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Concurrence de marques ou de « business models »? Jean-Noël Kapferer La marque ne produit ses effets qu’en interaction avec le « business model » qui la soutient. Lire pages 2 et 3 Marques, slogans, produits : le cocktail de la réussite mondiale Lire page 4 « Spywares », logiciels espions : un marketing intrusif Jacques Nantel et Abdel Mekki Berrada Les « spywares » permettent aux annonceurs de suivre les consommateurs à la trace. Lire page 5 Une approche élargie de l’innovation : combler les vides Juan Ramis-Pujol Comment naît et s’impose une innovation ? Lire pages 6 et 7 Extraire et s’approprier la valeur d’une innovation Michel Santi, Sophie Reboud et François Duhamel Présentation d’un cadre d’analyse stratégique permettant aux innovateurs de déterminer le meilleur mode de valorisation de leurs réalisations. Lire pages 8 et 9 Plaidoyer pour développer l’essaimage stratégique Frédéric Iselin Les dirigeants français savent-ils qu’ils ont tout intérêt à aider et encourager les salariés qui veulent créer leur entreprise ? Lire page 10 Les grands patrons et la dialectique succès-échec Pierre Marcillat De Thomas Edison à Bill Gates, tous les grands innovateurs de l’histoire industrielle n’ont cessé d’invoquer l’effet rédempteur d’un échec. Dernièrement, Steve Jobs a livré un témoignage remarqué. Lire page 11 Innover, vendre, grandir SOMMAIRE jeudi 27 octobre 2005

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L'art du management 3/10

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  • Concurrencedemarquesoude businessmodels ?Jean-NolKapfererLamarqueneproduit seseffetsqueninteractionavec le businessmodel qui lasoutient.

    Lire pages 2 et 3

    Marques,slogans,produits : lecocktailde larussitemondiale

    Lire page4

    Spywares , logicielsespions :unmarketing intrusifJacquesNanteletAbdelMekkiBerradaLes spywares permettentauxannonceursdesuivreles consommateurs latrace.

    Lire page5

    Uneapprochelargiedelinnovation :combler lesvidesJuanRamis-PujolCommentnatetsimposeuneinnovation ?

    Lire pages 6 et 7

    ExtraireetsapproprierlavaleurduneinnovationMichelSanti,SophieReboudetFranoisDuhamelPrsentationduncadredanalyse stratgiquepermettantaux innovateursdedterminer lemeilleurmodedevalorisationdeleursralisations. Lire pages 8 et 9

    PlaidoyerpourdvelopperlessaimagestratgiqueFrdric IselinLesdirigeants franais savent-ilsquilsont toutintrtaider etencourager lessalarisquiveulentcrer leurentreprise ? Lire page10

    Lesgrandspatronset ladialectiquesuccs-checPierreMarcillatDeThomasEdisonBillGates, tous lesgrandsinnovateursdelhistoire industriellenontcessdinvoquer leffet rdempteurdunchec.Dernirement, Steve Jobsa livrun tmoignageremarqu. Lire page11

    Innover, vendre, grandirSOMMAIRE

    jeudi 27 octobre 2005

  • 2 - Les Echos - jeudi 27 octobre 2005 LART DU MANAGEMENT

    Concurrencedemarquesoude businessmodels ?

    MARCHS La marque fonctionne bien comme un acclrateur de croissanceet un amortisseur de baisse.Mais elle seule elle ne peut rien : elle nest pas auto-suffisante.Elle ne produit ses effets quen interaction avec le business model qui la soutient.

    e monde des marques est actuelle-ment en proie une certaine schizo-phrnie. En effet, chaque anne lamme poque, Business Week publie la valeur des 100 plus grandesmarques globales, avec le concoursLdInterbrand. Les chiffres tombent

    forts de leur prcision en milliards de dollars oudeuros. Rappelons quil ne sagit pas de la capitalisa-tion boursire de ces socits, mais dune estimationextrieuredundeleursactifs intangiblesmajeurs : leurmarque. De fait, ces donnes font le tour du monde etalimentent les discussions dans tous les tats-majorsdes multinationales, rassurs par les montants publis.

    A peine viennent-ils dapprendre que lesmarques valent des milliards, que leurs directeurs dumarketingconstatentlamontergulire desmarquesdedistributeuretdsormaisduhard-discount,lesdeuxtant largement majoritaires dans le domaine dit desbiens de grande consommation. Dans nos pays ma-tures, croissancedeconsommationnulle,on neparleplus que de la monte inexorable du hard-discount, etde tous les acteurs fonds sur un modle conomiquede type low cost : oprateurs tlphoniques vir-tuels, compagnies ariennes, magasins maxi-dis-compte de type Aldi, Lidl ou Ed, mdicaments gn-riques.Orcesacteursnouveauxcreusentlcartdeprixavec les marques bien au-del de ce que la prime demarque autorise : les marques doivent donc soit bais-ser leurs prix, sans certitude de compensation en partsde march (llasticit au prix est rarement au rendez-vous),soitdpenserplus pour expliquer oujustifier cetcart accru et, de ce fait, diminuer fortement leurrentabilit. Des entreprises notoires dont les marquessont considres unanimement comme des stars in-quitent en coulisse les analystes financiers en Francecommelinternational.Leproblmeestquecesdeuxtypes dinformations (valeurs financires des marqueset recul des performances des grandes marques enparts de march) ne concident pas. On ne peut enmmetempstreauparadisetenenfer,oudumoinsaupurgatoire.

    Quelleperformance attendrede la brandequity ?A lre de lhypercomptition, que nous dit la thoriedes marques classiquepour lutter contre les nouveauxacteursdits lowcost ?Investissezencoreplussurlesmarques ! Innovez ! Or, non seulement ces exhorta-tions nont pas vit lentre des nouveaux acteurs,mais, en plus, cela na pas aid les grandes marques rester leader dans la plupart des marchs de grandeconsommation.

    Une premire leon est que la prcision deschiffres sur la valeur financire desmarques, publis annuellement, etleur diffusion mdiatique nattes-tent pas de leur validit. Comme lerappelle M. Nussenbaum, il ny apas une mais des valeurs de lamarque. Celles-ci varient selon lesbutsde lvaluation :plusoumoinsoptimistes, plus ou moins rassu-rantes. Do la question pose :celle de la fair value , qui rendecompte de la performance cono-mique future raliste de cet actifnomm marque.

    Quest-ce quune marque forte aujourdhui,face au pouvoir de la grande distribution ? A trop sefocaliser sur des actifs de marques fonds sur lesdclarations des seuls consommateurs finaux, on ou-blie que le marketing daujourdhui nest plus B toC , ( business to consumer ), mais bien B to B toC ( business to business to consumer ). Les meil-leures notorits et images de marques nont pasempch Decathlon de passer en vingt ans de 0 % plus de 50 % de produits ses marques propres etdesprer continuer encore. Lvaluation des marquesreposant trop sur la seule brand equity vue du ctconsommateurs, ngligerait alors les effets de cliquetradicaux crs aujourdhui par la grande distribution,

    mais aussi par la hausse du ticket moyen publicitaire.Unemarquetrs connue ettrs aime maisqui

    ne permet plus de vendre avec un profit suffisant estelle vraiment une marque forte ?

    Intgrerlaconcurrenceentrebusinessmodels La deuxime leon bien plus fondamentale est deprendre conscience que la marque nest pas un actifautosuffisant. La marque fonctionne bien comme unacclrateur de croissance etunamortisseur debaisse.

    Mais, elle seule, elle ne peut rien : elle nest pasautosuffisante. Ellene produit ses effets quen interac-tion avec le business model qui la soutient.

    Pourquoi la marque de dermo-cosmtique LaRoche Posay peut-elle vendre plus cher que LOralParis : parcequesonbusinessmodel reposeexclusi-vementsurlaprescriptiondesdermatologues.LOralParis quant lui fonctionne sur un business model de R&D soutenu par une publicit massive, qui elle,mme soutient des spcialits trs fortes (ce sont desmarques filles : Elsve, Elnet, etc.). Pour pouvoirconcurrencerLOral Paris surles prix, partoutdans lemonde, Nivea a un business model encore diff-rent : Nivea capitalisesur une marque unique dclineselon toutes les applications et cibles possibles, ce qui

    maximise la fidlit croise (les acheteuses satisfaitesdunproduit solairevontacheter undodorant). Cetteillustration dmontre quune ncessaire segmentationdes marques sopre en fonction de la performanceque permet leur business model .

    Dans les biens de grande consommation, onconstatequelehard-discountlallemandeproposeunmeilleur rapport qualit-prix que les produits premierprix lans pour rsister par les hypermarchs. Cest cause de leur business model : les Allemands sesont lancs avecdes accords de long termepasss avecun industriel de renom pour quil investisse dans uneunit de fabrication dun nombre trs restreint deproduits. Cela casse donc les prix de revient, mais leproduitrestedequalit.Lhypermarch,quantlui,estrfractaire tout ce qui le lie un fournisseur uniquedans le temps, pour pouvoir accentuer enpermanencesa pressionsur sessources, eten changer lapremireoccasion. Il y a une diffrence fondamentale entreacheter de la marchandise au prix le plus bas, doquelle vienne,et crer un systme pour faireproduireun produit de qualit acceptable moiti prix par unindustriel de renom. Il est donc temps de reconnatreque la grande nouveaut des annes 1990 est lappari-tion de business models radicalement diffrents,ouvrant lavoie unevraiesegmentationpar les prixet une spcialisation concomitante des marques.

    Prenons lexemple du textile. Chacun soulignela monte extraordinaire de la marque Zara dans lemonde, lultra-mode au prix le plus bas. Mais, pourrendre cela possible, cest en ralit dans le mode degestionmmequeZaraa innov,dstabilisanttoute laconcurrence bas prix, les Promod ou Kiabi, quifonctionnaientsurdes businessmodels diffrentsetquidoncne purent sadapter.Zarareposesurdesministocks tournants, une pnurie organise comme sys-tme de dsirabilit et de retour du client, un magasinlieu de thtralisation, pas de publicit, un

    JEAN-NOL KAPFERER

    Pour lutter dans lhyperconcurrence,il faut se comporter en stratge,cest--dire intgrer la marquedans le business model original et performant.

    Jean-Nol Kapfererest professeur HECParis et expert desmarques. Il anime dessminaires de directionsur le management desmarques partout dans lemonde. Il est aussi unconsultant actif sur lesproblmes de marquedans tous les secteurs.Il a publi en 2005 : LeDirigeant et la planteconsommateurs sur lamondialisation desmarques, Ce qui vachanger les marques surles rponses apporterau discount. Son dernierouvrage en anglais TheNew Strategic BrandManagement (2004) estconsacr lvolution dumanagement de lamarque dans le contexteconomique,technologique et socialactuel.

    Lhypermarch est rfractaire toutce qui le lie un fournisseuruniquedans la dure, pourpouvoir accentuerenpermanence sapressionsur ses sources et en changer la premire occasion.

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  • - 3Les Echos - jeudi 27 octobre 2005LART DU MANAGEMENT

    ENTRETIENPROFESSEUR DE MARKETING HEC

    Jean-Nol Kapferer : La marque est bienun actif, mais un actif conditionnel Votre articlepose aufond laquestion de la compatibi-litdunestratgiedemarqueaffirmeetduchoixdelagrande distribution comme canal de commercialisa-tion.Comment, selonvous, laproblmatiquemarque-grande distribution est-elle en train dvoluer ?Nous sommes en effet entrsdans lre du B to B toC :toutemarquequiachoisicemodededistributiondoit en premier lieu russir convaincre un distribu-teur, avant de convaincre un client final. Le risque estque, unefois ce premier obstaclepass,oncomptesurle distributeur pour vendre et lon fasse moins depublicit par exemple, ce qui est de facto souvent lecas,car,unefoislesmargesarrireprisesencompte, lapartie dvolue aux mdias ne cesse de se restreindre.Cest le dbut de la fin pour les marques. En effet, lesdistributeurs ne sont pas intresss par les marques,mais par eux-mmes. Ils ne voient les marques quausein de leur propre stratgie de diffrenciation et derentabilit. Car les distributeurs eux-mmes sont desmarques, ce qui va bien au-del de direquils vendentdes marques de distributeur .Fondamentalement, il y a deux business models gagnants : le BtoB oule BtoC rel,cest--direvendreendirect au client final. Cest le cas de Dell, detoutes les marques de prt--porter adosses desfranchises ou leur propre distribution,etc. Pour rsister la logique de la grandedistribution,ilfautselonnousavoirunpiedailleurs, l o se cre lattachement lamarque. On ne cre pas facilement datta-chement aux marques dans les mga-rayons dun hypermarch. Coca-Cola estaccessible partout dans les distributeursautomatiques, chez Quick ou McDo-nalds,danstouslescafsdumondeentier.Cest l que se tisse le lien motionnel, exprientiel.

    Vous critiquez lvaluation de la valeur des marquestellequelle est faite actuellement.A votreavis,existe-t-ilunmoyendelacorriger,oufaudrait-illabandonnerpurement et simplement ?Je suis seulement amus par lattention porte par lestats-majors aux chiffres publis annuellement par Business Week en aot, fonds sur des analysesextrieures du cabinet de marque Interbrand. Leverdictannuel tombeavec une prcisionqui surprenddautantplus que les analysessont faitesde lextrieurdes entreprises concernes, sans les donnes internesde lentreprise. Souventquelques semaines aprs leurpublication, on a la surprise de lire dans vos colonnesque les entreprises concernes ont mis un profitwarning , car leurs rsultats sont moins bons quan-nonc. Voici deux informations bienpeuconciliables.A mon sens, seule la mthode recommande dail-leurs dans les nouvelles normes IFRS, celle des discounted cash-flows est valide, mais elle ne peutse faire distance, de lextrieur.

    La marque, rappelez-vous, ne vaut quen tant quellesarticule de manire cohrente avec un businessmodel . Cest la rponse que vous envisagez ce quevous appelez l hyperconcurrence . Pouvez-vous es-quisser une typologie des types dinteractions marque- business model qui marchent aujourdhui ?Jeconoislamarquecommeuneideforte(quisduitle client final), porte par une quation conomiquefavorable. La marque toute seule donc ne peut rien.

    Certes, cela va de soi, mais on a tellement rig lamarque comme larme fatale, lalpha et lomga dumanagementetdelacrationdevaleur,quonaperdudevueuneralitsimple :elleestbienunactif,maisunactif conditionnel. Je suis trs intress par les entre-prises qui, pour reprendre lexpression de C. Bouti-neau, ex-DG de Bongrain, veulent construire lamarquelenvers.Puisque lemodleclassique(tudede march, puis produit, puis distributeur, puis com-munication) chappe dsormais aux capacits finan-cires de bien des marques, il faudra prendre leproblme diffremment. La marque de distributeur,par exemple,fait limpasse surles tudes et lacommu-nication. Cela lui permet dentrer dans des zones deprix inaccessibles aux grandes marques avec desproduits trs voisins, fabriqus souvent par les grandsindustriels eux-mmes.

    Parmi les modles alternatifs de dveloppement pourles marques il y a lInternet. Quels changements defond le Web introduit-il dans la thorie des marques ?Le Web est effectivement un rseau et aussi unmodle alternatif de construction de marque fondsur un exprientiel ultra-personnalis : chacun peutsapproprier la marque sa faon. Il y a implication

    directe du client. Il est interessant de voir commentNike a lanc Converse. Outre, bien sr, les relationspubliques, la publicit a pour seule fonction de crerune communaut virtuelle, en renvoyant les clients etprospects vers le Net. Le Netremetduproduitdans lamarque aussi : car lInternet, cest beaucoup du texte.Linternaute fouine, il lit, regarde, compare. Il fautavoir des choses dire sur les produits eux-mmes ousur lhistoire qui les entoure.

    Onopposesouventhard-discountetmarques ?Maislehard-discountqui semontre leplusperformantnest-ilpas celui qui a une vraie stratgie de marque : Leader-price, easyJet ?Curieusement les derniers sminaires de directionque jai anims ontport sur des questions telles que :comment faire une marque de gnriques ou biencomment faire dun low cost la marque ? Car lamarque est diffrenciation. Donc, ce nest pas lamarque qui est chahute en tant que telle, cest la grande marque ditedegrande consommation, carcelle-ci, les panels le montrent, nest plus de grandeconsommation. Certes sa pntration peut tre demasse, mais son usage recule vers lexceptionnel,loccasionnel et non plus le quotidien. Cest incompa-tible avec la logique conomique qui fonde toute lagrande consommation dhier : gros volumes multi-plis par petites marges unitaires. De facto, pourreprendre lexpression de Franck Riboud, Danonejouaitavant-hier surtoutle terraindefootball,hiersurla moiti, demain il sera peut-tre confin la seulecage du goal.

    remarquable systme de remonte dinformationsqualitatives sur les dernires attentes des clientes.

    Orienter les businessmodels vers ladistributionPour lutter dans lhyperconcurrence, il faut tre stra-tge plus que marketeur , cest--dire intgrer lamarque dans un business model original et perfor-mant. Lerreur de Virgin Cola est davoir opt pour lemme business model que Coca et Pepsi sans lesressources et pratiques quil implique. Dans le do-maine des biens de grande consommation, le marke-tingmodernenestplus BtoC ,mais BtoBtoC .Virgin a cru au consommateur. Mais cest le distribu-teur qui nen voulut pas : tre distribu par les seulsMonoprix ou Auchan ne suffisait pas rentabiliserlopration. Lactif de marque Virgin nest pas auto-suffisant. Dautres marques auraient cherch, tel Red-bull,misersurdescanaux dedistributionconcurrentsdes hypermarchs pour soit en desserrer ltau soitmme sen passer. Ce qui est la grande chance desmarques de prt--porter qui ont leurs propres pointsde vente nest pas accessible maintes marques de

    produits de grande consommation. Elles cherchentnanmoins utiliser les circuits autres comme leviersde prescription, voire mme de vente. Ainsi le roque-fort Papillon doit la durabilit de son image premiumau fait quil sest lan exclusivement chez les froma-gers au moment o le leader du marchSocit misaitsur la grande distribution. Pour crer une marque deshampooing aujourdhui, il vaut mieux partir duneenseigne de coiffure et crer sous licence une gammecomplte ce nom, vendue en grande surface : ce business model a t cr par J. Dessanges pourLOral.

    On doit naturellement intgrer lInternet dansces business models alternatifs. Les valuationsfinancires des marques soulignent la performance deDell. Mais Dell est-il une marque ou un businessmodel encore exclusif ce jour ? En effet, linnova-tionradicale iciencore estdistributive :fairede lInter-net le cur de la relation exclusive au client et delabsence de stock, ce qui permet de baisser les prix.Tous les groupes le savent dsormais, les marques dedemain auront besoin de modles alternatifs dedveloppement l

    RSUMLes marques sont unactif stratgique pour lesentreprises. Desvaluations financirespublies rgulirementsont l pour en attester.Or, au mme moment,dautres informationssignalent le recul desgrandes marques dansles marchs de grandeconsommation, lamonte des nouveauxacteurs, trs bas cots,du hard-discount, etc.Cette situation posedeux questions : lapremire, au moment oles nouvelles normescomptablesinternationales vontsappliquer auxentreprises cotes, estcelle de la validit desmesures de la valeur desmarques. La seconde,plus fondamentale, estcelle de la nature mmede cet actif nommmarque. Quelrendement, quelleperformance peut-on enattendre aujourdhui ?Les ralits du marchdoivent rappeler que lamarque est un actifcertes, mais conditionnel.Cest pourquoi, dans laconcurrence moderne, ilfaut tre stratge plusque marketeur ,cest--dire intgrer lamarque dans un business model diffrenci, qui seulpermettra de fonder lamarque de faon durable.

    Quatre matres vendeursamricains

    l Wroe Alderson : la segmentationOutre-Atlantique, lesspcialistesdumarketingvnrentcetancien responsable du dpartement du Commerce amri-cain, devenu professeur auMIT et la Wharton School dePennsylvanie, o, depuis sa mort en 1985, chaque anne,unesrie deconfrences est donne en sonnom.Dans sonuvre matresse, Marketing Behavior and Executive Ac-tion , publie en 1957, il met notamment laccent surlhtrognitde lademandecommede loffre, ouvrant lavoie aux notions de niche et de segmentation. Les travauxdAlderson, rputs difficiles lire, reprsentent la tentativelaplusambitieusedefairedumarketingunesciencesocialepart entire.W. Alderson, Marketing Behavior and Executive Action.A Functionalist Approach to Marketing Theory , Home-wood, 1957.

    l Philip Kotler : le client roiLa rputationdePhilipKotler reposeessentiellement surunlivre, publi en 1967, MarketingManagement : Analysis,Planning, ImplementationandControl .Unebiblepour les

    gens du mtier, qui at constamment r-dite depuis lors. Eco-nomiste de formationet mathmaticien, Ko-tler fait du marketingun des domaines de lagestion, qui sappuiesurun luxedemodleset danalyses statis-tiques. Il na jamaiscess ensuite de tra-querlesnouveauxcou-rants, comme le dve-loppemen t du

    capital-marque ou les approches one to one .Mais cestsurtout pour laccent quil a mis sur le management de larelationauclient(leCRM,CustomerRelationshipManage-ment ) que son uvre sest impose dans les businessschools du monde entier.P. Kotler, B. Dubois, Marketing Management , PearsonEducation, 11e dition en franais ralise par D. Manceau,2004.

    l Theodore Levitt : la marque globalePourquoiune industriecesse-t-elledecrotre ?Parcequellesattache trop ses ventes, pas assez son marketing. Laventesefocalisesur lesbesoinsduvendeur, lemarketing surceux de lacheteur. Cette myopie fut dnonce en1960dansun fameuxarticlede laHarvardBusinessReview quiinstalla demble Theodore Levitt parmi les grands thori-ciensdumarketing.Dunseulcoup,cederniertaitlevaurangdematire noble dumanagement.Levittpoursuivrasa rflexion sur la dimension stratgiquedumarketing danssonlivreleplusconnu, TheMaketingImagination (1983),oilprdit,dansunchapitre2quia faitdate, laglobalisationdes marchs et lavnement de la marque globale, typeCoca-Cola.Vingtansplus tard, lideestentraindeperdrelabataille face la notionde glocal (globalmais aussi local)que lui opposait Kotler.T. Levitt, LImagination au service du marketing , Eco-nomica, 1985.

    l Seth Godin : linteractivitTitulairedunMBAdeStanford, SethGodin na paschoisi lavoieacadmique,maiscelledumondedelentrepriseetdesstart-up. Collaborateur du magazine Fast Company , ilcra sa propre socit, Yoyodyne, qui allait devenir un des

    champions du marketingdirect et interactif, avantdtre rachete par Ya-hoo !. Godin commenason activit ditoriale enfanfare en 1999 avecPermissionMarketing ,un best-seller qui prendacte du fait que noussommes entrs dans unepriodeo le consomma-teur est satur de mes-sages.Pourcapter latten-tion du client potentiel, ilfaudrait donc lui arracherdune manire ou dune

    autre sa permission : par un chantillon gratuit, unconcours, une distinction... Godin juge que lInternet estloutilidalpourcemarketinginteractif. Ilvientdepublierundeuxime best-seller : Purple Cow. Explication du titre :unevachepasseinaperue, sielle estviolette,tout lemondela remarque. Comment obtenir le mme rsultat pour unproduit ? Par exemple, en mettant en vente le nouveauHarry Potter minuit dans les librairiesS. Godin, Permission Marketing , Simon & Schuster,1999.

    Les distributeurs ne sont pas intressspar les marques, mais par eux-mmes.Ils ne voient les marques quau seinde leur propre stratgiede diffrenciation et de rentabilit.

  • 4 - Les Echos - jeudi 27 octobre 2005 LART DU MANAGEMENT

    Marques,slogans,produits :lecocktaildelarussitemondiale

    Les cinquante premires marques mondialesRang Nom Valeur (en milliards de dollars) Anne de cration Slogans clbres Marques et produits phares de son histoire Secteur dactivits Pays

    1 Coca-Cola 67,525 1886 Things go better with Coke , Soif daujourdhui , Coca-Cola, cest a Coca-Cola, Minute Maid, Nestea Agroalimentaire Etats-Unis2 Microsoft 59,941 1975 You Potential, Our Passion MS-DOS, Windows 2000, Windows XP Logiciels Etats-Unis3 IBM 53,376 1924 IBM cest toute la micro , Change nothing. Integrate everything , You and e-business IBM PC, IBM System/390, IBM eServer z900 Informatique Etats-Unis4 General Electric 46,996 1892 Always Ready , Imagination at work Energie, imagerie mdicale, moteurs davions Conglomrat Etats-Unis5 Intel 35,588 1968 Intel inside , Build your own notebook Pentium, Itanium, WiMax Electronique Etats-Unis6 Nokia 26,452 1865 Connecting people , Rewrite the rules , Nokia display products Nokia 3210, Nokia 3225 Tlcoms Finlande7 Disney 26,441 1923 Where Magic Lives , Disneyland, the happiest place on Earth Alice Comedies, Mickey Mouse, Disneyland Mdias Etats-Unis8 McDonalds 26,014 1955 Im lovinit , Cest tout ce que jaime Big Mac, Egg McMuffin, Happy Meal Restauration Etats-Unis9 Toyota 24,837 1937 Today Tomorrow Toyota , Get the feeling , Moving forward , Lead the way Toyota Crown, Toyota Prius, Corolla, Land Cruiser Automobile Japon

    10 Marlboro 21,189 1924 Mild as May , The cigarette made for men that women like Marlboro, Flip-top box Tabac Etats-Unis11 Mercedes-Benz 20,006 1902 Mercedes ne pour sduire , Yesterday, today and tomorrow Mercedes 35hp, Mercedes Classe S, Mercedes-Benz 200 Automobile Allemagne12 Citi 19,967 1812 You bank, we thank , You are not silver, gold or platinum, You are you Citibusiness Card, Citi PremierPass Card Banque Etats-Unis13 Hewlett-Packard 18,866 1939 U + HP , HP Invent , Demand More , Conseil technologique, services intelligents HPs first computer : HO 2116A, HP 3000, HP LaserJet Informatique Etats-Unis14 American Express 18,559 1850 Dont leave home without it Travelers Cheque, Blue dAmerican Express, Gold Card Banque Etats-Unis15 Gillette 17,534 1895 La perfection au masculin , Rvlez la desse qui est en vous Sensor, Mach3, Venus Biens de consommation Etats-Unis16 BMW 17,126 1917 Sheer driving pleasure , Le plaisir de conduire , Connected Drive Srie 3 Automobile Allemagne17 Cisco 16,592 1984 The Network Works , No Excuses AON (Application Oriented Networking), CMTS, Hubs Informatique Etats-Unis18 Louis Vuitton 16,077 1854 Pas de slogan Toile Monogram, Monogram Cerises Luxe France19 Honda 15,788 1947 The power of dreams Civic, Accord, CR-V, Gold Wing Automobile, deux-roues Japon20 Samsung 14,956 1938 DIGITall everyones invited SlimFit HDTV, BlueBlack Phone Electronique Core du sud21 Dell 13,231 1984 Dude, youre gettin a Dell! Optiplex, SmartPC, PowerEdge Informatique Etats-Unis22 Ford 13,159 1903 Built for the Road Ahead Model T, Escort, Capri, Mondeo, Mustang Automobile Etats-Unis23 Pepsi 12,399 1896 Think different think Pepsi Pepsi Max, X-Energy, Diet Pepsi Agroalimentaire Etats-Unis24 Nescaf 12,241 1938 Open Up Cap Colombie, Saveur Vanille, Espresso Agroalimentaire Suisse25 Merrill Lynch 12,018 1914 We must bring Wall Street to Main Street Global Markets & Investment, Investment Managers Banque Etats-Unis26 Budweiser 11,878 1896 Watchina game, havina Bud Budvar, Ginger Beer Agroalimentaire Etats-Unis27 Oracle 10,887 1977 On Demand , Cant break it, Cant break in SQL RDMs, applications UNIX, PL/SQL, CRM suite Logiciels Etats-Unis28 Sony 10,754 1953 Like.no.other Walkman, Trinitron, Compact Disc, PlayStation 2 Electronique Japon29 HSBC 10,429 1865 The Worlds Local Bank Global Investment Banking, Corporate & Institutional Banking Banque Royaume-uni30 Nike 10,114 1972 Just Do It Air Max, TN, Shox Articles de sport Etats-Unis31 Pfizer 9,981 1849 Pfizer Quality Celebrex, Lipitor, Viagra Pharmacie Etats-Unis32 UPS 9,923 1907 What Can Brown Do For You? Store, On-Call Pickup, View Notify, Drop Box Messagerie Etats-Unis33 Morgan Stanley 9,777 1935 One client at a time Banque-conseil en fusions-acquisitions, Securities, investment management Banque Etats-Unis34 JPMorgan 9,455 1799 Pas de slogan JPMorgan Chase, Bank One Banque Etats-Unis35 Canon 9,044 1937 You can , Les pros sen servent pourquoi pas vous ? Kwanon, Camscope numrique MV-1 Electronique Japon36 SAP 9,006 1972 The best-run businesses run SAP MySAP ERP Logiciels Allemagne37 Goldman Sachs 8,495 1869 Our clients interests always come first Conseil en fusions-acquisitions : Investment banking division Banque Etats-Unis38 Google 8,461 1998 Dont be evil Google Search, Google Earth Internet Etats-Unis39 Kelloggs 8,306 1894 Tous les matins au petit djeuner avec Kelloggs corn-flakes Corn Flakes, Frosties, Smacks Agroalimentaire Etats-Unis40 Gap 8,195 1969 Individuals of Style GapKids, BabyGap Habillement Etats-Unis41 Apple 7,985 1976 Think different Macintosh, PowerBook, iMac, iPod Informatique Etats-Unis42 Ikea 7,817 1943 Rangez , Pour tre la mode Ikea Family Distribution Sude43 Novartis 7,746 1996 Caring and Curing Diovan, Gleevec, Neoral, Voltaren Pharmacie Suisse44 UBS 7,565 1862 You & Us UBS PaineWebber, Business Banking Switzerland Banque Suisse45 Siemens 7,507 1847 See how big small big can be , be inspired Fujitsu Siemens Computers, Siemens Communications, Bosch Siemens Hausgerte High-tech Allemagne46 Harley-Davidson 7,346 1903 The Harley-Davidson makes good because it is made good V-Rod, les Shoppers , les Customs Deux-roues Etats-Unis47 Heinz 6,932 1869 It is red magic time ! Tomato Ketchup, Weight Watchers Food Agroalimentaire Etats-Unis48 MTV 6,647 1981 I want my MTV Diffuse le Live Aid en 1985, A night with , magazine Blah blah blah Mdias Etats-Unis49 Gucci Group 6,619 1923 How creativity conveys dreams, the quality of how products defines luxury Yves Saint Laurent, Boucheron, Balenciaga, Gucci Luxe Italie50 Nintendo 6,470 1889 Nintendo est l depuis longtemps et pour longtemps encore , Faites-vous plaisir dans le noir Game Boy, Nintendo 64, DS, Super Mario Bros, The Legend of Zelda, Pokemon Electronique Japon

    Mthodologie : Ce tableau recense les cinquante premires marques mondiales par leur valeur en 2005. Les sources consultes sont le classement annuel Business Week / Interbrand publi le 5 septembre 2005 dans Business Week , les sites et les rapports annuels des entreprises cites, Histoires demarques (J. Watin-Augouard, Editions dOrganisation & TM.ride) et Marques de toujours (J. Watin-Augouard, Ed. Larousse).

    n1mondial :Coca-Cola

    Photos : Bloomberg, Photononstop, Gamma, Sipa, Editing

    La marque amricaine restele plus grand symbole commercial

    n1high-tech :Microsoft

    La firme de Bill Gates, premiremarque technologique

    n1Europe :

    Nokia

    Le finlandais s'affirme commela premire griffe europenne

    n1 luxe +France :

    LouisVuitton

    Seul nom franais du top 50et premire griffe de luxe

    n1sport :Nike

    Le leader des marques sportivesdans le monde

    n1sant :Pfizer

    L'inventeur du Viagra, premiremarque de pharmacie

    Le vtran :JPMorgan

    Ne au XVIIIe sicle, c'est la plusge des 50 plus grandes marques

    Le junior :Google

    A tout juste 7 ans, son nom vautdj 8,4 milliards de dollars

    n1distribution :

    Ikea

    Une autre marque scandinavequi s'impose

    n1mdias :Disney

    Mickey, valeur sre des mdiaset du divertissement

    n1auto + Asie :

    Toyota

    A la fois premire marqueautomobile et premire asiatique

    n1finance :

    Citi

    La banque gante est la toutepremire marque financire

  • - 5Les Echos - jeudi 27 octobre 2005LART DU MANAGEMENT

    Spywares ,logicielsespions :unmarketingintrusif

    INTERNET Les spywares reprsentent un outil intressant, mais un peu sulfureuxpour un grand nombre dannonceurs, qui voient en ce type dapplications une meilleurefaon de suivre les consommateurs la trace et donc unemeilleure faon de les influencer.

    atigus de recevoir des messages nonsollicits que ce soit au milieu de votremission de tl favorite, dans votreboteaux lettres,autlphone,dansvoscourrielset bientt survotrecellulairemessagerie texte ? Prenez votre mal enFpatience, il y a maintenant pire.

    Si vous, ou quelquun de votre entourage, avezrcemment tlcharg sur votre ordinateur un logicielgratuit, possiblement lun de ces logiciels qui permettentdobtenir gratuitement de la musique, vous avez proba-blementinstall, votre insu, unlogiciel espion,commu-nmentappel spyware .Cespetits logiciels,pratique-ment indtectables, espionnent le contenu de votreordinateuretcequevousyfaites.Linformationestparlasuite revendue desentreprises qui,vous laurez devin,envahissentvotreordinateur,afindevousbombarderdepublicits. De tels spywares sont souvent introduitssur votre ordinateur votre insu et gnralement sansvotre permission. Ce sont des programmes actifs(contrairementaux cookies )quienregistrenttousvos dplacements sur leWeb etqui peuvent, en principe,rcuprertoutcequevoussaisissezsur leclavier,telsquevotre nom, votre prnom, votre adresse, vos mots depasse, etc. Ce sont les distributeurs de logiciels gra-tuits , comme le trs populaire Kazaa, qui introduisentces logiciels espions sur votre ordinateur. Si vous vousdemandiez encore comment Kazaa, ce logiciel qui vouspermetdetlcharger gratuitement delamusique,sefinance,vousavezlarponse.Commeondit, thereisnosuchthingas afreelunch .Lorsquevous tlchargez untel logiciel, des conditions apparaissent lcran. Enprincipe, dans ces conditions, que nous sommes censslire, mais que moins de 2 % de la population regardent,onmentionnelefaitquun spyware vatretlchargsurvotremachine.Maisonexpliquerarementclairementce quoiva servir le spyware que lon va tlcharger.Pisencore,cenestenfaitquelapartievisibledelicebergqui est affiche lutilisateur. En effet, sur une srie detests effectus dans le laboratoire de la chaire RBC encommerce lectronique nous avons constat que, linstallation du logiciel Kazaa, plus de 10 spywares sinstallent, alors quelesite ne faitrfrence qu 2. Si onsait que, en date de juin 2003, le seul logiciel Kazaa avaitt tlcharg 228 millions de fois et que, chaquesemaine, 2,5 millions tlchargements supplmentairesse rajoutent, on ralise lampleur du phnomne.

    AffichageabusifDun strict point de vue marketing, cette approchepourrait tre qualifiedegniale,puisquelle permet,enespionnant les agissements des consommateurs, de leurproposer, en temps rel et sur le champ, exactement cequilsrecherchent.Ainsi,sivotreordinateurrenfermeuntel spyware ,attendez-vousvoirapparatre,aufuret mesure o vous naviguez, des publicits trs ciblesmais non sollicites. Vous cherchez un htel Paris etutilisez un moteur de recherche afin de vous aider ? Nesoyez pas surpris de voir surgir sur votre cran, avantmme les rsultats de votre recherche, la publicit dungrandhtelparisien.Voustapezladressedusitedevotremarque de voiture favorite ? Vous risquez de voirsafficher lcran la publicit de son principal concur-rent. En espionnant, en temps rel, les comportementsdes consommateurs, les spywares arrivent ajusterloffre publicitaire comme jamais auparavant. En prin-cipe, un publicitaire pourrait dsormais interpeller uninternaute de manire trs personnalise : CherM.Tremblay,depuis42minuteset18secondesvousavezparcouru 27 sites la recherche dinformations sur lesparcours de golf en Arizona. Ne cherchez plus, nousavons une offre imbattable vous proposer. Cetteapproche, qui constitue en quelque sorte le nirvana dumarketing, nest pas sans soulever quelques interroga-tions.

    En premier lieu arrive la question dthiquedcoulant de lenvahissement de la vie prive desconsommateurs. Puisquune telle approche publicitairerevient, titre dexemple, voir poindre dans votrecuisine, au moment o vous feuilletez une recette de

    poulet au curry,un vendeur dpices fines, il ya tout lieudesedemanderjusququelpoint lesconsommateurssesentiront laise devant une telle invasion de leurintimit, aussi bien adapte et bien intentionne soit-elle ? Qui plus est, cet envahissement de la vie prive netientpascomptedufaitquedetellesprocdurespeuventcauser beaucoup de torts : ralentissement de lordina-teur, ou de la connexion Internet, affichage abusif demessages publicitaires, destruction de certains fichierssystmes ncessaires au bon fonctionnement de votreordinateur.

    En second lieu se pose la question de la naturemmedesstratgiesmarketingdelavenir.Jusqulafindes annes 1970, le marketing et la publicit de massedominaient. Puis est apparu le marketing direct (oumarketing relationnel). Dans cette forme de marketing,on cible de manire plus prcise les clients qui nousintressent. Des fichiers clients sont alors utiliss afin deparfaire les stratgies commercialesqui prennent souvent la forme detlmarketing ou encore de cour-riels. Dans tous ces cas, les consom-mateurs taient toujours vuscomme des cibles passives que loncherchait atteindre, stimuler, provoquer.PuisestvenuleWeb,oles rles se sont renverss. Leconsommateur est devenu actif, ilpeut naviguer afin de trouver leproduitouleservicequiluiconvient.Conscients que dsormais lecontrlereviendraitauxconsommateurs,certainspubli-citaires se sont ainsi adapts aux processus de recherchedesconsommateurseninsrant,entreautres,despublici-ts sur les moteursderecherche. Cetteapprocheoffrelemrite de proposer une publicit adapte aux processusdcisionnels des consommateurs viss plutt que de laleur imposer de manire plus ou moins opportune.Cependant, alors que, sur de tels moteurs de recherche,leconsommateurquidonne de linformation surcequilrecherchelefaitenconnaissancedecauseet lefait surunsite prcis (Google, La Toile du Qubec, Alta Vista,Yahoo!,etc.),les spywares ,comme,capturentdavan-tagedinformationetlefontlinsudesconsommateurs.

    Les spywares reprsententuneoccasionint-ressantepourungrandnombredannonceurs,quivoientencetypedapplicationunemeilleurefaondesuivrelesconsommateurslatraceetdoncunemeilleurefaondeles influencer. Plusieurs grands noms figurent parmi lesclientsdessocitsditricesdeces logiciels,commeDell,eBay, AmericanExpress ou encore Hotel.com. A titredexemple, la firme Dell a vendu en septembre dernierprsde4millionsdedollarsdesesordinateurslaidedu spyware n-Case. Dans ce cas, chaque fois quunutilisateur saisissait un mot clef, faisant rfrence dumatriel informatique, sur un moteur de recherche, et

    quil cliquait sur le rsultat, une fentre saffichait auto-matiquement annonant loffre de Dell et court-circui-tantainsi laffichagedesrsultatsdelarecherche.Sicettepratique nest pas en soi illgale, elle est toutefoisquestionnable. Cette pratique trouve sa lgitimit dusimple fait quelle postuleque les consommateurs quise laissent solliciter par de tels spywares le font entoute connaissance de cause. Tel est le cas, par exemple,dulogicieln-CasequisinstalleentreautresparlebiaisdeKazaa.Ceprogrammeespion,dveloppetcommercia-lis par la firme 180 Degree Solutions est, au dire mmede la compagnie, actif sur plus de 16 millions dordina-teurs, 30 millions selon dautres sources. Pourtant, peine 3 % des consommateurs ainsi espionns saventquils ont un espion dans leur ordinateur. En 2003, lafirme 180 Degree Solutions, par le biais de son logicieln-Case, a gnr des revenus de 18 millions de dollarsamricainsetsesrevenuscroissentde10 %parmois.Ces

    revenus, comme cest gnralement le cas dans lindus-trie, sefondentsur lenombredeconsommateursquunepublicit peut rejoindre donc sur le nombre dordina-teurs infects. Contrairement aux autres approchespublicitaires, celle-ci est particulirement pernicieuse,car elle amne les consommateurs se livrer auxpublicitaires,et ce leur insu. Si lon seplace du pointdevue des professionnels du marketing, lavnement deslogiciels espions est une bndiction. En effet, cetteapprochepermetdsormaisdeneciblerquelesconsom-mateurs les plus intressants et possiblement les pluspayants. Si, en revanche, on se place du point de vue duconsommateur, le phnomne est diffrent. Voil que,dsormais, sur le Web, chacun de nos gestes peut trepi, les sites que lon visite, les mots, noms et adressesque lon crit peuvent tre intercepts, et ce en toute lgalit . Si, en principe, cette violation de lintimitpeuttreprofitableauxconsommateurs,enlesamenantplus rapidement l o ils souhaiteraient aller, elle nendemeure pas moins consternante, puisque, en fin decompte, ces mmesconsommateurs auront perdu prati-quement tout le contrle dune information qui est laleur. A terme, faute dune prise de conscience majeurede la part des internautes, le nirvana du marketingpourrait bien devenir lenfer des consommateurs l

    RSUMLavnement des logicielsespions bousculefortement le mondedu marketing.Le consommateur estaujourdhui traqu dansses habitudes de vie.Au-del desconsidrations thiques,linstallation de ces espions au curdu foyer risque dedonner un pouvoirexcessif auxprofessionnels dumarketing. Gare auxeffets boomerang !

    JACQUES NANTELET ABDEL MEKKI BERRADA

    Sur le Web, chacun de nos gestespeut tre pi, les sites quelon visite, les mots, noms et adressesque lon crit peuvent treintercepts, et ce en toute lgalit .

    Jacques Nantelest professeur titulaire HEC Montral,directeur de la chaire RBCen commercelectronique.

    Abdel. Mekki Berradaest assistant de recherchechaire RBC en commercelectronique.

    Apeine 3 %des consommateurs espionns saventquils ont unmoucharddans leurordinateur.

    Phot

    os12

    .com

  • 6 - Les Echos - jeudi 27 octobre 2005 LART DU MANAGEMENT

    Uneapprochelargiedelinnovation :comblerlesvides

    MESURES Comment nat et simpose une innovation?Quelle est linfluencede lenvironnement sur le succs ou lchec de linitiative que prend une organisation?Et, surtout, comment assurer lquilibre des activits dinnovation et dexploitation?

    n 1939, mon grand-pre a constatque certains de nos fabricants dechaussures rgionaux jetaient desmorceauxdecuir.Ilsestditqueceschutes pourraient tre rutilisespour fabriquer dautres objets enEcuir plus petits. Il avait un peu

    dexprience dans le domaine du cuir et quelquesconomies (lquivalent de 42 euros). Une nouvelleentreprisetaitne.Paradoxalement,ilnauraitpastconsidr comme un innovateur daprs les classifica-tions publiques actuelles. Jaurais pens le contraire.Par ailleurs, une grande partie de la valeur ajoutegnredans nos systmes conomiques est rgulire-ment produitepar des petites etmoyennes entreprisesqui continuent tre cres selon ce schma.

    Selon les statistiques pu-bliques, seulement 23,5 % desfirmes espagnoles sont consid-res comme innovatrices. Il pour-rait sagir dune simple anecdote,mais malheureusement ces don-nes ont un impact significatif surles politiques dinnovation denotre gouvernement. Par cons-quent, 76,5 % des firmes espa-gnoles risquent dtre exclues desorientations gouvernementalesddies encourager linnovation.Qui plus est, ces entreprises vontfinirparpenserquellesnesontpasinnovantes ou que linnovationnest pas de leur ressort. Au contraire, la thorie de lagestion, lexprience personnelle et mme le senscommunnousrappellentquelesorganisationsdoiventengager des activits dinnovation. Le dfi rel pourchaque organisation est donc aujourdhui la ncessitde mieux quilibrer les activits dinnovation et dex-ploitation.

    Ces donnes, et par consquent les politiquesgouvernementales, reposent sur une approche tradi-tionnelle de linnovation. Celle-ci se fonde principale-ment sur lconomie et lingnierie industrielle. Latechnologie est le principal facteur danalyse de cesdeux approches. Les donnes comparatives relativesaux dpenses en R&D sont par consquent utilisesentre les pays pour classer leurs performances entermesdactivitsdinnovation.LesdpensesenR&Dont rcemment atteint 1 % (2002) du PIB de lEs-pagne, contre 2,2 % pour la France (2001) et unemoyenne de 1,99 % (2002) pour lEurope des quinze.Cesdonnessontcertainementutilespourlaborerlescomptes nationaux. Il convient toutefois de prendrequelques prcautions lors de linterprtation de ceschiffres. Par exemple, les gouvernements semblenttrouver un intrt prsenter des pourcentages crois-sants de dpenses en R&D danne en anne. Nousnavons aucune certitude quant savoir si les sommesconsacreslarechercheetaudveloppementprodui-ront de la valeur ajoute dans nos conomies. Parconsquent, dautres mesures qui valuent limpactrel de ces dpenses pourraient savrer plus utiles.Quoi quil en soit, nous sommes srs que les membresdu gouvernement et les conomistes font correcte-ment leur travail, alors laissons Dieu ce qui appar-tientDieu etoccupons-nousdenospropresaffaires.

    PhnomnecomplexeQuel impact ces chiffres ont-ils sur les socits ?Pratiquement aucun. Ils ne prsentent probablementaucun intrt pour la gestion de linnovation dans lessocits, et des avis complmentaires peuvent doncsavrer ncessaires. Nous ne rejetons pas lutilitdune recherche de base, au contraire, elle peut treunebonne source dinnovation. Nous pensons simple-ment quune approche tendue de linnovation pour-rait aider les gouvernements et les firmes. Certainspourraient avancer que lUnion europenne et cer-tains pays ressentent dj ce besoin. Certains plansR + D + i sont actuellement dfinis pour le 6e pro-

    gramme-cadre europen. Toutefois, la lecture decertains de ces documents, on se sent la fois rcon-fort, en constatant que les activits R&D sont biendfinies,etinquiets,parcequele i minusculesemblemal interprt. Lobjectif de cet article est dexpliquerle sens de ce i .

    Notre point de dpart consiste prsenterlinnovation comme un phnomne complexe. Nousproposons de suivre trois axes diffrents pour mieuxcomprendrelephnomnedinnovation.Noustudie-rons dabord le contenu de linnovation. Nous privil-gierons ensuite ltudedes contextesdemiseenuvredes innovations. Enfin, puisque nous vivons dans unmonde dynamique, il peut savrer utile de com-prendre les diffrents stades de dveloppement desinnovations.Cestrois axesnedoiventpas treconsid-

    rs comme des entits indpendantes, mais pluttcomme des composants combins du phnomnedinnovation.

    Concernant le contenu de linnovation, lap-proche traditionnelle porte sur la technologie. Selonelle, linnovation est lie une volution technolo-gique. Il nest pas surprenantque les partisans de cetteapproche privilgient les dpenses en R&D et lesinvestissements technologiques. Toutefois, plusieurstudes ont montr que ladoption de la stratgie du first mover (pionnier) se rvlait parfois inappro-prie. Les followers technologiques obtiennentparfoisdemeilleursrsultatsqueux.Autrementdit,cenest pas celui qui utilise le premier une technologie,mais celui qui limplmente le mieux qui gnre unevaleur ajoute innovatrice.

    Sans chercher tre exhaustifs, nous pouvonsciter diffrents types dinnovation qui nous permet-tront dlaborer une approche tendue de linnova-tion :1. Linnovation technologique est souvent lie unevolution du facteur technologique de production.2. Linnovation dans les produits est traditionnelle-mentassociedesavancestechnologiques.Dautrestypes dvolutions peuvent toutefois tre loriginedelamlioration des produits.3. Linnovationdans les processusdoit suivre linnova-tion dans les produits selon les points de vue cono-miques traditionnels. Cette vision est toutefois tropaxe sur les processus de production. Lensemble desprocessus dentreprise pourrait en fait tre rexaminde faon crative.4. Linnovation dans les technologies de linformationest frquemment lie linnovation technologique.Nous pensons quil est important de la mentionner enraison de son rle auxiliaire dans tous les typesdinnovation de processus.5. Linnovation dans les services est souvent intgreau concept dinnovation dans les produits. Il estimportantde ladiffrencier pourles raisonssuivantes :

    a) les services reprsentent environ 70 % denotre PIB et ;

    b) chaque produit comporte des caractris-tiques de service qui mritent un traitement spcial.6. Linnovation dans les relations clients pourrait treassimile un type dinnovation de processus spci-fique.Elleestvidemmentessentiellesionconsidreleclient comme lune des principales raisons dtre desentreprises. Plutt que de se contenter dinstaller unoutil de gestion CRM, nous devons rflchir sur nos

    interactions avec nos clients afin damliorer lorienta-tion clients de nos entreprises.7. Linnovation organisationnelle implique la rvisiondes canaux formels et informels du pouvoir et decommunication. Les entreprises sefforcent actuelle-ment de dvelopper des organisations orientes pro-cessus mieux prpares rpondre lvolution desdemandes des clients. Les structures des projets peu-vent galement favoriser la coordination en sinscri-vant dans la mme finalit.8. Linnovation dans le management est souvent ou-blie en dpit de son caractre fondamental. Lesmanagers prouvent beaucoup de difficults re-mettre en question leur propre faon de travailler.Selon les gourous de la qualit, le management estresponsable denviron 85 % des problmes. Laremiseenquestionet lamliorationdesprocessusdemanage-ment peuvent gnrer une importante valeur ajoutedans nos entreprises.9. Linnovation dans lentreprise fait rfrence lacapacit gnrerdenouvellesactivits.Ellepeuttreassocielactivitentrepreneurialedorigineouunenouvelle unit-un nouveau dveloppement dentre-prise dans les firmes bien tablies.

    Concernant le contexte de linnovation, lesapproches traditionnelles considrent que linnova-tion sinscrit dans un vide . Toutefois, les circons-tances et les contextes dentreprises diffrents les unsdes autres. Nous pensons quil est intressant dedterminer les types des environnements les plusfacilement associs lencouragement de linnova-tion. Nous pouvons diffrencier les contextesexterneet interne dune entreprise.

    UnequestiondmergenceLecontexteexterneduneentreprise,enparticulierdesadministrations publiques, est traditionnellementperu comme un promoteur direct important delinnovation. Beaucoup dentreprises esprent ou de-mandent mme un support explicite auprs des admi-nistrationspubliques.Certainsauteursindiquentpour-tant que les administrations publiques devraient avoirun rle majoritairement indirect qui dpasserait lecadre du facilitateur. Les administrations publiquespourraient garantir la prsence des infrastructures debaseetducapitalhumain.Cetteperspectivereposesurlhypothse selon laquelle les innovations ont uncaractre mergent plutt que planifi. Dans le cadredu contexte externe, nous devons galement consid-rer les marchs.Ilspeuventamener les entreprises selancer dans des activits dinnovation. Les pressionsconcurrentielles encouragent gnralement de faonsignificative linnovation.

    Concernant le contexte interne dune entre-prise, il est intressant de vrifier si ses managersrussissent grer des pressions exerces par lenvi-ronnement externe. Les managers devraient parconsquenttreenmesuredidentifier letypedinno-vation le plus adapt et crer les conditions internesqui favorisent lmergence de plusieurs initiativesdinnovationafindechoisir lameilleure.Dansltudedes diffrents cas dinnovation, certaines conditionscontextuelles internes semblent associes au succsde linnovation. La condition la plus prsente est lesupport apport par la direction gnrale de lentre-prise au projet dinnovation.

    Lexistenceduneculturedinnovationfaciliteensuite considrablement lobtention dune valeurajoute innovatrice. Cette culture doit bien videm-ment tre oriente client. Enfin, certains des proces-sus et structures utiliss sont fondamentaux. Parexemple, les points de mesure etde dcision relatifs lavancement des projets dinnovation, les comp-tences de gestion de projet et les motivations et lesprimes cohrentes.

    Pour rcapituler, nous pensons que tout sup-port institutionnel linnovation manant des gou-vernements ou des managers dentreprise doit tremrement rflchi. Les innovations peuvent davan-tagesapparenter unequestiondmergencequede

    JUAN RAMIS-PUJOL

    Les managers doivent treen mesure didentifier le typedinnovation le plus adaptet de crer les conditions internespour faciliter lmergencede plusieurs initiatives dinnovationafin de choisir la meilleure.

    Juan Ramis-Pujolest directeur du servicedirection des oprationset innovation, de lEsade,Barcelone.

  • - 7Les Echos - Jeudi 27 octobre 2005LART DU MANAGEMENT

    planification.Lecaschant, ilappartientauxgouver-nements et aux managers de crer les conditionsoptimalesdencouragementlinnovation.Ilconvientvidemment de respecter les pratiques de manage-ment qui garantissent la cration de valeur ajouteinnovatrice aprs lmergence des innovations. Danstous les cas, cette approche peut ne pas faire lunani-mitenraisondelavisionmcaniqueetrationalistedumonde souvent adopte par les managers et lesmembres du gouvernement. Ces approches dfen-dent lide selon laquelle ltre humain contrle lemonde au moyen de relations de cause effet. Il estdonc certainement sens de penser que linnovationpeut tre facilement planifie et contrle. Nousprfrons considrer linnovationcommeunphnomne assezcom-plexe. Un autre aspect de cettecomplexit peut tre identifi enobservant leprocessus dynamiquedinnovation.

    En ce qui concerne le pro-cessus dinnovation,nouspouvonsdonc constater que les approchestraditionnelles proposent gale-ment des versions simplistes.Aprs une phase danalyse initialede linnovation, les choses sem-blent suivre leur cours sans tropdefforts. Notre tude des projetsdinnovation de diffrentes entre-prises nous amne penser que ce point de vue estdform. Nous constatons pourtant, une fois de plus,que ces approches traditionnelles sont profondmentancresdanslavisiondumondeadopteparlaplupartdes managers et des consultants.

    Toute innovation peut tre davantage peruecomme un procd dstructur, en particulier aucoursdesphasesinitiales.Danslecadredudveloppe-ment de nouveaux produits, cette phase initiale estappele fuzzy front end . Les phases finales delinnovation auront tendance tre plus structures.Dans le cas du dveloppement de nouveauxproduits,nouspasserions laphasede lancementduproduitole marketing, la tarification, le conditionnement, laproduction acclre et les autres activits sont plustroitement lis. Les comptences en matire dap-prentissage et la gestion des connaissances sont desfacteurs essentiels toutau long duprocessus dinnova-tion. Les dcisions relatives au rythme de dveloppe-mentprvudelinnovationoudelintensitdemiseenuvre des processus dapprentissage connexes sontgnralement vitales. Elles dpendront probable-ment des conditions contextuelles dun projet dinno-vation donn.

    Mais que sepasse-t-il vraiment dans le proces-sus dynamique dinnovation ? Pour rpondre cettequestion, nous allons simplifier les choses et nousbaser sur quatre phases dinnovation dynamiques :analyse initiale, validation, implmentation et suivi.Touslestypesdinnovationnecorrespondentvidem-

    ment pas entirement cette approche simplifie,mais elle permet dillustrer la complexit dynamiquede linnovation.

    Daprs nos tudes, la phase danalyse initialedun projet dinnovation peut tre subjective dunpoint de vue technique. Nous constatons que lesquipes dinnovation ont tendance considrer lesproblmes techniquescommeunedifficultrelledesprojets dinnovation. Cela peut certainement parfoistre le cas, mais nous pensons que dautres aspectsdoiventgalementtreprisencompte :dynamiquedegroupe, participation des personnes charges de lamise en uvre de linnovation, impact sur les incen-tives et les primes, politiques organisationnelles, etc.

    Dans tous les cas, nous navons pas pu dterminer sices aspects devaient tre totalement intgrs sousformedediscussions explicitesaucoursdecettephaseinitiale ou rservs un dbat ultrieur. Nous revien-dronssurcepoint lorsdelapriseenconsidrationdelaphase de mise en uvre.

    Aucours de laphasedevalidationde linnova-tion propose, nous observons souvent une discor-dance entre les diffrents processus de sensema-king . Les personnes qui se sont largement investiesdans la phaseinitialesontgnralementconfronteslexamen approfondide lquipe senior qui fonde sonjugement sur les documents explicites prpars parlquipe danalyse. Elle peut parfois ordonner desdcisionset desrecommandations insuffisantes, parcequelle a omis une partie de lapprentissage taciteimplicite dans le travail men par lquipe danalyse.Parailleurs, nous constatons parfoisquele manquedecommunication et de comprhension entre ces deuxgroupes peut entraner une dtresse motionnelle etfinalement bloquer la capacit dapprentissage indis-pensable pour la poursuite du projet dinnovation.

    Laphase demiseenuvregarantit lopratio-nalisation de linnovation. Par exemple, par rapport linnovation dans les processus, nous prendrions enconsidration le chemin permettant dassurer le d-ploiement organisationnel de linnovation de proces-suspropose.Aucoursdecettephase,nousobservonsgnralement une diminution du temps et des res-sources allous au projet dinnovation. Paradoxale-

    ment,aumomentolensemblede lorganisationdoitsinvestir largement afin dapprendre de nouvellesfaons de travailler lies linnovation propose, lesefforts se relchent. Une vision purement rationalistedes managers et des consultants peut expliquer cela.De toute faon, les groupes dimplmentation prou-vent des difficults communiquer entre eux lesconsquences de linnovation propose. En fait, nousobservons souvent que les groupes doivent constam-mentapprendre pour apprhender rellement linno-vation dans son ensemble. Toutefois, dans ce proces-sus de sensemaking , les groupes peuventapprendre deschosesdiffrentes.Le dilemmesuivantse pose alors : devons-nous mener le processus de sensemaking son terme au cours de la phasedanalyseinitialeoudevons-nousconsacrerunepartiede leffort de sensemaking la phase de mise enuvre, puisque plusieurs aspects sont imprvisibles ?

    La phase de suivi est fondamentale pourgarantirla crationde valeurajoute innovatrice. Elleest uniquement envisageable si linnovation peut trecorrectement exploite et si le client laccepte. Dunpoint de vue dynamique, la distinction entre lesinnovations push et pull perd une partie de sonintrt. Nous pouvons affirmer quau lieu dvoquerdes stratgies dinnovation push et pull dis-tinctes, nous devrions nous intresser des phases push et pull itratives dans chaque projetdinnovation.Lesinitiativesexternesetleretourclientinternesemblenttre laclefdusuccs de linnovation.

    Nous avons essay de dcrire une approchelargie de linnovation partir de ltude dediffrentstypes de problmes quelle soulve. Lapproche pr-sente dans cet article repose totalement sur lespratiques relles des organisations. En tout cas, lesconsultants et les managers dentreprisepeuvent tenircompte de cette approche dans leurs conseils relatifsaux voies dinnovation ou simplement lors de la prisede dcisions sur les stratgies dinnovation l

    RSUMLa prparation etlintroduction duneinnovation sur le marchobissent un processuscomplexe. A la difficultdapprcier son contenu est-elle ou non lie une rupturetechnologique ? sajoute le problme deson adaptation uncontexte public ou priv.Comment concilierinnovation etfonctionnement sansheurt de lorganisation ?

    Nous constatons parfois quele manque de communication entredeux groupes peut entraner unedtresse motionnelle et finalementbloquer la capacit dapprentissageindispensable pour la poursuitedu projet dinnovation.

    Lexistence dune culture dinnovation faciliteensuite considrablement lobtention dune valeur ajoute innovatrice.

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  • 8 - Les Echos - jeudi 27 octobre 2005 LART DU MANAGEMENT

    Extraireetsapproprierlavaleurduneinnovation

    OUTIL Pour les innovateurs, le plus dur est souvent darriver faire fructifierleurs ralisations et capter le maximum de leur valeur. Ils trouveront ici un cadredanalyse stratgique leur permettant de dterminer le meilleur mode de valorisation.

    esinnovateurssont,justetitre,fiersdeleursidesetdeleurspremiresralisa-tions. Considrant souvent leur inno-vation, comme le dit B. Latour ( En-cyclopdie de linnovation , 2003), sans dfaut,sansennemi,sanscomp-L titeur et devant simposer grce aux

    forces combines de la vrit scientifique, de la rentabilitconomiqueetdelajusticesociale , ilspensentraflertoutela mise, peine ont-ils port sur les fonts baptismaux lefruit de leur imagination. Les innovations ne sont cepen-dant, leur conception, que des monstres prometteurs et,confrontsladureralitdesmarchs,lesinnovateursdoiventapprendrelesvertusdelhumilit,delacollabora-tion et des compromis, faute de quoi ils pourraient seretrouver mditer sur lingratitude du monde.

    Sappuyantsurunelongueexpriencedaccompa-gnement de projets innovants au sein du Groupe HEC,ainsi que sur une recherche mene en 2003, nous affir-mons quil est possible dtablir un diagnostic de lasituation dune innovation aboutissant une recomman-dation quant son meilleur mode de valorisation. Notrebutnestpasdeproposerunmodledterministe,maisuncadre danalyse clectique et oprationnel au service desinnovateurs ; une synthse dont jusqualors la littraturemanagriale ne sest gure soucie.

    Commenons par les fondations du modle (ta-bleau1).Entermesdevalorisationprisausenspluslargequene le font les spcialistesdela proprit industrielle ,les innovateurs disposent de cinq options possibles : ledveloppementautonome, ledveloppement encollabo-ration, loctroi de licences, la cession, et, enfin, labandonpur et simple. Quant au cadre danalyse que nous propo-sons, il est fond sur le concept de rente stratgiquelargement explicit dans LArt du Management du7 octobre 2004. Dans notre conception simplificatrice, larente dune innovation est le produit du volume daffairesannuel par le taux de profit et par la dure dexploitationde ladite innovation.

    Le droulement du modle sarticuleselon quatretapes au travers desquelles on analysera :1. les caractristiques propres de linnovation permettantdtablir lamplitude et la configuration (position delinnovationsurlestroiscomposantesdu produit )delarente potentielle ;2. les effets drosion ou damplification sur cette rentepotentielledesconditionsdelenvironnementdanslequellinnovation devra sintgrer, afin de dterminer lampli-tude et la configuration de la rente rsiduelle ;3. les effets de frottement sur cette rente rsiduelle delinsertion de linnovation dans une activit caractrisepar un jeu concurrentiel et une position concurrentielleparticuliredelinnovateur, conduisant lestimation etla configuration de la rente appropriable ;4. les ressources mobiliseret lesinvestissements compl-mentaires effectuer pour tablir la russite de linnova-tion, afin de passer de la configuration de la renteappropriable aux modes prfrables, pour linnovateur,de la capture de la valeur restante.

    Il sagit, en rsum, dun cadre danalyse strat-gique clectique qui combine, de manire indite, lesconcepts de base de lconomie industrielle (M. Porter, Choix stratgiques et concurrence , 1982) et la thoriedes ressources (J.-L. Arrgle et B. Qulin, LApprochefonde sur les ressources ,2001) etque nous illustrerons, chacune des tapes, avec lexemple simplifi de lastart-up franaise Nemoptic.

    l Lexemple de Nemoptic (1/5). Nemoptic a tcr en 1999 pour dvelopper et commercialiser latechnologie dite Bistable Nematic (BiNem), uneinnovation de rupture dans le domaine de laffichage parcristaux liquides (LCD), avec lambition den faire unnouveau standard pour les petits crans LCD bas prix.Ses avantages rsident dans une consommation en ner-gie nulle en tat de veille, un rapport optimis qualit delimage-cots et une compatibilit simple a priori avec leslignes de production LCD-STN existantes.

    Lescaractristiques propres linnovationet la rentepotentielleIl sagit dans un premier temps de se centrer sur les

    caractristiques propres linnovation (ce qui facilitelentre dans le modle) et den examiner limpact sur lescomposantes de la rente afin den dterminer la valeur potentielle .Lescaractristiquestudiessontliessoit des considrations conomiques, soit des aspectsrglementaires (protection), et les indicateurs sont dter-mins en fonction de leur impact diffrenci sur une destrois composantes de la rente. Le potentiel dapplicationsen termes dactivits, la dimension gographique et lataille des marchs concerns constituent par exemple,avec les ventuelles limitations dexploitation en termesde zone et dapplications lies lexistence de brevetsantrieurs, les variables qui affectent principalement levolume daffaires potentiel.

    On trouvera dans le tableau 2 une liste desindicateurs utiliss dans le modle pour estimer tantlamplitude que la configuration de la rente potentielle.

    l Lexemple de Nemoptic (2/5). La technologieBiNem relve dun nouveau paradigme scientifique et,tant sur le plan technique (plus de 150 annes-homme dedveloppement) que lgal (des brevets princeps), est trsdifficilement imitable ; la dure de sa rente potentielle estdonc trs forte. BiNem pouvant avoir deux typesdapplications majeurs en substitution des petits cransde technologie nmatique qui constituent un marchmondialde plus de 5 milliards de dollars et en cration demarch avec les eBooks, pour lesquels labsence deconsommation dnergie en mode stand-by constitue unavantage dterminant, le volume de la rente potentielleapparat galement fort. Le rattachement de la technolo-gie une innovation systmique crant un nouveaumarch combin au fait que linnovation rsulte duneassociation entre des scientifiques et des industrielsconcourent enfin lui donner un potentiel de profit

    important, ce qui conduit conclure sur une excellenteconfiguration de rente potentielle de type roi duptrole (*).

    Linsertionde linnovationdanslenvironnementet la rente rsiduelleOn passe du potentiel au rsiduel en valuant les effetsdrosion sur la rente qui sontprovoqus par les forces delenvironnement caractristiques du secteur dactivitdans lequel sinsre linnovation. Par forces de lenviron-nement, nous entendons tout ce qui agit sur le jeuconcurrentiel, hors la rivalit interne propre aux acteursde lactivit, et nous analyserons successivement : Le risque march-client qui est li dans labsolu larceptivitetauxmodesdadoptiondesinnovationsparlemarch et, relativement linnovation considre, lanature et limportance de sa proposition de valeur. Il jouesur le volume de la rente, en rduction. Le risque filire qui traduit les rapports de force entrelactivit dinsertion et ses maillons amont et aval au seindelachanedevaleur.Ilagitsurleniveaudutauxdeprofit,en rduction ventuelle lui aussi. Le risque substituts qui a des effets, quant lui, sur larduction de la dure de la rente.

    Si les deux derniers risques examins sont dans ledroit fil dune analyse la Porter , notons que lepremier, en revanche, est gnralement dlaiss par lesconomistes industriels, qui ont aussi souvent tendance faire limpasse surdesforces clefs delconomiemodernetelles que :lerisqueinstitutionneletrglementaire(lilexistencedagrments,denormes,destandards)quipeutinfluen-cerenpositifouenngatiflafoislevolumeetletauxdelarente ; le risque ou lopportunit complmenteur . Satis-

    MICHEL SANTI, SOPHIE REBOUDET FRANOIS DUHAMEL

    Michel Santiest professeur destratgie et politiquedentreprise au GroupeHEC, coauteur de Strategor et de Fortune faite .Administrateur deplusieurs entreprises etdirecteur de recherche, iluvre depuis plus devingt ans dans ledomaine delentrepreneuriat et delinnovation.

    Sophie Reboudest professeur demanagement stratgique lESC Dijon Bourgogne.

    Le droulementdu modle sarticule autour de quatre tapes.

    Tableau 1 : le modle gnrique

    id/ Source : auteurs

    Insert ion de l ' innovationdans son environnement

    Effets d'rosion sur la rente de : Demande - cl ients (effet volume) F i l ire (effet taux de prof i t ) Substituts (effet dure) Complmenteurs (effet global ) Rglementation / lobbying

    Insert ion de l ' innovateurdans le jeu comptit i f

    Effets de frottement sur la rente de : L 'tat concurrentiel La raction concurrentiel le La posit ion de l ' innovateur

    investissements addit ionnels

    Abandon

    Caractrist iques de l ' innovation

    Type de caractrist iques del ' innovation et effets sur la rente

    Permet d'tabl i rla configuration

    de rentepotentiel le

    Permet d'tabl i rla configuration

    de rentersiduel le

    Permet d'tabl i rla configuration

    de renteappropriable

    Stratgies devalor isat ion

    Valorisationautonome

    Valorisationpartenariale

    Cession

    Concessionde l icences

  • - 9Les Echos - jeudi 27 octobre 2005LART DU MANAGEMENT

    RSUMOutre lescaractristiques propresdes innovations, la priseen compte des forces delenvironnement, deltat concurrentiel dusecteur dapplication, dela situation comptitivedu porteur delinnovation, ainsi quelvaluation qualitative etquantitative desressources mobilisersont les ingrdients intgrer pour dterminercomment extraire etsapproprier le maximumde valeur duneinnovation etslectionner la stratgiede valorisation la plusadapte chaque tapedu cycle de vie delinnovation.

    faire aux deux commandements actuels et a prioricontradictoiresquesontproposerdesoffrescomplteset se concentrer sur ses comptences clefs conduit travailler avec des complmenteurs (B. Nalebuff etA. Brandenburger, La Co-optition , 1996). Dolimportancedecettenouvelleforcequiestsusceptible,selon les cas et les partenaires,de rduireou linversedaccrotre la rente potentielle. Elle la rduira ds lorsquil faudra partager un volume et un taux de rentequasifixe ;onparleraalorsdepartenariat concurren-tiel ncessaire la russite de linnovation. Mais ellepeut laccrotre ds lors que le partenariat permetdagrandir la taille du gteau partager et ne joue passur le taux de profit individuel, chaque acteur sermunrant sur sa propre cration de valeur sans marger sur celle de son associ .

    l Lexemple de Nemoptic (3/5). Dans le casdeNemoptic, le risque march est relativement faible,le secteur tant naturellement friand dinnovations,sous rserve que la technologie tienne ses promesses.Lerisquesubstitut,avecsixautrestechnologiesconcur-rentes enmergence,estloindtreridiculeet lerisquefilire est majeur, car les fabricants de LCD sont coincs entre des fournisseurs de composants trsconcentrs et fort pouvoir, compte tenu de limpor-tancedeleursfournituressurlaqualitetlecot(75 %du cot total) du LCD final et des clients peu nom-breux et puissants (les grands dellectronique comme Samsung,Epson, Nokia...) en position deforce. Quant au risque compl-menteur, il reste trs raisonnablemalgr la nature de linnovation,car le systme, tant normalementcompatible avec des lignes de pro-ductionexistantes, nencessitepasdquipements spciaux compl-mentairestrouver-crer.Larentenen passe pas moins de roi duptrole une configuration rsi-duelle joker , en raison de lrosion de son taux deprofit (*).

    Linsertionde linnovateurdans le jeucomptitif et la renteappropriableDans cette partie, il sagit danalyser la capacit de lastructure porteuse de linnovation sapproprier larente rsiduelle compte tenu de ses moyens et de saposition au sein du jeu concurrentiel. On procdera,pour estimer les risques et les effets de captation de larente par les concurrents directs, trois phases dana-lyse successives.

    Ltatconcurrentieldusecteurdactivitdanslequel sinsre linnovation. Cet tat est, selon nous, lersultat de la combinaison, dune part, de lintrt delactivit, value dans notre modle par le typedunivers concurrentiel (impasse, fragmentation, sp-cialisationetvolume)proprelactivitet,dautrepart,de lintensit concurrentielle qui la caractrise, ou estsusceptible de la caractriser pour les innovations decration de marchs. Dans les deux cas, le concept de barrires lentre exprimant la nature et lim-portancedesdroitsdentrepourunnouvelentrantoude dveloppement pour une entreprise dj prsente,ainsi que le degr de protection dont disposent lesacteurs existants est capital. On comprend soninfluence, bienquil nensoitpasleseul critreexplica-tif, dans la mesure de lintensit concurrentielle. Onpeut se mprendre quant son impact sur la valeurdune activit. Clairement, les secteurs forte valeursont ceux qui sont protgs de la concurrence par desbarriresfortes ;lesplusdifficilespntrerdonc.Cestl que linnovation rvle sa vraie valeur et peut crerunavantage inique ,quandelleautorisesonporteurpntreraisment,ouplusaisment,uneactivitbienprotge.Etest donc susceptibledaffecter, en plus oumoins, le taux de rente.

    La raction prvisible de la part des concur-rents existantsoufuturs. Laprobabilitetlintensitdecette raction sont selon nous lies lintrt delactivit, en soi comme nous venons de lanalyser, etrelativement lacteur en cause, en examinant parexemple ce quelle reprsente dans son portefeuilledactivit. Nous soutenons quil est mme possible deprvoir le type de raction en intgrant comme bases

    deraisonnement limportance de la rente rsiduelle etdes barrires lentre et la sortie. Cette raction estsusceptible davoir un effet de dilution sur les troiscomposantes de la rente.

    La situationcomptitivede linnovateur et sacapacit en termes de ressources et de moyens capter tout ou partie de la rente restante. Les res-sources technologiques doivent tre analyses en pre-mier lieu, car ellesconstituent la base qui fonde le senset la valeur de linnovation. Si elles sont une conditionncessaire, elles ne sont, hlas ! pas suffisantes pourune implantation russie et doivent tre compltespar les comptences business , alignes sur lesfacteursclefsdesuccsspcifiquesdelactivitconsid-re. Ne reste plus alors prendre en compte que laproblmatiquedequantitncessairepoursedvelop-per durablement. Rien nest plus frustrant quuneentreprise caractrise par une matrise des comp-tencesncessairescoupleunefaiblessechroniquedemoyens ;mais identifier lasituationvited allerdansle mur . A chacun des trois niveaux de ressourcestudis, lemodleconduitsinterrogersurlexistencedun diffrentiel de comptence et de capacit, dexa-miner si et comment il peut tre combl et de recom-mander une stratgie optimale de valorisation.

    Si lon dispose de peu de temps pour valuer laposition comptitive et que lon accepte de prendre lerisquedelessentielpluttque lexhaustif,nousrecom-mandons lapprochepar la double lgitimit de linno-vateur. Quelle est sa crdibilit scientifique dans ledomaine technique de linnovation et sa lgitimit,fonde sur une connaissance et une reconnaissance,dans le secteur dapplication retenu ? Simpliste etrducteur certes, mais systmatiquement utilis,comme critre dlimination, par les spcialistes delinvestissement en capital dans les nouvelles entre-prises technologiques !

    l Lexemple de Nemoptic (4/5). Pour Ne-moptic, le secteur de la fabrication de LCD tant trssensible au volume, la recherche de la taille critiquedans un business encore fragment se traduit par unniveau de concurrence lev, avec des effets de frotte-ment forts et prvisibles sur le taux de la rente. Laraction des concurrents risque en plus dtre fortedansunsecteurdactivitolescotssontsensiblesauxvolumes produits, dautantque la majorit des acteurssy sont spcialiss. Compte tenu des enjeux et desbarrires fortes, tant lentre qu la sortie, on peutsattendre des ractions dimitation ou dinnovationdqualifiantes. La rente appropriable sera donc plusfaible que larsiduelle, tantenvolumequen taux,et ilest heureux que Nemoptic sappuie sur une lgitimittrs forte tantscientifique,dufaitdesa technologiequisort du laboratoire dun prix Nobel spcialiste descristaux liquides, que managriale, grce lapport dela division LCD dun groupe industriel. Moralit : lestatutde joker delarentersiduellevolueversuneconfiguration oasis pour la rente appropriable (*).

    Les investissementssupplmentaireset lesstratgiesdappropriationDans cette dernire tape, nous estimons la part de larente appropriable que linnovateur est vritablementen mesure dextraire pour son propre compte. Cetteanalyse repose principalement sur lestimation desinvestissements restant raliser pour assurer le dve-loppement technique et commercial de linnovation.On ne cherchera pas mesurer prcisment cesinvestissements, mais on les estimera en relatif, parrapport aux moyens dont lentreprise dispose ouauxquels elle peut avoir accs. Et on les comparera limportancede larenteappropriablequenousvenonsjustementdvaluer,afindaboutirdesrecommanda-tions de stratgies de valorisation (tableau 3) (*).

    l Lexemple de Nemoptic (5/5). Si Nemopticmatrise bien les ressources ncessaires et dispose,grce des fonds de capital-risque, de moyens impor-tants, il est loin cependant, compte tenu des enjeuxdinvestissementenoutilsdeproductionetdecontrle(100 millions de dollars au minimum), de pouvoirmener une industrialisation et une commercialisationautonomes. Lanalyse conduit recommander lop-tionde lacessiondelicenceafinqueNemoptic capte lemaximum de la rente appropriable de son innovation.

    Loutil que nous avons conu dont on peuttlcharger une version assez complte, localise dansla rubrique Lire pour en savoir + du site Provaluor(http://www.hec.fr/provaluor)conduitdenouvellesvoies de dveloppement des innovations, incite descollaborations indites, fournit une base solide auxdcisions de choix et de modalits de protection et,surtout, vite le gaspillage de ressources rares. Ilsadresse prioritairement aux innovateurs qui sontprts mieux intgrer leur mtier et sescontraintes. Ilsy trouveront des cadres danalyse leur permettant demieux tirer leur pingle du jeu et sauront ainsi plusfacilement convaincre leurs partenaires, financiers ouautres, de les soutenir durablement dans leur quteduGraal l

    Cet article, qui intgre certains concepts prcdemment dvelop-ps dans deux cahiers de LArt du Management en 2004,prsente les rsultats novateurs dune recherchesur la valorisationdes innovations cofinance par lINPI et ralise par une quipeincluant les trois coauteurs.

    (*) Nous avons abouti 6 configurations de rente diffrentes etexploitables. Elles sont fondes sur une combinaison de nos 3 com-posantesconstitutivesde la rente :volume, taux etdure. Dans notreterminologie, l avorton correspond une position faible sur les3 dimensions, loppos du roi du ptrole ; les configurations gadget et joker ne se distinguent respectivement des 2 prc-dentes quesurla dimensiontaux (fortpour gadget et faible pour joker ) ; quant aux configurations miroir aux alouettes et oasis , elles sopposent sur les 2 composantes volume et dure,avec un positionnement taux indiffrenci.

    Le cadre danalyse stratgiqueprsent dans cet article combinede manire indite les conceptsde base de lconomie industrielleet la thorie des ressources.

    Franois Duhamelest doctorant du GroupeHEC en spcialisationstratgie.

    Cet outil conduit de nouvelles voies de dveloppementdes innovations et incite des collaborations indites.

    Tableau 3 : investissements raliser et stratgies de valorisation

    id/ Source : auteurs

    Importancede la rente

    appropriablepour l'entreprise

    Importance pour l'entreprise des investissements restant engager

    Innovation abandonne,cde ou dlgue selon le volume

    de la rente rsiduelle

    Valorisationde l'innovation

    autonomemais purement tactique

    Valorisation de l'innovationautonome stratgiquement

    possible et souhaitable,ou en partenariat si utile

    Innovation cde,dlgue ou en partenariat

    selon les possibilits

    Faible Forte

    Forte

    La rente dune innovation est le produitdu volume daffaires annuel par le tauxde profit et par la dure dexploitation de ladite innovation.

    Tableau 2 : caract

    DfinitionIl correspond au CA moyen annuelpotentiellement ralisable sur tousles marchs-applications.

    Volume d'affairespotentiel

    Taux de marge /rente potentielle

    Dure d'exploitationde la rente

    Cette surmarge est lie la valeuret l'importance de l'avantageconcurrentiel cr par l'innovation.

    Elle est directement lieau caractre durable et dfendablede l'innovation.

    Indicateursconomiques

    Potentiel de diffusion sectorielPotentiel de diffusion spatialTaille des marchs clients

    Mode de gnration de l'innovationType d'innovation (L'Art du Manage-ment, Les Echos du 23/09/04)

    Base technologique de l'innovationCopiabilit technique de l'innovation

    Indicateur li la protection

    Limitations d'exploitation liesaux brevets antrieurs

    Existence et nature de protectionsantrieures

    Copiabilit juridique de l'innovation

    id/

    Sou

    rce

    : aut

    eurs

  • 10 - Les Echos - jeudi 27 octobre 2005 LART DU MANAGEMENT

    Plaidoyerpourdvelopperlessaimagestratgique

    START-UP Les dirigeants franais savent-ils quils ont tout intrt aider et encourager lessalaris qui veulent crer leurs entreprises ? Il est urgent de surmonter les a priorisur lessaimage stratgique, difficile mettre en place, mais crateur de valeur.

    essaimage consiste, pour une socitou un organisme public, favoriser lacration de nouvelles entreprises pardes collaborateurs issus de sesrangs (1). Il convient de distinguerlessaimage chaud de lessaimageL froid ,galementqualifide stra-

    tgique . Lessaimage chaud correspond souvent une logique de rduction deffectifs, raison pour laquellelessaimage, en gnral, souffre dune mauvaise image. Ilconduit, la plupart du temps, des crations sans grandrapport avec lactivit de lentreprise dorigine (restau-rant, chambres dhtes, etc.). La plupart des projetsdessaimage sont chaud . Lessaimage froid , lui,est une pratique non directement corrle aux alas de laconjoncture. Il rsulte dune volont stratgique de ladirection gnrale, qui la considre comme un outilpermettant de crer de la valeur. De fait, lessaimagestratgique saccompagne souvent de transferts dactifs(proprit intellectuelle, savoir-faire, etc.), de prises departicipation, voire de financement en cash. Il concernedoncpluttdes grandesentreprisesdetechnologie(etdesgrosses PME), qui peuvent mobiliser des ressources, eninterne ou avec un cabinet spcialis, pour grer ledispositif. Les structures les plus actives sont regroupesdanslassociationDiese(Dveloppementdelinitiativeetde lentrepreneuriat chez les salaris de lentreprise). Ellecompte aujourdhui une douzaine de membres, dontEADS, EDF, LOral, Renault et Sanofi-Synthlabo.

    Danscetarticle,nousnousintresserons essentiel-lement lessaimage stratgique, le plus difficile mettreen place mais aussi le plus crateur de valeur.

    UnepratiquetroprareenFranceTrspeudentreprisespratiquentaujourdhuilessaimage froid , alors que certains organismes publics sont trsactifs. Ainsi, par exemple, le CEA (Commissariat lnergie atomique) a men depuis 1986 plus de 100 pro-jets de cration dentreprises technologiques par essai-mage (2). Si ces tentatives sont aujourdhui timides, cestparce que lessaimage chaud est presque toujoursconsidr comme prioritaire : comportant des enjeuxfinanciersethumainspluscritiques,ilconcerneunperson-nel infiniment plus nombreux. Ajoutons que, au-del desalas de la conjoncture, les entreprises sont, en perma-nence, confrontes des rductions deffectifs,puisquellesralisentenpermanencedesgainsdeproduc-tivit. En termes stratgiques, la principale objection lessaimage froid rside dans la priori quont beau-coup dentreprises qui estiment que crer des start-upnest pas leur mtier. Elles ne souhaitent pas affecter desressources, prendre des risques ou perdre le contrle decertains actifs, mme sils ne sont pas optimiss dans leursoprations. Les freins oprationnels proviennent du faitquelessaimageest souventgrparlaR&D,quiadumal vendre sa politique dessaimage aux patrons de busi-ness units . Il faut dire que ces derniers ne voient pastoujoursduntrsbonilledpartdecollaborateurs, lesmeilleurs partant les premiers

    Si les grandes entreprises technologiques sontdonc encore timides en matire dessaimage, des initia-tives pourraientaussivenir dessalaris.Eneffet,parmi lesmesures annonces dans le cadre de la loi Dutreil fin2003(3)figureunetentatived institutionnaliser lessai-mage, puisque, dsormais, chacun aura la possibilit deconsacrer du temps un projet personnel sans quelemployeurpuissesyopposer.Bienvidemment,etnousle verrons plus loin, un essaimage stratgique russi nepeutseconcevoirquentroitecollaborationentrelentre-prise dorigine et le porteur de projet.

    Undispositifqui crede lavaleurEn premier lieu, il y a lintrt doptimiser le portefeuillede brevets. Toutes les recherches naboutissent pas desapplications industrielles, loin sen faut. Lessaimage peutainsi permettre de crer une entreprise autour dunetechnologie qui na pas dapplication parce que, parexemple,elleest issuedun brevetdormant .Lesecteurpublic, lui aussi, cherche de plus en plus favoriser lestransfertsdetechnologie,notammentdepuislapplicationdes lois Allgre (4).

    Lessaimage stratgique permet aussi aux entre-

    prises de lancer de nouvelles activits en limitant lesrisques encasdchec.Surle plan financier, toutdabord : En faisant appel des capitaux extrieurs. Choisir dedvelopper un projet en interne obligerait naturellementlentreprise le financer elle-mme. Les investisseurs nefinancentnidescentresdeprofitnidesstart-upcontrlesmajoritairement par des grands groupes.Ainsi, crer unenouvelle entreprise permet douvrir le capital de nou-veaux actionnaires. En rduisant les frais de recherche, transformant deschargesfixesenchargesvariables,grcelexternalisationde tout ou partie de la R&D.Entant, lecaschant,placeauxpremireslogespourrachetercertainesstart-upissuesdelessaimage,lorsquelesuccs est avr.

    AvantagesconcurrentielsSur le plan de limage, enfin, les risques peuvent tregalement limits, en vitant lamalgame entre lentre-prise et la start-up ventuellement dchue.

    Lessaimage stratgique peut aussi crer de lavaleurcomptablepourlentreprisequiessaime.Lapartici-pation dans la nouvelle socit trouvera sa place danslactif du bilan de lentreprise dorigine ( participationsminoritaires dans de jeunes socits ).

    Lessaimage stratgique est par ailleurs un excel-lentmoyen pour dvelopper une veille technologique surle secteur dactivit de la start-up, en faisant remonter lesinformations provenant dune structure plus ractive, encontact plus troit avec le march. Grce lessaimagestratgique, les entreprises peuvent galement attirer et,au risque de paratre contradictoire, retenir des talents. Siun collaborateur a envie dentreprendre et si lentrepriseneproposepasdaccompagnement,ilrisquedepartirversdautres cieux. Une entreprise qui essaime peut ainsimettre en avant un vritable dynamisme en matire degestion des ressources humaines. Enfin, la cration den-trepriseestdanslairdutemps,puisque50 %desjeunesde18 24 ans ont envie dentreprendre (5). Communiquersur une volont politique dessaimage peut donc treintressant en termes dimage.

    Rappelons que lessaimage stratgique comporteaussi de nombreux avantages, pour les entrepreneurs qui

    portent le projet, comme pour les ventuels investisseursen fonds propres. Quil sagisse des transferts dactifs, desavoir-faire ou de clientle captive (du moins dans lespremiers temps), les nombreuses fes qui se penchent surle berceau de ces start-up les dotent ainsi davantagesconcurrentiels trs significatifs.

    Lesparamtresde la russiteUn essaimage stratgique russi ne peut se concevoirquen parfaite complicit entre lentreprise dorigine et leporteur du projet. En nous fondant sur notre expriencedelaccompagnementdeporteursdeprojetenessaimage,notammentdanslecadreduprogrammedeformation-ac-tion Challenge+ (6), nous avons tent de dgagerquelques bonnes pratiques (voir tableau).

    Plus globalement, pour ces deux acteurs majeursdun processus dessaimage stratgique, deux conditionssont requises pour russir. Il faut dabord que, de part etdautre, lon soit prt prendre des risques. Il fautensuitesavoir (ou pouvoir) prendre en compte un retour surinvestissement moyen ou long terme.

    Mettre en regard ces deux conditions avec latension sur le march du travail et la culture actuelle dumanagement court terme nous conduit un optimismetrsmesurdanslaconjoncturequenousconnaissons.Enla matire, lEtat a sensiblement volu ces derniresannes. Limpulsion doit dsormais venir des grandesentreprises technologiques.

    Crerdesentreprisesest(enfin)aujourdhuiconsi-dr comme une cause nationale. Lessaimage strat-gique est un excellent moyen dy contribuer, avec desstart-up aussi solidement dotes que prometteuses ! l

    (1) Voir le site de lAssociation pour la cration dentreprise(www.apce.com) et taper essaimage dans le moteur de re-cherche.(2) EntretienavecGuyCrespy, directeur dlgu lessaimageduCEA.(3) Cette loi permet, entre autres, la reconnaissance officielle dustatut de crateur dentreprise.(4) Cette loi a permis, entre autres, aux chercheurs du secteurpublic dentreprendre sur la base de technologies quils ontcontribu dvelopper.(5) Sondage Ifop du 15 janvier 2002.(6) www.hec.fr/start-up.

    RSUMIl y a lessaimage chaud , qui souffredune mauvaise image,car li unerestructuration plus oumoins douloureuse. Maisil y a aussi lessaimage froid , dont lesvertus sont de plus enplus reconnues. Il sagitalors dencourager uncandidat entrepreneur crer une start-up partir dune activit nonstratgique delentreprise.

    FRDRIC ISELIN

    Frdric Iselinest directeur de HECstart-up, aprs avoir cret dirig plusieursentreprises. Il enseigneau Groupe HEC, lEcolepolytechnique et luniversit de Paris-II. Ilest par ailleurs conseillerde plusieurs entreprisesinnovantes et destructures publiques. Ilexerce galement uneactivit de businessangel . Il est le coauteurde Accompagner lecrateur. La nouvelledonne de lentrepriseinnovante (ChironEditions, 2003).

    Actions

    Pour l'entreprise d'origine Pour le porteur de projet

    Dispositif grer au plus prs de la direction gnrale.

    Travailler en interne sur l'tat d'esprit : rhabiliter l'essaimage(syndicats), faciliter l'closion des projets (dtection).

    Concevoir un dispositif rellement incitatif (temps allou,droit l'erreur).

    Mettre en place un collge pour slectionner les projetset dterminer le niveau d'accompagnement requis.

    Accompagner le crateur (former, coacher), acheterdes comptences externes si besoin.

    Evaluer raisonnablement les actifs transfrs. Evaluer raisonnablement sa start-up.

    Proposer des conditions justes pour la start-up (prisede participation trs minoritaire ; royalties sur le CA gnr).

    Se donner la possibilit d'investir dans le projet (fondsde venture capital).

    Se comporter comme un actionnaire, pas comme un patron,ni comme un client tout-puissant.

    Possder le savoir-tre (leadership, opinitret, charisme,etc.) ; acqurir le savoir-faire.

    Identifier l'opportunit (actifs).

    Savoir vendre son projet en interne.

    Fdrer des comptences complmentaires (marketing-commercial, par exemple).

    Ngocier le maximum d'aides (temps, conseil, etc.).

    Respecter les chances, montrer sa capacit dlivreren toutes occasions.

    Ne pas surestimer sa position dans le rapport de forceavec l'entreprise d'origine.

    Savoir conserver de bonnes relations pour le futur avec sonancien employeur, bien au-del du processus d'essaimage.

    id/ Source : auteurs

  • - 11Les Echos - jeudi 27 octobre 2005LART DU MANAGEMENT

    Lesgrandspatronsetladialectiquesuccs-chec

    REBONDDe Thomas Edison Bill Gates, tous les grands innovateurs de lhistoireindustrielle nont cess dinvoquer leffet rdempte