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I Ex Musica : premier concert à Fribourg Bon départ musical Le premier concert de la Semaine de musique ancienne à Fribourg a pris un bon départ musical. Samedi soir der- n ier, Olivier Delessert , orgue, et Alain Clément , baryton , interprétaient des pages de Frescobaldi , Alessandro Grandi et Maurizio Cazzati dans un style appréciable et un climat expressif déjà favorable à l'éclosion nouvelle de cet art ancien. Le Sonetto spirituale «Magdalena alla Croce» de Girolamo Frescobaldi alterne contrastes virulents et pathéti- ques que la voix d'Alain Clément mar- que d'inflexio ns toujours bien mesu- rées. De même dans les deux motets de 1628 d 'A. Grandi (f 1630), « Cantabo Domino» et «Jesu mi dulcissime» le chanteur restitue lefigurâlisme hypoty- posique de la musique du compositeur d' une techn ique irréprochable, ce qui en accroît singulièrement le sens : une peinture architecturée dans l' espace du lieu sonore à la louange de Dieu. L' au- tre motet de Maurizio Cazzati (1620- 1677), «In Cavaria rupe » , est plus théâtral. Son rythme de cavatine à la « sicilienne» accorde à la partie d' orgue Manderscheidt de jolis traits aux cou- leurs sonores très f ines. Après cette prem ière partie un rien démonstrative, la «Messa delli Aposto- li» de Frescobaldi (1583-1643) co, ' fère une touche plus intérieure au récital des deux musiciens. On apprécie la sobriété des interventions du baryton dans les passages grégoriens - notamment un Gloria tout en dem i-teinte - mais aussi le jeu organistique d'Olivier Delessert dans les diverses «canzone» « toccate» ou « ricercare» qui est sobre et précis . L' utilisation à bon escient de la regis- t rat ion de l' orgue baroque utilisé per- met par exemple d' entendre le jeu de régale au pédalier dans le «recercar» après l'Agnus Dei. Cette «Messa delli Apostoli» nous plonge au cœur d' une époque et de sa liturgie. Passionnant de remarquer l'intelligence du composi- teur à la réalisation de ses pages d' or- gue: une «canzone» après le graduel , un «recercar» cromatico après le Credo (pour susciter la réflexion inté- rieure), une «toccata » cérémonieuse avant l'élévation et de nouveau une «canzone» à quatre thèmes fugues après la Communion. Un voile levé sur notre histoire, sur un paysage qui ras- semble bien plus qu 'il ne désunit ! Bernard Sansonnens « NOTÉ | EN MARGE t Lorsque l' on décide de prendre le chemin de la chapelle de l'hôpital des Bourgeois, l 'on sait d' avance que ce lieu n ' est pas un opéra Ton y trouverait une niche douillette. Pourtant , les orga- nisateurs auraient songer au chauf- fage , déficient ce samedi soir, ainsi qu ' à soigner quelques détails de présenta- tion tels qu ' un propos plus bref pour introduire les pages présentées. Le lieu de concert est toujours à préserver de toutes immixtions superflues. Question d' acte de confiance en la simple parole de la musique. BS

BS Bon départ musical · Léon Francioli à La Spirale L'indicible beauté Léon et sa contrebasse maîtresse. Parfois, on se dit qu on dérange. Jùrg Zimmermann Face à la performance

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Page 1: BS Bon départ musical · Léon Francioli à La Spirale L'indicible beauté Léon et sa contrebasse maîtresse. Parfois, on se dit qu on dérange. Jùrg Zimmermann Face à la performance

Léon Francioli à La Spirale

L'indicible beauté

Léon et sa contrebasse maîtresse. Parfois, on se dit qu on dérange.Jùrg Zimmermann

Face à la performance de Francioli,samedi soir à La Spirale , le combat desmots est perdu d 'avance... Seul avec sacontrebasse, Léon s 'est baladé du côtéde l 'intense et du sublime. Pour le plusgrand plaisir d'un public très attentifsubjugué et conscient d 'assister à unévénement rare et précieux.

En un peu plus d 'une heure, Fran-cioli à mis son cœur à nu... Se consa-crant corps et âme à sa contrebassemaîtresse. Tantôt la martelant , la frap-pant comme un affreux malfrat , tantôtla caressant comme un amoureux tran-si, jusqu 'à la faire jouir , bois et cordes.L 'amour parfait.

Les yeux clos, comme pour intériori-ser encore plus ses émotions et ses er\-vies, Léon ne fait plus qu 'un avec soninstrument. Image forte que de voir sonvisage ruisselant sous l 'intensité du mo-ment... Parfois, on se dit qu 'on dérange!Alors, d 'un clin d 'œil complice, le musi-cien remet les choses au point. Il estbien là pour son public. Soupirs.

Râles, couinements, glissements pro-gressifs des harmoniques, vibrations in-times, archet sensuel au possible, jus-qu 'aux limites d 'une note qui meurt...Pas forcêmment du free jazz , comme

èmMt MXAJM L̂

Tout reprendre à zéro?De 1983 à 1990, lors de 6 votations concernant 9 objetstouchant aux transports, le peuple suisse s'est clairementprononcé sur la politique des transports.

Accepter une telle initiative équivaudrait à tout reprendreà zéro alors que la politique suivie jusqu 'à ce jour a fait ses

" Comité fribourgeois «Gouffre à milliards»

... de la franchise politique à ce «comité fribourgeois Gouffre à milliards», cons-titué apparemment pour contester et dénoncer sa propre existence. On n'estjamais bien servi que par soi-même , non? Le Crieur

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Lundi 18 mars 1991

Mite SIpensent les ignorants , mais seulementla musique d 'un homme qui, en usantde son instrument comme d 'une voix,rejoint les démarches de John Coltrane,de Jimi Hendrix et d 'Albert Ayler. Leslimites sont faites pour être franchies,sinon la musique n 'a plus aucune chan-ce, plus de raison d 'être!

Virtuosité et anarchie, deux mots quipeuvent bien s 'épouser sous l 'archet deFrancioli. Le voyage au «pays de ladame acoustique» est un aller simplevers une approch e du bonheur, et par-fois aussi de la douleur. Ceux qui sontmontés dans le wagon de Léon l 'ontbien compris. Ce qu 'ils ne savaient pas,c'est que le musicien souff rait atroce-ment de son bras gauche... Chapeaul'artiste!

Pierre-André Zurkinden

Les bases du concert peuvent être re-trouvées dans le récent CD de LéonFrancioli: Acoustic Ladyland. Distr. :Plainisphare, Vich.

lALaatTÉ REGION 19

Ryoko et Patrick Naef invités des JM de Fribourg

Sensibilité impressionnisteLes Jeunesses musicales de Fribourg

ont invité vendredi soir dern ier à leurquatrième concert à l'abonnement uneformation originale en duo: Ryoko etPatrick Naef- Yosch ida, piano et clari-nette, dans un programme comprenantBernstein, Penderecki, Weber, Reger etDebussy. Leurs interprétations se sontdistinguées par une constante clarté dejeu, ainsi qu 'une expressivité sensible etnaturelle. L 'univers de Léonard Berns-tein dans la Sonate pour clarinette etpiano de 1942 amalgame les genresdans une écriture recherchée. Les am-biances de cette musique sont bien sen-ties par Ryocko et Patrick Naef asso-ciant goût de la couleur du timbre etvélocité motorique - on y devine despassages très debussystes (l'andantinoet son rythme anapeste remémorant«Des pas sur la neige» du livre des Pré-ludes) - mais aussi des extraits où la

mesure composée annonce la futuremusique d 'opérette du chef d 'orchestrecompositeur.

Les trois Miniatures de KrzysztofPenderecki sont des pièces amusanteset courtes. Le rythme et les thèmes trai-tés dans un contrepoint ciselé sont ser-vis par des interprétations d 'un grandraffinement sonore.

La musique de Cari Maria von We-ber est bon enfant , mais d 'une notabledifficulté d 'exécution. On aurait sou-haité peut-être une fa çon de jouer lepiano un peu plus présente et prégnante- c 'est-à-dire moins « impressionniste»- afi n de mettre davantage en «son »l 'harmonie de la partition. PatrickNaef excelle cependant aux lignes deses solos par un beau sens du phrasé etune sonorité d 'une splendide cha-toyance de timbre.

La Sonate en la bémol majeur opus

49 N " 1 de Max Reger est intelligem-ment exécutée par les deux artistes. Lasobriété de leur jeu allégeant le discourschâtié du compositeur laisse mieuxtransparaître la résurgence du choralluthérien transcendant toute l 'inspira-tion du compositeur.

En concluant leur programme par lapremière rhapsodie de Claude Debus-sy, Ryoko et Patrick Naef-Yosch ida af-f irment leur prédilection pour la sensi-bilité impressionniste. Le toucher develours de la pianiste comme la subti-lité de jeu de la clarinette conviennent àcet art racé de la demi-teinte. Ryoko etPatrick Naef pratiquent la musiqueavec précision et intériorité. Une âmemusicale habite chacune de leurs inter-prétations. .. ce qui est à relever à l'heureoù la froide et fonctionnelle techniquemenace la vie même de la musique.

BS

Ex Musica: premier concert à Fribourg

Bon départ musicalLe premier concert de la Semaine de

musique ancienne à Fribourg a pris unbon départ musical. Samedi soir der-nier, Olivier Delessert, orgue, et AlainClément, baryton , interprétaient despages de Frescobaldi, AlessandroGrandi et Maurizio Cazzati dans unstyle appréciable et un climat expressifdéjà favorable à l'éclosion nouvelle decet art ancien.

Le Sonetto spirituale «Magdalenaalla Croce» de Girolamo Frescobaldialterne contrastes virulents et pathéti-ques que la voix d'Alain Clément mar-que d'inflexions toujours bien mesu-rées. De même dans les deux motets de1628 d 'A. Grandi (f 1630), « CantaboDomino» et «Jesu mi dulcissime» lechanteur restitue lefigurâlisme hypoty-posique de la musique du compositeurd 'une technique irréprochable, ce qui enaccroît singulièrement le sens: unepeinture architecturée dans l'espace dulieu sonore à la louange de Dieu. L 'au-tre motet de Maurizio Cazzati (1620-1677), «In Cavaria rupe», est plusthéâtral. Son rythme de cavatine à la

«sicilienne» accorde à la partie d'orgueManderscheidt de jolis traits aux cou-leurs sonores très f ines.

Après cette première partie un riendémonstrative, la «Messa delli Aposto-li» de Frescobaldi (1583-1643) co, 'fèreune touche plus intérieure au récital desdeux musiciens. On apprécie la sobriétédes interventions du baryton dans lespassages grégoriens - notamment unGloria tout en demi-teinte - mais aussile jeu organistique d 'Olivier Delessertdans les diverses «canzone» « toccate»ou « ricercare» qui est sobre et précis.L 'utilisation à bon escient de la regis-t rat ion de l 'orgue baroque utilisé per-met par exemple d 'entendre le jeu derégale au pédalier dans le «recercar»après l 'Agnus Dei. Cette «Messa delliApostoli» nous plonge au cœur d'uneépoque et de sa liturgie. Passionnant deremarquer l'intelligence du composi-teur à la réalisation de ses pages d 'or-gue: une «canzone» après le graduel,un «recercar» cromatico après leCredo (pour susciter la réflexion inté-rieure), une «toccata » cérémonieuse

avant l 'élévation et de nouveau une«canzone» à quatre thèmes fuguesaprès la Communion. Un voile levé surnotre histoire, sur un paysage qui ras-semble bien plus qu 'il ne désunit !

Bernard Sansonnens

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NOTÉ| EN MARGE t

Lorsque l 'on décide de prendre lechemin de la chapelle de l 'hôpital desBourgeois, l 'on sait d 'avance que ce lieun 'est pas un opéra où Ton y trouveraitune niche douillette. Pourtant, les orga-nisateurs auraient dû songer au chauf-fage, déficient ce samedi soir, ainsi qu 'àsoigner quelques détails de présenta-tion tels qu 'un propos plus bref pourintroduire les pages présentées. Le lieude concert est toujours à préserver detoutes immixtions superflues. Questiond 'acte de confiance en la simple parolede la musique. BS

Une conférence pour introduire Ex Musica

La perspective historiqueLes œuvres qui brisent les ponts je-

tés entre les périodes de l'histoire nesont pas bonnes. Mendelssohn ressus-cita Bach, Debussy trouva son style aucontact de Lassus, Varèse vénérait lesinstruments anciens. Les maillons res-serrés forment une chaîne. Une pers-pective historique rétablie. Tels sontrésumés les propos de la conférenceprésentée par Jean-Yves Haymoz, pro-fesseur d'harmonie et de l'histoire de lamusique ancienne aux Conservatoiresde Fribourg et Genève, pour inaugurerla Semaine de musique ancienne ExMusica.

IrnNPPRFKCFr̂ HJean-Yves Haymoz se place des

deux côtés du barreau. Défenseur del'art des XVe au XVIIIe siècle, il justifiel'intérêt porté à cette musique en notretemps propice à l'investigation. Ils'agit, selon le conférencier, de remet-tre chaque chose à sa place. Par exem-ple, de savoir que la musique anciennese pratiquait un peu comme le jazz :l'œuvre n'était souvent jouée qu'uneseule fois et les musiciens devaient êtredes improvisateurs armés de tout l'ar-senal de codifications techniques etstylistiques nécessaire. Les formulesrythmiques (tactus), cadentielles, lesindications de phrasés sont alors au-tant de figures à maîtriser afin de con-naître le fonctionnement des systèmesanciens. Ce labeur d'archéologue,poursuit Jean-Yves Haymoz, débou-che le plus simplement du monde surla sereine certitude que les liens ratta-chant l'ancienne de la nouvelle musi-que (le romantisme et le XXe siècle)sont plus évidents qu'on ne le croit.Mahler jouait au piano ses œuvresdans une précision de lignes très affir-

mée et des phrasés parfaitement ponctués, comme d'ailleurs Claude Debussy. Ce n'est que plus tard qu 'un pathétisme exagéré enflait la sonorité jusqu'à la déraison.

Pas un ghettoAvocat de la «partie civile», Jean-

Yves Haymoz voit d'un très mauvaisœil le ghetto auquel se confine la musi-que ancienne. Tout clivage est néfasteet tend rapidement à engendrer le sec-tarisme. Le musicien met également engarde le passionné de musique an-cienne contre la justification littéraireou livresque séparée de sa réalité sono-re. Comprendre notre musique, la con-naître, c'est savoir choisir des modèlesd'interprétation et non pas s'ériger endocteur de la vérité.

Artiste et charlatanIci, Jean-Yves Haymoz cite une dé-

licieuse anecdote de la vie de FranzLiszt. En 1844, le pianiste-composi-teur rendait visite à Jean-Josph Bona-venture Laurens dans la cité de Mont-pellier. Celui-ci l'apostropha en ces ter-mes : «Vous passez pour un aussigrand charlatan que grand artiste!»Liszt répliqua en exécutant par troisfois une grande fugue d'orgue de Bach.La première fois, dans le style classiquevoulu par l'original; la seconde fois,comme il la sentait , avec plus de pitto-resque dans le mouvement que permetun instrument moderne de son temps;enfin , la troisième fois, comme uncharlatan ! La comparaison n'est pasparfaite, ni l'adéquation des mots.Mais peut-être qu'en art , il faut être ungrand artiste pour être un vrai charla-tan , de même qu 'il faut savoir êtreancien pour être moderne!

Bernard Sansonnens

Un ensemblequi enchante

«Gais Vulliérains» à Nant

Soirée toute de charme, de jeunesseet d'éclectisme samedi à Nant où legroupe folklorique «Les Gais Vullié-rains» conviait le public à son spectacleannuel. Sourire et enthousiasme auprogramme!

Présidé depuis trois ans par France-lyne Gaillet , l'ensemble réunit unetrentaine de danseurs et de danseuses.Monitrice, Gabrielle Javet peut comp-ter sur une belle phalange de jeunesqui , samedi, s'offrirent d'intermina-bles applaudissements.

Fidélité récompenséeAux polkas, valses et mazurkas des

adultes et des enfants, présentées parChristian Raemy, succéda l'allocutionde Francelyne Gaillet , heureuse del'excellent esprit dont sont animés«Les Gais Vulliérains». La bonneforme du groupe - qui accueilleraitvolontiers de nouveaux éléments -n'est pourtant pas le fruit du hasard.Deux membres particulièrement dé-voués et engagés à sa cause eurent ainsidroit , pour un quart de siècle de fidéli-té, à un hommage bien senti. Il s'agitd'Annie et de Charles Maquelin. Simadame confectionne elle-même lescostumes des jeunes, monsieur assumeune part très active dans le domaine dela chorégraphie. «Des gens très pré-cieux et appréciés» reconnut France-lyne Gaillet en leur décernant le di-plôme de membre d'honneur.

La soirée fut encore marquée par lesproductions de merveilleuses damesmoratoises sur lesquelles l'âge n'a pasde prise et par les morceaux de l'en-semble yverdonnois «Les Cuivres duchâteau» emmenés par Jacques Hurni.De quoi satisfaire tous les goûts! GP