is at present by the consequences of its limitations, namely the

    succession of food, social, environmental and financial crises.

    If the downside of capitalism has had far-reaching social effects in the southern countries, it

    has also led certain emerging countries and providers of capital to grab the natural resources

    of the poorest countries.

    Caught between preserving its socioeconomic specificities in land terms and its desire

    to achieve sustainable development, Mali regards the large-scale commodification of its land

    resources as a real windfall. It is thus going to adapt its legal and political system of access to

    land resources at the risk of seeing a blurring of vision, discrepancy and inconsistency

    between its political strategies and the reality of the land issue in order to attract new

    stakeholders. In so doing, Mali runs the risk of exposing its people to the foreseeable

    consequences of the changeover without transition to a globalized economy, including

    notably the despoliation of customary law land rights, increased rural poverty and inequality,

    and the destruction of family-run farming operations, whereas proper control of the land issue

    is shown to be a true strategy for the balanced management of any development and above all

    of sustainable development.

    KEYWORDS: agricultural policy, agriculture, colonial, community, customary laws,

    customs, development, Earth, land, land grab, land issue, land policy, law, legacy, legal, legal

    regime, local knowledge, Mali, management, natural resources, property, rural, small farmer,

    stakeholder(s), strategy, sustainable development, traditional, traditions, values.

  • 8

  • 9

    LISTE DES TERMES VERNACULAIRES

    Binkononmaw : Les gens de la brousse, les ruraux

    Cew : Les hommes

    Dioro, Joro, Diowro : Le matre des pturages

    Djitigui : Le matre de leau

    Donso : Chasseur traditionnel

    Donsow : les chasseurs traditionnels

    Donsow ton : La confrrie ou lassociation des chasseurs traditionnels

    Dou : La famille

    Dougoutigui : Le chef du village

    Dougoukolotigui : Le matre de la terre

    Doutigui : Le chef de famille. Ce terme peut designer indiffremment un homme ou une

    femme

    Duna : Ltranger

    Dunaw : Les trangers

    Famaw ni donibaw : Les gens de pouvoir et de savoir

    Foroba ou Foroba foro : Le champ collectif

    Foroni, forotjini :Dimunitif de Foro signifie le petit champ

    Gw : Le mnage

    Gwtigui : Chef de mnage. Renvoie seulement lhomme

    Gwtigui foro : Le champ du chef de mnage

    Jatigui : LHte

    Kabila : La concession

    Moussow : Les femmes

    Noumou : Forgeron. Ce terme dsigne simultanment lethnie et le mtier

    Skan djo maaw : Les gens du voyage

    S : Concession familiale

    Til /ou Wagati : Le temps, le moment ou mme souvent la priode

    Ton : Confrrie ou Association

    Yrwollow : Les nobles

  • 10

  • 11

    SOMMAIRE

    DDICACE1

    REMERCIEMENTS..3

    RSUM5

    ABSTRACT...8

    LISTE DES TERMES VERNACULAIRES..9

    LISTE DES ANNEXES...13

    PRINCIPAUX SIGLES ET ACRONYMES15

    INTRODUCTION19

    PARTIE I: LE RGIME FONCIER COMME INSTRUMENT DE DEVELOPPEMENT : LHRITAGE COLONIAL FACE A LA

    RESISTANCE DES SPCIFICITS SOCIOCULTURELLES...46

    TITRE 1 GESTION CONTRADICTOIRE DU FONCIER DANS UNE VISION DE DEVELOPPEMENT MAL

    DFINIE..52

    CHAPITRE 1 NGATION IMPLICITE DU RGIME TRADITIONNEL DU FONCIER..56

    SECTION1 LAPPROCHE TRADITIONNEL DU FONCIER..60

    SECTION. 2. LES SPCIFICITS DES DROITS FONCIERS COUTUMIERS AU REGARD DU SYSTME

    JURIDIQUE MODERNE.106

    CHAPITRE 2. REPRODUCTION DU SYSTME FONCIER COLONIAL179

    SECTION 1. LA POLITIQUE FONCIRE DE LETAT COLONIAL, UNE SOURCE DINSPIRATION POUR LE FONCIER

    MODERNE184

    SECTION. 2. LE RGIME FONCIER ACTUEL : UNE CONTINUIT VOLUTIVE197

    TITRE 2 MERGENCE DUNE VISION ECONOMICISTE DU FONCIER : POUR UN DEVELOPPEMENT AGRICOLE SANS

    LE PAYSAN ?...216

    CHAPITRE 1 DUNE AGRICULTURE PAYSANNE UNE CONOMIE MONDIALISE..220

    SECTION 1. LAGROBUSINESS COMME STRATGIE DE GESTION DES RESSOURCES FONCIRES..227

    SECTION 2. DES ACTIONS DE DVELOPPEMENT AMBIGUS SUR LE FONCIER245

    SECTION 3 : LE FONCIER MALIEN, UN CHAMP DINFLUENCE DACTEURS TRANGERS...314

    CHAPITRE 2 : UN CADRE JURIDICO-POLITIQUE INCOHRENT...379

    SECTION I. UN RGIME JURIDICO -ADMINISTRATIF INADAPT DANS LACQUISITION ET DANS LA PERTE DE LA

    PROPRIT FONCIRE..381

    SECTION II. LABSENCE DE PERSPECTIVE POLITIQUE CLAIRE.455

    CONCLUSION PREMIRE PARTIE...521

    PARTIE 2 : VERS UNE REFONDATION DU FONCIER EN VUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE ?......................................523

    TITRE 1 LARTICULATION DES ENJEUX FONCIERS AVEC LE DEVELOPPEMENT DURABLE528

    CHAPITRE I LAPPROCHE OFFICIELLE DU DVELOPPEMENT DURABLE, UN AVATAR DU DVELOPPEMENT

    CONOMIQUE CAPITALISTE...531

    SECTION I LE DVELOPPEMENT DURABLE: UN REPRE INSTITUTIONNEL POUR LE FONCIER

    MALIEN ?...537

  • 12

    SECTION II LES OUTILS NORMATIFS DE GOUVERNANCE DU DVELOPPEMENT DURABLE.564

    CHAPITRE II LES VELLITS DE LINSERTION PAR LE MALI DU RFRENTIEL INTERNATIONAL DE

    DVELOPPEMENT DURABLE...649

    SECTION 1 : LA MTHODE DAPPROPRIATION PAR LE MALI DU CONCEPT DE DVELOPPEMENT DURABLE..653

    SECTION 2 LA VISION MALIANNISE DU DVELOPPEMENT DURABLE. .665

    TITRE 2 VERS UN CHANGEMENT DE PARADIGME ? NCESSAIRE PRISE EN COMPTE PAR LE DVELOPPEMENT

    DURABLE DE CERTAINS ASPECTS DES DROITS COUTUMIERS672

    CHAPITRE 1. LHRITAGE DES VALEURS DYNAMIQUES : UN CREUSET CERTAIN POUR UN CHANGEMENT DE

    PARADIGME...677

    SECTION I. LES VALEURS SOCIOCULTURELLES POUR RELEVER LES DFIS

    PRIORITAIRES.680

    SECTION II. LES VALEURS RELATIVES A LA BIODIVERSIT ET LES MTHODES TRADITIONNELLES DE PRSERVATION

    DE LA NATURE ..699

    CHAPITRE 2: COMMENT UTILISER CES VALEURS DANS LA PERSPECTIVE DUN AUTRE DVELOPPEMENT742

    SECTION I. SYSTMATISATION DES VALEURS IMPLIQUANT UN CHANGEMENT DE PARADIGME...745

    SECTION II MOBILISATION DES ACTEURS PORTEURS DUNE LOGIQUE DE CHANGEMENT DE PARADIGME758

    CONCLUSION DEUXIME PARTIE..768

    CONCLUSION GNRALE..770

    ANNEXES.777

    BIBLIOGRAPHIE...801

    TABLES DES MATIRES.841

  • 13

    LISTE DES ANNEXES

    ANNEXE1 : CARTE DU MALI, PHOTOGRAPHIE DE LA SITUATION CONFLICTUELLE ACTUELLE

    ANNEXE 2 : SCHMA RCAPITULATIF DES DIFFRENTES TAPES DVOLUTION DES DROITS

    FONCIERS COUTUMIERS AU MALI

    ANNEXE 3 : CARTE DES ZONES AGROCOLOGIQUES DU MALI.

    ANNEXE 4 : TABLEAU SUR LVOLUTION DES SUPERFICIES POUR LA CULTURE DU COTON AU

    MALI.

    ANNEXE 5 : TABLEAU SUR LVOLUTION DES EFFECTIFS DU CHEPTEL NATIONAL UNIT:

    TTE.

    ANNEXE 6 : TABLEAU PRODUCTIONS TOTALES DE LAIT ESTIMES, EN TONNES

    ANNEXE 7: TABLEAU DES INVESTISSEMENTS DIRECTS TRANGERS AU MALI EN 2006

    ANNEXE 8 : SCHMA LA PROCEDURE DOBTENTION ET DE TRANSFORMATION DE LA

    CONCESSION RURALE EN TITRE FONCIER EN DROIT MALIEN

    ANNEXE 9 : SCHMA DE FONCTIONNEMENT DE LIMMATRICULATION EN DROIT FONCIER

    MALIEN

    ANNEXE 10 : PROPOSITION DE MISE EN PLACE DUNE TUDE DIMPACT CULTURELLE DES

    PROJETS DE DVELOPPEMENT DURABLE.

    ANNEXE 11 : LISTE DES PERSONNES RENCONTRES

    ANNEXE 12 : LISTE DES INSTITUTIONS EN CHARGE DU FONCIER ET DU DEVELOPPEMENT

    DURABLE AU MALI

    ANNEXE 13 : MISSIONS DU FMI

    ANNEXE 14 : LES FORCES DE LA FILIRE COTON AU MALI

    ANNEXE 15 : CARTE DES GITES ET INDICES MINRAUX AU MALI

  • 14

    ANNEXE 16 : LISTE DES INSTITUTIONS PARTENAIRES TECHNIQUES ET FINANCIERS DU MALI

    ANNEXE 17 : ARTICLE 4.1 DE LA CONVENTION CADRE DES NATIONS UNIES POUR LE

    CHANGEMENT CLIMATIQUE

    ANNEXE 18: PHOTO DUNE DCHTERIE BAMAKO (COMMUNE I)

  • 15

    PRINCIPAUX ACRONYMES ET ABRVIATIONS

    ABFN : Agence du Bassin du Fleuve Niger

    AEDD : Agence de lEnvironnement et du Dveloppement Durable

    AGNU : Assemble Gnrale des Nations Unies

    ANICT : Agence Nationale dInvestissement des Collectivits Territoriales

    APE : Accords de Partenariat conomique

    AV : Association Villageoise

    BAD : Banque Africaine de Dveloppement

    BCEAO : Banque Centrale des tats de lAfrique de lOuest

    BM : Banque Mondiale

    CCCC : Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique

    CCD : Convention des nations unies sur la lutte Contre la Dsertification

    CEDEAO : Communaut conomique Des tats de lAfrique de lOuest

    CDB: Convention internationale sur la Diversit Biologique

    CDF : Code Domanial et Foncier

    CILSS : Comit permanent Inter-tats de Lutte contre la Scheresse dans le Sahel

    CMDT : Compagnie Malienne Des Textiles

    CMED : Commission Mondiale sur lEnvironnement et le Dveloppement

    CNCC : Comit National Changements Climatiques

    CNE : Conseil National de lEnvironnement

    CNOP : Coordination Nationale des Organisation Paysannes

    CSCRP : Cadre Stratgique pour la Croissance et la Rduction de la Pauvret

    CSLP : Cadre Stratgique de Lutte contre la Pauvret

    CT : Collectivit Territoriale

    CTD : Collectivit Territoriale Dcentralise

    DNACPN : Direction Nationale de lAssainissement et du Contrle des Pollutions et des Nuisances

    DNCN : Direction Nationale de la Conservation de la Nature

    DSRP : Documents de Stratgie de Rduction de la Pauvret

    ECOWAP: Economica Community of West Africa States Agricultural Policy

    FAO : Food and Agriculture Organization ou lOrganisation des Nations Unies pour lAgriculture et

    lAlimentation

    FCFA : Franc de la Communaut Financire Africaine

    FIDA : Fonds International pour le Dveloppement Agricole

    FMI : Fond Montaire International

    HUICOMA HUIleries COtonnires du MAli

    IBW : Institutions de BrettonWOODS

    IFI : Institutions Financires Internationales

  • 16

    IIED : Institut International pour lEnvironnement et le Dveloppement

    INSHA : INStitut du SAhel

    LOA : Loi dOrientation Agricole

    NEPAD : Nouveau Partenariat pour le Dveloppement de lAfrique

    OCDE : Organisation de Coopration et de Dveloppement conomiques

    ODM : Objectifs du Millnaire pour le Dveloppement

    OGM : Organisme Gntiquement Modifis

    OHADA : Organisation pour lHarmonisation du Droits des Affaires en Afrique

    OHVN : Office de la Haute Valle du Niger

    ON : Office du Niger

    ONG : Organisation Non Gouvernementale

    PAU : Politique Agricole de lUEMOA

    PAS : Programme dAjustement Structurel

    PED : Pays En Dveloppement

    PIB : Produit Intrieur Brut

    PNPE : Politique Nationale de Protection de lEnvironnement au Mali

    PPTE : Pays Pauvres Trs Endetts

    PTF : Partenaire Technique et Financier

    SDDR : Schma Directeur du Dveloppement Rural

    SNDB : Stratgie Nationale de Diversit Biologique

    SNDD : Stratgie Nationale de Dveloppement Durable

    SNLP : Stratgie Nationale de Lutte contre la Pauvret

    SNSA : Stratgie National de Scurit Alimentaire

    UEMOA : Union conomique et Montaire Ouest Africaine

    USAID : United States Agency for International Development (Agence Des tats unis pour le Dveloppement

    International)

    UA: Union Africaine

  • 17

  • 18

  • 19

    INTRODUCTION

    Le pays va mal

    Mon pays va mal

    Mon pays va mal

    De mal en mal,

    Mon pays va mal

    Tiken Jah Fakoly1

    1 TIKEN Jah Fakoly, Le pays va mal, extrait de lalbum Franafrique, 2002.

  • 20

    En 2010, lindice de dveloppement humain a class le Mali 160me

    2 pays sur 169 !

    Ce rang est li la situation de pauvret qui rgne dans le pays relgu au banc des nations

    les moins avancs depuis toujours.

    En effet, au Mali, plus de la moiti de la population vit sous le seuil de pauvret avec un PIB

    par habitant estim entre 691$3 et 1200$

    4. Le Produit Intrieur Brut du pays (PIB) slve

    entre 9Mds$ 16,7Mds$ et la dette publique slve 25, 3% du PIB.

    Pourtant, se basant sur quelques donnes macroconomiques5 en 2009 et en 2010 du pays,

    certains Partenaires Techniques et Financiers (PTF)6 jugent la situation conomique du Mali

    satisfaisante et meilleure que celle de lensemble des pays de la sous-rgion !

    Ce ne sont pas srement les populations qui vont bnficier cette soi-disant bonne sant de

    lconomie du Mali.

    La ralit est que le pays est pauvre. Les ajustements structurels des annes 1970, la

    dvaluation du Franc CFA dans les annes 1970 ont eu raison de son conomie nationale qui

    est entirement dpendante de laide trangre mme si cette dernire ne cesse de se rduire

    danne en anne7.

    2 Classement donn par le Programme des Nations Unies pour le Dveloppement (PNUD) en 2010.

    3 Selon la Banque Mondiale, en 2009.

    4 CIA World Factbook, 2010.

    5 Notamment les taux dinflation du pays en 2009(1,5% ) et en 2010(2%)

    6 Prsentation du Mali - France-Diplomatie, ministre des affaires trangres et Europennes, article

    consultable au lien internet suivant : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-

    geo_833/mali_350/presentation-du-mali_996/index.html

    7 Largent envoy par les maliens migrs en Occident dpasse nettement le montant de laide au

    dveloppement octroye par les Partenaires Techniques et Financiers.

    http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/mali_350/presentation-du-mali_996/index.htmlhttp://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/mali_350/presentation-du-mali_996/index.html

  • 21

    Les indicateurs socio-conomiques sus-dcrits ne doivent toutefois pas faire oublier

    lhistoire de ce vaste8 pays continental grand denviron deux et demi fois et la France

    9.

    Lpope du Mali se conte en trois temps : la priode pr-coloniale, la priode coloniale et la

    priode post-coloniale :

    La priode pr-coloniale est caractrise par lexistence des grands empires dont lempire

    du Ghana, lempire du Mali et lempire Songha.

    Jusquen 1591, ces diffrents empires, travers leur puissance militaire, leur organisation

    administrative et sociale, vont assurer au Mali une prennit sans prcdent dans toute

    lAfrique noire. Et cela jusqu la pntration coloniale en 186410

    .

    A la priode coloniale, le Haut-Sngal-Niger11

    devient une vritable colonie franaise

    aprs la capture du guerrier rsistant Samory TOURE. Incorpor lAfrique Occidentale

    Franaise (AOF) en 1895, le Soudan Franais12

    avait dabord pour capitale lactuelle rgion

    de Kayes. Ce nest quen 1907 que Bamako est relev ce mme rang.

    Bien entendu, de cette priode jusquau lendemain de la seconde guerre mondiale, lexercice

    de toute activit politique tait interdit aux Maliens. Il a fallu attendre 1946 pour recouvrer

    la libert politique qui sera consacre entirement avec la mise en place du parti

    (indpendantiste) le Rassemblement Dmocratique Africain (RDA).

    8 Le Mali a une superficie de 1.240.192km.

    9 La France a une superficie de 675.417km

    2.

    10 cette date, les troupes franaises menes par Louis FAIDHERBE annexent celle des rsistants dEl

    Hadj Oumar TALL. La conqute du Mali par la France continuera de plus belle en 1898 avec le gnral Joseph

    GALLIENI.

    11 Le nom du Mali jusquen 1920 o il devient le Soudan franais.

    12 Nom du pays son incorporation dans la liste des colonies franaises.

  • 22

    Toujours dans cette mouvance, le 17 janvier 1959, le Mali cre une fdration ponyme avec

    le Sngal et deux autres colonies franaises de lA.O.F.13

    et devient galement rpublique

    autonome de la communaut franaise.

    La fdration du Mali clate dfinitivement quelques temps plus tard avec la proclamation de

    lindpendance du Sngal le 20 juin 1960. Dans la foule, le Mali devient indpendant son

    tour le 22 septembre 1960. La mme anne, il intgre lOrganisation des Nations-Unies en

    tant qutat-membre.

    La premire Rpublique avec Modibo KEITA comme prsident vit le jour lindpendance

    du pays. Elle se prolonge jusquen 1968 seulement o la faveur dun coup dtat militaire,

    le gnral Moussa TRAORE sempare du pouvoir. De 1968 1979, le pays connut donc un

    rgime militaire, qui se divise en deux phases.

    La premire phase va 1968 1974. On assista un rgime militaire de fait, caractris par un

    vide constitutionnel absolu, la constitution du 22 septembre 1960 ayant t purement et

    simplement abroge par le comit militaire de libration nationale (CMLN) lors de son coup

    dtat.

    La deuxime phase de cette triste priode se situe de 1974 1979 et correspond au

    rtablissement dune vie constitutionnelle normale avec lorganisation en 1974 dun

    rfrendum conduisant ladoption de la constitution du 2 juin de la mme anne.

    Sous la premire rpublique, lconomie malienne tait de type socialiste collectiviste inspire

    par des influences extrieures et paradoxalement justifie par un chauvinisme aigu. Ce

    socialisme collectiviste tait bas sur lagriculture fondamentalement. En effet, tous taient

    tenus de travailler pour le dveloppement du pays.

    13

    La fdration du Mali comprenait sa cration en janvier 1959, le Soudan franais (lactuel Mali), le

    Dahomey (lactuel Bnin) le Sngal, la Haute Volta (lactuel Burkina Faso). Quelques mois plus tard, la Haute

    Volta et le Dahomey se retirent de la fdration.

  • 23

    Dans le domaine agricole notamment, les paysans travaillaient pour le Mali foro14

    , le

    champ commun tout le pays, au dtriment de leurs propres champs familiaux. Ce systme

    saccompagnait dune incitation adhrer au parti Union Soudanaise- Rassemblement

    Dmocratique Africain (US-RDA).

    Pour lexploitation des productions du "Mali foro", la socit malienne dimportation et

    dexportation fut cre en octobre 1960. Ladhsion tte baisse des ruraux la culture du

    champ commun a commenc vaciller quand les paysans se sont vus tre obligs de vendre

    leur production vil prix fix unilatralement par ltat au nom de lobjectif suprme

    dapprovisionnement des principales ville du pays et donc du dveloppement.

    La pousse patriotique de ltat nouvellement affranchie du joug colonial na cess de

    saccrotre car le pays va adhrer au mouvement des pays non aligns tout en affichant son

    panafricanisme15

    .

    Cest ainsi, que fut cr le 1er Juillet 1962 une devise montaire malienne appele le Franc

    malien aprs que le pays sest retir de lUnion Montaire Ouest Africaine (UMOA).

    Cette indpendance montaire vis--vis de lancien colonisateur a malheureusement pris fin

    assez vite car le franc malien narrivait pas rsister au Franc CFA dit par la banque de

    France et ayant cours dans les autres anciennes colonies franaises.

    Les choix conomiques et politiques des dirigeants de lpoque vont plonger le pays dans un

    chaos conomique sans prcdent. Par ailleurs, ils vont entraner un putsch militaire qui

    conduira la mise en place dune nouvelle rpublique.

    14

    Le Mali foro tait obligatoire dans chaque village.

    15 Le Mali soutient, au grand dam de la France, les indpendantistes algriens dans leur guerre contre

    lancien colonisateur.

  • 24

    La deuxime rpublique ainsi cre par la constitution du 2 juin 1974, mais effective

    seulement partir de 1979, stend jusquen 1991.

    Le pays tait rgi par un totalitarisme absolu en dpit de lexistence dune constitution .

    Seule la culture du parti unique dominait. Le seul parti prsidentiel, ironiquement dnomm

    Union Dmocratique Du Peuple Malien (UDPM) tait autoris.

    Les liberts fondamentales telles que celles dexpression, de la presse, dassociation... taient

    inexistantes ou bafoues.

    Sur le plan conomique, la seconde rpublique se distingue par les mesures dajustement

    structurel imposes au pays par les institutions financires internationales (IFI), le retour au

    franc CFA, entre autres.

    Les grands projets communs tels que le Mali foro sont dlaisss. Mais lagriculture demeure

    toujours le cheval de bataille de ltat militaire qui va sempresser de mettre en place une

    nouvelle organisation rurale, en lespce, les Oprations de Dveloppement Rural (ODR)

    flches essentiellement sur les cultures de rente telles que le coton et le riz au dtriment des

    cultures vivrires cralires.

    Le but vis par les ODR tait lintroduction de nouvelles techniques de culture,

    lapprovisionnement en intrants des paysans, la commercialisation des productions agricoles

    pour atteindre la grandiose ambition d intgrer les paysans [maliens] lconomie

    capitaliste mondiale16

    .

    Le systme des ODR peine a commenc apporter des devises ltat, que la scheresse de

    1974 frappe. Les dgts causs par cette tragdie climatique marque un net recul de

    lconomie du pays. La deuxime rpublique sarrte en 1991.

    16

    TAG Sylvia, Paysans, tat et dmocratisation au Mali : Enqute en milieu rural , GIGA-Hamburg,

    1994, pages 192.

  • 25

    Le 26 mars 1991, un escadron de militaires avec sa tte le colonel Amadou Toumani

    Tour17

    perptre le deuxime coup dtat militaire de lhistoire du pays. Ces militaires en

    tandem avec la coordination des associations et organisations dmocratiques fondent le

    Comit de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP) qui assurera la transition dmocratique

    en 1991 et 1992.

    La troisime rpublique dbute ainsi en 1992 et continue jusqu nos jours. Son acte crateur

    est la constitution du 25 fvrier 1992 approuve par rfrendum.

    Pays dmocratique depuis la rvolution18

    de mars 1991, le Mali est un tat avec un parlement

    monocamral19

    .

    Le Prsident de la Rpublique lu au suffrage universel direct est le chef de ltat, et aussi le

    chef de lExcutif. Le gouvernement est dirig par le premier ministre20.

    Les plus hautes instances judiciaires et constitutionnelles sont respectivement la Cour

    Suprme et la Cour Constitutionnelle.

    17

    Ctait le prsident de la rpublique du Mali jusquen mars 2012 o il a t renvers par un coup dtat

    militaire. Aprs le coup de dtat de 1991, ATT qui lavait perptr laissa le pouvoir aux civils aprs avoir

    organis les premires lections libres et dmocratiques du pays.

    Sur sollicitation de la socit civile malienne, devenu entre temps gnral, ATT comme lappellent

    affectueusement les maliens, sest senti oblig de voler une fois encore au secours du pays en 2003 mais

    cette fois-ci par la voie des urnes.

    18 Le coup dtat de 1991 a t prcd par une insurrection populaire la base de laquelle se trouvait

    lassociation des lves et tudiants du Mali (actuelle AEM).

    19 LAssemble Nationale est le seul parlement. Elle est compose de 147 dputs lus galement au

    suffrage universel direct.

    20 Depuis le 3avril 2011 jusquau coup dtat de mars 2012, le premier ministre du Mali est une femme

    (Madame Mariam KAIDAMA CISSE) ce qui est une premire dans lhistoire du pays o rgne la culture de la

    masculinit.

  • 26

    Divis en huit rgions administratives et en 703 communes urbaines et rurales, le Mali

    daujourdhui est confront de trs grands dfis sociaux, conomiques, politiques et

    environnementaux.

    Le dfi politique actuel et primordial est la prservation de lintgrit territoriale du

    pays. En effet, depuis janvier 2012, le Mali est confront la crise la plus grave de son

    histoire21

    perptre par la rbellion touargue au nord du pays et exacerbe par le putsch

    militaire du 21 mars 201222

    et double par linsurrection des mouvements islamistes.

    Le nord du Mali est handicap depuis toujours par le manque de dveloppement, le

    dsengagement de ltat, labsence dinfrastructures et la prdominance du dsert

    Le dsengagement de ltat du nord du pays a transform cette partie du territoire en zone

    propice toutes sortes de trafics (drogue, cigarettes, vhicules).

    21

    Cest la crise la plus grave de lhistoire du pays depuis la colonisation.

    22 Le 21 mars 2012, un groupe de sous-officiers sous la direction du capitaine Amadou SANOGO sest

    empar du pouvoir, en renversant le prsident Amadou Toumani TOURE rgulirement lu au suffrage

    universel direct en 2007. Ce putsch militaire a entran la suspension de la constitution et larrestation de

    plusieurs dirigeants maliens dont le prsident de la Rpublique lui-mme.

    Une semaine plus tard, des groupes de rebellions armes dont les Touaregs du Mouvement national de

    libration de l'Azawad (MNLA), le Mouvement islamistes ANSAR DINE (qui veut dire dfenseurs de la

    religion en arabe) et l AQMI, arms la faveur de la chute de Kadhafi en Libye, se sont empars du nord du

    pays.

  • 27

    Cest galement une zone qui connat la prsence de milices armes23

    et dAl-Qada au

    Maghreb Islamique24

    (AQMI).

    Ce dernier coiffe dautres groupes islamistes et entend instaurer la loi islamiste ou la charia

    sur tout le territoire national25

    , aujourdhui coup en deux26

    Sur le plan socio-conomique et environnemental, la gestion du foncier demeure une

    problmatique de taille, notamment au regard des objectifs de dveloppement durable humain

    que le pays sest fix avec la signature des Objectifs du Millnaire pour le Dveloppement

    (ODM).

    La gestion de la terre et des ressources naturelles se trouvent au cur du dveloppement du

    pays. Les politiques agricoles, de dveloppement rural et damnagement territorial sont

    impactes et dtermines par elle. Mieux, les politiques foncires caractrisent les schmas

    directeurs du dveloppement durable territorial.

    Le foncier est un facteur social exorbitant dans la mesure o il rend compte des divers droits

    sur la terre et sur les ressources naturelles tout en dterminant les acteurs et titulaires de ces

    droits.

    23

    Le nord du Mali connat galement la prsence de plusieurs milices mises en place depuis quelques

    annes par ltat malien lui-mme pour excuter des tches de scurit sa place. Il sagit notamment de

    milices songhay dont : le mouvement patriotique le KANDA KOY ( qui signifie en songhay matre de la

    terre ) cr en 1990 lors de la premire rbellion touargue et le GANDA ISO ( fils du pays en songhay)

    cre pour le mme but par ltat malien. Ces deux milices sont constitues principalement danciens membres

    de larme rgulire du Mali.

    24 Cr au Mali depuis le 11 septembre 2006, lAQMI au Mali est issu du Groupe Salafiste pour la

    Prdication et le Combat (GSPC) algrien.

    L'tat malien impuissant a laiss ce groupe sinstaller au nord du pays sans rsistance. Mieux, il lui

    arrivait mme, avant lannexion du nord du pays, de jouer le ngociateur auprs de ce groupe pour la libration

    de certains otages occidentaux. Au nord du Mali, lAQMI se fait aider par un groupe islamiste actif du Nigria,

    le BOKO HARAM.

    Se rapproche de cette tendance le Mouvement pour lUnicit et Jihad en Afrique de lOuest (MUJAO) n en

    2011 par dfection des ranges dAQMI. Le fonds de commerce du MUJAO est lenlvement des personnalits.

    25 Tandis que le groupe de touaregs remet en cause lintgrit du territoire malien, le combat de lAQMI

    est seulement lislamisation du pays. Ce sont deux combats diffrents mais qui ont lieu simultanment.

    26 Se rfrer la carte du Mali coup en deux par les islamistes (annexe1).

  • 28

    La dtermination des droits fonciers sur la terre et ses accessoires dune part et, dautre part,

    du jeu des acteurs du foncier, relvent de la gouvernance foncire qui, au-del de sa

    dimension sociale, renvoie aux arbitrages entre des fonctions conomiques concurrentes du

    sol.

    Elle vise concilier, dans le respect des lois et des rgles, les intrts entre les diffrentes

    catgories dacteurs, et associer les citoyens aux processus de dcision, en prenant en

    compte les pratiques locales27

    .

    Cette dfinition implique lexistence de rapports troits entre le foncier, la question politique

    et la problmatique du dveloppement durable.

    Linteraction enjeux fonciers/politique se vrifie tout naturellement ce pays vaste situ au

    cur de lAfrique subsaharienne28

    Au Mali, le foncier est brandi par les autorits politiques comme lobjet de satisfaction des

    dolances des populations qui dpendent pour leur survie de la terre et des ressources

    naturelles.

    Le caractre multifonctionnel du foncier fait que les autorits misent sur la gestion de la terre

    et des ressources naturelles tel un instrument de lutte contre la pauvret et les ingalits et un

    outil de prvention des conflits, dune part.

    Dautre part, le foncier est utilis comme un moyen de rgulation des flux migratoires et

    dexode rural.

    27

    Gouvernance foncire et scurisation des droits dans les pays du Sud, Livre blanc des acteurs franais

    de la Coopration, Juin 2009, coopration franaise. 28 Le pays est limit au nord par le dsert du Sahara, au sud par de grandes savanes. Plus prcisment, il

    entretient 7420km de frontire quil partage avec sept pays dont :

    LAlgrie au nord, le Niger lest, le Burkina Faso, la Guine Conakry et la Cte dIvoire au sud, la Mauritanie

    et le Sngal louest.

  • 29

    A ces fonctions, il faut ajouter que la gestion de la terre et des ressources naturelles joue un

    rle conomique lgendaire travers le jeu dinfluence quil gnre entre diffrents acteurs

    conomiques.

    Finalement, tout accs la terre recouvre de nos jours un but conomique ne serait-ce quun

    peu. Ceci confirme la connexion foncier/conomie.

    Depuis quelques annes, la gestion de la terre et des ressources naturelles est de plus

    en plus attendue comme un axe indispensable des politiques de protection de lenvironnement

    et de dveloppement.

    Cela rend la question foncire incontournable do son actualisation au gr des mutations

    conomique, sociale et mme politique.

    Cest ainsi quavec lavnement de la dcentralisation, le pays a aussitt mis en place une

    gestion29

    dcentralise du foncier dans les annes 2000.

    Avec ce changement de cap important, les observateurs et analystes de la question foncire

    espraient voir sonner le glas des diffrents problmes soulevs depuis toujours par cette

    pineuse question (la domanialit, le monopole tatique du foncier, la non prise en compte des

    rgles traditionnelles de gestion de la terre et des ressources naturelles).

    Cela tait dautant plus logique quavant lavnement de la dcentralisation administrative en

    1990, ces mmes observateurs et analystes prchaient et prsentaient la gestion dcentralise

    du foncier et des ressources naturelles comme une panace.

    Vingt ans aprs, force est de constater que la "terre promise" tant espre via la mise en place

    de la dcentralisation notamment en matire foncire demeure toujours inaccessible.

    29

    Cette gestion dcentralise du foncier est encore thorique.

  • 30

    Autant la mise en uvre de la dcentralisation administrative na pas t la solution aux

    questions de dveloppement du pays, autant la dcentralisation de la gestion du foncier et des

    ressources naturelles est loin davoir atteint les objectifs escompts et cela parce quelle sest

    bute des choix politiques flous, incohrents, mal dfinis et souvent contraires tout

    dveloppement.

    La dception est tellement grande de nos jours que nous sommes en droit de nous demander si

    le foncier malien constitu la fois par la terre et les ressources naturelles qui y sont

    directement attaches et l'ensemble des relations entre individus ou groupes pour

    l'appropriation et l'utilisation de ces ressources30

    , contribue efficacement un quelconque

    dveloppement du pays !

    La rponse ce questionnement varie en fonction de la dfinition que lon retient du

    dveloppement. Celui-ci est-il une croissance acclre sans plus ? Ou est-il une croissance

    tenant compte du bien-tre de lhomme et de la protection de lenvironnement ?

    A la lumire des diffrents constats que nous venons de faire ci-dessus, il apparat que

    les liens foncier et dveloppement sont incontestables. Nul ne pouvant nier que les

    diffrentes solutions prnes par le Mali pour promouvoir la gestion de la terre et des

    ressources naturelles a pour objectif final le dveloppement, donc la recherche dune certaine

    durabilit, il nest pas saugrenu de prsenter ce thme de recherche intitul Enjeux fonciers

    et dveloppement durable au Mali .

    Une telle rflexion sera loccasion de mettre en lumire les diffrents rapports vidents et

    larvaires que les droits fonciers, du moins, les enjeux fonciers, entretiennent avec le

    dveloppement durable.

    Pour y parvenir, nous allons, et il le faut, identifier les causes politiques, sociales, historiques,

    conomiques et culturelles dune telle interdpendance au Mali.

    30

    Samba SOUMARE, Foncier et dcentralisation, Dcentralisation, Journal d'information et de rflexion

    sur la dcentralisation (Mali), fvrier 1994, page 12.

  • 31

    Plus prcisment, nous allons nous appliquer rpondre la question suivante :

    Les droits fonciers actuels maliens peuvent- ils impulser le dveloppement agricole et relever

    le dfi du dveloppement durable ?

    Une tude sur lvolution et les mutations des droits fonciers au Mali depuis la priode

    pr-coloniale jusqu nos jours est mme de nous clairer sur cette interrogation.

    Cette chronologie nous permettra de dterminer la place que ces droits ont occupe dans les

    politiques successives et stratgies de dveloppement conomique inities par le pays depuis

    la colonisation.

    Cela est loccasion dvoquer le pluralisme juridique qui existe autour de la question foncire.

    Celui-ci se traduit par la cohabitation de normes dessence diffrente sur la gestion de la terre

    et des ressources que celle-ci porte.

    Il sagit des normes coutumires qui sont rechercher dans les coutumes, traditions, bref dans

    le vcu des populations.

    Il sagit enfin des normes ou rgles de gestion foncire modernes qui sont essentiellement

    hrites de la priode coloniale et qui sont contenues dans le Code Domanial et Foncier.

    De natures diffrentes, ces deux catgories de rgles ont tendance sopposer.

    Faut-il favoriser une catgorie une autre ?

    Il sagit clairement de mener une rflexion solide pouvant tre prise en considration dans la

    mise en place dun ventuel nouveau systme foncier au Mali et dune gestion durable des

    ressources naturelles en nous basant sur des rgles endognes, tlescopes sil le faut de

    quelques inspirations modernes pour permettre au foncier malien datteindre la durabilit

    prne par le dveloppement durable.

  • 32

    De faon coordonne, lanalyse de la notion nouvelle de dveloppement durable, la mise en

    exergue de ses mthodes, de ses critres, ltude de ses instruments quils soient de droit

    public ou priv, sectoriels ou de politique gnrale, permettra dexpliquer pourquoi cette

    notion est attendue comme la solution susceptible de corriger les erreurs, insuffisances et

    cueils de la gestion foncire (appropriation exclusivement tatique, absence de gestion

    intgre de la question foncire, pluralisme juridique), au Mali depuis les indpendances.

    Au Mali, comme un peu partout en Afrique, le dveloppement durable tend sriger

    en condition de rhabilitation de laction gouvernementale, publique, du territoire et mme de

    certaines entreprises.

    Lavnement de la notion a impliqu lavalisation par le pays dun monceau de textes

    internationaux la rgissant, en plus des textes nationaux y relatifs.

    Quelle est lorigine de la notion ? Que signifie-t-elle au juste ? Quelles implications concrtes

    gnre-t-elle vraiment ?

    Certains31

    estiment que lorigine de la notion de dveloppement durable remonte aux

    recherches des conomistes classiques sur ltat stationnaire dune part et dautre part

    aux rflexions du Club de Rome32

    , et enfin au travail dIgnacy SACHS33

    portant sur

    lcodveloppement.

    Sans prise de position par rapport ces diffrentes sources, nous allons nous attarder sur

    lapport dIgnacy SACHS la notion de dveloppement durable qui nous semble important.

    31

    Dveloppement Durable et Territoire, d. Bertrand ZUINDEAU- Villeneuve dAscq (Nord), Presses

    Universitaires du Septentrion, 2000-(conomie) ISBN 2-85939-618-7, page 12.

    32 MEADOWS D.-H., MEADOWS D.-L., RANDERS J. et alii; The Limits to Growth: A report from the

    Club of Romes project on the predicament of mankind, universe book, New York 1972.

    33 Ignacy SACHS, Stratgies de lcodveloppement, Paris, les ditions Ouvrires (collections

    dveloppement et civilisation), 1980, 140p.

  • 33

    A notre sens, ce dernier a certainement pos les jalons du dveloppement durable en

    dfinissant la notion d'codveloppement c'est ... un dveloppement des populations par

    elles-mmes utilisant au mieux les ressources naturelles sadaptant un environnement

    quelles transforment sans le dtruire []

    Cest le dveloppement lui-mme, tout entier, qui doit tre imprgn, motiv, soutenu par la

    recherche dun quilibre dynamique entre la vie et les activits collectives des groupes

    humains et le contexte spatio-temporel de leur implantation34

    .

    Ainsi caractris, lcodveloppement peut tre considr comme une variante de

    dveloppement durable, surtout quen 1993 dj, Ignacy SACHS, parlait dj de durabilit et

    prconisait trois dimensions que doit atteindre tout dveloppement des socits savoir :

    Lquit sociale ;

    La prudence cologique ;

    La responsabilisation des populations afin quelles soient matresses de leur destin.

    En dpit de ces lments prcurseurs, force est de reconnatre que le rapport dit Brundtland

    issu des travaux de la Commission mondiale sur lenvironnement et le dveloppement35

    en

    1987 fut le seul caractriser et nommer clairement lexpression dveloppement durable ou

    sustainable development en anglais.

    Cette paternit nempche pas la diversit dinterprtations et dapproches de la notion selon

    les acteurs en prsence (ONG, Entreprises, collectivit territoriales dcentralises, institutions

    internationales, tats).

    34

    I. SACHS, op.cit. page 37.

    35 Commission mondiale sur lenvironnement et le dveloppement (C.M.E.D.), Notre avenir tous .

    Les ditions du Fleuve, Montral, 1989, traduction en langue franaise de Our Common Future , paru en

    1987.

    La CMED a t mise en place en 1983 via une dlibration de lAssemble Gnrale des Nations Unies.

  • 34

    Ainsi, pour rendre compte de la notion de dveloppement durable, il convient de tenir en

    compte les diverses dimensions qui sont prsentes, dans les textes fondateurs du

    dveloppement durable, dans les documents dapplication de ces textes, et dans les rapports

    annuels officiels sur la question de dveloppement durable humain.

    La dfinition donne dans le rapport Brundtland: Le dveloppement durable est un

    mode de dveloppement qui rpond aux besoins du prsent sans compromettre la capacit

    des gnrations futures de rpondre aux leurs ne doit pas tre prise de faon isole.

    Ce mme rapport prcise que Nous nhritons pas de la terre de nos anctres, nous

    lempruntons nos enfants tout en insistant sur la ncessit de prservation de

    lenvironnement et des espces animales et vgtales.

    Mme si la dfinition du rapport Brundtland demeure la plus rpandue36

    beaucoup dautres

    dfinitions37

    ont surgi depuis38

    .

    Au-del de ce problme de dfinition, comment un dveloppement devientil durable ?

    Selon le dictionnaire Larousse, le dveloppement est le fait pour quelque chose de

    progresser, de saccrotre .

    36

    Le Dveloppement Durable est le 8me

    objectif du millnaire pour le dveloppement. Tous les 189 tats

    signataires (en 2010) des ODM dont le Mali lont adopt.

    37 Classification effectue par Franois HATEN, rapporte par Christian COMELIAU in

    Dveloppement du dveloppement durable, ou blocages conceptuels ? Tiers Monde, n137, Janvier- mars

    1994, pp. 62-63.

    Cet auteur a recens son seul niveau 60 conceptions du dveloppement durable. Il propose de classer les

    diffrentes thories sur la question en deux catgories, le critre retenu est lobjectif du dveloppement. Ainsi,

    selon que celui-ci se donne pour but principal la protection de lenvironnement ou le bien-tre de lhomme, il

    peut tre qualifi de catgorie cocentre ou anthropocentre. 38

    Deux ans aprs la publication du rapport Brundtland, la Banque Mondiale recensait 37 dfinitions de

    la notion. Pour plus de details, se rfrer J. PRESSY, Economic analysis of sustainable growth and

    sustainable development, World Bank, Environment Department, working paper n15, 1989.

  • 35

    Cette dfinition peut sinterprter de la sorte : Une chose ne peut pas saccrotre linfini, la

    croissance, ici, est synonyme de lexpansion ou de lessor, ce dernier faisant appel forcment

    un dclin.

    Dans ce cas, on en dduit que tout dveloppement par nature est un tant soit peu durable

    moins que la durabilit renvoie une autre dfinition que la dure ou la longueur dans le

    temps .

    Le dveloppement durable, ne serait-il rien dautre quun plonasme (inutile ?).

    Ladjonction de ladjectif durable au mot dveloppement ci-dessus dfini est un insens

    napportant rien de plus la notion de dveloppement qui conserve son sens classique.

    Ce plonasme39

    inutile pose par ailleurs un problme dantinomie au regard du

    dveloppement capitaliste qui renvoie dune part une entreprise visant transformer les

    rapports des hommes entre eux et avec la nature en marchandises40

    .

    Dautre part, il est assimil une croissance auto soutenable c'est--dire a self sustaining

    growth41

    .

    Certains conseillent de rsoudre cette difficult en arrogeant ladjectif durable le sens de

    irrversible42

    . Mais cela reste moins certain, surtout si lon considre la dfinition

    durabilit et si lon mesure ses implications actuelles dans la doctrine abondante y ayant trait.

    39

    Le dveloppement est durable par essence.

    40 LATOUCHE (S.), A bas le dveloppement durable ! Vive la Dcroissance Conviviale , Nouveau

    Millnaire, Dfis libertaires , Dbat sur la dcroissance dans la revue Silence, n280 et 281(fvrier et Mars

    2002), consultable sur internet au lien suivant : http://1libertaire.free.fr/SLatouche49.html

    41 Dfinition donne par ROSTOW. Cette dfinition est galement partage par MESATOVIC et

    PESTEL, Stratgie per sopravivere , Mondadori, Milano, 1974.

    42 De BERNIS Grard, Dveloppement durable et accumulation , TiersMonde, n 137, p.96.

    http://1libertaire.free.fr/SLatouche49.html

  • 36

    Selon toujours le dictionnaire Larousse43

    , la durabilit est la qualit de ce qui est durable .

    Le mot durable , selon le mme dictionnaire est dfini comme ce qui dure longtemps .

    Tenant compte de ces prcisions, nous pouvons dire que le "dveloppement durable" suppose

    donc un dveloppement conomique prenne qui tient compte de faon intgre certains

    aspects sociaux et cologiques jusque l ignors.

    La notion de durabilit donne lieu une doctrine abondante quon peut prsenter en deux

    courants sur un plan acadmique44

    .

    Les conomistes retiennent en gnral deux conceptions de ladjectif durable qui qualifie

    le dveloppement soutenable.

    Ces deux acceptions correspondent la double vision que ces mmes conomistes font de la

    terre savoir : la perception de la terre en tant que capital non renouvelable, ce qui renvoie

    la biodiversit par illustration, dune part. Et dautre part, la perception de la terre travers les

    ressources renouvelables quelle supporte.

    Cette vision interdpendante plus les cueils pour intgrer les contraintes cologiques et

    sociales dans le dveloppement conomique ont entran la naissance de deux paradigmes sur

    la durabilit.

    43

    Larousse Maxipoche 2011, p. 442, dition Larousse 2010.

    44 TURNER, R. K., Speculations on weak and strong sustainability , Working paper, GEC, 1992, 92-

    26.

  • 37

    Ces deux dclinaisons45

    sont la durabilit forte et la durabilit faible.

    La premire, strong sustainability 46

    , ou durabilit forte est un courant dfendu

    principalement par les auteurs de lcole de Londres47

    , les partisans de lconomie

    cologique48

    etc.

    Pour les tenants de cette mouvance, quand les biens du capital naturel ne peuvent pas tre

    substitus ceux du capital artificiel ou construit (par le travail de lhomme notamment), ou

    quand les possibilits de cette substitution sont limites, la durabilit est qualifie de forte.

    Autrement dit, pour les partisans de la durabilit forte, il est certainement possible de

    substituer le capital artificiel au capital naturel mais jusqu un certain seuil. En effet, le

    systme rgissant la nature ntant pas mcanique, lenvironnement, mme aprs moult

    dgradations, peut retrouver un fonctionnement normal condition que sa perturbation

    natteigne pas le tipping point c'est--dire son seuil de rsistance au changement.

    Une fois ce point de rsistance dpass, les atteintes aux cosystmes deviennent

    irrversibles.

    Ds lors, aucune substituabilit ne peut encore tre mise en place. Cette vision, inspire de la

    physique est base sur le principe de la thermodynamique savoir lentropie.

    45

    NEUMAYER, E., Weak versus strong sustainability-Exploring the limits of two opposing paradigms,

    2e edition, Cheltenham, UK, Northampton, USA, Edward Elgar, 2003.

    46 En anglais. Pour plus de prcisions sur la durabilit forte et faible en anglais, voir DIETZ Simon and

    NEUMAYER Eric: Weak and Strong Sustainability in the SEEA: concepts and measurement . Ecological

    Economics 61(4), pp. 617-626. 47

    PEARCE D., MARKANDYA A., BARBIER E.B, Blueprint for a Green Economy, dition de 1992,

    London, Earthscan Publication Limited

    48 Entre autres, on peut citer :

    COSTANZA R. d. , Ecological economics: The science and management of sustainability , New York,

    Columbia University Press, 1991.

    SDERBAUM P., , Ecological Economics London, Earthscan Publications Ltd. 2000

    ROPKE I., 2005, Trends in the development of ecological economics from the late 1980s to the early 2000s ,

    Ecological Economics, Vol. 55, n2, p. 262-290.

  • 38

    Selon MANCEBO Franois, le principe de lentropie dcrit une situation dirrversibilit

    thermodynamique qui fait que toute transformation nergtique saccompagne dune

    dgradation irrmdiable dnergie sous forme de chaleur .

    GEORGESCU-ROEGEN49

    soutient que tout Progrs technique est anticonomique, il

    produit des dchets car il augmente lentropie du systme tout entier .

    En effet, cest le premier prsenter la dcroissance comme une consquence invitable

    des limites imposes par les lois de la nature. Sa critique dmontre dune part, quil nest pas

    possible de faire abstraction des ressources naturelles (en les remplaant par du capital

    produit par lhomme), dautre part, que le progrs technologique, considr dans son

    ensemble, ne comporte pas une rduction de limpact sur les cosystmes, mais bien au

    contraire une augmentation de la consommation absolue des ressources. Les lois de la

    thermodynamique et en particulier la loi de lentropie nous enseignent que la dcroissance de

    la production est invitable en terme physiques. Toutefois, on ne doit pas croire que ceci

    implique ncessairement une dcroissance du produit mondial brut ou encore moins du

    bonheur des personnes50

    .

    La thorie de la durabilit forte est riche denseignements. Au del de leffet curieux

    dapplication dun principe de la physique des domaines trs loin de cette dernire tels que

    les sciences sociales ou la biologie, cette thorie apparat plus raliste car loin dobjecter toute

    possibilit de remplacement des biens naturels par ceux transforms.

    Elle laisse une place de choix la nature quelle rhabilite par la mme occasion en lui

    reconnaissant une existence propre et irremplaable du moins certains gards.

    En consquence, la prservation de la nature se trouve galement prconise travers

    notamment la seule institution dun seuil dirrversibilit qui implique de faon latente une

    protection de la biosphre, une rduction du gaspillage des ressources naturelles qui ne

    doivent tre utilises qu des fins utilitaristes .

    49

    GEORGESCU-ROEGEN Nicholas 1979, Demain la dcroissance : Entropie- cologie- conomie ,

    traduit et Prfac par Jacques GRINEVALD et Ivo RENS, Paris, Sang de la terre, 1995.

    50 BONAUTI Mauro (2001), La teoria bioeconomica. La nuova economia di Nicholas GEORGESCU-

    ROEGEN, Carocci, Roma.

  • 39

    Certains auteurs de la mouvance de la durabilit forte notamment Von WEIZSCKER et alii,

    199751

    , optent pour linstauration dun quota dutilisation du capital naturel travers la mise

    en place dun stock constant de ce capital.

    Pour eux, les limitations la dtrioration du capital naturel implique forcment une

    augmentation de la mise en place des technologies de rduction des inputs do une

    dmatrialisation52

    de lconomie.

    Au regard de ses variantes extrmes, la durabilit forte est une thorie partiellement

    non raliste. En effet, il nous semble totalement inconcevable que lenvironnement ne soit pas

    transform par lhomme comme le sous-tend la variante extrme de la durabilit forte. Cela

    voudrait dire larrt de toute volution technologique car les dgradations de la nature sont

    quelque part des sources de motivation pour lhomme la recherche de solutions palliatives.

    De plus, les partisans de la durabilit forte semblent compltement faire limpasse sur la

    distinction ressources renouvelables / ressources non renouvelables.

    Le courant ici tudi aurait une toute autre dimension en cantonnant lintangibilit de la

    nature aux seules ressources non renouvelables qui constitueraient alors le stock de capital

    naturel prserver mais seulement partiellement.

    Le deuxime sens donn par les conomistes la durabilit qui qualifie le dveloppement, est

    la weak sustainability 53

    ou la durabilit forte .

    51

    Von VEIZSKER E.U., LOVINS L.H., 1997, Facteur 4 : deux fois plus de bien tre en consommant

    deux fois moins de ressources , Rapport Club de Rome

    52 Von VEIZSKER E.U., Sustainable growth with a new generation of technologies evolutions.

    Contribution la confrence dveloppement durable: les chanons manquants entre la politique et la mise en

    uvre conomique, Fondation Roi Baudouin, Bruxelles, 1996.

    53 Durabilit faible en anglais.

  • 40

    A contrario de la durabilit forte, la durabilit faible est caractrise ds lors quon peut

    parfaitement remplacer le capital naturel et le capital artificiel.

    Les dfenseurs de cette tendance sont entre autres SOLOW R.M, 199354

    , STIGLITZ et les

    autres partisans de la thorie noclassique de la croissance.

    Ici, les biens naturels nont dimportance qu travers leur utilit. Dans ce cas, ils sont

    dpouills de toute existence autonome et sont sur le mme pied dgalit que le capital

    construit et le monde peut en effet, aller de lavant sans ressources naturelles55

    .

    Mais, il revient la socit de prenniser son aptitude produire pour les futures gnrations.

    Il faut donc un quilibre entre les diffrents biens substituables travers les avances

    technologiques. A partir de l, les problmes environnementaux cessent dtre proccupants

    parce quils seront toujours solutionns par les avances technologiques.

    Cette proposition nest pas une solution souhaitable. Elle peut tenir par rapport aux seules

    ressources renouvelables. Mais elle devient totalement inoprante quand on lapplique par

    exemple aux nergies fossiles qui sont non renouvelables par dfinition.

    Ces deux durabilits rgissent lun et / ou lautre toutes les actions poses au titre du

    dveloppement durable, qui de ce fait est vu comme une nouvelle conception de laction

    publique l'chelle mondiale, applique la croissance conomique et tenant compte des

    questions environnementales gnrales.

    Il touche ainsi tous les domaines dactivit (agriculture, logement, industrie ) et toutes les

    formes dorganisations (mondiales, tatiques, territoriales, familiales etc.).

    54

    SOLOW R.M., 1993, Sustainability: An economists Perspective, Economics of the environment,

    Norton and Company, New York.

    55 SOLOW R.M., 1974, Intergenerational Equity and Exaustible Resources, Review of Economic

    Studies.

  • 41

    Le Mali a insr thoriquement dans son ordre interne le rfrentiel international du

    dveloppement durable.

    Cette insertion na pas entran de modification du schma de dveloppement du pays qui

    continue dtre rgi par les programmes de dveloppement labors avant mme lavnement

    de la notion.

    La position du pays en matire de dveloppement durable est ambigu. Par exemple, au sujet

    des deux formes de durabilit ci-dessus voques, le pays jongle clairement avec les deux.

    Tandis que dans les discours officiels la durabilit forte est consacre ( travers lattention

    porte aux ressources naturelles, les projets de parcs nationaux..), sur le terrain, la politique

    pratique est celle de la durabilit faible.

    Lexploitation des forts maliennes par les groupes financiers chinois ou libyens,

    lagrobusiness sont des illustrations de cette dernire durabilit.

    Quelle est la vritable vision malienne du dveloppement durable ?

    Ce travail de recherche nous emmnera aussi rflchir ncessairement sur des

    thmatiques connexes et au dveloppement durable et au foncier, toutes indispensables la

    comprhension de notre thme de recherche.

    Ce sont des sujets ayant trait lenvironnement, la migration, au genre, la culture, laide

    au dveloppement, la dcentralisation

    Ici, nous navons pas la prtention dpuiser un thme aussi fluctuant et vaste. Mais, en

    adoptant une dmarche originale base sur ltude juridique, sociologique, culturelle et mme

    anthropologique des enjeux fonciers au Mali, de leurs impacts sur le dveloppement

    actuellement en cours, nous allons certainement laborer les principes gnraux rgissant les

    rapports sociologiques, conomiques et juridiques clairs entre foncier et dveloppement

    durable.

  • 42

    Ces principes pourront servir de prceptes la mise en place dun cadre socio-juridique

    clair impulsant une nouvelle dynamique juridique et sociale prsidant au traitement des

    questionnements relatifs et au foncier et au dveloppement durable.

    Notre dmarche tout au long de ce travail, se veut analytique, pluridisciplinaire et prospective.

    Ainsi, nous allons tout dabord partir des constats critiques et prcis du foncier en rapport

    avec le dveloppement, pour ensuite arriver la formulation de solutions et propositions

    concrtes dans le sens dune vision intgre de ces deux lments.

    Cette approche transversale permet de dmontrer lexistence de liens troits et

    dinterdpendance entre les enjeux fonciers (compris comme tant lensemble des interactions

    sociales, juridiques, culturelles et conomiques entre lhomme et la terre et leur traduction

    dans le dveloppement en terme de pouvoirs conomique, politique et dinfluence) et le

    dveloppement durable (entendu dans son sens damlioration de la vie de lhomme

    susceptible dimpacter celle des gnrations futures).

    La mthodologie ainsi annonce ne peut tre quinterdisciplinaire, mettant en exergue

    toutefois une approche pragmatique et scientifique de lobservation, de lanalyse et de la

    synthse.

    Par ailleurs, cette mthodologie nous permettra de dcrire, dans une approche endogne et

    pratique, notre diptyque foncier /dveloppement durable (pris concomitamment ou

    isolment) en tant qulments dobservation afin dexpliciter ces deux concepts, leur mise en

    uvre et leurs impacts sur le fonctionnement du systme institutionnel malien.

  • 43

    Lobjectif gnral attendu de notre mthodologie interdisciplinaire est dexplorer les

    diffrents rapports possibles entre le droit foncier peru sous langle de ses enjeux avec le

    dveloppement durable.

    Il incombe alors retracer lvolution du foncier malien, tout en valuant de faon synthtique

    son rle dans les programmes respectifs de dveloppement.

    Il nous faudra par ailleurs atteindre des buts spcifiques qui vont consister :

    Prsenter les droits fonciers maliens dans toute leur diversit

    Dterminer la place et lapport des droits coutumiers sur la terre au dveloppement et

    au dveloppement durable en particulier.

    Poser la problmatique foncire dans une perspective conomique, environnementale

    et sociale, bref, dveloppementaliste de sorte mettre en exergue la fonction sociale du

    foncier afin de raliser une articulation certaine avec les trois piliers du dveloppement

    durable56

    .

    56

    Ce sont : les piliers conomique, social et environnemental.

  • 44

    Ces diffrents desseins quils soient globaux ou spcifiques, sils sont atteints,

    permettront dune part, de faire la lumire sur lensemble des enjeux fonciers et de mettre en

    place des principes les rgulant afin de faire deux des facteurs ncessaires et suffisants du

    dveloppement durable.

    Dautre part, ce sera loccasion dlucider le concept exogne dans un contexte danalyse de

    son transfert institutionnel de lOccident lAfrique en gnral et au Mali en particulier.

    Pour atteindre notre but, nous allons articuler ce travail de recherche autour de deux grandes

    parties.

    La premire partie sera intitule : GESTION CONTRADICTOIRE DU FONCIER DANS UNE VISION

    DE DEVELOPPEMENT MAL DFINIE.

    Notre deuxime partie portera sur la REFONDATION DU FONCIER EN VUE DU

    DEVELOPPEMENT DURABLE.

  • 45

  • 46

    PARTIE I :

    LE RGIME FONCIER COMME

    INSTRUMENT DE DVELOPPEMENT :

    LHRITAGE COLONIAL FACE LA

    RSISTANCE DES SPCIFICITS

    SOCIO- COLOGIQUES.

    Il est essentiel de connatre et de comprendre la relation particulire,

    profondment spirituelle, que les populations autochtones ont avec la terre,

    lment fondamental de leur existence et substrat de toutes leurs croyances,

    leurs coutumes, leurs traditions et leur culture. Pour les autochtones, la terre

    nest pas simplement un objet de possession et de production. La relation

    fusionnelle des populations autochtones avec la Terre-Mre, avec leurs

    terres, qui imprgne toute leur vie spirituelle, a beaucoup dincidences

    profondes. La terre nest pas une marchandise que lon peut sapproprier,

    mais un lment naturel dont chacun doit pouvoir jouir librement .

    Jos R. Martinez Cobo57

    57

    tude du problme de la discrimination lencontre des populations autochtones, Vol.5, Conclusions,

    propositions et recommandations, Doc. Des Nations Unies E/CN.4/Sub.2 /19986/7/add.4.

  • 47

  • 48

    Les enjeux fonciers matriss de faon quilibre favorisent dans certaines conditions

    le dveloppement durable.

    Le foncier malien, travers son caractre social, ses retombes conomiques et cologiques,

    influence sans nul doute le processus de dveloppement conomique et de dveloppement

    durable. Pourtant actuellement, cest tout le contraire qui se passe au Mali o le droit foncier

    est le lieu dexpression dun pluralisme juridique58

    ayant des impacts incontestables sur le

    dveloppement du pays.

    La pluralit des rgles rgissant le foncier se traduit concrtement par la coexistence de rgles

    de nature et dobjectifs diffrents. Celles-ci sont :

    Dune part les rgles de gestion coutumire de la terre et des ressources naturelles, qui sont

    sculaires et qui jouissent dune trs grande lgitimit auprs des populations rurales

    constituant prs de 80% de la dmographie malienne. Ces normes continuent, de fait, de

    rgenter le foncier en milieu rural et mme parfois en milieu urbain. Elles sont porteuses des

    spcificits socio-cologiques dans lesquels la majeure partie des maliens se reconnat. Ces

    valeurs ainsi lgitimes font de la rsistance depuis la priode coloniale aux rgles modernes

    de gestion du foncier.

    Dautre part, officiellement, la vision malienne du foncier est toute autre. Elle est constitue

    de lois modernes ou de principes issus principalement du systme foncier de la priode

    coloniale. Or, ceux-ci obissaient des objectifs autres que le dveloppement du pays, leur

    reconduction tel quel la situation actuelle ne risque-t-elle pas daboutir au mme rsultat ?

    Cette question se pose car lon a du mal saisir le sens du dveloppement que le pays se fixe

    et dceler les objectifs.

    La juxtaposition de normes affaiblit le foncier malien dans la mesure o elle instaure une trs

    grande inscurit juridique notamment vis--vis des populations et des investisseurs trangers

    que le pays sapplique pourtant attirer.

    58

    Ce pluralisme juridique est la consquence dun pluralisme culturel.

    Le pluralisme juridique consiste donc dans la multiplicit de droits en prsence l'intrieur d'un mme champ

    social selon J. Griffiths in ROULAND N., 1988 Anthropologie juridique, Ed. PUF, Paris, Col.

    Fondamental/Droit politique et thorique, pp. 84 et s.

  • 49

    Cette dialectique se complexifie encore depuis lapparition, suite la crise alimentaire

    et nergtique de 200859

    , du phnomne daccaparement des terres et des ressources

    naturelles par les pays riches mais galement par certains pays mergents.

    Vritables menaces la scurit alimentaire, au droit lalimentation et aux ressources

    naturelles, ces accaparements quon doit qualifier dailleurs de fonciers, entranent un

    bouleversement des normes ci-dessus voques constituant le rgime foncier de mme quils

    impliquent une nouvelle perception de celui-ci. Cette dernire est exclusivement financire.

    Ainsi, la terre, leau et les ressources naturelles qui devraient tre inalinables font dsormais

    lobjet denjeux conomiques mondiaux.

    La marchandisation du foncier marque une nouvelle re o les enjeux fonciers sont

    perus sous leur seul angle conomique. Ce qui tranche clairement avec les visions foncires

    qui prdominaient jusque l, savoir celle officielle moderne et celle traditionnelle. Nous

    rappelons que dans la vision traditionnelle, la terre nest pas un bien commercialisable.

    Dans la vision moderne, la terre est certes un bien dans le commerce, mais sa

    commercialisation navait encore pas atteint une trs grande chelle comme cest le cas

    aujourdhui. Quelle option le pays fait-il ? La terre est-elle un bien, une marchandise ? Ou la

    terre est-elle une ressource communautaire ?

    59

    Se rfrer notamment :

    SMALLER C., and MANN H., A thirst for distant lands: Foreign investment in agricultural land and water,

    International Institute for Sustainable Development (IISD), Mai 2009

    http://www.iisd.org/pdf/2009/thirst_for_distant_lands.pdf, (consult le 24 Aot 2012)

    GRAIN B., Seized: the 2008 land grab for food and financial security, Octobre 2008.

    http://www.grain.org/briefings_files/landgrab-2008-en.pdf (consult le 1 Janvier 2011)

    SHEPARD Daniel et alii, The great land grab: rush for worlds farmland threatens food security for the poor,

    Oakland Institute, Novembre 2009, http://www.oaklandinstitute.org/?q=node/view/526 (consult le 1Janvier

    2011)

    COTULA L., VERMEULEN, R., L., and. KEELEY J., Land grab or development opportunity? Agricultural

    investment and international land deals in Africa, London/Rome: International Institute for Environment and

    Development (IIED)/Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO)/International Fund for

    Agricultural Development (IFAD), http://pubs.iied.org/12561IIED.html ( consult le 1 Janvier 2011)

  • 50

    Le pays, ayant toujours fond son dveloppement sur le foncier, plus prcisment sur

    lagriculture familiale, veut saisir laubaine financire des accaparements fonciers pour se

    dvelopper rellement et pour atteindre la souverainet alimentaire.

    Tiraill entre pass et modernit quant la gestion de son foncier, dun cot, et de lautre,

    entre lenvie datteindre lautosuffisance alimentaire et une prosprit conomique, quelle

    qualit de dveloppement le Mali peut-il esprer atteindre aujourdhui? Autrement dit, quel

    type de foncier pour quel dveloppement?

    Pour rpondre ces questions, nous allons voir les diffrentes contradictions qui maillent la

    gestion opportune du foncier malien (Titre I) pour ensuite dfinir la vision dveloppement qui

    sous-tend cette gestion (Titre II).

  • 51

  • 52

    TITRE 1 :

    GESTION CONTRADICTOIRE DU FONCIER

    DANS UNE VISION DEVELOPPEMENT MAL

    DEFINIE

    Ne nous y trompons pas. Le dveloppement dpendant et

    extraverti qui nous vaut le fardeau de la dette et larme de

    lajustement structurel comme solution est un projet culturel et

    civilisationnel. Il na pas vocation rpondre aux aspirations des

    peuples mais les formater et organiser la ponction des richesses

    ncessaires aux pays dvelopps

    Il sagit dans le mme lan dliminer dfinitivement toute trace

    des modes de vie traditionnels communautaires et empcher que le

    dveloppement se fasse empruntant une voie qui donne trop de place

    aux rapports non marchands ou qui feraient appel une rgulation

    collective .

    Aminata DRAMANE TRAORE60

    60

    DRAMANE TRAORE Aminata et MDELA-MOUNIER Nathalie, lAfrique mutile, ditions Taama

    2012, page 27.

  • 53

    Le rgime foncier au Mali est complexe car constitu dune part, par des textes de lois

    modernes qui accordent ltat le monopole de gestion de la terre et des ressources foncires.

    Cette exclusivit fait que ltat peut vendre ou attribuer la terre qui il veut, sans contrle.

    Dautre part, le rgime foncier est constitu de droits coutumiers qui font de la terre et de son

    utilisation un patrimoine communautaire excluant toute logique de marchandisation.

    Depuis laccession du Mali lindpendance en 1960, le rgime juridique du foncier61

    a

    connu de nombreuses mutations.

    En 1992, lre de la dmocratisation, le Code Domanial et Foncier (CDF) de 1986 jusque l

    en vigueur a t modifi par une nouvelle loi.

    Les soleils de la dmocratisation vont entraner la dcentralisation. En 1996, le Code des

    Collectivits Territoriales va concrtiser cette dernire. Mais dj, en 1995, entrait en vigueur

    une loi sur la gestion et lexploitation des forts.

    En 2001, la Charte pastorale, puis en 2005 la Loi dOrientation Agricole (LOA) finissent de

    dessiner larsenal lgislatif et administratif du rgime de gestion de la terre au Mali.

    Ainsi, laccs la terre et aux ressources naturelles est rgi par de nombreux textes de loi dont

    beaucoup demeurent sous linfluence de la pense coloniale franaise. Tel est le cas de tous

    les textes confrant la proprit des terres ltat. Il sagit par exemple du CDF.

    61

    DELVILLE LAVIGNE Ph., Les politiques foncires contemporaines: brve comparaison des

    approches du Mali et de Madagascar. Contribution au Forum Rural Europen, Septembre 2002, Montpellier, p

    3.

  • 54

    Dautres dispositions de ces textes sont malgr tout issues des volutions politiques et

    conomiques du pays depuis 1960. Il sagit en occurrence des diffrentes lois62

    sur la

    dcentralisation et de textes instituant la proprit prive.

    A cot de ces textes modernes, les pratiques coutumires de tenure foncire datant de la

    priode prcoloniale continuent dans de nombreux cas sappliquer laccs la terre et aux

    ressources naturelles. En effet, quelques kilomtres seulement autour de Bamako, les chefs

    de terre traditionnels continuent daccorder des droits traditionnels dusage et de jouissance

    sur la terre et ses ressources dans une approche de proprit collective63

    .

    Lorganisation des ressources foncires par les hommes et la gestion de la terre se passent par

    des normes, des mcanismes et par des institutions. Ces diffrents lments font appel la

    multifonctionnalit de lespace. Comment organiser cette multifonctionnalit. Faut-il

    privilgier un type de droit sur un autre pour pouvoir rpondre efficacement aux impratifs

    juridiques, socio-cologiques et mme conomiques ?

    Limpossible fusion entre les droits traditionnels et le droit moderne sur la terre aboutit dans

    la pratique un droit se rfrant soit la lgislation tatique et/ou aux droits traditionnels,

    soit aucun des deux.

    Ltat malien, travers limposition dune doctrine foncire unique base sur les textes

    modernes a-t-il trouv le droit opportun, c'est--dire celui permettant dassurant ladquation

    entre les modes de gestion des ressources foncires et leur besoin de coviabilit ?

    Il est de nos jours certain que le choix de ltat malien de privilgier le droit moderne conduit

    la ngation du rgime traditionnel du foncier au Mali (Chapitre I). Il est donc ncessaire de

    voir comment ltat organise cette entreprise dignorance (Chapitre II).

    62

    DJIRE M., et KEITA A., Revue des expriences en matire de gouvernance des ressources naturelles

    et des industries extractives: Cas du Mali. Revue du cadre juridique et institutionnel de la gouvernance des

    ressources naturelles: une tude de cas sur la gestion des terres loffice du Niger. Partenariat pour la Mise en

    uvre en Afrique de lOuest des Activits du Rseau ANSA-Afrique Affiliated Network for Social

    Accountability (ANSA) and Innovation, Environnent, Development (IED) Afrique, Aout 2010, p 10 et s. 63

    USAID, Mali tenure assessment report, Septembre 2010,

    http://usaidlandtenure.net/library/country-level-reports/mali-land-tenure-assessment-report/view (consult 22

    Septembre 2010).

  • 55

  • 56

    CHAPITRE I : NGATION IMPLICITE PAR LTAT

    MALIEN DU RGIME TRADITIONNEL DU FONCIER

    Pour saisir la ralit du droit coutumier malien de la terre, il convient de

    se dpartir des concepts occidentaux. En effet, au caractre crit et codifi

    du droit occidental soppose laspect vcu et oral de la coutume. A

    lindividualisme du code civil [franais] soppose la solidarit du groupe

    rsultant de la tradition. Enfin, la lacit du droit moderne soppose la

    nature religieuse de la coutume La proprit des divinits sur leau ou la

    terre procde de la religion animiste, qui considre les deux lments comme

    sacrs et inalinables .

    Tignougou SANOGO64

    64

    SANOGO Tignougou, entretien en famille, 2009.

  • 57

    Modernit et tradition sont le binme prsidant au droit malien, en gnral. Ce dernier

    nat, vit et se meut travers et par ce tandem.

    Tandis que la modernit se manifeste travers le droit positif, la tradition a pour bastion la

    coutume donc le vcu des populations.

    La rfrence la coutume se retrouve dans toutes les grandes segmentations du droit malien.

    Cest ainsi que la loi portant rorganisation judiciaire du Mali dispose : les tribunaux de

    premire instance, les sections des tribunaux de premire instance, les justices de paix

    comptence tendue, lorsquils statuent en matire coutumire, sont complts par deux

    assesseurs de la coutume des parties. Les assesseurs ont voix dlibrative65

    .

    Mais encore, cette mme loi prcise, au sujet de la Cour dAppel du Mali que elle

    comprend une Chambre civile qui sige galement en matire coutumire 66

    .

    La loi foncire nchappe pas cette rfrence la coutume. Bien au contraire, la matire

    foncire peut tre considre comme le terrain de prdilection de la coutume. Le foncier

    malien a en effet un visage de JANUS se traduisant par la superposition et des normes

    traditionnelles et des normes modernes. Cependant, cette juxtaposition nest pas

    automatiquement synonyme de contradictions. Tel sera notre tat desprit ici.

    Nous pensons que la juxtaposition, la superposition et la coexistence de rgles modernes et

    traditionnelles doit tre prise comme un facteur contribuant dmontrer la richesse du droit

    foncier malien et cela mme si nous sommes conscients que cette superposition a ses revers.

    Ceux-ci se traduisent par lmergence de nouvelles pratiques suis generis qui ne trouvent

    vritablement leur essence ni dans lune ni dans lautre de ces catgories de normes.

    Ces nouvelles pratiques seront amplement tudies un peu plus loin dans ce travail de

    recherche.

    65

    Article 17 de la loi n88-39/ANRM du 8 fvrier 1988, portant Rorganisation judiciaire en Rpublique

    du Mali.

    66 Article 5 de la mme loi.

  • 58

    Dans ce chapitre premier, nous retiendrons essentiellement deux sections : lapproche

    traditionnelle du droit foncier (section I) et les spcificits des droits fonciers coutumiers au

    regard du systme juridique moderne (section II).

  • 59

  • 60

    SECTION I: LAPPROCHE TRADITIONNELLE DU FONCIER

    Dfinir lapproche traditionnelle du foncier revient dterminer les logiques foncires

    coutumires.

    Le choix de lutilisation du pluriel dans lexpression logiques coutumires est dlibr. Il

    trouve son explication dans lexistence dune multitude dus et de coutumes rsultant de la

    mosaque ethnique malienne. Cependant, nous nous efforcerons, dans le cadre de cette

    recherche, de trouver une ligne de convergence entre ces diverses coutumes et logiques.

    Il ny a pas notre sens de dfinition synthtique aux droits fonciers coutumiers. Cette

    absence de dfinition tmoigne dune part, du caractre trs complexe et disparate de ces

    droits et, dautre part, de la volont lgale de ltat malien de les ignorer dans le rgime

    foncier officiel.

    On peut toutefois dfinir les droits fonciers coutumiers travers les principes gnraux (A)

    rgissant la coutume puis travers leurs caractristiques (B).

    Tenant donc comptes de ces deux lments, les logiques foncires coutumires nous

    apparaissent comme lensemble des rgles traditionnelles, des principes (philosophiques,

    religieux, mythiques), des pratiques ancestrales (culturelles et culturales), des droits

    dutilisation et de jouissance sur la terre et ses ressources selon une approche collectiviste de

    la proprit et de lutilisation du foncier.

    Les sources des rgles traditionnelles au Mali sont principalement les coutumes mais aussi,

    lhritage des valeurs issues des diffrents empires passs, les dcisions du conseil des

    anciens, du village, de famille, du clan et de la fraction.

  • 61

    La coutume peut tre dfinie67

    comme l'ensemble des manires de faire, considres comme

    indispensables la reproduction des relations sociales et la survie des groupes lorsque ces

    groupes ne font pas appel une instance extrieure ou suprieure (tels Dieu ou ltat) pour

    les rguler. La coutume n'est pas particulirement judiciaire ni juridique. Elle suit les

    articulations sociales dont elle s'inspire, qu'elle "habille"68

    .

    Au regard de cette dfinition et des diffrentes sources numres ci-dessus la

    coutume, quels sont les principes rgissant les coutumes foncires au Mali ?

    67

    La coutume serait la preuve d'une pratique gnrale accepte comme tant le droit selon larticle 38-l

    (b) des statuts de la Cour Internationale de Justice (1945).

    68 LE ROY E., Le droit en Afrique : exprience locales et droit tatique au Mali, Karthala l983 p.227.

  • 62

    1. Les principes rgissant les coutumes foncires (au Mali).

    Ces principes ont t notamment formuls par BACHELET Michel69

    . Il sagit des

    principes concernant le temps(A), le lieu(B) et laction(C).

    En les laborant, cet auteur envisageait expressment le droit coutumier en gnral. Ce qui lui

    a permis dailleurs darriver la conclusion selon laquelle ces principes sont dune essence

    universelle et constituent des vecteurs dquilibre pour toute socit traditionnelle.

    En effet, la coutume est le cadre fondamental du mode de reproduction endogne70

    .

    Bien que cette conclusion nous semble vraisemblable nous nallons pas la suivre. Nous allons

    plutt appliquer lesdits principes au logiques foncires coutumires sappliquant la terre au

    Mali. Aprs tout, le foncier traditionnel au Mali tant dobdience coutumire par excellence,

    rien nempche lapplicabilit de ces principes au domaine qui nous concerne ici.

    Appliqus donc au foncier traditionnel malien, le triptyque de principes de BACHELET

    aboutit ce qui suit :

    69

    BACHELET Michel, cit par TESSOUGU Daniel, Problmatique de l'implantation des socits

    minires au Mali, Thse, Strasbourg 2005 pp.

    70 LE ROY E., lAppropriation de la terre en Afrique noire. Manuel danalyse, de dcision et de gestion

    foncires /APREFA, Paris, Karthala 1991, p.114.

  • 63

    A. Le principe du temps

    Le temps, ou les soleils,71

    (ou til /ou wagati en langue bamanan) en droit traditionnel

    malien se distingue clairement du temps en Occident. En effet, le temps dans les pays rgis

    par la modernit, est chiffr et systmatis. Il est au dbut et la fin de tout, en bref, il est le

    facteur dorganisation de chaque vnement.

    Dans le Mali traditionnel, notamment dans le domaine foncier, les choses sont toute autres. Le

    temps dans ce cas, va au del de ces diffrentes considrations. Vritablement, il fait rfrence

    certaines donnes qui peuvent tre considres comme cardinales dans la socit

    traditionnelle.

    Le temps est la cl pour apprhender les institutions traditionnelles et leur fonctionnement

    dans le doma