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HAL Id: hal-00895401 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00895401 Submitted on 1 Jan 2000 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Évolution des connaissances sur la membrane du globule gras du lait : synthèse bibliographique Sabine Danthine, Christophe Blecker, Michel Paquot, Nadia Innocente, Claude Deroanne To cite this version: Sabine Danthine, Christophe Blecker, Michel Paquot, Nadia Innocente, Claude Deroanne. Évolution des connaissances sur la membrane du globule gras du lait : synthèse bibliographique. Le Lait, INRA Editions, 2000, 80 (2), pp.209-222. 10.1051/lait:2000120. hal-00895401

Évolution des connaissances sur la membrane du globule

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Page 1: Évolution des connaissances sur la membrane du globule

HAL Id: hal-00895401https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00895401

Submitted on 1 Jan 2000

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Évolution des connaissances sur la membrane du globulegras du lait : synthèse bibliographique

Sabine Danthine, Christophe Blecker, Michel Paquot, Nadia Innocente,Claude Deroanne

To cite this version:Sabine Danthine, Christophe Blecker, Michel Paquot, Nadia Innocente, Claude Deroanne. Évolutiondes connaissances sur la membrane du globule gras du lait : synthèse bibliographique. Le Lait, INRAEditions, 2000, 80 (2), pp.209-222. �10.1051/lait:2000120�. �hal-00895401�

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Revue

Évolution des connaissances sur la membranedu globule gras du lait : synthèse bibliographique

Sabine DANTHINEa, Christophe BLECKERa*, Michel PAQUOTa,Nadia INNOCENTEb, Claude DEROANNEa

a Unité de Technologie des Industries Agro-alimentaires,Faculté Universitaire des Sciences Agronomiques de Gembloux, passage des Déportés 2,

5030 Gembloux, Belgiqueb Dipartimento di Scienze degli Alimenti, Università degli studi di Udine,

Via Marangoni 97, 33100 Udine, Italie

(Reçu le 24 mars 1999 ; accepté le 23 août 1999)

Abstract — Progress in milk fat globule membrane research: a review. The milk fat globule isessentially an oil droplet enclosed in a protective ‘membrane’, partially derived from the plasmamembrane of the lactating cell, and which assures the dispersion of the milk fat in the milk plasma.This protective coat is generally called ‘the milk fat globule membrane’ (MFGM). This reviewexamines the present state of knowledge on the MFGM. The topics dealt with are: origin and formation,isolation from milk, composition (lipids and proteins), structure (a new model is proposed), functionalproperties and the role that the MFGM plays in protection against lipolysis.

milk fat globule membrane / isolation / composition / structure / functional property

Résumé — Les globules gras du lait sont essentiellement des gouttelettes lipidiques enrobées d’uneenveloppe protectrice. Cette dernière est partiellement dérivée de la membrane plasmique de la cel-lule sécrétrice ; de par sa nature, elle assure la dispersion de la matière grasse laitière, hydrophobe,dans le plasma du lait, hydrophile. Cette enveloppe protectrice est généralement appelée la « mem-brane du globule gras du lait » ou « milk fat globule membrane » (MFGM). Cette synthèse biblio-graphique fait le point sur les connaissances actuellement acquises à propos de cette membrane du glo-bule gras du lait. Les différents sujets abordés concernent son origine et sa formation, son isolementà partir du lait, sa composition générale (protéines et lipides), sa structure – un nouveau modèle estproposé –, ses propriétés fonctionnelles, ainsi que le rôle qu’elle joue dans la protection du lait contrela lipolyse.

membrane du globule gras du lait / isolement / composition / structure / propriété fonctionnelle

Lait 80 (2000) 209–222 209© INRA, EDP Sciences

* Correspondance et tirés à partTél. : (32) 81 62 23 08 ; fax : (32) 81 60 17 67 ; e-mail : [email protected]

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S. Danthine et al.210

1. INTRODUCTION

Le lait de vache contient de 3 à 5 % dematière grasse dispersée sous forme de glo-bules sphériques dont le diamètre varie de0,1 à 20 µm, avec une valeur moyenne de3 à 5 µm. Ces globules gras sont hétéro-gènes ; ils sont essentiellement constituésd’une microgoutte de triglycérides, partiel-lement cristallisés à température ambiante,entourée d’une fine membrane communé-ment appelée « la membrane du globule grasdu lait » ou « milk fat globule membrane »(MFGM). Cette enveloppe protectrice estun assemblage complexe de protéines, dephospholipides, de glycoprotéines, de lipidesneutres, d’enzymes et autres composésmineurs. Elle agit comme un émulsifiantnaturel permettant à la matière grasse, hydro-phobe, de demeurer dispersée dans le plasmadu lait, hydrophile et contribue de ce fait aumaintien de l’émulsion.

Certains aspects concernant la MFGMn’ont plus fait l’objet de publications cesdernières années ; ils ont été largement reprisdans des articles de synthèse assez anciens,faisant encore figure de référence [3, 39, 42].

Au contraire, d’autres aspects comme lastructure, les propriétés fonctionnelles et lerôle de la membrane dans la protectioncontre la lipolyse font l’objet de recherchesplus récentes. Ces points seront dès lors par-ticulièrement développés dans cette syn-thèse bibliographique.

2. ORIGINE DE LA MFGM

2.1. Origine et formationdes globules gras

Les globules gras du lait se développentdans les cellules de l’épithélium sécrétoiremammaire. En effet, le réticulum endo-plasmique est l’endroit où sont synthétiséesà la fois les protéines et les triglycérides [7,36] ; ces triglycérides sont ensuite accumu-lés sous forme de petites gouttes dans lecytoplasme. Ces gouttes lipidiques de 1 à

5 µm de diamètre, abondantes dans les cel-lules sécrétrices, sont appelées CLDs(« cytoplasmic lipid droplets » – goutteletteslipidiques cytoplasmiques) ; ce sont les pré-curseurs des globules gras du lait. Une des-cription complète de la formation des glo-bules gras du lait se trouve dans l’article desynthèse de Mather et Keenan de 1998 [36].

2.2. Sécrétion des globules gras dulait – formation de la MFGM

Dès 1959, Bargmann et Knoop ontobservé que lorsque les globules bourgeon-nent hors des cellules sécrétrices, ils sontenveloppés d’une membrane [4]. Le méca-nisme de sécrétion des globules gras le pluslargement accepté actuellement est la migra-tion des gouttelettes lipidiques (CLDs) àtravers le cytoplasme de la cellule sécrétricevers le pôle apical de cette cellule. Lorsqueles CLDs atteignent cette surface apicale,elles sont graduellement recouvertes par lamembrane plasmique de la cellule, jusqu’àce qu’il ne reste qu’un fin col non refermé.La sécrétion proprement dite a lieu quandles membranes du col fusionnent entreelles ; la goutte lipidique est alors expulséedans le lumen alvéolaire.

Ce phénomène serait facilité par une gly-coprotéine : la butyrophiline. Ceci est d’au-tant plus probable que la butyrophiline estacylée et se lie fortement aux phospholi-pides ; de plus, elle a tendance à s’associerà une autre protéine, la xanthine oxydase,pour former un complexe qui pourrait êtreimpliqué dans la liaison de la bicouchemembranaire à la goutte lipidique [36]. Enoutre, durant le bourgeonnement desglobules gras, il reste un espace de 10 à20 nm entre la surface externe de la gouttelipidique et la face cytoplasmique de lamembrane plasmique [36] qui se remplit dematériel « electron-dense ». Cette zone cor-respond à la zone de couverture présentantun arrangement hexagonal paracristallin enmicroscopie électronique ; cette couche estconstituée de protéines, notamment de laxanthine oxydase et de la butyrophiline.

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La membrane du globule gras du lait

réfrigéré et non pasteurisé afin d’éviter deschangements de composition au sein de lamembrane.

La crème ainsi obtenue est débarrasséedes constituants du lait écrémé par desimples lavages à l’aide de solutions adé-quates. Anderson et Brooker [2] ont montréque 3 lavages sont suffisants pour éliminerles composants du lait écrémé et que deslavages supplémentaires entraîneraient tropde pertes en matériel membranaire (phos-pholipides et protéines).

Basch et al. [6] ont, quant à eux, étudiél’effet de la composition de la solution delavage sur les isolats obtenus ; l’effet majeurse remarque au niveau de la compositionprotéique de la membrane, principalementen ce qui concerne les caséines. En effet,seuls les tampons contenant un minimumde 0,15 mol·L–1 de NaCl permettent l’éli-mination des caséines. La présence du NaCldans les solutions lavantes permet, en outre,d’éviter une chute de la force ionique dumilieu lors de la dilution des crèmes. Cettedernière entraînerait une déstabilisation pré-coce des globules gras et ainsi une perte dematériel membranaire.

Une variante de ces techniques tradi-tionnelles nécessitant des cycles répétés decentrifugation pour obtenir des globules grasdébarrassés de composants provenant dulait écrémé a été mise au point par Pattonet Huston en 1986 ; elle permet d’isoler desglobules gras « purifiés » en une seule étape[43]. Elle consiste à placer du lait frais nonréfrigéré, additionné de saccharose à raisonde 5 g·100 mL–1, sous une phase aqueuse –tampon ou solution saline ou encore eau –dans un tube à centrifugation ; ce tube estfermé et centrifugé à 1 500 g durant 20 min.La couche contenant la matière grasse« purifiée » est collectée en surface de laphase aqueuse. La comparaison de la teneuren protéines, phospholipides et cholestéroldes globules gras obtenus à l’aide de cetteméthode à celle des globules gras obtenuspar la méthode classique faisant appel à descycles successifs de lavage et centrifugation,montre que les 2 techniques permettent

La membrane du globule gras peut doncêtre perçue comme une structure multi-couche complexe consistant en une coucheinterne de protéines et de lipides originairesdes CLDs, et une bicouche externe dérivéede la membrane plasmique de la cellulesécrétrice [36].

3. ISOLEMENT DE LA MEMBRANE

Le matériel membranaire peut être isoléà partir du lait selon différentes techniques,mais les rendements d’extraction et la com-position des isolats obtenus dépendent for-tement de la méthode utilisée.

Il est donc primordial de choisir la tech-nique d’isolement répondant le mieux auxobjectifs de l’étude réalisée. Ces objectifssont, par exemple : (i) la sélectivité de laméthode : ceci implique l’obtention decomposants membranaires exempts decontaminants (autres constituants du lait,notamment les caséines) ; (ii) le rendementd’extraction : la méthode doit alors permettrel’extraction d’un maximum de matérielmembranaire ; (iii) une extraction totale desdifférents constituants : le matériel doit êtreextrait sans la moindre perte d’un quel-conque élément constitutif de la membrane ;(iv) l’étude de la structure membranaire : laméthode doit être non ou peu dénaturanteafin de préserver la structure initiale.

3.1. Méthodes dites classiques

Les méthodes d’extraction les plus clas-siques comportent 5 étapes. Il s’agit de laséparation des globules gras du plasma, del’élimination des composants du lait écrémérestants (lavage de la crème), de la matura-tion de la crème obtenue, de la déstabilisa-tion de l’émulsion et de la récupération desfragments de membrane.

3.1.1. Lavage

La séparation des globules gras est aisé-ment réalisée par centrifugation de lait non

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S. Danthine et al.

d’obtenir des globules gras de compositionsimilaire. Ainsi, cette méthode permetd’obtenir des résultats semblables à ceuxobtenus par la méthode traditionnelle defaçon beaucoup plus simple et beaucoupplus rapide étant donné le nombre réduit demanipulations. En outre, cette méthode estbeaucoup moins dénaturante envers les glo-bules gras.

Pour certaines études spécifiques, les glo-bules gras lavés peuvent être utilisés telsquels. C’est le cas notamment des étudesd’activité enzymatique, de mobilité élec-trophorétique, de marquage des constituantsexternes. Par contre, pour d’autres études, ilest nécessaire de déstabiliser l’émulsion soitpar voie physique, soit par voie physico-chimique de façon à séparer la membranedu cœur lipidique. Cette déstabilisation agénéralement lieu après une maturation de lacrème. En effet, le refroidissement de lacrème lors de la maturation physique per-met la cristallisation partielle de la matièregrasse ; sans cette cristallisation, le barat-tage de la crème serait impossible.

3.1.2. Déstabilisation

Il existe 2 méthodes de déstabilisationpar voie physique : le barattage et la tech-nique du « freeze-thawing » (congélation –décongélation).

Le barattage ou agitation vigoureuse de lacrème, initialement proposé par Kitchen[32], demeure la méthode la plus couram-ment utilisée à ce jour [6, 19, 20, 22, 26].

La technique du « freeze-thawing », uti-lisée notamment par Kim et Nawar [30] etLuo et Snow [34], consiste à congeler etdécongeler successivement l’échantillonafin de déstabiliser l’émulsion. Il faut noterque ces opérations sont plus efficaceslorsqu’elles sont effectuées lentement [42].

Les méthodes physico-chimiques consis-tent, quant à elles, à utiliser un détergent ouun solvant afin de déstabiliser les globules.Différents agents peuvent être utilisés : parexemple le Triton-X100 [27, 41] ; des sels

biliaires comme le taurodéoxycholate [44] ;le diméthyle sulfoxyde ou le diméthyle for-mamide [14].

3.1.3. Récupération

Après déstabilisation des globules gras,les fragments membranaires se retrouventdans la phase aqueuse. La méthode la pluscommunément utilisée pour collecter cesfragments est l’ultracentrifugation. SelonPatton et Keenan [42], une ultracentrifuga-tion à 100 000 g pendant 60 à 90 min permetde récupérer tout le matériel membranairerelargué par barattage ou congélation-décon-gélation sous forme d’un culot dense.

Toutefois, d’autres alternatives ont aussiété envisagées afin de collecter la membranepar centrifugation à plus faible vitesse.Kanno et al. [25] utilisent du sulfate d’ammo-nium à 50 % de saturation afin de précipiterla membrane ; le culot est récupéré par cen-trifugation à 10 000 g pendant 30 min. Cettetechnique nécessite cependant l’éliminationdu sulfate d’ammonium après la récupéra-tion de la membrane ; cette élimination esteffectuée par dialyse. Kanno et Kim [24]effectuent cette étape en 3 j à 4 °C. Uneautre alternative, proposée par les mêmesauteurs, consiste à acidifier le milieu àpH 4,8 puis à le centrifuger à 30 000g pen-dant 15 min ; les résultats obtenus sont com-parables, tant au niveau du rendement que dela composition, à ceux obtenus par ultra-centrifugation ou précipitation au sulfated’ammonium.

3.2. Technique particulière

Parallèlement à ces méthodes d’extrac-tion dites classiques, comprenant 5 étapes,McPherson et al. [40] ont mis au point unetechnique particulière ne nécessitant pas delavage de la crème avant la déstabilisation del’émulsion. Les caséines et les protéines dulactosérum sont alors ôtées par centrifu-gation du matériel extrait par barattage(babeurre et eau de lavage du beurre),

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La membrane du globule gras du lait

90 % du poids sec. Cependant, les propor-tions relatives de ces 2 composants varientfortement selon les auteurs. Ces variationsont des origines multiples. Elles peuventnotamment provenir du mode de déstabili-sation des globules gras, du mode de récu-pération des fragments membranaires, ainsique d’autres facteurs non maîtrisables liés àla matière première qu’est le lait. Parmi cesderniers, nous pouvons citer la race et l’âgede l’animal, son régime, son stade de lac-tation, le facteur saisonnier.

Les plus grandes variations de composi-tion sont observées au sein des lipidesneutres et plus particulièrement des trigly-cérides.

4.1. Les protéines

La teneur en protéines varie, selon lesauteurs, de 25 à 60 % du poids sec [15, 24,29, 30, 41].

Les protéines membranaires sont géné-ralement caractérisées par électrophorèsesur gel de polyacrylamide en conditionsdénaturantes (SDS-PAGE) ; bien qu’il existequelques écarts au niveau de l’estimationdes poids moléculaires, les profils électro-phorétiques obtenus par différents cher-cheurs présentent une similitude frappantequant à la distribution des polypeptides etglycoprotéines majeurs de la membrane. Eneffet, en dépit de différences de poids molé-culaires calculés et des différences obtenuesquant au nombre total de bandes (certainesbandes correspondant aux protéines mineuresn’apparaissent pas toujours), 3 classesmajeures apparaissent, après révélation aubleu de Coomassie, vers 155 000, 67 000et 44 000 –48 000 g·mol–1. Le polypeptidecorrespondant à la classe 155 000, poly-peptide 3 selon la nomenclature de Matheret Keenan [35], a été identifié comme étantla xanthine oxydase [6, 17, 21]. Cetteenzyme accomplit des réactions d’oxydo-réduction variées, notamment l’oxydationde la xanthine en acide urique avec produc-tion d’eau oxygénée. Ces petites quantités

délicatement déposé sur une solutionconcentrée de saccharose (52,5 % poids/volume de saccharose dans un tamponTris-HCl à pH 7,5). Les fragments mem-branaires sont ensuite collectés à l’interfaceeau–saccharose, alors que les protéines dulactosérum demeurent dans le surnageant etque les micelles de caséines migrent dansla solution concentrée de saccharose. Lematériel membranaire collecté à l’interfaceà l’aide d’une seringue est ensuite dialyséet centrifugé. Il faut toutefois noter que lerendement en matériel membranaire est infé-rieur de 25 % par rapport aux méthodes plusconventionnelles. Il s’agit d’une méthodeparticulièrement adaptée à l’isolement dematériel membranaire à partir de produitslaitiers dont on ignore la stabilité des glo-bules ou présentant une stabilité globulaireréduite.

Afin de contrôler l’efficacité de l’extra-ction et ainsi vérifier si elle répond effecti-vement aux objectifs poursuivis, différentesanalyses sont généralement effectuées. Lamesure du rendement d’extraction, expri-mée en grammes de poids sec membranairepour 100 g de matière grasse, est couram-ment réalisée. Différentes analyses concer-nant la composition du matériel extrait peu-vent également être effectuées, notammentla détermination de la teneur en lipides eten protéines. De plus, une électrophorèsepermet souvent de vérifier la nature des pro-téines présentes dans l’extrait obtenu. Àl’aide de cette analyse, il est possible des’assurer, d’une part, que les protéines dela membrane sont présentes et d’autre part,qu’il n’existe aucun contaminant protéiquevenant du lait écrémé comme par exempledes caséines.

4. COMPOSITION GÉNÉRALEDE LA MEMBRANE

Dans la plupart des analyses de compo-sition des isolats de membrane obtenus àl’aide des techniques décrites ci-dessus, lasomme des lipides et des protéines dépasse

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S. Danthine et al.

d’eau oxygénée pourraient inhiber le déve-loppement de certains micro-organismes[1]. Le polypeptide représentant la classe67 000, polypeptide 12 selon la nomencla-ture de Mather et Keenan [35], a, quant àlui, été appelé butyrophiline en raison deson affinité pour les lipides du lait [6, 17].Cette protéine est insoluble ou très faible-ment soluble en solution aqueuse mêmeaprès un traitement réalisé à l’aide de diversdétergents ou dans des solutions de forceionique élevée. La butyrophiline est la gly-coprotéine majeure de la MFGM ; elle repré-sente 40 % des protéines totales associées àla membrane, sur base du poids, et 50 % surbase du nombre de molécules [35, 37]. Ils’agit de la seule protéine membranaire dontle gène est exprimé spécifiquement dans lestissus mammaires. Son rôle potentiel dans lasécrétion des globules gras a déjà été souli-gné mais, à l’heure actuelle, il est encoredifficile de définir précisément l’action decette protéine. En 1981, Franke et al. [17]ont suggéré que cette protéine pourrait jouerle rôle de récepteur facilitant les interactionsentre les gouttelettes lipidiques cytoplas-miques et la membrane plasmique apicale. Ilfaut encore noter que la xanthine oxydasepourrait former un complexe avec la buty-rophiline [37]. Ce complexe serait chargéd’assurer la sécrétion correcte des goutteslipidiques ; ceci confirmerait l’hypothèseinitiale de Franke. La suppression del’expression du gène correspondant à la buty-rophiline, par exemple chez la souris, per-mettrait certainement de progresser dans ladétermination du rôle exact de cette pro-téine.

La troisième classe importante se situevers 44 000–48 000 [6]. Cette classe, cor-respondant au polypeptide 16 selon lanomenclature de Mather et Keenan [35],contient une glycoprotéine purifiée et iden-tifiée par Basch et al. [5] : il s’agit de la gly-coprotéine B. Cette protéine étant expriméedans le cas de tumeurs du sein, on utilise,en médecine humaine, des anticorps mono-clonaux correspondants, afin de détecter cetype de cancers.

Il faut aussi noter qu’il existe, en plus deces protéines majoritaires, un certain nombrede protéines minoritaires qui possèdent peut-être des fonctions biologiques importantes,notamment des enzymes. Une descriptionexhaustive des enzymes membranairesse trouve dans l’article de synthèse deMcPherson et Kitchen [39].

4.2. Les lipides

Les lipides neutres comprennent les tri-glycérides, les diglycérides, les monogly-cérides, les esters et le cholestérol, par oppo-sition aux lipides polaires représentés parles glycolipides et les phospholipides. Enfait, la membrane du globule gras, dans sonétat natif normal (c’est-à-dire dans du laitnon réfrigéré) contient des triglycérides,mais probablement en faible quantité [51].Les grandes quantités de triglycérides géné-ralement retrouvées parmi les constituantsmembranaires proviennent en grande par-tie de cristaux de matière grasse du cœur duglobule contaminant la membrane durant leprocessus de barattage. Ces triglycéridesco-entraînés avec le matériel membranaire sedistinguent des triglycérides totaux du lait,car ils contiennent une plus grande propor-tion d’acides gras à longue chaîne [49] ; ilssont d’ailleurs qualifiés de triglycérides àhaut point de fusion [20]. La proportion detriglycérides associés à la membrane dépendfortement des conditions d’isolement ; c’estpourquoi de grandes variations existentquant à la composition lipidique de la mem-brane.

Les lipides polaires ou complexes com-prennent les glycolipides et les phospholi-pides. Ces derniers ont à la fois des pro-priétés hydrophiles et hydrophobes, et dece fait contribuent largement au rôle émul-sifiant de la membrane. Les types majeurs dephospholipides présents dans la membraneet leurs pourcentages approximatifs sont :la phosphatidylcholine 35 %, la phosphati-dyléthanolamine 30 %, la sphingomyéline25 %, le phosphatidylinositol 5 %, la phos-phatidylsérine 3 % [15].

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La membrane du globule gras du lait

Grâce à la microscopie électronique, ona pu observer l’existence d’une couche« electron-dense » sur la face interne de lamembrane. Des études immuno-microsco-piques menées par Franke et al. [17] et bio-chimiques menées par Freudenstein [18] ontpermis de montrer que la xanthine oxydaseet la butyrophiline sont 2 constituants majeursde cette zone.

La microscopie électronique associée àla technique du cryodécapage ou « freeze-etching » a permis à Buchheim [7] d’obser-ver la surface externe du globule gras. Dansle lait fraîchement sécrété, l’apparence decette surface varie fortement. En effet, cer-tains globules sont couverts par une surfacerelativement lisse. Mais on peut aussi, assezfréquemment, observer des domaines façon-nés de façon originale en surface des glo-bules : ils sont en forme de plaques avecdes protubérances circulaires ou allongées enpériphérie. De plus, ces domaines varientlargement en taille et en aspect ; ils peuventainsi couvrir de grandes proportions de lasurface globulaire. Ces domaines particu-liers résultent de la présence de constituantssitués entre la bicouche membranaire et lecœur lipidique. Afin d’accroître les connais-sances concernant l’organisation structu-relle de ces domaines, Buchheim [7] a

La composition moyenne de la matièregrasse membranaire est reprise dans letableau I ; la composition des lipides neutresexprimée en pourcentage des lipides totauxest reprise dans le tableau II.

5. LA STRUCTUREDE LA MEMBRANEDU GLOBULE GRAS DU LAIT

De par sa fonction d’émulsifiant naturel,il est logique de concevoir une structure dela membrane du globule gras du lait qui soitasymétrique, puisqu’elle constitue le lienphysique entre deux phases totalement dif-férentes. D’une part, elle est adjacente aucœur lipidique du globule gras et d’autrepart, elle fait face à la phase aqueuse du lait.De ce fait, il est normal de trouver les com-posants les plus hydrophobes vers l’inté-rieur, du côté lipidique, et les constituants lesplus hydrophiles vers l’extérieur, en contactavec le plasma.

La combinaison des différentes tech-niques existant actuellement ainsi que desdonnées concernant l’origine et la sécrétiondes globules gras (voir § 2) ont permisd’obtenir de nombreux éléments concernantcette structure.

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Tableau I. Composition moyenne de la matière grasse membranaire.Table I. Mean composition of membranous milk fat.

Classe lipidique Pourcentage rapporté Référenceaux lipides totaux

Lipides polaires 42,6 ± 6,8 Patton [41](phospholipides et glycolipides) 15–54 McPherson et Kitchen [39]

24 ± 2 Dapper et al. [14]34,3 Houlihan et al. [19]

35,5 ± 1,5 Danthine (résultat non publié, 1998)

Acides gras libres 0,6–6,3 Patton et Keenan [42], Keenan et al. [29]4–6 Danthine (résultat non publié ; 1998)

Lipides neutres 56–80 Keenan et al. [29], Kim et Nawar [30]57–59 Danthine (résultat non publié, 1998)

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S. Danthine et al.

étudié le résultat du clivage à l’interfaceentre l’enveloppe et le cœur du globule gras.Ce clivage, qui se produit fréquemmentlorsque les échantillons de lait sont congeléslors du traitement préparatoire à l’analysepar cryodécapage, permet de voir d’une part,que le façonnage de ces domaines laisse uneempreinte dans la matière grasse (faceexterne des triglycérides) et d’autre part,que ces domaines protéiques sont hautementorganisés suivant un ordre paracristallinavec une symétrie principalement hexago-nale (face interne du matériel membranaire).Ce type d’arrangement de protéines en struc-ture hexagonale n’est d’ailleurs pas raredans les systèmes biologiques ; on le trouve,en effet, souvent associé aux membranescellulaires [38].

La MFGM posséderait donc une struc-ture multicouche complexe, avec une coucheconstituée de lipides et de protéines encontact avec le cœur lipidique et unebicouche typique d’une membrane biolo-gique. Des recherches récentes confirmentcette hypothèse. En effet, Deeth [15] rap-porte que des études réalisées à l’aide de

phospholipases spécifiques ont permis demettre en évidence une disposition asymé-trique des phospholipides membranaires,comme dans le cas d’autres membranes bio-logiques, et notamment celle des globulesrouges. Ainsi, on trouve principalementsitués du côté externe la phosphatidylcho-line, la sphingomyéline ; et principalementsur la face interne, la phosphatidyléthano-lamine, le phosphatidylinositol, la phos-phatidylsérine.

Tous ces éléments nous amènent, pourconclure ces aspects structurels, à discuter dumodèle proposé pour représenter schéma-tiquement la MFGM. Jusqu’à présent,3 modèles principaux ont été suggérés : celuide King [31], celui de Morton-Hayashi citépar Peerebom [45], et celui de McPherson etKitchen [39]. Nous proposons de nuancerce dernier modèle en plaçant l’orientationdes différents phospholipides constitutifsde la membrane selon les données appor-tées par Deeth [15], les glycoprotéines ainsique le complexe xanthine oxydase–butyro-philine (Fig. 1).

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Tableau II. Composition des lipides neutres exprimée en pourcentage des lipides totaux.Table II. Neutral lipids composition (% of total lipids).

Classe lipidique Pourcentage rapporté Référenceaux lipides totaux

Triglycérides 51–68 Anderson et Cawston [3]37,3 ± 9 Patton [41]48,4 ± 2,6 Chen et Nawar [9]45,8 ± 1 Danthine (résultat non publié, 1998)

Diglycérides 9 Keenan et Patton [28]8,5 ± 0,5 Danthine (résultat non publié, 1998)

Monoglycérides traces Keenan et Patton [28]0,7 ± 0,2 Danthine (résultat non publié, 1998)

Esters 0,1–0,8 Patton et Keenan [42], Keenan et al. [29]

Cholestérol 0,2–5,2 Patton et Keenan [42]6,1 ± 0,4 Patton [41]0,2–2,0 Keenan et Patton [28]1,7 ± 0,2 Danthine (résultat non publié, 1998)

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La membrane du globule gras du lait

méthode utilisant une micropipette de verrepour produire des distorsions contrôlées deglobules liquides. Il s’agit d’une techniquequi a aussi été employée par Rand et Burton[47] pour étudier les propriétés d’érythro-cytes. La tension interfaciale des globulesgras obtenue à l’aide de cette méthode estinférieure à 2 mN.m–1. Cette valeur extrê-mement basse – la tension interfacialematière grasse laitière liquide/plasma du lait

6. PROPRIÉTÉSFONCTIONNELLES DELA MEMBRANE DU GLOBULEGRAS DU LAIT

6.1. Propriétés de surface de la MFGM

Les propriétés de surface de la MFGMont été étudiées en 1982 par Phipps etTemple [46] « in situ », à l’aide d’une

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Figure 1.Évolution du modèle proposé pour schématiser la membrane du globule gras du lait.Figure 1.Various stages in the evolution of the proposed model for milk fat globule membrane.

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est, quant à elle, de 15 mN.m–1 [52] – justi-fie pleinement le pouvoir émulsifiant de laMFGM.

Chazelas et al. [8] ont, quant à eux, com-paré à l’aide d’une balance à film de Lang-muir les propriétés de surface de matérielmembranaire à celles de caséinate desodium. Il ressort de cette étude d’une part,que lorsque ces 2 substances sont en com-pétition, une augmentation de la pressiond’homogénéisation améliore l’adsorptiondes caséines sur la surface des globules graset d’autre part, que la stabilité des laits etdes crèmes pourrait être améliorée en ajou-tant des isolats de membrane, provenant parexemple du fractionnement du babeurre, aulieu d’augmenter la pression d’homogénéi-sation.

Certaines équipes de chercheurs se sontrécemment intéressées aux propriétés méca-niques de monocouches formées à partir del’ensemble de la MFGM ou à partir de cer-tains constituants isolés. Ainsi, Kristensenet al. [33] ont étudié les propriétés méca-niques de monocouches de sphingomyélineprovenant de la MFGM, ainsi que les inter-actions de cette fraction avec la xanthineoxydase. En 1997, Innocente et al. [20] ontétudié les propriétés mécaniques de mono-couches formées à partir de l’étalementd’une fraction soluble de membrane extra-ite à partir de crèmes non pasteurisées. Cetteétude réalisée à l’aide d’une balance à filmde Langmuir a permis de déterminerl’influence de la température (de 4 à 40 °C)sur les propriétés mécaniques du film ainsiformé. Ainsi, il apparaît que la fraction demembrane étudiée a des propriétés méca-niques différentes lorsqu’elle est étalée àl’interface air/eau à basse température, c’est-à-dire inférieure à 15 °C, qu’à plus hautetempérature (jusqu’à 40 °C). Ceci peut êtrepartiellement expliqué par le haut pourcen-tage de triglycérides à haut point de fusionprésents dans cette fraction de membrane.L’étude par analyse calorimétrique diffé-rentielle de cette fraction soluble de mem-

brane montre qu’il existe des différencessignificatives de pourcentage de triglycé-rides cristallisés pour de faibles variations detempérature, dans l’intervalle 4–40 °C.Ainsi, 86,5 % de triglycérides sont cristal-lisés à 4 °C et seulement 28,6 % à 40 °C.De plus, Dufour et al. ont montré que latempérature de transition des phospholipidesmembranaires se situe entre 10 et 30 °C[16]. Ces études démontrent clairementl’influence de la température sur les pro-priétés de surface du matériel membranaire.

6.2. Propriétés émulsifiantes

Kanno [23] a étudié les propriétés émul-sifiantes de la membrane en reconstituantdes globules gras. Les variations de concen-tration de la membrane (de 20 à 80 mg·g–1

de matière grasse) affectent significative-ment les propriétés des émulsions ainsireconstituées (activité émulsifiante, foison-nement, stabilité moussante, stabilité émul-sifiante). Ce même auteur, en 1991 [26], apoursuivi ces recherches en étudiant les pro-priétés physico-chimiques d’émulsionsreconstituées à l’aide de cette même mem-brane. Les propriétés étudiées sont la vis-cosité, l’adsorption de protéines sur les glo-bules gras et la distribution de taille desglobules reconstitués. L’observation de ladistribution de taille des globules, à l’aided’un microscope optique et d’un analyseurde taille de particules à diffraction laser,montre que le diamètre moyen des globulesdiminue plus ou moins linéairement avecl’augmentation de concentration de mem-brane. La conclusion de l’ensemble de cesétudes indique que la MFGM est un émul-sifiant naturel intéressant, et qu’il est pos-sible de reconstituer des globules ayant unestabilité similaire à celle du lait natif si l’onemploie une concentration de membrane del’ordre de 80 mg·g–1de matière grasse (MG).Il est à noter que la concentration de MFGMoptimale est nettement supérieure à laconcentration naturellement présente dansles produits laitiers (1,5 g·100 g–1 MG) ;

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inférieures à celles du babeurre « entier ».Le traitement thermique ainsi que le barat-tage industriel affectent significativementle comportement de la membrane, notam-ment suite à la fixation d’une quantité impor-tante de β-lactoglobuline sur cette mem-brane durant la pasteurisation des crèmes[19]. La quantité de β-lactoglobuline asso-ciée à la membrane augmente d’ailleurs avecl’augmentation de température, principale-ment si elle dépasse 65 °C [12]. Bien quele rôle de la membrane dans la stabilité descrèmes soit clairement établi, il s’avère quele traitement thermique subi lors du pro-cessus industriel de fabrication du beurrealtère considérablement ses propriétésémulsifiantes. Afin de mettre en évidencel’effet produit par le traitement thermique,Corredig et Dalgleish [13] ont étudié lespropriétés d’émulsions préparées avec dubabeurre ou de la MFGM provenant decrèmes ayant subi ou non un traitement ther-mique avant barattage. Lorsque les émul-sions sont préparées avec du babeurre, ladistribution des diamètres des globules nediffère pas quel que soit le traitement subi(ou sans traitement) ; au contraire, lorsqueles émulsions sont préparées avec de laMFGM, on constate que les propriétés émul-sifiantes sont beaucoup moins bonneslorsque la crème a subi un traitement HTST,en comparaison avec une crème non traitéethermiquement ou chauffée jusqu’à60–62 °C. Ceci montre que les caséines pré-sentes dans le babeurre sont les protéinesprincipalement adsorbées à l’interface.

De plus, la quantité de fer présente dansla MFGM diminue avec l’augmentation dela température de chauffage. Cette perte defer pourrait être en relation avec la xanthineoxydase. En effet, il s’agit d’une métallo-flavoprotéine et cette perte de fer pourraitêtre en relation avec une perte de métal decette protéine. Ce relargage de fer pourraitrendre les cystéines des protéines membra-naires aptes à des échanges de disulfuresavec d’autres protéines contenant des cys-téines (β-lactoglobuline, κ-caséine) [13].

cette différence peut trouver son origined’une part, dans l’absence d’autres consti-tuants pouvant amener de la matière sèchenon grasse (comme des caséines, du lactose,des protéines sériques) dans la formulationétudiée. D’autre part, il faut noter que lamembrane ainsi reconstituée diffère de lamembrane naturelle puisqu’à l’origine, elledérive d’un processus biologique complexefaisant intervenir plusieurs étapes (voir § 2).En effet, la membrane des globules grasnatifs est un assemblage asymétrique com-plexe dérivant de la membrane plasmiquede la cellule sécrétrice. En outre, il fautencore noter que la stabilité à la coalescencedes globules gras natifs est principalementliée à la présence de chaînes glucidiques desglycoprotéines et des glycolipides mem-branaires sur la face externe de la mem-brane. En effet, la présence de telles chaînesassure une stabilité à la coalescence suite àun effet stérique.

L’utilisation de membrane pure commeingrédient fonctionnel n’est toutefois pasenvisageable du point de vue économique.Par contre, l’utilisation de babeurre industrielriche en éléments membranaires, et doncinfluencé par les propriétés la membrane,comme ingrédient fonctionnel dans le sec-teur alimentaire suscite de plus en plusd’intérêt. Cet ingrédient naturel pourraitamener des propriétés spécifiques dans unelarge gamme de produits alimentaires for-mulés ; une telle utilisation est une voie inté-ressante de valorisation de ce sous-produitinhérent à la fabrication industrielle dubeurre.

Les études les plus récentes ont de ce faitun caractère appliqué, étant donné qu’ellesportent directement sur les propriétés fonc-tionnelles des babeurres.

Ainsi, Corredig et Dalgleish [11] ont éva-lué les propriétés émulsifiantes de mem-branes extraites à partir de babeurres indus-triels ainsi que celles des babeurres pris dansleur totalité. Les isolats de membrane obte-nus à partir de babeurres industriels présen-tent des propriétés émulsifiantes nettement

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Le chauffage de la crème avant la fabri-cation du beurre constitue donc une étapecritique concernant les propriétés fonction-nelles de la MFGM. Cette réflexion peutd’ailleurs être mise en relation avec les expé-riences de Innocente et al. [20] montrant queles propriétés interfaciales du film membra-naire varient en fonction de la température.

7. RÔLE POTENTIELDE LA MFGMDANS LA PROTECTIONCONTRE LA LIPOLYSE

Dans le lait de vache, la lipolyse n’a nor-malement pas lieu – ou très peu – en dépit dela présence de lipoprotéine lipase naturelle.Elle se développe cependant rapidement sice même lait est agité ou homogénéisé. Onconsidère généralement que la membraneconstitue une barrière physique naturelleréduisant l’accès des lipases aux triglycé-rides du lait [10].

Shimizu et al. [48] ont utilisé une émul-sion reconstituée à base de matière grasselaitière stabilisée à l’aide de gomme ara-bique. L’effet des lipases, qu’elles soientmicrobiennes ou pancréatiques, est remar-quablement inhibé s’ils ajoutent de laMFGM à l’émulsion ; cet effet est cepen-dant perdu si la MFGM est préalablementtraitée à l’aide de trypsine. Ceci démontre lerôle important des protéines membranairesdans l’inhibition de l’hydrolyse enzyma-tique des triglycérides des globules gras dulait. De plus, Sundheim et Bengtsonn-Olivecrona [50] ont montré que l’extractiondes protéines membranaires à l’aide deguHCl (guanidine hydrochlorure) ou MgCl2rend le substrat beaucoup plus accessible àla lipoprotéine lipase et que l’addition deces protéines restaure le rôle protecteur de lamembrane et stoppe la lipolyse. De même,l’ajout de cette fraction protéique à du laitentier diminue l’action des lipases.

Cependant, suite à la complexité de lacomposition de la membrane, le mécanisme

inhibiteur demeure incompris bien qu’il soitadmis que les protéines membranaires yjouent un rôle non négligeable.

8. CONCLUSION

La physico-chimie particulière du laitfascine les chercheurs depuis de nombreusesannées, ce qui explique le nombre impor-tant d’études réalisées concernant la mem-brane du globule gras du lait. Cette mem-brane apparaît actuellement comme unsystème très complexe dont l’extractionnécessite de nombreuses précautions. Iln’existe d’ailleurs pas un mode d’extrac-tion bien défini ; au contraire, différentestechniques peuvent être utilisées en fonc-tion des objectifs recherchés. De plus, lacomposition de la membrane est assezvariable en fonction de la technique d’extrac-tion. Il est donc souhaitable de combinerdifférentes techniques afin de la caractériser.De même, il peut être très utile d’utiliser lestechniques d’investigation des membranesbiologiques pour progresser dans la connais-sance de la MFGM (RMN, FTIR, FAM, ...).

Le lait représente un remarquable sys-tème naturel qu’il serait intéressant d’imiter.Il s’agit en effet d’une émulsion naturelletrès stable dont la connaissance des pro-priétés structurales et tensioactives pourraitfaire progresser notamment dans la concep-tion de produits alimentaires émulsionnésstables. De plus, la caractérisation des pro-priétés fonctionnelles de la membrane et desbabeurres ouvre la voie vers de nouvellesperspectives de valorisation industrielle dece sous-produit en tant qu’ingrédient fonc-tionnel naturel.

REMERCIEMENTS

Cette étude a été réalisée avec l’aide du minis-tère de la Région wallonne, en application duprogramme de formation et d’impulsion à larecherche scientifique et technologique.

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