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HAL Id: tel-00839314https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00839314
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Enjeux fonciers et dveloppement durable au MaliAlima Chene-Sanogo
To cite this version:Alima Chene-Sanogo. Enjeux fonciers et dveloppement durable au Mali. Droit. Universit deBourgogne, 2012. Franais. .
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00839314https://hal.archives-ouvertes.fr
UNIVERSIT DE BOURGOGNE
UFR Droit-Science politique
cole Doctorale LISIT
THSE
Pour obtenir le grade de
Docteur de lUniversit de Bourgogne
Discipline : DROIT
Prsente et soutenue publiquement le 20 dcembre 2012 par
Alima CHENE-SANOGO
ENJEUX FONCIERS ET DVELOPPEMENT DURABLE AU MALI
Directeur de thse
M. le Professeur mrite Jean Claude FRITZ
Jury :
Monsieur Albert Bourgi Professeur mrite, Universit de Reims-Champagne-Ardenne
Monsieur Julian Burger, Visiting Professor, Human Rights Centre, University of Essex.
Monsieur Jean-Claude Fritz,
Professeur mrite, Universit de Bourgogne, Directeur de thse.
Monsieur Raphal Porteilla,
Matre de confrences, Universit de Bourgogne
1
Je ddie exclusivement cette thse mon pre Tignougou SANOGO qui est
dcd avant laboutissement de ce travail de recherche.
2
3
REMERCIEMENTS
Mes sincres remerciements :
- Monsieur le Professeur Jean Claude FRITZ pour avoir accept de diriger cette thse et
pour sa disponibilit, ses conseils, son soutien indfectible.
- Ma mre, professeure Zalika TRAORE pour tous les sacrifices consentis pour massurer une
ducation.
- Marie - Thrse FRITZ pour son soutien maternel durant les annes de prparation de ce
travail de recherche.
- Mon mari, Jrme CHENE pour sa patience et sa comprhension notamment durant les
deux dernires annes de ce travail.
- Mes surs et frres pour leur soutien au quotidien.
- Toutes les personnes qui ont concouru directement ou indirectement la ralisation de ce
travail
4
5
RSUM
Faire du Foncier un fait conomique total, et du capital le moteur du dveloppement,
cest donner un blanc-seing la marchandisation de la terre. Faut-il vraiment que le Mali
cde ses terres agricoles et ses ressources foncires pour accder au dveloppement? Pour
quel dveloppement ? Le dveloppement exige-t-il le sacrifice de lagriculture familiale
paysanne et des mthodes traditionnelles sculaires de gestion du foncier ?
Depuis son accession la souverainet nationale en 1960, le Mali, pays pauvre de lAfrique
au Sud du Sahara cherche atteindre mais en vain un essor conomique, social et industriel et
cela par tous les moyens, lexception de la mise en place dun modle endogne de
dveloppement. Dans cette qute, il a d souscrire au modle de dveloppement dominant qui
nest autre que celui capitaliste, fragilis depuis toujours et prsentement par les consquences
de ses limites savoir la succession des crises alimentaire, sociale environnementale
financire.
Si ce revers du capitalisme a eu des effets sociaux importants dans les pays du sud, il a
galement conduit certains pays mergents et auteurs de capitaux saccaparer des ressources
naturelles des pays les plus pauvres.
Pris en tenaille entre la prservation de ses spcificits socio-cologiques sur le plan
foncier et son envie datteindre le dveloppement durable, le Mali voit dans la
marchandisation des ressources foncires grande chelle une vritable aubaine. Ainsi, il va
adapter son cadre juridico-politique daccs aux ressources foncires (au risque de dcalage,
dincohrence et de flou entre ses stratgies politiques et la ralit foncire) afin dattirer de
nouveaux acteurs. Il prend par la mme occasion le risque dexposer son peuple aux
consquences prvisibles (la spoliation des droits fonciers coutumiers, laccroissement de la
pauvret rurale et des ingalits, la destruction de lagriculture familiale) de ce passage sans
transition une conomie mondialise alors que les enjeux fonciers bien matriss se
rvlent tre une vritable stratgie de gestion quilibre de tout dveloppement et surtout du
dveloppement durable.
MOTS-CLS : Accaparement des terres, agriculture, acteur(s) bien, colonial, communaut,
coutumes, dveloppement, dveloppement durable, droit, droits coutumiers, enjeux fonciers,
foncier, gestion, hritage, juridique, Mali, paysan, politique agricole, politique foncire,
ressources naturelles, rgime juridique, rural, savoirs locaux, stratgie, Terre, traditions,
traditionnel, valeurs.
6
7
ABSTRACT
Making the land issue a total economic phenomenon and capital the driving force of
development equates to giving free rein to the commodification of the land. Is it really
necessary for Mali to sell off its agricultural land and its land resources to access
development? For what development? Does development demand that family-run small
farming operations and age-old, traditional land management methods be sacrificed?
Ever since the country attained national sovereignty in 1960, Mali a poor country in sub-
Saharan Africa has been seeking in vain to achieve rapid economic, social and industrial
development by all the means available, with the exception of the deployment of an
endogenous development model. In that quest, Mali has had to subscribe to the dominant
development model which is none other than the capitalist model, made vulnerable as it
always has been and still is at present by the consequences of its limitations, namely the
succession of food, social, environmental and financial crises.
If the downside of capitalism has had far-reaching social effects in the southern countries, it
has also led certain emerging countries and providers of capital to grab the natural resources
of the poorest countries.
Caught between preserving its socioeconomic specificities in land terms and its desire
to achieve sustainable development, Mali regards the large-scale commodification of its land
resources as a real windfall. It is thus going to adapt its legal and political system of access to
land resources at the risk of seeing a blurring of vision, discrepancy and inconsistency
between its political strategies and the reality of the land issue in order to attract new
stakeholders. In so doing, Mali runs the risk of exposing its people to the foreseeable
consequences of the changeover without transition to a globalized economy, including
notably the despoliation of customary law land rights, increased rural poverty and inequality,
and the destruction of family-run farming operations, whereas proper control of the land issue
is shown to be a true strategy for the balanced management of any development and above all
of sustainable development.
KEYWORDS: agricultural policy, agriculture, colonial, community, customary laws,
customs, development, Earth, land, land grab, land issue, land policy, law, legacy, legal, legal
regime, local knowledge, Mali, management, natural resources, property, rural, small farmer,
stakeholder(s), strategy, sustainable development, traditional, traditions, values.
8
9
LISTE DES TERMES VERNACULAIRES
Binkononmaw : Les gens de la brousse, les ruraux
Cew : Les hommes
Dioro, Joro, Diowro : Le matre des pturages
Djitigui : Le matre de leau
Donso : Chasseur traditionnel
Donsow : les chasseurs traditionnels
Donsow ton : La confrrie ou lassociation des chasseurs traditionnels
Dou : La famille
Dougoutigui : Le chef du village
Dougoukolotigui : Le matre de la terre
Doutigui : Le chef de famille. Ce terme peut designer indiffremment un homme ou une
femme
Duna : Ltranger
Dunaw : Les trangers
Famaw ni donibaw : Les gens de pouvoir et de savoir
Foroba ou Foroba foro : Le champ collectif
Foroni, forotjini :Dimunitif de Foro signifie le petit champ
Gw : Le mnage
Gwtigui : Chef de mnage. Renvoie seulement lhomme
Gwtigui foro : Le champ du chef de mnage
Jatigui : LHte
Kabila : La concession
Moussow : Les femmes
Noumou : Forgeron. Ce terme dsigne simultanment lethnie et le mtier
Skan djo maaw : Les gens du voyage
S : Concession familiale
Til /ou Wagati : Le temps, le moment ou mme souvent la priode
Ton : Confrrie ou Association
Yrwollow : Les nobles
10
11
SOMMAIRE
DDICACE1
REMERCIEMENTS..3
RSUM5
ABSTRACT...8
LISTE DES TERMES VERNACULAIRES..9
LISTE DES ANNEXES...13
PRINCIPAUX SIGLES ET ACRONYMES15
INTRODUCTION19
PARTIE I: LE RGIME FONCIER COMME INSTRUMENT DE DEVELOPPEMENT : LHRITAGE COLONIAL FACE A LA
RESISTANCE DES SPCIFICITS SOCIOCULTURELLES...46
TITRE 1 GESTION CONTRADICTOIRE DU FONCIER DANS UNE VISION DE DEVELOPPEMENT MAL
DFINIE..52
CHAPITRE 1 NGATION IMPLICITE DU RGIME TRADITIONNEL DU FONCIER..56
SECTION1 LAPPROCHE TRADITIONNEL DU FONCIER..60
SECTION. 2. LES SPCIFICITS DES DROITS FONCIERS COUTUMIERS AU REGARD DU SYSTME
JURIDIQUE MODERNE.106
CHAPITRE 2. REPRODUCTION DU SYSTME FONCIER COLONIAL179
SECTION 1. LA POLITIQUE FONCIRE DE LETAT COLONIAL, UNE SOURCE DINSPIRATION POUR LE FONCIER
MODERNE184
SECTION. 2. LE RGIME FONCIER ACTUEL : UNE CONTINUIT VOLUTIVE197
TITRE 2 MERGENCE DUNE VISION ECONOMICISTE DU FONCIER : POUR UN DEVELOPPEMENT AGRICOLE SANS
LE PAYSAN ?...216
CHAPITRE 1 DUNE AGRICULTURE PAYSANNE UNE CONOMIE MONDIALISE..220
SECTION 1. LAGROBUSINESS COMME STRATGIE DE GESTION DES RESSOURCES FONCIRES..227
SECTION 2. DES ACTIONS DE DVELOPPEMENT AMBIGUS SUR LE FONCIER245
SECTION 3 : LE FONCIER MALIEN, UN CHAMP DINFLUENCE DACTEURS TRANGERS...314
CHAPITRE 2 : UN CADRE JURIDICO-POLITIQUE INCOHRENT...379
SECTION I. UN RGIME JURIDICO -ADMINISTRATIF INADAPT DANS LACQUISITION ET DANS LA PERTE DE LA
PROPRIT FONCIRE..381
SECTION II. LABSENCE DE PERSPECTIVE POLITIQUE CLAIRE.455
CONCLUSION PREMIRE PARTIE...521
PARTIE 2 : VERS UNE REFONDATION DU FONCIER EN VUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE ?......................................523
TITRE 1 LARTICULATION DES ENJEUX FONCIERS AVEC LE DEVELOPPEMENT DURABLE528
CHAPITRE I LAPPROCHE OFFICIELLE DU DVELOPPEMENT DURABLE, UN AVATAR DU DVELOPPEMENT
CONOMIQUE CAPITALISTE...531
SECTION I LE DVELOPPEMENT DURABLE: UN REPRE INSTITUTIONNEL POUR LE FONCIER
MALIEN ?...537
12
SECTION II LES OUTILS NORMATIFS DE GOUVERNANCE DU DVELOPPEMENT DURABLE.564
CHAPITRE II LES VELLITS DE LINSERTION PAR LE MALI DU RFRENTIEL INTERNATIONAL DE
DVELOPPEMENT DURABLE...649
SECTION 1 : LA MTHODE DAPPROPRIATION PAR LE MALI DU CONCEPT DE DVELOPPEMENT DURABLE..653
SECTION 2 LA VISION MALIANNISE DU DVELOPPEMENT DURABLE. .665
TITRE 2 VERS UN CHANGEMENT DE PARADIGME ? NCESSAIRE PRISE EN COMPTE PAR LE DVELOPPEMENT
DURABLE DE CERTAINS ASPECTS DES DROITS COUTUMIERS672
CHAPITRE 1. LHRITAGE DES VALEURS DYNAMIQUES : UN CREUSET CERTAIN POUR UN CHANGEMENT DE
PARADIGME...677
SECTION I. LES VALEURS SOCIOCULTURELLES POUR RELEVER LES DFIS
PRIORITAIRES.680
SECTION II. LES VALEURS RELATIVES A LA BIODIVERSIT ET LES MTHODES TRADITIONNELLES DE PRSERVATION
DE LA NATURE ..699
CHAPITRE 2: COMMENT UTILISER CES VALEURS DANS LA PERSPECTIVE DUN AUTRE DVELOPPEMENT742
SECTION I. SYSTMATISATION DES VALEURS IMPLIQUANT UN CHANGEMENT DE PARADIGME...745
SECTION II MOBILISATION DES ACTEURS PORTEURS DUNE LOGIQUE DE CHANGEMENT DE PARADIGME758
CONCLUSION DEUXIME PARTIE..768
CONCLUSION GNRALE..770
ANNEXES.777
BIBLIOGRAPHIE...801
TABLES DES MATIRES.841
13
LISTE DES ANNEXES
ANNEXE1 : CARTE DU MALI, PHOTOGRAPHIE DE LA SITUATION CONFLICTUELLE ACTUELLE
ANNEXE 2 : SCHMA RCAPITULATIF DES DIFFRENTES TAPES DVOLUTION DES DROITS
FONCIERS COUTUMIERS AU MALI
ANNEXE 3 : CARTE DES ZONES AGROCOLOGIQUES DU MALI.
ANNEXE 4 : TABLEAU SUR LVOLUTION DES SUPERFICIES POUR LA CULTURE DU COTON AU
MALI.
ANNEXE 5 : TABLEAU SUR LVOLUTION DES EFFECTIFS DU CHEPTEL NATIONAL UNIT:
TTE.
ANNEXE 6 : TABLEAU PRODUCTIONS TOTALES DE LAIT ESTIMES, EN TONNES
ANNEXE 7: TABLEAU DES INVESTISSEMENTS DIRECTS TRANGERS AU MALI EN 2006
ANNEXE 8 : SCHMA LA PROCEDURE DOBTENTION ET DE TRANSFORMATION DE LA
CONCESSION RURALE EN TITRE FONCIER EN DROIT MALIEN
ANNEXE 9 : SCHMA DE FONCTIONNEMENT DE LIMMATRICULATION EN DROIT FONCIER
MALIEN
ANNEXE 10 : PROPOSITION DE MISE EN PLACE DUNE TUDE DIMPACT CULTURELLE DES
PROJETS DE DVELOPPEMENT DURABLE.
ANNEXE 11 : LISTE DES PERSONNES RENCONTRES
ANNEXE 12 : LISTE DES INSTITUTIONS EN CHARGE DU FONCIER ET DU DEVELOPPEMENT
DURABLE AU MALI
ANNEXE 13 : MISSIONS DU FMI
ANNEXE 14 : LES FORCES DE LA FILIRE COTON AU MALI
ANNEXE 15 : CARTE DES GITES ET INDICES MINRAUX AU MALI
14
ANNEXE 16 : LISTE DES INSTITUTIONS PARTENAIRES TECHNIQUES ET FINANCIERS DU MALI
ANNEXE 17 : ARTICLE 4.1 DE LA CONVENTION CADRE DES NATIONS UNIES POUR LE
CHANGEMENT CLIMATIQUE
ANNEXE 18: PHOTO DUNE DCHTERIE BAMAKO (COMMUNE I)
15
PRINCIPAUX ACRONYMES ET ABRVIATIONS
ABFN : Agence du Bassin du Fleuve Niger
AEDD : Agence de lEnvironnement et du Dveloppement Durable
AGNU : Assemble Gnrale des Nations Unies
ANICT : Agence Nationale dInvestissement des Collectivits Territoriales
APE : Accords de Partenariat conomique
AV : Association Villageoise
BAD : Banque Africaine de Dveloppement
BCEAO : Banque Centrale des tats de lAfrique de lOuest
BM : Banque Mondiale
CCCC : Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique
CCD : Convention des nations unies sur la lutte Contre la Dsertification
CEDEAO : Communaut conomique Des tats de lAfrique de lOuest
CDB: Convention internationale sur la Diversit Biologique
CDF : Code Domanial et Foncier
CILSS : Comit permanent Inter-tats de Lutte contre la Scheresse dans le Sahel
CMDT : Compagnie Malienne Des Textiles
CMED : Commission Mondiale sur lEnvironnement et le Dveloppement
CNCC : Comit National Changements Climatiques
CNE : Conseil National de lEnvironnement
CNOP : Coordination Nationale des Organisation Paysannes
CSCRP : Cadre Stratgique pour la Croissance et la Rduction de la Pauvret
CSLP : Cadre Stratgique de Lutte contre la Pauvret
CT : Collectivit Territoriale
CTD : Collectivit Territoriale Dcentralise
DNACPN : Direction Nationale de lAssainissement et du Contrle des Pollutions et des Nuisances
DNCN : Direction Nationale de la Conservation de la Nature
DSRP : Documents de Stratgie de Rduction de la Pauvret
ECOWAP: Economica Community of West Africa States Agricultural Policy
FAO : Food and Agriculture Organization ou lOrganisation des Nations Unies pour lAgriculture et
lAlimentation
FCFA : Franc de la Communaut Financire Africaine
FIDA : Fonds International pour le Dveloppement Agricole
FMI : Fond Montaire International
HUICOMA HUIleries COtonnires du MAli
IBW : Institutions de BrettonWOODS
IFI : Institutions Financires Internationales
16
IIED : Institut International pour lEnvironnement et le Dveloppement
INSHA : INStitut du SAhel
LOA : Loi dOrientation Agricole
NEPAD : Nouveau Partenariat pour le Dveloppement de lAfrique
OCDE : Organisation de Coopration et de Dveloppement conomiques
ODM : Objectifs du Millnaire pour le Dveloppement
OGM : Organisme Gntiquement Modifis
OHADA : Organisation pour lHarmonisation du Droits des Affaires en Afrique
OHVN : Office de la Haute Valle du Niger
ON : Office du Niger
ONG : Organisation Non Gouvernementale
PAU : Politique Agricole de lUEMOA
PAS : Programme dAjustement Structurel
PED : Pays En Dveloppement
PIB : Produit Intrieur Brut
PNPE : Politique Nationale de Protection de lEnvironnement au Mali
PPTE : Pays Pauvres Trs Endetts
PTF : Partenaire Technique et Financier
SDDR : Schma Directeur du Dveloppement Rural
SNDB : Stratgie Nationale de Diversit Biologique
SNDD : Stratgie Nationale de Dveloppement Durable
SNLP : Stratgie Nationale de Lutte contre la Pauvret
SNSA : Stratgie National de Scurit Alimentaire
UEMOA : Union conomique et Montaire Ouest Africaine
USAID : United States Agency for International Development (Agence Des tats unis pour le Dveloppement
International)
UA: Union Africaine
17
18
19
INTRODUCTION
Le pays va mal
Mon pays va mal
Mon pays va mal
De mal en mal,
Mon pays va mal
Tiken Jah Fakoly1
1 TIKEN Jah Fakoly, Le pays va mal, extrait de lalbum Franafrique, 2002.
20
En 2010, lindice de dveloppement humain a class le Mali 160me
2 pays sur 169 !
Ce rang est li la situation de pauvret qui rgne dans le pays relgu au banc des nations
les moins avancs depuis toujours.
En effet, au Mali, plus de la moiti de la population vit sous le seuil de pauvret avec un PIB
par habitant estim entre 691$3 et 1200$
4. Le Produit Intrieur Brut du pays (PIB) slve
entre 9Mds$ 16,7Mds$ et la dette publique slve 25, 3% du PIB.
Pourtant, se basant sur quelques donnes macroconomiques5 en 2009 et en 2010 du pays,
certains Partenaires Techniques et Financiers (PTF)6 jugent la situation conomique du Mali
satisfaisante et meilleure que celle de lensemble des pays de la sous-rgion !
Ce ne sont pas srement les populations qui vont bnficier cette soi-disant bonne sant de
lconomie du Mali.
La ralit est que le pays est pauvre. Les ajustements structurels des annes 1970, la
dvaluation du Franc CFA dans les annes 1970 ont eu raison de son conomie nationale qui
est entirement dpendante de laide trangre mme si cette dernire ne cesse de se rduire
danne en anne7.
2 Classement donn par le Programme des Nations Unies pour le Dveloppement (PNUD) en 2010.
3 Selon la Banque Mondiale, en 2009.
4 CIA World Factbook, 2010.
5 Notamment les taux dinflation du pays en 2009(1,5% ) et en 2010(2%)
6 Prsentation du Mali - France-Diplomatie, ministre des affaires trangres et Europennes, article
consultable au lien internet suivant : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-
geo_833/mali_350/presentation-du-mali_996/index.html
7 Largent envoy par les maliens migrs en Occident dpasse nettement le montant de laide au
dveloppement octroye par les Partenaires Techniques et Financiers.
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/mali_350/presentation-du-mali_996/index.htmlhttp://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/mali_350/presentation-du-mali_996/index.html
21
Les indicateurs socio-conomiques sus-dcrits ne doivent toutefois pas faire oublier
lhistoire de ce vaste8 pays continental grand denviron deux et demi fois et la France
9.
Lpope du Mali se conte en trois temps : la priode pr-coloniale, la priode coloniale et la
priode post-coloniale :
La priode pr-coloniale est caractrise par lexistence des grands empires dont lempire
du Ghana, lempire du Mali et lempire Songha.
Jusquen 1591, ces diffrents empires, travers leur puissance militaire, leur organisation
administrative et sociale, vont assurer au Mali une prennit sans prcdent dans toute
lAfrique noire. Et cela jusqu la pntration coloniale en 186410
.
A la priode coloniale, le Haut-Sngal-Niger11
devient une vritable colonie franaise
aprs la capture du guerrier rsistant Samory TOURE. Incorpor lAfrique Occidentale
Franaise (AOF) en 1895, le Soudan Franais12
avait dabord pour capitale lactuelle rgion
de Kayes. Ce nest quen 1907 que Bamako est relev ce mme rang.
Bien entendu, de cette priode jusquau lendemain de la seconde guerre mondiale, lexercice
de toute activit politique tait interdit aux Maliens. Il a fallu attendre 1946 pour recouvrer
la libert politique qui sera consacre entirement avec la mise en place du parti
(indpendantiste) le Rassemblement Dmocratique Africain (RDA).
8 Le Mali a une superficie de 1.240.192km.
9 La France a une superficie de 675.417km
2.
10 cette date, les troupes franaises menes par Louis FAIDHERBE annexent celle des rsistants dEl
Hadj Oumar TALL. La conqute du Mali par la France continuera de plus belle en 1898 avec le gnral Joseph
GALLIENI.
11 Le nom du Mali jusquen 1920 o il devient le Soudan franais.
12 Nom du pays son incorporation dans la liste des colonies franaises.
22
Toujours dans cette mouvance, le 17 janvier 1959, le Mali cre une fdration ponyme avec
le Sngal et deux autres colonies franaises de lA.O.F.13
et devient galement rpublique
autonome de la communaut franaise.
La fdration du Mali clate dfinitivement quelques temps plus tard avec la proclamation de
lindpendance du Sngal le 20 juin 1960. Dans la foule, le Mali devient indpendant son
tour le 22 septembre 1960. La mme anne, il intgre lOrganisation des Nations-Unies en
tant qutat-membre.
La premire Rpublique avec Modibo KEITA comme prsident vit le jour lindpendance
du pays. Elle se prolonge jusquen 1968 seulement o la faveur dun coup dtat militaire,
le gnral Moussa TRAORE sempare du pouvoir. De 1968 1979, le pays connut donc un
rgime militaire, qui se divise en deux phases.
La premire phase va 1968 1974. On assista un rgime militaire de fait, caractris par un
vide constitutionnel absolu, la constitution du 22 septembre 1960 ayant t purement et
simplement abroge par le comit militaire de libration nationale (CMLN) lors de son coup
dtat.
La deuxime phase de cette triste priode se situe de 1974 1979 et correspond au
rtablissement dune vie constitutionnelle normale avec lorganisation en 1974 dun
rfrendum conduisant ladoption de la constitution du 2 juin de la mme anne.
Sous la premire rpublique, lconomie malienne tait de type socialiste collectiviste inspire
par des influences extrieures et paradoxalement justifie par un chauvinisme aigu. Ce
socialisme collectiviste tait bas sur lagriculture fondamentalement. En effet, tous taient
tenus de travailler pour le dveloppement du pays.
13
La fdration du Mali comprenait sa cration en janvier 1959, le Soudan franais (lactuel Mali), le
Dahomey (lactuel Bnin) le Sngal, la Haute Volta (lactuel Burkina Faso). Quelques mois plus tard, la Haute
Volta et le Dahomey se retirent de la fdration.
23
Dans le domaine agricole notamment, les paysans travaillaient pour le Mali foro14
, le
champ commun tout le pays, au dtriment de leurs propres champs familiaux. Ce systme
saccompagnait dune incitation adhrer au parti Union Soudanaise- Rassemblement
Dmocratique Africain (US-RDA).
Pour lexploitation des productions du "Mali foro", la socit malienne dimportation et
dexportation fut cre en octobre 1960. Ladhsion tte baisse des ruraux la culture du
champ commun a commenc vaciller quand les paysans se sont vus tre obligs de vendre
leur production vil prix fix unilatralement par ltat au nom de lobjectif suprme
dapprovisionnement des principales ville du pays et donc du dveloppement.
La pousse patriotique de ltat nouvellement affranchie du joug colonial na cess de
saccrotre car le pays va adhrer au mouvement des pays non aligns tout en affichant son
panafricanisme15
.
Cest ainsi, que fut cr le 1er Juillet 1962 une devise montaire malienne appele le Franc
malien aprs que le pays sest retir de lUnion Montaire Ouest Africaine (UMOA).
Cette indpendance montaire vis--vis de lancien colonisateur a malheureusement pris fin
assez vite car le franc malien narrivait pas rsister au Franc CFA dit par la banque de
France et ayant cours dans les autres anciennes colonies franaises.
Les choix conomiques et politiques des dirigeants de lpoque vont plonger le pays dans un
chaos conomique sans prcdent. Par ailleurs, ils vont entraner un putsch militaire qui
conduira la mise en place dune nouvelle rpublique.
14
Le Mali foro tait obligatoire dans chaque village.
15 Le Mali soutient, au grand dam de la France, les indpendantistes algriens dans leur guerre contre
lancien colonisateur.
24
La deuxime rpublique ainsi cre par la constitution du 2 juin 1974, mais effective
seulement partir de 1979, stend jusquen 1991.
Le pays tait rgi par un totalitarisme absolu en dpit de lexistence dune constitution .
Seule la culture du parti unique dominait. Le seul parti prsidentiel, ironiquement dnomm
Union Dmocratique Du Peuple Malien (UDPM) tait autoris.
Les liberts fondamentales telles que celles dexpression, de la presse, dassociation... taient
inexistantes ou bafoues.
Sur le plan conomique, la seconde rpublique se distingue par les mesures dajustement
structurel imposes au pays par les institutions financires internationales (IFI), le retour au
franc CFA, entre autres.
Les grands projets communs tels que le Mali foro sont dlaisss. Mais lagriculture demeure
toujours le cheval de bataille de ltat militaire qui va sempresser de mettre en place une
nouvelle organisation rurale, en lespce, les Oprations de Dveloppement Rural (ODR)
flches essentiellement sur les cultures de rente telles que le coton et le riz au dtriment des
cultures vivrires cralires.
Le but vis par les ODR tait lintroduction de nouvelles techniques de culture,
lapprovisionnement en intrants des paysans, la commercialisation des productions agricoles
pour atteindre la grandiose ambition d intgrer les paysans [maliens] lconomie
capitaliste mondiale16
.
Le systme des ODR peine a commenc apporter des devises ltat, que la scheresse de
1974 frappe. Les dgts causs par cette tragdie climatique marque un net recul de
lconomie du pays. La deuxime rpublique sarrte en 1991.
16
TAG Sylvia, Paysans, tat et dmocratisation au Mali : Enqute en milieu rural , GIGA-Hamburg,
1994, pages 192.
25
Le 26 mars 1991, un escadron de militaires avec sa tte le colonel Amadou Toumani
Tour17
perptre le deuxime coup dtat militaire de lhistoire du pays. Ces militaires en
tandem avec la coordination des associations et organisations dmocratiques fondent le
Comit de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP) qui assurera la transition dmocratique
en 1991 et 1992.
La troisime rpublique dbute ainsi en 1992 et continue jusqu nos jours. Son acte crateur
est la constitution du 25 fvrier 1992 approuve par rfrendum.
Pays dmocratique depuis la rvolution18
de mars 1991, le Mali est un tat avec un parlement
monocamral19
.
Le Prsident de la Rpublique lu au suffrage universel direct est le chef de ltat, et aussi le
chef de lExcutif. Le gouvernement est dirig par le premier ministre20.
Les plus hautes instances judiciaires et constitutionnelles sont respectivement la Cour
Suprme et la Cour Constitutionnelle.
17
Ctait le prsident de la rpublique du Mali jusquen mars 2012 o il a t renvers par un coup dtat
militaire. Aprs le coup de dtat de 1991, ATT qui lavait perptr laissa le pouvoir aux civils aprs avoir
organis les premires lections libres et dmocratiques du pays.
Sur sollicitation de la socit civile malienne, devenu entre temps gnral, ATT comme lappellent
affectueusement les maliens, sest senti oblig de voler une fois encore au secours du pays en 2003 mais
cette fois-ci par la voie des urnes.
18 Le coup dtat de 1991 a t prcd par une insurrection populaire la base de laquelle se trouvait
lassociation des lves et tudiants du Mali (actuelle AEM).
19 LAssemble Nationale est le seul parlement. Elle est compose de 147 dputs lus galement au
suffrage universel direct.
20 Depuis le 3avril 2011 jusquau coup dtat de mars 2012, le premier ministre du Mali est une femme
(Madame Mariam KAIDAMA CISSE) ce qui est une premire dans lhistoire du pays o rgne la culture de la
masculinit.
26
Divis en huit rgions administratives et en 703 communes urbaines et rurales, le Mali
daujourdhui est confront de trs grands dfis sociaux, conomiques, politiques et
environnementaux.
Le dfi politique actuel et primordial est la prservation de lintgrit territoriale du
pays. En effet, depuis janvier 2012, le Mali est confront la crise la plus grave de son
histoire21
perptre par la rbellion touargue au nord du pays et exacerbe par le putsch
militaire du 21 mars 201222
et double par linsurrection des mouvements islamistes.
Le nord du Mali est handicap depuis toujours par le manque de dveloppement, le
dsengagement de ltat, labsence dinfrastructures et la prdominance du dsert
Le dsengagement de ltat du nord du pays a transform cette partie du territoire en zone
propice toutes sortes de trafics (drogue, cigarettes, vhicules).
21
Cest la crise la plus grave de lhistoire du pays depuis la colonisation.
22 Le 21 mars 2012, un groupe de sous-officiers sous la direction du capitaine Amadou SANOGO sest
empar du pouvoir, en renversant le prsident Amadou Toumani TOURE rgulirement lu au suffrage
universel direct en 2007. Ce putsch militaire a entran la suspension de la constitution et larrestation de
plusieurs dirigeants maliens dont le prsident de la Rpublique lui-mme.
Une semaine plus tard, des groupes de rebellions armes dont les Touaregs du Mouvement national de
libration de l'Azawad (MNLA), le Mouvement islamistes ANSAR DINE (qui veut dire dfenseurs de la
religion en arabe) et l AQMI, arms la faveur de la chute de Kadhafi en Libye, se sont empars du nord du
pays.
27
Cest galement une zone qui connat la prsence de milices armes23
et dAl-Qada au
Maghreb Islamique24
(AQMI).
Ce dernier coiffe dautres groupes islamistes et entend instaurer la loi islamiste ou la charia
sur tout le territoire national25
, aujourdhui coup en deux26
Sur le plan socio-conomique et environnemental, la gestion du foncier demeure une
problmatique de taille, notamment au regard des objectifs de dveloppement durable humain
que le pays sest fix avec la signature des Objectifs du Millnaire pour le Dveloppement
(ODM).
La gestion de la terre et des ressources naturelles se trouvent au cur du dveloppement du
pays. Les politiques agricoles, de dveloppement rural et damnagement territorial sont
impactes et dtermines par elle. Mieux, les politiques foncires caractrisent les schmas
directeurs du dveloppement durable territorial.
Le foncier est un facteur social exorbitant dans la mesure o il rend compte des divers droits
sur la terre et sur les ressources naturelles tout en dterminant les acteurs et titulaires de ces
droits.
23
Le nord du Mali connat galement la prsence de plusieurs milices mises en place depuis quelques
annes par ltat malien lui-mme pour excuter des tches de scurit sa place. Il sagit notamment de
milices songhay dont : le mouvement patriotique le KANDA KOY ( qui signifie en songhay matre de la
terre ) cr en 1990 lors de la premire rbellion touargue et le GANDA ISO ( fils du pays en songhay)
cre pour le mme but par ltat malien. Ces deux milices sont constitues principalement danciens membres
de larme rgulire du Mali.
24 Cr au Mali depuis le 11 septembre 2006, lAQMI au Mali est issu du Groupe Salafiste pour la
Prdication et le Combat (GSPC) algrien.
L'tat malien impuissant a laiss ce groupe sinstaller au nord du pays sans rsistance. Mieux, il lui
arrivait mme, avant lannexion du nord du pays, de jouer le ngociateur auprs de ce groupe pour la libration
de certains otages occidentaux. Au nord du Mali, lAQMI se fait aider par un groupe islamiste actif du Nigria,
le BOKO HARAM.
Se rapproche de cette tendance le Mouvement pour lUnicit et Jihad en Afrique de lOuest (MUJAO) n en
2011 par dfection des ranges dAQMI. Le fonds de commerce du MUJAO est lenlvement des personnalits.
25 Tandis que le groupe de touaregs remet en cause lintgrit du territoire malien, le combat de lAQMI
est seulement lislamisation du pays. Ce sont deux combats diffrents mais qui ont lieu simultanment.
26 Se rfrer la carte du Mali coup en deux par les islamistes (annexe1).
28
La dtermination des droits fonciers sur la terre et ses accessoires dune part et, dautre part,
du jeu des acteurs du foncier, relvent de la gouvernance foncire qui, au-del de sa
dimension sociale, renvoie aux arbitrages entre des fonctions conomiques concurrentes du
sol.
Elle vise concilier, dans le respect des lois et des rgles, les intrts entre les diffrentes
catgories dacteurs, et associer les citoyens aux processus de dcision, en prenant en
compte les pratiques locales27
.
Cette dfinition implique lexistence de rapports troits entre le foncier, la question politique
et la problmatique du dveloppement durable.
Linteraction enjeux fonciers/politique se vrifie tout naturellement ce pays vaste situ au
cur de lAfrique subsaharienne28
Au Mali, le foncier est brandi par les autorits politiques comme lobjet de satisfaction des
dolances des populations qui dpendent pour leur survie de la terre et des ressources
naturelles.
Le caractre multifonctionnel du foncier fait que les autorits misent sur la gestion de la terre
et des ressources naturelles tel un instrument de lutte contre la pauvret et les ingalits et un
outil de prvention des conflits, dune part.
Dautre part, le foncier est utilis comme un moyen de rgulation des flux migratoires et
dexode rural.
27
Gouvernance foncire et scurisation des droits dans les pays du Sud, Livre blanc des acteurs franais
de la Coopration, Juin 2009, coopration franaise. 28 Le pays est limit au nord par le dsert du Sahara, au sud par de grandes savanes. Plus prcisment, il
entretient 7420km de frontire quil partage avec sept pays dont :
LAlgrie au nord, le Niger lest, le Burkina Faso, la Guine Conakry et la Cte dIvoire au sud, la Mauritanie
et le Sngal louest.
29
A ces fonctions, il faut ajouter que la gestion de la terre et des ressources naturelles joue un
rle conomique lgendaire travers le jeu dinfluence quil gnre entre diffrents acteurs
conomiques.
Finalement, tout accs la terre recouvre de nos jours un but conomique ne serait-ce quun
peu. Ceci confirme la connexion foncier/conomie.
Depuis quelques annes, la gestion de la terre et des ressources naturelles est de plus
en plus attendue comme un axe indispensable des politiques de protection de lenvironnement
et de dveloppement.
Cela rend la question foncire incontournable do son actualisation au gr des mutations
conomique, sociale et mme politique.
Cest ainsi quavec lavnement de la dcentralisation, le pays a aussitt mis en place une
gestion29
dcentralise du foncier dans les annes 2000.
Avec ce changement de cap important, les observateurs et analystes de la question foncire
espraient voir sonner le glas des diffrents problmes soulevs depuis toujours par cette
pineuse question (la domanialit, le monopole tatique du foncier, la non prise en compte des
rgles traditionnelles de gestion de la terre et des ressources naturelles).
Cela tait dautant plus logique quavant lavnement de la dcentralisation administrative en
1990, ces mmes observateurs et analystes prchaient et prsentaient la gestion dcentralise
du foncier et des ressources naturelles comme une panace.
Vingt ans aprs, force est de constater que la "terre promise" tant espre via la mise en place
de la dcentralisation notamment en matire foncire demeure toujours inaccessible.
29
Cette gestion dcentralise du foncier est encore thorique.
30
Autant la mise en uvre de la dcentralisation administrative na pas t la solution aux
questions de dveloppement du pays, autant la dcentralisation de la gestion du foncier et des
ressources naturelles est loin davoir atteint les objectifs escompts et cela parce quelle sest
bute des choix politiques flous, incohrents, mal dfinis et souvent contraires tout
dveloppement.
La dception est tellement grande de nos jours que nous sommes en droit de nous demander si
le foncier malien constitu la fois par la terre et les ressources naturelles qui y sont
directement attaches et l'ensemble des relations entre individus ou groupes pour
l'appropriation et l'utilisation de ces ressources30
, contribue efficacement un quelconque
dveloppement du pays !
La rponse ce questionnement varie en fonction de la dfinition que lon retient du
dveloppement. Celui-ci est-il une croissance acclre sans plus ? Ou est-il une croissance
tenant compte du bien-tre de lhomme et de la protection de lenvironnement ?
A la lumire des diffrents constats que nous venons de faire ci-dessus, il apparat que
les liens foncier et dveloppement sont incontestables. Nul ne pouvant nier que les
diffrentes solutions prnes par le Mali pour promouvoir la gestion de la terre et des
ressources naturelles a pour objectif final le dveloppement, donc la recherche dune certaine
durabilit, il nest pas saugrenu de prsenter ce thme de recherche intitul Enjeux fonciers
et dveloppement durable au Mali .
Une telle rflexion sera loccasion de mettre en lumire les diffrents rapports vidents et
larvaires que les droits fonciers, du moins, les enjeux fonciers, entretiennent avec le
dveloppement durable.
Pour y parvenir, nous allons, et il le faut, identifier les causes politiques, sociales, historiques,
conomiques et culturelles dune telle interdpendance au Mali.
30
Samba SOUMARE, Foncier et dcentralisation, Dcentralisation, Journal d'information et de rflexion
sur la dcentralisation (Mali), fvrier 1994, page 12.
31
Plus prcisment, nous allons nous appliquer rpondre la question suivante :
Les droits fonciers actuels maliens peuvent- ils impulser le dveloppement agricole et relever
le dfi du dveloppement durable ?
Une tude sur lvolution et les mutations des droits fonciers au Mali depuis la priode
pr-coloniale jusqu nos jours est mme de nous clairer sur cette interrogation.
Cette chronologie nous permettra de dterminer la place que ces droits ont occupe dans les
politiques successives et stratgies de dveloppement conomique inities par le pays depuis
la colonisation.
Cela est loccasion dvoquer le pluralisme juridique qui existe autour de la question foncire.
Celui-ci se traduit par la cohabitation de normes dessence diffrente sur la gestion de la terre
et des ressources que celle-ci porte.
Il sagit des normes coutumires qui sont rechercher dans les coutumes, traditions, bref dans
le vcu des populations.
Il sagit enfin des normes ou rgles de gestion foncire modernes qui sont essentiellement
hrites de la priode coloniale et qui sont contenues dans le Code Domanial et Foncier.
De natures diffrentes, ces deux catgories de rgles ont tendance sopposer.
Faut-il favoriser une catgorie une autre ?
Il sagit clairement de mener une rflexion solide pouvant tre prise en considration dans la
mise en place dun ventuel nouveau systme foncier au Mali et dune gestion durable des
ressources naturelles en nous basant sur des rgles endognes, tlescopes sil le faut de
quelques inspirations modernes pour permettre au foncier malien datteindre la durabilit
prne par le dveloppement durable.
32
De faon coordonne, lanalyse de la notion nouvelle de dveloppement durable, la mise en
exergue de ses mthodes, de ses critres, ltude de ses instruments quils soient de droit
public ou priv, sectoriels ou de politique gnrale, permettra dexpliquer pourquoi cette
notion est attendue comme la solution susceptible de corriger les erreurs, insuffisances et
cueils de la gestion foncire (appropriation exclusivement tatique, absence de gestion
intgre de la question foncire, pluralisme juridique), au Mali depuis les indpendances.
Au Mali, comme un peu partout en Afrique, le dveloppement durable tend sriger
en condition de rhabilitation de laction gouvernementale, publique, du territoire et mme de
certaines entreprises.
Lavnement de la notion a impliqu lavalisation par le pays dun monceau de textes
internationaux la rgissant, en plus des textes nationaux y relatifs.
Quelle est lorigine de la notion ? Que signifie-t-elle au juste ? Quelles implications concrtes
gnre-t-elle vraiment ?
Certains31
estiment que lorigine de la notion de dveloppement durable remonte aux
recherches des conomistes classiques sur ltat stationnaire dune part et dautre part
aux rflexions du Club de Rome32
, et enfin au travail dIgnacy SACHS33
portant sur
lcodveloppement.
Sans prise de position par rapport ces diffrentes sources, nous allons nous attarder sur
lapport dIgnacy SACHS la notion de dveloppement durable qui nous semble important.
31
Dveloppement Durable et Territoire, d. Bertrand ZUINDEAU- Villeneuve dAscq (Nord), Presses
Universitaires du Septentrion, 2000-(conomie) ISBN 2-85939-618-7, page 12.
32 MEADOWS D.-H., MEADOWS D.-L., RANDERS J. et alii; The Limits to Growth: A report from the
Club of Romes project on the predicament of mankind, universe book, New York 1972.
33 Ignacy SACHS, Stratgies de lcodveloppement, Paris, les ditions Ouvrires (collections
dveloppement et civilisation), 1980, 140p.
33
A notre sens, ce dernier a certainement pos les jalons du dveloppement durable en
dfinissant la notion d'codveloppement c'est ... un dveloppement des populations par
elles-mmes utilisant au mieux les ressources naturelles sadaptant un environnement
quelles transforment sans le dtruire []
Cest le dveloppement lui-mme, tout entier, qui doit tre imprgn, motiv, soutenu par la
recherche dun quilibre dynamique entre la vie et les activits collectives des groupes
humains et le contexte spatio-temporel de leur implantation34
.
Ainsi caractris, lcodveloppement peut tre considr comme une variante de
dveloppement durable, surtout quen 1993 dj, Ignacy SACHS, parlait dj de durabilit et
prconisait trois dimensions que doit atteindre tout dveloppement des socits savoir :
Lquit sociale ;
La prudence cologique ;
La responsabilisation des populations afin quelles soient matresses de leur destin.
En dpit de ces lments prcurseurs, force est de reconnatre que le rapport dit Brundtland
issu des travaux de la Commission mondiale sur lenvironnement et le dveloppement35
en
1987 fut le seul caractriser et nommer clairement lexpression dveloppement durable ou
sustainable development en anglais.
Cette paternit nempche pas la diversit dinterprtations et dapproches de la notion selon
les acteurs en prsence (ONG, Entreprises, collectivit territoriales dcentralises, institutions
internationales, tats).
34
I. SACHS, op.cit. page 37.
35 Commission mondiale sur lenvironnement et le dveloppement (C.M.E.D.), Notre avenir tous .
Les ditions du Fleuve, Montral, 1989, traduction en langue franaise de Our Common Future , paru en
1987.
La CMED a t mise en place en 1983 via une dlibration de lAssemble Gnrale des Nations Unies.
34
Ainsi, pour rendre compte de la notion de dveloppement durable, il convient de tenir en
compte les diverses dimensions qui sont prsentes, dans les textes fondateurs du
dveloppement durable, dans les documents dapplication de ces textes, et dans les rapports
annuels officiels sur la question de dveloppement durable humain.
La dfinition donne dans le rapport Brundtland: Le dveloppement durable est un
mode de dveloppement qui rpond aux besoins du prsent sans compromettre la capacit
des gnrations futures de rpondre aux leurs ne doit pas tre prise de faon isole.
Ce mme rapport prcise que Nous nhritons pas de la terre de nos anctres, nous
lempruntons nos enfants tout en insistant sur la ncessit de prservation de
lenvironnement et des espces animales et vgtales.
Mme si la dfinition du rapport Brundtland demeure la plus rpandue36
beaucoup dautres
dfinitions37
ont surgi depuis38
.
Au-del de ce problme de dfinition, comment un dveloppement devientil durable ?
Selon le dictionnaire Larousse, le dveloppement est le fait pour quelque chose de
progresser, de saccrotre .
36
Le Dveloppement Durable est le 8me
objectif du millnaire pour le dveloppement. Tous les 189 tats
signataires (en 2010) des ODM dont le Mali lont adopt.
37 Classification effectue par Franois HATEN, rapporte par Christian COMELIAU in
Dveloppement du dveloppement durable, ou blocages conceptuels ? Tiers Monde, n137, Janvier- mars
1994, pp. 62-63.
Cet auteur a recens son seul niveau 60 conceptions du dveloppement durable. Il propose de classer les
diffrentes thories sur la question en deux catgories, le critre retenu est lobjectif du dveloppement. Ainsi,
selon que celui-ci se donne pour but principal la protection de lenvironnement ou le bien-tre de lhomme, il
peut tre qualifi de catgorie cocentre ou anthropocentre. 38
Deux ans aprs la publication du rapport Brundtland, la Banque Mondiale recensait 37 dfinitions de
la notion. Pour plus de details, se rfrer J. PRESSY, Economic analysis of sustainable growth and
sustainable development, World Bank, Environment Department, working paper n15, 1989.
35
Cette dfinition peut sinterprter de la sorte : Une chose ne peut pas saccrotre linfini, la
croissance, ici, est synonyme de lexpansion ou de lessor, ce dernier faisant appel forcment
un dclin.
Dans ce cas, on en dduit que tout dveloppement par nature est un tant soit peu durable
moins que la durabilit renvoie une autre dfinition que la dure ou la longueur dans le
temps .
Le dveloppement durable, ne serait-il rien dautre quun plonasme (inutile ?).
Ladjonction de ladjectif durable au mot dveloppement ci-dessus dfini est un insens
napportant rien de plus la notion de dveloppement qui conserve son sens classique.
Ce plonasme39
inutile pose par ailleurs un problme dantinomie au regard du
dveloppement capitaliste qui renvoie dune part une entreprise visant transformer les
rapports des hommes entre eux et avec la nature en marchandises40
.
Dautre part, il est assimil une croissance auto soutenable c'est--dire a self sustaining
growth41
.
Certains conseillent de rsoudre cette difficult en arrogeant ladjectif durable le sens de
irrversible42
. Mais cela reste moins certain, surtout si lon considre la dfinition
durabilit et si lon mesure ses implications actuelles dans la doctrine abondante y ayant trait.
39
Le dveloppement est durable par essence.
40 LATOUCHE (S.), A bas le dveloppement durable ! Vive la Dcroissance Conviviale , Nouveau
Millnaire, Dfis libertaires , Dbat sur la dcroissance dans la revue Silence, n280 et 281(fvrier et Mars
2002), consultable sur internet au lien suivant : http://1libertaire.free.fr/SLatouche49.html
41 Dfinition donne par ROSTOW. Cette dfinition est galement partage par MESATOVIC et
PESTEL, Stratgie per sopravivere , Mondadori, Milano, 1974.
42 De BERNIS Grard, Dveloppement durable et accumulation , TiersMonde, n 137, p.96.
http://1libertaire.free.fr/SLatouche49.html
36
Selon toujours le dictionnaire Larousse43
, la durabilit est la qualit de ce qui est durable .
Le mot durable , selon le mme dictionnaire est dfini comme ce qui dure longtemps .
Tenant compte de ces prcisions, nous pouvons dire que le "dveloppement durable" suppose
donc un dveloppement conomique prenne qui tient compte de faon intgre certains
aspects sociaux et cologiques jusque l ignors.
La notion de durabilit donne lieu une doctrine abondante quon peut prsenter en deux
courants sur un plan acadmique44
.
Les conomistes retiennent en gnral deux conceptions de ladjectif durable qui qualifie
le dveloppement soutenable.
Ces deux acceptions correspondent la double vision que ces mmes conomistes font de la
terre savoir : la perception de la terre en tant que capital non renouvelable, ce qui renvoie
la biodiversit par illustration, dune part. Et dautre part, la perception de la terre travers les
ressources renouvelables quelle supporte.
Cette vision interdpendante plus les cueils pour intgrer les contraintes cologiques et
sociales dans le dveloppement conomique ont entran la naissance de deux paradigmes sur
la durabilit.
43
Larousse Maxipoche 2011, p. 442, dition Larousse 2010.
44 TURNER, R. K., Speculations on weak and strong sustainability , Working paper, GEC, 1992, 92-
26.
37
Ces deux dclinaisons45
sont la durabilit forte et la durabilit faible.
La premire, strong sustainability 46
, ou durabilit forte est un courant dfendu
principalement par les auteurs de lcole de Londres47
, les partisans de lconomie
cologique48
etc.
Pour les tenants de cette mouvance, quand les biens du capital naturel ne peuvent pas tre
substitus ceux du capital artificiel ou construit (par le travail de lhomme notamment), ou
quand les possibilits de cette substitution sont limites, la durabilit est qualifie de forte.
Autrement dit, pour les partisans de la durabilit forte, il est certainement possible de
substituer le capital artificiel au capital naturel mais jusqu un certain seuil. En effet, le
systme rgissant la nature ntant pas mcanique, lenvironnement, mme aprs moult
dgradations, peut retrouver un fonctionnement normal condition que sa perturbation
natteigne pas le tipping point c'est--dire son seuil de rsistance au changement.
Une fois ce point de rsistance dpass, les atteintes aux cosystmes deviennent
irrversibles.
Ds lors, aucune substituabilit ne peut encore tre mise en place. Cette vision, inspire de la
physique est base sur le principe de la thermodynamique savoir lentropie.
45
NEUMAYER, E., Weak versus strong sustainability-Exploring the limits of two opposing paradigms,
2e edition, Cheltenham, UK, Northampton, USA, Edward Elgar, 2003.
46 En anglais. Pour plus de prcisions sur la durabilit forte et faible en anglais, voir DIETZ Simon and
NEUMAYER Eric: Weak and Strong Sustainability in the SEEA: concepts and measurement . Ecological
Economics 61(4), pp. 617-626. 47
PEARCE D., MARKANDYA A., BARBIER E.B, Blueprint for a Green Economy, dition de 1992,
London, Earthscan Publication Limited
48 Entre autres, on peut citer :
COSTANZA R. d. , Ecological economics: The science and management of sustainability , New York,
Columbia University Press, 1991.
SDERBAUM P., , Ecological Economics London, Earthscan Publications Ltd. 2000
ROPKE I., 2005, Trends in the development of ecological economics from the late 1980s to the early 2000s ,
Ecological Economics, Vol. 55, n2, p. 262-290.
38
Selon MANCEBO Franois, le principe de lentropie dcrit une situation dirrversibilit
thermodynamique qui fait que toute transformation nergtique saccompagne dune
dgradation irrmdiable dnergie sous forme de chaleur .
GEORGESCU-ROEGEN49
soutient que tout Progrs technique est anticonomique, il
produit des dchets car il augmente lentropie du systme tout entier .
En effet, cest le premier prsenter la dcroissance comme une consquence invitable
des limites imposes par les lois de la nature. Sa critique dmontre dune part, quil nest pas
possible de faire abstraction des ressources naturelles (en les remplaant par du capital
produit par lhomme), dautre part, que le progrs technologique, considr dans son
ensemble, ne comporte pas une rduction de limpact sur les cosystmes, mais bien au
contraire une augmentation de la consommation absolue des ressources. Les lois de la
thermodynamique et en particulier la loi de lentropie nous enseignent que la dcroissance de
la production est invitable en terme physiques. Toutefois, on ne doit pas croire que ceci
implique ncessairement une dcroissance du produit mondial brut ou encore moins du
bonheur des personnes50
.
La thorie de la durabilit forte est riche denseignements. Au del de leffet curieux
dapplication dun principe de la physique des domaines trs loin de cette dernire tels que
les sciences sociales ou la biologie, cette thorie apparat plus raliste car loin dobjecter toute
possibilit de remplacement des biens naturels par ceux transforms.
Elle laisse une place de choix la nature quelle rhabilite par la mme occasion en lui
reconnaissant une existence propre et irremplaable du moins certains gards.
En consquence, la prservation de la nature se trouve galement prconise travers
notamment la seule institution dun seuil dirrversibilit qui implique de faon latente une
protection de la biosphre, une rduction du gaspillage des ressources naturelles qui ne
doivent tre utilises qu des fins utilitaristes .
49
GEORGESCU-ROEGEN Nicholas 1979, Demain la dcroissance : Entropie- cologie- conomie ,
traduit et Prfac par Jacques GRINEVALD et Ivo RENS, Paris, Sang de la terre, 1995.
50 BONAUTI Mauro (2001), La teoria bioeconomica. La nuova economia di Nicholas GEORGESCU-
ROEGEN, Carocci, Roma.
39
Certains auteurs de la mouvance de la durabilit forte notamment Von WEIZSCKER et alii,
199751
, optent pour linstauration dun quota dutilisation du capital naturel travers la mise
en place dun stock constant de ce capital.
Pour eux, les limitations la dtrioration du capital naturel implique forcment une
augmentation de la mise en place des technologies de rduction des inputs do une
dmatrialisation52
de lconomie.
Au regard de ses variantes extrmes, la durabilit forte est une thorie partiellement
non raliste. En effet, il nous semble totalement inconcevable que lenvironnement ne soit pas
transform par lhomme comme le sous-tend la variante extrme de la durabilit forte. Cela
voudrait dire larrt de toute volution technologique car les dgradations de la nature sont
quelque part des sources de motivation pour lhomme la recherche de solutions palliatives.
De plus, les partisans de la durabilit forte semblent compltement faire limpasse sur la
distinction ressources renouvelables / ressources non renouvelables.
Le courant ici tudi aurait une toute autre dimension en cantonnant lintangibilit de la
nature aux seules ressources non renouvelables qui constitueraient alors le stock de capital
naturel prserver mais seulement partiellement.
Le deuxime sens donn par les conomistes la durabilit qui qualifie le dveloppement, est
la weak sustainability 53
ou la durabilit forte .
51
Von VEIZSKER E.U., LOVINS L.H., 1997, Facteur 4 : deux fois plus de bien tre en consommant
deux fois moins de ressources , Rapport Club de Rome
52 Von VEIZSKER E.U., Sustainable growth with a new generation of technologies evolutions.
Contribution la confrence dveloppement durable: les chanons manquants entre la politique et la mise en
uvre conomique, Fondation Roi Baudouin, Bruxelles, 1996.
53 Durabilit faible en anglais.
40
A contrario de la durabilit forte, la durabilit faible est caractrise ds lors quon peut
parfaitement remplacer le capital naturel et le capital artificiel.
Les dfenseurs de cette tendance sont entre autres SOLOW R.M, 199354
, STIGLITZ et les
autres partisans de la thorie noclassique de la croissance.
Ici, les biens naturels nont dimportance qu travers leur utilit. Dans ce cas, ils sont
dpouills de toute existence autonome et sont sur le mme pied dgalit que le capital
construit et le monde peut en effet, aller de lavant sans ressources naturelles55
.
Mais, il revient la socit de prenniser son aptitude produire pour les futures gnrations.
Il faut donc un quilibre entre les diffrents biens substituables travers les avances
technologiques. A partir de l, les problmes environnementaux cessent dtre proccupants
parce quils seront toujours solutionns par les avances technologiques.
Cette proposition nest pas une solution souhaitable. Elle peut tenir par rapport aux seules
ressources renouvelables. Mais elle devient totalement inoprante quand on lapplique par
exemple aux nergies fossiles qui sont non renouvelables par dfinition.
Ces deux durabilits rgissent lun et / ou lautre toutes les actions poses au titre du
dveloppement durable, qui de ce fait est vu comme une nouvelle conception de laction
publique l'chelle mondiale, applique la croissance conomique et tenant compte des
questions environnementales gnrales.
Il touche ainsi tous les domaines dactivit (agriculture, logement, industrie ) et toutes les
formes dorganisations (mondiales, tatiques, territoriales, familiales etc.).
54
SOLOW R.M., 1993, Sustainability: An economists Perspective, Economics of the environment,
Norton and Company, New York.
55 SOLOW R.M., 1974, Intergenerational Equity and Exaustible Resources, Review of Economic
Studies.
41
Le Mali a insr thoriquement dans son ordre interne le rfrentiel international du
dveloppement durable.
Cette insertion na pas entran de modification du schma de dveloppement du pays qui
continue dtre rgi par les programmes de dveloppement labors avant mme lavnement
de la notion.
La position du pays en matire de dveloppement durable est ambigu. Par exemple, au sujet
des deux formes de durabilit ci-dessus voques, le pays jongle clairement avec les deux.
Tandis que dans les discours officiels la durabilit forte est consacre ( travers lattention
porte aux ressources naturelles, les projets de parcs nationaux..), sur le terrain, la politique
pratique est celle de la durabilit faible.
Lexploitation des forts maliennes par les groupes financiers chinois ou libyens,
lagrobusiness sont des illustrations de cette dernire durabilit.
Quelle est la vritable vision malienne du dveloppement durable ?
Ce travail de recherche nous emmnera aussi rflchir ncessairement sur des
thmatiques connexes et au dveloppement durable et au foncier, toutes indispensables la
comprhension de notre thme de recherche.
Ce sont des sujets ayant trait lenvironnement, la migration, au genre, la culture, laide
au dveloppement, la dcentralisation
Ici, nous navons pas la prtention dpuiser un thme aussi fluctuant et vaste. Mais, en
adoptant une dmarche originale base sur ltude juridique, sociologique, culturelle et mme
anthropologique des enjeux fonciers au Mali, de leurs impacts sur le dveloppement
actuellement en cours, nous allons certainement laborer les principes gnraux rgissant les
rapports sociologiques, conomiques et juridiques clairs entre foncier et dveloppement
durable.
42
Ces principes pourront servir de prceptes la mise en place dun cadre socio-juridique
clair impulsant une nouvelle dynamique juridique et sociale prsidant au traitement des
questionnements relatifs et au foncier et au dveloppement durable.
Notre dmarche tout au long de ce travail, se veut analytique, pluridisciplinaire et prospective.
Ainsi, nous allons tout dabord partir des constats critiques et prcis du foncier en rapport
avec le dveloppement, pour ensuite arriver la formulation de solutions et propositions
concrtes dans le sens dune vision intgre de ces deux lments.
Cette approche transversale permet de dmontrer lexistence de liens troits et
dinterdpendance entre les enjeux fonciers (compris comme tant lensemble des interactions
sociales, juridiques, culturelles et conomiques entre lhomme et la terre et leur traduction
dans le dveloppement en terme de pouvoirs conomique, politique et dinfluence) et le
dveloppement durable (entendu dans son sens damlioration de la vie de lhomme
susceptible dimpacter celle des gnrations futures).
La mthodologie ainsi annonce ne peut tre quinterdisciplinaire, mettant en exergue
toutefois une approche pragmatique et scientifique de lobservation, de lanalyse et de la
synthse.
Par ailleurs, cette mthodologie nous permettra de dcrire, dans une approche endogne et
pratique, notre diptyque foncier /dveloppement durable (pris concomitamment ou
isolment) en tant qulments dobservation afin dexpliciter ces deux concepts, leur mise en
uvre et leurs impacts sur le fonctionnement du systme institutionnel malien.
43
Lobjectif gnral attendu de notre mthodologie interdisciplinaire est dexplorer les
diffrents rapports possibles entre le droit foncier peru sous langle de ses enjeux avec le
dveloppement durable.
Il incombe alors retracer lvolution du foncier malien, tout en valuant de faon synthtique
son rle dans les programmes respectifs de dveloppement.
Il nous faudra par ailleurs atteindre des buts spcifiques qui vont consister :
Prsenter les droits fonciers maliens dans toute leur diversit
Dterminer la place et lapport des droits coutumiers sur la terre au dveloppement et
au dveloppement durable en particulier.
Poser la problmatique foncire dans une perspective conomique, environnementale
et sociale, bref, dveloppementaliste de sorte mettre en exergue la fonction sociale du
foncier afin de raliser une articulation certaine avec les trois piliers du dveloppement
durable56
.
56
Ce sont : les piliers conomique, social et environnemental.
44
Ces diffrents desseins quils soient globaux ou spcifiques, sils sont atteints,
permettront dune part, de faire la lumire sur lensemble des enjeux fonciers et de mettre en
place des principes les rgulant afin de faire deux des facteurs ncessaires et suffisants du
dveloppement durable.
Dautre part, ce sera loccasion dlucider le concept exogne dans un contexte danalyse de
son transfert institutionnel de lOccident lAfrique en gnral et au Mali en particulier.
Pour atteindre notre but, nous allons articuler ce travail de recherche autour de deux grandes
parties.
La premire partie sera intitule : GESTION CONTRADICTOIRE DU FONCIER DANS UNE VISION
DE DEVELOPPEMENT MAL DFINIE.
Notre deuxime partie portera sur la REFONDATION DU FONCIER EN VUE DU
DEVELOPPEMENT DURABLE.
45
46
PARTIE I :
LE RGIME FONCIER COMME
INSTRUMENT DE DVELOPPEMENT :
LHRITAGE COLONIAL FACE LA
RSISTANCE DES SPCIFICITS
SOCIO- COLOGIQUES.
Il est essentiel de connatre et de comprendre la relation particulire,
profondment spirituelle, que les populations autochtones ont avec la terre,
lment fondamental de leur existence et substrat de toutes leurs croyances,
leurs coutumes, leurs traditions et leur culture. Pour les autochtones, la terre
nest pas simplement un objet de possession et de production. La relation
fusionnelle des populations autochtones avec la Terre-Mre, avec leurs
terres, qui imprgne toute leur vie spirituelle, a beaucoup dincidences
profondes. La terre nest pas une marchandise que lon peut sapproprier,
mais un lment naturel dont chacun doit pouvoir jouir librement .
Jos R. Martinez Cobo57
57
tude du problme de la discrimination lencontre des populations autochtones, Vol.5, Conclusions,
propositions et recommandations, Doc. Des Nations Unies E/CN.4/Sub.2 /19986/7/add.4.
47
48
Les enjeux fonciers matriss de faon quilibre favorisent dans certaines conditions
le dveloppement durable.
Le foncier malien, travers son caractre social, ses retombes conomiques et cologiques,
influence sans nul doute le processus de dveloppement conomique et de dveloppement
durable. Pourtant actuellement, cest tout le contraire qui se passe au Mali o le droit foncier
est le lieu dexpression dun pluralisme juridique58
ayant des impacts incontestables sur le
dveloppement du pays.
La pluralit des rgles rgissant le foncier se traduit concrtement par la coexistence de rgles
de nature et dobjectifs diffrents. Celles-ci sont :
Dune part les rgles de gestion coutumire de la terre et des ressources naturelles, qui sont
sculaires et qui jouissent dune trs grande lgitimit auprs des populations rurales
constituant prs de 80% de la dmographie malienne. Ces normes continuent, de fait, de
rgenter le foncier en milieu rural et mme parfois en milieu urbain. Elles sont porteuses des
spcificits socio-cologiques dans lesquels la majeure partie des maliens se reconnat. Ces
valeurs ainsi lgitimes font de la rsistance depuis la priode coloniale aux rgles modernes
de gestion du foncier.
Dautre part, officiellement, la vision malienne du foncier est toute autre. Elle est constitue
de lois modernes ou de principes issus principalement du systme foncier de la priode
coloniale. Or, ceux-ci obissaient des objectifs autres que le dveloppement du pays, leur
reconduction tel quel la situation actuelle ne risque-t-elle pas daboutir au mme rsultat ?
Cette question se pose car lon a du mal saisir le sens du dveloppement que le pays se fixe
et dceler les objectifs.
La juxtaposition de normes affaiblit le foncier malien dans la mesure o elle instaure une trs
grande inscurit juridique notamment vis--vis des populations et des investisseurs trangers
que le pays sapplique pourtant attirer.
58
Ce pluralisme juridique est la consquence dun pluralisme culturel.
Le pluralisme juridique consiste donc dans la multiplicit de droits en prsence l'intrieur d'un mme champ
social selon J. Griffiths in ROULAND N., 1988 Anthropologie juridique, Ed. PUF, Paris, Col.
Fondamental/Droit politique et thorique, pp. 84 et s.
49
Cette dialectique se complexifie encore depuis lapparition, suite la crise alimentaire
et nergtique de 200859
, du phnomne daccaparement des terres et des ressources
naturelles par les pays riches mais galement par certains pays mergents.
Vritables menaces la scurit alimentaire, au droit lalimentation et aux ressources
naturelles, ces accaparements quon doit qualifier dailleurs de fonciers, entranent un
bouleversement des normes ci-dessus voques constituant le rgime foncier de mme quils
impliquent une nouvelle perception de celui-ci. Cette dernire est exclusivement financire.
Ainsi, la terre, leau et les ressources naturelles qui devraient tre inalinables font dsormais
lobjet denjeux conomiques mondiaux.
La marchandisation du foncier marque une nouvelle re o les enjeux fonciers sont
perus sous leur seul angle conomique. Ce qui tranche clairement avec les visions foncires
qui prdominaient jusque l, savoir celle officielle moderne et celle traditionnelle. Nous
rappelons que dans la vision traditionnelle, la terre nest pas un bien commercialisable.
Dans la vision moderne, la terre est certes un bien dans le commerce, mais sa
commercialisation navait encore pas atteint une trs grande chelle comme cest le cas
aujourdhui. Quelle option le pays fait-il ? La terre est-elle un bien, une marchandise ? Ou la
terre est-elle une ressource communautaire ?
59
Se rfrer notamment :
SMALLER C., and MANN H., A thirst for distant lands: Foreign investment in agricultural land and water,
International Institute for Sustainable Development (IISD), Mai 2009
http://www.iisd.org/pdf/2009/thirst_for_distant_lands.pdf, (consult le 24 Aot 2012)
GRAIN B., Seized: the 2008 land grab for food and financial security, Octobre 2008.
http://www.grain.org/briefings_files/landgrab-2008-en.pdf (consult le 1 Janvier 2011)
SHEPARD Daniel et alii, The great land grab: rush for worlds farmland threatens food security for the poor,
Oakland Institute, Novembre 2009, http://www.oaklandinstitute.org/?q=node/view/526 (consult le 1Janvier
2011)
COTULA L., VERMEULEN, R., L., and. KEELEY J., Land grab or development opportunity? Agricultural
investment and international land deals in Africa, London/Rome: International Institute for Environment and
Development (IIED)/Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO)/International Fund for
Agricultural Development (IFAD), http://pubs.iied.org/12561IIED.html ( consult le 1 Janvier 2011)
50
Le pays, ayant toujours fond son dveloppement sur le foncier, plus prcisment sur
lagriculture familiale, veut saisir laubaine financire des accaparements fonciers pour se
dvelopper rellement et pour atteindre la souverainet alimentaire.
Tiraill entre pass et modernit quant la gestion de son foncier, dun cot, et de lautre,
entre lenvie datteindre lautosuffisance alimentaire et une prosprit conomique, quelle
qualit de dveloppement le Mali peut-il esprer atteindre aujourdhui? Autrement dit, quel
type de foncier pour quel dveloppement?
Pour rpondre ces questions, nous allons voir les diffrentes contradictions qui maillent la
gestion opportune du foncier malien (Titre I) pour ensuite dfinir la vision dveloppement qui
sous-tend cette gestion (Titre II).
51
52
TITRE 1 :
GESTION CONTRADICTOIRE DU FONCIER
DANS UNE VISION DEVELOPPEMENT MAL
DEFINIE
Ne nous y trompons pas. Le dveloppement dpendant et
extraverti qui nous vaut le fardeau de la dette et larme de
lajustement structurel comme solution est un projet culturel et
civilisationnel. Il na pas vocation rpondre aux aspirations des
peuples mais les formater et organiser la ponction des richesses
ncessaires aux pays dvelopps
Il sagit dans le mme lan dliminer dfinitivement toute trace
des modes de vie traditionnels communautaires et empcher que le
dveloppement se fasse empruntant une voie qui donne trop de place
aux rapports non marchands ou qui feraient appel une rgulation
collective .
Aminata DRAMANE TRAORE60
60
DRAMANE TRAORE Aminata et MDELA-MOUNIER Nathalie, lAfrique mutile, ditions Taama
2012, page 27.
53
Le rgime foncier au Mali est complexe car constitu dune part, par des textes de lois
modernes qui accordent ltat le monopole de gestion de la terre et des ressources foncires.
Cette exclusivit fait que ltat peut vendre ou attribuer la terre qui il veut, sans contrle.
Dautre part, le rgime foncier est constitu de droits coutumiers qui font de la terre et de son
utilisation un patrimoine communautaire excluant toute logique de marchandisation.
Depuis laccession du Mali lindpendance en 1960, le rgime juridique du foncier61
a
connu de nombreuses mutations.
En 1992, lre de la dmocratisation, le Code Domanial et Foncier (CDF) de 1986 jusque l
en vigueur a t modifi par une nouvelle loi.
Les soleils de la dmocratisation vont entraner la dcentralisation. En 1996, le Code des
Collectivits Territoriales va concrtiser cette dernire. Mais dj, en 1995, entrait en vigueur
une loi sur la gestion et lexploitation des forts.
En 2001, la Charte pastorale, puis en 2005 la Loi dOrientation Agricole (LOA) finissent de
dessiner larsenal lgislatif et administratif du rgime de gestion de la terre au Mali.
Ainsi, laccs la terre et aux ressources naturelles est rgi par de nombreux textes de loi dont
beaucoup demeurent sous linfluence de la pense coloniale franaise. Tel est le cas de tous
les textes confrant la proprit des terres ltat. Il sagit par exemple du CDF.
61
DELVILLE LAVIGNE Ph., Les politiques foncires contemporaines: brve comparaison des
approches du Mali et de Madagascar. Contribution au Forum Rural Europen, Septembre 2002, Montpellier, p
3.
54
Dautres dispositions de ces textes sont malgr tout issues des volutions politiques et
conomiques du pays depuis 1960. Il sagit en occurrence des diffrentes lois62
sur la
dcentralisation et de textes instituant la proprit prive.
A cot de ces textes modernes, les pratiques coutumires de tenure foncire datant de la
priode prcoloniale continuent dans de nombreux cas sappliquer laccs la terre et aux
ressources naturelles. En effet, quelques kilomtres seulement autour de Bamako, les chefs
de terre traditionnels continuent daccorder des droits traditionnels dusage et de jouissance
sur la terre et ses ressources dans une approche de proprit collective63
.
Lorganisation des ressources foncires par les hommes et la gestion de la terre se passent par
des normes, des mcanismes et par des institutions. Ces diffrents lments font appel la
multifonctionnalit de lespace. Comment organiser cette multifonctionnalit. Faut-il
privilgier un type de droit sur un autre pour pouvoir rpondre efficacement aux impratifs
juridiques, socio-cologiques et mme conomiques ?
Limpossible fusion entre les droits traditionnels et le droit moderne sur la terre aboutit dans
la pratique un droit se rfrant soit la lgislation tatique et/ou aux droits traditionnels,
soit aucun des deux.
Ltat malien, travers limposition dune doctrine foncire unique base sur les textes
modernes a-t-il trouv le droit opportun, c'est--dire celui permettant dassurant ladquation
entre les modes de gestion des ressources foncires et leur besoin de coviabilit ?
Il est de nos jours certain que le choix de ltat malien de privilgier le droit moderne conduit
la ngation du rgime traditionnel du foncier au Mali (Chapitre I). Il est donc ncessaire de
voir comment ltat organise cette entreprise dignorance (Chapitre II).
62
DJIRE M., et KEITA A., Revue des expriences en matire de gouvernance des ressources naturelles
et des industries extractives: Cas du Mali. Revue du cadre juridique et institutionnel de la gouvernance des
ressources naturelles: une tude de cas sur la gestion des terres loffice du Niger. Partenariat pour la Mise en
uvre en Afrique de lOuest des Activits du Rseau ANSA-Afrique Affiliated Network for Social
Accountability (ANSA) and Innovation, Environnent, Development (IED) Afrique, Aout 2010, p 10 et s. 63
USAID, Mali tenure assessment report, Septembre 2010,
http://usaidlandtenure.net/library/country-level-reports/mali-land-tenure-assessment-report/view (consult 22
Septembre 2010).
55
56
CHAPITRE I : NGATION IMPLICITE PAR LTAT
MALIEN DU RGIME TRADITIONNEL DU FONCIER
Pour saisir la ralit du droit coutumier malien de la terre, il convient de
se dpartir des concepts occidentaux. En effet, au caractre crit et codifi
du droit occidental soppose laspect vcu et oral de la coutume. A
lindividualisme du code civil [franais] soppose la solidarit du groupe
rsultant de la tradition. Enfin, la lacit du droit moderne soppose la
nature religieuse de la coutume La proprit des divinits sur leau ou la
terre procde de la religion animiste, qui considre les deux lments comme
sacrs et inalinables .
Tignougou SANOGO64
64
SANOGO Tignougou, entretien en famille, 2009.
57
Modernit et tradition sont le binme prsidant au droit malien, en gnral. Ce dernier
nat, vit et se meut travers et par ce tandem.
Tandis que la modernit se manifeste travers le droit positif, la tradition a pour bastion la
coutume donc le vcu des populations.
La rfrence la coutume se retrouve dans toutes les grandes segmentations du droit malien.
Cest ainsi que la loi portant rorganisation judiciaire du Mali dispose : les tribunaux de
premire instance, les sections des tribunaux de premire instance, les justices de paix
comptence tendue, lorsquils statuent en matire coutumire, sont complts par deux
assesseurs de la coutume des parties. Les assesseurs ont voix dlibrative65
.
Mais encore, cette mme loi prcise, au sujet de la Cour dAppel du Mali que elle
comprend une Chambre civile qui sige galement en matire coutumire 66
.
La loi foncire nchappe pas cette rfrence la coutume. Bien au contraire, la matire
foncire peut tre considre comme le terrain de prdilection de la coutume. Le foncier
malien a en effet un visage de JANUS se traduisant par la superposition et des normes
traditionnelles et des normes modernes. Cependant, cette juxtaposition nest pas
automatiquement synonyme de contradictions. Tel sera notre tat desprit ici.
Nous pensons que la juxtaposition, la superposition et la coexistence de rgles modernes et
traditionnelles doit tre prise comme un facteur contribuant dmontrer la richesse du droit
foncier malien et cela mme si nous sommes conscients que cette superposition a ses revers.
Ceux-ci se traduisent par lmergence de nouvelles pratiques suis generis qui ne trouvent
vritablement leur essence ni dans lune ni dans lautre de ces catgories de normes.
Ces nouvelles pratiques seront amplement tudies un peu plus loin dans ce travail de
recherche.
65
Article 17 de la loi n88-39/ANRM du 8 fvrier 1988, portant Rorganisation judiciaire en Rpublique
du Mali.
66 Article 5 de la mme loi.
58
Dans ce chapitre premier, nous retiendrons essentiellement deux sections : lapproche
traditionnelle du droit foncier (section I) et les spcificits des droits fonciers coutumiers au
regard du systme juridique moderne (section II).
59
60
SECTION I: LAPPROCHE TRADITIONNELLE DU FONCIER
Dfinir lapproche traditionnelle du foncier revient dterminer les logiques foncires
coutumires.
Le choix de lutilisation du pluriel dans lexpression logiques coutumires est dlibr. Il
trouve son explication dans lexistence dune multitude dus et de coutumes rsultant de la
mosaque ethnique malienne. Cependant, nous nous efforcerons, dans le cadre de cette
recherche, de trouver une ligne de convergence entre ces diverses coutumes et logiques.
Il ny a pas notre sens de dfinition synthtique aux droits fonciers coutumiers. Cette
absence de dfinition tmoigne dune part, du caractre trs complexe et disparate de ces
droits et, dautre part, de la volont lgale de ltat malien de les ignorer dans le rgime
foncier officiel.
On peut toutefois dfinir les droits fonciers coutumiers travers les principes gnraux (A)
rgissant la coutume puis travers leurs caractristiques (B).
Tenant donc comptes de ces deux lments, les logiques foncires coutumires nous
apparaissent comme lensemble des rgles traditionnelles, des principes (philosophiques,
religieux, mythiques), des pratiques ancestrales (culturelles et culturales), des droits
dutilisation et de jouissance sur la terre et ses ressources selon une approche collectiviste de
la proprit et de lutilisation du foncier.
Les sources des rgles traditionnelles au Mali sont principalement les coutumes mais aussi,
lhritage des valeurs issues des diffrents empires passs, les dcisions du conseil des
anciens, du village, de famille, du clan et de la fraction.
61
La coutume peut tre dfinie67
comme l'ensemble des manires de faire, considres comme
indispensables la reproduction des relations sociales et la survie des groupes lorsque ces
groupes ne font pas appel une instance extrieure ou suprieure (tels Dieu ou ltat) pour
les rguler. La coutume n'est pas particulirement judiciaire ni juridique. Elle suit les
articulations sociales dont elle s'inspire, qu'elle "habille"68
.
Au regard de cette dfinition et des diffrentes sources numres ci-dessus la
coutume, quels sont les principes rgissant les coutumes foncires au Mali ?
67
La coutume serait la preuve d'une pratique gnrale accepte comme tant le droit selon larticle 38-l
(b) des statuts de la Cour Internationale de Justice (1945).
68 LE ROY E., Le droit en Afrique : exprience locales et droit tatique au Mali, Karthala l983 p.227.
62
1. Les principes rgissant les coutumes foncires (au Mali).
Ces principes ont t notamment formuls par BACHELET Michel69
. Il sagit des
principes concernant le temps(A), le lieu(B) et laction(C).
En les laborant, cet auteur envisageait expressment le droit coutumier en gnral. Ce qui lui
a permis dailleurs darriver la conclusion selon laquelle ces principes sont dune essence
universelle et constituent des vecteurs dquilibre pour toute socit traditionnelle.
En effet, la coutume est le cadre fondamental du mode de reproduction endogne70
.
Bien que cette conclusion nous semble vraisemblable nous nallons pas la suivre. Nous allons
plutt appliquer lesdits principes au logiques foncires coutumires sappliquant la terre au
Mali. Aprs tout, le foncier traditionnel au Mali tant dobdience coutumire par excellence,
rien nempche lapplicabilit de ces principes au domaine qui nous concerne ici.
Appliqus donc au foncier traditionnel malien, le triptyque de principes de BACHELET
aboutit ce qui suit :
69
BACHELET Michel, cit par TESSOUGU Daniel, Problmatique de l'implantation des socits
minires au Mali, Thse, Strasbourg 2005 pp.
70 LE ROY E., lAppropriation de la terre en Afrique noire. Manuel danalyse, de dcision et de gestion
foncires /APREFA, Paris, Karthala 1991, p.114.
63
A. Le principe du temps
Le temps, ou les soleils,71
(ou til /ou wagati en langue bamanan) en droit traditionnel
malien se distingue clairement du temps en Occident. En effet, le temps dans les pays rgis
par la modernit, est chiffr et systmatis. Il est au dbut et la fin de tout, en bref, il est le
facteur dorganisation de chaque vnement.
Dans le Mali traditionnel, notamment dans le domaine foncier, les choses sont toute autres. Le
temps dans ce cas, va au del de ces diffrentes considrations. Vritablement, il fait rfrence
certaines donnes qui peuvent tre considres comme cardinales dans la socit
traditionnelle.
Le temps est la cl pour apprhender les institutions traditionnelles et leur fonctionnement
dans le doma