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LE RENOUVEAU DU CONTRÔLE DES BUREAUCRATIES L'impact du New Public Management Philippe Bezes CNAF | Informations sociales 2005/6 - n° 126 pages 26 à 37 ISSN 0046-9459 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2005-6-page-26.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Bezes Philippe, « Le renouveau du contrôle des bureaucraties » L'impact du New Public Management, Informations sociales, 2005/6 n° 126, p. 26-37. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour CNAF. © CNAF. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 93.20.177.27 - 26/08/2013 17h31. © CNAF Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 93.20.177.27 - 26/08/2013 17h31. © CNAF

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LE RENOUVEAU DU CONTRÔLE DES BUREAUCRATIESL'impact du New Public ManagementPhilippe Bezes CNAF | Informations sociales 2005/6 - n° 126pages 26 à 37

ISSN 0046-9459

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2005-6-page-26.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Bezes Philippe, « Le renouveau du contrôle des bureaucraties » L'impact du New Public Management,

Informations sociales, 2005/6 n° 126, p. 26-37.

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Distribution électronique Cairn.info pour CNAF.

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La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Philippe Bezes – chercheur au CNRS, Centre d’études et de recherches en science administrative(CERSA), Université Paris-II

Le renouveau du contrôledes bureaucraties

L’impact du New Public Management

Ensemble hétérogène d’idées et de recettes inspirées de théories éco-nomiques et gestionnaires, le New Public Management représente uneinfluence intellectuelle importante des politiques actuelles de réformede l’État. L’enjeu de contrôle des bureaucraties y occupe une placecentrale. Tandis que la réduction du secteur public est un objectif tou-jours défendu par certains, les activités et organes de contrôle internesà l’État ne cessent d’augmenter : davantage de procédures, de règles,d’instruments de mesure… Et qui contrôlera les contrôleurs ?

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Comment expliquer les transformations actuellement àl’œuvre dans l’administration et dans le secteur public,caractérisées par le succès croissant de la culture d’audit,des résultats et de la performance, par la multiplicationdes indicateurs de gestion et par le renforcement annoncédes contrôles ? Sans doute la loi organique relative auxlois de finances (LOLF) (1) constitue-t-elle la manifesta-tion la plus immédiatement visible de ce mouvement dansle contexte français. Certainement accentuée et systéma-tisée dans le cadre de la loi, cette “obsession du contrôle”(2) n’y est pourtant pas réductible, dans la mesure où elles’est manifestée bien antérieurement dans certaines admi-nistrations et où elle a été observée depuis au moins dixans dans plusieurs pays occidentaux. D’ampleur interna-tionale, le phénomène apparaît caractéristique d’unetransformation majeure des États, par laquelle les activi-tés de régulation interne des systèmes administratifs,confiées à des bureaux spécialisés et s’appuyant sur dessavoirs gestionnaires en plein essor, occupent désormaisune place renforcée et différenciée.

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L’objet de cette contribution est de proposer des élé-ments d’explication de ce développement des fonctionsde contrôle et d’en examiner certaines des conséquen-ces prévisibles, déjà bien observées en Grande-Bretagne. On montrera d’abord les origines intellec-tuelles et idéologiques de cette explosion de l’impératifde contrôle en analysant les thèses du New PublicManagement, la doctrine qui alimente les politiques deréforme de l’État des pays occidentaux. On proposeraensuite quelques éléments d’explication plus structurelsdu succès des enjeux de contrôle intra-étatique, en nousappuyant sur les travaux de chercheurs britanniquesrelatifs aux transformations de l’État en Grande-Bretagne. Nous conclurons en soulignant quelqueseffets attendus, non intentionnels et parfois pervers deces nouveaux dispositifs de contrôle, incarnés enFrance par la LOLF.

Les origines intellectuelles d’un renouveauL’enjeu de contrôle des administrations n’est pas unequestion nouvelle. Historiquement, avec de fortes varia-tions selon les États, des formes de contrôle politique(notamment par le Parlement) et juridictionnel (par lestribunaux administratifs ou par des organisations spé-cialisées comme, en France, la Cour des comptes,l’Inspection des finances, les contrôleurs financiers,etc.) ont été mises en place pour surveiller l’activité desservices administratifs. D’un côté, il s’agit de donnerles moyens aux organes politiques élus de renforcerleurs voies d’accès à l’expertise et aux informationsdétenues par l’administration : questions écrites ou ora-les, commissions d’enquête et de contrôle, auditionspubliques sont des instruments utilisés au service del’établissement de contre-pouvoirs. D’un autre côté, lescontrôles dits de régularité ont traditionnellement visé àvérifier la conformité des actions administratives auxnormes supérieures de l’ordre juridique (3). La récenteexplosion des formes du contrôle des administrationsdépasse pourtant largement ces deux modalités clas-siques. Ces nouvelles manières de penser la nécessité et les for-mes du contrôle des bureaucraties émanent largementdes préconisations et de la diffusion d’une doctrine pro-

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téiforme, le New Public Management (ou “NouvelleGestion publique”), développée par sédimentation etstrates successives des années 1980 aux années 1990.Le statut du NPM est ambigu. Il s’agit d’un ensemblehétérogène d’axiomes tirés de théories économiques, deprescriptions issues de savoirs de management, de des-criptions de pratiques expérimentées dans des réformes(notamment dans les pays anglo-saxons) et de rationa-lisations doctrinales réalisées par des organisations

transnationales (OCDE,Banque mondiale, etc.) (4). LeNew Public Managementconstitue donc largement unpuzzle doctrinal à vocationgénérique, c’est-à-dire sus-ceptible d’être appliqué àtous les services administra-tifs quels qu’ils soient, et ali-mentant des conceptions deréforme multiples et parfois

contradictoires. Sous quelle forme la question ducontrôle y est-elle présente ?

Une tendance à “l’amincissement” de l’ÉtatAu départ, les préceptes de la Nouvelle Gestionpublique des années 1980 ne mettent pas l’accent surles enjeux de contrôle des bureaucraties. D’un côté, lesvictoires en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou auCanada de leaders politiques néo-conservateurs (5) issusde la “nouvelle droite” conduisent au développement deprogrammes concernant l’administration qui valorisentla réduction des dépenses publiques, les privatisationset, plus largement, le retrait de l’État. Ainsi, sous le slo-gan “Rolling Back the State”, les réformes Thatcher enGrande-Bretagne de la première vague, de 1979 à 1986,ont-elles visé particulièrement la réduction des coûts,des gaspillages et des effectifs dans le secteur publicbritannique, et notamment dans les administrations cen-trales ou le National Health Service (6). L’accent estalors mis sur “l’amincissement de l’État” ; l’interven-tion étatique est jugée économiquement et politique-ment illégitime, et les préconisations défendent le prin-cipe de l’externalisation et de la “débureaucratisation”

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par l’utilisation de la privatisation ou de la mise enconcurrence des activités de l’État. D’un autre côté, aucours des mêmes années 1980, les réformes menées aunom de certains préceptes du New Public Managementprésentent un second visage qui dénonce la lourdeurhiérarchique des bureaucraties et la pesanteur de leursfonctionnements. Cette autre variante met alors enavant le nécessaire renforcement de l’autonomie et de laliberté des gestionnaires, l’allègement des formes decontrôle (tutelle, contrôle a priori, etc.), la “redevabili-té” (accountability) à l’égard des usagers, mais aussi laparticipation des agents publics à la réforme de l’Étatadministratif (7). Ces réformes reposent sur une gestionpublique qui s’inspire des méthodes managériales dusecteur privé. Toutefois, cette seconde variante insisteaussi beaucoup sur les spécificités du secteur public etde ses missions, qu’elle articule avec des objectifs dequalité, dont la réalisation est fondée sur une intensifi-cation de la “relation de service”, plaçant au cœur desréformes le rôle des citoyens, des usagers et des per-sonnels. Les idées de qualité, d’“organisation appre-nante”,mais aussi de “libération de l’esprit d’entrepri-se”, à tous les niveaux d’organisation et de dérégle-mentation, sont à la mode (8). En France, dans le cadrede la “modernisation administrative” des années 1980,les programmes Le Garrec de 1985, la politique de cer-cles de qualité du ministre de la Fonction publiqueHervé de Charette de 1986 à 1988 et, surtout, la circu-laire Rocard du 23 février 1989, “Renouveau du servi-ce public”, s’appuient sur cette forme de management àforte composante participative et “égalitaire” (9).

L’enjeu de contrôle politique de l’administrationCes deux variantes du New Public Management, “néo-libérale” et participative, n’en épuisent pas pour autantles enjeux. De plus en plus manifeste au fil des années1990, un autre ensemble de recommandations, large-ment influencé par des travaux d’économie publique,va également nourrir les réformes administratives etfaire du contrôle des bureaucraties un enjeu essentiel.La théorie du Public Choice (William Niskanen), celledes coûts de transaction (Oliver E. Williamson) ou cellede l’agence (M. Jensen et W. Meckling) font partie des

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corpus scientifiques mobilisés pour élaborer de nouvel-les recommandations et de nouvelles pratiques.Schématiquement, ces théories utilisées en économiepolitique défendent l’idée que les administrations sontparvenues, dans les démocraties, à imposer leurs inté-rêts aux élus politiques en raison de multiples asymé-tries qui sont favorables aux premières : maîtrise del’information et de l’expertise dans les politiquespubliques ; contrôle de la mise en œuvre des program-mes et des savoirs pratiques qui leur sont attachés ; uti-lisation discrétionnaire des budgets, etc. Cette autono-mie, jugée dangereusement excessive, concerne aussibien les fonctionnaires de terrain (street-level bureau-crats) que les hauts fonctionnaires, dont la loyauté à l’é-gard des élus politiques et la responsabilisation dans lesrésultats des politiques publiques sont jugées insuffi-santes. Ces asymétries et la défaillance des contrôlesqu’elles génèrent sont analysées dans ces théoriescomme la cause de l’extension continue des budgetspublics et comme l’origine des difficultés (voire de l’in-capacité) des gouvernements élus à convertir leur victoire électorale en une capacité effec-tive de mettre en œuvre, de manière durable, les mesures d’action publique annoncées. Le rôle de “filtre” des administrations expliquerait ainsi que les engagements électoraux soient de plus en plusdéconnectés de la possibilité pratique de leur réalisa-tion. Dans cette perspective, l’enjeu de contrôle desbureaucraties devient central, assimilable au souci decontrôle de la délégation confiée à l’agent, le mandatai-re d’une prestation (ici l’administration), par le princi-pal, son mandant (l’élu politique). Dans cette relation,le problème vient de ce que l’asymétrie dont bénéficiele mandataire est susceptible de déboucher sur desactions dont les objectifs et les résultats ne correspon-dent pas aux souhaits du mandant. L’inspiration théorique de cette variante du New PublicManagement est, on le voit, très différente. Aux princi-pes de retrait et d’autonomie s’ajoute l’idéal de contrô-le politique. Cet enjeu se traduit par de multiples pré-conisations de réforme qui réaffirment la primauté del’acteur politique (le principal) sur le fonctionnaire :valorisation du rôle des ministres comme responsables

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des politiques publiques et comme dirigeants de l’ad-ministration ; mesures renforçant la coordination desprocessus de décision publique, notamment dans ledomaine budgétaire ; renforcement des contrôles sur lesadministrations par les nominations politiques maiségalement par l’impératif de “redevabilité” ; multiplica-tion des formes de contractualisation entre niveaux hié-rarchiques afin d’expliciter les objectifs et les engage-ments des fonctionnaires. Dans cette perspective, lesunités administratives, qu’il s’agisse de directions, deservices ou d’agences autonomes, sont “redevables”envers leurs supérieurs hiérarchiques autant qu’à l’é-gard des usagers qu’elles servent.

Des systèmes de contrôle à distanceÀ ce besoin affirmé de contrôle politique des adminis-trations dans le cadre du gouvernement représentatif vavenir s’ajouter, enfin, une dernière variante du NewPublic Management qui plaide pour une vision ration-nelle et gestionnaire du contrôle des organisationspubliques. Certains auteurs décrivent ce mouvementcomme un “néo-taylorisme” (10) confortant ce qued’autres décrivent comme “un modèle de contrôle parla production et le traitement de l’information” (11).L’idée dominante est simple.Pour Hoggett (12), Power ouOgien, par exemple, le succèsde la Nouvelle Gestionpublique s’est amplifié, dansles années 1990, par le fruitd’une rencontre entre desréflexions théoriques et despratiques de contrôle gestion-naire et financier développéesdans les grandes entreprisesprivées. Ces modèles sont centrés sur la formalisationaccrue des manières de suivre les activités d’une orga-nisation et d’en rendre compte. Dans le cadre des gran-des firmes (dites “multidivisionnelles”) constituées detrès nombreuses unités décentralisées ont en effet étémis en place des systèmes de contrôle à distance forte-ment procéduraux et centrés sur des indicateurs per-mettant de mesurer les résultats des filiales. Ce modèle

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“repose sur la mise en place d’appareils de recueil etd’analyse de données permettant de connaître le dérou-lement de l’activité en se reportant aux chiffres fournispar une batterie d’indicateurs rendant compte de sesconditions d’effectuation” (13). Cette logique calculatri-ce et comptable est indissociable des multiples nou-veaux instruments de rationalisation technique qui vontlui donner forme et qui vont être progressivement tra-duits et déclinés dans les secteurs publics des Étatsoccidentaux : détermination et fixation de contratsd’objectifs – souvent quantitatifs – pour les responsa-bles des actions opérationnelles ; comptabilité analy-tique (calcul et comparaison des coûts) ; systèmes demesure des performances des agents ; multiplicationdes indicateurs d’activité et des possibilités de compa-raison entre services par benchmarking (comparaisondes différents prestataires) ; rémunération au méritepour changer la structure des incitations ; charte desclients ou des usagers de l’organisation ; standards dequalité, etc. Par le biais de ces nouveaux outils, lesmodes de contrôle de l’organisation évoluent et pren-nent la forme d’un gouvernement à distance supposérenforcer l’autonomie des gestionnaires. Le succèsactuel des progiciels de gestion intégrée (14) revendi-quant l’objectif de pouvoir réunir toutes les donnéesd’une administration publique sur une base unique etpar grandes fonctions manifeste bien cette ambitiond’une transparence et d’un gouvernement global del’organisation. Le changement est important parce qu’il transformeassez radicalement les termes du contrôle administratif.Le recrutement des agents par concours et le respect desrègles, principes ex ante au cœur de la bureaucratieidéale-typique, ne sont plus considérés comme des fac-teurs suffisants pour piloter les organisations publiques.La rationalisation des administrations passe désormaispar des contrôles ex post qui reposent sur le calcul et surle contrôle des coûts (tableaux de bord, statistiques,comptes prévisionnels), ainsi que sur la surveillancedes réalisations et des résultats de l’activité administra-tive (mesures de performance par des indicateurs, etc.).Les contrôles de régularité font place à des contrôlesd’efficacité (confrontation des objectifs affichés et des

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résultats obtenus) et d’efficience (confrontation desmoyens utilisés et des résultats atteints, comparaisonavec d’autres systèmes privés ou étrangers).

Conséquences pratiques de l’influence du New Public ManagementLa diffusion et l’influence de nouvelles conceptions(politique, économique, gestionnaire) du contrôle del’administration expliquent en partie l’invalidationcroissante des anciennes manières de penser le gouver-nement des systèmes administratifs et le lancement deréformes. Cependant, l’essor des nouveaux impératifsde contrôle n’est pas réductible au seul succès d’unensemble d’idées. Il renvoie autant au fait que de mul-tiples groupes, au sein de l’État ou en dehors, fabri-quent et s’approprient les préconisations de contrôle dela Nouvelle Gestion publique, en défendent l’utilité etla légitimité dans le secteur public et en font le cœur deleur activité. Autrement dit, les idées rencontrent ici lesintérêts institutionnalisés d’hommes politiques, defonctionnaires et de professionnels qui défendent cesmesures de re-centralisation. Trois perspectives peuventêtre avancées pour tracer les dynamiques et les effetsattendus de cette nouvelle forme de rationalisation del’action publique. D’abord, le succès du NPM étonne peu, en raison desmultiples intérêts que différents groupes peuvent fairevaloir pour développer les activités de contrôle intra-étatique. Ce sont d’abord des administrations transver-sales (ministère des Finances surtout, mais aussi minis-tère de la Fonction publique) qui s’intéressent aux nou-veaux systèmes et aux nouveaux outils de gestion. Dansune configuration marquée par l’accroissement desacteurs dans l’action publique (fragmentation étatique,Europe, collectivités locales, etc.) et par l’accentuationde nouvelles contraintes (financières notamment), cesinstitutions centralistes ont connu une perte de leurscapacités de maîtrise de l’ensemble étatique. Ellesinvestissent les nouveaux instruments managériauxpour tenter de conserver, en le recomposant, leur pou-voir de direction, de coordination et de contrôle (15). Lesélus politiques, ensuite, voient dans l’explicitationd’objectifs et d’indicateurs de performance un moyen

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de rationaliser les processus d’action publique et derevendiquer, pour leur électorat, des buts et des résul-tats. Les démarches de contractualisation leur offrentaussi la possibilité de redistribuer les responsabilitésd’échecs éventuels de politiques, en en transférant unepartie vers les fonctionnaires directement en charge dela gestion opérationnelle des politiques publiques. Lesuccès des outils de gestion est également, enfin, lereflet de l’essor de l’industrie de l’audit et du conseil,principaux promoteurs et vendeurs des systèmes degestion et du “gouvernement par la performance”. Lesdonnées manquent pour analyser précisément l’influen-ce et l’implication des cabinets de consultants dansl’administration (16), mais les réformes “appellent” lesconsultants et favorisent la diffusion des pratiques d’au-dit et de contrôle. La concentration rapide du secteurconduisant à l’émergence de multinationales du conseildominées par l’informatique alimente également lesrationalisations à base de systèmes d’information et degestion. La deuxième perspective prend la forme d’un paradoxe.En mettant l’accent sur le mouvement d’externalisationet de fragmentation de l’offre de services publics, beau-coup d’observateurs ont occulté le processus inverse derenforcement des capacités de régulation et de contrôleinterne aux États (17). D’un côté, en effet, tout au longdes années 1990, de nombreuses réformes menées dansles pays occidentaux ont proposé d’abandonner lesstructures jugées monolithiques de l’État et de procéderà un “désenchevêtrement du secteur public” par lacréation d’agences indépendantes munies de budget,d’objectifs clairs et d’un management autonome (18).D’un autre côté, cependant, cette désagrégation de l’É-tat administratif par fragmentation, privatisation,déconcentration ou décentralisation s’est doublée d’unprocessus parallèle de renforcement des capacités et desorganisations de contrôle intra-étatique. D’un point devue fonctionnaliste, d’ailleurs, ces deux logiques sontcomplémentaires. La désagrégation des structuresadministratives (multiplications des bureaux, créationd’agences, contractualisation avec des acteurs tierspublics ou privés, etc.) pose d’importants problèmes decontrôle et de coordination. Elle entraîne le développe-

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ment parallèle, dans les États, d’organismes, de règleset de procédures destinés à recréer et à défendre de nou-veaux instruments d’intégration. Les enjeux aussi stra-tégiques que l’allocation des ressources aux services, ladéfinition des règles constituantes concernant les finan-ces ou le personnel, ou encore le suivi des objectifs etdes performances des services constituent les domainesprivilégiés de ce mouvement de re-centralisation et deformalisation. Les transformations de l’État britannique offrent un ter-rain d’expérimentation particulièrement révélateur dece phénomène. Une série d’enquêtes menées depuis lafin des années 1990 et dirigées par Christopher Hoodsoulignent l’évolution paradoxale de l’administrationau Royaume-Uni. Parallèlement aux réformes ayantfavorisé l’externalisation de la production de bienspublics, ces chercheurs ont observé la réactivation et ladifférenciation de multiples instances de régulation dugouvernement (regulation inside government) internesà l’État et en charge de fonctions d’audit, d’inspections,d’évaluation et de surveillance, voire du suivi des plain-tes et récriminations diverses (19). On assiste ainsi à laconstitution d’un champ spécialisé de contrôle admi-nistratif caractérisé par des organes publics de plus enplus nombreux, aux statuts variés (services du Trésor,National Audit Office, services de directions d’adminis-trations centrales, Commission d’audit et inspections,etc.), centralisant ressources et effectifs croissants. De1976 à 1995, le nombre d’agents publics occupant desfonctions dans les organes de régulation internes à l’É-tat britannique a augmenté de 90 %, tandis que le nom-bre de fonctionnaires du Civil Service diminuait globa-lement de 30 % et de 20 % pour les fonctionnaires. Lesréformes Next Steps de 1988, transformant des départe-ments ministériels en agences d’exécution (20), ou lapolitique de régulation des collectivités locales et dudomaine de la santé (régime dit “Best Value”) du gou-vernement Blair (21) se traduisent toutes par le dévelop-pement de formes variées de gouvernement à distanceau moyen d’objectifs, de standards ou d’indicateurs desuivi des résultats et des performances des administra-tions, etc. On aura compris, troisièmement, que cet éclairage bri-

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tannique ne doit pas laisser insensible l’observateurhexagonal. Certes, l’explosion de l’audit outre-Manchepourrait être analysée comme une forme de rattrapagede la surveillance pratiquée dans des États dont lesinspections générales sont historiquement développées(comme en France) ou dont les Parlements ont de puis-sants pouvoirs d’enquête (22). Mais l’État administratifen France est également gagné, surtout depuis le débutdes années 2000, par le mouvement de développementdes systèmes de contrôle de gestion et de suivi des per-formances. Les repères en sont connus. Même inégale-ment suivi, le Comité interministériel pour la réformede l’État (CIRE) du 12 octobre 2000 n’avait-il pas déci-dé la généralisation du contrôle de gestion dans tous lesministères ? Le vote de la LOLF et sa mise en œuvreconstituent un vecteur autrement contraignant. Dans lenouveau cadre budgétaire, les services devront définiret s’engager ex ante sur des objectifs dans le cadre desprojets annuels de performance (PAP) et analyser lesrésultats dans les rapports annuels de performance(RAP), tous deux destinés au Parlement. De très nomb-reux indicateurs de performance sont ainsi élaborésdans les ministères pour formaliser l’activité adminis-trative et favoriser les activités de contrôle. Même si latraduction et la diffusion de la Nouvelle Gestionpublique sont antérieures à la LOLF (23), celle-ci rendopérationnelles, démultiplie et systématise les possibi-lités d’un gouvernement à distance et d’une gestion del’État par la performance. Les effets de ces politiques en France et dans les admi-nistrations occidentales restent largement à analyser,mais beaucoup de travaux mettent déjà en garde contreles effets pervers et les écueils de ces programmes. Lacréation de nouvelles bureaucraties entièrement dédiéesau contrôle et à la régulation interne indique déjà assezque les risques de technocratisation des systèmes degestion, liés à l’hyper-rationalisme de ces activités, nesont pas nuls. L’émergence de nouveaux “régulateurs”,des administrations spécifiquement en charge ducontrôle interne à l’appareil d’État produisent plus deprocédures, plus de règles explicites et plus d’instru-ments de mesure. Déjà, les premières voix s’élèventpour dénoncer la dimension inextricable du système de

NOTES

1 - Loi organique relative aux lois de finances(LOLF) no 2001-692 du 1er août 2001.

2 - Michael Power, La société de l’audit.L’obsession du contrôle, Paris, LaDécouverte, 2004.

3 - Voir Jacques Chevallier, Science adminis-trative, Paris, PUF, 2002.

4 - Voir James Iain Gow, Caroline Dufour, “Is theNew Public Management a Paradigm? Does itMatter?”, International Review ofAdministrative Sciences, vol. 66, 2000, p. 573-597 ; Christopher Hood, “A Public Managementfor All Seasons?”, Public Administration, vol. 69,Spring, 1991, p 3-19 ; François-Xavier Merrien,“La Nouvelle Gestion publique : un conceptmythique”, Lien social et politiques/RIAC,n° 41, printemps 1999, p. 95-103.

5 - Il s’agit de Margaret Thatcher, de RonaldReagan et de Brian Mulroney. Voir Donald J.Savoie, “Les réformes de la fonction publique :l’empreinte de la nouvelle droite”, Politiqueset management publique, vol. 12, n° 3, sep-tembre 1994, p. 65-89.

6 - Voir, par exemple, Colin Campbell,Governments under Stress: PoliticalExecutives and Key Bureaucrats inWashington, London and Ottawa, Toronto,University of Toronto Press, 1983.

7 - Voir, sur ce point, P. Aucoin, “AdministrativeReform in Public Management : Paradigms,Principles, Paradoxes and Pendulums”,Governance, vol. 3, n° 2, avril 1990, p. 115-137.

8 - Par exemple, R. Waterman et T. Peters, Leprix de l’excellence, Paris, Interéditions, 1983,ou I. Orgogozo, H. Sérieyx, Changer le chan-gement. Pour en finir avec les bureaucraties,Paris, Le Seuil, 1989.

9 - Christopher Hood, “Doing Public Managementthe Egalitarian Way ?”, The Art of The State.Culture, Rhetoric and Public Management,Oxford, Clarendon Press, 1998.

10 - Christopher Pollitt, Managerialism andthe Public Services. The Anglo-AmericanExperience, Oxford, Basil Blackwell, 1990.

11 - Albert Ogien, L’esprit gestionnaire, Paris,Éditions de l’EHESS, 1995, p. 67.

12 - P. Hoggett, “New Modes of Control in thePublic Service”, Public Administration, vol74, n° 1, p. 9-32, 1996.

13 - Ibid.

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gestion mis en place avec la LOLF, tandis que d’autressoulignent que les indicateurs élaborés par les ministè-res ont été mal choisis (24). Classiquement, l’élaborationet l’usage des indicateurs génèrent des insatisfactions,des conflits d’interprétation et des biais en raison ducaractère irréductiblement construit et “artefactuel” deces instruments. Des problèmes de responsabilité sontégalement susceptibles d’être soulevés. D’une part,inévitablement, la question du contrôle de ces nouvel-les instances de contrôle (Who regulates theregulators ?) ne manquera pas, tôt ou tard, d’être posée.D’autre part, des jeux ou des tricheries sur la répartitiondes responsabilités sont prévisibles. Dans les cas de crise,les élus politiques pourront être tentés de reprendre l’au-tonomie octroyée aux gestionnaires, et les conflits d’im-putation en responsabilité se multiplieront. Face auxcontraintes de transparence et de formalisation, la mani-pulation des indicateurs ou des comptes rendus de per-formance deviennent des stratégies rationnelles afin d’é-viter les risques de sanction et de blâme (25).La croissance des formes et des instruments de régula-tion et de contrôle internes à l’État n’est donc pas prêtede s’interrompre. Légitimée par la force d’une doctrineprotéiforme, soutenue par l’émergence d’institutionsspécialisées et endossée par les élus politiques, cettenouvelle étape de la rationalisation des fonctionne-ments publics constitue une caractéristique majeure dela transformation contemporaine des États. Ses bénéfi-ces mais aussi les nombreux problèmes et effets perversqu’elle soulève sont d’ores et déjà l’enjeu de débats etdevront être, il faut le souhaiter, l’objet de nombreusesenquêtes en sciences sociales.

14 - Denis Segrestin, “Les progiciels de ges-tion intégrés : le mythe du pilotage automa-tique”, Les chantiers du manager, Paris,Armand Colin, 2004, p. 305-338.

15 - Philippe Bezes, “« L’État-stratège » :conflits de pouvoir autour d’une nouvelleforme organisationnelle dans l’administrationfrançaise des années 1990”, Sociologie dutravail, n°4, 2005 (à paraître).

16 - Pour une exception, Denis Saint-Martin,Building the New Managerial State.Consultants and the Politics of Public SectorReform in Comparative Perspective, OxfordUniversity Press, 2001.

17 - Ce double développement est repéré etformalisé pour la première fois parChristopher Hood, Colin Scott, “BureaucraticRegulation and New Public Management inthe United Kingdom: Mirror-ImageDevelopments?”, Journal of Law and Society,vol. 23, n° 3, septembre 1996, p. 321-345.

18 - Tom Christensen, Per Lægreid (éds.), NewPublic Management. The Transformation ofIdeas and Practice, Aldershot, Ashgate, 2002.

19 - C. Hood, C. Scott, O. James, G. Jones, T.Travers, Regulation inside GovernmentWaste-Watchers, Quality Police and Sleaze-Busters, Oxford, Oxford University Press,1999.

20 - Oliver James, The Executive AgencyRevolution in Whitehall, Basingstoke,Palgrave, 2003.

21 - Pour une synthèse, Oliver James, “TheRise of Regulation of the UK Public Sector”,Sociologie du travail, n° 3, 2005 (à paraître).

22 -Voir C. Hood, O. James, G. Peters, C. Scott,Controlling Modern Government : Variety,Commonality and Change, Edward Elgar, 2004.

23 - Philippe Bezes, “L’État et les savoirsmanagériaux : essor et développement de lagestion publique en France”, in F. Lacasse, P.-É. Verrier, Trente ans de réforme de l’État,Paris, Dunod, 2005.

24 - Rapport d’information n° 220 (2004-2005) de M. Jean Arthuis fait au nom de lacommission des finances, déposé le 2 mars2005, Sénat.

25 - C. Hood, “The Risk Game and the BlameGame”, Government and Opposition, vol. 37,2002, p. 15-37.

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