11
C CERV Centre de Gestion et d’Economie Rurale de la Vallée La commercialisation du riz local, doit-on aller vers le protectionnisme ? Bulletin Analyse Economique Filière Riz Novembre 2013

Commercialisation du riz local,doit-on aller vers le protectionnisme?

Embed Size (px)

DESCRIPTION

 

Citation preview

Page 1: Commercialisation du riz local,doit-on aller vers le protectionnisme?

CCERV Centre de Gestion et d’Economie Rurale de la Vallée

La commercialisation du riz local, doit-on aller vers le protectionnisme ?

Bulletin Analyse Economique Filière Riz

Novembre 2013

MarcelMatarDiouf
For Comment
Page 2: Commercialisation du riz local,doit-on aller vers le protectionnisme?

SOMMAIRE

Les cours mondiaux baissent et se stabilisent, les prix domestiques aussi

La situation de la filière Riz local est très encourageante

L’autosuffisance en riz dans la VFS passe par la double culture

Histoire de la commercialisation du riz local, des acteurs aux fortunes diverses

La contractualisation, levier d’un sys-tème de commercialisation qui doit être effectif

CGER Vallée- Bulletin Analyse Economique Filière Riz Novembre 2013 2

Editorial

Mieux produire pour mieux vendre ou mieux ven-dre pour produire plus? Quelle stratégie adopter avec un objectif de 1 600 000 tonnes de paddy, soit 1 080 000 tonnes de riz blanc attendu à l’horizon 2018? On est en droit de se poser des questions: Comment et qui va produire tout ce riz? Où va t-on le stocker? Comment va-ton le transformer et sur-tout comment le commercialiser ?

Depuis la libéralisation de la filière riz en 1995, le secteur privé parvient difficilement à remplir les fonctions commerciales qui lui ont été concédées avouons le, un peu brutalement. Il y va de même pour les fonctions de production assurées par les producteurs qui pêchent par manque de profes-sionnalisme et ceux malgré l’appui des structures d’encadrement et de recherche de l’Etat.

Pourtant des perspectives positives se dessinent pour le riz local: il se “vend bien” car beaucoup d’efforts ont été fait dans le sens d’améliorer sa qualité, ce qui fait qu’il est de mieux en mieux ap-précié par les consommateurs urbains. Il est aussi de plus en plus accessible. Il faut dire que la prise de conscience de la nécessité de renforcer les maillons et les liaisons de la chaine de valeur identifié de la filière riz, n’y est sans doute pas étranger.

Le riz local se vend, les producteurs parviennent tant bien que mal à rembourser leur crédit de cam-pagne, mais ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas de problèmes de commercialisation. Il n’est plus question de stock invendu de pad-dy mais de prix rémunérateurs et de modalité de collecte et de paiement pour les producteurs, de qualité du riz commercialisé et de la régularité de l’approvisionnement pour les consommateurs, de prix de collecte et qualité du paddy pour les trans-formateurs (agro-industriels, riziers), et surtout de financement pour l’ensemble du système de com-mercialisation.

Les acteurs de la chaîne de valeur riz doivent aussi faire face à des risques liés à l’ instabilité chronique du marché du riz qui selon Diego Perez de Arce est due à la concentration de la production, de la con-sommation, des échanges mondiaux de riz dans un même espace climatique ainsi qu’à la faiblesse des ventes à l’étranger. Malgré l’aléa moral en amont, de part la configura-tion du marché l’assymétrie d’information en aval répartit la plus value dégagée de manière inéquitable au détriment du maillon le plus faible en l’occurence le petit producteur de paddy.

L’environnement institutionnel de la chaîne de valeur, héritage du passé à quelques détails près, y est pour beaucoup. L’Etat en tant que catalyseur de la chaîne peine à faire les arbitrages nécessaires (pro-ducteurs/consommateurs et petits producteurs/agro-industriels). De même les conflits d’intéret entre les acteurs qui pilotent la chaîne et ceux qui s’estiment en droit de la gouverner, plombent tout effort de mise en place d’un système de commer-cialisation efficace et efficient.L’Etat doit-il nécessairement revenir aux affaires comme acteur interne de la chaîne de valeur riz pour réussir le défi de l’autossuffisance en riz tout en sauvegardant la sécurité alimentaire surtout pour les exploitations agricoles familiales?

Produire et commercialiser ou pro-duire pour commercialiser

Marcel Matar DioufAgroéconomiste/Financier Chargé des Analyses Economiques CGERV

35

7

6

9Redynamiser le CIRIZ et Recadrer la SPCRS10

La commercialisation de la contre-saison chaude 2013 dans la VFS8

Page 3: Commercialisation du riz local,doit-on aller vers le protectionnisme?

CGER Vallée- Bulletin Analyse Economique Filière Riz Novembre 2013 3

La situation de la filière riz local est très encourageante

ETATS DES LIEUX

©NEW

SITK

AGRI

La production nationale de riz fluctue mais progresse, selon les sources of-ficielles 630 654 tonnes de paddy ont été produits en 2012 pour une su-perficie de 135 129 ha et un rendement de 4,6 t/ha, pourtant dans le même temps les importations augmentent +12% en 2012.

Le ton a été donné par le Pro-gramme Nationale d’Autosuffisance en Riz (PNAR) révisé, emblaver en 6 ans 408 214 ha pour 1 600 000 tonnes de paddy et uniquement pour la Vallée du Fleuve Sénégal (VFS) 950 000 tonnes pour 135 714 ha.

75% du riz paddy est produit dans le région de Saint-LouisEn 2012, sur le plan national les superficies fluctuent, plus 19% par rapport à l’année 2011 et moins 9% par rapport à l’année 2010. La région de Saint-Louis représente à elle seule 54% des emblavures en 2012 et 32% cumulé pour Ziguin-chor et Sedhiou.La production nationale a quant à elle progressé de plus de 30% par rapport à 2011 et de seulement plus 4% par rapport à l’année 2010. 75% du riz paddy est produit dans la région de Saint-Louis, 8% dans la région de Matam , 7% à Ziguinchor et 6% à Sedhiou.

Les indicateurs de la VFS sont au vertAu niveau de la VFS, les données de la Société d’Aménagement et d’Exploitation des terres du Delta (SAED) révèlent des superficies cul-tivées en riz d’hivernage lègèrement supérieures à celles de la contre saison chaude, tendance qui com-mence à s’estomper au regard des ratios. En effet pour l’année agri-

cole 2010-2011, 62% des superfi-cies ont été cultivées en hivernage contre seulement 38% en contre saison chaude. En 2011/12 par con-tre il n’y a pas de différences signifi-catives entre les superficies en riz d’hivernage (53%) et ceux de con-tre saison (47%). Ceci s’explique en partie par de meilleures conditions culturales augmentant la produc-tivité en contre saison chaude (6,60 t/ha en CSC et 5,20 t/ha en HIV en moyenne durant les trois dernières campagnes agricoles).

Il faut souligner que le département de Dagana concentre en moyenne 88% des superficies cultivées en riz de contre saison chaude et 60% de celles cultivées en riz d’hivernage. Il en est de même pour les quantités produites en riz paddy.

Les niveaux de production de la campagne 2012/2013 (369 309 tonnes) quant à eux, égalent ceux de la campagne 2008/09 ayant coincidé avec le programme GOA-NA (371 170 tonnes).

Les petits producteurs exploitent plus et produisent plus D’après les donées SAED issues de l’évaluation de la production de l’hivernage riz 2008/09, les périmè-tres irrigués en mode de gestion public ont doublé en emblavure et en production par rapport à ceux en mode de gestion privé. Notons qu’environ 90% des superficies exploitables en mode de gestion privé sont localisées dans le départe-ment de Dagana, rappelons que ces privés détiennent 52% des superfi-cies exploitables.

Page 4: Commercialisation du riz local,doit-on aller vers le protectionnisme?

ETATS DES LIEUX

La production nationale de riz augmente, les importations aussi Selon les chiffres de l’Agence Nationale de la Statistique et de la démographie (ANSD), la valeur CAF des importations de riz en 2012 s’élèvent à 207,6 milliards de Fcfa soit une augmentation de 15,38% par rapport à l’année 2011, les importations de riz représentant 6,9% du total général des importa-tions. En poids net les importations atteignent 918 898 tonnes soit une progression de 12,4% par rapport à l’année 2011.

En 2012, le riz importé nous vient principalement d’Inde (54,8%), de Thaïlande (15,1%) et du Brésil (7,7%) tandis qu’en 2011 il prove-nait de la Thaïlande (39,2%), du Vietnam (29,2%), du Brésil (12,5%) et de l’Argentine (6,1%).

La nécessité de réguler pro-gresivement les importations de riz Il est bien vrai entre 2007 et 2012, la production nationale affiche un taux d’accroissement moyen de 15%, mais elle progresse et à tend-ance à maintenir cette progression. Eu égard aux progrès restants à faire au niveau de la chaine de valeur du riz local pour combler le gap estimé à près de 500 000 tonnes de riz blanc, cette évolution doit etre maintenue. Celle-ci se fera non seulement en ac-

croissant les facteurs de production mais aussi en augmentant leur pro-ductivité (à travers la recherche et l’encadrement) et en les sécurisant.

Un des défis majeurs sera d’accroître le revenu des petits producteurs de riz en leur facilitant l’accès au mar-ché et en leur garantissant un prix rémunérateur. Ceci passe forcément par un soutien de la filière par les pouvoirs publics et la mise en place d’un système de commercialisation performant.

Pour le riz, le TEC de la CEDEAO reste à 10% Avec ce TEC à 10%, protéger la filière riz local à travers les mécanis-mes de protection communautaires parait lointain et ce magré l’inclusion d’une 5ième bande à 35% dans le TEC de la CEDEAO en 2008.

Pourtant une lueur d’espoir existe dans la mise en place de mesures de sauvegardes (Prélèvements vari-ables) de la TEC (qui passeraient outre les règles de l’OMC), de part l’existence d’une marge de manoeu-vre pour le Sénégal qui a consolidé des “Autres Droits et Impositions” (ADI) qui selon Jacques Berth-elot dans son ouvrage “Réguler les prix agricoles” ramènerait le droit de douane moyen total consolidé à 73,8%.

50000

100000

150000

200000

250000

100000

300000

500000

700000

900000

1100000

2009 2010 2011 2012 Vale

ur C

AF e

n m

illio

ns d

e FC

FA

Poid

s net

en

mill

iers

de

Kg

Evolution des importations de riz

Riz (Poids net) Riz (Valeur CAF)

Les producteurs doivent impéra-tivement se professionaliser En attendant que des mesures soient prises sur les importations qui accentuent la fuite en devises et accroît le déficit de la balance com-merciale. Il faut maintenir le niveau de production et de productivité surtout au niveau de la VFS.

Au delà de la fourniture de variétés de riz performantes (nutritives, goû-teuses, productives et résistantes) par la recherche et de l’appui-con-seil technique par les structures d’encadrement de l’Etat, les produc-teurs doivent prendre leurs respon-sabilités pour mieux produire.En effet, l’atteinte de l’autosuffisance en riz passe la double culture an-nuelle du riz et dépend surtout de la capacité des organisations paysanes de base à mieux s’organiser.

CGER Vallée- Bulletin Analyse Economique Filière Riz Novembre 2013 4

©NEW

SITK

AGRI

Page 5: Commercialisation du riz local,doit-on aller vers le protectionnisme?

“La double culture représente un moyen de l’intensification. Dans son principe elle devrait amélio-rer la rentabilité de l’aménagement et conduire à un accroissement de la production.”(S.M.Seck, A.Lericollais, 1986) Il est bien entendu primordial et urgent de financer la réalisation de nouveaux aménagements hydro- ag-ricoles, mais aussi de faciliter l’accès aux intrants et crédit d’équipement (matériels agricoles: tracteurs, mois-sonneuses...) afin d’améliorer la planification de la double culture annuelle du riz. Le respect du calendrier cultural est une priorité pour réussir la double culture du riz. Les producteurs regroupés en organisations professionnelles paysannes doivent aussi mieux s’organiser dans la gestion collective du crédit de campagne, de l’eau et des aménagements. Ceci permettra de réduire les goulets d’étranglements lors des successions culturales.

Prenons par exemple la gestion du crédit de campagne qui induit le plus souvent une réaction en chaine: ■un retard dans la mise en place des cultures peut survenir d’une tardive distribution des intrants;

■une distribution tardive des in-trants peut entrainer un décalage

des périodes de récolte et au pire de mauvaix rendements;

■un décalage des récoltes et des mauvaix rendements peuvent aussi se répercuter sur le niveau de re-couvrement du crédit de campagne et en plus s’agissant des périmètres à mode de gestion public sur le niveau de recouvrement des engage-ments pris par les OPB sur leurs créances vis à vis de leurs unions hydrauliques;

■une sitution de remboursement du crédit au niveau des structures financières qui entraîne, soit un non financement (donc un financement sur fonds propres), ou bien sous condition (atteinte d’un taux de remboursement donné). Tous deux occasionnant les mêmes risques de retard dans le calendrier cultural;

■un niveau de remboursement des engagements pris sur le rem-boursement des créances de l’Union hydraulique qui impacte aussi sur la date de mise en eau des OPB concernés, voire de l’ensemble du périmètre irrigué, bouleversant le calendrier cultural.

Il y a un lien étroit entre respect du calendrier cultural et “réus-site” de la commercialisation. Pour le producteur une commer-cialisation réussie est synonyme de “bon prix” qui permet à l’OPB de

réduire la quantité de paddy desti-née au remboursement du crédit contracté et d’assurer du même son refinancement pour la campagne suivante.Malheureusement, le plus souvent le niveau de productivité de la par-celle ne peut couvrir et les objectifs d’autoconsomation et le rembourse-ment du crédit contracté auquel s’ajoute parfois les arriérés de crédit. Les producteurs se retouvent alors à “spéculer” sur les prix, ce qui retarde parfois les remboursements du crédit et perturbe le calendrier cultural de la culture suivante.

Trouver un intérêt à faire la dou-ble culture En 1986, Pierres Yves Jamin dans son article “La double culture du riz dans la VFS: mythe ou réalité?” soulignait que: “l’intérêt pour la riziculture n’est donc pas uniforme ici (Delta); il dépend avant tout du rapport surface en riz sur taille de la famille et de la disponibilité d’autres sources de revenus, soit agricoles (tomate, maraîchage, élevage) soit extra-agricoles (activités locales ou migratoires)”. Depuis le temps rien n’a changé, le manque de revenu régulier accroît la concurrence en-tre les systèmes de culture et relègue souvent la riziculture après l’objectif d’autoconsommation à un moyen de gestion de la trésorerie.

L’autosuffisance en riz passe par la double culture du riz dans la VFS

ANALYSE

Envisager la double culture du riz, c’est lever les contraintes techniques qui complexifie le respect du calendrier cultural, c’est aussi y trouver un attrait en terme de rentabilité après la satisfaction de l’objectif d’autoconsommation, et pour cela mieux vendre sa production est capital.

CGER Vallée- Bulletin Analyse Economique Filière Riz Novembre 2013 5

Page 6: Commercialisation du riz local,doit-on aller vers le protectionnisme?

SITUATION DES PRIX DU RIZ

Les cours mondiaux baissent et se stabilisent, les prix domestiques aussi

CGER Vallée- Bulletin Analyse Economique Filière Riz Novembre 2013 6

Cours mondiaux du riz Selon le rapport mensuel du mar-ché mondial du riz Osiriz, les cours mondiaux ont reculé en septembre, en août ils poursuivaient aussi leur baisse. En Inde, le premier exportateur mondial de riz, le riz indien 25% côtait à 376$/t en septembre con-tre 380$/t en aôut. En Thailande le Thai 100%B côtait à 433$/t en septembre contre 449$ en aôut, alors que la brisure A1Super côtait à 396$/t contre 400$ en août.

Prix mensuels de détail du riz sur le marché national Le Système d’Information sur les Marchés (SIM) du Commissariat à la Sécurité Alimentaire (CSA) estimait qu’en août 2013, le prix mensuel moyen de détail du riz local décor-tiqué était de 252 Fcfa/kg, de 23 Fcfa/kg inférieur au prix mensuel de détail du riz importé brisé ordi-naire pour la même période. Du mois de janvier au mois d’août pour le marché de détail, ce diffé-rentiel moyen de prix s’élève à envi-ron 12 Fcfa/kg.

220

240

260

280

300

janv févr mars avr mai juin juil août

Prix moyens mensuels de détail du riz local décortiqué en Fcfa/kg

Moy 5 ans Moy 2013

240

260

280

300

320

340

janv févr mars avr mai juin juil août

Prix mensuels au détail du riz importé brisé ordinaire en Fcfa/kg

Moy 5 ans Moy 2013

Le prix du riz importé parfumé avoisinne pour le mois d’août les 451 Fcfa/kg, de 68 Fcfa supérieur à la moyenne des prix des 5 dernières années du même mois. Une tend-ance qui ne fait que confirmer celle des mois précédents (71 Fcfa de différentiel de prix depuis janvier).

100

200

300

400

500

janv févr mars avr mai juin juil août

Prix moyens mensuels de détail du riz importé parfumé en Fcfa/kg

Moy 2013 Moy 5 ans

Prix mensuels de détail au niveau des grands centres urbains A Dakar, le prix mensuel relevé en août pour le riz local décortiqué est de 285 Fcfa/kg, de 25 Fcfa su-périeur au prix du riz importé brisé ordinaire sur la même période. En moyenne depuis le mois de jan-vier le différentiel de prix est de 12 Fcfa. Pour les mois de mars et avril le prix du riz local décortiqué est resté inférieure à celui du riz impor-té brisé ordinaire avec un différen-tiel respectif de 16 et 8 Fcfa. Le prix du riz parfumé s’est main-

tenu depuis le mois de janvier à près de 465 Fcfa/kg.

200

250

300

350

janv févr mars avr mai juin juil août

Prix mensuels à Dakar en Fcfa/kg

Riz local décortiquéRiz importé ordinaire brisé

A Thiès, le prix du riz importé brisé reste supérieur en moyenne de 4 Fcfa au prix du riz local décorti-qué depuis le début de l’année. Le prix riz importé brisé parfumé s’est maintenu à 450 Fcfa/kg.

200

250

300

350

janv févr mars avr mai juin juil août

Prix mensuels à Thiès en Fcfa/kg

Riz local décortiquéRiz importé ordinaire brisé

A Saint-louis, le différentiel de prix moyen atteint les 52 Fcfa/Kg en faveur du riz importé brisé ordinaire pour les 8 mois. Cependant les mois de juillet et août ont vu la tendance s’inverser de 3 Fcfa/kg.

200

300

400

500

janv févr mars avr mai juin juil août

Prix mensuels à Saint Louis en Fcfa/kg

Riz local décortiquéRiz importé ordinaire brisé

Page 7: Commercialisation du riz local,doit-on aller vers le protectionnisme?

CGER Vallée- Bulletin Analyse Economique Filière Riz Novembre 2013 7

COMERCIALISATION DU RIZ LOCAL

Actuellement, la volatilité des prix sur le marché mondial du riz, l’absence de protection face aux importations, le manque d’investissements conséquents dans la filière riz local, la fai-blesse du financement bancaire, l’approvisionnement difficile en in-trants, compliquent l’environnement évolutif de la filière riz local. Pourtant l’Etat a toujours accompa-gné les acteurs de la filière tout au long du processus conduisant à la libéralisation, mais cela ne s’est pas fait sans échec. Il y a lieu de soulig ner que certaines difficultés ren-contrées actuellement dans la com-mercialisation du riz local, ne sont en fait qu’un héritage du passé.

Avant la libéralisation, le circuit de commercialisation comptait 3 acteurs: producteurs, SAED, CPSP. Le paddy était acheté auprès des producteurs par la SAED qui as-surait presque la totalité des fonc-tions de commercialisation. Le riz transformé par ses soins ou par des privés prestataires, était livré à la Caisse de Péréquation et de Sta-bilité des Prix (CPSP). La CPSP était la seule habilitée à importer du riz brisé et était chargée de la distribu-tion du riz brisé local et importé. Elle était garante du régime de prix administrés et par la péréquation positive parvenait à subventionner la production locale. Ce circuit offi-ciel était concurrencé par un marché parallèle moins efficient, mais qui répondait aux besoins de liquidité des producteurs.

Avec la libéralisation, le nombre d’acteurs dans la filière augmente.La dévaluation du FCFA en janvi-er 1994 a accéléré le processus du désengagement, dans la VFS on a assisté au retrait de la SAED de la commercialisation et de la transfor-mation du paddy. Un an après son retrait de la distribution du riz local la CPSP a été dissoute, c’est le début de l’apparition des dysfonctionne-ments au sein de la filière. Le nombre d’acteurs augmentent, on distingue en plus des produc-teurs, des transformateurs (proprié-taires d’unités industrielles ou semi-industrielles), et des commerçants (grossistes, détaillants et bana- bana).Selon leurs objectifs propres, ces acteurs ont eu des stratégies de commercialisation assez diffé-renciées.

Les problèmes de commercialisa-tion apparaissent plus sur la part de la production destinée au rem-boursement du crédit de la Caisse Nationale de Crédit Agricole du Sénégal (CNCAS). A ce stade le maillon collecteur-transformateur que constituaient les unions hy-drauliques possédant des unités de transformation et les riziers jouait un rôle central dans le schéma de commercialisation en place.Malheureusement avec la libéralisa-tion des importations du riz brisé, des problèmes d’écoulement du riz local se posent, fragilisant ainsi le système de commercialisation qui devait permettre une sécurisation du crédit de la CNCAS.

Les tentatives de protection de la filière riz local n’y font rien L’Etat tente de protéger la filière riz local à travers la loi 96-35 du 31-12-96 qui portait institution d’un prèlèvement variable (0 à 20%) selon le niveau de prix CAF. Loi qui a été facilement contournée par les importateurs et n’a eu aucun effet.A défaut et face aux stocks inven-dus dans la VFS l’Etat réagissait en achetant la production tout en sub-ventionnant le prix d’achat.

Pour promouvoir la concertation entre les acteurs, le CIRIZ est crée. En 1998, le Comité Interpro-fessionnel de la filière Riz est créé pour apporter des solutions aux problèmes de la commercialisation par la concertation sur les prix et le plaidoyer des intérêts de la filière rizicole.

Histoire de la commercialisation du riz local, des acteurs aux fortunes diverses Les deux plus sûrs moyens d’échouer dans la vente, c’est de croire que tout est affaire de méthode et que rien n’est affaire de méthode. Michaël Aguilar

Page 8: Commercialisation du riz local,doit-on aller vers le protectionnisme?

CAMPAGNE DE CONTRE-SAISON CHAUDE 2013

La commercialisation du riz de la CSC 2013 dans la VFS Une contractualisation difficile, des acteurs présents dans plusieurs mail-lons de la chaîne de valeur et un manque de débouché pour le riz blanc rendent la commercialisation du Riz de la Vallée très poussive.Le programme de financement retenu par la Caisse Nation-ale de Crédit Agricole du Séné-gal (CNCAS) pour la contre sai-son 2013 dans la VFS s’élèvait à 2 586 847 806 Fcfa correspondant à 9 894 ha. Pour le département de Dagana, le montant retenu était de 2 234 608 555 Fcfa pour 8 518 ha et pour le département de Podor de 352 239 251 Fcfa pour 1 375 Ha.

Les productions de paddy attendues pour la CSC 13 dans la VFS étaient estimées à 190 384 tonnes avec pour le département de Dagana 163 414 tonnes et 25 958 tonnes dans le dé-partement de Podor (source SAED).

Le prix de cession du paddy avait été arrêté à 125 Fcfa le kilo-gramme contre 127,5 Fcfa/Kg pour l’hivernage 2012-2013. Les prévisions d’achat sur contrat étaient estimées à 64 600 tonnes de paddy soit: 34 000 tonnes pour l’industriel VITAL, 5 000 tonnes pour la société SPCRS et 25 600 tonnes pour d’autres privés locaux.

Le stock de paddy correspondant au remboursement à la CNCAS et pouvant faire l’objet d’une contrac-tualisation s’élève à 56 310 tonnes dont 16 310 tonnes au niveau des aménagements publics et 40 000 tonnes chez les privés. Le stock en paddy potentiellement détenu par les privés est estimé à 66 000 t.

La quantité collectée en CSC 2013 est estimée à 45.000 tonnes répar-

ties en 25.000 Tonnes pour VITAL, 10.000 pour Coumba Nord THI-AM et 10.000 tonnes pour les autres rizeries de la Vallée (source SAED).

Un seul acteur a réelle-ment eu à signer des contratsIl s’agit de VITAL AgroIndus-tries qui a eu à signer des con-trats, en particulier sur les stocks consignés pour le rembourse-ment des crédits de la CNCAS.

Cependant le bilan de cette con-tractualisation de VITAL avec les producteurs est pour le moins mitigée malgré le nouveau souf-fle qu’elle a insufflée à la commer-cialisation du paddy dans la VFS. En effet, il s’agit de difficultés liés en partie au respect des clauses spécifiées dans les contrats si-gnés: des problèmes liés à la qual-ité du paddy convoyé, au retard d’enlèvement du paddy, aux abatte-ments arbitraires et au non respect des délais de paiement impartis.Cette contractualisation a eu aussi a souffrir de l’absence de magasins de stockage suffisants dans cer-taines zones de production rizicole.

L’omerta dans le secteur de la commercialisation du riz D’autres acheteurs ont pu aussi ac-quérir du paddy sans avoir pour autant contractualisé avec les pro-ducteurs. Il est difficile d’avoir à ce niveau une vision claire des quan-tités qui ont fait réellement l’objet d’achat au prix de cession officiel. La majeure partie des interve-

nants dans cette commercialisation sont présents dans plusieurs mail-lons de la chaîne de valeur, ainsi leur besoin de maximiser leurs profits sur l’ensemble des mail-lons pénalise le schéma actuel.

La vraie difficulté dans la commercialisation du riz Dans un environnement économique caractérisé par l’instabilité des prix du riz,l’enjeu majeur de la commer-cialisation du riz se résume plus à trouver un débouché pour le riz blanc que pour le riz paddy.

Au delà de la qualité du riz et de son prix, il va falloir grapiller des parts de marché du riz importé, l’une des voies étant celle d’un approvisonne-ment régulier du marché en riz de qualité et en quantité suffisante. Une contractualisation basée sur les besoins exprimés par le consomma-teur peut favoriser cet état de fait.

CGER Vallée- Bulletin Analyse Economique Filière Riz Novembre 2013 8

Page 9: Commercialisation du riz local,doit-on aller vers le protectionnisme?

CGER Vallée- Bulletin Analyse Economique Filière Riz Novembre 2013 9

Qualité et prix rémunérateur, voilà des mots qui résument en partie les problèmes liés à la commercialisa-tion du riz local. D’un régime de prix administrés à un régime de prix homologués, l’Etat tente toujours à travers la fixation de cette denrée éminemment politique de favoriser le pouvoir d’achat des populations les plus vulnérables et d’assurer ainsi leur sécurité alimentaire.

D’un autre côté, l’homologation du prix du riz brisé ordinaire importé qui est en compétition direct avec notre riz local sert aussi de garde-fou en constituant une limite à la spéculation. Cependant des effets pervers existent à cette entrave aux lois d’un marché libre et concurren-tiel, notamment en terme de renta-bilité des activités commerciales sous-jacentes.

Avec des objectifs d’augmentation de la production à moyen terme, la sécurisation de la base productive à travers la préservation de leurs inci-tations à produire est une priorité. Le financement soutenu de la chaine de valeur est alors une nécessité absolu, et cela ne peut se faire qu’au travers d’un système de commer-cialisation performant et efficient qui permettrait de gérer au mieux les coûts d’organisation, de produc-tion, de collecte et transformation, de distribution et de transactions financières.Un système de commercialisation normalisé où le surplus de qualité sur le produit marchand et sur la fluidité des opérations y afférant est primé.

Un système officiel soutenu par l’Etat, dans lequel les acteurs sont spécialisés et représentatifs du monde rural (OPB, riziers, Unions hydrauliques et certains agro-indus-triels). Bien entendu dans une écon-omie de marché, un schéma officiel sera forcément concurrencé par un marché parallèle qui va créer les con-ditions d’arbitrage, de réajustement et d’équilibrage du système principal quant à la distribution équitable du surplus de valeur ajoutée lié à la per-formance du système. La contractualisation peut servir de levier à ce système officielUne contractualisation à deux niveaux: -Un contrat de vente entre le collec-teur-transformateur et le commer-çants-grossistes.-Un autre contrat adossé au premier entre le collecteur-transformateur et les producteurs. Les structures de financement se-raient alors en mesure de sécuriser à la fois le crédit de campagne et celui de commercialisation. Les structures de financement se-raient alors en mesure de sécuriser à la fois le crédit de campagne et celui de commercialisation.

Pour une applicabilité des modalités de cette double contractualisation (back to back contracts), des nor-mes d’éligibilité vis à vis du système doivent être édictés, tout en privilé-giant les conditionalités d’accès au financement surtout pour le crédit de commercialisation. La prise en compte des besoins du

consommateur sera alors effectif et se fera en rapport avec les exigences du marché.Il est tout aussi capital de tirer les leçons des erreurs du passé afin de restaurer la confiance des structures de financement envers ces mêmes ac-teurs qui ont eu à jouer un rôle dans les schémas de commercialisation existants.

La Une double contractualisation ba-sée sur la qualité du produit et sur les délais de réalisation des opéra-tionsQuel est le meilleur moyen pour con-traindre ou inciter à la recherche de qualité et au respect des délais qu’une prime (voire des pénalités dans le cas contraire). La recherche de qualité a un coût, par exemple pour le produc-teur il peut s’agir de frais supplémen-taires à prévoir pour le vannage, pour l’OPB en pesage et contrôle qualité et pour le rizier en séchage. Les contrats doivent prévoir des clauses claires quant au respect des normes de qual-ité, de délai d’enlèvement, de livrai-son et de transactions financières. Ils doivent comporter à cet effet un sys-tème de prix flexibles.

©NEW

SITK

AGRI

COMERCIALISATION DU RIZ LOCAL

La contractualisation, levier d’un système de commercialisation qui doit être effectif En matière commerciale, le succès vient davantage de l’attitude que de l’aptitude. Michaël Aguilar

Page 10: Commercialisation du riz local,doit-on aller vers le protectionnisme?

CGER Vallée- Bulletin Analyse Economique Filière Riz Novembre 2013 10

Il est nécessaire de redynamiser le CIRIZLe CIRIZ doit pleinement jouer son rôle en étant le garant du bon fonc-tionnement du système de commer-cialisation. Légitimement, il devrait même être en mesure d’encadrer ou de gérer le système normé de gestion de la qualité, ce qui lui permettrait d’avoir une certaine assise financière nécessaire à son fonctionnement.

Il faut recadrer la SPCRS“Une régulation des prix, fondée sur des achats institutionnels prévisi-bles, avec des objectifs de prix et de volume d’achats connus publique-ment, favoriserait une stabilité des marchés” Patricio Mendez del Villar, Jean Martin Bauer, 2013

Il faut recadrer la Société de Promo-tion et de Commercialisation du Riz Sénégal en rapport avec son objet social qui est de :

■Promouvoir et commercialiser le riz sénégalais en contractualisant pour l’achat de riz blanc (au lieu du riz paddy) auprès des collecteurs-transformateurs à un prix concerté et selon un cahier de charges bien précis. Elle doit aussi se donner les moyens financiers de mener une campagne marketing soutenu et de grande ampleur du riz sénégalais la-bellisé “Riz de la Vallée”.

■Sécuriser et stabiliser la mise en marché du riz sénégalais en prenant une part de marché des importa-tions équivalent au stock de régula-tion. Ceci permettra d’une part de faciliter la gestion du stock de sé-curité par la CSA qui a été désigné

dans ce sens dans le cadre de la Ren-contre des Structures en charge de la Gestion des Stocks nationaux de sécurité alimentaire (RESOGEST), d’autre part de concourir à une meilleure stabilité des prix sur le marché domestique et enfin de ré-guler les importations au rythme de l’évolution de la production nation-ale.

Il va falloir certainement une révi-sion de l’actionnariat de la SPCRS avec un rôle central du CIRIZ comme structure de veille.

Les contrats de vente pourront se muer en contrat d’achatA cet effet les besoins du consom-mateur en terme de gamme de riz offerts et de qualité seront plus fac-iles à prendre en compte dans ce système. Des contrats d’achat spéci-fiques seront alors possible élargis-sant ainsi l’offre de financement de filière.

Conclusionll existe de fait une corréla-tion positive entre l’atteinte de l’autosuffisance en riz et la réus-site de la commercialisation du riz local. Des investissements impor-tants en magasins de stockage (pour les producteurs et transformateurs), en matériels agricoles (tracteurs, moissonneuses etc.) sont néces-sairement des préalables à la mise en place d’un système de commerciali-sation performant. L’encadrement des producteurs sera aussi détermi-nant dans la mesure où il permettra d’accélérer leur processus de pro-fessionalisation. Et enfin l’Etat doit protéger et soutenir la filière en créant les conditions de la sécurisa-tion et de rentabilité des petites et moyennes entreprises de la Vallée du Fleuve Sénégal.

L’art du compromis consiste à partager un gâteau de telle sorte que cha-cun croît avoir la plus grosse part. Henri Kissinger

COMERCIALISATION DU RIZ LOCAL

Redynamiser le CIRIZ et recadrer la SPCRS

©NEW

SITK

AGRI

Page 11: Commercialisation du riz local,doit-on aller vers le protectionnisme?

Contribuer à la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance au sein des organisations de producteurs de la Vallée du Fleuve Sénégal

CGERV

Nos objectifs

L’information économique pour les acteurs et décideurs du développement rural

Aujourd’hui, les CGER contribuent à la politique de développement agro-sylvo-pastorale en matière de développement de l’information agricole. Ils apportent aux Pouvoirs Publics et aux acteurs du développement des outils complémentaires d’aide à la décision pour les politiques, stratégies et incitations

Centre de NDIAYE, BP : 913, Saint-Louis Sénégal, Tel: 962 64 02