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Année 2009-2010
DROIT INTERNATIONAL DU COMMERCE ELECTRONIQUE
ET DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE
Prof. Arnaud Nuyts
Plan du cours et bibliographie
Structure générale du cours
I. Introduction
A. Le contexte du commerce électronique
B. L’impact sur la propriété intellectuelle
II. Les litiges transfrontières du commerce électronique et de la propriété
intellectuelle
A. Le contentieux international « classique » de la propriété intellectuelle
B. L’impact des nouvelles technologies : la remise en cause de l’approche
traditionnelle du droit international privé
C. L’organisation de l’activité
D. Les transactions électroniques entre professionnels (B2B)
E. Les transactions électroniques avec les consommateurs (B2C)
F. La responsabilité extra-contractuelle
III. Questions spécifiques relatives à la propriété intellectuelle sur l’internet
A. Droit d’auteur et droits connexes
B. Marques et autres signes distinctifs
C. Noms de domaine
D. Brevets
Ouvrages généraux
- A. Nuyts (dir.), International Litigation in Intellectual Property and Information
Technology, Kluwer Law International, 2008
- G. Chatillon (dir.), Le droit international de l’internet, Bruylant, Bruxelles, 2002
- U. Draetta, Internet et commerce électronique en droit international des affaires,
Bruylant-FEC, 2003
- Th. Verbiest, Commerce électronique : le nouveau cadre juridique, LGDJ-Larcier, 2004
- Graham JH Smith (ed.), Internet Law and Regulation, Sweet & Maxwell, 3e éd.
I. INTRODUCTION
A. Le contexte du commerce électronique
a) L’évolution de la technologie et de la société numérique
Conception de la technologie de l’internet à la fin des années 1970’
Série de branchements décentralisés entre ordinateurs et calculateurs capables de
transmettre de manière directe des informations
2
Utilisation de protocoles (systèmes de dialogues) commun pour la communication ;
échanges d’information selon des méthodes structurées et codifiées
Passage progressif de réseaux privés et spécialisés (militaire, universitaire) à des
réseaux ouverts fonctionnant sur la base de protocoles non exclusifs
Système d’accès principal du World Wide Web
Absence de gestion centralisée d’internet
Développement rapide de la technologie à partir du milieu des années 1990’
Technologie s’est généralisée, y compris dans les pays émergents
Utilisation des langues sur internet : large prédominance de l’anglais lors des
premières années ; diversification croissante à partir de la fin des années 1990’ ;
statistiques pour les prochaines années donnent le chinois comme première langue
Contenu de l’internet : plusieurs milliards de page d’information et d’audiovisuel,
plusieurs dizaines de millions de pages nouvelles chaque jour
Activités en ligne : au départ, principalement courrier électronique et recherche
d’information ; évolution rapide vers d’autres catégories (radio, musique, films, TV
en ligne, blog, achat de biens et de services, etc.)
b) Définition et caractères du commerce électronique
Commerce impliquant le recours à des techniques permettant la transmission de
données sous forme numérique
« Electronique » : ensemble des infrastructures nécessaires aux technologies et aux
réseaux de l’information et des télécommunications servant au traitement et à la
transmission de données numérisées
« Commerce » : offre d’activités (achats, ventes, trocs, publicités et transactions en
tous genres) aboutissant à un échange de valeurs entre parties ;
Diversification du commerce électronique : ventes de biens, ventes aux enchères,
services bancaires et financiers, vente de logiciels, achat de musique ou de films, etc.
Distinctions entre différentes catégories de commerce électronique
Distinction selon les parties impliquées : Business-to-Business (B2B), Business-to-
Consumer (B2C) et Consumer-to-Consumer (C2C)
Distinction selon l’exclusivité de l’activité en ligne: commerce électronique
purement numérique (commandes, paiements et exécution en ligne : cf. achat de
biens électroniques (ex. logiciel), paiement pour accès à de l’information, banque en
ligne) et commerce électronique partiellement numérique et partiellement physique
(information et/ou commandes en ligne mais fourniture des biens ou services selon
les méthodes traditionnelles : cf. achat livres, matériel électronique, voyage, vente
aux enchères, etc.)
Principales entités impliquées dans la relation : les parties, fournisseurs d’accès à
internet (access providers), fournisseurs de services ou de contenu (service or content
providers)
Caractères du commerce électronique : internationalité (y compris pour les petits
opérateurs physiquement localisés), globalité (pas de frontières), délocalisation
(difficile de tracer l’information), incorporalité (absence de papier),
interdisciplinarité (vidéo, audio, etc. ; restructuration à l’intérieur des branches et
entre les branches), immédiateté, automaticité, interactivité
c) Développement du commerce électronique
3
Essor fulgurant de la valeur des transactions commerciales sur internet
La majorité de la population dans les pays occidentalisés a fait des transactions
(impliquant un échange de valeurs, à distinguer d’un simple accès) sur internet
Pourcentage du commerce mondial reste encore relativement faible : moins de 5 %
Importance de l’internet comme outil de marketing
Catégories de produits achetés sur internet : à l’origine surtout les produits
informatiques (hardware), les produits numériques (software, musique, etc.) et les
livres ; très grande diversification au cours de la période récente
B. L’impact sur la propriété intellectuelle
a) Migration de la propriété intellectuelle vers l’internet
Double impact de l’internet sur la propriété intellectuelle
Outil de commercialisation d’objets matériels de propriété intellectuelle (cf.
commerce électronique indirect): vente en ligne de livres, CD, CD-Rom, DVD qui
sont envoyés par la poste ; billetterie de spectacles en ligne, etc.
Numérisation des œuvres de propriété intellectuelle (réduction du texte, image et
sons à un code binaire composé de 0 et de 1, groupés en bits et en octets pouvant
voyager sur l’internet et déchiffrable par ordinateur) ; la majorité des œuvres
anciennes et nouvelles (œuvres littéraires, films, musique, etc.) a été numérisée ;
transmission par ce biais d’œuvres protégées par la propriété intellectuelle (cf.
commerce électronique direct)
b) L’importance de la protection de la propriété intellectuelle sur internet
La question de la propriété intellectuelle demeure pertinente sur internet
Marques : symbole particulièrement important sur internet où les affaires se traitent
sans l’intermédiaire de personnes ; les internautes se tournent le plus souvent vers
des marques connues, noms de domaines
Brevets : méthodes créatives liées à l’internet (cf. priceline, amazon, panier d’achat
électronique, système de paiement par carte de crédit) ; problème de
brevetabilité (approche restrictive de l’Office européen des brevets : caractère
technique du brevet) ; vive controverse sur la brevetabilité des logiciels
Droit d’auteur et droits connexes : logique d’utiliser l’internet pour vendre des
produits immatériels qui ne sont pas autre chose que des signaux numériques ;
logiciels protégés par droit d’auteur ; numérisation des collection d’art et de
l’artisanat (cf. musées virtuels)
c) Les menaces pesant sur la protection de la propriété intellectuelle liées à
l’internet
- “Le peer to peer ou le réveil de robin des bois”, J.T., 2005, p. 157 s.
la technologie, par sa nature même, encourage la copie
Copies multiples et parfaites de textes, images et sons qui sont aisément
transmissibles (40 % des logiciels publiés sont piratés en moyenne)
Anonymat (relatif) de la reproduction
Gigantisme du nombre de contrevenants potentiels
Perception que l’internet est un monde libre ou l’information transite gratuitement
4
(liée aux pratiques des opérateurs internet eux-mêmes : modèle économique fondé
sur la publicité plutôt que la vente)
Risque démultiplié d’utilisation frauduleuse des marques
Voies de solutions : micropaiements pratiques, sécurité des paiements sur internet,
abonnements (I-tune plutôt que KaZaA et ses successeurs), solutions techniques
(cryptage, tatouage), sanctionner la piraterie (cf. à l’origine actions contre les sites
centralisés (cf. Napster), contre les créateurs de technologie d’échange, contre les
utilisateurs privés – très grande diversité des solutions judiciaires)
II. LES LITIGES TRANSFRONTIERES DU COMMERCE ELECTRONIQUE
ET DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE
A. Le contentieux international « classique » de la propriété intellectuelle
- P. Véron, « Trente ans d’application de la Convention de Bruxelles à l’action en
contrefaçon de brevet d’invention », Rev. crit. DIP, 2001, p. 822 s.
- P. Véron, « Innovations apportées dans le contentieux de la propriété industrielle par
le règlement 44/2001 du 22 décembre 2000, Rev. du dr. de la propriété intellectuelle, mars
2001, No 121.
- B. Docquir, « Le titulaire du droit d’auteur – Etude de conflits de lois », Ingénieur
conseil, 2003, p. 409 s.
- A. Nuyts, K. Szychowska et N. Hatzimihail, « Cross-Border Litigation in Intellectual
Property Matters in Europe », in A. Nuyts (dir.), International Litigation in Intellectual
Property and Information Technology, Kluwer Law International, 2008
1. La jurisdiction compétente en droit judiciaire européen
Le règlement Bruxelles I
Le système hiérarchique de compétence : compétence exclusive, comparution du
défendeur, clause attributive de juridiction, compétences protectrices, compétences
ordinaires
a) La compétence exclusive en matière de propriété intellectuelle
Article 22-4° du règlement Bruxelles I : lieu du dépôt ou de l’enregistrement pour les
litiges « en matière d’inscription ou de validité des brevets, marques, dessins et modèles,
et autres droits analogues »
Controverses sur l’interprétation de cette compétence, extensive ou restrictive
CJCE, arrêt Duijnstee (1983) : compétence exclusive ne vaut pas pour les litiges
relatifs à l’appartenance des droits intellectuels, les contrats dont ils sont l’objet ou
les contrefaçons qu’ils subissent
Hypothèse où le défendeur oppose la nullité du brevet lors d’une action en
contrefaçon ; impact de l’article 25 du règlement (juge saisi à titre principal d’un
litige pour lequel un autre juge est exclusivement compétent)
Jurisprudence nationale : Angleterre: dans le procès en contrefaçon, la question
principale est celle de la validité du brevet et il s’en déduit que le tribunal désigné par
l’art. 22 est compétent pour le tout (affaire Coin Controls/Suzo) ; jurisprudence non
suivie dans d’autres pays (notamment aux Pays-Bas)
CJCE : arrêt GATT (2006): l’art. 22-4° joue, en tout cas pour la question de la
validité, même si elle est invoquée à titre de défense
Conséquence : sévère limitation aux actions extra-territoriales en matière de
5
propriété intellectuelle ? obstacle à la concentration des procédures concernant des
brevets parallèles devant les tribunaux d’un seul Etat
Incertitudes : (i) que doit faire le juge saisi de la demande de contrefaçon ?
Incertitudes (av. gén. : trois possibilités : « transférer » la totalité de l’affaire au juge
de l’article 22 ; suspendre la procédure sur l’action en contrefaçon jusqu’à une
décision sur la validité par le juge de l’article 22 ; se prononcer sur le tout en cas
d’invocation de mauvaise foi d’une question d’invalidité manifestement inexistante ;
(ii) impact sur les mesures provisoires et conservatoires (voy. infra).
b) Les règles ordinaires de compétence et la propriété intellectuelle
Les trois catégories de règles de compétence ordinaire
Domicile du défendeur
Compétences spéciales ; art. 5-3° ; lieu où le dommage risque de se produire (cf. lieu
de distribution potentielle d’une contrefaçon); réparation limitée aux dommages
localisés dans le for ; importance en matière de propriété intellectuelle
Compétences dérivées, en particulier l’article 6-1 (co-défendeurs): essor d’une
pratique consistant à assigner différentes sociétés (impliquées dans une contrefaçon
de brevets parallèles) devant les tribunaux d’un seul Etat, souvent les Pays-Bas
Développement de cette pratique et excès ; techniques utilisés pour limiter son
utilisation : l’abus de procédure ; l’araignée au centre de la toile
CJCE : arrêt Roche Nederland (2006): art. 6(1) inapplicable à une action en
contrefaçon d’un brevet européen dirigée contre plusieurs sociétés, même si les
sociétés appartiennent à un même groupe et ont agi en vertu d’une politique
commune ; rejette l’araignée au centre de la toile.
Paris, 2 juillet 2007, AXA v. Google : tentative d’utiliser la règle des co-défendeurs
(droit national, mais similaire à 6.1 dans une action contre Google France et Google
US pour utilisation de la technique de Google AdWords ; refus de la CA car
défendeur français n’est pas un « défendeur réel » ; comparaison avec la
jurisprudence CJCE Freeport 2007 (pas de restriction fondée sur le contournement
de compétence)
L’importance de la règle de litispendance ; l’impact dans le contentieux de la
propriété intellectuelle ; les actions judiciaires tactiques
L’action déclaratoire ; la torpille italienne (Italien torpedo) ; la torpille belge ;
validation du mécanisme en substance par l’arrêt Gasser (2003)
Réponses multiples : abus de procès, rejet de l’action déclaratoire car liée à la
question de validité faisant l’objet de la compétence exclusive (civ. Bruxelles, 12 mai
2000) ; interprétation restrictive de l’article 5-3° (Cour de cass. Italie, 12 déc. 2003 :
puisque l’action est dénégatoire, il n’y a pas de fait dommageable ; critique ;
changement du texte de l’art. 5-3° pour viser les actions préventives ; mais
confirmation de la juris. Par Milan, 2 mars 2004) ; refus des mesures provisoires
déclaratoires (civ. Bruxelles, 22 sept. 2000, utilisant le critère Van Uden de l’absence
de lien de connexion réel)
Insuffisance des règles de compétence actuelles en matière de brevet ; diverses
propositions de modifications du régime actuel : projet d’accord sur le règlement des
litiges en matière de brevet européen (proposé par l’office européen des brevets,
prévoyant un système judiciaire intégré, des règles de procédure et une cour d’appel
commune ; pas de nouveau brevet européen); projet de « système de brevet
communautaire » (impliquant la création d’un brevet communautaire et un système
juridictionnel propre, avec création d’un tribunal des brevets faisant partie du TPI à
6
Luxembourg)
c) Les mesures provisoires et conservatoires
Le juge compétent au fond ou non (article 31 du règlement) ; limitation pour le juge
non compétent au fond : injonction temporaire ; lien de connexion réel (arrêt Van
Uden)
La pratique des tribunaux néerlandais : interdiction des actes de contrefaçon non
seulement sur le territoire néerlandais mais aussi à l’étranger ; l’affaire
Lincoln/Interlas : sur la demande d’une société américaine, interdiction d’atteinte à
la marque néerlandaise, belge et luxembourgeoise ; solution non problématique car
la marque est généralement identique et sa validité n’est pas contestée ; application
plus controversée dans le domaine des brevets
Développement de la même pratique dans d’autres pays, y compris en France,
Allemagne et Belgique (Bxs. 25/3/05 Alvana Pharma)
L’exécution de la décision : jurisprudence française favorable à l’exequatur en France
des décisions néerlandaises sur la base des règles européennes ; l’argument de la
contrariété à l’ordre public français a été rejeté
2. La loi applicable
Principe traditionnel de la territorialité des droits intellectuels ; application stricte
dans les domaines des brevets et des marques ; nuances dans le domaine du droit
d’auteur
Importance des instruments internationaux
Harmonisation matérielle portant sur l’exigence d’un niveau minimum de
protection des droits
Principe du « traitement national » : assimilation de l’étranger au national, non-
discrimination ; droit d’auteur : Convention de Berne de 1886, telle que modifiée en
1971 ; harmonisation minimum et traitement national ; absence de règlement global
des questions de conflits de lois
principe de l’application de la loi du pays de protection (lex loci protectionis) ; art. 5,
2° : « l’étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l’auteur pour
sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d’après la législation du pays où la
protection est réclamée »
Règlement Rome II (adopté le 11 juillet 2007) : application de la loi du pays « pour
lequel la protection est revendiquée » (art. 8)
Difficultés d’interprétation de la notion de lex loci protectionis ; diverses approches
(1) Pays où la protection est réclamée = lex fori (Convention de Berne)
Interprétation peut paraître fondée sur les termes de la Convention de Berne ; mais
solution aujourd’hui largement rejetée car : revient à faire dépendre la loi applicable
du juge compétent (forum shopping) ; développement des contrefaçons
transfrontières ; ouverture des règles de compétence judiciaire ; juge compétent n’est
pas nécessairement le juge du lieu de la contrefaçon
Conséquence : art. 5, 2, Convention généralement interprété comme désignant la loi
du pays « pour lequel » la protection est réclamée ; confirmation implicite par Rome
II, qui indique dans son préambule (i) que le principe de la lex protectionis est
universellement reconnu ; (2) que le facteur à retenir est le lieu pour lequel la
protection est réclamée
7
Conséquence : rapprochement entre la lex loci protectionis et la lex loci delicti
commissi ; soulève la question classique du rattachement en cas de délit complexe
(2) Loi du lieu de réalisation du dommage (loi de destination)
Correspond au lieu où la victime de la contrefaçon est affectée par celle-ci
Avantages : conformité à l’assise territoriale du droit d’auteur (réglementation de
police économique instaurant une brèche dans le principe général de la libre
concurrence) ; prend en compte l’effet produit concrètement par la contrefaçon et le
lieu où les publics sont touchés
Inconvénients : multiplication des lois applicables ; tentatives de solution :
restriction à l’action qui vise le dommage situé dans le for (approche Shevill), mais ne
remédie pas la multiplication des lois (plus délicat que la multiplication des
tribunaux)
(3) Loi du lieu du fait générateur (loi d’origine)
Affaire Waterworld (Cass. Fr. 2007) : contrefaçon alléguée liée à la diffusion en
France du film américain Waterworld, qui serait basé sur un ouvrage antérieur écrit
en anglais par un auteur américain, non publié mais proposé à un éditeur français ;
Cass. : « la législation du pays où la protection est réclamée n’est pas celle du pays où
le dommage est subi mais celle de l’Etat sur le territoire duquel se sont produits les
agissements délictueux, l’obligation à réparation n’étant que la conséquence
éventuelle de ceux-ci » ; consécration du principe de l’application de la loi du lieu des
« agissement délictueux » à l’origine de la contrefaçon alléguée
Approche différente de celle retenue en général pour la responsabilité non
contractuelle
Avantages : uniformité de la loi applicable ; prévisibilité
Inconvénient : fuite des contrefacteurs vers les pays à faible protection (mais lieu
d’établissement et pas acte technique, et remède de la fraude à la loi)
(4) Rattachement de proximité
Recherche in concreto du pays avec lequel la contrefaçon présente les liens les plus
étroits
Affaire Sisro (Cass. fr. 2002) : principe d’application de la loi du lieu des agissements
litigieux, mais possibilité pour le juge d’appliquer la loi du pays du lieu de préjudice
si agissements litigieux dans plusieurs pays et rattachement plus étroits avec pays du
dommage (abandon de cette restriction dans Waterworld)
Autre question d’interprétation de l’article 5, 2, de la Convention de Berne : règle
générale de conflit ou règle particulière aux questions d’étendue de la protection et
des moyens de sauvegarder les droits?
Quid de la loi applicable aux aspects non visés ? (cf. condition d’originalité, titulaires
du droit, limites et exceptions – absence de réglementation uniforme, dont nécessité
du conflit de lois) ; art. 14bis de la Convention comporte une règle sur la
détermination de la titularité du « droit d’auteur sur l’œuvre cinématographique »
(application de la loi où la protection est demandée)
Silence pour les autres droits d’auteur ; controverses ; loi du lieu de destination ? (cf.
Bruxelles 1995 et Bruxelles 2001) ; loi du pays d’origine dans tous les cas où il n’y a
pas de règle désignant le pays de destination ? règle de condition des étrangers
convertie en règle de conflit unilatérale ? ; retour aux règles nationales de conflit ?
(civ. Gand 1996 : application de la loi d’origine ; juris. USA : trib. NY : affaire Itar-
Tass Russian News Agency v. Russian Kurier : reproduction illicite d’articles de
journalistes de Russe dans un journal russophone new-yorkais ; règle de conflit de
NY : application à la question de la titularité du droit de la loi des contacts les plus
8
significatifs, la loi russe)
Solution systématique proposée en doctrine : partage entre la loi d’origine (titularité
initiale du droit) et la loi de destination (modalités d’exercice du droit)
Détermination de la loi du pays d’origine en matière de droit d’auteur : lieu de la
première publication de l’œuvre (ou rattachement à l’auteur (nationalité ou
résidence) en cas d’œuvre non encore publiée)(Convention de Berne, art. 5)
influence de la loi contractuelle, et en particulier de la loi choisie par les parties ;
applicabilité de la Convention de Rome / Rome I ; rapport avec la controverse sur la
portée réelle des règles de conflit de la Convention de Berne (question de hiérarchie
entre Berne et Rome) ; partage entre questions de droit d’auteur proprement dites et
questions contractuelles (exemple, la cession du droit : partage entre la question du
caractère cessible du droit et les autres questions comme la rémunération, la durée
du contrat, la rupture, etc. …)
Application de la Convention de Rome et du règlement Rome I (art. 4) ; quid de la
prestation caractéristique ? auteur ou exploitant de l’œuvre ? art. 7/9, intervention
des lois de police du lieu où la protection est demandée ?
Règlement Rome II, art. 3 : interdit de déroger par un accord à la loi applicable aux
atteintes aux droits de propriété intellectuelle
B. L’impact des nouvelles technologies : la remise en cause de l’approche
traditionnelle du droit international privé
- K. Boele-Woelki et C. Kessedjian (dir.), Internet – Which Court Decides – Which Law
Applies – Quel tribunal décide – Quel droit s’applique, Kluwer Law International, 1998
- M. Geist, « Is there a There There? Toward Greater Certainty for Internet
Jurisdiction », 16 Berkeley Tech, L. J. 1345 (2001)
- O. Cachard, La régulation internationale du marché électronique, LGDJ, 2002
- T. Van Overstraete, « Le règlement des litiges: tribunal compétent, loi applicable et
modes alternatifs de règlement », in Le droit des affaires en évolution – Le contrat sans
papier, Bruylant-Kluwer, 2003, p. 237 s.
- M. Fallon et J. Meeusen, « Le commerce électronique, la directive 2000/31/CE et le
droit international privé », Rev. crit. DIP, 2002, p. 435 s.
- J. Huet, « Le droit applicable dans les réseaux numériques », J.D.I., 2002, p. 737 s.
- J.-S. Bergé, « Droit d’auteur, conflits de lois et réseaux numériques : rétrospective et
prospective », Rev. Crit. DIP, 2000, p. 357 s.
- S. Francq, « Internet : un monde sans frontières : La loi applicable aux contrats conclu
sur internet », Revue Ubiquité, 2000, p. 47 s.
1. La conception traditionnelle fondée sur le concept de territorialité
Droit international privé essentiellement fondé sur le concept de territorialité
Division du monde en Etats souverains possédant chacun leurs propres tribunaux et
leurs propres lois
Fonction traditionnelle du droit international privé : établir une rattachement entre
une personne, un fait, une situation juridique, d’une part, et un Etat, d’autre part
Méthode de rattachement : essentiellement des facteurs territoriaux (domicile des
parties, lieu d’exécution des obligations, localisation d’une chose) ou personnels
(nationalité)
Notion de territorialité fondé sur les concepts traditionnels d’espace, de distances, de
frontières
9
2. Le défi posé par les nouvelles technologies
Remise en cause du concept de territorialité par les nouvelles technologies
Concept d’ « espace virtuel » : abstraction faite des éléments matériels (ordinateur,
réseaux, serveur, etc.), relations réputées se développer dans le « cyberspace » -
« Cyberspace is everywhere, but no where in particular »
Thèse de l’apparition d’un nouvel espace (cyberespace) dégagé des contraintes
nationales : un espace soumis à ses propres règles (la lex electronica) et ses propres
mécanismes de résolution des conflits – Conception « universaliste » de tribunaux
mondiaux et de lois mondiales pour ce secteur particulier
Différents courants : espace libertaire correspondant au crépuscule de la souveraineté
étatique, cyberespace de nature internationale (cf. espace extra-atmosphérique),
nouvelle branche du droit
Développement de l’autorégulation et des modes alternatifs de résolution des
conflits
3. L’essor des modes alternatifs de règlement des conflits
- A. M. Von Hase, « Litiges relatifs au commerce électronique et à l’arbitrage : obstacles
juridiques et enjeux », in Le droit international de l’internet, p. 595 s.
- I. De Lamberterie, « Le règlement en ligne des petits litiges de la consommation », in
Le droit international de l’internet, p. 630 s.
Fondement : l’arbitrage et les autres mécanismes ADR (Alternative Dispute
Resolution)
Essor du concept d’« arbitrage en ligne » - Multiplicité des systèmes
Systèmes Arbitrage de facto par le biais du système de paiement des cartes de crédit
Essor des sites commerciaux proposant la résolution des litiges en ligne (cf.
onlineresolution.com)
Reconnaissance dans la directive européenne du 8 juin 2000 sur le commerce
électronique (article 17 requiert les Etats membres de « ne pas faire obstacle » à
l’utilisation de mécanismes de règlement extrajudiciaires des conflits, « y compris par
des moyens électroniques appropriés »)
Avantages : faible coût, adapté aux litiges de faible importance, rapidité, accessible
du monde entier, pas de problème de rattachement national, reconnaissance et
exécution conformément aux règles de l’arbitrage
Inconvénients : contenu du droit appliqué, manque de prévisibilité, nécessité
de l’accord des parties
Succès relatif dans certains domaines particuliers (cf. litiges relatifs au noms de
domaine)
Limitations dans les autres domaines : absence d’accord des parties, litiges
extracontractuels ; litiges avec les consommateurs (principe du caractère supplétif du
recours à l’arbitrage : cf. communication de la Commission du 4 avril 2001 « relative
à l’élargissement de l’accès des consommateurs aux autres systèmes de résolution des
litiges », cf. service de réclamation, médiation institutionnelle à l’intérieur de
l’entreprise, ombudsman indépendant)
Tentative de solution plus vaste : l’accord présumé lors de l’accès à internet –
Nombreux problèmes pratiques
4. La persistance du recours à la justice nationale : les trois catégories de relations
10
juridiques sur internet
Réfutation de l’idée d’un cyberespace fonctionnant en dehors de tout ordre juridique
Parallélisme avec la controverse sur la juridicité de la lex mercatoria
Scission artificielle entre le réseau internet et le territoire des Etats ; un internaute
n’est pas seulement présent dans le cyberespace ; derrière la personne virtuelle se
trouve une personne localisée dans un Etat ; les effets dommageables d’une activité
électronique se font ressentir en dehors du cyberespace
Internet est un moyen d’accéder à un marché transnational plutôt qu’un lieu en tant
que tel
Persistance du recours à la justice nationale
Permanence du droit étatique (avec le cas échéant les adaptions nécessaires)
La nécessité d’appliquer les règles traditionnelles de droit international privé
La distinction entre B2B et B2C et son importance en droit international privé
La distinction entre relation contractuelle et relation extra-contractuelle – Son
importance en droit international privé
Les trois catégories de relations juridiques
La question préalable de l’organisation de l’activité
C. L’organisation de l’activité
La question du cadre juridique dans lequel le fournisseur de produits ou services sur
internet doit opérer (accès à la profession, enregistrement, règles prudentielles,
publicité, emploi des langues, etc.)
En Europe : principe de liberté de prestation de services et reconnaissance mutuelle
(Cassis de Dijon) ; principe de l’application de la loi de l’Etat d’origine ou le
prestataire est établi ; chaque Etat membre admet sur son territoire ce qui provient
des autres Etats membres et a été réalisé conformément à son droit national
Application à titre exceptionnel de la loi du pays de réception de l’information, ou
des produits et services ; mesures nécessaires d’intérêt général tenant, en particulier,
à la santé publique, à l’ordre public, à la protection des consommateurs ;
applications par exemple à la vente en ligne de produits pharmaceutiques
L’affaire Gambelli (CJCE 6 nov 2003 ; cf. Placanica, 2007) : interdiction (avec
sanction pénale) à un résident Italien de participer à des paris en ligne organisé par
un bookmaker anglais ; restriction à la libre prestation de services ; n’est acceptable
que s’il y a des raisons impérieuses d’intérêt général, dans le respect du principe de
proportionnalité : les mesures ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire
pour atteindre l’objectif poursuivi (respect de l’ordre public social) ; constat que les
autorités nationales concernées incitent et encouragent les consommateurs à
participer aux loteries ; restrictions disproportionnées
Rapport avec la clause de marché intérieur de la directive commerce
électronique (renvoi)
D. Les transactions électroniques entre professionnels (B-to-B)
1. La juridiction compétente
Exemple : transaction sur internet entre deux sociétés portant sur le transfert de
données électroniques protégées (par exemple, un programme informatique) – Litige
11
entre partie portant soit sur le paiement du prix (action du vendeur), soit sur la
qualité du produit (action de l’acheteur).
Droit judiciaire européen : approche rigide fondée sur la transposition des règles
précises du règlement Bruxelles I au contexte du commerce électronique
Droit américain : approche plus flexible fondée sur le concept des contacts
minimaux avec le for et l’adaptation aux réalités du commerce électronique
Analyse du règlement Bruxelles I avec comparaison avec le droit américain
a) Clause attributive de juridiction (art. 23 du règlement)
Clauses utilisées sur internet – Accord « click-wrap »
Parallélisme avec l’accord « shrink-wrap » utilisé lors de la livraison physique de
logiciels (ouverture de la boite, installation sur l’ordinateur)
Question de la conformité formelle avec le droit judiciaire européen
Ancien article 17 Convention de Bruxelles : hésitations sur la notion d’« écrit »
Nouvelles règle insérée à l’article 23-2 du règlement Bruxelles I : « Toute transmission
par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée
comme revêtant une forme écrite »
Validation de principe de l’accord conclu par voie électronique
Notion de « consignation durable » de l’information ; comparaison avec la directive
2002/65/CE (2002) sur la commercialisation à distance des services financiers auprès
des consommateurs : « tout instrument permettant au consommateur de stocker des
informations qui lui sont adressées personnellement d’une manière permettant de s’y
reporter aisément à l’avenir pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les
informations sont destinées et qui permet la reproduction à l’identique des informations
stockées » ; applications : impression du document, e-mails sur disque dur, conditions
générales en ligne, modification des conditions, « chat room »
Assimilation à l’écrit : application par analogie des conditions de l’écrit
La forme écrite proprement dite : échange d’e-mails stockés, accord sur les
conditions générales en ligne (?), renvoi aux conditions par hyperlien
L’accord verbal confirmé par écrit : e-mail
L’usage sectoriel du commerce international
b) Domicile du défendeur (art. 2 du règlement)
Difficulté de détermination du domicile des personnes agissant sur internet
Deux problèmes : identification de la personne derrière le site commercial et
identification du domicile de cette personne – Impact de la directive 2000/31/CE sur
le commerce électronique : obligation pour les prestataires de services d’indiquer
leur nom et adresse géographique (art. 5)
Personnes morales : article 60 du règlement – 3 critères alternatifs (siège statutaire,
administration centrale, principal établissement)
Rattachement au siège ou à l’établissement de l’entreprise a priori mieux adapté à
internet que la localisation d’un acte ou fait juridique ; mais des difficultés subsistent
Problème de localisation du principal établissement (« principal place of business ») :
cyberspace ? le serveur contenant les informations du site ?
c) Compétence spéciale: matière contractuelle (article 5-1 du règlement)
12
Distinction entre le commerce de produits ou services « physiques » ou purement
électroniques
Commerce de produits ou services physiques (commerce électronique indirect):
internet utilisé uniquement comme medium pour la négociation et/ou conclusion
du contrat – exécution en dehors de l’environnement numérique aucune
difficulté spécifique liée à l’art. 5-1
Commerce de produits ou services numériques (commerce électronique direct) : la
transaction a lieu intégralement dans le « cyberspace », y compris l’exécution du
contrat plusieurs difficultés spécifiques liées à l’art. 5-1
Identification de la règle à appliquer : contrat en général (point a) ou contrats de
vente ou de service (point b) – Comparaison avec l’application de la Convention de
Vienne à la vente de logiciel – Distinction produit standard/spécifique
Localisation du lieu d’exécution du contrat : lieu de l’entrée de l’information, lieu du
stockage (serveur du vendeur ; de son hébergeur ;de l’acheteur ?), lieu du
téléchargement, lieu où l’utilisateur de l’information est situé – Hypothèse du
téléchargement sur un portable lors d’un voyage ; influence de la jurisprudence Besix
(2002) : obligation sans limitation géographique (en l’espèce l’obligation de non
concurrence)
Démonstration du caractère rigide et abstrait des règles de compétence européennes
Comparaison avec les Etats-Unis : le « Zipo test » (Zippo Manufacturing Co v. Zippo
Dot Com, Inc (952 F Supp 1119, W.D.Pa. 1997) – Trois catégories d’activités exercées
par le biais d’internet dans un Etat (« sliding scale of activities »):
- Exercice clair et constant d’activités: « defendant clearly does business over the
internet: this is the situation where the defendant enters into contracts with residents
of the forum and knowingly and repeatedly ». Compétence établie
- Site passif : « defendant simply posts information on an internet web site which is
accessible in a foreign state ». Compétence non établie
- Site interactif : « user can exchange information with the host computer ».
Compétence dépend de « l’intensité » de l’interactivité dans l’échange
d’informations
Approche fondée sur le concept flexible des « minimum contacts » (clause de due
process) – Permet une analyse au cas par cas des caractéristiques du site internet et de
son interactivité
d) Compétence spéciale: établissement (article 5-5 du règlement)
Compétence du lieu de situation de la succursale ou de l’établissement
Problème d’identification de ce lieu pour les activités exercées sur internet : le site
web est-il un établissement ? où est-il localisé ?
2. La loi applicable
a) L’application de la Convention de Vienne sur la vente internationale de
marchandises
- N. Watté et A. Nuyts, « Le champ d’application de la Convention de Vienne sur la
vente international – La théorie à l’épreuve de la pratique », J.D.I., 2003, p. 365 s., spéc.
n° 6.
- M. Fallon et J. Meeusen, « Le commerce électronique, la directive 2000/31/CE et le
droit international privé », Rev. crit. DIP, 2002, p. 435 s., spéc. p. 440 s.
13
L’application de la Convention aux contrats de vente de marchandises
Première difficulté : la détermination du lieu d’établissement des parties ; l’article 1er
,
§ 2 (condition que la localisation des parties dans des Etats différents ressorte du
contrat, de transaction antérieures ou de renseignements donnés avant ou lors de la
conclusion du contrat) ; principe du « devoir savoir » ; impact de l’utilisation de
suffixes nationaux (.be) ; impact de l’utilisation de suffixes non nationaux (.com)
La qualification des opérations contractuelles réalisées sur internet – Distinction
entre la fourniture de produits physiques ou numériques
La fourniture de produits physiques : application traditionnelle de la Convention
La fourniture de produits numériques – Difficultés
La controverse sur l’application de la Convention aux logiciels – Opposition
classique entre logiciels standards et individualisés (jurisprudence allemande)
Distinction entre deux questions distinctes
Première question : la qualification du logiciel comme marchandise. le critère du
caractère tangible du logiciel ; le cas du logiciel incrusté sur un support matériel ; le
cas du logiciel transmis par voie électronique ; l’influence de l’exclusion de
l’électricité (art. 2 f) ; transmission physique de codes informatiques ; comparaison
avec la solution du droit américain : l’assimilation du software à une marchandise au
sens du Code Uniforme de Commerce
Seconde question : l’exclusion de la Convention du cas où la part prépondérante de
l’obligation du vendeur porte sur une fourniture de main-d’œuvre ou de services
(art. 3-2) – L’importance de l’opposition entre les deux types de logiciels
b) L’application du droit national selon les règles de conflits
L’application de la Convention de Rome de 1980, et du règlement Rome I
Article 3 : loi choisie par les parties ; choix exprès ou tacite mais certain ; directive
sur le commerce électronique exige que les clauses contractuelles et conditions
générales doivent être fournies de manière à permettre de les conserver et les
reproduire (art. 10, § 3)
Article 9/11 : validité formelle du contrat dans un contrat conclu entre personnes
situées dans des Etats différents est soumis alternativement à la loi choisie par les
parties ou à la loi de l’Etat de l’un des lieux de situation des parties au moment de la
conclusion du contrat
Article 4 : résidence habituelle du vendeur/prestataire de service / fournisseur de la
prestation caractéristique ; pas de nécessité de distinguer selon que les produits sont
physiques ou numériques ; dans le cadre d’une activité professionnelle, critère du
principal établissement ; difficulté de détermination ; influence de la directive sur le
commerce électronique
Contrat de vente de biens aux enchère (art. 4-1°(g) : lieu où la vente aux enchères a
lieu, si ce lieu peut être déterminé
Article 7 /9 : lois de police
d) L’impact de la directive sur le commerce électronique
- M. Fallon et J. Meeusen, « Le commerce électronique, la directive 2000/31/CE et le
droit international privé », Rev. crit. DIP, 2002, p. 435 s., spéc. p. 440 s., spéc. p. 470 s.
T. Van Overstraete, « Le règlement des litiges: tribunal compétent, loi applicable et
modes alternatifs de règlement », in Le droit des affaires en évolution – Le contrat sans
papier, Bruylant-Kluwer, 2003, p. 237 s., spéc. p. 257 s.
14
Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des
services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique,
dans le marché intérieur ; transposée en Belgique par deux lois du 11 mars 2003
Convention de Rome / Rome II prévoit la primauté du droit communautaire (art.
20 / 23)
Clause de marché intérieur de la directive (art. 3.1) : « chaque Etat membre veille à ce
que les services de la société de l’information fournis par un prestataire établi sur son
territoire respectent les dispositions nationales applicables dans cet Etat membre relevant
du domaine coordonné »
Domaine coordonné : harmonisation limitée visant l’accès à l’activité, les
communications commerciales, les contrats conclus par voie électronique, la
responsabilité des intermédiaires, les codes de conduite, le règlement extrajudiciaire
des litiges, les recours juridictionnels et la coopération entre Etats membres
Exclusion dans certains domaines : propriété intellectuelle ; contrats conclus par les
consommateurs, …
Principe du « home country control »
Controverse sur l’impact de cette clause sur la loi applicable ; s’agit-il d’une règle de
conflit de lois désignant la loi d’origine ?
Article 1er
, par. 4 : la directive n’établit pas de « règles supplémentaires de droit
international privé » ; mais considérant 23 : « les dispositions du droit applicable désigné
par les règles de droit international privé ne doivent pas restreindre la libre prestation de
services de la société de l’information telle que prévue par la directive » ; considérant 55 :
la directive soustrait à la clause de marché intérieur deux éléments : la liberté des
parties de choisir la loi applicable à leur contrat ; les obligations contractuelles
concernant les contrats conclus par des consommateurs (art. 3, §3 et annexe)
Propositions de solutions (cf. Fallon et Meeusen, p. 486 s.) : la clause de marché
intérieur n’est pas une règle de conflit bilatérale (de rattachement) ; dans l’Etat
d’origine, la clause équivaut à une règle d’application immédiate pour le respect du
domaine coordonné ; dans les autres Etats membres (de destination), la clause revêt
la portée d’une exception de reconnaissance mutuelle ; la loi désignée est évincée
lorsqu’elle porte atteinte à la libre prestation de services de la société de
l’information
E. Les transactions électroniques avec les consommateurs (B-to-C)
- J.-Ph. Moiny et B. De Groote, « Cyberconsommation et droit international privé »,
Revue du droit des technologies de l’information, 2009, p. 5 s.
- A. Lopez-Tarruella Martinez, « International consumer contracts in the new Rome I
regulation – How much does the regulation change ? », Revue européenne de droit de
la consummation, 2007-2008, p. 345
- N. Watté, A. Nuyts et H. Boularbah, « Le règlement ‘Bruxelles I’ sur la compétence
judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et
commerciale », J.T. dr. eur., 2002, p. 161 s., spéc. p. 166, n° 12 s.
- J. ST Oren, « International Jurisdiction over Consumer Contracts in e-Europe », 52
ICLQ 665 (2003)
1. La juridiction compétente
15
a) Opposition entre deux conceptions
Deux thèses et deux groupes d’intérêt
Camp « pro-consommateur » : le succès d’internet dépend d’un environnement
sécurisé pour les consommateurs, qui ne peuvent être forcés d’agir à l’autre bout du
monde)
Camp « pro-industrie de l’internet » : le succès d’internet dépend de la réduction du
risque juridique pour les entreprises, qui ne peuvent être forcées de se défendre dans
le monde entier – Danger de détruire l’intérêt principal d’internet de permettre aux
PME locales de concurrencer les grandes entreprises multinationales en accédant à
des consommateurs éloignées – Coût prohibitif lié à la défense en justice
Affrontement entre les deux camps et lobbying intensif lors de la préparation du
règlement Bruxelles I
b) Article 15 du règlement Bruxelles I
Règlement Bruxelles I penche en faveur du consommateur mais moyennant
certaines limitations
Principes juridictionnels de base (art. 16) : consommateur doit être assigné chez lui
et peut assigner à son choix chez lui ou chez l’autre partie, clause attributive de
juridiction non valable si conclue avant le litige ; assimilation du défendeur domicile
dans un Etat tiers ayant une succursale dans un Etat membre à un défendeur
domicile dans un Etat membre pour les contestations se rapportant à l’exploitation
de la succursale
Condition pour l’application de la protection (art. 15 – pour les contrats non à
crédit): « le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales
ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son
domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers
plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces
activités »
c) Interprétation du texte
Remarque préliminaire : abandon de la condition de la Convention de Bruxelles que
le contrat soit passé dans l’Etat du domicile du consommateur – Critère réputé non
adapté à internet – Conséquence sur l’application de la protection lorsque le
consommateur télécharge de l’information lors d’un déplacement à l’étranger
Portée générale de l’article 15 : consommateur internaute susceptible d’être protégé
comme un consommateur ordinaire
Première condition : activité « exercée » ou « dirigée » vers un Etat membre –
Protection du professionnel qui évite une compétence non prévisible
Concept d’activité dirigée : terme choisi spécifiquement pour tenir compte des
nouvelles technologies – affaire Heller : le fait qu’un site web puisse être consulté sur
internet au départ d’un Etat suffit-il pour qu’une activité soit dirigée vers cet Etat ?
Discussions intenses sur la signification du terme dans le préambule lors des travaux
préparatoires
Proposition originale de la Commission : application de la protection dès que le site
est accessible à partir du for
Amendement proposé par le Parlement : activités dirigées de manière délibérée et
16
substantielle vers le for
Texte final : aucune indication dans le préambule
Déclaration postérieure du Conseil et de la Commission : insuffisant que le site soit
« accessible », protection joue lorsque le site « invite à la conclusion de contrats à
distance et qu’un contrat a été effectivement conclu à distance, par tout moyen » ;
consécration de cette déclaration dans le préambule du règlement Rome I (voy.
infra)
Consécration, en substance, de la distinction site passif / site actif ou interactif –
Parallélisme avec le test Zippo du droit américain
Difficultés liées à l’application de la distinction : évolution de la technologie,
utilisation de « cookies »
Distinction critiquable : lier la protection au site actif est à la fois trop restrictif (site
passif peut établir une activité de promotion dirigée spécialement vers un Etat) et
trop extensive (site actif peut être dirigé uniquement vers certains marchés)
Interprétation plus littérale : concept d’activité dirigée fondée sur l’idée de
« direction » ou de « cible » du site – Prise en compte de tous les éléments de l’espèce
pour déterminer quelle est l’audience recherchée du site :
- e-mails (sollicité ou non – spam) : problème du suffixe, national ou non
- nom de domaine du site : problème du suffixe, national ou non
- langage, si géographiquement limité
- monnaie, si géographiquement limité
- nature ou spécificités techniques du produit
- information de contact (tel. local, adresse locale)
- services après-vente
- promotion locale (TV, radio, presse)
- audience spécialement identifiée
- filtrage d’accès (enregistrement du consommateur, vérification de l’adresse, etc.)
(problème de la conclusion du contrat nonobstant l’information ou de la fausse
déclaration du consommateur)
Seconde condition prévue à l’article 15 : le contrat entre dans le cadre des activités
dirigées vers l’Etat – Hypothèse de la pluralité d’activités dirigées vers différents
Etats
2. La loi applicable
L’application de l’article 5 de la Convention de Rome / 6 du règlement Rome II
Approche générale : loi de la résidence habituelle du consommateur (au moins les
dispositions impératives en cas de choix) ; protection du consommateur passif
uniquement
Convention de Rome : trois hypothèses dans lesquelles le consommateurs est passif :
a) conclusion du contrat précédée d’une proposition spécialement faite ou d’une
publicité dans l’Etat de résidence du consommateur, pour autant que le
consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du
contrat ; b) cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la
commande du consommateur dans le pays où il a sa résidence habituelle ; c) voyage
organisé par le vendeur à l’étranger et passation de la commande à l’étranger
Rome I : transposition du système de Bruxelles I : exercice ou direction d’activités
vers l’Etat de la résidence habituelle du consommateur, ou « vers plusieurs pays, dont
celui-ci »
Exception du cas où les services dus au consommateur doivent être fournis
17
exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle ;
distinction selon qu’il y a exécution physique (solution traditionnelle) ou numérique
(services fournis exclusivement sur l’ordinateur du prestataire ? critique ; le
consommateur doit accéder au service au départ de son propre ordinateur, en
principe à partir du pays de sa résidence habituelle)
Combinaison avec les lois de police de l’article 7 / 9 ?
F. La responsabilité extra-contractuelle
- H. Muir Watt, « Cyberage Conflict Law : Yahoo ! Cyber-Collision of Cultures : Who
Regulates ? », 24 Mich. J. Int’l L. 673 (2003)
- D.A. Laprès, « L’exorbitante affaire Yahoo », J.D.I, 2002, p. 975 s.
- G. Stuer et Y. Deketelaere, note sous l’arrêt Yahoo, J.T., 2001, p. 421 s.
Faits délictueux et quasi-délictueux liés à la communication électronique
Exemples : représentation portant atteintes au droit à l’image, propos incitant à la
haine raciale consultable en ligne, ouvres musicales communiquées sans
l’autorisation de l’auteur, transmission d’images à caractère pédophile
Actions civiles introduites par la personne victime ou l’organisme en charge de
défendre les intérêts dont on invoque l’atteinte
1. La juridiction compétente
Etats-Unis : approche identique en matière contractuelle et extra-contractuelle –
Affaire Zippo concernait un litige extra-contractuel : utilisation illicite de la marque
Zippo détenue par une société de Californie par un site web appartenant à une
société de Pennsylvanie proposant des news.
Europe : application de l’article 5-3 du règlement : lieu du fait dommageable
Jurisprudence Bier / Shevill : choix entre les lieux du fait générateur et du dommage
Problème de localisation ; comparaison Shevill : le fait générateur est la publication,
le dommage est la diffusion ; transposition au domaine de l’internet ? controverses
(fait générateur : lieu du serveur ? ; dommages : dans tous les lieux où le site est
accessible, c’est-à-dire partout dans le monde ?)
Influence de la jurisprudence Réunion européenne (1998) : hypothèse où le lieu où
l’événement causal s’est produit est difficile, voire impossible à déterminer
(inapplication du for du lieu du fait générateur)
Application dans le domaine de la propriété intellectuelle
Fait générateur : distinction selon que l’activité illicite se localise exclusivement sur
internet (impossibilité de déterminer le fait générateur) ou que l’activité illicite se
localise aussi dans le monde réel (cf. litige en concurrence déloyale où on invoque un
usage prétendument illicite d’un nom commercial par le biais de plusieurs moyens,
dont internet)
Dommage : difficultés ; compétence en tout lieux ? cf. Paris 1er
mars 2000 : en cas
d’infraction aux droits de propriété intellectuelle par une diffusion d’information sur
internet, le fait dommageable se produit en « tous lieux » où les informations
litigieuses ont été mises à la disposition des utilisateurs éventuels ; cf. Cassation fr., 9
décembre 2003 : dès qu’un site, « fut-il passif » est « accessible » sur le territoire
français, le préjudice allégué du fait de la diffusion n’est « ni virtuel, ni éventuel » en
France, de sorte que la compétence est établie ; cf. affaire Yahoo ! (renvoi) ; cf. affaire
Payline (marque : renvoi) ;
Autre approche : marché visé par les activités du défendeur ; cf. gde instance Paris,
18
11 mars 2003 (marque : renvoi).
2. La loi applicable
Règlement Rome II
Règles générales en cascade : 1) résidence habituelle commun des parties ; 2) lieu du
dommage (quel que soit le lieu du fait générateur et le lieu des conséquences
dommageables indirectes) ; 3) liens manifestement plus étroits avec un autre pays
Application dans le domaine d’internet ; difficulté d’identification du lieu du
dommage
Règle particulière en matière de droits intellectuels (supra)
Impact de la directive sur le commerce électronique : clause de marché intérieur
L’affaire Yahoo ! (J.T., 2001, p. 421 s.); action en référé de diverses associations anti-
racistes contre Yahoo Inc. visant à faire interdire la mise à disposition sur le
territoire français d’images évoquant le nazisme; pauvreté du raisonnement juridique
sur les questions de droit international privé; observation que « la simple
visualisation en France » des objets incriminés constitue une violation à la loi pénale
française et cause un dommage en France; il en résulte un lien de rattachement avec
la France « suffisamment caractérisé »
Réaction des juges américains: refus de tout effet aux Etats-Unis de la décision
française; anti-suit injunction
Controverses sur la solution; critiques: tentative d’imposition de la loi Française aux
Etats-Unis (réponse: tentative par le juge américain d’imposition de la loi américaine
(liberté d’expression) en France; multiplicité des droits applicables; impossibilité de
respecter le droit privé de tous les Etats; exacerbation des conflits de cultures;
absence de prise en compte de la destination du site
Solutions par la voie technique: la compartimentalisation de l’internet; applications
dans l’affaire Yahoo
Approche différence en matière de droits intellectuels (voy. infra)
3. La reconnaissance et l’exécution du jugement
Question de la contrariété à l’ordre public de l’Etat requis
Application aux Etats-Unis: les tribunaux américains refusent de donner effets aux
décisions étrangères qui violent le principe de free speech
Choc des valeurs
4. Questions de droit pénal
Principes de base: territorialité du droit pénal; absence d’application du droit pénal
étranger; absence d’exequatur
Théorie de l’ubiquité: il suffit que l’un des éléments constitutifs de l’infraction soit
localisé sur le territoire
Application à l’internet: multiplicité des lois pénales susceptibles de s’appliquer;
application dans l’affaire Yahoo ! (poursuites pénales postérieures à l’action civile à
charge de Yahoo et de son ancien PDG ; correct. Paris, 26 février 2002 : compétence
des tribunaux français en raison de la disponibilité du site en France ; autre approche
in Paris, 10 novembre (affaire de diffamation par internet) : le lieu de réception est
« aléatoire », le critère du lieu du site sur lequel sont publiés les informations permet
19
un repère objectif pour déterminer l’application de la loi
Impact du domaine coordonné ? l’affaire Gambelli
III. QUESTIONS SPECIFIQUES CONCERNANT LA PROTECTION
INTERNATIONALE DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE SUR
L’INTERNET
A. Droit d’auteur et droits connexes
Droit d’auteur s’applique à toutes les œuvres littéraires et artistiques ; droits
connexes protègent ceux qui ajoutent de la valeur à la présentation des œuvres
littéraires et artistiques au public
Principes de la Convention de Berne ; renvoi
Application du principe de la loi d’origine ; lieu de première publication de l’œuvre ;
difficulté d’application dans le domaine de l’internet : la mise en ligne répond-elle à
la définition d’une publication qui suppose la fabrication d’« exemplaires »
(Convention de Berne) ? Controverses ; thèse de la publication dans tous les pays
(blocage car lois multiples) ; thèse du lieu de mise en ligne (difficulté pratique
d’identification) ; thèse de l’absence de publication ; conséquence : rattachement à la
loi nationale ou de résidence de l’auteur ?
Application de la loi du pays où la protection est réclamée ; difficulté d’application
dans le domaine de l’internet : pays où l’œuvre a été contrefaite (par exemple,
numérisation à partir d’une télévision), où elle a été mise en ligne pour la première
fois, où le serveur qui héberge le site web est localisé, où elle peut être consultée ?
Conséquence sur le caractère potentiellement mondial de toute atteinte au droit
d’auteur sur internet ; conséquence sur l’application systématique du droit du for
Affaire SAIF v. Google (TGI Paris 20 mai 2008) ; transposition, en application de la
Convention de Berne, de la jurisprudence Waterworld au domaine de l’internet ;
action de sociétés de défense de droit d’auteur français contre Google Inc. pour
contrefaçon par représentation et reproduction d’œuvres appartenant à son
répertoire par le moteur de recherche « Google Image » ; TGI : application de la loi
du pays « sur le territoire duquel se sont produits les agissements incriminés. C’est la
notion de lieu où le fait générateur de la contrefaçon a été réalisée qui est retenu pour
déterminer la loi applicable au litige et non celle du lieu où le dommage est subi »
Parallélisme avec la directive « cable et satellite » : application de la loi de l’Etat
« dans lequel, sous le contrôle et la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion, les
signaux porteurs de programmes sont introduits dans une chaine ininterrompue de
communication conduisant au satellite revenant vers la terre »
Critique : fuite vers des « paradis informationnels » ? Pas nécessairement, car (i)
harmonisation minimale des droit d’auteur par les conventions internationales, (ii)
prise en compte du critère de l’établissement plutôt que du lieu technique d’injection
des informations, (iii) théorie de la fraude à la loi
Nouvelle Affaire Google (Edition du Seuil v. Google Inc et France, TGI Paris 18
décembre 2009) : action en contrefaçon contre Google pour numérisation et
reproduction de livres français ; application de la loi française en raison des « liens
plus étroits » avec la France (ouvrages numérisés en français, par des auteurs français,
accès aux livres par l’intermédiaire de Google.fr)
Initiatives de l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) ; Traités
internet de 1996 : Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur ; Traité de l’OMPI sur les
interprétations et exécutions et les phonogrammes
20
Directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et
des droits voisins dans la société de l’information
Principe du contrôle par les titulaires des droits de la mise à disposition du public
aux fins de téléchargement ou de consultation sur internet des œuvres
Protection de l’atteinte au droit moral (risque particulier de manipulation sur
internet des œuvres protégées)
Sanction et gestion des droits : solutions viennent notamment de la
technologie (dispositifs anticopie, contrôle d’accès, cryptage, mots de passes,
tatouage, empreinte, etc.) ; l’exemple des techniques limitation l’utilisation ou la
reproduction d’un CD ; protection des techniques visant à protéger les œuvres :
principe de l’antineutralisation consacrées par les Traités (mesures juridiques
permettant de lutter contre les techniques de neutralisation qui visent elles-mêmes à
freiner les mesures techniques de protection) ; exemple de l’interdiction de
publication des codes permettant de décrypter un système de brouillage
B. Marques et autres signes distinctifs
Rôle essentiel des marques dans le commerce ; lien entre un produit ou un service et
sa provenance, son fabriquant, et donc détermination de la qualité du produit et du
service
Importance des marques renforcée sur internet, en l’absence de relations de personne
à personne
Importance de la protection des marques
Principe de territorialité du droit des marques
Tension entre le caractère territorial du droit des marques et la nature planétaire de
l’internet
Distinction entre deux questions en droit substantiel
L’acquisition du droit à la marque : principe de l’acquisition par son « utilisation
effective » sur un territoire national déterminé (largement reconnu en droit
comparé) ; application à l’internet : utilisation effective dans le monde entier ?
utilisation effective uniquement si présence dans le marché concerné (par des ventes
effectives dans ce marché) ?
L’atteinte au droit à la marque : principe de l’atteinte par utilisation d’un signe sur
internet : exemple d’utilisation sur un site internet hébergé dans un pays d’un
symbole correspondant à une marque déposée dans un autre pays ; principe que
l’utilisation d’un signe ne porte atteinte à une marque que si elle est réputée avoir eu
lieu dans le pays où celle-ci est protégée ; application à l’internet : l’affichage d’un
signe sur internet constitue-t-il une utilisation, et donc une atteinte ? Controverses ;
universalité de l’usage ou nécessité d’un lien entre l’utilisation du signe sur internet
et le pays dans lequel la marque est protégée ? prise en compte de l’interactivité du
site ? question de savoir si l’utilisateur d’un signe sur internet peut déclarer décliner
tout lien avec un certains pays en affichant un avertissement (= tentative de
territorialiser l’usage d’un signe)
Question de la protection judiciaire du droit à la marque : un juge peut-il exiger la
cessation de l’usage d’un signe où que ce soit sur internet ? Contrariété avec le
caractère territorial du droit à la marque ; solutions moins globales (cf. injonction de
prendre des mesures pour éviter l’établissement de contacts avec le territoire pour
lequel le titulaire de la marque disposition d’un droit exclusif)
Question de la coexistance de droits à la marque sur internet (marques identiques ou
21
similaires appartenant à des propriétaires distincts dans des pays différents) ; bras de
fer judiciaire visant à faire interdire à l’autre l’utilisation de la marque ; solution par
un principe d’utilisation concurrente moyennant certaines limitations
Evolution de la jurisprudence
Première approche : action possible partout à le site est accessible ; affaire Payline
(gde instance Nanterre, 13 octobre 1997): marque déposée en France ; action en
justice pour atteinte à la marque par une société allemande utilisant la même
marque ; constatation par huissier que le site est accessible en France ; effets
potentiellement dommageables en France justifie la compétence judiciaire française
(transposition jurisprudence Shevill) ; cf. aussi Cass. Fr., 9 déc. 2003, Castellbranch
(site « accessible sur le territoire français » suffit à justifier la compétence)
Deuxième approche : prise en compte d’autres éléments que l’accessibilité du site ;
recherche d’un critère de connexion unique, variable selon les décisions : langue du
site (TGI paris, 11 février 2003 : une contrefaçon de marque n’est établie sur le
territoire français que si l’activité du siège incriminé est « dirigée » contre la France) ;
distinction site passif/actif (Brême, 17 février 2000); territorialité de la marque
(affaire Liberty-voyage.com (Bxs. 2 décembre 2004) : action contre un défendeur suisse
pour atteinte à la marque en Belgique ; compétence exercée sur base de l’article 5-3°
de la Convention de Lugano en raison du caractère territorial de la marque)
Troisième approche : le public visé par le site ; utilisé d’abord sous l’angle de la
substance du droit (Cass. Fr. 11 janv. 2005 : pas de contrefaçon si le site ne visait pas
des clients sur le territoire en cause), ensuite sous l’angle juridictionnel (Paris, 26
avril 2006, Normaly / Acet, exigeant un lien suffisant : en l’espèce, incompétence des
tribunaux français s’agissant d’un site en anglais, n’offrant pas de produits aux clients
français, sans qu’il soit établi que le produit était même en vente en France ; Paris, 2
juillet 2007, AXA v. Google, exigeant que le site ait un « impact économique sur le
public français » : en l’espèce, assignation de Google France et Google US en raison
de l’utilisation de du système AdWords par lequel des publicités pour des produits
concurrents apparaissent quant des noms de marques son recherché ; constatation
que les AdWords n’apparaissent pas sur Google.fr mais sur les sites anglais, allemand
et canadien ; CA refuse aussi l’utilisation du for des co-défendeurs, cf. supra)
Parallélisme avec la jurisprudence Calder aux Etats-Unis (Calder v. Jones 1984),
appliqué au domaine de l’internet (cf. Young v. New Heaven Advocate)
C. Noms de domaine
Notion ; forme simplifiée des adresses de l’internet (correspondant à l’adresse
numérique ou adresse IP – Internet Protocol); domaines génériques (.com .org .net
.info) ou nationaux (.fr .be .uk .ch)
Gestion par l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers);
organisme privé; problèmes et tentatives de réforme
Double fonction : localiser les sites web ; identification des entreprises et de leurs
produits ou services sur internet
Valeur économique comparable à celle des autres signes distinctifs (marque)
Enregistrement essentiellement libre des noms de domaine de manière privée ;
pratiques de cybersquattage ; nombreux litiges
En Belgique : conditions générales d’utilisation du domaine générique « .be » :
plainte possible si trois conditions cumulatives (1) nom identique ou créant une
confusion avec un nom sur lequel le plaignant a un droit (par exemple, une
marque) ; (2) utilisateur n’a aucun droit ou aucun intérêt légitime sur ce nom ; (3)
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nom de domaine enregistré ou utilisé de « mauvaise foi » ; litiges : affaire Roland
(Réf. Oudenaerde) : atteinte à la marque est une pratique contraire aux usages
honnêtes en matière commerciale ; affaire Tractebel : national Belge établi aux USA
ayant réservé toute une série de noms prestigieux pour les revendre ; com.
Bruxelles : c’est une « opportunité d’affaire » licite ; réformé en appel (CA
Bruxelles) : pratique contraire aux usages honnêtes
Nombreux litiges dans d’autre pays
Nouvelle approche : principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges
relatifs aux noms de domaine (adoptés par l’ICANN) ; utilisation du Centre
d’arbitrage et de médiation de l’OMPI (basé à Genève) pour les noms de domaine
génériques et pour certains noms de domaine nationaux (en vertu de décision des
administrateurs nationaux de ces noms) ; possibilité de demander (par une plainte
dont le modèle est en ligne) le transfert ou la radiation d’un nom de domaine pour
trois motifs (ayant inspiré la législation belge) : a) nom identique à une marque sur
lequel le demandeur a des droits ; b) détenteur du nom n’a aucun droit sur le nom ni
aucun intérêt légitime dans celui-ci ; c) nom utilisé de mauvaise fois
D. Brevets
Importance du droit des brevets
Combinaison de la nécessité pour le titulaire de bénéficier de l’exploitation de son
invention et d’utilité d’assurer sa diffusion dans le public
Question de brevetabilité (renvoi)
Principe de territorialité du droit des brevets ; nécessité d’un enregistrement pays
par pays ; protection limitée au pays concerné
Convention de Paris ; principe du traitement national ; principe du droit de priorité
(pour l’enregistrement dans différents pays)
Localisation de l’atteinte au brevet ; applications des principes traditionnels de droit
international privé et difficultés d’application à l’internet (renvoi)
Propositions de règlement sur le brevet communautaire et de règlement sur un
tribunal communautaire des brevets.