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L'alcool, moi et_les_autres

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L’alcool, moi et les autres

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Jérôme Hoessler

L’alcool, moi et les autres

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Jérôme Hoessler6, rue Claude-Chahu75116 Paris

ISBN : 978-2-287-98829-5 Springer Paris Berlin Heidelberg New York

© Springer-Verlag France, 2009Imprimé en France

Springer-Verlag France est membre du groupe Springer Science + Business Media

Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la repro-duction et la représentation, la traduction, la réimpression, l’exposé, la reproduc-tion des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfi lm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproduction inté-grale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement des droits. Toutes représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelques procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright.L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécifi cation ne signifi e pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun.La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indica-tions de dosage et des modes d’emplois. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifi er les informations données par comparaison à la littérature existante.

Mise en page : AGD – DreuxMaquette de couverture : Jean-François Montmarché

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Le Buveur joyeux de Judith Leyster* (1629)

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Sommaire

Préface ......................................................................... 9Remerciements ............................................................ 11

Introduction ................................................... 13

De quoi parlons-nous ? ................................ 15

La dépendance à l’alcool .............................. 31

Un fait de société .......................................... 61

Comment aider ? ........................................... 83

Conclusion ..................................................... 109

Annexes ....................................................................... 115Glossaire ...................................................................... 123Adresses utiles ............................................................ 129

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Préface

Ce livre écrit par Jérôme Hoessler arrive particulièrement à point. L’alcool, fl éau de santé publique en France, vient de connaître un regain d’actualité avec les nouvelles formes de consommation devenues problématiques, notamment chez les jeunes. Avec son taux annuel de décès excédant régulièrement les quarante mille morts, son implication dans les accidents de la route, dans les crimes et délits et dans les retards mentaux évitables, l’alcool est à l’origine de drames personnels et familiaux insupportables.

Jusqu’au début des années 2000, la seule réponse à la question de l’alcool était de nature médicosociale. Les choses ont fort heureusement changé, et une nouvelle manière d’aborder le problème a vu le jour : elle est de nature addictologique, intégrant les données les plus récentes en matière de recherche scientifi que et thérapeu-tique. Ce mouvement a été porté par une jeune généra-tion de cliniciens et de thérapeutes à l’approche moderne, alliant à la fois l’exigence des standards scientifi ques actuels et une pratique adossée à la réalité de la clinique nécessitant une remise en question perpétuelle de son art et évitant de s’enfermer dans des dogmes ineffi caces.

Jérôme Hoessler fait partie de ce mouvement. C’est un psychologue clinicien inventif, intelligent et audacieux, pratiquant son art avec effi cacité et originalité. Il a eu long-

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10 L’alcool, moi et les autres

temps la responsabilité de suivi de patients au profi l lourd dans un service hospitalo-universitaire de premier plan. Il a amené une série d’innovations qui ont amélioré l’effi cacité de l’unité. De plus, sa simplicité et sa modestie font de ce praticien un homme très apprécié aussi bien de ses patients que de ses collègues. Nous le retrouvons aujourd’hui de l’autre côté de la page au service de tous en s’impliquant dans l’écriture de ce livre qui résume très bien les qualités de son auteur.

Cet ouvrage qui s’attache à modifi er le regard collectif et individuel que l’on porte sur l’« alcoolique » se structure de la manière suivante :

Un premier chapitre présente l’ensemble des données statistiques, théoriques et juridiques liées à l’alcool. Un deuxième chapitre s’intéresse à la dépendance à l’alcool : risques, pathologies associées, facteurs de dépendance. Le troisième chapitre décrit la place de l’alcool dans notre société à travers différents profi ls : femmes, adolescents, personnes âgées. Enfi n, un quatrième chapitre expose plusieurs appro-ches thérapeutiques afi n d’orienter le lecteur vers une démarche adaptée à sa situation ou à celle de ses proches.

Il faut souhaiter à ce livre tout le succès qu’il mérite, car il sera utile aussi bien aux patients qui s’ignorent qu’à leurs proches qui souffrent, et également aux professionnels qui y trouveront une approche effi cace.

Dr Amine BENYAMINAResponsable du service d’addictologie

de l’hôpital universitaire Paul-Brousseà Villejuif

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Remerciements

Je remercie :

Le docteur Amine Benyamina pour sa confi ance et son soutien dans la construction de ce projet.

Le docteur Federico Caro pour ses conseils avisés et le docteur Simone Guillermet pour son aide précieuse dans l’écriture de ce manuscrit.

Madame Nathalie L’Horset-Poulain pour ses remar-ques pertinentes et toute l’équipe des éditions Springer pour leur travail et l’intérêt porté à cet ouvrage.

Ma famille, pour leur écoute, leurs conseils et leur disponibilité.

Claire Nervet-Labbé, Nicolas Fries, Pierre Mounier et Vincent Labbé pour leur soutien constant et amical.

Agathe Colombier-Hochberg et Lionel Salem pour leur confi ance.

Mes patients : Daniel, Martine, Pascal, Sébastien, Stella, Sylvie, Thierry, Véronique et beaucoup d’autres, qui m’ont donné la force et l’envie d’écrire ce livre. Ma gratitude et mes pensées les plus chaleureuses vous accompagnent.

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Introduction

« L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération. »

Ce message de prévention se lit partout : dans les magazines, au restaurant, dans les bars, sur les panneaux d’affi chage. Mais qu’entendons-nous par « avec modéra-tion » ? Qu’est-ce que boire modérément ? Quelle quan-tité d’alcool pouvons-nous consommer sans nous mettre en danger ?

L’alcool est un objet de plaisir : plaisir du groupe et plaisir du palais. Il fait partie de notre vie quotidienne, s’invite à toutes les tables. Il permet d’aller vers l’autre et aide à communiquer. Ensuite seulement, il isole et enferme.

Quels sont les risques attachés à l’alcool ? Peut-on devenir dépendant ? La dépendance à l’alcool est-elle une maladie ?

Si l’alcool détruit, il est cependant possible de s’en détacher et d’agir en conséquence.

Il est nécessaire pour cela d’être informé. Tel est le but de ce livre.

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De quoi parlons-nous ?

Quelques défi nitions

L’alcool

Il existe plusieurs types d’alcool. Celui que l’on consomme s’appelle l’éthanol et est l’élément commun à toutes les boissons alcoolisées : le vin, la bière, le whisky, etc.

On peut obtenir l’alcool de deux manières : soit par la fermentation* des sucres présents dans les céréales, les légumes et les fruits. C’est le cas par exemple du vin, du cidre ou de la bière dont la teneur en alcool ne dépasse pas 16°.

Soit par distillation* comme pour le whisky, la vodka, la tequila, le gin et pour lesquels la teneur en alcool est généralement comprise entre 40° et 50°.

* Les mots suivis d’un astérisque fi gurent dans le glossaire en fi n d’ouvrage.

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La concentration en éthanol est indiquée sur chaque bouteille en pourcentage volumique : 12° (degré) pour une bouteille de vin, 40° pour une bouteille de whisky.

Un verre de vin, une pression, une coupe de cham-pagne, un verre de pastis, de cognac, de gin ou de whisky tels qu’ils vous seront servis dans les bars ou les restau-rants contiennent tous la même quantité d’alcool pur : environ 10 grammes pour un verre. C’est ce qu’on appelle une unité d’alcool.

Si l’on souhaite mesurer sa consommation journalière, il faut être vigilant, car les volumes d’alcool pris chez soi sont généralement plus importants que ceux servis dans les bars.

Un verre de 3 cl de whisky ä 10 g d’alcool pur Une bouteille de 70 cl ä 230 g soit 23 unités

Un verre standard =

= = =

= une unité d’alcool, soit 10 grammes d’alcool pur

Un verre de vin à 12°

(10 cl)

Une chope de bière à 5°

(25 cl)

Un verre de whisky à

40° (3 cl)

Une fl ûte de champagne à 12° (10 cl)

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De quoi parlons-nous ? 17

L’alcoolémie

L’alcoolémie est le taux d’alcool dans le sang, en grammes d’alcool par litre de sang (g/l).

En moyenne, chaque verre consommé fait monter le taux d’alcoolémie de 0,15 à 0,20 g/l. Ce taux dépend de nombreux facteurs : la présence d’aliments dans l’es-tomac et certaines caractéristiques individuelles comme le poids, le sexe ou l’état de santé.

Une alcoolémie de 0,5 g/l (environ deux verres) signifi e que la personne a 0,5 gramme d’alcool pur pour 1 litre de sang.

Lorsque l’on consomme une boisson alcoolisée, l’al-cool qu’elle contient passe en peu de temps dans le sang : de 15 à 30 minutes si l’on est à jeun et de 30 à 60 minutes au cours d’un repas.

Le niveau d’alcoolémie est atteint rapidement. En revanche, le corps a besoin de plus de temps pour éliminer l’alcool. Un sujet en bonne santé élimine environ de 0,10 à 0,15 g/l d’alcool par heure. Ainsi, pour une alcoolémie de 0,6 g/l, il faudra compter de 5 à 6 heures avant que l’alcool soit totalement éliminé.

Les effets à court terme de l’alcool

Les effets immédiats d’une consommation importante d’alcool sont bien connus. On distingue trois phases qui évoluent d’une légère euphorie au coma.

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La phase d’excitation : le sujet peut être euphorique, désinhibé et détendu avec parfois une excitation psycho-motrice et des comportements agressifs.

La phase d’ivresse : la personne s’exprime mal et présente des troubles de l’équilibre. Il s’agit d’une phase d’incoordination et d’instabilité psychomotrice avec des troubles de la vigilance.

La phase de coma : la personne nécessite une surveillance en milieu hospitalier. Les deux principaux risques sont les troubles respiratoires et les vomissements.

Et si on allait plus loin ?

On sait que l’on n’est pas plus rapidement ivre en mélangeant différentes sortes de boissons alcoolisées qu’en en buvant une seule sorte. Seule compte la quan-tité d’alcool pur.

De même, mélanger de l’alcool avec d’autres boissons (comme du jus de fruits ou des boissons énergétiques) ne change rien aux effets qu’il produit puisque la quantité d’alcool pur reste la même.

Enfi n, comme nous l’avons vu, un demi de bière, un verre de whisky et un verre de pastis contiennent tous les trois une unité d’alcool.

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De quoi parlons-nous ? 19

Pourtant, malgré les nombreux messages de préven-tion, on entend toujours : « Je ne bois pas d’alcool, mais que de la bière ! » ou encore « Lorsque je bois, je ne fais jamais de mélange ».

Aussi, si la connaissance est nécessaire, elle ne semble pas suffi sante pour modifi er les comportements…

Description et quelques chiffres

Les différents modes de consommation

L’usage simple

L’usage simple est une consommation d’alcool n’entraînant aucune complication pour la santé. Il s’agit par exemple de la consommation chez les adolescents. Beaucoup en reste-ront à une unique expérience ou ne présenteront qu’une consommation occasionnelle en petite quantité.

L’usage nocif

Également appelé « abus », il est caractérisé par une consommation répétée entraînant des conséquences néga-tives dans les domaines physiques, psychologiques, sociaux ou judiciaires, pour le sujet et son environnement.

On parle aussi d’usage nocif, lorsque l’on observe des infractions répétées liées à l’alcool (accidents de la route, violences, etc.), l’aggravation de problèmes personnels et

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sociaux (diffi cultés relationnelles, séparation, divorce) et l’incapacité à se passer pendant plusieurs jours d’alcool.

La dépendance

Elle correspond à l’impossibilité répétée de pouvoir contrôler sa consommation d’alcool en dépit des conséquences physiques, psychologiques et sociales qui y sont liées.

Le passage de l’usage simple à l’usage nocif et de l’usage nocif à la dépendance n’est souvent pas perçu par le consommateur qui pense « maîtriser » sa consommation.

Éléments statistiques

En France, on estime à 5 millions le nombre de personnes ayant des diffi cultés d’ordre médical, psychologique ou social liées à leur consommation d’alcool, dont 2 millions le nombre de personnes dépendantes à l’alcool.

Par an, environ 45 000 décès sont directement (cirrhoses, cancers, etc.) et indirectement (accidents de la route, suicides, etc.) liés à l’alcool.

Il contribue à : • 14 % des décès chez les hommes (1 décès sur 7) ;• 3 % des décès chez les femmes (1 décès sur 33).

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De quoi parlons-nous ? 21

En 2002 en France, une étude menée auprès des adultes de 18 à 75 ans indique que 27 % des hommes et 11 % des femmes déclarent avoir consommé de l’alcool tous les jours.

En 2005, 7 % des 18-75 ans déclarent ne jamais avoir bu de boissons alcoolisées, 37 % confi ent en consommer occasionnellement (au moins une fois par semaine) et 15 % tous les jours. Les hommes consomment nettement plus que les femmes.

Selon le baromètre santé (2005) :• 8 % des Français de 15 à 75 ans présentent une

consommation chronique risquée d’alcool ;• moins de 1 % déclare boire au moins sept

verres par jour ou au moins six verres dans une même occasion.

En 2006, chaque Français de plus de 15 ans a consommé par an 12,9 litres d’alcool pur, soit environ l’équivalent de trois verres de boissons alcoolisées par jour.

Et si on allait plus loin ?

De nos jours, il semble diffi cile d’accepter pour le buveur l’idée d’être en danger avec l’alcool. Le lecteur se souvient peut-être de cette publicité mettant en scène plusieurs comédiens. Chaque personnage décrit sa consommation d’alcool en la comparant à celle de l’autre : « Je bois moins

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que Marc qui d’ailleurs boit moins que François… » Et il n’a donc pas à s’inquiéter.

Entre la catégorie « usage simple » et la catégorie « dépendance à l’alcool », il n’y a pas de place pour se représenter la « consommation nocive ». Dans notre société, les personnes dépendantes et celles qui abusent de l’alcool prennent la plupart du temps l’apparence de « bons vivants ». Mais pourquoi refuser l’idée d’être en danger avec l’alcool ?

Nous faisons l’hypothèse que les représentations néga-tives (poivrot, clochard, etc.) que nous avons de celui ou de celle qui s’alcoolise trop alimentent ce raisonnement. Aujourd’hui encore, on associe souvent l’alcoolique à l’ivrogne ou au pochetron. Une femme qui boit est perçue comme une mauvaise mère, un homme comme un irresponsable et sans volonté.

Ces représentations négatives sont connues et reje-tées par tous par le fait que l’on privilégie pour soi l’idée d’être un « bon vivant ».

Par conséquent, aux images négatives véhiculées par la société et par chacun de nous, préférons les critères objectifs de la dépendance à l’alcool. Et un « alcoolique » devient dès lors une personne en souffrance pouvant être soignée.

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De quoi parlons-nous ? 23

Lois et recommandations

La loi en France et à l’étranger

La vente d’alcool dans les commerces, dans les cafés et restaurants fait l’objet d’une importante réglementation qui vise à protéger les mineurs et à prévenir les désordres liés à l’ivresse publique.

La loi Évin du 10 janvier 1991 interdit la vente, la distribution et l’introduction de boissons alcoolisées dans tous les établissements d’activités physiques et sportives (l’ouverture d’une buvette peut toutefois être autorisée).

Les boissons contenant de l’alcool ne peuvent pas être vendues aux jeunes de moins de 16 ans. Les boissons contenant de l’alcool de distillation (vodka, whisky, gin, etc.) demeurent interdites aux moins de 18 ans.

Cette loi s’attache à limiter les publicités pour les boissons alcoolisées et à inscrire sur chaque bouteille ou affi che le message suivant : « L’abus d’alcool est dange-reux pour la santé. »

En matière de sécurité routière :• les contrôles d’alcoolémie sont possibles, même en

l’absence d’infraction ou d’accident (Code de la route) ; • en France, le taux légal d’alcoolémie maximal est

fi xé à 0,5 g/l de sang ou 0,25 mg/l d’air expiré.

Entre 0,5 et 0,8 g d’alcool par litre de sang ou entre 0,25 et 0,4 mg par litre d’air expiré, la personne est

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passible d’une contravention de 135 euros et d’un retrait de six points du permis de conduire.

Au-delà de 0,8 g d’alcool par litre de sang, il s’agit d’un délit entraînant un retrait de six points du permis de conduire, passible de deux ans de prison et d’une amende de 4 500 euros. La condamnation peut être assortie d’une suspension ou d’une annulation du permis de conduire (obligatoire en cas de récidive), de mesures de soins ou d’un travail d’intérêt général.

Si une personne provoque un accident en condui-sant sous l’emprise de l’alcool, l’amende sera portée à 30 000 euros si elle occasionne des blessures graves. Elle sera passible d’un emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans et d’une amende pouvant atteindre 150 000 euros si elle provoque la mort d’un autre usager de la route.

L’Organisation mondiale de la santé

Si l’on a bu au cours d’un dîner deux apéritifs, deux verres de vin et un digestif, cela représente cinq verres alcoolisés. Ce qui est trop.

« Pourquoi trop ? » demanderont certains. « Avec cinq verres, je ne ressens encore aucun effet ! »

Il est vrai qu’il est diffi cile de fi xer des seuils de consommation identique pour une population dans la mesure où les effets varient en fonction du poids, du sexe ou de l’âge de la personne.

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De quoi parlons-nous ? 25

Toutefois, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fi xé des normes de consommation maximale.

NORMES DE CONSOMMATION MAXIMALE (OMS)

• pas plus de quatorze verres d’alcool par semaine pour une femme ;

• pas plus de vingt et un verres d’alcool par semaine pour un homme ;

• un jour sans alcool par semaine ;

• pas plus de quatre verres lors d’un anniversaire, mariage ou fête ;

• pas d’alcool pendant la grossesse, lorsque l’on prend des médicaments, que l’on est atteint de maladies (épilepsie, maladies du foie, etc.) et lorsque l’on conduit.

Il s’agit d’un nombre maximal d’unités. En aucun cas, les unités ne peuvent se reporter d’un jour ou d’une semaine sur l’autre.

Boire ou conduire

L’alcool agit même à faible dose. Les premières pertur-bations sont constatées à partir de 0,3 g/l. L’alcool rétrécit le champ visuel, modifi e la perception du relief et augmente le temps de réaction. Les risques commen-cent dès le deuxième verre consommé, donc bien avant d’avoir « la tête qui tourne ».

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En France, les chiffres en 2004 révèlent que l’alcool a eu une infl uence considérable sur les accidents de la route. Il est présent dans 10 % des accidents corporels et dans environ un tiers des accidents mortels.

Les hommes âgés de 15 à 24 ans sont les plus exposés au risque d’accident puisque les accidents de la route représentent la première cause de mortalité pour cette tranche d’âge.

En 2005, il y a eu dans l’hexagone 5 500 morts sur les

routes dont un tiers dû à l’alcool, confi rmant les chiffres de 2004.

Si l’on consomme de l’alcool et si, au moment de prendre le volant, on ne connaît pas son taux d’alcoo-lémie, on peut le mesurer grâce à un éthylomètre. À défaut de l’éthylomètre, il est préférable de prendre un taxi, de marcher, d’attendre ou de dormir, car, contraire-ment aux idées reçues, ni le café, ni une cuillerée d’huile, ni trois grands verres d’eau, ni aucun « remède miracle » ne permettent d’éliminer l’alcool plus rapidement.

L’Alcootest, petit sachet dans lequel on souffl e, permet de savoir si l’alcoolémie est inférieure ou supérieure à 0,5 g/l. Inférieure, le réactif reste jaune, au-dessus, il vire au vert. C’est ce que l’on appelle communément « souffl er dans le ballon ».

L’éthylomètre est un appareil qui calcule la concentration d’alcool dans l’air expiré et qui peut, grâce à des équiva-lences, mesurer la teneur d’alcool dans le sang. Ainsi, 0,8 g par litre de sang correspond à 0,4 mg par litre d’air expiré.

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De quoi parlons-nous ? 27

Alcool et risque d’accident

Taux d’alcoolémie (en grammes par litre)

Multiplication du risque d’accident

0 g/l x 1

0,5 g/l x 2

0,7 g/l x 7

0,8 g/l x 10

1,2 g/l x 35

2 g/l x 80

Si l’on suppose que le risque d’accident est de 1 pour un conducteur avec un taux d’alcoolémie de 0 g d’alcool dans le sang (le risque zéro n’existant pas), il est déjà multiplié par deux à 0,5 g. Au-delà, le risque d’accident augmente très rapidement selon la quantité d’alcool consommée.

L’alcool, d’hier à aujourd’hui

L’ambivalence autour de l’alcool semble s’être nourrie au fi l des siècles : dès l’ancienne Égypte, des mises en garde contre l’ivresse et des critiques portant sur la consommation d’alcool étaient formulées. La célèbre stèle d’Hammourabi (roi de Babylone, XVIIIe siècle avant Jésus-Christ) rapporte les interdictions de

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28 L’alcool, moi et les autres

consommer de l’alcool faites aux prêtresses avant le sacrifi ce. Au VIIe siècle, Mahomet avait interdit à ses fi dèles la consommation de vin, dont il avait pu lui-même constater les effets.

Aujourd’hui en France, pour plus de cinq millions de personnes, l’alcool rime avec excès ou perte de contrôle. La prise de conscience par les pouvoirs publics de l’am-pleur de ce problème, le développement des centres de soins en alcoologie et la multiplication des associations indiquent un changement dans la perception des risques liés à l’alcool.

Et si on allait plus loin ?

Malgré une politique de prévention mais également de répression, un accident mortel sur trois est imputable à l’alcool.

On associe volontiers l’alcool à la gastronomie, aux plaisirs festifs et aux bons moments entre amis. Mais cela justifi e-t-il que l’on boive tant et que l’on mette sa vie et celle de ses proches en danger ?

L’alcool est une substance psychoactive qui entraîne des modifications au niveau des perceptions internes et externes. Certains individus se sentent tout-puissants et confient « mieux conduire sous l’em-prise de l’alcool ». Ils insistent sur leurs nombreux trajets alcoolisés et précisent, en conséquence, qu’ils

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De quoi parlons-nous ? 29

« maîtrisent » sous alcool. D’ailleurs, comme ils aiment le rappeler « ce n’est pas un verre qui va tout changer ! » ou bien « ne t’inquiète pas, je ne conduis jamais ivre ».

On retient cependant que le point commun de toutes les personnes ayant eu un accident sous l’emprise de l’alcool est qu’elles étaient persuadées de pouvoir conduire…

Mais que dire de celui ou de celle qui refuse un dernier verre sous prétexte de devoir se lever tôt le lendemain matin ? Quel regard portons-nous sur celui qui refuse de trinquer ?

Pour une grande majorité d’entre nous, celui qui refuse un verre étonne. On dira : « Il ne sait pas s’amuser » ou encore « Il ne sait pas vivre ». Si cette façon de penser est partagée par tous, c’est parce qu’elle rassure. Elle s’op-pose à celui qui boit « mal » ou qui boit « trop ».

Comme le bon vivant « sait » boire, il semble parfois diffi cile de refuser un dernier verre et cela, même si l’on doit prendre la route…

Quelques références bibliographiques.

HILLEMAND B (1999) L’Alcoolisme. Que sais-je ? Presses Universitaires de France, Paris

Drogues et dépendance (2006) Le livre d’information. INPES

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30 L’alcool, moi et les autres

Sites internet

http://www.ofdt.frhttp://www.inpes.sante.frhttp://www.securiteroutiere.equipement.gouv.frhttp://www.drogues.gouv.fr

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La dépendance à l’alcool

Vers la dépendance

De l’« ivrogne » au « dépendant à l’alcool »

C’est au milieu du XIXe siècle que naissent en France les premières ligues anti-alcooliques. Ces associations ont eu pour but « de combattre les progrès incessants et les effets désastreux de l’ivrognerie… ».

En 1950, soit un siècle plus tard, un psychiatre améri-cain, E. M. Jellineck, proposa le terme de « maladie alcoolique ». Ce terme tend à regrouper les conséquences psychiques, physiques et sociales d’un abus d’alcool.

Depuis l’Antiquité, le buveur était traité d’ivrogne. Aujourd’hui, le terme de « malade alcoolique » indique que les personnes souffrant d’un problème avec l’alcool doivent être considérées comme des personnes malades pouvant être soignées.

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32 L’alcool, moi et les autres

Le glissement imperceptible

La dépendance à l’alcool s’installe dans la durée. Elle peut, par exemple, débuter par des périodes de consom-mations excessives au cours de fêtes étudiantes. Pendant cette période, certains étudiants arrivent généralement à réduire leur consommation d’alcool en raison d’expé-riences désagréables (« gueule de bois », accidents de la route, diffi cultés relationnelles, etc.).

Mais, en dépit de ces expériences pénibles, d’autres ressentent des diffi cultés à diminuer ou à stopper dura-blement leur consommation.

Généralement, plus tard, ces personnes refusent de voir la vérité en face. Elles se persuadent de boire « normalement » et « comme tout le monde ». L’entourage est souvent perdu devant le déni du consommateur d’al-cool et ne sait pas toujours comment se comporter avec lui. Cela a parfois pour conséquence d’isoler l’individu qui, de lui-même, a tendance à se détacher des autres.

Il s’alcoolise de plus en plus et fait de moins en moins attention à lui. Dans certains cas, il mange moins et n’ouvre plus son courrier. Les problèmes administratifs s’amplifi ent et les relations se détériorent.

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La dépendance à l’alcool 33

La dépendance à l’alcool

Les critères

Les signes d’une dépendance à l’alcool sont aujourd’hui bien connus :

• la fi xité des habitudes de consommation : certaines personnes confi ent qu’elles peuvent diffi cilement manquer le rendez-vous du café après le travail ;

• un aveuglement des conséquences de l’alcoolisation : « Je ne bois pas plus que les autres », « Je n’ai pas de problème avec l’alcool », « Je m’arrête quand je veux » ;

• une perte de contrôle : « Un verre c’est trop, dix, ce n’est pas assez ! » ;

• l’envie de boire est irrésistible. On parle aussi de craving ;

• la tolérance : ou accoutumance. La tolérance est le fait pour un individu d’augmenter les doses d’alcool pour retrouver les effets ressentis au début ;

• les signes de manque (ou syndrome de sevrage) lorsque la personne arrête de boire : le syndrome de sevrage consiste en l’apparition, au décours d’un arrêt ou d’une grande diminution d’alcool, de manifestations ressenties

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34 L’alcool, moi et les autres

par le sujet au niveau de son corps. Il est le témoin de la dépendance PHYSIQUE à l’alcool.

Il existe deux complications graves du syndrome de sevrage : la crise convulsive et le delirium tremens* (DT).

Dans sa forme mineure, le syndrome de sevrage se manifeste par un tremblement matinal (main trem-blante), des sueurs (mains moites) et de l’angoisse.

Les malades alcoolodépendants physiques connaissent bien ces signes et savent qu’ils vont disparaître rapide-ment avec l’ingestion d’alcool.

Si l’arrêt d’alcool se prolonge (sans traitement médi-camenteux pris), il peut survenir une augmentation des tremblements qui se généralisent (on parle de trému-lations), une sensation de malaise général, une trans-piration, des nausées, des vomissements, une diarrhée, une anorexie, une insomnie, une tachycardie (le pouls qui s’accélère) et parfois même des troubles du rythme cardiaque. La pression artérielle peut augmenter ainsi que la température.

Ces signes peuvent évoluer vers l’installation d’un DT qui se manifeste par des troubles de la conscience : la personne est confuse, désorientée, agitée, elle présente des troubles sensoriels qui peuvent aller jusqu’aux hallu-cinations (visions d’images terrifi antes). Cet état néces-site une hospitalisation. En conséquence, une personne dépendante physique de l’alcool qui décide d’arrêter son intoxication doit impérativement consulter un médecin. Le traitement et la surveillance médicale lui permettront de réaliser un sevrage confortable, en toute sécurité.

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La dépendance à l’alcool 35

Les points clés de la dépendance

Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), 4e édition, et la Classifi cation internationale des maladies (CIM-10), 10e édition, ont proposé une défi nition du syndrome de dépendance sans tenir compte volontai-rement du critère de quantité de verres consommés :

LA DÉPENDANCE À L’ALCOOL

1. l’alcool est souvent pris en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée.

2. il y a un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l’utilisation du produit.

3. beaucoup de temps est consacré à des activités néces-saires pour obtenir la substance, à utiliser le produit ou à récupérer de ses effets.

4. des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de l’uti-lisation de la substance.

5. l’utilisation de l’alcool est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d’avoir été causé ou exacerbé par la substance.

Ces critères suffi sent à faire le diagnostic de dépen-dance à l’alcool. Il est possible ensuite de défi nir, grâce aux entretiens médicaux, si la dépendance s’accompagne ou non de manifestations physiques.

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36 L’alcool, moi et les autres

La dépendance à l’alcool ne correspond en aucun cas au nombre de verres bus par jour mais plutôt à une relation dans laquelle l’alcool a une emprise sur la personne.

Comment expliquer la dépendance à l’alcool ?

Il n’existe pas de cause unique, mais un ensemble de carac-téristiques qui peuvent rendre un individu plus ou moins susceptible de développer une dépendance à l’alcool.

Le facteur biologique

Au contact de l’alcool, les membranes des cellules nerveuses appelées neurones modifi ent leur perméabilité et se fl uidifi ent. Les échanges entre la cellule nerveuse et son milieu sont alors facilités.

Si les prises d’alcool sont plus régulières, ces enve-loppes deviennent plus rigides et réduisent les effets de l’alcool. Le buveur devient plus résistant et supporte de mieux en mieux l’alcool. Il doit boire plus pour obtenir les mêmes effets : c’est le phénomène de tolérance.

Progressivement, le piège de l’alcool se referme. L’al-cool qui fut autrefois associé au plaisir est devenu un besoin.

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La dépendance à l’alcool 37

Chez certaines personnes qui arrêtent brutalement leurs alcoolisations, les membranes des cellules nerveuses vont se rigidifi er, entraînant des perturbations au niveau des échanges entre les cellules : c’est l’origine du syndrome de sevrage (tremblements, nausées matinales, vomisse-ments, etc.).

Généralités sur la théorie neurobiologique de l’installation d’une dépendance à l’alcool

L’alcool est une substance psychoactive produisant un état modifi é de conscience. Le consommateur peut y trouver un bénéfi ce, voire un plaisir.

Cet effet de plaisir s’explique, au moins partiellement, par les interactions de l’alcool avec les neuromédiateurs*. Ces derniers sont des substances fabriquées au niveau du cerveau. Ils interviennent dans le fonctionnement du système nerveux central et dans la transmission des informations (voie dopaminergique).

On appelle « effet de renforcement positif » les effets agréables de l’alcool (désinhibition, détente, visée anxio-lytique). Certains consommateurs, à la recherche de ce renforcement positif, vont répéter les alcoolisations. Avec le temps, il apparaît une neuroadaptation qui conduira l’usager à augmenter les doses d’alcool pour obtenir le même renforcement positif (phénomène de tolérance).

L’arrêt de l’alcoolisation peut ensuite entraîner des effets vécus comme désagréables. L’usager ressent géné-

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38 L’alcool, moi et les autres

ralement un état de manque : c’est le renforcement négatif provoqué par l’arrêt d’alcool.

Effet de renforcement positif (effets agréables de la prise d’alcool) et effet de renforcement négatif (effets désagréables du manque d’alcool) expliquent le phéno-mène de dépendance. Un patient illustrait ce phéno-mène en disant : « Au début, je buvais de l’alcool pour être bien. Puis j’ai commencé à en prendre pour être moins mal. »

Pour l’OMS, la dépendance à une substance correspond à un « état psychique et parfois physique, résultant de l’interac-tion entre un organisme vivant et une substance, caractérisé par des réponses comportementales avec toujours une compulsion à prendre la substance de façon continue ou périodique, de façon à ressentir ses effets psychiques et parfois éviter l’inconfort de son absence ».

Nous ne sommes pas tous égaux devant l’alcool

Certaines personnes boivent de grandes quantités d’al-cool pendant plusieurs années sans jamais ou très rare-ment être ivres.

Mais « bien supporter l’alcool » ne veut pas dire qu’il ne nuit pas à la santé. Bien au contraire, l’organisme en souffre tout autant, même si l’on en perçoit moins les effets.

En raison de ce véritable « entraînement toxique », ces personnes ont vu une augmentation de leur tolérance à

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La dépendance à l’alcool 39

l’alcool et leur corps s’est intoxiqué d’autant. Mais tout cela s’est déroulé à bas bruit.

La distinction ci-dessus peut sembler inappropriée pour celui qui ne pense pas consommer de manière excessive.

Un élément important doit toutefois être souligné : si, chez ces personnes, la perte de contrôle ou l’ivresse ne se manifeste que très rarement ou qu’à partir de fortes quantités d’alcool, il suffi t en revanche au départ d’un ou de deux verres pour occasionner un premier symptôme : l’envie de boire un autre verre, qui lui-même en appel-lera un autre, etc.

Le facteur génétique

Le caractère familial de l’alcoolisme est une donnée établie : les parents alcooliques ont de quatre à cinq fois plus souvent des enfants alcooliques que les parents non alcooliques.

Le poids des facteurs génétiques de l’alcoolodépen-dance est de l’ordre de 50 %. Cette estimation est fondée non seulement sur des études de jumeaux (une douzaine d’articles publiés à ce jour), mais aussi sur les nombreuses données issues des études d’agrégation familiale et de demi-germains.

Récemment, des chercheurs ont émis l’hypothèse que « le fait de bien supporter l’alcool, tant au niveau compor-

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40 L’alcool, moi et les autres

temental que psychologique, pourrait être un état génétique-ment transmis, associé à un risque plus élevé d’alcoolisme ».

Des études ont ainsi montré que les enfants d’alcoo-liques qui ressentent peu d’effets sont plus exposés que les autres à la dépendance. En d’autres termes, les enfants qui sont sensibles à l’alcool sont moins souvent dépen-dants que ceux qui estiment pouvoir y résister.

Partant de cette hypothèse, une étude s’est attachée à comparer la réponse à l’alcool chez 25 femmes ayant des antécédents d’alcoolisme à une population également de 25 femmes sans antécédents familiaux d’alcoolisme. Une faible dose d’alcool était administrée et les effets de l’al-cool (c’est-à-dire les réponses) correspondaient au niveau d’euphorie, aux perturbations motrices et à d’autres effets.

Les résultats indiquent que les femmes sans antécé-dents d’alcoolisme et non alcooliques étaient plus sensi-bles aux effets de l’alcool que celles ayant des antécédents d’alcoolisme. « Cette observation est un pas de plus vers la confi rmation du fait que la résistance à l’alcool pourrait être une caractéristique clinique génétiquement transmise. »

Si l’alcoolisme possède des causes génétiques, il n’est en aucun cas une maladie familiale ou héréditaire. Ce n’est pas un destin.

Qu’il y ait un risque d’alcoolisme pour les enfants de parents alcooliques n’implique pas obligatoirement l’exis-

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La dépendance à l’alcool 41

tence d’une fatalité. Tous ceux qui savent qu’il existe ou qu’il a existé un problème d’alcool dans la famille doivent aborder le sujet avec vigilance. Il est primordial pour cela d’être informé et accompagné.

Le facteur psychologique

La dépendance à l’alcool et l’usage nocif sont le produit de l’interaction entre une substance (plus ou moins addictogène), un individu (plus ou moins vulnérable psychologiquement) et un environnement (où le produit est plus ou moins accessible).

Sous l’infl uence de facteurs sociaux, culturels ou environnementaux, une personne rencontre le produit « alcool » et expérimente pour la première fois ses effets.

L’alcool modifi e la façon dont on se sent et dont on se comporte. À faible dose, il permet d’être moins anxieux ou moins timide, de tromper l’ennui, la solitude et l’iso-lement. Il stimule et facilite la discussion et la séduction. Il rend euphorique et permet de s’évader un temps dans l’imaginaire. Enfi n, anesthésiant, apaisant ou antidépres-seur, il permet d’oublier pour un moment ses problèmes. Bref, chaque individu peut trouver dans l’alcool l’effet qu’il recherche.

L’être humain se souvient généralement des premiers effets de l’alcool. Pour certains, cette expérience s’est

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42 L’alcool, moi et les autres

très mal passée (bouffées de chaleur, rougeur du visage, malaise, etc.). On parle alors de « fl ush ». Très souvent, ces personnes ne chercheront pas à renouveler l’expé-rience.

Pour d’autres, l’alcool a permis de lever les barrières.

Par exemple, un adolescent qui expérimente l’alcool pour la première fois en boîte de nuit peut se rendre compte que ce produit lui a permis de danser ou de parler plus facilement. Le risque majeur est que les modifi cations vécues au niveau de sa façon de penser et d’agir soient recherchées et répétées dans d’autres situations.

L’alcool ne va plus alors apparaître comme un simple

produit, mais comme la solution aux diverses situations et aux diffi cultés personnelles, professionnelles et sociales.

Le second risque est que les envies de consommer de l’alcool soient déclenchées en fonction de situations (faire la fête, aller à un dîner) ou d’émotions (colère, tristesse, plaisir) sans que la personne s’en rende compte.

Des pensées « automatiques » peuvent s’ancrer dans l’esprit telles que : « Je ne peux pas m’amuser sans boire » ou bien « Je ne peux pas surmonter cette séparation ou ce deuil sans alcool ».

Le verre convivial va alors progressivement remplir un autre rôle : celui d’alcool-médicament. C’est le passage de l’alcool-plaisir à l’alcool-soulagement.

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La dépendance à l’alcool 43

Dépression et alcoolisme

Dans Le Petit Prince de Saint-Exupéry, le héros rencontre un jour un bien malheureux personnage :

« La planète suivante était habitée par un buveur. Cette visite fut très courte mais elle plongea le petit prince dans une grande mélancolie :

– Que fais-tu là ? Dit-il au buveur […]– Je bois, répondit le buveur, d’un air lugubre.– Pourquoi bois-tu ? lui demanda le petit prince.– Pour oublier, répondit le buveur.– Pour oublier quoi ? s’enquit le petit prince qui déjà le

plaignait.– Pour oublier que j’ai honte, avoua le buveur en bais-

sant la tête.– Honte de quoi ? s’informa le petit prince qui désirait

le secourir.– Honte de boire ! acheva le buveur qui s’enferma défi ni-

tivement dans le silence. »

L’alcool est souvent la moins mauvaise solution aux problèmes pour des personnes ayant une faible estime d’elles-mêmes. Lorsque l’on se dévalorise, l’alcool peut alors aider à échapper à la vision critique que l’on peut avoir de soi. Christophe André*, médecin psychiatre, précise que « plus on porte un regard négatif sur soi, plus on cherche à oublier nos sentiments d’échec, et plus on a tendance à boire ».

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On considère aujourd’hui que l’alcoolisme conduirait à la dépression. Pour Christophe André, « les mécanismes de cet effet dépressogène (c’est-à-dire qui vont induire une dépression) sont sans doute multiples : biologiques (pertur-bation des neurotransmetteurs liée à la dépendance physique), sociaux (honte et rejet social) et psychologiques (altération de l’estime de soi) ».

L’alcool blesse la fi erté et l’amour que l’on se porte. Le regard de l’autre et la rupture des liens sociaux intensi-fi ent la perte de l’estime de soi.

Alcool et suicide

Le risque de mort par suicide s’accroît chez les personnes dépendantes à l’alcool et déprimées. Une étude a évalué la place des idées et des tentatives de suicide chez 107 alcooliques déprimés, 497 alcooliques non déprimés et 5 625 déprimés non alcooliques. Les résultats de cette recherche indiquent que les idées et les tentatives de suicide étaient plus fréquentes chez les alcooliques déprimés que chez les déprimés non alcooliques.

Anxiété et alcoolisme

L’association entre anxiété et alcoolisme est une donnée clinique classique. En cas de dépression ou d’anxiété, certaines personnes peuvent rechercher les effets de l’al-cool, s’« automédiquant » en quelque sorte.

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La dépendance à l’alcool 45

Cependant, les effets médicamenteux de l’alcool s’in-versent lors d’une alcoolisation massive et régulière du fait de l’adaptation progressive du cerveau. Cela crée un véritable cercle vicieux : malgré l’impression de détente que procure l’alcool, celui-ci aggrave l’anxiété et la dépression à long terme.

Sous le terme d’« anxiété », nous désignons des mala-dies comme la phobie simple (peur des araignées, des serpents, du sang, etc.), la phobie sociale (peur des autres), le trouble obsessionnel compulsif (TOC), l’attaque de panique, l’agoraphobie, le trouble d’anxiété généralisée et le stress posttraumatique.

L’angoisse ressentie lors de ces maladies peut repré-senter une forte motivation pour la prise d’alcool.

L’anxiété sociale est quelque chose de normal. Tout le monde vit cette anxiété. Mais, chez certaines personnes, la peur d’être vu ou entendu en société est tellement forte qu’elle altère la qualité de leur vie.

Ces personnes éprouvent des diffi cultés à dire ce qu’elles pensent ou ce qu’elles ressentent. Elles ont peur d’être exposées ou confrontées au regard de l’autre, de donner leur avis, de lire ou de parler en public. Elles perdent leurs moyens lorsqu’elles se sentent jugées. D’autres confi ent qu’elles peuvent diffi cilement parler d’elles et, par conséquent, s’engagent peu dans des rela-tions amicales ou amoureuses.

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46 L’alcool, moi et les autres

Ces personnes ressentent généralement une forte détresse émotionnelle. Elles se focalisent sur elles-mêmes et en arrivent à se convaincre qu’elles ont mal expliqué les choses (par exemple, donner son point de vue lors d’une réunion de travail). Elles se sentent honteuses et se déva-lorisent, persuadées qu’elles ont mal fait. En général, elles ne réitèrent pas et évitent la fois d’après la situation anxio-gène, ce qui a d’ailleurs pour effet d’aggraver le trouble.

Certains vivent des attaques de panique. Il s’agit d’un démarrage très violent et inattendu d’une angoisse. L’in-dividu devient très méfi ant de lui-même. Il craint d’avoir des attaques de panique et redoute de se retrouver loin de chez soi ou de se trouver dans des endroits où il est diffi cile de s’échapper (on parle ici d’agoraphobie). Beau-coup de situations sont donc évitées. L’individu ressent le besoin d’être accompagné ou de consommer de l’alcool pour chasser l’angoisse.

D’autres personnes ont des pensées récurrentes et persistantes entraînant une anxiété massive.

Afi n de diminuer l’anxiété, ces personnes se sentent obligées de faire des rituels (des compulsions). Il s’agit de comportements mentaux ou non et répétitifs (laver ses mains, ranger, compter, etc.). Ces obsessions sont parfois mieux supportées par l’alcool.

Enfi n, certains présentent un trouble d’anxiété géné-ralisé, ils se font du souci pour tout : la famille, les amis, le travail, la santé, la situation fi nancière, etc.

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La dépendance à l’alcool 47

Ces personnes imaginent le pire et s’usent émotion-nellement. Elles sont fatiguées, dorment mal, sont irrita-bles. Pour elles, tout problème correspond à une menace. Ici aussi, l’alcool peut être une solution pour calmer l’an-goisse générée par les soucis.

Le facteur social

« Qu’est-ce que je te sers Pierre ? Un verre de vin ? Une bière ?

– Non merci, Vincent, je prendrai plutôt un jus d’orange.– Qu’est-ce qui t’arrives, tu es malade ? »

Ce dialogue qui n’est certes pas très original a tout de même le mérite d’être réaliste. Dans notre société, celui qui ne consomme pas d’alcool étonne. L’interlocuteur peut être surpris, voire même inquiet pour la santé de son compagnon !

Le fait de boire de l’alcool entre amis, en groupe ou à l’occasion de réunions professionnelles est une pratique fréquente. Ces alcoolisations favorisent les relations sociales, et il est bien diffi cile aujourd’hui de refuser un verre sans être confronté à des diffi cultés d’intégration.

L’alcool orne les grandes étapes de la vie. Pourrions-nous imaginer un mariage, un baptême ou un anniver-saire sans alcool ?

C’est autour d’une bouteille de champagne que l’on fête la nouvelle année. C’est avec plaisir et émotion que

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48 L’alcool, moi et les autres

l’on ouvre un vin millésimé pour une naissance ou une réussite professionnelle. L’alcool évoque des moments de plaisir partagés entre amis ou en famille.

Boire de l’alcool sans excès et sans ivresse peut repré-senter un usage agréable de celui-ci, si cela ne conduit pas à une augmentation des doses et à une perte de contrôle. La prise d’alcool obéit en effet à certaines règles sociales. Et une consommation d’alcool en société peut ne pas se limiter à un facteur jugé utile d’intégra-tion, mais devenir la première étape vers une conduite de dépendance.

On parle aujourd’hui d’alcoolisme d’affaires ou d’al-coolisme mondain (déjeuners professionnels, récep-tions, colloques, etc.). Certaines personnes justifi ent leur consommation d’alcool, parfois exagérée, par la diffi -culté et le stress de leur travail. Il n’y a pourtant pas de différence majeure entre celui qui boit seul chez lui une demi-bouteille de whisky et celui qui consomme dix verres alcoolisés lors d’une soirée mondaine. Ce terme d’« alcoolisme mondain » n’est qu’un alibi pour des personnes en danger avec l’alcool ou dépendantes à l’alcool.

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La dépendance à l’alcool 49

L’alcool au travail

Selon une étude IPSOS : • 40 % des interrogés estiment qu’il est souvent diffi cile

de refuser de boire de l’alcool quand on est invité ;• en France, au cours des six derniers mois, 7 salariés sur

10 déclarent avoir participé à un pot dans leur entreprise.

Une nouvelle enquête IPSOS révèle que 71 % des personnes boivent de l’alcool pendant les repas d’affaires. Parmi ces 71 %, 35 % confi ent qu’elles ont plus bu que d’habitude.

L’alcoolisme au travail touche de 1 à 15 % de l’effectif selon le type de l’entreprise. Ce sont les professions les plus pénibles physiquement (professionnels du bâtiment, agri-culteurs, etc.) et celles qui sont en rapport avec le public (barmans, garçons de café, cuisiniers, artistes, etc.) qui ont le plus tendance à boire de l’alcool.

Désaccords avec l’employeur, confl its entre collègues, fatigue, ennui (« mise au placard »)… le stress et le mal-être sont des facteurs qui favoriseraient la prise d’alcool.

Trop souvent, les chefs hiérarchiques tolèrent au début le salarié en diffi culté avec l’alcool. Ils nient l’existence du problème et, pour une « question d’image », en assument les coûts. Mais cette façon d’agir entretient et alimente les diffi -cultés de la personne et retarde une prise en charge médicale.

L’alcool est responsable de 20 % des accidents du travail. Les frais médicaux, la perte d’effi cacité et l’absentéisme contri-buent à une baisse de la productivité. Le salarié peut alors être sanctionné, voire licencié. Cela montre toute l’ambivalence de notre société à l’égard de l’alcool dans le travail : on interdit l’alcool, mais on autorise le vin, la bière et le cidre !

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50 L’alcool, moi et les autres

Le milieu social ou professionnel est souvent un facteur favorisant et légitimant la consommation d’al-cool. Toutefois, comme le précise Pierre Fouquet : « Que l’alcool soit, à l’occasion, bien agréable dans quantité de bois-sons, cela ne justifi e pas que l’on en boive tant et en toutes circonstances. » Et il rajoute : « Dans notre type de société, il est normal de consommer des boissons alcoolisées dans la mesure où on peut les supporter ; il est pathologique d’être contraint d’en abuser. »

Il est nécessaire de ne plus continuer à fermer les yeux sur ce problème. Il faut ouvrir le dialogue avec les sala-riés, proposer des groupes d’information et de prévention afi n de modifi er le regard collectif sur l’alcoolisme, former les médecins du travail, accompagner les personnes en demande d’aide et leur offrir un accès aux soins.

Le marketing de l’alcool

Voici un exemple de ce qui peut être lu dans la presse.

Un négociant en vins souffre de la concurrence des grandes surfaces (70 % des Français achètent leur alcool en grande distribution). Il constate une baisse des achats de boissons alcoolisées et souhaite donc s’adapter à cette baisse de la consommation.

Aussi, pour attirer les moins de 35 ans, ce négociant a introduit dans ses rayons de la bière. Et sa dernière idée est le « bar à vins pour capter une clientèle jeune et active ».

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La dépendance à l’alcool 51

Dans les bars, le prix de certaines boissons alcoolisées est moins cher que celui des jus de fruits ou des sodas. Est-ce normal ?

Il est bien diffi cile de donner une réponse défi nitive à cette question dans la mesure où, comme le précise une mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), « la tâche est ardue dans un pays où le poids du lobby des producteurs et la tradition culturelle sont si forts ».

Le rapport de cette mission ajoutait : « Il faut que nous réfl échissions à des mesures qui baisseraient l’accessibilité à l’alcool pour les jeunes, en renforçant par exemple la lutte contre le sponsoring dans les soirées étudiantes. »

La dernière campagne de l’Institut national de préven-tion et d’éducation pour la santé (INPES) stipulait : « Zéro alcool pendant la grossesse. » Ce message a pour but de prévenir le syndrome d’alcoolisation fœtal, première cause non génétique de handicap mental chez l’enfant.

Et pour le directeur de l’Agence française d’informa-tion sur le vin (AFIVIN), les femmes « représentent un gisement que chacun espère capter […] d’autant que leur comportement a évolué et qu’elles commencent à entrer dans une relation plus décomplexée par rapport au vin ». (Les Échos, 22/09/2004.)

Des viticulteurs de Bordeaux ont dénoncé « une photo-graphie qui associe un verre de vin rouge, un sablier contenant un liquide couleur sang et un message : “Jour après jour votre corps enregistre chaque verre que vous buvez” ». Pour ces

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52 L’alcool, moi et les autres

viticulteurs, cette campagne « tend à vouloir détruire un secteur économique qui depuis l’époque romaine a été fonda-teur de la civilisation occidentale ». (AFP, 23/11/2004.)

L’Académie du vin de France se révolte face aux campagnes antialcooliques qui « diabolisent le vin de France en oubliant sa dimension culturelle ». Les viticulteurs, qui souffrent de la concurrence des vins du Nouveau Monde et de la baisse de la consommation, sont excédés par la campagne de prévention du ministère de la Santé « suggérant que le vin pouvait entraîner le cancer ». (AFP, 9/12/2004).

De leur côté, de nombreux professionnels de santé déplorent que les députés aient « privilégié les intérêts économiques de la fi lière vitinicole au détriment des impéra-tifs sanitaires ». (Le Monde, 15/10/2004.)

L’État a sévèrement légiféré sur la cigarette. La même logique devrait donc s’appliquer à ce qui nuit à la santé publique…

Les pathologies

L’alcool présente une toxicité pour l’organisme. Il est responsable de nombreuses pathologies (alcoolopathies) et intervient comme facteur aggravant dans d’autres.

Nous allons citer les principales d’entre elles, la liste n’étant pas exhaustive.

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La dépendance à l’alcool 53

Les pathologies digestives.

L’œsophage

La fréquence du cancer de l’œsophage augmente avec l’ancienneté de l’usage excessif d’alcool et l’association avec le tabac.

L’estomac

L’alcool est un facteur prédisposant ou aggravant dans la survenue de gastrite*, d’ulcère et de refl ux gastro-œsophagien*.

Il n’est pas impliqué dans la survenue du cancer de l’estomac.

L’intestin grêle et le côlon

L’alcool modifi e la vitesse du transit intestinal (diarrhée), les sécrétions et l’absorption digestive. Par exemple, la vitamine B1 est moins bien absorbée dans les alcoolisa-tions pathologiques chroniques.

Le foie

Dans l’ordre de gravité croissante, voici les lésions du foie que l’alcool peut engendrer :

- la stéatose* ;- l’hépatite alcoolique* ;- la cirrhose*.

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54 L’alcool, moi et les autres

En cas de cirrhose, le risque d’apparition d’un cancer du foie est augmenté, ce qui implique un suivi médical régulier. Il existe des variations individuelles, certains usagers étant plus vulnérables que d’autres.

Le pancréas

Les lésions du pancréas sont moins fréquentes que celles du foie, mais elles sont plus douloureuses.

L’une des fonctions du pancréas est de sécréter une hormone : l’insuline, dont le rôle est de contrôler le taux de sucre dans le sang. L’atteinte du pancréas par l’alcool peut, par voie de conséquence, entraîner une maladie, le diabète.

Les pathologies neurologiques

Les pathologies centrales

L’alcool a une toxicité directe :• sur le cerveau : perturbation des fonctions supé-

rieures, cognitives (raisonnement, concentration), pouvant aller jusqu’à la démence ;

• sur le cervelet : troubles de l’équilibre persistants même si la personne est à jeun.

Ces troubles se corrigeront par l’arrêt prolongé de l’alcool et un apport en vitamine B1.

L’alimentation souvent déséquilibrée et insuffi sante ainsi que la malabsorption intestinale décrite plus haut

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La dépendance à l’alcool 55

peuvent être la source de pathologies neurologiques par carence (en particulier, carence en vitamine B1) :

• l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke : confusion, troubles de l’équilibre et troubles oculaires ;

• le syndrome de Korsakoff : désorientation dans le temps et dans l’espace, fabulations et amnésie (perte de la mémoire) principalement des faits récents entraînant un handicap majeur.

Les pathologies périphériques

• Polynévrites : atteintes des nerfs des membres infé-rieurs.

• Névrite optique : atteinte des nerfs optiques, pouvant aller jusqu’à la cécité.

• Accidents vasculaires cérébraux (AVC) dont la fréquence est signifi cativement augmentée chez les usagers pathologiques d’alcool.

Les pathologies cardiovasculaires

L’hypertension artérielle (HTA) : une consommation excessive d’alcool est un facteur causal ou aggravant d’une HTA.

Une atteinte myocardique (atteinte du muscle cardiaque) : l’alcool a une toxicité directe sur le cœur, pouvant entraîner une myocardiopathie*.

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56 L’alcool, moi et les autres

Lors d’ivresses, l’alcool peut provoquer des troubles du rythme cardiaque.

Les pathologies ostéoarticulaires

L’alcool est un facteur prédisposant dans la survenue d’une ostéoporose* et d’une ostéonécrose* de la tête fémorale.

L’ostéoporose et le risque de chute majoré par les ébriétés augmentent le pourcentage de fractures dans la population alcoolodépendante.

Les pathologies oto-rhino-laryngologiques (ORL)

L’alcool et le tabac sont les principaux facteurs de risque dans la survenue d’un cancer ORL. Celui-ci reste long-temps indolore. Le diagnostic est donc souvent fait à un stade avancé nécessitant généralement une interven-tion chirurgicale mutilante. De ce fait, toute personne fumeuse et a fortiori consommant de l’alcool devrait consulter un médecin ORL.

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La dépendance à l’alcool 57

Les pathologies gynéco-obstétriques

Le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF)

C’est la première cause de retard mental non génétique en Europe. (Voir aussi chapitre « La grossesse ».)

Il existe des formes complètes associant un retard de croissance avant la naissance qui se poursuit après celle-ci, un faciès caractéristique, un retard du développement intellectuel et psychomoteur, des anomalies neurologi-ques, et dans 30 % des cas s’associent des malformations cardiaques, rénales et musculo-squelettiques.

Dans les formes incomplètes ou modérées on décrit des troubles de l’apprentissage et des troubles du compor-tement.

Les effets de l’exposition du fœtus à l’alcool sont d’une grande variabilité. Ils dépendent de la quantité d’alcool consommée, du moment de l’exposition au cours de la grossesse, de la durée de l’exposition, de la capacité du foie de la mère à transformer l’alcool et de la vulnérabi-lité génétique du fœtus.

En conséquence, toute femme enceinte ou ayant décidé d’un projet de conception ne doit plus consommer d’alcool, jusqu’à la fi n de la période de l’allaitement. Si l’arrêt paraît diffi cile ou impossible, il est très souhaitable de se faire accompagner par un alcoologue.

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58 L’alcool, moi et les autres

Le cancer du sein

L’alcool augmente le risque de cancer du sein chez la femme. Ce risque est d’autant plus élevé que la quantité d’alcool consommée est importante.

L’alcool et la sexualité

Chez l’homme, lorsque la consommation d’alcool devient plus importante et régulière, elle peut s’accompagner de troubles de l’érection et de l’éjaculation sans trouble de la libido. Dans un second temps peuvent survenir une baisse de la libido et une atrophie testiculaire. Chez la femme, une alcoolisation nocive s’accompagne fréquemment de troubles de la menstruation. Enfi n, chez l’homme comme chez la femme, l’alcool peut diminuer la fertilité.

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La dépendance à l’alcool 59

Exemple d’un « bilan biologique »

Perturbations possibles lors d’une alcoolisation nocive

• Numération formule sanguine (NFS). La taille des globules rouges peut être augmentée : le

VGM (volume globulaire moyen). Il peut exister une anémie (baisse du taux d’hémoglobine*) et une baisse des plaquettes.

• Le bilan hépatique peut être perturbé.La GGT (gamma GT) et les transaminases (ASAT et

ALAT) peuvent être augmentées. Le taux de prothrombine (TP) peut être, quant à lui, abaissé.

• Perturbation du bilan lipidique.On peut observer une modifi cation possible du taux de

cholestérol ainsi qu’une augmentation possible du taux des triglycérides*.

Il y a une augmentation possible de l’acide urique (produit lié à la dégradation des protéines essentiellement alimen-taires) et de la glycémie (taux de sucre dans le sang).

Il est important de retenir qu’aucun examen biologique ne peut affi rmer à lui seul un problème d’alcool, y compris l’augmentation de gamma GT, et que la normalité des résul-tats ne peut en aucun cas affi rmer l’absence d’une alcooli-sation pathologique. Par exemple, on peut avoir un taux de gamma GT élevé sans problème d’alcool, mais on peut également avoir un grave problème d’alcool avec un taux normal de gamma GT.

En conclusion, c’est l’entretien clinique, avec un personnel de santé compétent en alcoologie, qui permet le meilleur repé-rage d’un problème d’alcool.

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60 L’alcool, moi et les autres

Quelques références bibliographiques

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LEJOYEUX M. Revue bibliographique en alcoologie (2005), n° 4. Merck Lipha Santé

GORWOOD P, LANFUMEY L, HAMON M (2004) Polymor-phismes géniques de marqueurs sérotoninergiques et alcoolodépendance. M/S Médecine Sciences. 20, (12) : 1132-8

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Un fait de société

L’alcool et les femmes

Tant au niveau professionnel que personnel, le statut des femmes dans notre société a évolué. Ces dernières se trouvent plus facilement exposées aux risques du chômage et de la précarité de l’emploi.

Aussi, les femmes comme les hommes lèvent leur verre pour trinquer à la nouvelle année, à une réussite professionnelle ou à un anniversaire. L’alcool possède ainsi une valeur symbolique dont les femmes ne sont pas exclues.

Il est aisé de voir et d’entendre l’alcoolisme masculin. Certains s’alcoolisent dans les bars ou dans la rue. Et les femmes, où sont-elles ? Cette interrogation révèle la rela-tion relativement complexe des femmes à l’alcool. Chez la femme plus encore que chez l’homme, l’alcool est un sujet tabou et peu d’entre elles osent en parler.

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62 L’alcool, moi et les autres

Les spécifi cités de l’alcoolisme féminin

Facteurs de risques

• le chômage ;• la précarité de l’emploi ;• l’isolement ;• la présence d’un conjoint dépendant à l’alcool ;• la présence pendant l’enfance de carences affectives ;• l’abus sexuel ;• les troubles dépressifs et/ou anxieux.

Des études ont montré que la dépendance à l’alcool pouvait se développer plus rapidement chez la femme que chez l’homme.

Les femmes passent en effet plus rapidement d’une consommation nocive à une dépendance psychique et physique. Les raisons de cette évolution sont multiples. Une des hypothèses est que les femmes sont plus vulné-rables que les hommes aux effets toxiques de l’alcool.

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Un fait de société 63

On constate que pour une même quantité d’alcool, à âge et à poids égal, l’alcoolémie est supérieure chez la femme. Même si l’on ne connaît pas encore toutes les raisons, plusieurs explications sont avancées.

Chez la femme, l’enzyme responsable de la dégradation de l’alcool n’est pas aussi active que chez l’homme. L’alcool est donc éliminé moins rapidement.

L’alcool se répand plus facilement dans les muscles que dans la graisse. Celle-ci étant plus importante chez la femme, la concentration d’alcool sera plus grande dans l’or-ganisme.

On pense également que la quantité d’eau présente dans l’organisme peut infl uencer l’alcoolémie. La quantité d’eau étant inférieure chez la femme, la concentration d’alcool dans les tissus et dans le sang est donc accélérée.

Enfi n, les changements d’hormones durant le cycle menstruel, la ménopause et la prise de contraceptifs peuvent infl uencer le métabolisme de l’alcool.

« Dis moi comment tu bois, je te dirai qui tu es »

Les alcoolisations des femmes sont le plus souvent vécues dans la honte et la culpabilité. À l’exception de certaines alcoolisations festives et conviviales, les femmes boivent seules, chez elles, à l’abri des regards. Une femme me confi ait que, même seule chez elle, elle ressentait le besoin de boire en cachette.

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64 L’alcool, moi et les autres

Les femmes utilisent habituellement l’alcool comme un psychotrope, recherchant des états de somnolence ou de perte de conscience. Certaines mélangent l’alcool à des médicaments (par exemple, les benzodiazépines*). L’effet attendu est le même : sommeil, oubli.

Rapidement, l’alcool va aggraver la situation conju-gale, familiale et professionnelle. Il peut entraîner des séparations avec les enfants, le divorce, des licenciements. Les sentiments de dévalorisation, d’échec, d’abandon ou de découragement ne seront alors apaisés que par le retour de l’alcool.

Alcoolisme féminin et dépression

Les alcoolisations chez les femmes sont souvent déclen-chées par des états dépressifs. La fréquence des dépres-sions chez les femmes alcooliques est trois fois plus élevée qu’elle ne l’est chez les femmes non alcooliques.

Une étude menée au Canada s’est intéressée au lien entre alcoolisme et dépression. Elle a comparé des sujets ne présentant ni anxiété, dépression et alcoolisme à des femmes anxieuses, déprimées ou alcooliques.

Les résultats de cette recherche indiquent que les femmes sans trouble étaient moins souvent alcooliques que les femmes anxieuses ou déprimées.

Le risque d’être dépendante à l’alcool pour une femme déprimée est multiplié par 4,3 et pour une femme anxieuse, il est multiplié par 3,3. Le risque de devenir

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Un fait de société 65

dépendante est multiplié par 7,6 chez celles présentant un trouble anxieux et dépressif.

Les conséquences sexuelles et familiales

Chez la femme, des diffi cultés d’ordre sexuel peuvent favoriser la consommation d’alcool. De nombreuses femmes dépendantes à l’alcool présentent des troubles de la sexualité.

Lorsqu’il est consommé à faible dose, l’alcool vient lever certains interdits et notamment ceux liés à la sexualité. Il permet de parler de soi, d’aller au contact et de s’abandonner plus facilement à l’autre.

Une consommation excessive d’alcool perturbe la qualité de la vie, tant au niveau professionnel que fami-lial. L’abus d’alcool est souvent la cause de séparation et de divorce, mais également de conduite de maltraitance.

La violence conjugale

Dans les services d’urgences, on a pu constater que le nombre de femmes victimes de maltraitance est quatre fois plus important chez les couples où l’homme boit.

Une recherche nord-américaine a étudié la maltrai-tance physique et sexuelle auprès de 600 personnes venues consulter dans les services d’urgences. Sur ces

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66 L’alcool, moi et les autres

600 patients, 344 avaient subi des violences conjugales. Il ressort de cette étude que les femmes ayant subi ces violences étaient plus souvent dépendantes à l’alcool que les hommes et qu’elles consommaient davantage de drogues illicites. Cette étude indique également que le conjoint était très souvent alcoolisé.

Le fait de vivre avec un homme dépendant à l’alcool apparaît comme un facteur de risque de violence conju-gale. Toutes ces études confi rment le poids de l’alcool et ses conséquences au sein de la famille.

Cette violence constitue un drame humain dont on ne parle pas encore assez. Au risque de se répéter, il faut savoir que, quelles que soient les circonstances dans lesquelles l’acte de violence se produit ou quelles que soient les raisons données par l’auteur des actes, la solu-tion est la même pour tous et pour toutes : parler, le dire et donc se faire aider pour agir.

La grossesse

L’alcool expose à des enfants prématurés et à des risques de fausses couches. La principale complication liée à une consommation excessive d’alcool pendant une gros-sesse est le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF). Il pour-rait représenter aujourd’hui la première cause de retard mental évitable dans les pays occidentaux.

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Un fait de société 67

Chaque année, en France, naissent de 700 à 2 000 enfants victimes du SAF.

Quand la mère boit, le fœtus boit. Comme l’alcool traverse le placenta, les taux d’alcool chez le fœtus et chez la mère sont habituellement équivalents. Mais, à la différence de la mère, le fœtus ne possède pas encore les enzymes qui lui permettent de dégrader l’alcool. Il est donc confronté de manière prolongée à l’alcool et il lui faudra deux fois plus de temps que sa mère pour l’éli-miner.

En période d’allaitement, l’alcool est également dange-reux. Il passe dans le lait maternel et est ensuite absorbé par le nouveau-né.

Les dangers de l’alcool sur le fœtus sont confi rmés. Les femmes enceintes qui consomment de l’alcool de manière excessive ont un taux de mortalité infantile multiplié par deux.

Principaux facteurs de risque

• une consommation importante d’alcool ;• un bas niveau socio-économique ;• une malnutrition ;• un tabagisme ;• un âge élevé de la mère.

D’autres situations plus classiques peuvent augmenter les risques de développer un syndrome d’alcoolisation

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68 L’alcool, moi et les autres

fœtale. Par exemple, boire le week-end sans obligatoi-rement être ivre. Même en petite quantité, la consom-mation d’alcool n’est jamais sans danger pendant la grossesse. Il est donc fortement recommandé aux femmes de ne pas consommer d’alcool durant toute la durée de la grossesse.

Les risques varient également en fonction des périodes au cours desquelles ont lieu les alcoolisations. Les alcoo-lisations pendant les trois premiers mois de la grossesse peuvent s’accompagner de malformations des organes, des muscles et du squelette du fœtus.

Les alcoolisations pendant les deuxième et troi-sième trimestres vont, quant à elles, développer plus tard chez les enfants et les adolescents des troubles de la croissance (la vitesse de croissance est diminuée, le poids restant insuffi sant par rapport à la taille), des troubles intellectuels (trouble de l’attention, diffi -cultés à pouvoir se fi xer sur une activité, troubles du langage) et des troubles du comportement (perturba-tion au niveau de la scolarité, troubles du comporte-ment sexuel, etc.).

Les malformations physiques du SAF sont multiples. On trouve des malformations au niveau des oreilles, des paupières, du nez, de la bouche et du menton. Les axes de fi xation des yeux ne sont pas parallèles (strabisme). D’autres malformations sont observées : déformation de la colonne vertébrale (scoliose), réduction de la mobilité des articulations et des modifi cations de la peau.

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Un fait de société 69

Et si on allait plus loin ?

L’alcool perturbe la sexualité et la vie conjugale, augmente le risque de dépression et de malformations du fœtus.

Certaines femmes continuent à boire, seules chez elles, mettant en danger leur santé et celle de leur fœtus. Et si certaines ont conscience d’avoir un problème avec l’al-cool, la plupart ressentent encore des diffi cultés à ouvrir le dialogue avec leur médecin et avec leur conjoint.

Quelles représentations avons-nous d’une femme qui s’alcoolise ? Une mauvaise mère ? Une irresponsable ?

Une femme me confi ait : « Je ne suis pas alcoolique, je suis malheureuse. » Pour cette femme, il était diffi cile d’ac-cepter l’idée d’être dépendante à l’alcool. Elle acceptait en revanche l’idée d’être malheureuse, car il n’existe pas de représentation négative du malheur. Au contraire, on écoute celui qui souffre, on le comprend et on le plaint.

Nous pouvons lire aujourd’hui le message de sensi-bilisation portant le slogan : « Alcool zéro pendant la grossesse. » Interrogeons-nous sur les conséquences de cette phrase auprès de femmes dépendantes à l’alcool. Comment une femme face à un problème d’alcool peut-elle intégrer et accepter ce message ? Nous savons qu’ar-rêter l’alcool peut être un réel sacrifi ce et qu’accepter l’idée d’être en danger avec ce produit est loin d’être évident. Dès lors, l’injonction « Alcool zéro pendant la grossesse » ne nierait-elle pas l’existence de l’alcoolisme

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70 L’alcool, moi et les autres

féminin ? Cette injonction semblerait tenir pour acquis qu’une femme dépendante à l’alcool puisse arrêter son alcoolisation quand elle le souhaite.

« Alcool zéro pendant la grossesse » est une informa-tion capitale, mais qui enferme peut-être une femme dépendante à l’alcool dans une voie sans issue. Il convient donc de changer le regard que l’on peut porter sur une femme « qui boit ».

L’alcool et les jeunes

L’alcool précoce

Voici un fait qui est édifi ant :

Pour redynamiser la consommation d’une boisson sous forme de cocktail dans les boîtes de nuit, une entre-prise a lancé une bouteille, au design soigné et fl uores-cent, remplie aux 4/5e afi n de pouvoir y ajouter une autre boisson.

Après l’Italie et la Belgique, cette nouvelle bouteille doit être vendue dans environ 400 discothèques fran-çaises.

L’objectif clairement affi ché est d’« augmenter de 10 % les ventes dans le monde de la nuit ». Le directeur de la communication assure : « Notre but n’est pas de favoriser la consommation d’alcool, le consommateur peut aussi rajouter du sirop de fraise » (sic).

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Un fait de société 71

Il est évident que presque tous les jeunes feront, d’une façon ou d’une autre, l’expérience de l’alcool.

Une recherche menée au Canada s’est attachée à demander à environ 6 000 personnes l’âge à partir duquel elles avaient bu pour la première fois un verre de bière, de vin ou d’alcool fort.

Parmi ces personnes, environ 8 % étaient dépendantes à l’alcool depuis, en moyenne, l’âge de 20 ans. Les résul-tats indiquent que les individus qui avaient commencé à boire de l’alcool entre 11 et 14 ans étaient les plus à risque d’alcoolisme.

Seize pour cent de ceux qui avaient commencé à boire à 11 ou 12 ans sont dépendants à l’alcool dix ans plus tard. L’alcoolisation précoce doit être recherchée et prévenue. Retarder le premier verre jusqu’à 15 ou 16 ans pourrait éviter chez certains plus tard une conduite de dépendance.

L’adolescence confi rme un certain nombre de carac-téristiques : faible consommation de vin (la bière est le produit préféré des garçons) et consommation plus forte chez les garçons que chez les fi lles (ces dernières consom-mant davantage d’alcool fort).

Le phénomène de la précocité est général : aux États-Unis, 84 % des lycéens âgés de 16 ans boivent de l’alcool. Quinze pour cent ont bu cinq verres ou plus dans les deux semaines précédant l’enquête. Ce pour-centage passe à 31 % chez les étudiants âgés de plus de 18 ans.

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72 L’alcool, moi et les autres

Récemment, à l’occasion de la Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD), l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) avec le soutien de la direction du Service national a interrogé, entre mars et juin 2005, des jeunes Français sur leur consommation de substances psychoactives.

Les premiers résultats de cette Enquête sur la santé et les consommations lors de l’appel de préparation à la défense (ESCAPAD) menée auprès de 30 000 garçons et fi lles âgés de 17 ans indiquent que les jeunes boivent moins d’alcool et fument moins de cigarettes. La consom-mation de cannabis est restée, quant à elle, stable.

Les résultats attestant de cette diminution sont les suivants : 18 % des garçons boivent de l’alcool (contre 21 % en 2003), et 6 % des fi lles (contre 7 % en 2003).

En revanche, les ivresses régulières sont plus fréquentes chez les garçons. Dix pour cent d’entre eux sont dans ce cas, contre 7 % en 2003.

Enquête journée d’appel à la défense année 2005(Informations complémentaires)

Près de la moitié des jeunes disent avoir bu plus de cinq verres en au moins une occasion au cours des trente derniers jours.

2,2 % déclarent avoir bu plus de cinq verres à dix occa-sions au cours du dernier mois.

Ce comportement d’alcoolisation est plutôt masculin : 55,7 % des garçons contre 35,5 % des fi lles ont bu au moins une fois plus de cinq verres.

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Un fait de société 73

« La cuite du samedi soir »

Les alcoolisations massives du week-end sont aujourd’hui des expériences très fréquentes chez les adolescents.

Il y a de plus en plus de jeunes qui ont des ivresses régulières : un jeune sur dix est ivre plus de dix fois dans l’année. L’ivresse est une expérience courante puisque plus de 50 % des jeunes de 17 ans ont déjà été ivres au moins une fois dans leur vie.

Les boissons alcoolisées préférées des jeunes sont les bières, les « premix » et les alcools forts.

Les « premix » sont des boissons mélangeant des sodas ou des jus de fruits avec des alcools forts (vodka, gin). Ces boissons sont faciles à consommer, car le goût en alcool est masqué par des ajouts de sucre et d’arômes.

La stratégie marketing est bien évidemment centrée sur les jeunes plus habitués aux sodas et aux jus de fruits qu’aux alcools forts.

Ce qui caractérise aujourd’hui le rapport des jeunes à l’alcool est le mode de consommation extrême (on parle de « binge drinking » ou beuverie). Cette prise d’al-cool paroxystique est le plus souvent programmée en fi n de semaine (de préférence le samedi soir) et marquée par le désir de faire la fête. Le but clairement affi ché est d’atteindre l’euphorie, l’ivresse et pour certains la « défonce ».

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74 L’alcool, moi et les autres

Ce type d’ivresse se rencontre souvent au cours des fêtes étudiantes, où la prise d’alcool peut être favorisée par la générosité des sponsors. Souvent, les adolescents ont tendance à surévaluer la consommation d’alcool qu’ils pensent être celle de leurs amis lors des fêtes et par conséquent, par imitation, ils boivent plus qu’ils ne l’auraient fait spontanément.

Le danger physique peut être immédiat, allant de l’ivresse aiguë au coma éthylique*, en passant par la conduite en état d’ivresse. Au-delà de ces risques, on observe également des troubles du comportement : violence en groupe, consommation de plusieurs subs-tances (cannabis, cocaïne, etc.) et comportements à risques (rapports sexuels non protégés).

Le risque tient aussi à la répétition des ivresses et à leur caractère considéré par les pratiquants comme obli-gatoire : « À quoi bon sortir si l’on ne peut pas boire ! » ou encore « Je ne m’amuse que si je suis ivre ».

Chez les adolescentes

Les adolescentes consomment des quantités d’alcool de plus en plus importantes. À l’âge de 15 ans, trois fi lles sur quatre consomment de l’alcool au cours de soirées. Le type de boisson consommée ne ressemble pas à celui des adultes. Il s’agit d’un mélange d’alcools forts avec du sirop ou de la bière (les « premix »). Pour rappel, la quantité d’alcool pur est toujours la même, quel que soit le mélange.

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Un fait de société 75

L’adolescence est une période complexe et souvent mouvementée. Certaines jeunes fi lles peuvent être plus fragiles que d’autres et peuvent ressentir des diffi cultés à parler d’elles, de leur sexualité et de leur relation avec leur entourage.

Lorsque l’on a du mal à dire ce que l’on ressent, l’alcool peut apparaître comme la moins mauvaise des solutions.

Des risques graves

Une consommation régulière d’alcool s’accompagne souvent d’une consommation de tabac et de cannabis.

En France, durant l’année 2000, environ 20 % des 18-44 ans déclarent avoir consommé en même temps deux substances entraînant des modifi cations au niveau du cerveau.

Dans 90 % des cas, il s’agissait du mélange alcool-cannabis.

Plus récemment (chiffres de 2004) : • 35 % des jeunes de 17 ans affi rment avoir consommé

simultanément au cours de leur vie du cannabis et de l’alcool ;• 10 % de l’alcool et des médicaments.

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76 L’alcool, moi et les autres

Alcool et suicide

La tentative de suicide chez l’adolescent indique un malaise, un cri de souffrance, mais également un appel à l’aide.

Au niveau de la famille, les facteurs de risque sont la séparation des parents, le décès et/ou une pathologie d’un des parents.

Chez l’adolescent, les signes sont les comportements violents, l’échec scolaire et la consommation plus régu-lière et excessive d’alcool, de tabac et de drogues.

L’association d’alcool et les tentatives de suicide ne sont pas rares chez les jeunes et semblent en augmen-tation. Certains auteurs parlent d’« équivalents suici-daires » à propos des ivresses aigües. Il a été montré que les adolescents âgés de 16 à 19 ans ayant une consomma-tion nocive d’alcool avaient deux fois plus de risques de présenter des idées suicidaires.

Et si on allait plus loin ?

Ce sont surtout les habitudes de consommation qui se sont modifi ées, se traduisant notamment par un abaisse-ment de l’âge de la première ivresse et par la recherche de « défonce » au cours du week-end.

Même si l’on peut concevoir que les vertus de l’alcool, notamment anxiolytiques et désinhibitrices, font qu’on

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Un fait de société 77

lui confère un rôle majeur dans la réussite d’une fête, comment comprendre que certains adolescents et jeunes majeurs recherchent exclusivement l’ivresse ? Quelle est la signifi cation de ce comportement ? De la colère ? Un mal-être ?

Sous prétexte qu’ils sont jeunes et qu’ils découvrent la vie, certains parents sembleraient légitimer les alcoo-lisations massives de leurs enfants. On peut entendre : « C’est de leur âge ! » ou bien « Il faut bien qu’ils s’amu-sent » ou encore « C’est la crise d’adolescence »…

Sans nier le bien-fondé de ces expressions, il faut être vigilant. La société dédramatise l’alcoolisation des jeunes, sous prétexte « que cela passera ». Il est indispen-sable d’objectiver la consommation : l’OMS insiste sur la nécessité de ne pas dépasser quatre verres d’alcool lors de consommations exceptionnelles. C’est en effet au cours de soirées, anniversaires ou autres événements que leur consommation est excessive. Il est rare que la règle des quatre verres soit respectée…

L’alcool et les personnes âgées

La dépendance à l’alcool chez les personnes âgées est souvent méconnue par les proches et par le personnel soignant. Il est donc essentiel d’informer dans la mesure où l’alcoolisme chez ces personnes pourrait rapidement devenir, en raison de l’augmentation de l’espérance de vie, un réel problème de santé publique.

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78 L’alcool, moi et les autres

Des conséquences plus douloureuses

À partir de la cinquantaine, la quantité d’eau présente dans le corps humain diminue. L’alcool est donc dilué dans moins de liquide, l’alcoolémie est alors plus élevée et les effets plus importants. Le risque de voir apparaître des accidents et des chutes augmente d’autant.

Principaux problèmes liés à la consommation excessive d’alcool chez les personnes âgées

• une altération du système immunitaire, avec une diminution des capacités à réagir contre les infections et les cancers ;

• une augmentation de cancers ;• de l’hypertension et des troubles du rythme

cardiaque ;• des accidents vasculaires cérébraux ;• la cirrhose et autres maladies du foie ;• une malnutrition.

Une longue pratique

Environ deux tiers des personnes âgées qui souffrent d’un problème d’alcool avaient ce problème bien avant 65 ans.

Un tiers de ces personnes développent un problème d’alcool une fois à la retraite et/ou la plupart du temps à la suite d’événements diffi ciles (perte du conjoint,

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Un fait de société 79

maladie, isolement, etc.). Le glissement d’une consom-mation « normale » d’alcool à l’abus, puis à la dépendance se fait progressivement.

Même si la consommation d’alcool tend à diminuer avec l’âge, en raison de la baisse du seuil de tolérance, ce sont les personnes âgées qui ont le pourcentage le plus élevé de consommations quotidiennes d’alcool.

Une dépendance forte

Les personnes âgées ne boivent pas sensiblement davan-tage que le reste de la population. Mais la dépendance à l’alcool chez les sujets âgés est plus forte que pour les autres tranches de la population.

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80 L’alcool, moi et les autres

Étude menée en 2005 dans les services d’urgences de Clermont-Ferrand

Les auteurs se sont appuyés sur l’ensemble des dossiers des patients de plus de 60 ans examinés aux urgences. Sur une période de trois mois, 2 405 patients de plus de 60 ans ont été examinés. 5,3 % de ces personnes présentaient un problème d’alcool. Parmi elles, 45 % étaient dépendantes à l’alcool.

Dans 67 % des cas, les conduites d’alcoolisation étaient déterminées par des diffi cultés sociales. Les circonstances d’hospitalisation sont le plus souvent des chutes ou des états confusionnels (gestes maladroits, désorganisation dans l’espace et dans le temps, etc.).

Les résultats de cette étude et d’autres recherches sur le même thème incitent à évaluer de manière systématique la consommation d’alcool chez les sujets âgés suivis en urgence. Cela dans le but de mieux prévenir pour mieux soigner.

Un diagnostic diffi cile

Les signes avant-coureurs sont une perte de la coordina-tion et des chutes. La personne âgée prend moins soin d’elle et de l’environnement dans lequel elle se trouve (elle ne se lave plus, mange moins, accumule les détritus, etc.) et ne s’occupe plus de ses problèmes de santé.

Elle peut présenter des troubles du sommeil, une irritabilité, une douleur morale et une perte d’intérêt. Progressivement, elle s’éloigne et s’isole de ses proches et de sa famille.

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Un fait de société 81

Il est diffi cile de diagnostiquer l’alcoolisme chez la personne âgée. Les raisons sont multiples : le déni du patient ou de l’entourage, les troubles de la mémoire qui rendent diffi cile l’évaluation de la quantité d’alcool consommée et le fait d’attribuer uniquement à la vieillesse du patient des signes d’anxiété et de dépression.

Souffrir d’une dépendance à l’alcool diminue la qualité de vie à tout âge. Il est donc tout à fait nécessaire d’informer les personnes âgées des risques liés à une consommation excessive d’alcool.

Quelques références bibliographiques

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Une histoire d’amour. Payot, ParisADES J, LEJOYEUX M (2003) Alcoolisme et psychiatrie.

Données actuelles et perspectives. Masson, Paris

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Comment aider ?

Peut-on prévenir la dépendance à l’alcool ?

Éléments actuels de connaissances

Un trait de personnalité actuellement étudié est la « recherche de sensations fortes et de nouveauté ». Il s’agit d’un trait susceptible de pouvoir favoriser les premiers contacts avec des substances comme l’alcool et de faciliter la recherche de danger et d’aventure, d’expé-riences nouvelles (illégales ou non), de désinhibition (fêtes, rapports sexuels, etc.) et une intolérance à l’ennui (redouter la monotonie et la routine).

Des travaux sur ce sujet « ont permis de conclure à la fréquence particulièrement importante de cette constellation de traits chez les individus alcoolodépendants les plus impul-sifs, ainsi que chez les patients présentant d’autres conduites de dépendance ».

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84 L’alcool, moi et les autres

Des études menées auprès de lycéens indiquent que la quantité d’alcool consommée par les garçons est corrélée aux facteurs « recherche de danger et d’aventure » et « désin-hibition » et, chez les fi lles, au facteur « désinhibition ».

Une approche psychanalytique de l’alcoolisme

Les descriptions d’une personnalité « pré-alcoolique » proviennent principalement de travaux psychanalytiques.

Sigmund Freud, fondateur de la psychanalyse, a élaboré plusieurs stades de développement de la sexua-lité. Le premier est le stade oral et se situe de la naissance à 12 mois. À ce stade, tous les plaisirs du nourrisson sont apportés essentiellement par la bouche et la succion. Pour Freud, le sein ou le biberon procure une excitation au niveau de la bouche et des lèvres, source de plaisir.

Freud a souligné l’importance, dans l’origine de l’al-coolisme, des fi xations au stade oral. La dimension orale de l’alcoolisme implique qu’il s’agirait d’une conduite fortement régressive. Ce serait comme un retour à l’en-fance. D’ailleurs, ne dit-on pas de celui qui boit trop qu’il « biberonne » ?

Les personnes dépendantes à l’alcool adopteraient généralement une immaturité affective et relationnelle.

Par conséquent, si l’alcool est aussi important ou vital chez une personne dépendante, au même titre que le lait

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Comment aider ? 85

pour le nourrisson, on peut comprendre qu’un arrêt total de l’alcool puisse être un facteur de déséquilibre psycho-logique.

Le lien entre alcoolisme et personnalité narcissique a également été évoqué. Pour un certain nombre d’auteurs, l’alcool exercerait une fonction de « restauration narcis-sique ». L’alcool viendrait combler un manque d’amour et d’affection. Ces personnes, plus fragiles ou plus vulné-rables psychiquement que d’autres, trouveraient dans l’alcool et dans l’ivresse un mode d’accès à une « toute-puissance narcissique ».

Ces recherches, non exhaustives, ne peuvent bien entendu pas affi rmer l’existence d’une person-nalité « pré-alcoolique » qui serait retrouvée chez toutes les personnes dépendantes à l’alcool.

Une transmission héréditaire ?

Depuis une trentaine d’années, des études se sont atta-chées à montrer que le fœtus est capable de répondre aux excitations ou aux stimulations venant de l’intérieur et également de l’extérieur du ventre de sa mère.

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Pier-Luigi Righetti, docteur en psychologie, pose la ques-tion suivante : « Si le fœtus est doué de compétences physiologi-ques, possède-t-il également des compétences psychologiques ? »

Il avance que « les résultats néonatals [lorsque le bébé est né] sont très intéressants quand on utilise comme stimulation acoustique les battements cardiaques de la mère, enregistrés pendant des séances expérimentales prénatales ».

Les résultats montrent que « l’écoute des battements cardia-ques de la mère (en activité ou au repos) produit une variation des mouvements du nouveau-né ; la réponse du nouveau-né augmente ou diminue selon que celui-ci perçoit sa mère agitée ou détendue. Ces résultats nous montrent la relation entre la vie émotionnelle prénatale et néonatale : une relation émotionnelle mère-fœtus et mère-nouveau-né ».

Cette recherche indique que « l’état émotionnel de la mère retentit sur le fœtus et que le nouveau-né reconnaît le batte-ment cardiaque de sa mère quand, après la naissance, on lui fait écouter le signal enregistré (pendant la grossesse) en état d’activité ou de repos ».

Ainsi, si l’état émotionnel de la mère est agréable, le fœtus en reçoit des bénéfi ces. Au contraire, si l’état émotionnel est anxiogène, le fœtus n’en tire aucun bénéfi ce. « Le stress maternel peut induire des effets négatifs sur le comportement moteur, composante principale du développement physiologique et psychologique du fœtus. Et un bébé continuellement “attaqué” par l’anxiété de sa mère pendant la grossesse peut devenir un sujet du type anxieux. »

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Comment aider ? 87

Pourquoi citer ce texte ?

Imaginons une femme enceinte prenant la décision d’ar-rêter de boire pendant sa grossesse. Son mari, quant à lui, continue à s’alcooliser. Sa consommation est devenue régulière et, depuis quelque temps, il rentre ivre chez lui. Il parle de plus en plus fort, injurie sa femme et la menace physiquement.

D’après le texte de Pier-Luigi Righetti, le fœtus ressent l’angoisse de sa mère, tel un marquage corporel.

Un enfant ayant « subi » lors de sa gestation l’an-xiété de sa mère pourrait devenir lui-même un sujet anxieux. Rappelons que le lien entre anxiété et alcoo-lisme est aujourd’hui une donnée confi rmée. À partir de cette transmission d’anxiété, l’enfant pourrait-il courir le risque de développer, plus tard, une consommation nocive d’alcool ?

Aider le buveur

Qui demande l’aide ?

Généralement, la demande du consommateur d’alcool se situe « par rapport à la crise qu’il vit » : « Il faut que j’ar-rête de boire, sinon c’est le divorce assuré », ou encore « Si je n’arrête pas, mon employeur va me mettre à la porte ».

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À travers ses illustrations de plaintes, le patient ne parle pas de lui. Il formule certes une demande, mais une demande qui le déresponsabilise.

Il est diffi cile d’accompagner des personnes dépendantes à l’alcool si celles-ci ne se sentent en aucun cas responsa-bles des diffi cultés qui affectent leur existence. Tant que la personne croit que ses problèmes viennent d’une force extérieure, il n’existe presque aucun moyen d’action. Une prise de conscience est donc à la base de tout changement thérapeutique.

Les demandes d’aide se font le plus souvent au cours de rencontres. Toutefois, il ne faut pas négliger les situa-tions de crise ou d’urgence : de sérieuses craintes quant à l’état de santé du consommateur, par suite d’une alcoo-lisation massive doit amener la personne (conjoint(e), amis, etc.) à composer le numéro du médecin traitant et le « 15 » (urgence médicale) si celui-ci est injoignable. En cas de violences physiques mettant en danger l’entou-rage, il faut composer le « 17 » (police).

Il ne faut pas hésiter à joindre un service d’urgences lorsque la situation l’exige et cela encore plus lorsque la personne alcoolisée est un adolescent (voir chapitre « L’al-cool et les jeunes : “la cuite du samedi soir” »).

Dans ces situations extrêmes (mais de plus en plus fréquentes), une telle décision est certainement ce qu’il y a de mieux à faire.

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Comment aider ? 89

Quelle aide pour quel buveur ?

Chaque personne entretenant de près ou de loin un rapport à l’alcool doit avoir la possibilité d’être informée, conseillée et aidée.

Chez les abstinents et l’usage simple

La prévention est primaire. Il s’agit de les avertir du risque attaché à certaines situations, comme le fait de s’alcoo-liser lorsque l’on est enceinte, lorsque l’on conduit, etc.

L’usage nocif (ou abus)

La prévention est secondaire. Il s’agit ici, d’une part, de repérer les personnes exposées au risque et, d’autre part, de tenter de prévenir l’aggravation des conséquences néfastes.

Pour pouvoir aider les personnes présentant un usage nocif, encore faut-il pouvoir les repérer. En France, environ 20 % des personnes qui consultent en méde-cine de ville ont une consommation d’alcool qui dépasse les niveaux de risque défi nis par l’OMS. Les médecins généralistes ont donc une place clé dans ce repérage.

Aujourd’hui, des interventions dites « brèves » ont été mises au point. Utilisées d’abord dans la prise en charge de fumeurs, ces interventions se sont ensuite intéres-sées aux consommateurs d’alcool. L’intervention brève

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comprend des éléments simples tels qu’évaluer avec le patient sa consommation d’alcool, lui donner des repères de consommation à faible risque, lui expliquer la notion d’unité d’alcool et lui donner des conseils pour réduire sa consommation.

Il a été montré qu’une intervention comportant un conseil bref est plus effi cace pour réduire un abus d’al-cool que l’absence d’intervention. Le Dr Huas, médecin généraliste, ajoute que « lorsque l’on commence à observer quelque chose, cette chose, en général, se modifi e. Il en va de même pour la consommation d’alcool, sans que le mécanisme psychologique soit vraiment connu. En posant simplement la question du nombre de verres consommés, on fait passer quelque chose à son patient et on provoque une prise de conscience ».

L’alcool est impliqué dans 10 % des cas d’hypertension artérielle et dans une bonne part des cas de fatigue, d’in-somnie et de ronfl ement ; d’autre part, c’est un phéno-mène largement socioculturel. Ces deux constatations doivent inciter à améliorer le dialogue entre le patient et son médecin concernant les problèmes liés à l’alcool.

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Comment aider ? 91

Un sondage réalisé par l’institut IPSOS pour l’assurance maladie a montré que plus de 50 % des Français placent les seuils de consommation dangereuse au-dessus de leurs valeurs réelles.

Un autre sondage a été réalisé dans quatre villes d’Île-de-France. À la question : « À partir de quelle consommation régulière d’alcool un homme court-il un risque ? », il y a eu 55 % de bonnes réponses et 41 % de mauvaises. Lorsque l’on pose la même question pour une consommation fémi-nine, le nombre d’erreurs est plus important : seulement 42 % des personnes interrogées donnent les bons seuils.

Les médecins peuvent aider leurs patients à s’inter-roger sur leur consommation d’alcool en leur faisant passer le questionnaire DETA et le questionnaire AUDIT, présentés en annexe (p. 115-118).

Vous observerez que ces questionnaires sont simples, pratiques et aident à repérer ses diffi cultés avec l’alcool.

Ils permettent de faire le point et de réfl échir à sa consom-mation d’alcool, mais ils ne remplacent en aucun cas un entretien avec son médecin traitant.

Les personnes dépendantes à l’alcool

Si une personne s’aperçoit que toutes ses tentatives de boire moins ou de ne plus boire du tout se soldent par un échec, elle peut prendre la décision de faire un sevrage complet, c’est-à-dire d’arrêter totalement l’alcool.

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92 L’alcool, moi et les autres

Cette expérience peut déstabiliser les relations sociales ou l’équilibre familial. Des femmes et des mères de patients me confi aient : « Depuis qu’il ne boit plus, c’est pire qu’avant » ou encore « Il était bien plus marrant lors-qu’il buvait ».

Le sevrage (l’arrêt de l’alcool) n’implique pas obliga-toirement une hospitalisation. Il peut être proposé en consultation par le médecin généraliste ou par des profes-sionnels spécialisés en alcoologie ou en addictologie.

Un sevrage brutal peut entraîner chez certaines

personnes de graves complications médicales (par exemple un delirium tremens). Il ne faut donc pas prendre à la légère le choix du lieu du sevrage.

Le sevrage est dit « ambulatoire » lorsqu’il ne se fait pas au cours d’une hospitalisation. Cela permet de ne pas quitter le cadre familial et de ne pas interrompre l’acti-vité professionnelle lorsqu’il y en a une.

Le sevrage en milieu hospitalier permet, quant à lui, une surveillance continue. Le patient étant soustrait à son environnement, cela garantit l’arrêt de l’alcool pendant le temps de son hospitalisation.

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Comment aider ? 93

Il existe des indications à une hospitalisation. Le plus souvent le patient présente :

• des complications médicales graves : cirrhose, hépa-tite, pancréatite, etc. ;

• une pathologie psychiatrique grave (syndrome dépressif, trouble anxieux massif, dépendance à d’autres produits psychoactifs, etc.) ;

• une désocialisation et une précarité sociale massive ;• une dépendance physique sévère ;• des échecs des sevrages ambulatoires ;• une polydépendance.

« J’arrête l’alcool ! »

« J’ai décidé d’arrêter l’alcool. » Stopper totalement l’alcool est nécessaire pour aller mieux, mais cela n’est pas suffi -sant. Il faut maintenant apprendre à vivre sans alcool.

L’ancien buveur va (re)découvrir un monde et une réalité sans alcool. Un monde qui, au début, n’aura pas autant changé qu’il l’aurait souhaité. Les problèmes administratifs, les mauvaises nouvelles, les séparations et les deuils seront là, car ils font tout simplement partie de la vie. Il y aura des hauts et des bas et, au fond, c’est normal que tout ne soit pas parfait, normal qu’il y ait des diffi cultés.

Il est diffi cile de tout faire soi-même. Un patient, aujourd’hui abstinent, disait : « On boit seul, mais on ne s’en sort pas seul. »

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94 L’alcool, moi et les autres

Il convient donc de s’appuyer sur des structures d’aide. On peut citer quatre grandes catégories (aujourd’hui regroupées sous l’acronyme CSAPA projet 2007-2011) :

• les réunions d’anciens buveurs : des bénévoles aident toutes les personnes qui les rejoignent à arrêter de boire et/ou à renforcer leur abstinence ;

• les centres de cure ambulatoire en alcoologie (CCAA) : il s’agit de structures d’écoute, d’accueil et d’urgence pour des personnes en diffi culté avec l’alcool. Les consultations sont gratuites. Les équipes sont pluridisciplinaires : secré-taire médicale, travailleurs sociaux, médecins alcoologues, psychiatres, psychologues, infi rmiers ;

• les hôpitaux publics : ils peuvent accueillir des patients pour des sevrages hospitaliers et des consulta-tions ;

• les centres de cures et de postcures : ils accueillent dans un milieu protégé et pour une durée en général de trois semaines minimum à six mois maximum des personnes nécessitant une aide psychologique, médicale et sociale.

L’indication de séjour dans de telles structures ne se pose pas en début de traitement, mais peut être une bonne suggestion lorsque la personne rechute de manière répétitive ou encore quand elle souhaite consolider son abstinence. Cette démarche n’a de sens que dans le cadre

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Comment aider ? 95

d’un projet construit, prévoyant une fois à l’extérieur un suivi médical et psychologique prolongé.

« (Re)boire comme tout le monde »

Il existe chez d’anciens dépendants à l’alcool désormais rétablis le souhait de retrouver un jour une consomma-tion modérée et contrôlée d’alcool.

Des patients qui décident de rentrer en cure ou en postcure pour la deuxième ou la troisième fois (parfois plus) revendiquent encore l’idée qu’ils seront un jour capables de contrôler leur consommation d’alcool. Ils insistent sur les mois d’abstinence qui ont suivi leur cure ou leur postcure et précisent qu’ils s’arrêtent, en consé-quence, comme ils veulent !

Des personnes qui ont eu la capacité de s’arrêter consi-dèrent qu’elles peuvent sans gravité majeure rechuter puisqu’elles savent qu’elles auront la faculté de stopper leur consommation d’alcool. Pour elles, la rechute n’est pas grave. Elles s’appuient d’ailleurs sur leur séjour dans le lieu de soins et pensent que connaître les mesures à prendre en cas de réalcoolisation évite tout risque de rechute. D’où une poursuite de cette consommation et une alimentation du cercle vicieux.

L’ancien buveur ne peut reprendre d’alcool sous quelque forme que ce soit : vin, apéritifs, bière sans alcool, cidre. L’expérience montre que la rechute, brutale

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96 L’alcool, moi et les autres

ou progressive, survenait chez tous ceux qui avaient cru qu’ils pouvaient un jour reboire « comme tout le monde ».

Il faut savoir que pour la grande majorité des personnes dépendantes à l’alcool, la guérison passe par une abstinence totale.

À l’écoute des jeunes

Annoncer brutalement à un adolescent qu’il ne pourra plus jamais boire est totalement irréaliste. Il est donc préférable d’établir des projets réalisables avec le jeune consommateur. Par exemple, lui proposer des tentatives d’abstinence de courte durée.

Cet apprentissage repose tout d’abord sur un temps d’information concernant la quantité d’alcool pur des différentes boissons, les effets sur le corps, les modifi ca-tions au niveau du comportement et les seuils de recom-mandation à ne pas dépasser.

De nombreux parents se sentent perdus quand leurs enfants sortent de plus en plus tard et rentrent très alcoo-lisés.

Quand ça ne va pas, se parle-t-on ? Est-il encouragé dans ses projets et dans ses réussites ? Comme le souligne le Dr Philippe Jeammet : « Si un jeune n’arrive pas à être grand dans les réussites, il voudra être grand dans l’échec et dans les prises de risques. »

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Comment aider ? 97

Et si on allait plus loin ?

Il est diffi cile pour le conjoint et pour l’intéressé(e) de parler d’alcool. Les tabous, la peur d’être jugé(e) ou encore l’illusion de pouvoir contrôler sa consommation restent de « bonnes excuses » pour ne pas en parler.

Parfois, le médecin tente d’aider le consommateur à prendre conscience de sa responsabilité dans la situation qui est la sienne. Mais, malgré l’existence de complica-tions objectives (maladie du foie par exemple), la recon-naissance du problème est niée. En d’autres termes, ce n’est pas parce que l’on est malade que l’on se fait soigner.

On se rend compte que, malgré l’évolution de la conceptualisation concernant la dépendance à l’alcool et le développement de lieux de soins, les représentations négatives concernant l’alcoolisme et plus encore « l’al-coolique » sont toujours un frein puissant à l’accès aux soins.

Nous émettons l’hypothèse que le conseil minimal est aidant, dans la mesure où il sait multiplier les actions de prévention pour modifi er le regard collectif et individuel sur la problématique alcool.

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98 L’alcool, moi et les autres

L’entourage

La souffrance de l’entourage

L’alcool a pu détruire des couples, des familles et des amitiés. Il a pu entraîner des séparations temporaires, des divorces et des licenciements.

Mensonges, honte, culpabilité, confl its, doutes, espoirs, désespoirs, échecs, etc., voici une liste non exhaustive des sentiments et des réalités vécus tout au long de la maladie par l’entourage.

La famille est le premier témoin du nouveau mode de vie de l’ancien buveur. Mais comment être et quoi dire pour ne pas involontairement le pousser à reprendre un verre d’alcool ?

Conseils à l’entourage

Peut-être le lecteur se demande-t-il combien de temps l’abstinence de son conjoint va-t-elle durer. Quelques jours ? Quelques semaines ? Peut-être a-t-on envie de lui rappeler toutes les souffrances vécues et ce passé douloureux et ineffaçable. Les allusions aux fautes que l’ancien buveur a pu commettre ne l’aideront pas. Le rôle de l’entourage est autre. Par exemple, lorsque l’an-cien buveur revient de son séjour à l’hôpital, il n’est pas nécessaire de cacher les bouteilles d’alcool, car cela peut

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Comment aider ? 99

être vexant pour lui. Si l’ancien consommateur est gêné par la présence des bouteilles, il pourra tout simplement le dire lui-même.

Il peut être angoissant pour l’entourage de voir l’an-cien consommateur sortir sans prévenir ou revenir plus tard que l’heure convenue. On pensera immédiatement : « Il a rebu » ou bien « C’est reparti, tous ces efforts, tous ces sacrifi ces pour rien ». Lorsqu’il rentrera, il est important de ne pas montrer trop d’inquiétude en raison de son retard.

Il sera en revanche bon d’exprimer ses sentiments. Par exemple, lui dire : « Je suis heureux(se) que tu t’inves-tisses autant dans toutes ces activités et je comprends que tu en aies besoin. Je voulais aussi te dire que ce changement est diffi cile actuellement à vivre pour moi. En tous les cas, je veux que tu saches que je suis très fi er(e) de toi et je souhaite que tu réussisses. »

Par manque d’information et souvent désemparé par une maladie qu’il ne connaît pas et qu’il ne comprend pas, l’entourage ne sait pas toujours où chercher de l’aide. C’est auprès de son médecin généraliste ou de structures de soins en alcoologie et addictologie que l’entourage peut confi er sans crainte ses doutes et son mal-être.

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100 L’alcool, moi et les autres

Les traitements psychothérapeutiques

Beaucoup d’auteurs soulignent l’intérêt d’une prise en charge psychothérapeutique. Le soutien psychologique peut avoir lieu pendant le suivi ambulatoire ou pendant l’hospitalisation.

Les stratégies thérapeutiques principales sont présen-tées ci-dessous.

Les thérapies cognitives et comportementales

D’une manière générale, on considère que les émotions, les comportements et les cognitions sont trois éléments en interaction permanente. Le comportement est ce que l’on fait (courir, manger, boire, etc.). La cognition renvoie à ce que l’on pense intérieurement, à ce que l’on dit ou à l’image mentale que l’on produit. Enfi n, l’émotion est ce que l’on ressent physiologiquement et/ou psychologi-quement (plaisir, déplaisir).

COGNITIONÉMOTION

COMPORTEMENT

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Comment aider ? 101

Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) considèrent qu’un trouble, par exemple le fait de consommer de manière excessive de l’alcool, est un comportement qui a été appris à un moment donné et qui subsiste en raison d’un certain nombre de paramètres.

Les TCC utilisent des techniques visant à désap-prendre le comportement inadapté par des comporte-ments adaptés. Ces thérapies permettent par exemple de se préparer à affronter des situations à risque (apprendre à refuser un verre, gérer les envies de consommer, gérer les critiques liées à l’alcool, etc.). En analysant les compo-santes relationnelles, émotionnelles et rationnelles, l’an-cien buveur va progressivement apprendre à gérer ces situations pour éviter le piège de la réalcoolisation.

Les groupes de parole

Les groupes de parole peuvent être animés par des anciens buveurs ou par des thérapeutes professionnels.

Les groupes généralement animés par des anciens buveurs (Alcooliques anonymes, Vie libre, Croix bleue, etc.) permettent à des personnes de partager librement, sans honte et sans crainte d’être jugées, leurs expériences avec l’alcool.

Une femme, abstinente depuis de longues années, ressentait à nouveau le besoin d’assister à des réunions

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102 L’alcool, moi et les autres

d’anciens buveurs. Elle me confi ait qu’elle en avait besoin pour ne pas oublier son histoire avec l’alcool et ajouta avant de partir : « être vigilant n’empêche surtout pas d’être heureux ».

Ces groupes permettent également de découvrir et de

comprendre un peu plus le phénomène de dépendance. Le fait de se rendre compte que l’alcool s’immisce dans la vie de beaucoup de personnes et ce sans distinction de classe sociale, de sexe et d’âge, favorise le dialogue, l’écoute et la compréhension. La parole circule et le dialogue se fait sur un pied d’égalité. « On n’est pas seul », disait une personne.

Les groupes de parole animés par des thérapeutes sont le plus souvent créés au sein de structures de soins en alcoologie et en addictologie.

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Comment aider ? 103

Illustration pratique : groupe d’« expression libre »Centre de postcure en région parisienne

Les patients arrivent les uns après les autres dans la pièce. Ils s’assoient, discutent entre eux, rigolent. Puis, les regards se tournent vers l’équipe soignante. Plus un mot. Ils attendent que l’équipe prenne la parole.

Nous accueillons dans un premier temps les nouveaux patients et nous les informons du fonctionnement et du déroulement de ce groupe.

Rapidement, le silence prend place. Les patients ne souhaitent pas parler, ou plus exactement c’est à travers le silence qu’ils s’expriment. Sont-ils contrariés ? En colère quant au fonctionnement du centre ?

Un patient prend la parole. Il parle de sa sortie défi ni-tive et confi e d’une voix tremblante ses doutes et ses inter-rogations : « Que vais-je faire dehors ? », « J’ai deux semaines de congés maladie, comment vais-je les occuper ? »

Silence…

Un autre patient prend la parole : « Moi aussi, je suis comme toi. Quand je vais rentrer chez moi, je vais retrouver un appartement vide, sans femme, sans enfant. Qu’est-ce que je vais faire de mes journées ? »

Les autres patients l’écoutent de façon attentive et empa-thique : « Je comprends ce que tu vis », disent-ils. Ils l’apaisent et lui rappellent qu’il n’est pas seul.

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Lors d’un autre groupe, un patient confi e sa crainte face au regard des autres.

Il dit : « Quand on est alcoolique, c’est pour la vie ! […] On est comme catalogué […] on nous regardera toujours comme des ivrognes. »

Les patients l’écoutent et semblent acquiescer.

Un autre patient ajoute : « Tout le monde boit, c’est comme ça […] si l’on ne boit pas, on est comme mis à l’écart […] exclu du groupe […] c’est comme si l’on était hors cadre. »

Un patient reprend : « C’est peut-être vrai mais sous alcool, on n’était pas dans la réalité […] on était dans notre univers et donc à l’écart […] on pensait se rapprocher des autres […] mais en fait on s’isolait. »

La psychanalyse

Le symptôme, c’est-à-dire l’alcool, est mis à distance. Le psychothérapeute accompagne la personne avec ce qu’elle dit, uniquement ce qu’elle dit.

Le thérapeute travaille également avec ce qu’il est en train de représenter pour le patient. C’est ce qu’on appelle le transfert*. Le thérapeute peut par exemple détecter quelle est la personne qui est représentée lorsque le patient dit une parole.

Le thérapeute travaille avec lui-même, avec son histoire et sa construction identitaire. Le contre-transfert

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Comment aider ? 105

du thérapeute, on parle aussi de contre-attitudes (rejet, dégoût, fascination, etc. à l’égard du patient), fait partie intégrante du travail thérapeutique.

Le patient parle ; le thérapeute écoute. À cela s’ajoute un autre élément : le cadre, qui n’appartient ni totale-ment au patient ni au thérapeute. La fonction tierce du cadre permet d’instaurer des règles (lieu, disposition des chaises ou du divan, paiement, etc.) au sein desquelles la parole prend place.

Lorsque l’on parle de psychanalyse, on pense souvent à des thérapies longues. Il est diffi cile de fi xer des critères à partir desquels il convient d’arrêter la thérapie. Peut-être pourrait-on imaginer que ce jour arrive lorsque le thérapeute laisse entrevoir à son patient que celui-ci n’a plus besoin de lui…

Les thérapies conjugales et familiales

L’alcool affecte l’usager mais aussi la famille.

Les thérapies conjugales et familiales sont de bonnes indications, car elles s’intéressent aux interactions entre les personnes. Ces thérapies prennent en compte le système, c’est-à-dire la famille dans sa globalité (enfants, parents et parfois même grands-parents). L’objectif est de réintroduire un niveau de communication qui soit suffi -samment sécurisé pour que l’une des personnes puisse s’adresser à l’autre.

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La consommation d’alcool chez l’enfant et l’adoles-cent peut s’inscrire dans un contexte familial perturbé (violence au sein du couple par exemple).

Les enfants et les adolescents sont souvent les premiers témoins des mouvements d’humeur de leurs parents.

Maurice Corcos précise qu’« une des façons de contenir ou illusoirement de “réparer” ces troubles parentaux qui se manifestent parfois dans l’alcoolisme, c’est de verser eux-mêmes dans l’alcoolisme, pour rester fi dèle, pour ne pas trahir ».

Beaucoup d’auteurs insistent donc sur l’intérêt d’une prise en charge globale (enfants et parents), en plus de thérapies individuelles, pour rétablir l’équilibre familial.

Il n’existe pas de traitement type des diffi cultés avec l’alcool. Les approches psychothérapeutiques citées ci-dessus peuvent s’intégrer dans de multiples projets théra-peutiques en fonction des objectifs et des moyens de chacun. Tout dépend de ce que la personne recherche.

Les psychothérapies sont complémentaires et utiles à tous les stades du traitement. Par exemple, les réunions d’anciens buveurs peuvent consolider l’abstinence d’une personne ou lui donner l’envie d’entreprendre une première démarche vers le médecin.

Les thérapies cognitives et comportementales appor-tent par exemple aux patients des outils concrets afi n de gérer les situations à risque, telles que les pensées en relation avec le produit, les états émotionnels négatifs ou

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Comment aider ? 107

positifs, les idées et essais d’auto-contrôle de la consom-mation ; puis les situations interpersonnelles telles que les confl its et la pression sociale.

Une consommation nocive d’alcool est la mise en acte d’un malaise et d’une souffrance intérieure. Même s’il n’est pas forcément nécessaire de comprendre pour aller mieux, certaines personnes pourront s’engager dans une psychothérapie psychanalytique et elles y découvriront peut-être les origines inconscientes de leur besoin de boire…

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Conclusion

Symbole de fête, de partage et de réussite, l’alcool est un véritable phénomène socioculturel. Très souvent, il accompagne les événements les plus marquants de notre vie, comme une naissance ou un mariage. Voilà pourquoi il est bien compliqué de considérer l’alcool comme nocif et source de souffrance. Pour le meilleur et pour le pire, lui aussi fait partie de notre vie ! La dimension symbo-lique de l’alcool représente un obstacle à l’acceptation des risques liés à une consommation nocive. Face au doute, il est nécessaire d’accepter de réduire sa consommation : boire moins pour que l’alcool soit un plaisir et non une souffrance.

Peut-être connaissez-vous des personnes ayant fait l’expérience de centres de soins en alcoologie, ou peut-être bien en avez-vous déjà fait l’expérience. Le résultat n’a pas été à la hauteur de vos espérances. Les « coups de blues », les angoisses ou encore la certitude de pouvoir contrôler votre consommation vous ont amené à reprendre un verre. Ce premier verre en a appelé un deuxième, puis un troisième… Aujourd’hui, vous avez

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110 L’alcool, moi et les autres

l’impression que rien n’a changé et que vos efforts ont été stériles. Si tel est le cas, permettez-moi de vous raconter une petite histoire :

« Dans une prairie était posée une cage et dans cette cage se trouvait un oiseau. Il était là, seul, enfermé dans sa cage au beau milieu de cette vaste étendue.

Comme un ours passait par là, l’oiseau lui demanda s’il pouvait le libérer.

L’ours accepta sans hésiter et ouvrit la cage du petit oiseau. Ce dernier le remercia mais ne bougea pas, il resta dans la cage à présent ouverte.

L’ours étonné lui demanda pourquoi il ne s’envolait pas pour retrouver sa liberté […] et le petit oiseau lui répondit : “Mais je suis libre”. »

Être libre, c’est avoir le choix. En prenant la déci-sion de vous inscrire dans une démarche de soins, vous gagnez la possibilité de choisir entre continuer ou arrêter l’alcool. En d’autres termes, vous gagnez la possibilité d’être à nouveau libre…

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Quelques références bibliographiques.

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MONJAUZE M (2001) Comprendre et accompagner le patient alcoolique. Éditions In Press, Paris

SAMUEL-LAJEUNESSE B (2004) Manuel de thérapie comportementale et cognitive. Dunod, Paris

UEHLINGER C, MONTI P (2001) Abstinence. Manuel du praticien pour l’aide à la prévention des rechutes alcooliques. Médecine et hygiène, Paris

Conclusion 111

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Et si on allait plus loin ?

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Annexes

Les questionnaires :

Le questionnaire DETA

Il permet de détecter ses diffi cultés avec l’alcool. Ce ques-tionnaire est la traduction française du questionnaire CAGE (cut-off, annoyed, guilty, eye-opener), développé et validé aux États-Unis.

Un score DETA supérieur ou égal à 2, c’est-à-dire au moins deux réponses positives au test, témoigne de l’exis-tence de problèmes liés à votre consommation d’alcool.

1. Avez-vous déjà ressenti le besoin de diminuer votre consommation de boissons alcoolisées ?

2. Votre entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre consommation ?

3. Avez-vous déjà eu l’impression que vous buviez trop ?4. Avez-vous déjà eu des besoins d’alcool dès le matin

pour vous sentir en forme ?

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116 L’alcool, moi et les autres

Le questionnaire AUDIT (Alcohol Use Disorders Identifi cation Test)

Ce questionnaire a été développé sous l’égide de l’OMS. Il s’agit de dix questions en rapport avec les diffi cultés qui peuvent survenir du fait de sa consommation d’al-cool (perte de contrôle, sentiments de culpabilité ou de remords, effets négatifs de l’alcool sur la santé et sur les relations sociales). Selon les réponses, un score est attribué entre 0 et 4 pour chaque question.

Un score compris entre 0 et 8 signifi e que vous n’êtes probablement pas en danger avec l’alcool. Un score entre 9 et 13 indique une consommation nocive d’alcool. Enfi n, un score AUDIT supérieur à 13 évoque une dépendance à l’alcool.

0 1 2 3 4Score de la ligne

1) Quelle est la fréquence de votre consommation d’alcool ?

Jamais Une fois par mois ou moins

De 2 à 4 fois par mois

De 2 à 3 fois par semaine

Au moins 4 fois par semaine

2) Combien de verres conte-nant de l’alcool consommez-vous un jour typique où vous buvez ?

1 ou 2 3 ou 4 5 ou 6 7 ou 8 10 ou plus

Page 110: L'alcool, moi et_les_autres

Annexes 117

0 1 2 3 4Score de la ligne

3) Avec quelle fréquence buvez-vous six verres ou davantage lors d’une occasion particulière ?

Jamais Moins d’une fois par mois

Une fois par mois

Une fois par semaine

Tous les jours ou presque

4) Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous constaté que vous n’étiez plus capable de vous arrêter de boire une fois que vous aviez commencé ?

Jamais Moins d’une fois par mois

Une fois par mois

Une fois par semaine

Tous les jours ou presque

5) Au cours de l’année écoulée, combien de fois votre consomma-tion d’alcool vous a-t-elle empêché de faire ce qui était normalement attendu de vous ?

Jamais Moins d’une fois par mois

Une fois par mois

Une fois par semaine

Tous les jours ou presque

6) Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous eu besoin d’un premier verre pour pouvoir démarrer après avoir beaucoup bu la veille ?

Jamais Moins d’une fois par mois

Une fois par mois

Une fois par semaine

Tous les jours ou presque

7) Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous eu un sentiment de culpabilité ou des remords après avoir bu ?

Jamais Moins d’une fois par mois

Une fois par mois

Une fois par semaine

Tous les jours ou presque

Page 111: L'alcool, moi et_les_autres

118 L’alcool, moi et les autres

0 1 2 3 4Score de la ligne

8) Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous été incapable de vous rappeler ce qui s’était passé la soirée précédente parce que vous aviez bu ?

Jamais Moins d’une fois par mois

Une fois par mois

Une fois par semaine

Tous les jours ou presque

9) Avez-vous été blessé ou quel-qu’un d’autre a-t-il été blessé parce que vous aviez bu ?

Non Oui, mais pas au cours de l’année écoulée

Oui, au cours de l’année

10) Un parent, un ami, un médecin ou un autre soignant s’est-il inquiété de votre consommation d’alcool ou a-t-il suggéré que vous la réduisiez ?

Non Oui, mais pas au cours de l’année écoulée

Oui, au cours de l’année

TOTAL

Ref. : Saunders JB, Aasland OG, Babor TF et al. (1993), Develop-ment of the Alcohol Use Disorders Identifi cation Test (AUDIT): WHO Collaborative Project on Early Detection of Persons with Harmful Alcohol Consumption--II. Addiction Jun; 88(6): 791-804.

Page 112: L'alcool, moi et_les_autres

Annexes 119

Vrai ou Faux ?

Les préjugés et les fausses idées sur l’alcool font partie du problème de consommation des jeunes et des adultes. Il faut donc être particulièrement attentif à ce que l’on dit et à ce que l’on entend sur les effets de l’alcool. Alors, vrai ou faux ?

1) Même si l’on boit rapidement de grandes quan-tités d’alcool, le corps élimine l’alcool à un rythme fi xe et régulier.

2) L’effet de l’alcool varie d’un individu à un autre.

3) Il est très dangereux de mélanger l’alcool et les médi-caments (somnifères, calmants, antidépresseurs, etc.)

4) L’alcool infl uence le comportement dès qu’il passe dans le sang.

5) Lorsque l’on s’alcoolise, il est plus facile de dire ou de faire des choses.

6) L’alcool n’est pas une drogue.

7) On élimine plus rapidement l’alcool en dansant.

8) Il n’est jamais ivre, ce n’est donc pas un « alcoo-lique ».

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120 L’alcool, moi et les autres

9) Une bonne manière de se dessoûler, c’est de boire du café.

10) L’alcool réveille et stimule.

11) L’alcool fait grossir.

12) L’alcool réchauffe.

13) Boire de l’alcool pendant la grossesse est dangereux.

14) L’alcool désaltère.

Réponses :

1) Vrai. On peut comparer le corps à un entonnoir : le liquide s’écoule lentement et toujours à la même vitesse, quelle qu’en soit la quantité.

2) Vrai. Le poids, le sexe, le fait d’avoir mangé ou pas peuvent contribuer à faire augmenter ou diminuer le taux d’alcoolémie. Les effets de l’alcool dépendent égale-ment de la capacité chez un individu à tolérer l’alcool.

3) Vrai. La combinaison alcool et médicaments peut entraîner la perte de connaissance, le coma ou la mort. Une trop grande consommation d’alcool peut en effet empêcher le cerveau de contrôler la respiration d’un individu.

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Annexes 121

4) Vrai. L’alcool n’étant pas digéré, il affecte le système nerveux central et perturbe les mouvements et la coordi-nation des membres. Il altère la qualité de l’attention et augmente le temps de réaction.

5) Vrai. Certains individus ont peur d’être exposés aux jugements des autres. C’est pour ces raisons, en partie, qu’ils s’alcoolisent. Ils se sentent plus à l’aise en société et ont plus de facilité à discuter avec d’autres personnes. Malheureusement, il est possible de perdre rapidement le contrôle de sa consommation, ce qui peut favoriser des comportements violents ou à risques.

6) Faux. L’alcool, étant légal, est rarement considéré comme une drogue. Pourtant, comment nommer un produit qui peut entraîner une dépendance, coûter la vie à 45 000 personnes chaque année et constituer l’un des problèmes les plus sérieux de notre société ?

7) Faux. Il n’y a que le temps qui permet d’éliminer totalement l’alcool du corps.

8) Faux. Il ne faut pas confondre ivresse temporaire et dépendance à l’alcool. On peut être dépendant à l’al-cool sans jamais avoir été ivre.

9) Faux. Plus de 90 % de l’alcool est absorbé et éliminé par le foie. Le reste est excrété par l’haleine (de 1,4 % à 5,6 %), l’urine (de 0,6 % à 2,4 %) et la sueur (de 0,2 % à 0,8 %). Donc les méthodes traditionnelles, l’exercice

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122 L’alcool, moi et les autres

physique, la douche froide, le café noir ou l’air frais, sont futiles.

10) Faux. Au contraire, l’alcool engourdit le cerveau.

11) Vrai. L’alcool apporte sept calories par gramme d’alcool. Ce qui fait soixante-dix calories par verre de vin (pour rappel, un verre alcoolisé contient environ 10 g d’alcool pur).

12) Faux. La sensation de chaleur due à la dilatation des vaisseaux est trompeuse. Les vaisseaux sanguins dilatés laissent fuir la chaleur par les pores de la peau, mais la température globale du corps diminue. Sous l’effet de l’alcool, le cerveau s’anesthésie et on peut subir de graves gelures par temps froid sans s’en rendre compte.

13) Vrai. L’alcool augmente le risque de naissances avant terme, de fausses couches et le risque de déve-lopper un « syndrome d’alcoolisation fœtal ».

14) Faux. L’alcool au contraire déshydrate, notamment en faisant uriner davantage. C’est d’ailleurs cette déshy-dratation qui provoque les maux de tête (la « gueule de bois ») le lendemain d’excès.

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Glossaire

Christophe André exerce comme médecin psychiatre dans le service hospitalo-universitaire de l’hôpital Sainte-Anne (Paris) où il dirige une unité spécialisée dans le traitement des troubles anxieux et phobiques. Il enseigne également à l’université Paris-X.

Judith Leyster est une artiste hollandaise, née à Haarlem en 1609, morte à Heemstede en 1660. Elle a axé son art sur de paisibles scènes domestiques, sur des scènes de tavernes ou de divertissements.

Benzodiazépines : médicaments utilisés principale-ment contre l’anxiété.

Cirrhose : atteinte diffuse du foie par un processus associant fi brose*, nodule de régénération et modifi ca-tion de l’architecture vasculaire. Cet état correspond à l’évolution naturelle de la plupart des maladies chroni-ques du foie, dont la plus fréquente est due à l’intoxica-tion alcoolique chronique.

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124 L’alcool, moi et les autres

Coma éthylique : on parle de coma éthylique lorsque, après avoir absorbé une quantité importante d’alcool, une personne devient inconsciente et ne peut plus être réveillée. Le risque le plus important est que la personne s’étouffe elle-même : soit avec ses vomisse-ments, soit parce que sa langue chute dans l’arrière-gorge lorsqu’elle est sur le dos.

Delirium tremens : chez une personne alcoolodé-pendante, le delirium tremens est un syndrome provoqué par un arrêt total et brutal d’alcool, qui nécessite une hospitalisation. Il se manifeste par des troubles de la conscience : le sujet est confus, désorienté et présente des troubles sensoriels qui peuvent aller jusqu’aux hallucina-tions (visions d’images terrifi antes).

Distillation alcoolique : permet de faire évaporer l’alcool, puis de le condenser afi n d’augmenter sa propor-tion dans le produit fi nal.

Fermentation alcoolique : transformation en éthanol des sucres contenus dans les fruits, le miel, les céréales, les tubercules, sous l’infl uence des levures.

Fibrose : stade terminal pathologique et non réver-sible du processus de l’infl ammation aboutissant au remplacement du tissu initial par un tissu cicatriciel non fonctionnel.

Gastrite : infl ammation de la muqueuse gastrique.

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Glossaire 125

Hémoglobine : protéine transporteuse de l’oxygène dans le sang.

Hépatite alcoolique : infl ammation hépatique due à une intoxication alcoolique aigüe importante chez un patient alcoolique chronique. Les formes mineures, plus fréquentes, n’entraînent en général pas de symptôme. Les formes majeures peuvent conduire à la mort. Les pous-sées d’hépatite alcoolique, même mineures mais répétées, aboutissent à la constitution d’une cirrhose.

Infl ammation : ensemble des phénomènes se produi-sant au sein d’un tissu conjonctif irrité par un agent pathogène (agents infectieux, agents physiques et chimi-ques, etc.). L’infl ammation peut être aiguë ou chronique.

Myocardiopathie : terme général désignant les affections qui lèsent le myocarde (muscle cardiaque). La majorité d’entre elles sont d’origine inconnue, mais quel-ques-unes sont secondaires à une cause connue comme les myocardiopathies dues à l’alcool.

Nécrose : mort d’une cellule ou d’un tissu, à l’inté-rieur d’un organisme resté vivant.

Neuromédiateurs : substances chimiques produites par une cellule nerveuse pour activer une cellule voisine qui présente au point de contact des récepteurs spécifi -ques. Exemple de neuromédiateurs : dopamine, séroto-nine.

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126 L’alcool, moi et les autres

Ostéonécrose : mort du tissu osseux. L’ostéonécrose concerne le plus souvent la tête du fémur au niveau de la hanche : c’est l’ostéonécrose de la tête fémorale. C’est donc une affection de la hanche largement favorisée par l’intoxication alcoolique chronique qui se traduit par des douleurs à la hanche. L’évolution peut se faire dans certains cas vers une destruction totale de la hanche.

Ostéoporose : anomalie quantitative osseuse par opposition aux anomalies qualitatives. Elle conduit essen-tiellement à un risque de fractures osseuses des vertèbres (tassement vertébral) et de la hanche. On distingue les ostéoporoses primitives dues à l’âge (les plus fréquentes) des ostéoporoses secondaires pouvant compliquer, par exemple, la cirrhose hépatique due à l’alcool.

Refl ux gastro-œsophagien (RGO) : refl ux acide du contenu gastrique vers l’œsophage. Il est un phéno-mène physiologique qui survient chez tous les individus. Le RGO est pathologique lorsque les épisodes de refl ux acide de l’estomac vers l’œsophage sont anormalement fréquents et prolongés. Ils entraînent alors des symp-tômes cliniques et/ou des lésions de la muqueuse de l’œsophage.

Stéatose hépatique : accumulation de triglycérides dans le cytoplasme des cellules du foie (la cellule est composée de sa membrane plasmique, du cytoplasme et de son noyau). La stéatose hépatique est un stigmate histologique (c’est-à-dire révélée uniquement lors de

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Glossaire 127

l’étude du tissu), fréquent au cours des intoxications alcooliques même modérées. Elle n’entraîne générale-ment aucun symptôme. La stéatose disparaît si l’intoxi-cation est arrêtée.

Transfert : processus par lequel le patient rejoue avec son thérapeute les affects qui étaient à l’origine destinés aux objets parentaux ou à toute personne ayant eu de l’importance dans l’enfance du patient.

Triglycérides : graisses qui servent de carburant aux divers tissus de l’organisme. On parle d’hypertriglycéri-démie lorsqu’il y a une élévation du taux de triglycérides dans le sang du fait d’une anomalie héréditaire, d’une consommation excessive d’alcool ou d’aliments sucrés.

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Adresses utiles

Sièges nationaux des principaux mouvements d’anciens buveurs

Alcool assistance la Croix d’or10, rue des Messageries75010 ParisTél. : 01 47 70 34 18 / Fax : 01 42 46 31 34 / Numéro vert : 08 21 00 25 26Lien adresse Internet : www.alcoolassistance.net Contact par mail : [email protected]

Alcooliques anonymes29, rue Campo Formio75 013 ParisTél. : 01 48 06 43 68permanence téléphonique : 08 20 32 68 83 Lien adresse Internet : www.alcooliques-anonymes.frContact par mail : [email protected]

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130 L’alcool, moi et les autres

Vie libre8, impasse Dumur92110 ClichyTél. : 01 47 39 40 80 / Fax : 01 47 30 45 37Lien adresse Internet : www.vielibre.org

Associations intervenant en alcoologie

Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA)20, rue Saint-Fiacre75002 ParisTél. : 01 42 33 51 04Lien adresse Internet : www.anpaa.asso.frContact par mail : [email protected]

Fédération des acteurs de l’alcoologie et de l’addictologie (F3A)154, rue Legendre75017 ParisTél. : 01 42 28 65 02 / Fax : 01 46 27 77 51Lien adresse Internet : www.alcoologie.org

Société française d’alcoologie (SFA)Princeps Editions 64, avenue du Général-de-Gaulle92130 Issy-les-MoulineauxTél. : 01 46 38 24 14 / Fax : 01 40 95 72 15Lien adresse Internet : www.sfalcoologie.asso.fr

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Adresses utiles 131

Organismes nationaux susceptibles de fournir des informations dans le domaine de l’alcoologie

Drogues Alcool Tabac Info ServicePour en savoir plus sur les dangers et les effets de tous les produits : alcool, tabac, cannabis, cocaïne, héroïne, etc.Lien adresse Internet : www.drogues.gouv.fr

Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES)42, boulevard de la Libération 93203 Saint-Denis CedexTél. : 01 49 33 22 22 / Fax : 01 49 33 23 90Lien adresse Internet : www.inpes.sante.frContact par mail : [email protected] site présente les programmes de prévention (alcool, tabac, drogues, etc.), les actions de communication, les publications, etc.

Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT)7, rue Saint-Georges75009 ParisTél. : 01 44 63 20 50Lien adresse Internet : http://mildt.systalium.org

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132 L’alcool, moi et les autres

Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT)3, avenue du Stade-de-France93218 Saint-Denis-la-Plaine CedexTél. : 01 41 62 77 16 / Fax : 01 41 62 77 00Lien adresse Internet : www.ofdt.frContact par mail : [email protected]

Comprendre les actions des différentes drogues :http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/354.pdf