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Tony Sheridan and the Beat Brothers MY BONNIE

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Page 1: Tony Sheridan and the Beat Brothers MY BONNIE

My Bonnie (8)

Please Please Me (10)

With The Beatles (12)

A Hard Day’s Night (14)

Beatles For Sale (16)

Help! (18)

Rubber Soul (20)

Yesterday And Today (24)

Revolver (26)

A Collection of Beatles Oldies (30)

The Family Way (32)

Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (34)

Magical Mystery Tour (38)

The Beatles (42)

Yellow Submarine (48)

Abbey Road (50)

The Beatles Again/Hey Jude (54)

McCartney (56)

Let It Be (58)

The Beatles Christmas Album (60)

Ram (62)

Wild Life (66)

Red Rose Speedway (68)

Band On The Run (70)

*McGear (74)

Venus And Mars (76)

At The Speed Of Sound (78)

Rock’n’Roll Music (80)

Thrillington (82)

London Town (84)

Wings Greatest (86)

Back To The Egg (88)

McCartney II (92)

Tug Of War (94)

Pipes Of Peace (98)

Give My Regards To Broad Street (100)

Press To Play (104)

All The Best (108)

Past Masters (110)

Choba B CCCP (112)

Flowers In The Dirt (114)

Unplugged - The Official Bootleg (118)

Liverpool Oratorio (120)

Off The Ground (122)

Strawberries Oceans Ships Forest (126)

The Beatles Anthology Vol. 1, 2 et 3 (128)

Flaming Pie (132)

Standing Stone (136)

Rushes (138)

Wide Prairie (140)

Run Devil Run (142)

Working Classical (144)

Liverpool Sound Collage (146)

Wingspan - Hits and History (148)

Driving Rain (150)

Let It Be… Naked (154)

Twin Freaks (156)

Chaos And Creation In The Backyard (158)

Ecce Cor Meum (162)

Love (164)

Memory Almost Full (166)

Electric Arguments (170)

Ocean Kingdom (172)

Kisses From the Bottom (174)

New (176)

Pure McCartney (180)

Egypt Station (182)

Tony Sheridan The BeatlesThe BeatlesThe BeatlesThe BeatlesThe BeatlesThe BeatlesThe BeatlesThe BeatlesThe Beatles

Paul McCartneyThe BeatlesThe BeatlesThe BeatlesThe BeatlesThe BeatlesThe Beatles

Paul McCartneyThe BeatlesThe Beatles

Paul & Linda McCartneyWings

Paul McCartney & WingsPaul McCartney & Wings

Mike McGearWingsWings

The BeatlesPercy “Thrills” Thrillington

WingsWingsWings

Paul McCartneyPaul McCartneyPaul McCartneyPaul McCartneyPaul McCartneyPaul McCartney

The BeatlesPaul McCartneyPaul McCartneyPaul McCartneyPaul McCartneyPaul McCartney

The FiremanThe Beatles

Paul McCartneyPaul McCartney

The FiremanLinda McCartney

Paul McCartneyPaul McCartney

CollectifPaul McCartneyPaul McCartney

The BeatlesMcCartney / Freelance Hellraiser

Paul McCartneyPaul McCartney

The BeatlesPaul McCartney

The Fireman / Paul McCartney - YouthPaul McCartneyPaul McCartneyPaul McCartneyPaul McCartneyPaul McCartney

196219631963196419641965196519661966 19661967 19671967196819691969197019701970197019711971197319731974197519761976197719781978197919801982198319841986198719881988198919911991199319931995199719971998199819991999200020012001200320052005200620062007200820112012201320162018

index des albums

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Page 2: Tony Sheridan and the Beat Brothers MY BONNIE

Vous n’avez peut-être jamais vu la pochette présentéeci-contre. C’est pourtant le premier visuel de l’un des

disques dont les enregistrements ont été les plus sauvagementréédités de toute l’histoire du rock. En 1961, lors de l’un deleurs multiples séjours à Hambourg, les tout jeunes Beatles,avec Pete Best à la batterie, accompagnent régulièrementun chanteur anglais du nom de Tony Sheridan sur scène puis,en juin de la même année, sur cinq ou six chansons. Dans unpremier temps, seules My Bonnie et The Saints figurent surcet album édité l’année suivante sur le label Polydor, surfantsur le relatif succès rencontré en Allemagne par le singleMy Bonnie, un vieux standard remis au goût du jour. Les Beatleset les autres musiciens ayant accompagné Sheridan durantces sessions y sont crédités, sans plus d’égards, sous un nomde groupe générique et fictif : The Beat Brothers. Mais à cemoment-là, chacun d’entre eux s’en désintéresse un peu, en secontentant d’empocher un maigre cachet. Lorsqu’il arrive enfin jusqu’au port de Liverpool, ce désormaisfameux single de Tony Sheridan allume la mèche du bâtonde dynamite. Parmi les jeunes gens qui se pressent dans lespetits clubs de la cité pour écouter les gloires locales, la pré-sence des Beatles sur ce 45 tours ne fait plus mystère. C’estmême un événement en soi, et presque une consécration.Une demande tout à fait inhabituelle pour My Bonnieéveille la curiosité d’un certain Brian Epstein, alorsà la tête d’un grand magasin d’électroménagerdisposant d’un vrai rayon de disques. Dès lors,l’histoire est en marche, une histoire folle donton connaît la suite : le flair de Brian, son ins-tinct et surtout sa grande opiniâtreté lui valentde devenir très vite le manager du groupe.Il leur fait enfin signer un contrat d’enregis-trement avec Parlophone, un label d’EMI dontle producteur George Martin a pris la directionavec l’impérieuse mission de lui redonner un nou-veau souffle créatif et surtout commercial. Pour l’heure,la petite poignée des enregistrements de Tony Sheridan avecles Beatles prend la poussière quelque part en Allemagneparmi les archives sonores de Polydor. On pouvait entre autresy entendre John Lennon y pousser ses premières vocalisesdiscographiques sur Ain’t She Sweet, ainsi qu’un instrumentalparodique du style des Shadows (le bien nommé Cry For AShadow), une création cosignée par John Lennon et GeorgeHarrison, l’unique titre affichant ce crédit. Mais à dire vrai, il n’ya rien ici de vraiment exceptionnel qui soit alors susceptible

d’être exploité commercialement… Pour l’instant tout au moins,car comme on le sait, la folle Beatlemania va s’abattre commela foudre, et en un temps record. Chez Polydor, on ne tarderapas à remettre la main sur ces misérables bandes qui vaudrontdésormais leur pesant d’or.Dès 1964, la firme discographique commence à commercia-liser sans vergogne ces enregistrements sous des titres diverset variés, reléguant le nom de Tony Sheridan à celui d’unvulgaire accompagnateur. Ainsi va le show business et sonélégance légendaire. Dans le livre “The Beatles Anthology”,George Harrison en parlait à sa manière : « Bien qu’on ait faitAin’t She Sweet et Cry For A Shadow sans Sheridan, ils n’ontmême pas mis notre nom sur le disque. C’est pour ça que jetrouve tellement minable que, quand on a été célèbres, ilsaient ressorti le disque sous le titre “The Beatles with TonySheridan ». Voilà qui est dit. Mais au fil des décennies sui-vantes, l’imagination des équipes commerciales de Polydornous vaudra de retrouver ce disque sous d’autres appellations telles que “The Beatles First”, “The Savage Young Beatles”,“Very Together”, etc. Et ce sous pas moins de deux centspochettes différentes, dupant ainsi très largement le publicsur un album dont l’intérêt ne dépasse guère l’aspect docu-mentaire et historique, même si par ailleurs Tony Sheridan

n’était pas un chanteur sans intérêt. Trois titres de cessessions figurent sur le tout premier volume de

“The Beatles Antholgy” paru en 1995, ce dont l’onse contentera désormais amplement. Pour chacun des intervenants de ce disque, ilne s’agissait pas là d’un enregistrement majeur.Tout juste une tentative hasardeuse de vendrequelques albums, et, pour les Beatles, l’occa-sion de glaner quelques cachets supplémen-

taires pour améliorer le quotidien. Plus tard, l’absence de notes précises sur ces

enregistrements et une mémoire collective le plussouvent incertaine ne permit jamais de lister avec pré-

cision les titres sur lesquels ont vraiment joué les Beatles.Les tracklistings différents et les rares notes accompagnantles multiples éditions de l’album ont rendu tout cela très confus.Ce qui est en revanche certain, c’est qu’il s’agit là de l’un desrares enregistrements des Beatles avec leur premier batteur,l’infortuné Pete Best, qui verra par ailleurs son compte bancaireenfler considérablement avec la parution du volume 1 de “TheBeatles Anthology” au titre des droits d’interprète dus auxmusiciens. Une bonne surprise sans doute… A

Tony Sheridan and the Beat BrothersMY BONNIEENREGISTREMENT STUDIO B JANVIER 1962 B POLYDOR

Produit par Bert Kaempfert

TRACKLISTING My Bonnie Skinny Minnie Whole Lotta Shakin’ Goin On I Know Baby You Are My Sunshine Ready Teddy The Saints Hallelujah, I Love Her So Let’s Twist Again Sweet Georgia Brown Swanee River Top Ten Twist

THE BEATLES’ FIRST (édition remaniée d’avril 1964)

NOUVEAU TRACKLISTINGAin’t She Sweet (vocal : John Lennon)Cry For A Shadow (G. Harrison/J. Lennon)Let’s Dance My BonnieTake Out Some Insurance On Me, BabyWhat’d I SaySweet Georgia BrownThe SaintsRuby BabyWhyNobody’s ChildYa Ya

FAN ZONE u En médaillon : label Polydor, Allemagne.Page de gauche : les jeunes Beatles posent pour l’une de leurs premières photos promotionnelles. Pete Best estencore leur batteur ; le groupe à la une du Mersey Beat, le périodique musical de Liverpool ; le 45 tours My Bonnie ;des tickets du mythique Star-Club de Hambourg ; album“The Beatles’ First”, Polydor, 1964 ; coupure de pressedu Mersey Beat (Beatles change drummer !).

DISCOGRAPHIE PAUL McCARTNEY • 9

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Page 3: Tony Sheridan and the Beat Brothers MY BONNIE

Vous n’avez peut-être jamais vu la pochette présentéeci-contre. C’est pourtant le premier visuel de l’un des

disques dont les enregistrements ont été les plus sauvagementréédités de toute l’histoire du rock. En 1961, lors de l’un deleurs multiples séjours à Hambourg, les tout jeunes Beatles,avec Pete Best à la batterie, accompagnent régulièrementun chanteur anglais du nom de Tony Sheridan sur scène puis,en juin de la même année, sur cinq ou six chansons. Dans unpremier temps, seules My Bonnie et The Saints figurent surcet album édité l’année suivante sur le label Polydor, surfantsur le relatif succès rencontré en Allemagne par le singleMy Bonnie, un vieux standard remis au goût du jour. Les Beatleset les autres musiciens ayant accompagné Sheridan durantces sessions y sont crédités, sans plus d’égards, sous un nomde groupe générique et fictif : The Beat Brothers. Mais à cemoment-là, chacun d’entre eux s’en désintéresse un peu, en secontentant d’empocher un maigre cachet. Lorsqu’il arrive enfin jusqu’au port de Liverpool, ce désormaisfameux single de Tony Sheridan allume la mèche du bâtonde dynamite. Parmi les jeunes gens qui se pressent dans lespetits clubs de la cité pour écouter les gloires locales, la pré-sence des Beatles sur ce 45 tours ne fait plus mystère. C’estmême un événement en soi, et presque une consécration.Une demande tout à fait inhabituelle pour My Bonnieéveille la curiosité d’un certain Brian Epstein, alorsà la tête d’un grand magasin d’électroménagerdisposant d’un vrai rayon de disques. Dès lors,l’histoire est en marche, une histoire folle donton connaît la suite : le flair de Brian, son ins-tinct et surtout sa grande opiniâtreté lui valentde devenir très vite le manager du groupe.Il leur fait enfin signer un contrat d’enregis-trement avec Parlophone, un label d’EMI dontle producteur George Martin a pris la directionavec l’impérieuse mission de lui redonner un nou-veau souffle créatif et surtout commercial. Pour l’heure,la petite poignée des enregistrements de Tony Sheridan avecles Beatles prend la poussière quelque part en Allemagneparmi les archives sonores de Polydor. On pouvait entre autresy entendre John Lennon y pousser ses premières vocalisesdiscographiques sur Ain’t She Sweet, ainsi qu’un instrumentalparodique du style des Shadows (le bien nommé Cry For AShadow), une création cosignée par John Lennon et GeorgeHarrison, l’unique titre affichant ce crédit. Mais à dire vrai, il n’ya rien ici de vraiment exceptionnel qui soit alors susceptible

d’être exploité commercialement… Pour l’instant tout au moins,car comme on le sait, la folle Beatlemania va s’abattre commela foudre, et en un temps record. Chez Polydor, on ne tarderapas à remettre la main sur ces misérables bandes qui vaudrontdésormais leur pesant d’or.Dès 1964, la firme discographique commence à commercia-liser sans vergogne ces enregistrements sous des titres diverset variés, reléguant le nom de Tony Sheridan à celui d’unvulgaire accompagnateur. Ainsi va le show business et sonélégance légendaire. Dans le livre “The Beatles Anthology”,George Harrison en parlait à sa manière : « Bien qu’on ait faitAin’t She Sweet et Cry For A Shadow sans Sheridan, ils n’ontmême pas mis notre nom sur le disque. C’est pour ça que jetrouve tellement minable que, quand on a été célèbres, ilsaient ressorti le disque sous le titre “The Beatles with TonySheridan ». Voilà qui est dit. Mais au fil des décennies sui-vantes, l’imagination des équipes commerciales de Polydornous vaudra de retrouver ce disque sous d’autres appellations telles que “The Beatles First”, “The Savage Young Beatles”,“Very Together”, etc. Et ce sous pas moins de deux centspochettes différentes, dupant ainsi très largement le publicsur un album dont l’intérêt ne dépasse guère l’aspect docu-mentaire et historique, même si par ailleurs Tony Sheridan

n’était pas un chanteur sans intérêt. Trois titres de cessessions figurent sur le tout premier volume de

“The Beatles Antholgy” paru en 1995, ce dont l’onse contentera désormais amplement. Pour chacun des intervenants de ce disque, ilne s’agissait pas là d’un enregistrement majeur.Tout juste une tentative hasardeuse de vendrequelques albums, et, pour les Beatles, l’occa-sion de glaner quelques cachets supplémen-

taires pour améliorer le quotidien. Plus tard, l’absence de notes précises sur ces

enregistrements et une mémoire collective le plussouvent incertaine ne permit jamais de lister avec pré-

cision les titres sur lesquels ont vraiment joué les Beatles.Les tracklistings différents et les rares notes accompagnantles multiples éditions de l’album ont rendu tout cela très confus.Ce qui est en revanche certain, c’est qu’il s’agit là de l’un desrares enregistrements des Beatles avec leur premier batteur,l’infortuné Pete Best, qui verra par ailleurs son compte bancaireenfler considérablement avec la parution du volume 1 de “TheBeatles Anthology” au titre des droits d’interprète dus auxmusiciens. Une bonne surprise sans doute… A

Tony Sheridan and the Beat BrothersMY BONNIEENREGISTREMENT STUDIO B JANVIER 1962 B POLYDOR

Produit par Bert Kaempfert

TRACKLISTING My Bonnie Skinny Minnie Whole Lotta Shakin’ Goin On I Know Baby You Are My Sunshine Ready Teddy The Saints Hallelujah, I Love Her So Let’s Twist Again Sweet Georgia Brown Swanee River Top Ten Twist

THE BEATLES’ FIRST (édition remaniée d’avril 1964)

NOUVEAU TRACKLISTINGAin’t She Sweet (vocal : John Lennon)Cry For A Shadow (G. Harrison/J. Lennon)Let’s Dance My BonnieTake Out Some Insurance On Me, BabyWhat’d I SaySweet Georgia BrownThe SaintsRuby BabyWhyNobody’s ChildYa Ya

FAN ZONE u En médaillon : label Polydor, Allemagne.Page de gauche : les jeunes Beatles posent pour l’une de leurs premières photos promotionnelles. Pete Best estencore leur batteur ; le groupe à la une du Mersey Beat, le périodique musical de Liverpool ; le 45 tours My Bonnie ;des tickets du mythique Star-Club de Hambourg ; album“The Beatles’ First”, Polydor, 1964 ; coupure de pressedu Mersey Beat (Beatles change drummer !).

DISCOGRAPHIE PAUL McCARTNEY • 9

Vous n’avez peut-être jamais vu la pochette présentéeci-contre. C’est pourtant le premier visuel de l’un des

disques dont les enregistrements ont été les plus sauvagementréédités de toute l’histoire du rock. En 1961, lors de l’un deleurs multiples séjours à Hambourg, les tout jeunes Beatles,avec Pete Best à la batterie, accompagnent régulièrementun chanteur anglais du nom de Tony Sheridan sur scène puis,en juin de la même année, sur cinq ou six chansons. Dans unpremier temps, seules My Bonnie et The Saints figurent surcet album édité l’année suivante sur le label Polydor, surfantsur le relatif succès rencontré en Allemagne par le singleMy Bonnie, un vieux standard remis au goût du jour. Les Beatleset les autres musiciens ayant accompagné Sheridan durantces sessions y sont crédités, sans plus d’égards, sous un nomde groupe générique et fictif : The Beat Brothers. Mais à cemoment-là, chacun d’entre eux s’en désintéresse un peu, en secontentant d’empocher un maigre cachet. Lorsqu’il arrive enfin jusqu’au port de Liverpool, ce désormaisfameux single de Tony Sheridan allume la mèche du bâtonde dynamite. Parmi les jeunes gens qui se pressent dans lespetits clubs de la cité pour écouter les gloires locales, la pré-sence des Beatles sur ce 45 tours ne fait plus mystère. C’estmême un événement en soi, et presque une consécration.Une demande tout à fait inhabituelle pour My Bonnieéveille la curiosité d’un certain Brian Epstein, alorsà la tête d’un grand magasin d’électroménagerdisposant d’un vrai rayon de disques. Dès lors,l’histoire est en marche, une histoire folle donton connaît la suite : le flair de Brian, son ins-tinct et surtout sa grande opiniâtreté lui valentde devenir très vite le manager du groupe.Il leur fait enfin signer un contrat d’enregis-trement avec Parlophone, un label d’EMI dontle producteur George Martin a pris la directionavec l’impérieuse mission de lui redonner un nou-veau souffle créatif et surtout commercial. Pour l’heure,la petite poignée des enregistrements de Tony Sheridan avecles Beatles prend la poussière quelque part en Allemagneparmi les archives sonores de Polydor. On pouvait entre autresy entendre John Lennon y pousser ses premières vocalisesdiscographiques sur Ain’t She Sweet, ainsi qu’un instrumentalparodique du style des Shadows (le bien nommé Cry For AShadow), une création cosignée par John Lennon et GeorgeHarrison, l’unique titre affichant ce crédit. Mais à dire vrai, il n’ya rien ici de vraiment exceptionnel qui soit alors susceptible

d’être exploité commercialement… Pour l’instant tout au moins,car comme on le sait, la folle Beatlemania va s’abattre commela foudre, et en un temps record. Chez Polydor, on ne tarderapas à remettre la main sur ces misérables bandes qui vaudrontdésormais leur pesant d’or.Dès 1964, la firme discographique commence à commercia-liser sans vergogne ces enregistrements sous des titres diverset variés, reléguant le nom de Tony Sheridan à celui d’unvulgaire accompagnateur. Ainsi va le show business et sonélégance légendaire. Dans le livre “The Beatles Anthology”,George Harrison en parlait à sa manière : « Bien qu’on ait faitAin’t She Sweet et Cry For A Shadow sans Sheridan, ils n’ontmême pas mis notre nom sur le disque. C’est pour ça que jetrouve tellement minable que, quand on a été célèbres, ilsaient ressorti le disque sous le titre “The Beatles with TonySheridan ». Voilà qui est dit. Mais au fil des décennies sui-vantes, l’imagination des équipes commerciales de Polydornous vaudra de retrouver ce disque sous d’autres appellations telles que “The Beatles First”, “The Savage Young Beatles”,“Very Together”, etc. Et ce sous pas moins de deux centspochettes différentes, dupant ainsi très largement le publicsur un album dont l’intérêt ne dépasse guère l’aspect docu-mentaire et historique, même si par ailleurs Tony Sheridan

n’était pas un chanteur sans intérêt. Trois titres de cessessions figurent sur le tout premier volume de

“The Beatles Antholgy” paru en 1995, ce dont l’onse contentera désormais amplement. Pour chacun des intervenants de ce disque, ilne s’agissait pas là d’un enregistrement majeur.Tout juste une tentative hasardeuse de vendrequelques albums, et, pour les Beatles, l’occa-sion de glaner quelques cachets supplémen-

taires pour améliorer le quotidien. Plus tard, l’absence de notes précises sur ces

enregistrements et une mémoire collective le plussouvent incertaine ne permit jamais de lister avec pré-

cision les titres sur lesquels ont vraiment joué les Beatles.Les tracklistings différents et les rares notes accompagnantles multiples éditions de l’album ont rendu tout cela très confus.Ce qui est en revanche certain, c’est qu’il s’agit là de l’un desrares enregistrements des Beatles avec leur premier batteur,l’infortuné Pete Best, qui verra par ailleurs son compte bancaireenfler considérablement avec la parution du volume 1 de “TheBeatles Anthology” au titre des droits d’interprète dus auxmusiciens. Une bonne surprise sans doute… A

Tony Sheridan and the Beat BrothersMY BONNIEENREGISTREMENT STUDIO B JANVIER 1962 B POLYDOR

Produit par Bert Kaempfert

TRACKLISTING My Bonnie Skinny Minnie Whole Lotta Shakin’ Goin On I Know Baby You Are My Sunshine Ready Teddy The Saints Hallelujah, I Love Her So Let’s Twist Again Sweet Georgia Brown Swanee River Top Ten Twist

THE BEATLES’ FIRST (édition remaniée d’avril 1964)

NOUVEAU TRACKLISTINGAin’t She Sweet (vocal : John Lennon)Cry For A Shadow (G. Harrison/J. Lennon)Let’s Dance My BonnieTake Out Some Insurance On Me, BabyWhat’d I SaySweet Georgia BrownThe SaintsRuby BabyWhyNobody’s ChildYa Ya

FAN ZONE u En médaillon : label Polydor, Allemagne.Page de gauche : les jeunes Beatles posent pour l’une de leurs premières photos promotionnelles. Pete Best estencore leur batteur ; le groupe à la une du Mersey Beat, le périodique musical de Liverpool ; le 45 tours My Bonnie ;des tickets du mythique Star-Club de Hambourg ; album“The Beatles’ First”, Polydor, 1964 ; coupure de pressedu Mersey Beat (Beatles change drummer !).

DISCOGRAPHIE PAUL McCARTNEY • 9

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Page 4: Tony Sheridan and the Beat Brothers MY BONNIE

C’est une formation déjà très rodée par les centainesde concerts donnés au cours des années précédentes

qui enregistre durant le temps record d’une unique journée(11 février 1963) les dix ultimes titres de cet album édité dansla foulée des deux premiers 45 tours, Love Me Do/P.S. I LoveYou et Please Please Me/Ask Me Why.À cette époque, les tout jeunes groupes enregistraient géné-ralement les chansons de compositeurs plus accomplis qu’eux-mêmes, ou bien des reprises de standards, mais il n’était pascourant qu’ils interprètent leurs propres compositions. Sur lesquatorze que propose “Please Please Me”, huit portent pourla première fois la griffe McCartney/Lennon, dans cet ordre,et avant que les deux compères n’aient bataillé ferme pourl’inverser définitivement, ce qui, à l’évidence, sonne beaucoupmieux… L’album illustre d’emblée la singulière ambivalence musicaledu jeune Paul McCartney, alors dans sa vingtième année. Dutrès rock et swinguant I Saw Her Standing There, un futurclassique qui ouvre l’album, jusqu’au candide P.S. I Love Youen passant par le pétillant Love Me Do (sur lequel John està l’harmonica), et la reprise de A Taste Of Honey, toutes lesfacettes caractéristiques de ses penchants naturels sontdéjà là. Et, ce qui est frappant, de façon déjà très maîtrisée.John Lennon affiche aussi clairement ses atouts. Decompositeur tout d’abord. C’est en effet à lui quel’on doit Please Please Me, son introduction rava-geuse et sa contagieuse dynamique. C’est surles conseils immédiatement très avisés deleur producteur George Martin que les Beatlesen ont furieusement accéléré le tempo, rava-lant au passage leur fierté de ne pas en avoireu l’idée par eux-mêmes. Premier numéro 1d’une très longue série, cette petite bombepropulse rapidement l’album au sommet des hit-parades britanniques où il trône pendant plus desept longs mois.C’est aussi à John que l’on doit Do You Want To Know A Secret?,une délicate petite ballade que George Harrison interprètede sa voix fragile et encore juvénile. Le groupe de LiverpoolBilly J. Kramer And The Dakotas en fait peu de temps aprèsune reprise qui se classe aussi en tête des charts.Mais c’est surtout en qualité d’interprète que John casse ici labaraque, et en particulier avec sa reprise explosive de TwistAnd Shout. C’est parce qu’il manque encore un titre pourachever l’album que, en fin de journée, les Beatles enregistrent

en deux prises seulement ce morceau de bravoure. La voixun peu cassée, John met le paquet et délivre dès la premièreprise cette fulgurante version, fiévreuse et sauvage. Elle ferasi bien oublier l’original qu’on en attribuera souvent la paternitéaux Beatles. Ils l’interpréteront désormais régulièrement enconcert, en en faisant l’un des temps forts les plus attendusde leur armée de fans.Selon un principe qui prévaudra jusqu’à la fin, Ringo Starr,récemment intégré en remplacement de Pete Best, ne chanteici qu’une seule chanson, Boys, une reprise des Shirelles àlaquelle le groupe apporte une base rythmique plus rock. Naturellement, les sonorités de “Please Please Me” ont prisquelques rides, mais tout le charme et l’énergie contagieusedu quatuor sont déjà présents, et de bon augure pour l’avenir.À l’heure où les artistes se prélassent de longs mois dansl’obscurité des studios pour accoucher d’un album, celui-ci,gorgé de sève juvénile, devrait les inciter à la réflexion. En24 heures chrono, les Beatles ont probablement fourni ici l’undes disques les plus rentables du rock. Pour l’anecdote, John Lennon reprend sur scène le I Saw HerStanding There de McCartney, aux côtés d’Elton John lors desa dernière prestation en public, en 1974. Paul l’inclut trèsfréquemment à ses shows, et il s’est aussi autorisé une reprise

assez inattendue de Please Please Me en 2005. En 1990,il réenregistre Love Me Do/P.S. I Love You sous la

forme d’un medley. Ringo Starr, quant à lui, chantesouvent Boys lors de ses tournées avec son AllStarr Band, et reprend lui aussi Love Me Doen 1998 sur son album “Vertical Man”.Bientôt sexagénaire, le vénérable “PleasePlease Me” s’écoute toujours avec plaisir. Seschansons demeurent suffisamment réjouis-

santes pour faire oublier une certaine séche-resse de production. Sa touchante spontanéité

reste un atout majeur dont le groupe s’est pourtantéloigné durant les années incarnées par “Sgt. Pepper”.

La pochette de l’album est illustrée d'une photographie desquatre musiciens prise en contre-plongée dans la cage d'es-calier du siège de la compagnie EMI à Londres. Six ans plustard, le groupe reprend la même pose au même endroit pourillustrer l’album avorté intitulé “Get Back”. Elle sert finalementpour la compilation bleue “1967-1970”.En France, ce disque est le second du groupe à être édité surle label Odéon en janvier 1964 sous le titre “Les Beatles No1”avec un tout autre visuel. A

The BeatlesPLEASE PLEASE MEENREGISTREMENT STUDIO B AVRIL 1963 B PARLOPHONE / EMI

Produit par George MartinPhotographie de couverture : Angus McBean

TRACKLISTING I Saw Her Standing ThereMiseryAnna (Go To Him)ChainsBoysAsk Me WhyPlease Please Me Love Me Do P.S. I Love YouBaby It’s You Do You Want To Know A Secret? A Taste Of HoneyThere’s A PlaceTwist And Shout

FAN ZONE u En médaillon : label Parlophone - EMI, Grande-Bretagne.Page de droite : une des premières photographies emblématiques des Beatles qui viennent de signer avec EMI, comme l’annonce la revue Mersey Beat. Elle est signée Dezo Hoffman, qui est leur photographe officiel les deux premièresannées ; en fond, le verso de la pochette de “Please Please Me” ; carte de membre de 1962 et ticket du Cavern Club, 10 Mathew St. à Liverpool ; vue de Liverpool ;45 tours de I Saw Her Standing There dans une pochette Parlophone standard ; label Parlophone stéréo recouvert d’une étiquette sur laquelle les Beatlemaniaquespouvaient indiquer leur nom. Il est à noter que les chansons sont alors signéesMcCartney-Lennon, avant que cet ordre ne s’inverse définitivement en raison d’unemeilleure sonorité des mots.

10 • PAUL McCARTNEY DISCOGRAPHIE

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C’est une formation déjà très rodée par les centainesde concerts donnés au cours des années précédentes

qui enregistre durant le temps record d’une unique journée(11 février 1963) les dix ultimes titres de cet album édité dansla foulée des deux premiers 45 tours, Love Me Do/P.S. I LoveYou et Please Please Me/Ask Me Why.À cette époque, les tout jeunes groupes enregistraient géné-ralement les chansons de compositeurs plus accomplis qu’eux-mêmes, ou bien des reprises de standards, mais il n’était pascourant qu’ils interprètent leurs propres compositions. Sur lesquatorze que propose “Please Please Me”, huit portent pourla première fois la griffe McCartney/Lennon, dans cet ordre,et avant que les deux compères n’aient bataillé ferme pourl’inverser définitivement, ce qui, à l’évidence, sonne beaucoupmieux… L’album illustre d’emblée la singulière ambivalence musicaledu jeune Paul McCartney, alors dans sa vingtième année. Dutrès rock et swinguant I Saw Her Standing There, un futurclassique qui ouvre l’album, jusqu’au candide P.S. I Love Youen passant par le pétillant Love Me Do (sur lequel John està l’harmonica), et la reprise de A Taste Of Honey, toutes lesfacettes caractéristiques de ses penchants naturels sontdéjà là. Et, ce qui est frappant, de façon déjà très maîtrisée.John Lennon affiche aussi clairement ses atouts. Decompositeur tout d’abord. C’est en effet à lui quel’on doit Please Please Me, son introduction rava-geuse et sa contagieuse dynamique. C’est surles conseils immédiatement très avisés deleur producteur George Martin que les Beatlesen ont furieusement accéléré le tempo, rava-lant au passage leur fierté de ne pas en avoireu l’idée par eux-mêmes. Premier numéro 1d’une très longue série, cette petite bombepropulse rapidement l’album au sommet des hit-parades britanniques où il trône pendant plus desept longs mois.C’est aussi à John que l’on doit Do You Want To Know A Secret?,une délicate petite ballade que George Harrison interprètede sa voix fragile et encore juvénile. Le groupe de LiverpoolBilly J. Kramer And The Dakotas en fait peu de temps aprèsune reprise qui se classe aussi en tête des charts.Mais c’est surtout en qualité d’interprète que John casse ici labaraque, et en particulier avec sa reprise explosive de TwistAnd Shout. C’est parce qu’il manque encore un titre pourachever l’album que, en fin de journée, les Beatles enregistrent

en deux prises seulement ce morceau de bravoure. La voixun peu cassée, John met le paquet et délivre dès la premièreprise cette fulgurante version, fiévreuse et sauvage. Elle ferasi bien oublier l’original qu’on en attribuera souvent la paternitéaux Beatles. Ils l’interpréteront désormais régulièrement enconcert, en en faisant l’un des temps forts les plus attendusde leur armée de fans.Selon un principe qui prévaudra jusqu’à la fin, Ringo Starr,récemment intégré en remplacement de Pete Best, ne chanteici qu’une seule chanson, Boys, une reprise des Shirelles àlaquelle le groupe apporte une base rythmique plus rock. Naturellement, les sonorités de “Please Please Me” ont prisquelques rides, mais tout le charme et l’énergie contagieusedu quatuor sont déjà présents, et de bon augure pour l’avenir.À l’heure où les artistes se prélassent de longs mois dansl’obscurité des studios pour accoucher d’un album, celui-ci,gorgé de sève juvénile, devrait les inciter à la réflexion. En24 heures chrono, les Beatles ont probablement fourni ici l’undes disques les plus rentables du rock. Pour l’anecdote, John Lennon reprend sur scène le I Saw HerStanding There de McCartney, aux côtés d’Elton John lors desa dernière prestation en public, en 1974. Paul l’inclut trèsfréquemment à ses shows, et il s’est aussi autorisé une reprise

assez inattendue de Please Please Me en 2005. En 1990,il réenregistre Love Me Do/P.S. I Love You sous la

forme d’un medley. Ringo Starr, quant à lui, chantesouvent Boys lors de ses tournées avec son AllStarr Band, et reprend lui aussi Love Me Doen 1998 sur son album “Vertical Man”.Bientôt sexagénaire, le vénérable “PleasePlease Me” s’écoute toujours avec plaisir. Seschansons demeurent suffisamment réjouis-

santes pour faire oublier une certaine séche-resse de production. Sa touchante spontanéité

reste un atout majeur dont le groupe s’est pourtantéloigné durant les années incarnées par “Sgt. Pepper”.

La pochette de l’album est illustrée d'une photographie desquatre musiciens prise en contre-plongée dans la cage d'es-calier du siège de la compagnie EMI à Londres. Six ans plustard, le groupe reprend la même pose au même endroit pourillustrer l’album avorté intitulé “Get Back”. Elle sert finalementpour la compilation bleue “1967-1970”.En France, ce disque est le second du groupe à être édité surle label Odéon en janvier 1964 sous le titre “Les Beatles No1”avec un tout autre visuel. A

The BeatlesPLEASE PLEASE MEENREGISTREMENT STUDIO B AVRIL 1963 B PARLOPHONE / EMI

Produit par George MartinPhotographie de couverture : Angus McBean

TRACKLISTING I Saw Her Standing ThereMiseryAnna (Go To Him)ChainsBoysAsk Me WhyPlease Please Me Love Me Do P.S. I Love YouBaby It’s You Do You Want To Know A Secret? A Taste Of HoneyThere’s A PlaceTwist And Shout

FAN ZONE u En médaillon : label Parlophone - EMI, Grande-Bretagne.Page de droite : une des premières photographies emblématiques des Beatles qui viennent de signer avec EMI, comme l’annonce la revue Mersey Beat. Elle est signée Dezo Hoffman, qui est leur photographe officiel les deux premièresannées ; en fond, le verso de la pochette de “Please Please Me” ; carte de membre de 1962 et ticket du Cavern Club, 10 Mathew St. à Liverpool ; vue de Liverpool ;45 tours de I Saw Her Standing There dans une pochette Parlophone standard ; label Parlophone stéréo recouvert d’une étiquette sur laquelle les Beatlemaniaquespouvaient indiquer leur nom. Il est à noter que les chansons sont alors signéesMcCartney-Lennon, avant que cet ordre ne s’inverse définitivement en raison d’unemeilleure sonorité des mots.

10 • PAUL McCARTNEY DISCOGRAPHIE

McCartney8Pages.indd 5 16/04/2019 12:03

Page 6: Tony Sheridan and the Beat Brothers MY BONNIE

FROM ME TO YOU / THANK YOU GIRLAvril 1963 - Parlophone / EMI

Avec son harmonica frénétique et sa mélodie immédiate-ment accrocheuse, From Me To You (l’une des authentiquescompositions Lennon/McCartney) confirme le potentiel dugroupe et s’installe instantanément à la première place descharts. Une pop pétrie d’une mélodie légère, immédiatementmémorisable et fatalement très populaire, tout comme ThankYou Girl, reléguée en face B, alors qu’elle fut un temps pres-sentie pour être le titre principal.W

SHE LOVES YOU / I’LL GET YOUAoût 1963 - Parlophone / EMI

Sur les conseils pertinents de leur producteur George Martin,c’est par son percutant refrain que les Beatles ont attaqué ceShe Loves You entêtant. Une mélodie hautement contagieuseponctuée de ses Yeah! Yeah! Yeah! d’anthologie. La petitehistoire veut que le père de Paul lui ait suggéré de remplacerces vulgaires Yeah! Yeah! Yeah! par des Yes! Yes! Yes! plusconformes à une grammaire correcte et surtout, à ses yeux,plus respectable.Quelques prises seulement ont suffi à mettre en boîte cequatrième et décisif single. Les Beatles ont trouvé leur style,et leur nouveau titre rencontre un succès phénoménal.Il reste par ailleurs très longtemps le plus vendu en Grande-Bretagne, avant que ce record ne soit battu en 1977, avecplus de deux millions de singles écoulés, par Mull Of Kintyre,la ballade aux accents écossais enregistrée par McCartney& Wings. Moins tape à l’œil, I’ll Get You est une fort honorable face Bcomposée par John.La Beatlemania explose, et She Loves You en est le plusemblématique détonateur. La légende veut que durant sonenregistrement, le 1er juillet 1963, un groupe de fans adoles-centes, averties de la présence du groupe aux studios EMId’Abbey Road, en ont fait le siège pour finalement réussirà y pénétrer. L’une d’entre elles s’est jetée sur un Ringo Starrqui n’en demandait pas tant, avant qu’elle ne soit vigoureu-sement maîtrisée et expulsée manu militari.W

I WANT TO HOLD YOUR HAND / THIS BOYNovembre 1963 - Parlophone / EMI

Avec I Want To Hold Your Hand, la machine Beatles s’emballevéritablement. Pour la quatrième fois de l’année, une chansondu groupe se classe numéro 1 en Grande-Bretagne, mais elleatteint aussi cette place pour la première fois aux États-Unis.Cette consécration tant attendue leur ouvre enfin une voieroyale pour aller triompher sur les terres d’Elvis. Avec cesingle conquérant, le groupe échappe désormais à ses prin-cipales influences. Son style s’affirme avec des harmoniesvocales au charme désarmant, comme l’illustre d’ailleurs enface B This Boy de John Lennon. L’apparente aisance de cescompositions masque un savoir-faire dont beaucoup vont tenterde s’inspirer sans pour autant l’égaler. La différence s’écritpeut-être en cinq lettres que l’on commence à prononcer àpropos des quatre jeunes sujets de sa Majesté : le génie? W

I FEEL FINE / SHE’S A WOMANNovembre 1964 - Parlophone / EMI

Encore un succès fulgurant au palmarès des Beatles en 1964.I Feel Fine entre directement à la première place des charts,et devient le single le plus rapidement vendu en Grande-Bretagne. En plus de son introduction habile et de sa lignemélodique accrocheuse, l’histoire retiendra de ce titre qu’ilest le premier à avoir utilisé un feed-back de guitare. En face B, McCartney dégoupille un des puissants rocks dontil a parfois le secret, et démontre que dans ce registre, sa voixpeut rivaliser avec celle de ses illustres modèles. En face B,She’s A Woman est un rock ravageur et dépouillé qui devraitfaire taire tous ceux qui assimileront trop vite le bassiste àun plaisant susurreur de ballades sucrées. Le groupe reprendsouvent ces deux titres à son répertoire scénique.W

TICKET TO RIDE / YES IT ISAvril 1965 - Parlophone / EMI

Avec Ticket To Ride, les Beatles s’offrent, comme à l’accou-tumée, un nouveau numéro 1. Mais au-delà de ce succèsdevenu prévisible, le groupe rentre peu à peu dans l’âgeadulte de sa carrière. Avec ses riffs incisifs et sa puissanterythmique, cette composition de John Lennon confirme queles Beatles possèdent une tout autre stature que celle d’unsimple groupe à succès. John signe aussi, en face B, Yes It Is, une ballade langoureuse,petite sœur non déméritante de This Boy, qui fait la partbelle à des harmonies vocales très maîtrisées, dont le groupea fait désormais l’une de ses marques de fabrique les plusimmédiatement identifiables.W

HELP! / I’M DOWNJuillet 1965 - Parlophone / EMI

Nouveau numéro 1, hautement emblématique du viragemusical effectué par le groupe, Help! est un single à doubledétente, offrant en face B un nouveau rock signé McCartney.Son interprétation sauvage et déjantée au célèbre concertdu Shea Stadium en fera un pur et inoubliable moment d’an-thologie dans les annales du rock. Hystérique et décoiffant ! Paul reprend ce titre en 2001 au Concert For New York initiéà la suite des attentats du 11 septembre.W

DAY TRIPPER / WE CAN WORK IT OUTDécembre 1965 - Parlophone / EMI

Les compositions du tandem Lennon/McCartney deviennentsi riches qu’il devient difficile de les départager lorsqu’ils’agit de faire le choix d’une face A de single. C’est le casici avec d’un côté le décapant Day Tripper de John, son irré-sistible riff de guitare et son pont orgasmique, et de l’autrele très accompli We Can Work It Out de Paul, maniant avecune grande maîtrise des accords subtils qui en surlignentutilement le propos tout à la fois mûr et rayonnant. Deuxchefs-d’œuvre sur un même single : ça devient désormais larègle. Quand les deux surdoués entrent en compétition, c’estdu gagnant/gagnant pour tous.W

John Lennon n’est pas en reste. Il brille tout particulièrementavec des compositions aussi novatrices et touchantesque Norwegian Wood (This Bird Has Flown) à laquelleGeorge apporte, avec quelques accords de sitar, une toucheexotique et inédite dans l’univers pop. Une première dontbeaucoup d’autres groupes s’inspirent dans la foulée. Ceregard tourné vers l’Orient, qui ira de pair avec le mouvementhippy, atteste à nouveau de l’influence des Beatles, et deleur capacité à capter et à traduire en précurseurs les cou-rants de pensée, les attitudes ou les tendances à venir. Nowhere Man cristallise avec beaucoup de sensibilité leserrances mentales de John et les doutes qui l’habitent aucœur d’une Beatlemania devenue oppressante. Il se laissealler à une profonde méditation sur In My Life, évoquantavec une nostalgie bouleversante le temps qui s’écoule etlaisse en chemin les êtres chers. Enfin, Girl mérite toutautant de louanges pour son éloquente ligne mélodique,ses soupirs suggestifs et son climat aimablement érotique. La chanson de Ringo, c’est ici What Goes On, un vieux titrede John auquel on a rajouté quelques accords susceptiblesd’en améliorer le goût, par ailleurs assez peu épicé.Directement inspiré par les sonorités cristallines des Byrds,George Harrison tire de sa guitare des accords fluides, dis-crets et toujours pertinents. Un apport dont “Rubber Soul”bénéficie en profondeur. Il consolide encore son potentielde compositeur et signe Think For Yourself et If I NeededSomeone, deux chansons dont les vertus mélodiques com-mencent à rivaliser sérieusement avec celles de John et Paul.En artisans tenaces, les Beatles ont construit avec patienceet pertinence un album avant tout chaleureux. Rarement onne les a sentis aussi proches, dans leur fragile envelopped’hommes, immenses et néanmoins vulnérables, demi-dieuxchancelants à l’ombre de leurs propres incertitudes, et dece fait plus touchants que jamais. À mi-chemin de leur car-rière, ils accouchent d’un de leurs disques majeurs dont lecharme a jusqu’ici résisté sans peine et même mieux qued’autres aux insidieuses griffures du temps. On évoquerasouvent l’influence de Bob Dylan sur la coloration très acous-tique de “Rubber Soul”, mais aussi sur la nature de ses textes,en rupture manifeste avec les préoccupations sentimentaleset adolescentes qui avaient prévalu avec les premiers grandshits du groupe. C’est un fait établi. Des deux côtés del’Atlantique, on s’observe et on se jauge mutuellement, touten s’appréciant. Dylan a quant à lui électrifié sa musique aumême moment. Mais c’est surtout Brian Wilson, le Beach Boysen chef, qui prend une claque en découvrant les pleins etdéliés harmoniques de “Rubber Soul”. De ce choc artistiquenaîtra, dans un sain esprit de compétition, le magnifique “PetSounds”. La musique est encore la grande gagnante des joutesentre figures majeures de la pop. Sans surprise, “Rubber Soul”se classe numéro 1 des charts britanniques. A

SingleS 1963-1965

LONG TALL SALLY / I CALL YOUR NAME / SLOW DOWN / MATCHBOXJuin 1964 - Parlophone / EMI

Ce disque de 4 titres (E.P.) met à l’honneur le rock des pion-niers. Little Richard, tout d’abord, dont Paul reprend LongTall Sally avec une fiévreuse assurance. C’est l’un des titresque le groupe a sans doute le plus interprété sur scène dansses premières années. Ringo chante Matchbox de Carl Perkins,et John s’étrangle sur Slowdown de Larry Williams. Il chanteaussi le convaincant I Call Your Name (avec son pont reggae),une chanson qu’il avait composée à l’âge de seize ans ! W

Poster promotionnel de Capitol Records aux États-Unis.

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Page 7: Tony Sheridan and the Beat Brothers MY BONNIE

FROM ME TO YOU / THANK YOU GIRLAvril 1963 - Parlophone / EMI

Avec son harmonica frénétique et sa mélodie immédiate-ment accrocheuse, From Me To You (l’une des authentiquescompositions Lennon/McCartney) confirme le potentiel dugroupe et s’installe instantanément à la première place descharts. Une pop pétrie d’une mélodie légère, immédiatementmémorisable et fatalement très populaire, tout comme ThankYou Girl, reléguée en face B, alors qu’elle fut un temps pres-sentie pour être le titre principal.W

SHE LOVES YOU / I’LL GET YOUAoût 1963 - Parlophone / EMI

Sur les conseils pertinents de leur producteur George Martin,c’est par son percutant refrain que les Beatles ont attaqué ceShe Loves You entêtant. Une mélodie hautement contagieuseponctuée de ses Yeah! Yeah! Yeah! d’anthologie. La petitehistoire veut que le père de Paul lui ait suggéré de remplacerces vulgaires Yeah! Yeah! Yeah! par des Yes! Yes! Yes! plusconformes à une grammaire correcte et surtout, à ses yeux,plus respectable.Quelques prises seulement ont suffi à mettre en boîte cequatrième et décisif single. Les Beatles ont trouvé leur style,et leur nouveau titre rencontre un succès phénoménal.Il reste par ailleurs très longtemps le plus vendu en Grande-Bretagne, avant que ce record ne soit battu en 1977, avecplus de deux millions de singles écoulés, par Mull Of Kintyre,la ballade aux accents écossais enregistrée par McCartney& Wings. Moins tape à l’œil, I’ll Get You est une fort honorable face Bcomposée par John.La Beatlemania explose, et She Loves You en est le plusemblématique détonateur. La légende veut que durant sonenregistrement, le 1er juillet 1963, un groupe de fans adoles-centes, averties de la présence du groupe aux studios EMId’Abbey Road, en ont fait le siège pour finalement réussirà y pénétrer. L’une d’entre elles s’est jetée sur un Ringo Starrqui n’en demandait pas tant, avant qu’elle ne soit vigoureu-sement maîtrisée et expulsée manu militari.W

I WANT TO HOLD YOUR HAND / THIS BOYNovembre 1963 - Parlophone / EMI

Avec I Want To Hold Your Hand, la machine Beatles s’emballevéritablement. Pour la quatrième fois de l’année, une chansondu groupe se classe numéro 1 en Grande-Bretagne, mais elleatteint aussi cette place pour la première fois aux États-Unis.Cette consécration tant attendue leur ouvre enfin une voieroyale pour aller triompher sur les terres d’Elvis. Avec cesingle conquérant, le groupe échappe désormais à ses prin-cipales influences. Son style s’affirme avec des harmoniesvocales au charme désarmant, comme l’illustre d’ailleurs enface B This Boy de John Lennon. L’apparente aisance de cescompositions masque un savoir-faire dont beaucoup vont tenterde s’inspirer sans pour autant l’égaler. La différence s’écritpeut-être en cinq lettres que l’on commence à prononcer àpropos des quatre jeunes sujets de sa Majesté : le génie? W

I FEEL FINE / SHE’S A WOMANNovembre 1964 - Parlophone / EMI

Encore un succès fulgurant au palmarès des Beatles en 1964.I Feel Fine entre directement à la première place des charts,et devient le single le plus rapidement vendu en Grande-Bretagne. En plus de son introduction habile et de sa lignemélodique accrocheuse, l’histoire retiendra de ce titre qu’ilest le premier à avoir utilisé un feed-back de guitare. En face B, McCartney dégoupille un des puissants rocks dontil a parfois le secret, et démontre que dans ce registre, sa voixpeut rivaliser avec celle de ses illustres modèles. En face B,She’s A Woman est un rock ravageur et dépouillé qui devraitfaire taire tous ceux qui assimileront trop vite le bassiste àun plaisant susurreur de ballades sucrées. Le groupe reprendsouvent ces deux titres à son répertoire scénique.W

TICKET TO RIDE / YES IT ISAvril 1965 - Parlophone / EMI

Avec Ticket To Ride, les Beatles s’offrent, comme à l’accou-tumée, un nouveau numéro 1. Mais au-delà de ce succèsdevenu prévisible, le groupe rentre peu à peu dans l’âgeadulte de sa carrière. Avec ses riffs incisifs et sa puissanterythmique, cette composition de John Lennon confirme queles Beatles possèdent une tout autre stature que celle d’unsimple groupe à succès. John signe aussi, en face B, Yes It Is, une ballade langoureuse,petite sœur non déméritante de This Boy, qui fait la partbelle à des harmonies vocales très maîtrisées, dont le groupea fait désormais l’une de ses marques de fabrique les plusimmédiatement identifiables.W

HELP! / I’M DOWNJuillet 1965 - Parlophone / EMI

Nouveau numéro 1, hautement emblématique du viragemusical effectué par le groupe, Help! est un single à doubledétente, offrant en face B un nouveau rock signé McCartney.Son interprétation sauvage et déjantée au célèbre concertdu Shea Stadium en fera un pur et inoubliable moment d’an-thologie dans les annales du rock. Hystérique et décoiffant ! Paul reprend ce titre en 2001 au Concert For New York initiéà la suite des attentats du 11 septembre.W

DAY TRIPPER / WE CAN WORK IT OUTDécembre 1965 - Parlophone / EMI

Les compositions du tandem Lennon/McCartney deviennentsi riches qu’il devient difficile de les départager lorsqu’ils’agit de faire le choix d’une face A de single. C’est le casici avec d’un côté le décapant Day Tripper de John, son irré-sistible riff de guitare et son pont orgasmique, et de l’autrele très accompli We Can Work It Out de Paul, maniant avecune grande maîtrise des accords subtils qui en surlignentutilement le propos tout à la fois mûr et rayonnant. Deuxchefs-d’œuvre sur un même single : ça devient désormais larègle. Quand les deux surdoués entrent en compétition, c’estdu gagnant/gagnant pour tous.W

John Lennon n’est pas en reste. Il brille tout particulièrementavec des compositions aussi novatrices et touchantesque Norwegian Wood (This Bird Has Flown) à laquelleGeorge apporte, avec quelques accords de sitar, une toucheexotique et inédite dans l’univers pop. Une première dontbeaucoup d’autres groupes s’inspirent dans la foulée. Ceregard tourné vers l’Orient, qui ira de pair avec le mouvementhippy, atteste à nouveau de l’influence des Beatles, et deleur capacité à capter et à traduire en précurseurs les cou-rants de pensée, les attitudes ou les tendances à venir. Nowhere Man cristallise avec beaucoup de sensibilité leserrances mentales de John et les doutes qui l’habitent aucœur d’une Beatlemania devenue oppressante. Il se laissealler à une profonde méditation sur In My Life, évoquantavec une nostalgie bouleversante le temps qui s’écoule etlaisse en chemin les êtres chers. Enfin, Girl mérite toutautant de louanges pour son éloquente ligne mélodique,ses soupirs suggestifs et son climat aimablement érotique. La chanson de Ringo, c’est ici What Goes On, un vieux titrede John auquel on a rajouté quelques accords susceptiblesd’en améliorer le goût, par ailleurs assez peu épicé.Directement inspiré par les sonorités cristallines des Byrds,George Harrison tire de sa guitare des accords fluides, dis-crets et toujours pertinents. Un apport dont “Rubber Soul”bénéficie en profondeur. Il consolide encore son potentielde compositeur et signe Think For Yourself et If I NeededSomeone, deux chansons dont les vertus mélodiques com-mencent à rivaliser sérieusement avec celles de John et Paul.En artisans tenaces, les Beatles ont construit avec patienceet pertinence un album avant tout chaleureux. Rarement onne les a sentis aussi proches, dans leur fragile envelopped’hommes, immenses et néanmoins vulnérables, demi-dieuxchancelants à l’ombre de leurs propres incertitudes, et dece fait plus touchants que jamais. À mi-chemin de leur car-rière, ils accouchent d’un de leurs disques majeurs dont lecharme a jusqu’ici résisté sans peine et même mieux qued’autres aux insidieuses griffures du temps. On évoquerasouvent l’influence de Bob Dylan sur la coloration très acous-tique de “Rubber Soul”, mais aussi sur la nature de ses textes,en rupture manifeste avec les préoccupations sentimentaleset adolescentes qui avaient prévalu avec les premiers grandshits du groupe. C’est un fait établi. Des deux côtés del’Atlantique, on s’observe et on se jauge mutuellement, touten s’appréciant. Dylan a quant à lui électrifié sa musique aumême moment. Mais c’est surtout Brian Wilson, le Beach Boysen chef, qui prend une claque en découvrant les pleins etdéliés harmoniques de “Rubber Soul”. De ce choc artistiquenaîtra, dans un sain esprit de compétition, le magnifique “PetSounds”. La musique est encore la grande gagnante des joutesentre figures majeures de la pop. Sans surprise, “Rubber Soul”se classe numéro 1 des charts britanniques. A

SingleS 1963-1965

LONG TALL SALLY / I CALL YOUR NAME / SLOW DOWN / MATCHBOXJuin 1964 - Parlophone / EMI

Ce disque de 4 titres (E.P.) met à l’honneur le rock des pion-niers. Little Richard, tout d’abord, dont Paul reprend LongTall Sally avec une fiévreuse assurance. C’est l’un des titresque le groupe a sans doute le plus interprété sur scène dansses premières années. Ringo chante Matchbox de Carl Perkins,et John s’étrangle sur Slowdown de Larry Williams. Il chanteaussi le convaincant I Call Your Name (avec son pont reggae),une chanson qu’il avait composée à l’âge de seize ans ! W

Poster promotionnel de Capitol Records aux États-Unis.

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Page 8: Tony Sheridan and the Beat Brothers MY BONNIE

Avec “Flaming Pie”, McCartney évite l’écueil qui consisteà vouloir surfer trop longtemps sur une même vague.

Le talent se joue des recettes et des plats réchauffés. Pauln’ignore pas qu’il n’y a de sursaut créatif qu’avec une francheremise en question, au-delà de la seule ambition de grimperdans les charts. En dépit des pressions commerciales, la car-rière des Beatles s’était construite sur une équation à troisdonnées : liberté, exigence et fraîcheur.Dans les années précédant la sortie de “Flaming Pie”, EMI asuggéré à McCartney de se mettre provisoirement au vertdurant la période de commercialisation de l’“Anthology” desBeatles, histoire de ne pas se mettre en concurrence avec lui-même. C’est donc très sereinement qu’il compose et enregistreici et là, sans urgence et dégagé de toute pression extérieure,l’essentiel du matériel de l’album. Ajouté à cette décontractionféconde, Paul, qui a suivi de très près l’évolution du travail surl’“Anthology”, s’avoue très frappé d’observer avec la distanceopérée par le temps, combien le travail des Beatles avait étéabordé avec une légèreté et une insouciance dont le bénéficecréatif sautait aux yeux à chaque étape. À la lueur de ce constat,il procède de même, invitant Jeff Lynne (ex-leader d’ElectricLight Orchestra) à l’assister à la production, ce que ce dernierfait avec une touche plus légère qu’à l’accoutumée. “Je veux juste prendre un peu de plaisir et ne pas meprendre la tête. Ça a été l’esprit de l’élaboration decet album. Il faut se marrer parce que c’est justeun disque. Alors j’ai appelé une poignée d’amiset ma famille. On y est allés, on l’a fait et on ya pris du plaisir.” Ces premiers mots de PaulMcCartney pour évoquer “Flaming Pie” peu-vent paraître parfaitement anodins, ou mêmepasser pour une posture de circonstance,comme s’il avait fait ça les doigts dans le nez.Et pourtant, c’est bien là que réside le secret dela grâce absolue caractérisant “Flaming Pie”, quebeaucoup de critiques classent instantanément parmiles authentiques réussites de son auteur. Mieux, on évoquesouvent l’alchimie contrastée du “Double Blanc” des Beatlespour ancrer ce disque à un point de repère évocateur. De làà parler de chef-d’œuvre, il n’y a qu’un pas…Il n’y a pas débauche de musiciens sur ce disque. Juste uneéquipe resserrée, sans excédent de bagages. McCartney yjoue de la plupart des instruments, utilement épaulé par JeffLynne, le guitariste Steve Miller, et aussi par ce bon vieux RingoStarr que Paul n’avait pas invité depuis longtemps sur un de

ses disques. George Martin, l’ancien producteur des Beatles,a aussi apporté son savoir-faire sur quelques titres en leurécrivant de subtils arrangements orchestraux. À noter aussi,la toute première et discrète participation de James (le cadetdes McCartney) à l’œuvre de son père. Il joue, et plutôt trèsbien, de la guitare sur Heaven On A Sunday. À l’inverse, c’estpour la dernière fois que Linda McCartney chante ici quelquesharmonies vocales avant d’être emportée par un cancer peude temps après.Au menu, quatorze nouvelles chansons qui rivalisent de charme.Organiques et dépouillées, elles investissent plus qu’à l’ac-coutumée le champ de l’intime et d’une certaine nostalgie,tendance qui ira en s’affirmant durant les années suivantes.En ouverture de l’album, The Song We Were Singing témoignede cette inclination. Baignée de guitares acoustiques jouéesà l’unisson, elle sonne le rappel de l’époque bénie des sixtiesoù il était encore permis de rêver et de refaire le monde entreamis autour d’un verre. Mais d’autres titres lorgnent eux aussidans le rétroviseur, et imprègnent d’une certaine mélancoliele climat général de l’album.Sur une ligne mélodique confondante d’astuce et d’ingénuité,Young Boy évoque l’adolescence et la quête maladroite del’amour. Le charme opère ici assez vite, comme pour The World

Tonight, une ballade électrifiée de quelques riffs inci-sifs. À la guitare électrique, McCartney admet qu’il

ne possède pas un style éblouissant, mais c’estle sien, et à l’instar de celui d’un Neil Young,il gagne en franchise et en impact ce qu’il nepossède pas en virtuosité. The World Tonighttémoigne de cette simplicité qui en fait l’undes titres les mieux charpentés de l’album,dont l’attaque franche et directe lui vaut d’être

choisi pour l’un des singles.Dans le registre des ballades, McCartney sème

ici à tous vents avec une belle assurance. On se perdà énumérer ces petites perles: la caressante et songeuse

Somedays, (Paul s’y accompagne seul à la guitare acoustique,à la basse et à la guitare espagnole sur un très pur nappagede cordes concocté par George Martin), la très épurée CalicoSkies (l’une des chansons qui renvoient instantanément au“Double Blanc” des Beatles), Heaven On A Sunday (un purmoment de soul très soft), Souvenir (un rhythm'n'blues à laWilson Pickett), Little Willow (infiniment poignante et climatique,une composition pour les enfants de Ringo Starr ayant récem-ment perdu leur mère, Maureen Starkey) et enfin une très

Paul McCartneyFLAMING PIEENREGISTREMENT STUDIO B MAI 1997 B PARLOPHONE / EMI

Produit par Paul McCartney, Jeff Lynne, George MartinPhotographies : Linda McCartneyDesign graphique : The Team

TRACKLISTING The Song We Were SingingThe World TonightIf You Wanna Somedays Young BoyCalico Skies Flaming Pie Heaven On A SundayUsed To Be Bad Souvenir Little WillowReally Love You Beautiful Night Great Day

BONUS TRACKSOobu JoobuLooking For YouI Love This HouseBroomstick Atlantic OceanSquidDon’t Break The PromiseLove Come Tumbling DownBeautiful Night

FAN ZONE u En médaillon : label Parlophone - EMI, Grande-Bretagne.Page de gauche : verso de l’album et éléments graphiques ; picture disc du single The World Tonight ; médiator “Flaming Pie”.

DISCOGRAPHIE PAUL McCARTNEY • 133

B

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