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AD RENCONTRE Hella Jongerius, la poésie des objets Mobilier en série illimitée ou pièces uniques faites main... la designer néerlandaise refuse de restreindre sun inspiration. Elle raconte sa démarche, entre exigence et légèreté, entre artisanat et technologie. Propos recueillit par Christian Simenc chez elle, a Seri n A la veille d un rendez vous important sol est jonche d esquisses et dechant lions de couleurs et de textiles

Surface approx. (cm AD RENCONTRE OJD : 91620 Hella ...€¦ · 56 A RUE DU FAUBOURG SAINT HONORE 75008 PARIS - 01 53 43 60 68 OCT 09 Mensuel OJD : 91620 Surface approx. (cm!) : 1671

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  • 56 A RUE DU FAUBOURG SAINT HONORE75008 PARIS - 01 53 43 60 68

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    Eléments de recherche : Toutes citations : - VITRA : maison d'éditions de mobilier - VITRA DESIGN MUSEUM : musée de design, à Weil AmRhein, en Allemagne

    AD RENCONTRE

    Hella Jongerius,la poésie des objetsMobilier en série illimitée ou pièces uniquesfaites main... la designer néerlandaiserefuse de restreindre sun inspiration.Elle raconte sa démarche, entre exigenceet légèreté, entre artisanat et technologie.Propos recueillit par Christian Simenc

    chez elle, a Seri nA la veille d un

    rendez vous

    important

    sol est jonche

    d esquisses

    et dechant lions

    de couleurs

    et de textiles

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    Eléments de recherche : Toutes citations : - VITRA : maison d'éditions de mobilier - VITRA DESIGN MUSEUM : musée de design, à Weil AmRhein, en Allemagne

    La table Grenouille.La représentation

    danimaux permet à

    Hella Jongerius

    « d'établir un pont entre

    lobjet et la personne»

    Edition limitée (8 ex )

    en noyer laqué.

    Galerie Kreo, 2OOÇ.

    A 46 ANS, HELLA JONGERIUS A DÉCIDÉ DECHANGER DE VIE. Depuis dix ans, la designerbatave animait le fameux JongeriusLab, àRotterdam, son agence de recherche et deproduction. Elle en a fermé les portes cet étépour venir s'installer à Berlin. Outre la créationde deux sofas et d'une collection de mobilierde jardin, elle met actuellement la dernièremain, pour l'éditeur de mobilier suisse Vitra, àun espace permanent dédié à la couleur, lequelsera logé dans un nouvel édifice construit par lesarchitectes Jacques Herzog et Pierre De Meuronà Weil-am-Rhein (Allemagne), qui devraitouvrir début 2010. L'an prochain également, unerétrospective de son travail est programmée aumusée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam.Rencontre dans son atelier à Berlin.

    Cet été, vous avez déménage votrestudio à Berlin. Pourquoi ?Je voulais vivre dans une ville plus grande. Jetrouve en effet que les villes néerlandaises sontdes villages et les Pays-Bas une seule ville. Monseul impératif était que cette ville soit en Europe.

    J'ai pensé évidemment à Londres et à Paris,mais ces deux capitales sont inabordables pourmoi. J'ai choisi Berlin parce que c'est une villeproche de ma propre culture. C'est une cité degrande dimension, au contexte intéressant. Uneville verte, pas trop dense et, surtout, à échellehumaine. Pour la créativité, c'est très inspirant.En regard d'autres villes si individualistes, ilexiste ici un sens de la communauté. Les gensne sont pas obnubilés par leur carrière, mais parleur environnement. Ils sont continuellementen train de se battre pour quelque chose, commeconserver un arbre ou un terrain afin qu'on neconstruise pas dessus. Berlin est une ville despossibles. Des propositions de modes de vie qui,ailleurs, seraient qualifiés d'alternatifs sont icimonnaie courante. Ce sont des tentatives decréer une société. J'aime beaucoup cela.

    Votre nouveau studio est-il aussi le préludeà une nouvelle manière de travailler ?Oui. À Rotterdam, j'étais tellement occupée à« diriger » un studio que je n'avais plus le tempsd'aller en profondeur dans les projets, de prendredu recul, de lire ou, tout simplement, de créer.À Berlin, je vais travailler seule, avec, au couppar coup, l'aide de designers indépendants quipourront être basés n'importe où : à Rotterdam,Amsterdam, Berlin ou ailleurs.

    Vous effectuez, depuis quèlquesannées, une recherche de fond surla couleur. De quoi s'agit-il?Tout a commencé lorsque j'ai entamé macollaboration avec la firme Vitra, qui m'ademande de revoir l'ensemble des couleurs deson catalogue. Plus généralement, je trouve quenous avons aujourd'hui perdu le sens cultureldes couleurs. Celles-ci sont devenues uneproblématique industrielle. On ne peut choisirque ce que l'industrie fabrique. Ainsi, chaqueannée, des « chasseurs de tendances » prédisentun certain nombre de couleurs, l'industriefabrique lesdits nuanciers que les architecteset les designers utilisent, point. Aucune étuden'est faite sur la couleur elle-même, sur cequ'elle produit dans un espace par exemple.L'industrie propose une sorte de fast-food:vous voulez un espace sombre ? Prenez du noir !Nous sommes à mille lieues de gens comme LeCorbusier qui, pour assombrir une pièce, usaitde couleurs contrastées. C'est un peu comme encuisine, lorsque vous utilisez de bons ingrédients.J'aimerais importer cette méthode dansl'industrie, rendre les couleurs plus vibrantes,ouvrir leur champ d'utilisation. Et il ne s'agit pasuniquement d'appliquer de la couleur sur unmur; un matériau a, lui aussi, sa propre couleur.Grâce à la couleur, vous pouvez emmener unespace vers un nouveau monde.

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    ADRENCONTRE

    «IL NE FAUT ÊTRE NI TROP D'AVANT-GARDE NI TROP SÉRIEUX.LA LÉGÈRETÉ APPORTE UN CERTAIN CONFORT AU QUOTIDIEN. »

    La couleur est un infiniterrain d'investigationpour Hella A droite,la caisse est rempliede miniatures dusiege Pastille, d'EeroAarnio, éditées parVitra, qui lui serventde nuancier

    Vous mélangez souvent techniquesartisanales et technologiesindustrielles. Pourquoi ?Trouver les moyens de conserver ma propreécriture dans un produit industriel est une partde mon travail. C'est pourquoi je m'intéresse auxdétails et à la manière d'utiliser les techniquesde l'artisanat. Créer une relation entre leconsommateur et l'objet est pour moi essentiel.Un produit industriel possède, certes, une beautéintrinsèque, mais il manque un peu de « vie », unechose qui retienne votre attention ou à laquellevous tenez. Souvent quèlques menus détailspeuvent vous atteindre. Il est important pour moid'imaginer des objets qui comportent plusieursstrates d'appropriation.

    Est-il facile de créer ces fameuses« strates d'appropriation » ?Il existe une multitude de façons de concevoir unproduit dans ses détails. On peut travailler avecles imperfections dc la matière, jouer avec unepalette de couleurs ou une gamme de textiles.Lorsqu'un objet offre plusieurs facettes, vous

    le gardez plus longtemps. C'est la multiplicitéd'appropriations qui génère la durabilité Etpour moi, cette durabilité dans la relation estbeaucoup plus importante que la durabilitédes matériaux eux-mêmes. Évidemment, jem'intéresse aussi au développement durable ouau recyclage, mais je pense que le mot qualité estun vocable abstrait. Le développement durableest un processus si complexe, sur lequel vouspouvez, certes, intervenir mais qui vous échappeun peu. Ce à quoi je peux vraiment contribuerest cette durabilité dans la relation entre leconsommateur et l'objet. D'où ma rechercheconstante sur ces multiples détails qui, au final,conduisent à une durabilité de l'objet.

    L'animal est un thème récurrent dans voscréations. Le considérez-vous égalementcomme un signe d'appropriation?Oui. Je cherche toujours à établir un pont entrel'objet et la personne. Avec un animal, c'est facilecar il déclenche immédiatement l'imagination,même si la citation est parfois trop littérale. Del'animal sourd une qualité humaine, quelque

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    chose d'espiègle. Autre aspect important :l'animal permet aussi à l'objet d'être moinssérieux. Le design est parfois si strict - je l'aibaptisé : « design de pasteur » -, qu'il ne peutatteindre le cœur des gens. Il ne faut être nitrop d'avant-garde ni trop sérieux. La légèretéapporte un certain confort au quotidien.

    Travaillez-vous différemment pourl'industrie et pour une galerie ?La recherche est identique. Mais dans l'industrie,vous devez être plus créatif, ce qui n'impliquepas forcément d'inventer un nouveau produit,mais de trouver une solution. Car des idées, toutle monde en a. Réussir à les formaliser pour uneindustrie est beaucoup plus difficile que pour unegalerie. Pour une galerie, en revanche, réaliser unepièce intéressante demande une extraordinairediscipline, la facilité consistant à faire une « grossechose étrange » qui, si vous avez un nom, se vendrade toute façon. Le travail de galerie est, pour moi,un moment pour « innover », pas au sens industrieldu terme, mais une innovation par rapport à monpropre travail, une recherche personnelle qu'ilm'aurait été impossible de faire dans l'industrie.

    Comment s'est passée votre collaborationavec le chausseur Camper?J'aime beaucoup la rapidité du processus defabrication d'une chaussure. C'est un objetcertes petit, mais très dense - une chaussure secompose d'une quinzaine d'éléments distincts. Jene souhaitais pas dessiner une chaussure, maistravailler à partir de modèles existants. Je voulais,comme on dit, « blow the dust off», enleverl'excédent, formaliser les propres idées d'une

    firme attentive aux détails. Nous avons donctravaillé sur les coutures, les couleurs et la qualitédes cuirs, dessiné une nouvelle attache ou unenouvelle semelle. Nous étions très libres car lesgens de Camper étaient très friands d'originalité.

    Vous avez toujours préféré travailleren structure réduite. Pourquoi ?Je collabore avec un nombre restreintd'entreprises, mais que j'estime les meilleuresdans leurs domaines respectifs, comme Vitrapour le mobilier, Maharam pour le textile,Makkum pour la porcelaine ou Camper pour lachaussure. Je sélectionne les gens avec lesquelsje travaille non seulement pour conserver unepetite structure, mais surtout pour pouvoireffectuer un travail en profondeur. Cela n'estpossible que si vous travaillez avec quelqu'unpendant des années. Il n'y a pas besoin d'un longdiscours. Je crois vraiment qu'une écriture pourune entreprise se construit sur la durée.

    Dans l'exposition « Elles », le CentrePompidou présente les œuvresd'artistes femmes. Y a-t-il, selonvous, un design « féminin » ?Ce type de thématique me laisse un peusceptique. Il y a certainement une manière devivre féminine, mais point n'est besoin d'avoirdes seins pour avoir un style féminin. PrenezTord Boontje [designer néerlandais, nair], il estbeaucoup plus féminin que moi dans son travail.La question n'est donc pas de savoir si vous êtesune femme ou un homme. Dit-on de l'architecteZaha Hadid qu'elle a une écriture plus féminine ?Je ne crois pas... O.S.Pour en savoir pluswww.jongeriuslab. com

    O PLUS D'IMAGES SUR MENSTYLE.FR

    //"ELLA ^ONGERIUS EN 5 CRÉATIONSPushed Washtub, un

    lavabo «classique»

    apparemment, si ce

    n'est qu'il est conçu en

    silicone souple, donc

    tout doux et modulable.

    JongeriusLab, 1996.

    Red-white Vase, en

    porcelaine et peinture

    pour voiture ll a été

    imaginé à partir de

    tessons de poterie

    médiévale

    Royal Ttchelaar

    Makkum, 1998.

    Felt Stool. Entre vide

    et délié, ce tabouret

    est composé d'une

    structure de métal

    recouverte de feutre.

    JongeriusLab, 2OOI.

    ow/, une

    collection de pièces

    uniques, finitions main,

    inspirée de figurines

    aussi bien Empire que

    rococco ou art nouveau

    Nymphenburg, 2004

    Polder Sofa, dont

    les lignes horizontales

    et basses ont été

    pensées pour évoquer

    «le plat pays» natal

    de la créatrice.

    Vitra, 2OO5.