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Rupture Des Materiaux

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La rupture des materiaux

Clement Lemaignan

SCIENCES

17, avenue du HoggarParc d'Activite de Courtaboeuf, BP 112

91944 Les Ulis Cedex A, France

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ISBN : 2-86883- 642-9

Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous precedes, reserves pourtous pays. La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alineas 2 et 3 de 1'article 41,d'une part, que les « copies ou reproductions strictement reservees a 1'usage prive du copiste etnon destinees a une utilisation collective », et d'autre part, que les analyses et les courtescitations dans un but d'exemple et d'illustration, «toute representation integrate, ou partielle,faite sans le consentement de 1'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite »(alinea ler de 1'article 40). Cette representation ou reproduction, par quelque precede que cesoit, constituerait done une contrefacon sanctionnee par les articles 425 et suivants du codepenal.

© EDP Sciences 2003

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Table des matieres

Avant-propos vii

1 • Introduction 1

2 • Les defauts metallurgiques 3Les processus metallurgiques generateurs de defauts 4La mise en forme et les traitements thermiques 14Le suivi des defauts : le controle non destructif 18L'evolution des defauts 25

3 • Les moyens de caracterisation des ruptures 27La fractographie 27Le microscope electronique a balayage 29

4 • Les perturbations locales des contraintes induites parles singularites geometriques 33

Les concentrations de contraintes 33Le facteur d'intensite de contraintes 36La propagation d'une fissure 43L'evaluation des contraintes et deformations en regimeelasto-plastique - Integrate de Rice 45

5 • La rupture theorique entre atomes 47Le calcul de la contrainte theorique de rupture 47

6 • La rupture ductile 51Le developpement de la striction 51Les concentrations de contraintes autour des inclusions 53Le developpement des cavites et la formation des cupules 55

7 • Le clivage et les ruptures fragiles 57L'amorgage d'un clivage 57L'essai Charpy (ou de resilience) 60La fragilisation intergranulaire 63Approche statistique de la rupture 64

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IV LA RUPTURE DES MATERIAUX

8 • La zone plastique en fond de fissure 67Les conditions de deformation plane 67La zone plastique en tete defissure 68La zone plastique d'Irwin 69Geometric detaillee de la zone plastique 69Geometric tridimensionnelle de la zone plastique 70Distribution des contraintes dans la zone plastique 73

9 • La tenacite 75La mesure du KIC 75Autres mesures de tenacite 80La tenacite des ceramiques 84Les ratio analysis diagrams (RAD) 85

10 • La fatigue 87La fatigue dans le domaine elastique : les courbes de Wohler 88La propagation des fissures de fatigue 93L'amorcage des fissures de fatigue 97La fatigue oligocyclique 101

11 • La corrosion sous contrainte 105Aspects generaux 105L'amorcage en corrosion sous contrainte 108Les mecanismes de propagation 110Les methodes d'essais en CSC 111

12 • Autres ruptures fragiles 113La fatigue-corrosion 113La fragilisation par 1'hydrogene 116Les sollicitations en temperature et lefluage 118La fatigue en temperature 119La fatigue thermique 121La fragilisation par les metauz liqnides (FML) 122

13 • La rupture des polymeres 125Structure et deformation des polymeres 125La formation des craqnelnres 127Les modes de rupture des polymeres 129

14 • Les conduites a tenir 131La detection d'unefissure 131Le suivi de la propagation desfissures 132L'evolution du materiau 133

Annexes 135Al Evaluation des singularites de contraintes 135A2 Fissure dans la paroi d'un tube sous pression 136

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Avant-propos

L'objet du present ouvrage est de fournir une vision globale des phenomenesresponsables de la ruine de materiaux de structure. Ceux-ci revetent en effet uneimportance considerable puisque, peu ou prou, ils vont determiner la duree devie ou la disponibilite d'un composant, d'un assemblage et, par enchainement,d'une installation industrielle complete.

Get ouvrage est done principalement destine a des etudiants ou desingenieurs deja familiarises avec la science des materiaux et qui voudraientapprofondir les phenomenes specifiques conduisant a la rupture, tout en ayantune vision globale de leur variete. Par cette lecture, ils pourront acquerir uneconnaissance fine, mais la plus complete possible, des mecanismes de rupture,developpant ainsi une capacite a prevenir les defaillances par la connaissancedes conditions qui leur donnent naissance. De plus, en cas de rupture en serv-ice, ils pourront, par 1'examen des pieces rompues, determiner, et done combat -tre, les causes de ruine.

La redaction de ce livre a pour origine la synthese d'un enseignementprodigue depuis plus de vingt ans sur ce theme a 1'Institut NationalPolytechnique de Grenoble. L'auteur s'est volontairement limite a une presenta-tion qualitative des phenomenes, reduisant au minimum les developpementsmathematiques, pour privilegier les implications concretes et les illustrer par descas reels a caractere pedagogique. Pour des developpements plus detailles, unebibliographie propose une serie d'ouvrages en vue de 1'eventuel approfondisse-ment d'un mecanisme particulier.

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Cette page est laissée intentionnellement en blanc.

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Introduction

Si les ruptures n'existalent pas, les ingenieurs seralent pratiquement inutiles etchacun pourrait construire un pont, un avion ou une maison sans le moindrerisque de destruction de la structure. A contrario, nous ne pourrions partager lepain, ni reduire en poudre des medicaments ou decouper une vitre au diamantsans la realite de ruptures aisees sur de nombreux materiaux.

Le controle de 1'occurrence, ou non, de ruptures dans des objets courants estessentiellement lie a la conception de ces objets. Au debut de 1'ere industrielle, la"force des metaux" avait bien etc quantifiee par des grandeurs extensives, et desdefauts responsables de ruptures localisees avaient ete identifies. La mauvaiseconnaissance de leur geometrie, et surtout de leurs effets, avait conduit a 1'utili-sation de "coefficients de securite" dont la valeur relevait d'une approcheempirique confortee par 1'usage.

Un certain nombre d'accidents spectaculaires, dans tous les domaines de1'activite humaine (par exemple voir la figure 1.1) a conduit rapidement a sepencher sur tous les mecanismes pouvant conduire a rupture. Ces approchessont maintenant etendues a I'ensemble des processus industriels, a toutes lesechelles, y compris les plus fines comme celles de la micro-electronique(Fig. 1.2). Parallelement, 1'etude fine des aspects mecaniques, lies a la presencedes defauts, a connu un developpement majeur, donnant naissance a une nou-velle discipline, la mecanique de la rupture.

Aujourd'hui les techniques de controles industriels non destructifs et la pos-sibilite d'evaluer 1'impact des singularites geometriques des defauts sur les sol-licitations locales permettent de vivre sans risques avec des defauts repertoriesdans des assemblages, et ce pour les conditions attendues d'utilisations qui peu-vent etre tres variables.

L'objet du present ouvrage est d'introduire aux concepts et methodesmodernes qui permettent de controler les conditions de developpement des rup-tures dans les composants industriels.

On se penchera successivement sur les moyens utilises pour examiner lesruptures, les mecanismes a 1'origine des defauts dans les structures et les con-cepts mecaniques permettant de quantifier les solicitations locales qu'ilsinduisent (rnecanique de la rupture), avant de detailler les divers mecanismes

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Fig. 1.1. Liberty ship "Schenectady" rompu a quai le 24 Janvier 1943, par une temperaturede -6 °C.

physiques conduisant a la rupture d'une piece donnee : rupture theorique, rup-ture ductile, clivage, dechirement, fatigue et effets d'environnement : corrosionsous contrainte, fatigue corrosion, fragilisation par 1'hydrogene, fluage...

Les materiaux consideres seront principalernent des metaux, mais on ne s'in-terdira pas des detours par les ceramiques, les verres ou les polymeres.

On terminera par les conduites a tenir en presence de defauts, les methodesde calculs de duree de vie et la prevention.

Fig. 1.2. Exemple de rupture a I'echelle micronique : rupture d'un fil de contact sur unmicroprocesseur.

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Les defauts metallurgiques

Les defauts sont presents dans pratiquement toutes les structures metalliques,Us apparaissent lors de la fabrication essentiellement. A la solidification, lesvariations de volume, de temperature et de composition, induisent des seriesde defauts, les soudures exacerbent les memes phenomenes. L'usinage et les

traitements thermiquespeuvent etre a I'origine de fissurations dans I'etat finaldes pieces. Pour controler I'etat d'une structure, les methodes de controle non

destructif permettent de determiner I 'existence et la geometrie de defauts.Les techniques de radiographie ou de controle ultrasonore donnent ces

informations a cceur, tandis que les techniques de courants de Foucault, lamagnetoscopie ou le ressuage donnent des informations sur les defauts proches

de la surface ou debouchant.

La notion de defaut est a la fois assez intuitive et tres imprecise. "Imper-fection physique, partie imparfaite et qui ne possede pas les qualites requi-ses" precise le Robert. Une telle definition souligne combien la caracterisationd'un defaut n'est en rien absolue, mais relative a 1'usage que Ton veut faire de lapiece ou de 1'assemblage ou il est present. Une semantique moderne permet dereduire le flou d'une telle approche. Elle ne sera pas detaillee ici et Ton se limit-era seulement a detailler les principales origines des defauts et les moyens de lescaracteriser.

Ainsi, la purete chimique, la structure cristalline, I'etat de surface ou lapresence de certaines inclusions auront une importance tres differente selonqu'on utilise un metal pour ses proprietes electroniques, magnetiques,mecaniques ou de resistance a la corrosion. Ce qui pourra etre considere commeun defaut grave pour une application donnee sera parfois un avantage pour unautre usage. De meme, les diverses parties d'un assemblage n'etant pas sou-mises aux memes sollicitations, ni au meme environnement, un defaut presenta un endroit donne pourra necessiter une reprise avant remise au client alorsque, situe differemment dans la piece, il sera considere comme insignifiant.

Lors de tout controle de piece, il est done necessaire de definir ce qui carac-terise un defaut, c'est-a-dire une condition qui, reliant sa taille, sa geometrie, sonemplacement et eventuellement son origine, precise son danger potentiel.

La liaison entre le controle et la conception devra done etre tres etroite pourseparer ce qui est defaut de ce qui ne 1'est pas. Elle devra etre au moins aussiforte avec la fabrication pour comprendre la genese des defauts et y porterremede.

L'objet de ce chapitre est de presenter quelques notions generales sur I'origineet 1'evolution des defauts dans les pieces metalliques, afin de faciliter le dialogue

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entre ceux qui realisent les controles ou utilisent les pieces, et ceux qui les ontconcues ou en ont realise les composants.

Les processus metallurgiques generateursde defauts

La solidification

La quasi-totalite des metaux utilises industriellement sont passes, a unmoment donne de leur histoire, par 1'etat liquide a des fins d'elaboration ou demise en forme. Lors de la solidification, divers phenomenes physiques, dontles consequences seront variees, se manifestent et marquent le metal. IIen gardera la trace, souvent meme apres plusieurs autres transformationsthermomecaniques.

Trois proprietes physiques particulieres des metaux et alliages intervien-nent toujours lors de la solidification. Ce sont des caracteristiques intrin-seques de la transformation liquide - solide, dont il faut chercher a attenuerles consequences.

La difference de solubilite des elements d'alliage

Premierement, la solubilite des elements d'alliages est generalement tres dif-ferente dans le solide et le liquide. En particulier, pratiquement toutes lesimpuretes et les constituants mineurs des alliages sont plus solubles dans leliquide que dans le solide. Lors de la progression du front de solidification, le solidequi se forme est plus pur que le liquide qui lui donne naissance. Le liquide s'en-richit done progressivement en constituants mineurs. Le gradient de concentra-tion qui en resulte, entre les parties qui ont solidifie les premieres et celles quiont solidifie les dernieres, est appele la segregation.

De plus, le liquide s'enrichissant en solute juste en avant du front de solid-ification, le gradient de concentration, cree dans le liquide, conduit a un modede solidification instable. Le front de solidification n'est pas plan mais tresperturbe et les cristaux se developpent au sein du liquide de maniere arbores-cente et enchevetree : ce sont les dendrites. A la fin de la solidification, leliquide restant, qui forme les zones interdendritiques, est fortement charge enelements mineurs, les concentrations locales d'impuretes pouvant etre, pour degros lingots, plusieurs fois superieures a la composition nominale. Dans lecas des aciers, ceci est particulierement important pour le soufre, 1'etainou le phosphore qui sont responsables de la fragilite de ces zones inter-dendritiques.

Le rejet des solutes lors de la solidification peut conduire a depasser, dans leliquide, la limite de solubilite d'un element particulier. Dans le cas des gaz, il seforme des bulles qui restent prisonnieres de renchevetrement des dendrites.

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On obtient alors des soufflures. Dans certaines conditions, la reaction de degage-rnent gazeux peut s'entretenir sur le front de solidification. Les soufflures sontalors tres allongees et perpendiculaires aux isothermes. On evite ces defauts enreduisant la quantite de gaz dissous dans le metal liquide, soit par degazage sousvide ou argon, soit par fixation de 1'oxygene sur les oxydes.

La difference de masse volumique

La deuxieme propriete physique a intervenir lors de la solidification est ladifference de masse volumique entre le liquide et le solide. En general, celle-cicorrespond a une contraction de 1'ordre de 3 a 6 % lors de la solidification. Enconsequence, un volume ferine d'alliage liquide que Ton laisse solidifier ne serapas completement comble par le solide. La cavite restante est appelee uneretassure.

Deux types de retassures existent: les retassures majeures (Fig. 2.1) affectentla partie superieure des lingots ou des pieces moulees. On cherche a les diminuerpar une operation de masselottage qui retarde la solidification de la partiesuperieure. Les micro-retassures, elles, se forment lorsque 1'enchevetrement desdendrites isole une petite zone liquide du reste du lingot. Le retrait du liquidedegage alors une petite partie du squelette dendritique (Fig. 2.2). Lors du lami-nage ou du forgeage ulterieur, les soufflures et les micro-retassures qui nedebouchent pas vers 1'exterieur se ressoudent car leur surface n'est pas oxydee.Elles restent cependant des zones de moindre resistance.

Fig. 2.1. Retassures dans des lingotins d'aluminium.

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Fig. 2.2. Cavite dans une piece solidifiee tapissee de dendrites.

Le gradient thermique pendant la solidification

Enfin, la solidification, liberant la chaleur latente de fusion, est toujours as-sociee a un gradient thermique dans la partie solide. La valeur de ce gradient etla distribution des temperatures evoluant au cours de la solidification, les con-tractions differentes en chaque point du solide engendrent des contraintesthermiques. Des tensions locales peuvent induire des ruptures ou desdechirures dans les parties les plus fragiles. En particulier, en fin de solidifica-tion, alors que les zones interdendritiques sont encore mal consolidees, il peutse former des criques a chaud. Ce sont des defauts internes de formes tres per-turbees et qui suivent le contour des dendrites (Fig. 2.3). Leur risque de forma-tion augmente fortement lorsque 1'alliage se solidifie dans un large domaine detemperature. On les rencontre frequemment pres des points chauds qui, dansles moules a geometric complexe, sont les zones d'ou la chaleur s'evacue mal,par exemple une gorge ou un angle rentrant. Leur solidification est retardee etelle aura lieu a partir d'un liquide plus riche en impuretes. Ces zones sont, deplus, fortement sollicitees par les contraintes thermiques en raison de leurgeometric.

La figure 2.4, qui est la photo de 1'empreinte Baumann(1) transversale d'un lin-got refroidi tres rapidement (coulee continue), montre la conjonction des trois

(1) Procedure d'attaque metallurgique qui revele les concentrations locales en soufre.

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Fig. 2.3. Criques a chaud dans une soudure d'un alliage d'aluminium.

Fig. 2.4. Empreinte Baumann d'une billette de coulee continue (retassure centrale,criques et segregations...).

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types de defauts decrits precedemment : segregations interdendritiques desoufre, retassure centrale et criques a chaud.

Un autre type d'accident de refroidissement ayant pour origine les con-train tes thermiques est constitue par les tapures. Ce sont des fissures, souventde grandes tallies, rectilignes et transgranulaires qui se produisent a bassetemperature. Elles doivent leur norn au bruit important qui accompagne par-fois leur formation. Elles sont dues a un refroidissement trop rapide, en parti -culier lors du passage des points de transformations dans les aciers trempants.Les tapures ne sont pas specifiques de la solidification, mais de tout change-ment de temperature brusque. Lors d'un refroidissement, les parties externessont en tension et les tapures sont debouchantes, alors qu'elles sont interneslors du chauffage.

Les inclusions

En plus des defauts deja decrits et qui ont pour origine des phenomenesphysiques qui apparaissent toujours lors de la solidification, d'autres defauts,d'origines variees, se materialisent lors de cette etape de la fabrication. C'est enparticulier a ce moment que les inclusions se fixent dans le metal. Ce sont desparticules, generalement non metalliques et insolubles, qui ont ete emprisonneesdans le front de solidification. On distingue deux grandes classes d'inclusionssuivant leur origine.

Les inclusions exogenes sont dues a 1'incorporation, au sein du metal liquide,de particules qui lui sont etrangeres. Parmi les sources les plus frequentes detelles particules, on trouve le laitier superficiel, partiellement entraine lors de lacoulee et des debris de refractaires arraches par le metal liquide de la surface despoches, fours et conduits. De plus, certaines reactions chimiques peuvent avoirlieu entre le metal liquide et les garnissages, en particulier avec les aciers a fortrapport Mn/Si. Lorsqu'elles n'ont pas decante avant solidification, ces particulessont emprisonnees dans le metal et forment des inclusions souvent assezgrandes et de formes perturbees, leurs compositions chimiques decoulant deleurs origines (silicates, aluminates, etc).

Les inclusions endogenes se forment par reaction interne dans le metalliquide, lorsque revolution de la concentration de certains elements, due a uneaddition ou a la segregation induite par la solidification, conduit a depasser leproduit de solubilite des constituants d'un compose chimique donne. Onobtiendra ainsi des inclusions a partir des produits de reaction des additionsde metal desoxydant avec 1'oxygene dissous (A1203, Si02, Cr203 et leurs combi-naisons). Ces inclusions, souvent spheriques, ont une taille qui peut varier dela fraction de micrometre a quelques dizaines de micrometres. Eventuellement,elles s'agglomerent pour former des grappes, particulierement dans le cas deralumine (Fig. 2.5).

Les inclusions a base de sulfures se forment generalement en fin desolidification, dans les zones interdendritiques ou la conjonction de 1'en-richissement en soufre et de 1'abaissement de la temperature induit leurprecipitation.

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Fig. 2.5. Alignement d'inclusions dans un acier au carbone.

Autres incidents de coulee

Enfin, la solidification des lingots et pieces de fonderie peut etre la sourcede defauts de surface mineurs : ainsi, les piqures sont des defauts minus-cules (en trou d'epingle) a la surface (Fig. 2.6). Elles ont pour origine le degage-ment gazeux du refractaire de rnoulage ou de la lingotiere mal scenes.

Fig. 2.6. Piqures de surface sur une piece moulee.

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Lorsqu'ils sont de petites dimensions, ces defauts sont pratiquement sans con-sequence car ils disparaissent avec la calamine lors des rechauffages ulterieursde 1'acier.

Lors de la coulee des lingots, on peut risquer la formation de gouttes froidesou des doubles peaux. Ces defauts, qui sont des bandes de metal separees dureste du lingot par une couche d'oxyde, se forment lorsque les eclaboussures sesolidifient sur les parois de la lingotiere ou que du metal liquide s'infiltre entre lalingotiere et une premiere peau solidifiee. Ils sont faciles a detecter car ils serefroidissent plus rapidement que le reste de la surface et apparaissent en som-bre a la sortie d'un four.

Aspects specifiques des soudures

Lors de la realisation d'une soudure, il y a generalement fusion locale du metalde base, toujours fusion du metal d'apport. Au cours de la solidification, toutesles causes de defauts intrinseques deja exposees sont potentiellement actives(segregation, retassure et contraintes dues aux gradients thermiques).Cependant, en raison des caracteristiques de cette operation, leurs effets sontdifferents du cas des grosses pieces. De plus, certains phenomenes, propres ala soudure, peuvent s'ajouter et etre a 1'origine de defauts specifiques.

Les inclusions

Ainsi, lors de la realisation d'une soudure en plusieurs passes, des inclusionspeuvent etre la consequence d'un mauvais enlevement du flux (le laitier pro-tecteur solidifie) ; une partie du flux de la passe precedente peut resteraccrochee sur les bords du caniveau du cordon de soudure et etre recouvertepar la passe suivante, formant une inclusion assez anguleuse. Les risquesd'obtention de ces defauts augmentent lorsqu'on utilise des flux qui favorisentun cordon fortement bombe. De meme, bien que le cas soit rare, 1'electroded'une soudure TIG peut fournir des gouttes de tungstene qui s'incorporentdans le cordon de soudure. Ces inclusions metalliques sont obtenues si, parinadvertance, 1'operateur met en contact I'extremite de 1'electrode avec lebain liquide.

Les soufflures

Les soufflures sont frequentes dans les cordons. Les gaz qui en sont a l'originesont soit presents dans le metal de base (soudure des toles d'aciers efferves-cents), soit se forment a partir de 1'humidite ambiante fixee sur les electrodes oules surfaces a souder. On evite la liberation de ces gaz, generalement 1'oxyde decarbone, par adjonction dans les electrodes de desoxydants et aussi endessechant les electrodes a 1'etuve avant utilisation.

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CHAPITRE 2 - LES DEFAUTS METALLURGIQUES 11

Fig. 2.7. Developpement schematique d'un arrachement lamellaire.

Les criques

Les criques, toujours a redouter dans les cordons de soudure en ralson des tresforts gradients thermiques crees par la fusion locale du metal, sont parfoisappelees fissures a chaud. Elles peuvent atteindre des tallies considerables et sepropager le long du cordon au fur et a mesure de sa formation. De plus, d'autresfissures peuvent se developper au voisinage du metal fondu. Ce sont les arrache-ments lamellaires et les fissures a froid (Fig. 2.7).

Les arrachements lamellaires

LOTS de la realisation d'un assemblage ou deux toles fortes sont perpendiculaires(coin, joint en T...), les contraintes thermiques de refroidissement ont une com-posante de traction parallele au travers de 1'une des deux toles. Une faibleductilite transverse favorise la formation de fissures dites arrachement oudechirement lamellaire. La surface de ces fissures, en marches, correspond auxalignements locaux des inclusions, obtenus par laminage, et le long desquels larupture s'est propagee de proche en proche (Fig. 2.8).

La fissuration a froid

La fissuration a froid est un phenomene que Ton peut attendre lors de la soudured'aciers de construction trempants. Elle apparait dans la fraction de la zone

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Fig. 2.8. Fissuration par arrachement lamellaire sur une soudure.

affectee thermiquement (ZAT) qui est passee au-dessus de A3 (passage dans ledomalne austenitique). Ces fissures se developpent a la temperature ambiante,longtemps, parfois plusieurs jours, apres la realisation de la soudure. Le meca-nisme de leur formation fait intervenir simultanement la presence d'hydrogene,une structure de trempe dans la ZAT et des contraintes internes a la suite dusoudage.

Lors de la realisation du cordon, 1'hydrogene, degage par la decomposition decertains enrobages ou de 1'eau provenant de traces d'humidite residuelle, passe ensolution dans la zone fondue et, par diffusion, dans 1'austenite qui s'est formee aucontact du bain de fusion. La solubilite de 1'hydrogene dans 1'austenite etant presde deux fois plus grande que dans la ferrite, la transformation martensitique de lazone austenitisee induit une sursaturation locale en hydrogene car celui-ci n'a pasle temps de diffuser lors de cette transformation rapide. A froid, les contraintesresiduelles et la fragilite intrinseque de la martensite favorisent la propagation defissures qui se sont initiees par rassemblement d'atomes d'hydrogene autour desingularites (precipites, micro-inclusions et, parfois, singularites de forme) ainsiqu'illustre en figure 2.9.

Ce type de fissuration n'est present que dans la ZAT et done donne generale-ment des defauts de petites tallies. On le previent en reduisant les teneurs enhydrogene de tous les materiaux utilises (choix et sechage des electrodes...) et enallongeant le cycle thermique de la soudure : un prechauffage diminue la Vitesse

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CHAPITRE 2 - LES DEFAUTS METALLURGIQUES 13

Fig. 2.9. Fissuration a froid dans la zone martensitique d'une soudure.

de refroidissement lors de la transformation martensitique ; la martensite quise forme sera moins dure, donc moins fragile. Un post-chauffage augmente ladiffusivite de 1'hydrogene et favorise le degazage de la ZAT.

Autres defauts

Sans vouloir etre exhaustif, soulignons que d'autres types de defauts sontpresents dans les soudures, en particulier des defauts de forme. On peut citerles defauts d'alignement entre toles a rabouter, les sur-epaisseurs de cordon,ou, a 1'oppose, les caniveaux, le manque de penetration du cordon qui laisseune cavite interne anguleuse, ou les collages qui sont des manques de liaisonentre passes (Fig. 2.10). Ces defauts sont repertories et leur description estmeme quantifiable.

De plus, sans creer de defauts au sens de discontinuite locale de matiere, lasoudure induit une transformation locale par traitement thermique du metal debase dont les consequences, si elles ne sont pas prises en compte lors de la con-ception, peuvent etre dramatiques en service.

Ainsi, en plus du role de la martensite dans la fissuration a froid, rappelonsque, lors de la soudure d'aciers inoxydables austenitiques ordinaires, la zoneportee vers 750 °C est le siege d'une precipitation intergranulaire de carbures dechrome associee a une dechromisation partielle de la matrice adjacente. II s'en-suit une susceptibilite a la corrosion intergranulaire en bordure du cordon. Onevite ces incidents en inhibant la precipitation de carbures de chrome, soit parreduction du carbone total (aciers bas carbone), soit en favorisant la precipita-tion d'autres carbures (aciers stabilises au Ti ou au Nb).

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Fig. 2.10. Manque de liaison entre passes lors d'une soudure avec flux.

La mise en forme et les traitements thermiques

Apres solidification complete d'un lingot ou d'une piece moulee, il est deja neces-saire de determiner la presence de certains defauts. En effet, souvent faciles adetecter sur une piece brute de solidification en raison de leur taille importante,ces defauts le sont plus difficilement ulterieurement a cause de 1'evolution deleur geometric. De plus, s'ils doivent conduire au rebut, il est souhaitable que lapiece ait la plus faible valeur possible lors de la prise de decision de rejet. Enfin,s'ils ne sont pas elimines tres tot, des defauts mineurs peuvent servir de sited'initiation de defauts de plus grande taille lors des traitements thermome-caniques ulterieurs. Cependant, si toutes les precautions sont prises poureliminer les defauts de solidification, il ne faut pas oublier que le corroyage et lestraitements thermiques sont eux-memes generateurs de defauts.

Le forgeage

Divers defauts de forge ont pour origine un manque de soin lors de cette opera-tion. Une matrice mal nettoyee imprimera sur la surface de la piece a deformeri'empreinte des corps etrangers presents. Ces defauts de surface, en creux, for-ment les gales. Les repliures, elles, sont obtenues lorsque les saillies de metalobtenues aux etapes precedentes sont repliees et incrustees dans la piece. Ledefourni, quant a lui, correspond a un manque local de metal en raison d'unetaille de lopin trop faible ou d'une mauvaise succession des passes de forge. Cesdefauts sont generalement visibles a 1'oeil nu et leur elimination est rapidementobtenue par un soin plus grand lors du forgeage.

Plus grave, par centre, est la clique centrale. Cette fissure axiale se developpeeventuellement lorsqu'on cherche a forger un cylindre plein, a partir d'un gros

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CHAPITRE 2 - LES DEFAUTS METALLURGIQUES 15

Fig. 2.11. Chevrons internes, reveles par usinage, dans une piece filee.

lingot, en le comprimant entre les deux pannes d'une presse ou d'un pilon. Ladetermination du reseau des lignes de glissement, associees a ce mode de miseen forme, permet de montrer que la zone de deformation plastique est tresallongee et etiree entre le marteau et I'enclume. Ceci conduit le coeur du lingot aetre soumis a une traction hydrostatique interne. Comme cette zone corresponda la segregation majeure, elle est plus fragile et une fissure pourra s'y develop-per, surtout si les passes de deformation sont trop grandes et que la temperaturede forgeage est trop elevee.

Le filage

Dans un autre precede de mise en forme, le filage, c'est pratiquement la memecause qui est a 1'origine de defauts internes, les chevrons (Fig. 2.11) : un angle d'at-taque trop important sur une filiere, associe a une faible reduction de section, per-met de definir un reseau de lignes de glissement lui aussi tres etroit, qui, de lameme maniere, induit des contraintes hydrostatiques de tension au coeur dumetal. Celles-ci favorisent une dechirure interne, en forme de V, repetees reguliere-ment au centre du lopin. Dans les conditions generales de filage, ces defauts sontassez rares et leur presence aleatoire, ce qui rend leur detection difficile.

Le laminage

Le defaut typique du laminage - ouverture de la tole a la sortie du laminoir selonson plan median - est trop important pour passer inapercu ; de plus, ses con-ditions de formation sont relativement faciles a eviter. Cependant le laminage,avec les forts taux de deformation qui lui sont associes, induit une anisotropieque l'on retrouve sous forme de texture cristallographique (orientations preferen-tielles des cristaux par rapport aux axes de laminage), d'alignement d'inclusionsou de structure de bande. Sans etre des defauts proprement dits, les texturescristallographiques peuvent poser des problemes ulterieurs, en particulier lors de1'emboutissage (Fig. 2.12).

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Fig. 2.12. Cornes d'emboutissage resultant d'une texture marquee.

Difficile a detecter, 1'alignement de chapelets d'inclusions reduit la ductilitetransverse comme deja signale lors de 1'analyse du dechirement lamellaire. Enfin,la structure de bandes est caracteristique des aciers au carbone lamines : a 1'e-tat recuit, 1'alliage presente des bandes successives de ferrite et de perlite. Leurorigine est liee aux zones de segregations interdendritiques de solidification quisont etirees lors du laminage. Ces segregations influent sur la temperature detransformation de 1'austenite. Le carbone, diffusant rapidement a ces tempera-tures, se rassemble dans les zones ou 1'austenite se transforme en dernier, ce quiconduit a des bandes plus riches en carbone, done a des fluctuations locales dedurete.

Sans etre un defaut reellement cree par la deformation plastique, c'est cepen-dant lors du refroidissement qui suit le forgeage ou le degrossissage des lingots,brames ou toles fortes, que se forment les flocons. Ce sont de petits defauts deforme circulaire, de quelques millimetres de diametre, extremement fins et ori-entes aleatoirement dans la piece (Fig. 2.13). Ces petites fissures sont dues aurassemblement local de I'hydrogene a basse temperature, apres deformationplastique. Elles se forment par un mecanisme semblable a celui responsable dela fissuration a froid dans les soudures. On les evite en reduisant la teneur enhydrogene dissous dans le metal de base et en le laissant diffuser hors de la pieceavant complet refroidissement, par maintien a une temperature intermediaire(150 - 200 °C) ou bien en reduisant la Vitesse de refroidissement a 1'aided'isolants appropries.

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CHAPITRE 2 - LES DEFAUTS METALLURGIQUES 17

Fig. 2.13. Flocons responsables de la rupture d'un disque en acier de construction.

L'usinage

L'operation d'usinage est une etape de la fabrication au cours de laquelle on peuttrouver des erreurs d'operation, rarernent des defauts reels.

Parmi les erreurs classiques, les dessins mal interpretes, les cotes rnal repro-duites, les coups d'outils ou les mauvais etats de surface, dont la caracterisationreleve de la metrologie, sont faciles a eliminer. Plus pernicieuse est 1'erreur surla nuance lors du prelevement sur le pare des matieres premieres. La pieceusinee, parfaitement saine au sens metallurgique, n'en sera pas moins, par elle-meme, un defaut au sein d'un assemblage. La detection de cette erreur est dif-ficile et ne pourra se faire generalement que de facon destructive.

Lors de 1'usinage proprement dit, des defauts ne se ferment que rarernent, enraison en particulier du volume tres limite dans lequel 1'arete de 1'outil induit descontraintes et deformations plastiques. Cependant, sans etre producteur dedefaut, 1'usinage peut en etre le revelateur. Ainsi 1'enlevement de metal peutporter a la surface un defaut qui etait peu profond. Dans certains cas, une abra-sion de metal ayant pour objet d'eliminer un defaut tres visible, peut reveler lesdefauts sous-jacents, plus petits.

La rectification est parfois a 1'origine de petits defauts de surface : les tapuresde rectification. Elles sont dues a l''echauffement local tres violent que subit lasurface lors du passage de la meule. Lors du refroidissement qui suit imme-diatement et qui est controle par la conduction thermique du metal, les con-traintes de tension induisent de petites fissures de surface. Leur profondeur estfaible, de 1'ordre du dixieme de millimetre et elles sont imbriquees en reseaufacile a deceler par des methodes magnetiques. Rarernent graves en tant quetelles, elles sont dangereuses car presentes dans un materiau souvent dur, doncfragile, dans lequel elles pourront se propager ulterieurement.

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18 CLEMENT LEMAIGNAN

Incidents dus aux traitements thermiques

Aucun echauffement nl refroidissement de matiere ne peut etre obtenu sans1'etablissement d'un flux de chaleur, donc d'un gradient thermique. Ce gradientthermique, du fait de la dilatation des metaux, conduit au developpement decontraintes internes dont 1'amplitude croit lineairement avec le gradient ther-mique. Ces contraintes sont a 1'origine des tapures lors de la solidification deslingots ou lors du refroidissement qui suit le passage d'une meule de rectifica-tion. On trouvera les memes tapures lors du chauffage brutal d'une grossepiece (tapure interne) ou lors d'une trempe (tapure externe). Des formes per-turbees, augmentant les heterogeneites thermiques, favorisent les risques deformation de tels defauts. De plus, des defauts plus petits, comme des inclu-sions ou des micro-retassures, peuvent servir a 1'initiation de ces tapures.L'utilisation d'aciers a haute trempabilite permet de reduire les vitesses derefroidissement necessaires a la transformation martensitique puisque lesvitesses critiques de trempe sont plus faibles. Reduisant les gradients ther-miques, on reduit ainsi les risques de tapures. Pour le chauffage, il est toujourspossible de reduire la vitesse d'echauffernent en chargeant dans un four froidet en protegeant la piece du contact des flammes ou du rayonnement desresistances a 1'aide d'ecrans.

Le revenu met en osuvre des vitesses de chauffage et de refroidissement plusfaibles et ne conduit pas aux tapures. De plus, il adoucit le metal qui est donemoins fragile. II est cependant necessaire d'eviter, pour les aciers au chrome, lafragilite induite dans le domaine des 475 °C, domaine que l'on cherchera a tra-verser rapidement lors du refroidissement.

Enfin, 1'atmosphere du four de traitement thermique reagit avec la surface dumetal et, dans le cas des aciers, une decarburation superficielle est frequente.Elle reduit la durete superficielle et done la resistance a la fatigue ou a 1'usurede la piece. II est parfois difficile de preciser la profondeur de cette zoneautrement que par micrographie.

Le suivi des defauts : le controle non destructif

En presence de tels defauts, une connaissance precise de leur localisation etde leur geometrie est imperative pour predire le comportement de la structureen service. Des essais detailles et destructifs sont utiles pour un suivi continude la fabrication. Ils sont realises par prel;evements sur la ligne de fabricationen vue d'une analyse fine des mecanismes de formation de ces defauts. II estevident que les imperatifs economiques imposent d'utiliser aussi des tech-niques de controles en continu qui n'induisent aucun dommage a la piece con-trolee. Utilisees regulierement dans les secteurs industriels de la metallurgieet de la mecanique [B20], les techniques d'examens non destructifs (END)meritent une presentation rapide, compte tenu de leur importance commeapport a la connaissance des defauts, en vue de preciser leurs impactspotentiels.

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CHAPITRE 2 - LES DEFAUTS METALLURGIQUES 19

Les rayons X et y

Les techniques de radiographie sont fondees sur 1'absorption des rayonnementselectromagnetiques lors de la traversee des materiaux. L'attenuation du faisceaucroissant avec 1'epaisseur traversee, tout defaut, correspondant peu ou prou a unmanque de matiere(2), sera detecte par une intensite transmise localementsuperieure. L'intensite transmise est obtenue par la relation :

ou est le coefficient d'attenuation lineique qui depend du materiau et de 1'en-ergie du rayonnement electromagnetique, et x 1'epaisseur parcourue.

La technique consiste a emettre un faisceau a 1'aide d'un tube a rayons X (50 a500 kV), ou d'une source radioactive y pour les fortes energies (photons de 0,5 a5 MeV), et a analyser le faisceau transmis a 1'aide d'un detecteur sensible a cerayonnement, generalement un film photo, mais de plus en plus souvent un dis-positif a semi-conducteur. Compte tenu des flous geometriques, les resolutions quipeuvent etre obtenues sont de 1'ordre 150 m au mieux, et on peut detecterun defaut correspondant a un manque de matiere de 1'ordre de 1 % de 1'epaisseurtraversee.

On remarquera que, comme le contraste de detection est lie a la difference d'e-paisseur traversee par les photons, les RX sont particulierement adaptes

Fig. 2.14. Radiographie X d'une piece avec un defaut.

121 Le cas d'une insertion d'un element etranger a plus forte absorption, comme une gouttede tungstene dans un cordon de soudure, conduira a un contraste inverse.

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20 CLEMENT LEMAIGNAN

a la detection de defauts dont le plan principal est parallele a la direction de prop-agation du faisceau. Des techniques plus elaborees, comme la tomographie, ousource et film se deplacent parallelement, permettent d'explorer un plan particuli-er de la structure et ainsi de preciser la structure tridimensionnelle des defauts.

Une variante de cette technique consiste a utiliser un faisceau de neutronspour explorer la structure. On utilise alors la tres grande variabilite de la sectionefficace d'absorption des neutrons thermiques selon les isotopes, ce qui perrnetde renforcer le contraste par ajout d'un element fortement absorbant. La neu-tronographie permet ainsi de bien detecter la presence d'une phase peu densedans une structure tres absorbante aux photons (par exemple des collesorganiques dans des structures en acier).

Les ultrasons

Le controle par ultrasons consiste a propager un ebranlement elastique, ouplus precisement un train d'ondes, dans une piece a 1'aide d'un traducteurultrasonore (qui transforme une impulsion electrique en deplacement par effetpiezo-electrique) et a mesurer les echos ou les attenuations que les defautspresents induisent sur la propagation de cet ebranlement. La figure 2.15donne un schema des techniques utilisees dans ce type de controle. Ils sontgeneralement realises avec des appareils plus ou moins autonomes, sur site ou

Fig. 2.15. Schema de principe de la detection de defauts par controle ultrasons.

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CHAPITRE 2 - LES DEFAUTS METALLURGIQUES 21

en atelier. Ils necessitent toujours la presence de fluide pour assurer le cou-plage entre la source d'emission, la piece et le capteur. Les frequences utiliseessont de 1'ordre de quelques MHz. A 1'oppose des RX, ce mode de controle estsurtout sensible aux defauts dont le plan principal est perpendiculaire au fais-ceau. En jouant sur 1'incidence, on peut eventuellement obtenir cette conditionpar une orientation controlee du faisceau emis.

Dans le cas de 1'echo-localisation ou echographie (A), la mesure du tempsnecessaire au re tour de 1'echo permet de preciser la distance a laquelle celui-cise situe. En effet le temps au bout duquel est detecte 1'echo est donne par larelation :

Par deplacement le long de la surface, on peut preciser la geometric de la sur-face reflechissante dans la piece. II est par ailleurs possible de focaliser le faisceauultrasonore et, par la, d'affiner la detection des defauts internes par deplacementen 3D du capteur (B). Une autre variante consiste a separer emetteur et detecteuret a determiner 1'intensite du faisceau transmis, corrige des effets d' attenuation etde diffusion. II est courant de representer les resultats de ces controles selon 1'undes trois modes suivants : le mode A precise la localisation du defaut en pro-fondeur au droit d'un point donne de la piece, le mode B decrit une cartographicen profondeur selon une section plane, alors que le mode C correspond a une pro-jection sur la surface de la position des discontinuites sources des echos. La com-binaison des modes B et C permet une visualisation 3D de la localisation desdefauts.

Comme la taille du defaut peut etre comparable a celle du faisceau et auxlongueurs d'ondes, les ondes emises en reflexion par le defaut vont naturelle-ment conduire a des phenomenes de diffractions et d'interferences. Lesdeveloppements modernes du controle ultrasonore les utilisent pour unemeilleure determination de la geometrie du defaut : un jeu de capteurs est uti-lise pour recueillir les faisceaux diffractes et, par une analyse de Fourier inversede leurs amplitudes et phases, on peut developper une "reconstruction dedefaut" qui consiste a determiner la geometrie d'un defaut "ideal", generalementellipsoide, qui conduirait aux memes phenomenes.

Les performances des techniques modernes de controle par US permettent dedetecter des defauts de la fraction de millimetre dans des pieces de plusieursdecimetres ou de quelques dizaines de micrometres dans des toles ou des tubesd'epaisseurs inferieures au millimetre.

Autres techniques

Principalement utilisees pour la detection de defauts de surface, debouchantou non, les techniques les plus usuelles fondees sur les proprietes electro-magnetiques des materiaux sont les courants de Foucault et la magneto-scopie.

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22 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 2.16. Technique de controle de tubes par courants de Foucault.

Les courants de Foucault

La methode des courants de Foucault consiste a creer par induction electroma-gnetique un courant de surface dans le metal (elle n'est donc applicable qu'a desconducteurs electriques) et a mesurer les differences de comportement (impedancelocale) induites par des defauts presents sur le developpement des courantsinduits. Par deplacement sur la zone a sonder, un capteur, constitue de deuxbobines identiques, balaye le metal de part et d'autre du defaut. La valeur des self-impedances de ces bobines varie en fonction de 1'intensite et de la phase descourants induits, et done de I'existence ou non d'un defaut qui les affecte. Pour desraisons evidentes de sensibilite, on travaille d'habitude de facon differentielle.L'image dans le plan complexe (phase, amplitude) du signal fortement amplifiepermet de preciser la surface equivalente et la profondeur du defaut.

Comme la profondeur de penetration des courants de Foucault depend de lafrequence, une analyse de 1'evolution du signal avec la frequence renseigne aussisur sa profondeur. Les appareils modernes permettent une telle analyse multi-frequence et, pour le controle systematique de production, declenchent automa-tiquement la mise au rebut de pieces contenant des defauts depassant lescriteres d'acceptabilite. Des defauts inferieurs a 50 (o-m sont facilement detectespar courants de Foucault, dans des installations industrielles ou la Vitesse dedefilement depasse les 10 m s"1. Le schema d'une telle installation est presenteen figure 2.16, ou deux bobines encerclantes identiques et montees en differen-tiel sont traversees par les tubes a controler.

La magnetoscopie

Les methodes de magnetoscopie consistent a localiser les perturbationsdes lignes de champ magnetique qu'un defaut fait subir a un materiau

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CHAPITRE 2 - LES DEFAUTS METALLURGIQUES 23

Fig. 2.17. Perturbations des lignes de champ induites par un defaut de surface et locali-sation de la poudre d'oxyde de fer associee.

ferromagnetique place dans un champ d'induction. Deux methodes sontcouramment utilisee : soit on place la piece dans un champ magnetique (lapiece peut fermer un circuit magnetique cree par un enroulement sur unnoyau en U aux extremites duquel elle est mise en contact, ou constituer elle-meme le noyau d'une bobine d'aimantation), soit on fait parcourir la piece parun courant continu de forte intensite. Ces deux methodes sont complemen-taires car elles conduisent a des champs perpendiculaires : la premiere permetde detecter les defauts transversaux, la deuxieme les defauts longitudinaux.Cette magnetisation realisee, on asperge la piece d'un fluide contenant unepoudre ferromagnetique. II s'agit generalement d'un liquide organique danslequel une poudre fine d'oxyde de fer, de granulometrie egale au micrometre,est mise en suspension. Ces particules viennent se fixer sur les fuites magne-tiques induites par les defauts, permettant de les localiser a 1'oeil (Fig. 2.17).Les perturbations de champ se developpant aussi pour des defauts nondebouchants, mais situes sous la surface, ces derniers peuvent aussi etredetectes par cette methode. Un operateur experimente detecte des defautsdont la profondeur est inferieure a 100 |xm. II est necessaire de demagnetiserles pieces apres examen.

Le ressuage

La technique de ressuage consiste, apres avoir nettoye la piece a examiner, a pul-veriser sa surface d'un liquide mouillant, fluide et facilement visualisable(couleur vive ou fluorescente). On laisse les defauts debouchants s'impregner dece liquide, puis on en elimine 1'exces reste en surface, par un nettoyage quirepresente 1'etape critique : trop pousse, il vide les fissures du liquide penetrant,trop faible il laisse en surface du liquide, source d'indication erronees. La pro-jection d'une poudre fine conduit, par capillarite, au rappel en surface de ce flu-ide, au droit des defauts, permettant leur localisation. Si cette technique estfacile et rapide a mettre en osuvre, en particulier en raison de la disponibilite desproduits utilisees sous forme de bombes aerosol, il faut souligner qu'elle ne s'ap-plique qu'a des defauts debouchants, meme s'ils sont tres fins (largeur minimaledetectable de 1'ordre de 5 (Jim).

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24 CLEMENT LEMAIGNAN

L'emission acoustique

Sans etre stricternent une technique de controle non destructive, 1'emissionacoustique permet de localiser des defauts dans des structures. Elle est obtenuelors de 1'application d'une sollicitation plus intense que celles correspondantau service normal. Celle-ci developpe une deformation plastique au voisinagedes defauts, en raison des singularites de contraintes qu'ils induisent (ch. 4).Ces deformations, relaxant les contraintes locales, sont la source d'ebranle-ments elastiques qui se propagent dans la structure. Une serie de capteurs,judicieusement places sur la structure, permet de remonter, par analyse des

Tableau 2.1. Caracteristiques comparees des methodes de controle non destructif.

Technique

Ressuage

Magnetoscopie

Courants deFoucault

Radio X et 7

Ultrasons

Type dedefauts

detectables

Debouchanten surface

Surfaciqueou sub-

surfacique

Defautssuperficiels

En volumeDefauts //flux dephotons

Au sein duvolume,

Defauts 1propagationdes ondes

Sensibilite etpouvoir

separateur

Liquide colore :50 x 200 mfluorescent :1 x 20 m

Fraction de mm

Detection100 m

Penetration mma cm selon

energie.Resolution :

fraction de mm

Epaisseur > 1 m,Extension enmicroscopieacoustique

(resolution1 m)

Mise enceuvre

Tres facile,sur site

Installationspecifique,

atelier

Facile,equipements

portatifs.En ligne defabrication :

jusqu'a

Installationlourde,

utilisable sursite par

personnelqualifie

Tres facilesur site et en

ligne deproduction

Limitations

Impossiblesur materiaux

poreux

Materiauxferromagnetiques

uniquement

Impossiblesur les

materiauxnon-

conducteurs

Lent

Ne convientpas aux

materiaux tresheterogenes

Page 33: Rupture Des Materiaux

CHAPITRE 2 - LES DEFAUTS METALLURGIQUES 25

retards de detection, aux lieux d'emission. Bien adaptee aux grandes structures,cette technique peut etre utilisee a 1'occasion d'epreuve hydraulique d'appareilsa pression de grande taille. Elle est aussi utilisee au laboratoire sur de petitsechantillons pour preciser 1'instant de propagation d'un defaut ou d'une fissureparticuliere.

L'evolution des defauts

En presence d'un defaut detecte dans une piece ou dans un assemblagemetallique, il est necessaire de connaitre le danger qu'il peut representer lors de1'usage normal ou accidentel pour lequel 1'objet a ete concu. Divers comportementspeuvent apparaitre : au cours de la duree de vie pour laquelle la piece a ete definie,le danger peut rester identique a lui-meme. II peut aussi evoluer lentement, ce quidemandera un controle a intervalles reguliers. Enfin, il peut aussi conduire a larupture lors de la mise en service ou lors des essais preliminaires.

Les developpements recents de 1'analyse des contraintes en presence d'undefaut permettent maintenant de preciser dans quelles conditions tel ou tel com-portement peut avoir lieu. Sans vouloir presenter en detail ces approches, ce quidepasserait largement le cadre de cet ouvrage, et laissant le lecteur interesseconsulter les livres cites en reference, nous donnerons quelques apercusgeneraux sur la facon de traiter les singularites elastiques induites dans unepiece par la presence de defauts. Nous verrons comment on peut en deduire lecomportement ou 1'evolution de ces defauts.

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Cette page est laissée intentionnellement en blanc.

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Les moyens de caracterisationdes ruptures

La fractographie est la technique permettant de quantifier, par un examen fin,les surfaces de rupture en vue de comprendre les mecanismes qui en sont

a I'origine. Les echelles utilisees vont de I'ceil, pour des aspects macroscopiques,aux microscopies optiques ou electroniques et peuvent impliquer des techniques

de micro-analyse.

La fractographie

L'objet de la fractographie est de determiner les caracteristiques des surfaces derupture en vue de preciser les mecanismes ayant conduit a leur formation. Selon1'echelle a laquelle on se place, les informations tirees de 1'observation n'aurontpas le meme impact dans 1'analyse. L'aspect macrographique permet de preciserle ou les sites d'amorcage, 1'existence de diverses zones a morphologies variees,correspondant a des modes de rupture distincts ou a la presence eventuelle dediverses lignes d'arret, qui localisent le front de fissures a diverses etapes de lapropagation, comme cela peut s'observer sur la figure 3.1. Au niveau micro-scopique (a 1'echelle du micrometre), les structures de surfaces sont typiquesd'un mecanisme particulier et seront detaillees au fur et a mesure de leursetudes.

L'oeil, seul ou aide d'une loupe binoculaire (20 - 40 X), permet de preciserles principaux traits geometriques (grandes lignes permettant la localisation de1'origine et des positions successives du front de fissure, changement d'aspectrevelant une transition dans le mode de propagation, zones colorees revelantdes produits de corrosion...). Le pouvoir separateur de 1'oeil est de 1'ordre de uneminute d'angle, ce qui permet de detecter des details de 1'ordre de 25 m a unedistance de 25 cm.

L'utilisation du microscope optique se trouve limitee par sa faible profondeurde champ. Comme les surfaces de ruptures sont generalement irregulieres, il estdone impossible d'observer directement les surfaces sans preparation. On palliecette limitation en realisant une coupe plane de metallographie, normale a lasurface de rupture. Un renforcement des bords peut etre obtenu par un depotelectrolytique de nickel ou d'un autre materiau dur. On peut ainsi acceder a unevision du chemin de propagation de la surface de rupture et le correler a descaracteristiques metallurgiques du materiau. La figure 3.2 montre ainsi la dif-ference entre une propagation intergranulaire et transgranulaire dans un acier.

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28 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 3.1. Aspect macroscopique de la rupture d'une pale d'eolienne en alliage leger.On determine facilement les sites d'amorcage et la progression du front de fissuration,avant rupture brutale sur la zone reperee "F".

Fig. 3.2. Observation par metallographie optique de ruptures transgranulaire (clivage) etintergranulaire (decohesion) dans un acier doux a gros grains.

Page 37: Rupture Des Materiaux

CHAPITRE 3 - LES MOYENS DE CARACTERISATION DES RUPTURES 29

A fort grossissement, 1'utilisation du microscope electronique a transmissionse heurte a la quasi-impossibilite de realiser des lames minces dans le plan de lasurface de rupture. Une empreinte de la surface peut etre obtenu sur un film decarbone, soit directement de facon destructive, soit a 1'aide d'une empreinteintermediaire en acetate ou en nickel (double replique). Apres decapage etombrage au chrome ou au platine, on observe en transmission la feuille de car-bone. Frequemment les precipites presents sur la surface de rupture sont trans-feres sur la replique (Fig. 3.3) et leur analyse est possible dans le microscope pardiffraction electronique et micro-analyse X.

Fig. 3.3. Observation d'une rupture induite par des precipites allonges, partiellementextraits lors de la realisation de la replique au carbone.

Le microscope electronique a balayage

Le developpement technologique des microscopes electroniques a balayage(MEB) est tel que cet outil est devenu maintenant le support privilegie desetudes microscopiques des surfaces de fracture. En effet, d'un cout comparablea celui d'un microscope optique, cet appareil apporte les informations et avan-tages suivants :• pratiquement aucune preparation de 1'echantillon, si ce n'est le preleve-

ment pour un volume total de 1'ordre de quelques centimetres cubes. Pourles materiaux isolants, une vaporisation fine (quelques nm) d'or ou decarbone permettra 1'ecoulement des charges deposees par le faisceauelectronique ;

• une observation non destructive permettant une reprise ulterieure de 1'examen ;• une resolution geometrique de la surface de quelque 10-100 nm, associee a

une profondeur de champ de 1'ordre de la taille de la plage examinee ;• la possibilite d'une analyse chimique locale de la zone d'impact du faisceau

electronique, par spectrometrie du faisceau X emis par cette zone (resolutionspatiale de ~ 1 |xm).

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30 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 3.4. Schema de principe du microscope a balayage.

L'appareil lui-meme, schematise en figure 3.4, est constitue d'une colonneelectronique ou un faisceau accelere par un canon (15-25 kV) est conduit sur lasurface de 1'echantillon qu'il vient frapper localement ; la surface a examiner estexploree par balayage de ce faisceau. Les electrons arrivent sur cette cible, y sontralentis, et absorbes ou reemis vers I'exterieur. L'interaction du faisceau incidentavec les atomes de 1'echantillon conduisent a la liberation d'electrons qui,arrivant a la surface, servent a la formation de 1'image observable.

Les electrons secondaires

Parmi les electrons emis, on utilise plus frequemment ceux qui ont ete liberespar ionisation des atomes de 1'echantillon, et qui sont dits secondaires ; ils ontune faible energie (quelque 100 eV). Leur faible parcours dans la matiere con-duit a ce que seuls ceux induits pres du point d'impact du faisceau peuventquitter la surface.

La resolution spatiale en electrons secondaires est done liee a la taille dufaisceau electronique au point d'impact. En raison de la faible energie de ceselectrons, une legere polarisation electrique permet de les collecter et de con-naitre leur flux par I'intermediaire d'un scintillateur et d'un photomulti-plicateur (Fig. 3.5). Cette chaine de detection assure une amplification par unfacteur de 104 a 106 du signal d'electrons secondaires. Pour une meme inten-site reemise par 1'echantillon, 1'orientation relative entre la surface et le col-lecteur conduira a une detection differente. On peut ainsi avoir acces a uneperception du relief de 1'echantillon. En modifiant 1'amplitude du balayageelectronique, on parcourt la surface a des grandissements variables. Le signalprovenant du photomultiplicateur est envoye a la Wehnelt d'un tube d'imagerie

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CHAPITRE 3 - LES MOYENS DE CARACTERISATION DES RUPTURES 31

Fig. 3.5. Sytemes de detection principaux en microscopie a balayage.

balaye en synchronisation. On peut y observer 1'image de la surface examineeet eventuellement 1'enregistrer sur support photographique, magnetique oumaintenant digital.

Les electrons retrodiffuses et imagerie X

Les electrons retrodiffuses par interaction elastique Rutherford sur les noyauxproviennent, eux, de 1'ensemble du volume de freinage. Comme cette diffusionRutherford est fortement dependante de la charge electrique du noyau (numeroatomique), 1'intensite des electrons retrodiffuses donne une idee de la composi-tion locale. De plus, des phenomenes de canalisation cristallographique permet-tent, dans certaines conditions, de preciser les orientations de chaque grain etdone d'acceder a la cristallographie locale (lignes de pseudo-Kikuchi et tech-niques d'EBSD - electron back scattering diffraction).

De plus, lorsque 1'interaction entre les electrons incidents et les electrons desatomes cibles conduit a une ejection d'un electron Is ou 2s, le freinage des elec-trons s'accompagne de 1'ernission de photons X correspondant au rearrangementdu cortege electronique (emission X des raies Ka, KB ou L). Le spectre X ainsiemis provient de 1'ensemble de la zone de freinage des electrons (poire de freinagedont le volume est de 1'ordre du micrometre cube). En premiere approximation,les intensites emises sont proportionnelles aux concentrations locales, mais onpeut tenir compte d'un certain nombre de corrections :

• 1'intensite emise depend, pour un element donne, de la tension d'accelerationdes electrons, les excitations electroniques n'ayant pas toutes les memesprobabilites d'occurrence (correction de numero atomique, Z) ;

Page 40: Rupture Des Materiaux

32 CLEMENT LEMAIGNAN

• lors de leur trajet entre 1'atome d'emission et la surface libre de l'echantillon,certains photons X sont absorbes par le materiau analyse, et ce d'autant plusque celui-ci est de masse atomique eleve (correction d'absorption, A) ;

• enfin, s'ils sont assez energetiques, ces photons peuvent interagir avec lescorteges electroniques des atomes qu'ils traversent, en induisant de nouvellesionisations, en particulier s'ils sont legers. Leur desexcitation conduit a1'emission de raies X correspondant au rearrangement de la perturbation. IIs'agit d'un phenomene de fluorescence (correction F)

L'ensemble de ces corrections, dites de ZAF, sont effectuees par des programmesinformatiques aux procedures bien etablies dans le cas des echantillons homogenesa surface plane. Dans le cas des surfaces irregulieres, comme celles rencontreeslors des examens de rupture, diverses procedures de corrections ont ete proposees,fondees sur une analyse des intensites relatives des pics de raies et celles des fondscontinus.

Page 41: Rupture Des Materiaux

Les perturbations localesdes contraintes induites par

les singularites geometriques

Des defauts tels que les trous ou les entailles creent des concentrations localesde contraintes. La fissure, a rayon a front d'entaille nul, induit une slngularlte

de contraintes, les contraintes divergeant en tete de fissure. On Introdult le facteurd'lntenslte de contralnte Kt qul permet de quantifier la distribution des contraintes

en tete de fissure. On en dedult des conditions de propagation mlnlmale fondeessur un bllan energetlque : I'energle elastlque llberee par la propagation dolt e~tre

superleure a I'energle des surfaces creees.

Dans le cas general, les ruptures observees sur les elements d'assemblage se sontpropagees a partir de singularites geometriques telles que defauts, conges de rac-cordement a faible rayon, cavites, etc. Un examen des origines et mecanismes deformation de tels defauts a ete propose au chapitre 2. Dans ce chapitre, nousexarninons la maniere de quantifier les perturbations qu'elles induisent localernentsur les solicitations mecaniques. Ceci conduira a developper les concepts de fac-teur de concentration de contrainte k et de facteur d'intensite de contrainte KI.

Les concentrations de contraintes

Intuitivement, il apparait naturel qu'une perturbation geometrique cree, dansson environnernent immediat, une zone ou les contraintes induites par les sol-licitations exterieures seront modifiees, generalement augmentees. Le facteurmultiplicatif local des contraintes que le defaut induit est appele facteur de con-centration de contraintes, note ka.

ou global represente le niveau de contraintes en 1'absence du defaut au point ouil est localise, ou, ce qui revient au meme, hors des perturbations induites parcelui-ci et local les contraintes maximales induites localement par le defaut.

ka est un nombre sans dimension, dont la valeur est done conservee lorsd'une homothetie, par exemple lors de la realisation d'une maquette. Quelquesexemples de calcul du facteur de concentration de contraintes sont detaillesci-apres.

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34 CLEMENT LEMAIGNAN

Trou cylindrique dans une plaque

Un des cas les plus simples de determination d'un facteur de concentration decontraintes correspond a la situation d'un trou cylindrique fore dans une plaquesoumise a une traction unidirectionnelle, comme presente en figure 4.1. Diversesmethodes de calcul permettent de determiner le champ de contraintes au voisi-nage du trou. Dans un repere cylindrique reference sur 1'axe de la cavite, la solu-tion des equations de 1'elasticite correspondant a ce probleme s'exprime sous laforme suivante :

oii a est le rayon du trou cylindrique, r la distance du point courant au centre et Ola contrainte de traction unidirectionnelle appliquee dans la direction 0 = O- .

On peut remarquer que le maximum des contraintes est situe en bordure dutrou et que le coefficient multiplicatif vaut 3 pour les contraintes de traction a

Fig. 4.1. Plaque percee d'un trou cylindrique et soumise a une contrainte uniaxiale a I'infini.

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CHAPITRE 4 - PERTURBATIONS DES CONTRAINTES INDUITES PAR GEOMETRIQUES 35

6 = /2 et 3- /2. On en deduit que le coefficient de concentration de contraintesassocie a un trou cylindrique est egal a ka = 3, lors de solicitations normales a1'axe du trou.

Par ailleurs, on remarque que la modification des contraintes liees a cette sin-gularite decroit rapidement avec la distance au defaut geometrique (en 1/r2).Ainsi, a une distance egale a deux diametres du centre, 1'increment de con-traintes lie a la presence du defaut n'est plus egal qu'a 5 %.

D'une facon plus generate, on peut exprimer que 1'effet mecanique de lapresence d'un defaut s'estompe a une distance egale a deux fois sa dimensioncaracteristique (principe de Saint-Venant).

Geometries derivees

Le meme type d'approche a ete applique a des variantes du probleme precedent.Le cas de la sphere creuse donne un facteur de concentration de contraintes

qui depend des proprietes elastiques du materiau, en particulier du coefficient dePoisson v.

ka (sphere) = (27 - 15 u)/(14 - 10 v), soit environ 2 pour les metaux.

La presence d'une inclusion spherique ou ellipsoi'de est semblable au problemeprecedent, en y incorporant les proprietes elastiques du materiau constitutif de1'inclusion. Le facteur de concentration de contraintes est alors une fonction de lageometrie de 1'ellipsoide et des proprietes elastiques des deux milieux.

Des qu'on s'ecarte de la symetrie cylindrique, la resolution du meme problemeen coordonnees elliptiques permet d'acceder a la solution pour une cavite ellip-so'idale dans une plaque soumise a une contrainte uniforme parallelement a 1'undes axes de 1'ellipse (Fig. 4.2). Le lieu de concentration maximale de contraintesest evidement place en tete de 1'entaille. Pour une ellipse de grand axe b et depetit axe a, le facteur de concentration de contraintes est egal a :

ka (ellipse) = 1 + 2 b/a

Fig. 4.2. Entaille elliptique, approximation d'une cavite de geometrie complexe.

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36 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 4.3. Defaut general.

Pour un defaut geometrique de forme quelconque, il est toujours possibled'utiliser une approximation au premier ordre sous forme d'un cylindre a baseelliptique (Fig. 4.3). Une extension du resultat precedent conduit a 1'evaluationgenerale de K . Ainsi, en considerant 1'ellipse equivalente au defaut pres dupoint ou est evalue k , deux grandeurs sont suffisantes pour le caracteriser :la longueur de la demi-ellipse a et son rayon de courbure a fond d'entaillep = b2/a.

On obtient alors un resultat general pour le K d'un defaut dont la geometriepeut etre reduite a une longueur a et un rayon a fond d'entaille p :

que l'on reduit generalement au seul deuxieme terme :

Pour des geometries variees, telles que celles qu'on rencontre dans des piecesindustrielles, diverses tables et abaques permettent de quantifier les concentra-tions de contraintes induites par les conges, gorges, etc. La figure 4.4 donne uneliste de cas typiques.

Il est clair que la reduction du rayon de courbure de 1'entaille conduit a uneaugmentation de la valeur du facteur de concentration de contraintes et, qu'a lalimite, les contraintes locales divergent. A rayon a fond d'entaille nul, le conceptde facteur de concentration de contraintes n'est plus utilisable. II faut introduireune maniere specifique de decrire cette singularite de contraintes, ce point est1'objet de la prochaine section sur le facteur d'intensite de contraintes.

(4.2)

Le facteur d'intensite de contraintes

Lorsque le rayon a fond d'entaille du defaut tend vers zero, les contraintes en tetede celui-ci divergent. La description de cette singularite de contraintes demandede resoudre les equations de 1'elasticite en imposant des conditions aux limitescorrespondant a une coupure dans le plan, la surface de fissure.

Page 45: Rupture Des Materiaux

CHAPITRE 4 - PERTURBATIONS DES CONTRAINTES INDUITES PAR GEOMETRIQUES 37

Fig. 4.4. Diverses valeurs de facteurs de concentration de contraintes pour des geometriesindustrielles.

Les modes de sollicitation

L'ouverture d'une fissure peut etre obtenue selon trois modes independants desollicitations (Fig. 4.5) : le mode I, le plus naturel, correspond a une traction nor-male au plan de la fissure ; les modes II et III sont obtenus lors de cissions dans

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38 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 4.5. Schema des trois modes de sollicitation sur une fissure.

le plan de la fissure. Pratiquement on considere principalement le mode I, maisles situations correspondantes au mode II ou III sont frequentes (raccords deconduites sur reservoirs a pression, dilatation thermique differentielle d'assem-blages, arbres en flexion-torsion, etc.).

L'evaluation des singularites de contraintes

On peut remarquer que le probleme pose ne peut etre resolu qu'en deux dimen-sions. La resolution des equations de 1'elasticite avec ces conditions aux limites,introduite en annexe Al, fait intervenir des fonctions de variables complexes avecpresence d'un pole localise en fond de fissure. Un developpement limite de cesfonctions pres du pole permet d'extraire une fonction, localement divergente, quisatisfait aux equations de 1'elasticite et aux conditions aux limites, et permetdone de decrire la singularite de contraintes.

Pour les conditions de mode I, correspondant a la figure 4.6, c'est-a-dire unefissure dans le plan Ox et des contraintes uniaxiales perpendiculaires O a 1'infi-ni et une grande dimension selon Oz (deformation plane), la singularite de con-traintes est decrite, au voisinage du front de fissure, par les expressions :

(4.3)

Page 47: Rupture Des Materiaux

CHAPITRE 4 - PERTURBATIONS DES CONTRAINTES INDUITES PAR GEOMETRIQUES 39

Fig. 4.6. Systeme de reperes utilises pour decrire la singularite des contraintes en tetede fissure.

La solution presentee est celle correspondant aux conditions de deformationplane. Elle conduit a des comportements specifiques, dont les consequencesseront decrites dans le chapitre 8 sur la deformation plastique en fond de fissure.

II est aussi possible de donner les solutions pour les conditions de contraintesplanes. Ce mode de chargement est obtenu en particulier quand la dimension dela structure selon Oz est faible.

(4.4)

Le calcul du facteur d'intensite de contraintes

Dans 1'ensemble de ces equations, la description de la singularite de contraintesest done le produit de deux termes :

• un terme en /(0) qui integre toutes les grandeurs geometriques locales

en tete de fissure,• et un terme, note K, indice selon le mode de chargement (I, II ou III), qui inte-

gre les conditions macroscopiques du chargement (geometric de la fissure etsolicitations a grande distance).

Page 48: Rupture Des Materiaux

40 CLEMENT LEMAIGNAN

Ce terme Kest appele le facteur d'intensite de contraintes, appellation peujudicieuse, car ce "facteur" est une grandeur ayant une dimension [contrainte *longueur1/2]. Il s'exprime, dans le systeme international, en une unite peucourante : le Pa m1/2, ou plus generalement par son multiple le MPa m1/2.Le hasard veut que cette unite soit proche de celle utilisee outre-Atlantique(ksi vin.) : 1 MPa m1/2 ~ 1,1 ksi Vin. (Kilopound per square inch root of inch).

Pour les deplacements, selon les axes principaux, on obtient :

w = 0 (4.5)

La valeur des emplacements des levres de la fissure (9 = ±TT) permet de deter-miner la forme de la fissure : en chargement, les levres decrivent un cylindreparabolique, et 1'ouverture externe (v pour r = a) est proportionnelle a la valeurde KI. Si l'on connait les contraintes appliquees, la simple mesure de 1'ouverturede la fissure permet donc de preciser sa profondeur.

De meme, pour le mode II, la singularite de contraintes est decrite localementpar les equations suivantes :

(4.6)

o zz = v ( XX + yy) en deformation plane et zz = 0 en contraintes planeset en mode III par :

(4.7)

Etant definis localement par rapport au front de fissure, les termes en r et0 sont independants des conditions macroscopiques de sollicitation (taille de lafissure et contraintes). Aussi le champ de contraintes au voisinage de la singu-larite est-il totalement decrit par la seule connaissance du facteur d'intensite decontraintes. Ce dernier est suffisant pour determiner les sollicitations induites

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CHAPITRE 4 - PERTURBATIONS DES CONTRAINTES INDUITES PAR GEOMETRIQUES 41

par une fissure et des contraintes macroscopiques particulieres. Caracteriserune fissure donnee se reduira done a evaluer le KI (KII ou KIII) qui lui est associe.

Le calcul des facteurs d'intensite de contraintes est un travail complexe quipeut parfois etre conduit de facon analytique, mais qui generalement necessite1'utilisation de code aux elements finis. Pour des applications concretes, il existedes atlas de facteurs d'intensite de contraintes qui permettent d'evaluer de faconsatisfaisante la valeur de K1 pour la plupart des situations effectivement rencon-trees dans les structures industrielles [B9]. A titre d'exernple, la figure 4.7presente les valeurs recommandees pour des geometries de fissures relativementclassiques. On retiendra que la relation KI = .a est tres satisfaisante pourune premiere approximation de la valeur du facteur d'intensite de contraintes.

Pour des applications demandant une rigueur de traitement, des ensemblesde regies d'analyse et d'utilisation des codes de calculs precisent la maniere de

Fig. 4.7. Valeurs des facteurs d'intensite de contraintes pour divers types de fissures.

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42 CLEMENT LEMAIGNAN

considerer de facon conservative des situations concretes de fissures les pluscomplexes : pour les cuves de centrales nucleaires, les codes ASME sect. Ill auxEtats-Unis ou RCCM en France repondent a ces objectifs [B19]. Un exernple decalcul detaille d'une fissure dans la paroi d'un tube sous pression est presenteen annexe A2.

Cornpte tenu de 1'importance pratique du mode I, dans la suite de ce documenton ne se penchera plus que sur les sollicitations de ce type. En mode II et III, lesfrottements reduisent la transmission des sollicitations en tete de fissure et laconnaissance de'celles qui sont effectivement appliquees en fond de fissure estparticulierement delicate a obtenir. Des situations de sollicitations mixtes (I + IIou I + III), correspondant a une inclinaison de la fissure par rapport a 1'axe dechargement, font maintenant 1'objet d'etudes approfondies, en particulier pourdeterminer le comportement, lors d'un choc externe, d'une piece en cours defissuration sous sollicitation statique.

Distribution des contraintes

Un certain nombre de points doivent etre discutes au vu de ces equations :Ainsi qu'il est detaille en annexe Al, les equations presentees ci-dessus ne sont

que les approximations au premier ordre du developpement limite de fractionsrationnelles en z (complexe). Tant qu'on reste a courte distance du front de fissure,les erreurs liees a cette approximation restent faibles, mais elles augmententrapidement, des qu'on s'ecarte significativement du front de fissure. Ainsi en modeI, 1'erreur relative est inferieure a 1 % pour r/a = 1,01, atteint 25% pour r/a =1,5 et depasse 60 % a une distance egale a la longueur de la fissure. On s'interessecependant a la singularite de contraintes, c'est-a-dire au voisinage immediat dufront de fissure et ce point est generalement sans consequences.

La resorption de la singularite de contraintes se fait plus lentement dans lecas d'une fissure que dans le cas d'un defaut. En effet 1'evolution des contrainteslocales est une fonction en l/ r au voisinage immediat de la fissure, decroissantplus lentement que pour un defaut a rayon de courbure non nul (en r-2). Lechamp de contraintes associe a la singularite s'etend done largement en amontdu defaut. Cependant, pour un calcul complet, on retrouve le principe de Saint-Venant : a une distance egale a deux fois la dimension de la fissure, les con-traintes ne sont plus egales qu'a 1,02 0.

Les sollicitations en tete de fissure dependent de facon non lineaire desdimensions de la structure etudiee, et en particulier de la longueur de la fissure.II s'ensuit que le facteur d'intensite de contraintes n'est pas conserve par unehomothetie ni donc lors de la realisation d'une maquette.

Le calcul des contraintes conduit a des valeurs infinies en tete de fissure.Cette situation est physiquement irrealiste. Le comportement des materiauxconduira soit a une deformation plastique, soit a une rupture. C'est a partir dela connaissance des distributions de contraintes que ce comportement peut etredecrit. Ces points seront discutes ulterieurement. La mecanique de la rupturene considere d'abord que les situations d'elasticite lineaire pour se pencher

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CHAPITRE 4 - PERTURBATIONS DES CONTRAINTES INDUITES PAR GEOMETRIQUES 43

seulement ulterieurement sur les consequences pour les materiaux. Lorsqu'unepart importante de la piece etudiee est en condition de deformation plastiqueau moment de la rupture, une approche specifique est utilisee (comportementelasto-plastique en rupture).

La propagation d'une fissure

Lors de I'avancee da d'une fissure, I'ouverture des levres de la fissure induit desdeplacements autour de la tete de fissure. Les sollicitations elastiques peuventdone travailler et liberer une partie de 1'energie elastique emmagasinee dans lastructure. Les etats initiaux et finaux sont presentes en figure 4.8. devaluationde 1'energie qui pourra etre ainsi recuperee permet de preciser les conditionsenergetiques de propagation.

La force d'extension de fissure

L'energie elastique stockee en tete de fissure, W = 1/2 a.e dv libere pour touteJvol.

avancee de la fissure da un travail elementaire dW/da. Celui-ci sera disponiblepour contrebalancer toute contribution s'opposant a la propagation, en parti-culier la creation de surface ou la deformation plastique. Cette grandeur, appeleeforce d'extension de fissure, est notee G. Elle correspond a une force lineiqueappliquee au front de fissure.

G = dW/da (4.8)

Cette grandeur peut etre calculee pour une fissure dont on connait la valeurde Kt. En effet, les equations 4.3 et 4.5 permettent de decrire les contraintes etdeplacements au voisinage de la fissure, en condition de deformation plane, etdone de realiser cette integration.

Fig. 4.8. Travail des forces de surface pour I'avancee d'une fissure de da.

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44 CLEMENT LEMAIGNAN

Partant d'une fissure de longueur a, on la lalsse se propager de da (Fig. 4.8).La nouvelle tete de fissure est done placee en a + da. Pour evaluer 1'energiedisponible lors de cette operation, on va refermer la fissure, ce qui consiste aappliquer entre a et a + da des forces surfaciques qui varient lineairement avecles deplacements (u), de la valeur 0 sur les levres de la fissure ouverte, auxvaleurs correspondant aux contraintes en tete de fissure sur 1'axe des x,lorsqu'elle est refermee.

En posant x' = da - x, on obtient :

ce qui conduit a :

Cette integrate definie donne la valeur de dW:

(4.9)

En contraintes planes, on obtient :

Le meme calcul en condition de deformation plane conduit a la relation :

(4.10)

Les criteres de rupture

Une fissure se propagera quand la force d'extension de fissure sera superieureaux composantes de la resistance a sa propagation. Dans le cas le plus simpled'une rupture entre rangees atomiques, sans deformation plastique, la propaga-tion de la fissure se traduit par la formation de nouvelles surfaces uniquementet done d'une energie creee 2~ys.

Le critere de Griffiths, qui decrit cette condition, s'ecrit simplement :

Pour une fissure centree (en coup de sabre), la valeur de KI est egale a Kr =aVira et on en deduit qu'une fissure de largeur 2 a ne peut se propager que si lacontrainte appliquee cr satisfait la relation :

(4.11)

Page 53: Rupture Des Materiaux

CHAPITRE 4 - PERTURBATIONS DES CONTRAINTES INDUITES PAR GEOMETRIQUES 45

Pour la plupart des metaux, une deformation plastique aura lieu dans lazone de la fissure et 1'energie correspondante sera a integrer dans le bilan global.On peut ajouter un terme d'energie plastique ^p a celui de surface dans1'equation de Griffiths, mais il est particulierement difficile a evaluer, et toujourstres grand devant ys, ce qui reduit serieusement 1'interet pratique de cetteapproche.

Le critere de Griffith se verifie convenablement pour les materiaux pourlesquels la deformation plastique en tete de fissure est tres limitee, comme leverre. Pour une energie de surface de 1'ordre de ^s = 0,5 J m~2 et un moduled'Young E = 70 GPa, on en deduit qu'une fissure se propagera pour une valeurdu facteur d'intensite de contraintes superieure a 0,3 - 0,4 MPa m1/2. Des con-ditions qui abaissent 1'energie de surface, comme 1'adsorption d'eau, facilitentdone la propagation. Ceci est mis a profit par les vitriers qui humidifient lesplaques de verre pour en faciliter la fissuration lors de decoupes delicates.

A ces faibles valeurs de Kj induisant la rupture, correspondent des tailles dedefauts critiques, pour les contraintes usuelles, de 1'ordre de 0,5 a 10 |xm. Cesmateriaux seront done particulierement sensibles a 1'etat de surface lors d'unessai mecanique.

Pour s'affranchir de 1'impact de tels defauts de surface, on mesure souvent laresistance en traction intrinseque des ceramiques par un essai de compressiondiametrale d'un cylindre couche (dit essai bresilien). En effet, lors de cet essai,les contraintes maximales de traction sont localisees a 1'interieur de 1'echantilloniii- t7v»l^i-fc'f- •

(4.12)

ou Fr est la charge de compression a la rupture, d le diametre du cylindre et tson epaisseur.

L'evaluation des contraintes et deformationsen regime elasto-plastique - Integrate de Rice

La prise en compte de la deformation plastique au voisinage du front de fissurea conduit a proposer d'autres approches permettant de decrire les singulariteselasto-plastiques. Ainsi Rice a introduit (1968) une integrate de contour, le longd'un chemin qui entoure les levres de la fissure, permettant d'evaluer 1'effort depropagation de la fissure quel que soit 1'etat du metal dans la zone consideree,elastique ou plastique. Cette integrate se definit par :

—>ou, au point courant, W est 1'energie elastique volumique emmagasinee, T levecteur traction induit par les contraintes (bidimensionnelles) sur un elementds du contour F, et u le deplacement selon x induit par le chargement.

(4.13)

Page 54: Rupture Des Materiaux

46 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 4.9. Contour, s'appuyant sur les levres de la fissure, utilise pour la definition deI'integrale J de Rice.

L'integrale J est independante du chemin suivi, sous reserve qu'il soit tou-jours appuye sur les levres de la fissure (Fig. 4.9). De plus, pour un regime totale-ment elastique, on peut montrer que J = G, la force d'extension de fissure. Ceciperrnet de relier les valeurs de JIC avec celles de KIC.

Cette integrate de Rice peut etre utilisee pour explorer la distribution des con-traintes et deformation en fond de fissure. On peut alors montrer que, locale-ment, le travail de deformation elasto-plastique diverge en 1/r quand r -» 0

(4.14)

On peut ainsi utiliser cette propriete pour proposer un champ de deformationdivergeant en 1/r pour un materiau elasto-plastique non ecrouissable, ou touteautre distribution respectant cette condition, pour d'autres lois de deformation.

Page 55: Rupture Des Materiaux

La rupture theorique entreatomes

La contrainte theorique a rupture peut etre deduite des interactions entre atomes. Onmontre que cette contrainte theorique est tres largement superieure aux limites

d'elasticite ou charges a la rupture des materiaux usuels. Des modes specifiques derupture doivent done etre developpes qui permettront d'atteindre cette contrainte

theorique de rupture.

La cohesion du cristal dans les metaux fait appel aux interactions entre leselectrons et le reseau cristallin des ions. La distance entre atomes du cristalcorrespond a 1'equilibre entre les interactions attractives et repulsives. Lorsd'une sollicitation en traction, la rupture entre plans d'atomes est atteintequand la contrainte est egale a celle necessaire pour separer des plans atorn-iques au-dela de la force maximale de rappel.

Le calcul de la contrainte theorique de rupture

Partant de 1'etat d'equilibre, la deformation d'un cristal est proportionnelle a la con-trainte appliquee, passe par un maximum, et devient nulle quand les deux demi-cristaux sont eloignes. Le bilan energetique de cette transformation correspondd'une part au travail des contraintes et d'autre part a la creation de surface.

En utilisant une approximation des contraintes aux grandes deformationselastiques par une sinusoiide ajustee sur le module d'Young E a 1'origine desdeformations, les contraintes, lors de 1'effort de rupture, peuvent etre approx-imees par la relation suivante :

a = a* sin (2TTX/A.)

ou x = (a — a0) est le deplacement depuis la distance d'equilibre inter-atom-ique a0.

D'apres la loi de Hooke, aux faibles deformations, on a :

ce qui conduit

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48 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 5.1. Contrainte theorique a rupture par deformation elastique.

Le bilan energetique a la separation impose que le travail des contraintes/or dx, soit egal a 1'energie des surfaces creees 2ys:

On en deduit une valeur de la contrainte theorique de rupture pour lesmateriaux cristallins :

(5.1)

Pour des valeurs typiques des grandeurs physiques correspondantes, onobtient, selon les materiaux, une contrainte theorique de rupture egale a :

(5.2)

Confrontation avec les materiaux reels

Un calcul identique realise avec des potentiels d'interaction entre atonies plus real-istes ne rnodifierait pas significativement ce resultat. Cette valeur elevee de la con-trainte theorique a rupture reste bien eloignee des contraintes a rupture observeespour les materiaux a "haute resistance". En effet, 1'examen du comportementmecanique des materiaux conduit, dans les meilleurs des cas, a obtenir descharges a la rupture, normalisees au module d'Young, ne depassant pas E/200.Dans des cas tres particuliers (par exemple les polymeres etires ou bien les tri-chites - en anglais whiskers - qui sont des fibres nanometriques monocristallinesne pouvant se deformer par absence de dislocations mobiles), pour lesquels lespossibilites de deformation ont etc inhibees, on obtient cependant des valeursproches du dixieme du module d'Young, se rapprochant de la limite theorique.

II existe done des processus specifiques amplificateurs de contraintes qui per-mettent d'atteindre localement la valeur de la contrainte theorique de rupture,

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CHAPITRE 5 - LA RUPTURE THEORIQUE ENTRE ATOMES 49

a*. Ces processus consistent soit en une reduction locale de section efficace (rup-ture ductile), soit au developpement d'une singularite de contraintes en teted'une fissure ou d'un empilement de dislocations. Eventuellement une deforma-tion plastique confinee en avant du front de fissure conduira, en sollicitationsoscillantes, a une progression lente et stable d'une fissure de fatigue. De plus,des effets d'environnements agressifs peuvent se superposer a ces mecanismeset les amplifier. Les chapitres suivants ont pour objet de passer en revue cesmecanismes.

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Cette page est laissée intentionnellement en blanc.

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La rupture ductile

La rupture ductile, qui correspond a une tres forte deformation, estobtenue par le developpement, a Vinterieur du materiau, de cavites qui

naissent autour des inclusions. La rupture apparait au niveau desligaments entre ces cavites internes, donnant une surface de

rupture en cupules.

LOTS d'un essai de traction classique, sur un acier par exemple, on impose aune eprouvette une deformation croissante, et on enregistre 1'effort necessairea la poursuite de cette deformation (Fig. 6.1). Tout d'abord la deformation estproportionnelle a la charge et reste reversible. II s'agit de la deformation ela-stique qui suit la loi de Hooke. Exprimees dans le repere des contraintes princi-pales et pour un materiau isotrope, les deformations prennent la forme simplesuivante :

(6.1)

ou E est le module d'Young et v le coefficient de Poisson.

Le developpement de la striction

Lorsque la valeur des composantes du tenseur des contraintes permet d'attein-dre un critere de plasticite, la deformation deviendra irreversible. Les metaux sedeformant par glissement de dislocations ou par maclage, ces criteres evaluentla resultante des efforts de cission imposes au materiau. Le critere le plus clas-sique est celui de von Mises. Evalue dans un repere quelconque, il s'exprime parla relation suivante :

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52 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 6.1. Courbe de traction.

ce qui se reduit, dans le repere des contraintes principales, a :

(6.3)

Une fois ce critere atteint, c'est-a-dire, dans le cas de la traction simplepour <T! > CTE, le comportement devient plastique. Lorsque la charge maxi-male est atteinte, la deformation se localise avant d'aboutir a la rupture de1'eprouvette.

Tout au long de ce processus de deformation plastique, la deformation dumetal devient de plus en plus difficile : il s'ecrouit. La localisation de la deforma-tion, appelee striction, a pour origine la reduction de la Vitesse d'ecrouissage. Eneffet, la deformation plastique ayant lieu a volume constant, tout allongement de1'echantillon est compense par une reduction de sa section. Si, pour un incre-ment d'allongement donne, cette reduction de section est plus importante que1'accroissement de la contrainte d'ecoulement locale, toute perturbation de sec-tion devient instable. II est alors en effet plus facile de continuer a deformerlocalement plutot que de poursuivre une deformation uniforme. On peut mont-rer que, pour des metaux qui suivent une loi d'ecrouissage parabolique s'expri-mant, en contrainte et deformation rationnelles, par :

(6.4)

ou n est appele coefficient d'ecrouissage, la deformation localisee (striction) sedeveloppe quand e = n. A cette deformation uniforme correspond la charge a larupture dite ingenieur. La deformation se localise alors dans la striction, maisle metal continue a s'ecrouire. On peut verifier ce point en re-usinant uneeprouvette cylindrique apres developpement de la striction et en reprenant 1'es-sai de traction. Une nouvelle striction se developpera alors toujours en dehorsde la zone de la premiere striction, qui avait etc plus ecrouie que le reste dumateriau.

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CHAPITRE 6 - LA RUPTURE DUCTILE 53

Les concentrations de contraintes autourdes inclusions

La striction en tant que telle n'est pas directement responsable du processus derupture. Son developpement est le resultat du mode de deformation plastique dumetal et de la competition entre la vitesse d'ecrouissage et la reduction de la sec-tion lors de la deformation axiale. Le processus de rupture ductile que nousallons decrire se developpe de facon continue au cours de la deformation plas-tique, sans que 1'apparition de la striction ne marque une quelconque disconti-nuite dans son deroulement, mats seulement une localisation de la deformationulterieure.

L'examen de la surface de rupture conduit aux observations suivantes :• macroscopiquement la surface de rupture est plate au centre, d'aspect mat,

avec une couronne, eventuellement discontinue, en peripherie, ou la rupturea eu lieu par cisaillement a environ 45° (Fig. 6.2) ;

• a fort grandissement, la zone centrale est constitute d'une multitude depetites cupules adjacentes, contenant frequemment des residus d'inclusions(Fig. 6.3).Le mode de mine permettant de rendre compte de ces observations est sche-

matise en figure 6.4. Lors de la mise en charge, il y a concentration de con-traintes autour des inclusions en raison de leur module d'Young different decelui de la matrice. Les contraintes plus fortes, qui se developperont au voisinage

Fig. 6.2. Aspect macroscopique d'une rupture ductile.

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54 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 6.3. Cupules en rupture ductile.

Fig. 6.4. Formation des cupules.

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CHAPITRE 6 - LA RUPTURE DUCTILE 55

des inclusions, y favorisent une deformation plastique localisee. Les incompati-bilites de deformation entre la matrice et les inclusions conduisent a la rupturedes inclusions ou leur decohesion a 1'interface inclusion - matrice, selon leursresistances relatives. Le resultat est 1'obtention rapide d'une distribution de ca-vites au sein de la matrice, des le debut de la deformation plastique. Les champsde deformation, associes a chaque cavite entourant les inclusions, interagissentles uns avec les autres, localisant la deformation plastique entre ces zones. Lescavites se developpent et s'allongent peu a peu, reduisant 1'epaisseur des liga-ments qui les separent. La section efficace de materiau supportant les sollicita-tions diminue et finalement atteint localement la charge a la rupture theoriquea*. La charge supportee par ce ligament rompu est reprise par ses voisins quicedent a leur tour, conduisant a la rupture complete de la piece.

Le developpement des cavites et la formationdes cupules

Toutes les inclusions ne jouent pas le meme role dans le developpement descupules. En effet, seules celles de plus grande tailles, qui proportionnellementdeveloppent un champ de deformation plastique plus etendu, donnent naissancea des cavites qui se developperont jusqu'a former les cupules de la surface derupture. La description des mecanismes d'amorgage et de developpement descavites a donne lieu a de nombreux travaux. On se limitera au modele de crois-sance d'un reseau de cavites bi-dimensionnelles developpes par Me Clintock.Pour des cavites de diametre d et separes d'une distance A., un materiauecrouissable, selon une loi classique a = a0e

n, aura une deformation a ruptureeR pratiquement egale a :

(6.5)

ou (TX et (Ty sont les contraintes qui tendent a agrandir les cavites et crh la con-trainte hydrostatique (trace du tenseur des contraintes).

On pourra etre sensible aux dependances de la deformation a rupture :decroissant avec la densite de cavites initiales (inclusions) mais augmentantfortement avec ah, c'est-a-dire avec la composante hydrostatique du tenseur descontraintes. Ce dernier point explique que la rupture ductile s'amorce a 1'in-terieur de la zone de striction lors d'un essai de traction, pour se propager radia-lement vers I'exterieur, ou des conditions de contraintes planes favorisent uncisaillement, responsable de la formation de la collerette externe. De meme soustres haute pression hydrostatique, on peut augmenter la deformation a rupturelors d'un essai de traction.

II peut etre utile de souligner les points suivants :• Le developpement des cavites n'est pas lie a la formation de la striction. II

commence bien avant, dans le regime de deformation uniforme.

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Fig. 6.5. Cupules observees dans un acier doux (replique au MET).

• Sur une surface de rupture ductile, la densite surfacique d'inclusions (parexemple en figure 6.5, obtenue par replique au MET, ou environ la moitie desinclusions ont etc prelevees avec la replique), apparait bien superieure a ladensite volumique des inclusions, telle qu'elle peut etre mesuree par micro-graphic. Cette difference s'explique par la contribution des inclusions situeesdans une bande volumique assez epaisse (50 a 500 |xm) a la formation descupules. On pourrait comparer la densite surfacique des inclusions sur lasurface de rupture a celle obtenue par projection de toutes les inclusions decette zone.Un cas tres particulier de rupture ductile a lieu avec une tres faible deforma-

tion totale. II s'agit de la rupture "intergranulaire ductile". Elle est obtenue quandune precipitation intergranulaire permet de disposer, des le debut de la formationdes cavites, d'un alignement de celles-ci. Localement, sur le joint de grain, ladeformation plastique est importante, mais comme les cupules sont pratiquementdans le meme plan et peuvent coalescer facilement, la rupture a lieu apres unetres faible deformation totale (Fig. 3.3).

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Le clivage et les rupturesfragiles

Dans les aciers, on observe une transition entre une rupture fragile a bassetemperature et ductile a haute temperature. La rupture fragile est obtenue par

clivage, rupture le long de plans denses de chaque grain. L'essai Charpy permetde quantifier cette transition. On introduit I'approche statistique de la rupture, cor-

respondant a celle declenchee par la rupture d'un element de volume particulier.

Le clivage est un mode de rupture dont le mecanlsme principal est la separationdes plans atomiques pratiquement sans deformation. Particulierement frequentdans les cristaux ioniques, il peut etre observe dans les metaux, en particulierdans le cas des faibles symetries cristallines comme les cubiques centres ouhexagonaux. Ce mode de rupture etant en competition avec la deformationplastique, il est facilite par une faible temperature, lorsque les mecanismes dedeformations sont moins actives. Ceci conduit a 1'existence d'une transition frag-ile (a basse temperature) - ductile (a plus haute temperature). A cette transitionen mode de rupture correspond une transition en morphologies de surfaces. Abasse temperature, dans le domaine fragile, on obtient des ruptures intra-cristallines par clivage, alors qu'a haute temperature, les morphologies derupture correspondent aux cupules ductiles decrites au chapitre 6.

La morphologic des surfaces de rupture par clivage correspond a une propa-gation transgranulaire. Elle peut etre facilement observee par microscopic a bal-ayage, comme sur la figure 7.1, ou par observation en microscopic optiquecomme en figure 3.2. Sur cette derniere figure, on remarque clairement que lessurfaces de ruptures sont differentes des lignes de glissement. Une autre cara-cteristique des ruptures de clivage est la presence relativement frequente delignes paralleles a la direction de propagation : les rivieres. Elles sont la trace deraccordements de la fissure se propageant sur des plans situes a niveaux treslegerement differents. Ces variations de niveau peuvent etre engendrees par lepassage d'un joint de faible desorientation ou par les decalages cumules induitspar les traversees de dislocations vis.

L'amor^age d'un clivage

Pour obtenir une fissuration par clivage, il faut necessairement passer les deuxetapes d'amorcage, ou une premiere fissure se developpe a 1'interieur du metalsain, c'est-a-dire que localement la contrainte theorique a rupture est atteinte,

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Fig. 7.1. Clivage dans un acier doux.

et celle de la propagation de cette micro-fissure sous 1'effet des contraintesappliquees.

Pour 1'etape d'amor^age, divers modeles ont etc developpes. Us sont tousfondes sur 1'observation de la necessite d'une faible deformation plastique a1'amorgage. Le modele le plus classique considere le developpement d'une singu-larite de contraintes en tete d'un empilement de dislocations.

Dans un grain, une source de Frank, S, est activee par un cisaillement T. Lesdislocations emises traversent le grain et sont bloquees par le joint de grain (Fig.7.2). Get empilement de dislocations induit, dans le grain adjacent, une singularite

Fig. 7.2. Empilement de dislocations sur un joint de grain et amorce de clivage dans legrain adjacent.

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CHAPITRE 7 - LES CLIVAGE ET LES RUPTURES FRAGILES 59

de contraintes. Son evaluation est obtenue en sommant les champs de contraintesindividuels des dislocations. Celles-ci sont en equilibre repulsif entre elles, maisrempilement est aussi en equilibre avec les sollicitations appliquees T. On peutmontrer que Ton obtient ainsi, en tete d'empilement, des contraintes locales a( don-nees par 1'expression suivante :

(7.1)

ou L est la distance de la source au joint de grain, rf la force de friction de reseau(force de Peierls) et /(6) une fonction trigonometrique bornee, dont la valeur estmaximale a 9 = 0 pour les composantes de cission, et a 0 ~ 70° pour les com-posantes de traction, et r la distance entre la tete d'empilement et le pointdevaluation des contraintes.

On remarque ainsi que 1'empilement de dislocations induit dans le grain adja-cent une singularite de contraintes en 1/Vr qui permet d'atteindre localement lacontrainte theorique de rupture. Ceci permet la formation d'une fissure dans legrain adjacent sous la seule composante de cission des contraintes appliquees. Lescomposantes de traction ne sont pas actives dans cette etape et ne jouent un roleque pour la propagation. Cette singularite de contraintes induite par un empile-ment de dislocations a etc mise en evidence experimentalement sur des bicristauxde MgO. L'examen en lumiere polarisee permet de determiner les contours d'egalniveau de distorsion et, par derivation, de visualiser les singularites de contraintes.Elles sont localisees au droit des empilements de dislocations, elles-memes reveleespar des figures d'attaques qui suivent les bandes de glissement (Fig. 7.3).

Cependant le volume dans lequel les contraintes sont suffisantes pour induireune deformation plastique est grand devant celui ou elles sont superieures a la con-trainte theorique a rupture. On s'attend done a une competition entre develop-pement de 1'amorce de fissure, a une echelle de quelques distances interatomiques,et la propagation de la deformation plastique au grain adjacent, dans une zoneproche de la taille de grains. Dans les faits, le volume pour lequel a > aE ne corre-spond pas toujours a une zone deformable. II faut en effet que cette zone contiennedes dislocations mobiles. Ainsi, dans un metal convenablement recuit, la densite dedislocations peut etre assez basse pour que le volume ou des dislocations pour-raient etre activees n'en contienne pas. II y aura alors amorce du clivage.

D'autre part, la deformation plastique etant faiblement thermo-activee, touteaugmentation de temperature se traduit par une reduction de crE. Pour la meme sol-licitation, le volume qui pourra etre mis en deformation plastique va croitre, et doneaussi la probabilite d'activer le glissement de dislocations dans le grain adjacent. Cemecanisme est a l'origine de la transition fragile-ductile : une faible augmentationde temperature va permettre de laisser se propager la deformation plastique degrains a grains et inhiber le developpement d'amorces de fissures de clivage.

La cristallographie du clivage a ete etudiee en detail. Les plans de clivagesont differents des plans de glissement. Pour le glissement, roptimum cor-respond a une minimisation de 1'energie des dislocations, c'est-a-dire un planpour lequel le vecteur de Burgers est le plus faible possible alors que, pour leclivage, on maximise 1'energie de surface. II aura done lieu sur des plans a forte

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Fig. 7.3. Mise en evidence des singularites de contraintes en tete d'empilements dedislocations dans MgO.

densite surfacique d'atomes. Les plans de clivages observes sont les suivants :cubique centre et sels cubiques {100}, cubique faces centrees : probablementinexistant, hexagonal {1000}, cubique diamant {111}.

L'essai Charpy (ou de resilience)

Developpe dans les annees 1900 pour les aciers de construction, 1'essai Charpypermet de quantifier la transition ductile - fragile. II est tres facile d'emploi, donetres utilise, et a fait 1'objet d'une normalisation internationale (EN 10045, AFNOR03 161, ASTME23)

Un barreau de section carree (10 X 10 x 55 mm) est entaille sur 2 mm de pro-fondeur (Fig. 7.4). Apres mise en temperature, il est soumis a un choc a 1'aide d'unmouton pendule de 30 a 300 joules arrivant a une Vitesse d'environ 5-7 metres parseconde. L'energie du choc (deformation ou rupture) est tracee en fonction de latemperature de 1'eprouvette. On obtient ainsi la courbe de transition de resilience.On observe a basse temperature une rupture avec une tres faible perte d'energie ;lorsque la temperature augmente, 1'eprouvette se deforme fortement et absorbe uneenergie importante au moment du choc, c'est le plateau ductile (Fig. 7.5).

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CHAPITRE 7 - LES CLIVAGE ET LES RUPTURES FRAGILES 61

Fig. 7.4. Eprouvette Charpy et essai de resilience au mouton pendule.

Dans le cas des aciers de cuve de reacteurs, 1'irradiation, par la creation dedefauts ponctuels et des segregations locales d'amas riches en Mn, Ni, Cu,induit une augmentation de la limite d'elasticite. Cette augmentation de laresistance mecanique rend la deformation plus difficile en tete des empile-ments de dislocations et done favorise 1'amorcage de fissures de clivage, ce quiaugmente la temperature de transition ductile-fragile, comme illustre par lafigure.

La temperature de transition ductile-fragile

On definit la temperature de transition selon diverses regies : soit la tempera-ture pour laquelle 1'energie de rupture est egale a la moyenne du palier ductileet du palier fragile, soit la transition pour une energie absorbee arbitrairementfixee a 65 J (Tk 65, correspondant a 50ft Ib), ou encore la temperature pour

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Fig. 7.5. Example de courbes Charpy montranl les effets d'irradiation (flux integre deneutrons rapides) sur la temperature de transition ductile-fragile.

laquelle on obtient une egale fraction surfacique de clivage et de rupture ductilea cupules.

La relation (7.1) montre que la singularite de contraintes en tete d'empile-ment varie comme VT. Pour des metaux pour lesquels le glissement des disloca-tions est assez facile, le principal obstacle a leur mobilite est constitue par lesjoints de grains. Le passage de la deformation d'un grain au suivant estdeclenche par les contraintes qu'induisent FempUement sur le grain suivant. Enmoyenne la distance sur laquelle les dislocations emises par les sources peuvents'etaler, L, est egale a la moitie de la taille de grain. 11 s'en suit que la liraite d'ela-sticite, <TE, d'un tel metal sera dependante de la taille de grains, d, selon la rela-tion de Hall Fetch :

cr

ou k est une constante de proportionnalite, propre a chaque alliage et moded'elaboration.

Comme le terme <TO de cette equation integre tous les processus cristallo-graphiques qui influencent la deformation plastique, dont la friction dereseau, il decroit quand la temperature, T, augmente. Pour une variationlimitee de T, une dependance lineaire est une bonne approximation. Lorsde la competition entre deformation plastique dans le grain suivant etdeveloppement d'une fissure de clivage a la contrainte de rupture theorique,la valeur de a* ne change pratiquement pas avec la temperature. La tempera-ture de transition ductile - fragile depend done directement de la taille degrains. Industriellement, la reduction de la taille de grains, par un traitement

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CHAPITRE 7 - LES CLIVAGE ET LES RUPTURES FRAGILES 63

thermomecanique approprie, est un moyen tres efficace d'abaisser la tem-perature de transition ductile - fragile :

La propagation des fissures de clivage

La propagation des fissures de clivage peut etre simplement obtenue par le faitqu'en tete de fissure les contraintes divergent et depassent la contraintetheorique a rupture a*. II est cependant necessaire de satisfaire un critereenergetique cornme celui de Griffiths (4.11), ce qui impose une contrainte mini-male pour la propagation. A titre d'illustration de ce dernier point, on remarqueraque pour une vitre qui a subi un impact et a developpe une serie de fissures,toutes ne se propagent pas jusqu'au bord de la vitre, mais peuvent s'arreterapres quelques centimetres.

En ce qui concerne la Vitesse de propagation des fissures de clivage,1'ecartement des levres de la fissure est le phenomene limitant de la vitesse depropagation. Une analyse de I'inertie du systeme permet de predire une vitessede propagation proche de 0,4 uc, ou vc est la vitesse du son dans le metal, elle-meme proportionnelle a vc « VE/p (E : module d'Young, p masse volumique). Lesmesures realisees correspondent bien a cette relation. Pour les aciers, la vitessedu son est proche de 5 km s"1, les fissures de clivage depassent done 2 km s-1,soit largement plus que la vitesse du son dans les gaz. Dans le cas de gazoducsnon enterres, des fissures de clivage ont ainsi pu se propager sur des kilo-metres en quelques secondes, en particulier en hiver ou la temperatureambiante devient largement inferieure a la temperature de transition ductile-fragile. Cette propagation sur longues distances peut s'auto-entretenir car lapropagation de la fissure etant plus rapide que celle des ebranlements dans legaz, la sollicitation de pression est maintenue malgre 1'ouverture de la fissure.On comprend 1'interet de doubler regulierement les gazoducs d'anneaux epaisdont le role est de reduire tres fortement les contraintes et de conduire a I'arretde la propagation.

La fragilisation intergranulaire

Dans le cas des aciers essentiellement, on observe parfois des ruptures fragilesa basses temperatures qui se developpent sur les plans de joints de grains. Cetype de fissuration est generalement associe au developpement d'une segrega-tion d'elements mineurs le long des joints de grains. Cette segregation afrequemment lieu lors d'un refroidissement lent apres un revenu, en particu-lier vers 400 °C. On parle de fragilite au revenu. Les elements impliques sontdes elements comme le phosphore ou 1'antimoine. Pour eviter le developpementde cette fragilisation, il est done important de refroidir rapidement un acierapres le revenu.

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On a pu confirmer 1'existence de telles segregations par analyse Auger, apresrupture a basse temperature dans la chambre d'analyse, d'echantillons fragiliseslors du revenu. La rupture realisee ainsi sous ultra-vide perrnet d'eviter une con-tamination des surfaces de rupture par I'atmosphere. L'analyse quantitative dessegregations revele qu'elle correspond a une fraction de monocouche se repartis-sant sur quelques distances atomiques, c'est-a-dire sur la largeur du joint de grain.

II existe deux autres modes de ruptures intergranulaires, a aspect semblable,qui peuvent etre observes.

Si, au lieu d'une segregation intergranulaire, on obtient une precipitationintergranulaire, les precipites peuvent servir de germes pour la formation decupules. Etant presents le long des joints de grains, ces amorces de cupules sontdes leur formation geometriquement correlees. II en resulte la formation decupules situees toutes dans un meme plan - celui du joint - et done la coales-cence de ces cupules est particulierement facile. On obtiendra une rupture ayantdes caracteristiques ductiles, c'est-a-dire la formation de cupules, mais dont ladeformation totale sera particulierement faible. On obtient une rupture dite"intergranulaire ductile" (cf. Ch. 6).

En presence de metaux liquides, par exemple les alliages d'aluminium avecdu gallium ou certains aciers avec d'autres metaux liquides, un film quasiliquide peut etre obtenu le long des joints de grains par diffusion extremementrapide du metal liquide aux joints. Ce film liquide reduit considerablement lescohesions des joints, ce qui conduit a une separation facile des grains les unsdes autres, sous une tres faible contrainte de traction. Ce type de rupture est aenvisager lors de situations de metal a tres bas point de fusion en presence d'unalliage mecanique peu protege. Elle peut etre obtenue lors de tres faibles sollici-tations, avec des ductilites quasi nulles (cf. Ch. 12).

Approche statistique de la rupture

Dans le cas des materiaux fragiles, se rompant par clivage comme les ceramiquesou les aciers a basses temperatures, on observe une dispersion significative desresultats experimentaux. Les modeles de rupture fragile s'interessent essen-tiellement aux mecanismes d'amorcage de la fissure. Dans le modele d'amorcagepresente au debut de ce chapitre, ou le clivage est induit dans un grain par defor-mation d'un autre grain adjacent, les conditions de developpement de la fissuredans le grain adjacent sont fortement dependantes de la geometric relative de cesdeux grains et de la position du plan de joint par rapport aux plans de glis-sement. Une fois le grain adjacent rompu et un critere de propagation de typeGriffiths respecte, la piece se rompt. Ainsi la distribution de la taille et de 1'ori-entation des grains dans lesquels pourra se developper cette fissure va avoir uneffet majeur sur les possibilites d'amorcer une fissure de clivage. La probabilitepour qu'il y ait rupture de la structure va done dependre de la probabilite qu'ily ait rupture d'un grain.

Partant de ces considerations, Weibull a developpe la theorie du maillon faible :la rupture du premier grain sera la rupture de 1'eprouvette. Les developpements

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CHAPITRE 7 - LES CLIVAGE ET LES RUPTURES FRAGILES 65

mathematiques relatifs a cette approche permettent d'exprimer la probabilite derupture par une expression de la forme :

(7.4)

ou le volume V correspond au volume de la structure sollicitee et V0 est le vo-lume du malllon considere. La contrainte av est ce que Ton appellera la contraintede clivage selon Weibull et m 1'exposant correspondant (dit module de Weibull).

On trouve que m est de 1'ordre de la centalne pour un acier de construction,et d'une dizaine pour les ceramiques industrielles. II est possible de relier lesparametres de la loi de Weibull a la distribution des defauts au sein du materiau.Cette approche peut etre utilisee si Ton veut traiter la rupture de la structure parla propagation de defauts superficiels dont on connait la distribution statistiquedes profondeurs.

L'analyse peut eventuellement etre etendue a des distributions complexes dedefauts comme par exemple 1'existence de joints de grains fragilises par une

Fig. 7.6. Probabilites cumulees de rupture d'alumine frittee. Une augmentation de la taillede I'echantillon et une atmosphere humide augmentent la probabilite de rupture.

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segregation, d'une part, et des inclusions comme des sulfures de manganese,d'autre part. L'utilisation d'une approche locale est particulierement pertinentepour les situations ou la structure est sollicitee de facon non uniforme. En effet,dans ce cas, une zone de grand volume plus faiblement sollicitee peut avoir uneprobabilite de rupture superieure a celle d'un petit volume fortement sollicite, larupture ne s'amorcant pas dans la zone de plus fortes contraintes. L'approche enmaillon faible, dite aussi approche locale, realise une integration numerique sur1'ensemble de la structure de toutes les possibilites de rupture pour determinerla probabilite effective de rupture.

Dans une telle approche, la probabilite de rupture va croitre avec la taille de1'echantillon. En effet, un echantillon plus volumineux, a conditions identiques,aura une probabilite plus elevee de contenir un defaut critique. Un exemple dedistribution de Weibull pour 1'alumine frittee est donnee en figure 7.6.

Cette approche statistique de la rupture devient maintenant applicable a larupture ductile de pieces entaillees, dans la mesure ou Ton peut disposer decriteres de rupture par cupules reliees a la deformation plastique locale. Ces cal-culs, normalement realises par elements finis, demandent une bonne adaptationentre finesse du maillage et dimensions caracteristiques des cavites conduisantaux cupules.

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La zone plastique en fondde fissure

En tete de fissure, la singularite de contraintes permet d'activerune forte deformation plastique. La taille de la zone plastique depend

fortement du mode de sollicitation ; elle est bien plus importanteen condition de contraintes planes qu 'en condition de deformationplane. Cette derniere sera done la plus critique pour la resistance

a la propagation des ruptures.

Les conditions de deformation plane

Dans les conditions de deformation elastique, le tenseur des deformations estrelie au tenseur des contraintes par les equations decrites en 6.1. Dans unestructure donnee, les sollicitations ay sont variables selon la geometric et leschargements appliques. Le tenseur des contraintes correspond en tout point a1'equilibre du materiau pour ces conditions imposees aux limites.

II existe aussi des sollicitations pour lesquelles les conditions imposeess'appliquent aux deformations. Ainsi, par exemple, dans le cas du laminaged'une tole, la partie qui se deforme sous les rouleaux du laminoir conduit a1'allongement de la tole et a sa reduction d'epaisseur, mais la largeur de la tolene sera pas modifiee significativement ex = -ey, ez = 0. De la meme maniere,pour une fissure dans une structure, les sollicitations sont tres importantesau voisinage immediat du front de fissure ; en arriere, ou loin en avant dufront de fissure, les sollicitations sont tres faibles et negligeables devant cellespresentes au voisinage de la tete de fissure. Ainsi, loin du front de fissure, lesdeformations sont faibles puisque les sollicitations sont faibles. On peut lesconsiderer comme nulles, c'est-a-dire que EX = ey = ez = 0. Pres du fond de fis-sure, les contraintes augmentent et divergent. En raison des conditionsimposees par les equations de I'elasticite et la continuite de la matiere, lavaleur de ez doit etre conservee (nulle) et ce, quelles que soient les valeurs de(jx et CTy (qui divergent en tete de fissure). Les valeurs de ez vont rester nulles.II n'y aura deformation que dans les directions x et y et Ton parlera de condi-tion de deformation plane.

Imposer une telle condition sur la deformation selon z se traduit par ez = 0. Cettecondition appliquee aux equations 6.1 conduit necessairement a crz = — u (CTX + ery).En condition de deformation plane, des contraintes internes se developpent dans latroisieme direction, etat caracterise par le terme de "triaxialite des contraintes".

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La zone plastique en tete de fissure

La singularite de contraintes en fond de fissure, decrite par les equations 4.3,conduit a avoir, pres du front de fissure, une zone pour laquelle les conditionsde plasticite seront atteintes. Dans une premiere approche, on peut considererson etendue, sur 1'axe Ox, cornrne celle pour laquelle la contrainte o-yy estsuperieure a la limite d'elasticite CTE.

Dans les equations decrivant la singularite de contraintes, cette condition estverifiee pour tous les points a une distance r du front de fissure satisfaisant a lacondition :

En considerant le comportement du materiau comme elastique plastique, ceciperrnet d'evaluer la taille de la zone plastique R a :

(8.1)

Cependant, en realisant localement une telle limitation des contraintes a lalimite d'elasticite, crE, 1'equilibre mecanique interne de la piece sollicitee n'estplus assure. En effet, 1'integrale de la distribution des contraintes elastiquesen fond de fissure n'est plus egale a la sollicitation macroscopique, puisqu'ellea etc amputee de sa contribution superieure a la limite d'elasticite (Fig. 8.1).Les distributions des contraintes en fond de fissure, correspondant a la dis-tribution purement elastique, bornee par la limite d'elasticite n'est donequ'une solution approchee. La deformation plastique locale en fond de fissuredoit done s'accompagner d'une redistribution des contraintes dans 1'ensemblede la piece.

Fig. 8.1. Approche simplifiee de la zone plastique.

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CHAPITRE 8 - LA ZONE PLASTIQUE EN FOND DE FISSURE 69

La zone plastique d'lrwin

Partant de ce bilan, Irwin considere un comportement elastique plastiquedu materiau et impose la conservation de 1'equilibre des contraintes en tete defissure :

ce qui conduit a une taille de zone plastique KIR deux fois plus etendue :

(8.2)

Geometrie detaillee de la zone plastique

Compte tenu de la distribution effective des contraintes, la description precise de lazone plastique pourra etre obtenue en appliquant un critere de plasticite a la valeurdu tenseur des contraintes en tout point situe au voisinage du front de fissure. Enutilisant un critere de von Mises, on peut developper la geometric de la zone pourlaquelle ce critere est depasse. Le resultat est fonction de 1'etat de description descontraintes. En contraintes planes, on obtient :

(8.3)

De meme, en deformation plane, la zone plastique s'etend sur :

(8.4)

Sur la figure 8.2 sont representees les geometries de ces deux zones plas-tiques : En raison de la triaxialite des contraintes dans la partie centrale d'uneeprouvette fissuree, la zone plastique correspondante est obtenue dans les con-ditions de deformation plane (8.4). On y observe une taille de zone plastique bienplus faible que celle obtenue en surface, qui correspond a des contraintes planes.

Comme precedemment, limiter les contraintes dans ces zones aux contraintesd'ecoulement conduirait a une rupture de 1'equilibre mecanique de la structuresollicitee. De la meme maniere que dans 1'approche d'lrwin, il est clair que 1'eten-due des zones plastiques est environ le double de celle obtenue par la simpleapplication des criteres de plasticite.

Une approche rigoureuse de la determination de la taille de la zone plastiquedevrait ajuster en continu la distribution des contraintes en fond de fissure a ladeformation plastique en fond de fissure, tout en assurant 1'equilibre mecaniqueglobal, eventuellement en tenant compte de 1'ecrouissage induit par la deformationplastique. Les methodes de calcul aux elements finis se pretent bien a ces descri-ptions. De plus, une fois la methodologie developpee, il est facile, en modifiant la

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Fig. 8.2. Zone plastique en deformation plane et contraintes planes, pour la meme valeurde/C,.

geometric du maillage initial d'adapter un calcul a une nouvelle geometrie de fis-sure ou a un materiau au comporternent en plasticite different. Les resultatsobtenus, sont, dans les cas simples, assez proches des solutions analytiques. Lesecarts les plus importants correspondent aux cas des materiaux anisotropes oufortement ecrouissables.

Geometrie tridimensionnelle de la zone plastique

Les equations 8.3 et 8.4 montrent une difference importante de geometrie dezone plastique selon que le chargement est en conditions de deformation planeou de contraintes planes. Si Ton decrit 1'environnement du front de fissure enpartant d'une des deux faces de 1'eprouvette, on peut remarquer que les surfacesexternes sont, par definition, en conditions de contraintes planes et que, pourune epaisseur suffisante de la structure fissuree, la zone centrale est en condi-tion de deformation plane. On aura done la partie centrale avec une petite taillede zone plastique, alors que les deux zones plastiques d'extremites sont bien plusetendues. En considerant que la reduction de la taille de la zone varie comme ladistance a la surface, on peut visualiser la geometrie tridimensionnelle de la zoneplastique en front de fissure sur la figure 8.3.

Cette distribution spatiale de la deformation plastique en fond de fissure a uneimportance considerable pour le comporternent d'une piece fissuree. En effet, lacapacite du materiau a accommoder la singularite de contraintes en tete de fissureva dependre principalement de 1'amplitude de la deformation plastique du metalen fond de fissure. La valeur integrate de celle-ci sera essentiellement limitee parle volume dans laquelle elle pourra prendre place. Une fissure sollicitee, dont lazone plastique correspondra principalement aux conditions de deformation plane

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CHAPITRE 8 - LA ZONE PLASTIQUE EN FOND DE FISSURE 71

Fig. 8.3. Geometrie 3D de la zone plastique dans une eprouvette epaisse.

(forte epaisseur), sera done plus critique, car le volume de metal pouvant con-tribuer a accommoder la singularite de contraintes par deformation plastique seranotablement plus faible.

Parmi les parametres qui influent sur la geometric de la zone plastique, lecoefficient d'ecrouissage, qui controle 1'evolution de la deformation plastique, aun effet majeur sur le developpement de la plasticite en tete de fissure. Ainsi,plus le coefficient d'ecrouissage est fort, et plus la zone plastique a tendance a sedevelopper perpendiculairement au plan de fissuration. A titre d'exemple, lafigure 8.4 montre la geometric de la zone plastique obtenue par calcul aux ele-ments finis pour des coefficients d'ecrouissage croissants.

Diverses descriptions analytiques de zone plastique ont etc entreprises. Ellespermettent d'acceder a un champ de deformation, lui aussi divergent dans lazone plastique. L'approche classique HRR (Hutchinson, Rice et Rosengren) utilise1'integrale de Rice appliquee a un materiau ayant un comportement elasto-plastique suivant une loi puissance :

oii n est le coefficient d'ecrouissage. Us obtiennent alors une description des con-traintes et deformations de la forme :

La figure 8.4 montre le resultat de cette approche analytique ou Ton remar-que comment la geometric de la zone plastique peut etre affectee par le coefficientd'ecrouissage.

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Fig. 8.4. Geometrie en deformation plane de la zone plastique en fonction du coefficientd'ecrouissage (N = Mri).

On peut evaluer experimentalement, par microdurete ou par attaque revelantles densites de dislocations, la geometric de la zone plastique. Des travaux realisessur des alliages dans divers etats metallurgiques ont ainsi perrnis de rnettre enevidence que la zone plastique devient de plus en plus confinee dans le voisinageimmediat du plan de fissuration quand la valeur de n dirninue.

Ces analyses de 1'ecoulement plastique permettent aussi d'acceder a la defor-mation de la fissure. L'integrale de la deformation en fond de fissure corresponda 1'ouverture de celle-ci. Le 'Crack Tip Opening Displacement' (CTOD), note 5t, estdefini par 1'ecart d'intersection des levres de la fissure par des plans a ± 3ir/4.

Fig. 8.5. Geometrie experimental, en contrainte plane, de la zone plastique en fonctiondu coefficient d'ecrouissage.

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CHAPITRE 8 - LA ZONE PLASTIQUE EN FOND DE FISSURE 73

L'utilisation de 1'integrale de Rice permet d'evaluer 8t, dans le cas d'un materiauelasto-plastique non ecrouissable :

Distribution des contraintes dans la zone plastique

Le developpement d'une deformation plastique en tete de fissure conduit a1'emoussement du front de fissure. Son ouverture conduit done a une valeurdu rayon a fond de fissure, p, non nulle. Dans ces conditions, les contraintesGXX doivent etre nulles a la surface du front de fissure, soit a^ (0) =0 . En cememe point, la composante des contraintes selon la direction Oy doit pouvoirinduire la deformation plastique, soit cryy (0) = crE. Partant de ces conditionsaux limites et developpant les lignes de glissement depuis la surface libre enfond de fissure vers 1'interieur du materiau, Hill a pu determiner 1'evolutiondes composantes du tenseur des contraintes dans la zone plastique. En parti -culier, dans les conditions de deformation plane, la contrainte de tractionnormale, ayy, vaut :

II montre aussi que, pour une entaille a bords paralleles comme une fissure,la valeur de ayy est bornee par CT^ = k crE (2 + IT) , ou k est voisin de 1 et dependdu critere de plasticite utilise. On remarque done que les contraintes de tractioncjyy augmentent avec I'eloignement du fond de fissure, au fur et a mesure de lapenetration dans la zone plastique, y sont pratiquement constantes dans la zoneplastique et decroissent en dehors de cette zone selon le champ de singulariteelastique en 1/Vr.

La distribution des contraintes de traction normales cryy correspond done a cequi est schematise sur la figure 8.6. On remarque en particulier, qu'en raison de laplasticite, la valeur maximale en traction est situee a une distance approximative-ment double du rayon de courbure au fond de fissure, soit environ !CT2a 10~3 R,

Fig. 8.6. Distribution schematisee des contraintes dans la zone plastique en avant de lafissure.

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taille de la zone plastique. Dans le cas des materiaux ecrouissables, le niveau descontralntes de traction decroit alors faiblement, en s'eloignant du front de fissure,avant de rejoindre le champ elastique.

Cette distribution des contraintes explique que le site d'amorcage des fissuresde clivage se situe a 1'interieur du materiau lors d'un essai de KIC ou Charpy surun acier ferritique. Partant du fond d'entaille ou de la fissure, on observe en effetune zone dite etiree correspondant a la formation de 1'emoussement de fissure,une zone de rupture ductile avec cupules, qui a pu subir une forte deformationplastique et, au-dela seulement, la zone de rupture par clivage. On peut parfoisy decouvrir les sites d'amorcage des fissures, par exemple au voisinage d'inclu-sions (Fig. 9.5).

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La tenacite

La rupture d'une piece fissuree sera obtenue lorsque le facteur d'intensite decontraintes en tete de fissure sera superieur a une valeur critique K/c .On

detaillera I'essai de tenacite et ses modalites de mise en ceuvre. Celui-ci est prin-cipalement utilise lorsque la majorite de la structure est en regime elastique.

D'autres essais ont ete introduits pour les conditions de deformation plastiqueimportante ou generalisee de la structure.

Un element de structure contenant une fissure est susceptible de se rornpre sousune sollicitation tendant a sa propagation. En tete de fissure, la singularite decontraintes induit une competition entre le developpement d'une zone plastiquequi tend a accommoder cette singularite de contraintes et la propagation de lafissure par dechirement du materiau. Pour une sollicitation donnee, la capacitea accommoder la singularite de contraintes est d'autant plus importante que levolume plastifie est important. Dans les conditions de deformation plane, la taillede la zone plastique est minimale, c'est done le mode de sollicitation qui est leplus penalisant pour une fissure. On cherchera done a determiner la resistancea la propagation dans ces conditions. L'essai de tenacite, ou de K]C, a pour objetla mesure du comportement d'un materiau sous ces sollicitations. Pour desmateriaux plus ductiles, des essais specifiques ont ete developpes qui integrentla possibilite de fortes deformations plastiques.

La mesure du K\c

Le principe de cet essai consiste a appliquer une sollicitation croissante a uneeprouvette fissuree et a determiner la valeur du facteur d'intensite de contrainteslors de la rupture. Cet essai est normalise (AFNOR A03-180, ASTM E 399) et lesdonnees acquises doivent etre exploitees avec rigueur. Une eprouvette est usineeavec une entaille, selon des formes simples (Tension compacte, presentee enfigure 9.1, DCB, Flexion 3 ou 4 points...). L'orientation de 1'eprouvette estreferencee par rapport aux directions principales de la structure etudiee, par unsysteme de deux lettres : la premiere indique la normale au plan de fissuration,la deuxieme la direction de propagation (Fig. 9.2). On peut, de plus, avoir des exi-gences geometriques particulieres pour les prelevements (1/4 epaisseur, presd'une zone soudee...). A 1'aide d'une machine servo-hydraulique, on induit, enfaisant varier la charge pendant quelques dizaines de milliers de cycles, une fis-sure de fatigue de quelques mm de long (cf. ch. 10).

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Fig. 9.1. Une eprouvette classique utilisee pour la mesure du /<,c I'eprouvette CT (com-pact tension).

Fig. 9.2. Systeme de notation relatif a I'orientation de la propagation des fissures parrapport aux directions principales liees a la fabrication.

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CHAPITRE 9 - LA TENACITE 77

Les conditions de mesure

On impose alors un effort croissant destine a ouvrir la fissure en mode I. Uncapteur de deplacement permet de mesurer 1'ouverture externe de 1'entaille. Onenregistre la force appliquee et 1'ouverture de la fissure jusqu'a la rupture. Lesenregistrements peuvent varier d'un aspect lineaire avec rupture brutale, a uneforte perte de linearite pendant toute la duree de 1'essai. Tout ecart a la lineariteest la marque d'une propagation stable de la fissure (augmentation de la com-pliance de 1'eprouvette) et/ou d'une deformation plastique importante en tete defissure.

L'exploitation de cet essai consiste a evaluer la valeur de Kj en fond de fissureau moment de 1'instabilite de propagation. On devra cependant s'assurer qu'avant cette propagation catastrophique, la deformation plastique et/ou la propa-gation stable de la fissure sont restees tres limitees. Comme ces deuxphenomenes affectent la linearite du comportement, la reduction de complianceapparente est limitee a 5 % (Fig. 9.3).

Enfin, comme 1'objet de cet essai est de determiner la resistance a la fissura-tion dans les conditions les plus penalisantes, c'est-a-dire en deformation plane,on devra s'assurer que la plus grande part de 1'eprouvette est bien dans cesconditions. Pratiquement on comparera la taille de la zone plastique R avec1'epaisseur de 1'eprouvette B :

R < B/25

Fig. 9.3. Enregistrements de divers essais de Kjc selon le comportement du materiau :Type I :Trop forte perte de linearite. Type II: Propagation stable. Type III, seul valide, propa-gation instable.

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ce qui peut se ramener a :

(9.1)

On remarquera que 1'evaluation du respect de ce critere ne pourra etre effec-tuee qu'a posteriori, apres la realisation de 1'essai. Si le critere sur 1'epaisseurn'est pas respecte, il y a lieu de reprendre 1'essai avec une plus forte epaisseurd'eprouvette. Pour les materiaux tenaces, comme ceux a faible limite d'elasticite,la taille requise peut devenir prohibitive. Ce point critique justifie le develop-pement d'autres approches permettant d'acceder a une quantification de laresistance a la rupture dans des conditions de plasticite fortement developpee.

L'influence de la temperature

Comme presente au chapitre 7, sur le clivage des aciers, toute augmentation detemperature se traduit par une plus grande facilite de la deformation plastiqueet done par un deplacement de la competition deformation plastique/ruptureau profit de la plasticite. II en resulte une augmentation de la resistance a la rup-ture avec la temperature, qui pour 1'essai Charpy se traduit par les courbes detransition et 1'existence d'une transition graduelle ductile-fragile. De meme, pourla resistance a la fissuration determinee par 1'essai de K]C, on determine un forteffet de la temperature, en particulier pour les aciers de construction.

A titre d'illustration on trouvera en figure 9.4 des mesures et valeurs dereference utilisees pour la tenacite des aciers de cuves des reacteurs nucleairesa eau sous pression. La caracterisation du domaine haute temperature de cettetransition necessite des eprouvettes particulierement volumineuses. En raisondu dommage induit conduisant a un durcissement (par formation d'amas dedefauts ponctuels et de segregations), I'lrradiation des aciers de cuve de

Fig. 9.4. Mesures de tenacite d'aciers de cuve de reacteurs en fonction de la tempera-ture. (Epaisseur des eprouvettes exprimees en pouce : 1T = 1").

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CHAPITRE 9 - LA TENACITE 79

reacteurs de puissance conduit a une evolution de la temperature de transitionductile-fragile. Celle-ci augmente avec la fluence neutronique integree, comrneillustre en figure 7.5 sur des essais Charpy. Compte tenu de la taille des eprou-vettes necessaires pour les essais de KIC, 1'evaluation du deplacement de lacourbe de transition de tenacite est deduite de celle obtenue pour des eprou-vettes Charpy, plus facile a inserer pour une irradiation a 1'interieur rnerne descuves de reacteur. On a pu verifier le caractere conservatif de cette demarcheempirique lors de programmes experimentaux internationaux.

Le mode de rupture

Du point de vue metallurgique, le mode de rupture est generalement le clivagepour les aciers de construction ferritiques, parfois la decohesion intergranulaireen cas de segregations importantes. Pour les autres metaux, en particulier ceuxa structure cristalline cfc (alliages d'Al a haute resistance, aciers inoxydablesaustenitiques), la propagation a lieu avec une deformation plastique tres confineeet rupture par cupules irregulieres, tres allongees et souvent difficile a mettre enevidence. Entre la zone de fissuration par fatigue prealable a 1'essai et la zone de

Fig. 9.5. Zone du fond de fissure apres un essai de tenacite. Successivement : fissurede fatigue, zone etiree, rupture ductile et rupture instable par clivage.

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rupture, se developpe une zone dite "etiree" correspondant a une deformationplastique en tete de fissure developpant un emoussement serni-cylindrique. Leclivage s'amorce alors a I'interieur des grains adjacents, au-dela d'une zone plas-tique tres locale, selon un schema decrit pour le clivage par Hann et Rosenfield(Fig. 9.5).

Autres mesures de tenacite

L'essai Pellini (temperature d'arret de fissuration)

L'essai Pellini a pour objet de determiner une temperature caracteristique d'unmateriau, temperature pour laquelle une fissure presente dans ce materiau nese propagera pas. La technique d'essai, normalisee (ASTM E-208), impose unedeformation elastique par impact sur une eprouvette du materiau a la surface delaquelle a etc depose un cordon de soudure fragilise par du phosphore et, de plus,entaille. Lors du choc elastique induit par une masse tombante, la flexion declenchetoujours la fissuration du cordon de soudure. On observe la propagation ou non de

Fig. 9.6. Dispositif et eprouvettes Pellini rompue (a droite et au centre) et non rompue.

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CHAPITRE 9 - LA TENACITE 81

cette amorce de fissure dans le reste du materiau. Par encadrernents successifs, ondetermine la temperature d'arret de propagation a 5 °C pres (Fig. 9.6).

Get essai permet de determiner une temperature de reference pour le com-portement en rupture des aciers. II est utilise pour caler les courbes de KIC enfonction de la temperature dans les codes RCCM ou ASME utilises pour la con-ception des appareils a pression, et en particulier des cuves de centralesnucleaires. La valeur de cette temperature, notee RTNDT, correspond a une valeurde KIC d'environ 43 MPa ̂ m.

L'essai Pellini demandant des echantillons d'assez grandes dimensions, il n'estpas envisageable d'evaluer 1'evolution de cette temperature RTNDT en fonction desollicitations exterieures, comme le flux neutronique pour les aciers de cuve. Onutilise done une valeur de reference pour le materiau non irradie mesuree paressai Pellini apres le dernier traitement thermique. L'evolution de cette tempera-ture avec 1'irradiation est obtenue par 1'evolution de la courbe de transition deresilience mesuree sur les eprouvettes Charpy apres irradiation. Les reacteurs depuissance de type REP comportent en effet au sein de la cuve, centre les paroisde cosur - et done recevant un flux neutronique plus intense que la cuve elle-meme - des paniers d'irradiation qui permettent d'anticiper cette evolution aucours de 1'histoire du reacteur. On deduit ainsi 1'evolution de la valeur de KIC enfonction de la temperature et de la fluence neutronique recue par 1'acier.

La fissuration en plasticite generalisee, J,c

Les methodes d'analyse de la rupture en condition de plasticite generalisee con-duiront a evaluer la valeur de 1'integrale J (Equation 4.13) pour diverses avanceesde la fissure. Ces avancees de fissure seront mesurees soit par des decharge-ments partiels permettant, via les variations de complaisance de 1'eprouvette, dedeterminer la longueur de la fissure, soit par des methodes permettant de mar-quer cette fissure, a divers niveaux de chargement (traitements thermiques debleuissement). Cette deuxieme methode, plus rigoureuse, necessite generale-ment 1'usage de plusieurs eprouvettes.

Au cours de ces essais, on mesure done la valeur de Jen fonction de 1'avanceede la fissure Sa. La mesure de J se ramene a la mesure du travail des forcesappliquees sur 1'eprouvette, c'est-a-dire 1'aire sous la courbe Force - Deplacementdes points d'appui sur 1'eprouvette. L'enregistrement se reduit a deux domaines,le premier associe a 1'emoussement du front de fissure correspond a une forteaugmentation de J avec 8a, le second, du a la propagation de la fissure, cor-respond a une plus faible augmentation de J avec 8a. L'intersection des deuxdomaines permet de definir JIC, (Fig. 9.7). II est souvent commode de relierensuite le JIC au KIC par 1'expression :

en contraintes planes (9-2)

en deformation plane

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Fig. 9.7. Determination du J,c sur un acier austenitique en fonction du traitement thermiqueet de la vitesse de sollicitation.

La resistance a I'avancement de la fissure, courbe R

Dans tout ce qui precede, la propagation d'une fissure a etc consideree cornmeindependante de 1'histoire de chargement ayant conduit a obtenir une fissure delongueur donnee a. Cependant, dans de nombreux cas, on observe que 1'avanceede la fissure peut etre stable et que la valeur de KjC ne depend pas uniquementde 1'etat du materiau, mais aussi de la maniere dont la fissure a pu progresser.Ainsi lorsque la fissure commence a avancer, on s'apercoit qu'il est de plus enplus difficile de continuer a la propager et Ton peut tracer un diagramme ou lavaleur de K] est exprimee en fonction de 1'avancee de la fissure 8 a. Lorsque la fis-sure avance en avant du front de fissure, certaines transformations comme unemicroplasticite, une transformation martensitique induite par la deformation ou,dans les ceramiques comme la zircone partiellement stabilisee, des modificationsstructurales, conduisent a rendre la propagation plus difficile. Par ailleurs, onpeut aussi etre amene a prendre en consideration des pontages residuels demateriaux tres ductiles ou de fibres en arriere du front de propagation. De memecertains elements relatifs a une deformation locale, voire a des contraintesresiduelles induites par la propagation de la fissure, peuvent augmenter la valeurde KIC en fonction de 8 a. Globalement la courbe de resistance a la propagationdes fissures, dite courbe R, montre comment une fissure peut se propager defacon limitee, sous forme stable pour une valeur de Kj appliquee (Fig. 9.8).

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CHAPITRE 9 - LA TENACITE 83

Fig. 9.8. Evolution des conditions de stabilite d'une fissure au cours de sa propagation(courbe R).

L'eprouvette a entailles en chevron

La determination du KIC necessite que le fond de fissure soit en condition dedeformation plane. Ceci est souvent facilite en developpant sur les bords de1'eprouvette des gorges laterales de quelques millimetres de profondeur, quireduisent la zone dans laquelle le front de fissure est en contraintes planes. Cetteidee a ete poussee jusqu'a developper des gorges laterales tres profondes, dont laprofondeur varie avec la distance. Ces gorges laissent une zone de propagationde fissure en forme de V, comme presentee sur la figure 9.9. Dans une tellestructure, 1'augmentation de taille de la fissure avec son avancee se traduit par

Fig. 9.9. Schema de 1'eprouvette en chevron pour la mesure directe de la resistance a larupture.

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une valeur quasi constante du K{ en fonction de 1'avancee de la fissure pour unecharge appliquee donnee :

(9.3)

ou la valeur de/(a/W, a.) est environ egale a 29, pratiquernent quel que soille rapport a/W. Cette technique de mesure de la tenacite est particulierementfacile a rnettre en osuvre : par simple traction des levres, on perrnet la propaga-tion d'une fissure, la charge maximale obtenue lors de 1'essai conduisant a unemesure directe du KjC. Une normalisation de ce type d'essais est en cours dedeveloppement.

La tenacite des ceramiques

Dans le cas des materiaux ne presentant qu'une tres faible possibilite de defor-mation plastique, comme les ceramiques ou les verres, la fissuration estgeneralement instable. On utilise done des techniques particulieres permettantde controler la croissance des fissures. Deux methodes principales sont utiliseespour ces materiaux, 1'indentation et la torsion longitudinale.

L'indentation est une operation simple permettant d'acceder par des correla-tions variees a la valeur du K1C. Elle consiste a realiser une empreinte de micro-durete sur une surface polie. Des fissures partent des extremites de l'empreinte,dont les longueurs permettent de determiner la tenacite. Dans le cas d'uneempreinte Vickers, on peut utiliser par exemple la correlation 9.4 :

(9.4)

Fig. 9.10. Fissures se developpant a partir d'une empreinte de microdurete dansune ceramique.

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CHAPITRE 9 - LA TENACITE 85

Fig. 9.11. Essai de propagation de fissure dans un material! fragile par flexion 4 pointsen extremite.

ou E le module d'Young de la ceramique, H la durete Vickers et le coefficient (3depend de la geometric detaillee du penetrateur et vaut environ = 10~2 quand lalongueur des fissures, c, est exprimee en mm. Cette correlation est acceptablequand la taille des fissures est grande devant les dimensions de 1'empreinte.D'autres correlations ont ete developpees selon les rapports geometriques cara-cteristiques des fissurations obtenues. La figure 9.10 montre le developpementde telles fissures a partir des extremites de 1'empreinte.

La torsion longitudinale d'une plaque fissuree est schematisee en figure 9.11.Dans une telle configuration, la valeur de Kt est donnee par 1'expression :

(9.5)

ou P est la charge appliquee en chaque point. Dans cette geometric de charge-ment, 1'avancee de la fissure se traduit par une diminution de la complaisancede la structure. En deplacement impose, elle permet done d'obtenir une valeurde KI decroissante avec la longueur de la fissure. On peut aussi utiliser une telleconfiguration pour evaluer les vitesses d'avancee de la fissure ainsi que les seuilsde non-propagation.

Les ratio analysis diagrams (RAD)

Les caracteristiques de resistance et de tenacite sont des proprietes antino-miques. Dans un acier, il est facile d'obtenir une tres forte resistance mecanique,au detriment de sa ductilite et done de sa tenacite. A contrario, un acier a faibleteneur en carbone, par exemple, aura une tres forte resistance a la propagationdes fissures. Tout 1'art des metallurgistes consiste a elaborer des alliagesmetalliques pour lequel le couple resistance mecanique - tenacite sera le plus

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Fig. 9.12. Ratio Analysis Diagram pour les alliages de titane.

eleve possible. Les RAD servent a evaluer la position d'un materiau par rapporta ce couple de proprietes. On trace generalement en abscisse une caracteristiquede tenacite et en ordonnee une caracteristique de resistance mecanique (Fig.9.12). Un niveau de performances se traduit par une courbe decroissante.L'augmentation des performances en terme d'elaboration et de qualite du mate-riau se traduit par des courbes de plus en plus eloignees de 1'origine. Le role duconcepteur sera de selectionner une classe de materiaux correspondant justeaux specifications qu'il a a tenir. Un materiau de haute durete n'aura pas neces-sairement besoin d'etre totalement tenace suivant les configurations specifiquesdes pieces envisagees.

Les progres obtenus au cours du temps pour les proprietes des alliagesmecaniques sont associees a la mise en osuvre des moyens d'elaboration deplus en plus avances : elaboration en four electrique, refusions sous vide et refu-sions a electrodes consommables, ainsi qu'au developpement de microstructuresavancees (aciers micro-allies par exemple).

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La fatigue

Lors de contraintes variant au cours du temps, on pent observerune rupture apres plusieurs milliers de cycles de charge. Une fissure

se propage lentement apres amorcage en surface ou sur un defaut.Sa vitesse d'avancee augmente avec le facteur d'intensite

de contrainte. En tete de cette fissure, une zone plastique existeou les deformations plastiques sont alternees. On introduit la fatigue

oligocyclique qui est controlee par les variations de deformation.On montre comment le metal peut accommoder de telles

deformations alternees.

Quand une piece ou un element de structure est soumis a une sollicitation,dont la valeur reste inferieure a la lirnite d'elasticite rnais qui est variable dansle temps, on peut observer une rupture nette, sans deformation plastique mar-quee de la piece. Les premieres observations de ce phenomene datent dumilieu du xixe siecle. La notion de fatigue, introduite par Braithwaite en 1854,sera quantifiee par Wohler en 1858, lors de 1'etude des conditions de rupturedes axes de roues de wagons de chemin de fer. II a mis alors en evidence1'existence de la limite de fatigue (ou d'endurance) : variation minimale de con-traintes necessaire a 1'apparition d'une rupture par fatigue. Assez vite, onmontrera que cette rupture est obtenue par la propagation lente d'une fissurea chaque cycle de chargement, la vitesse de propagation etant une fonctioncroissante de la variation du facteur d'intensite de contraintes en fond de fis-sure AK, ainsi que le proposera Paris en 1963. En effet de telles fissures sontobservables sur des structures en cours d'utilisation et 1'examen d'une piecerompue en fatigue permet de mettre en evidence des marques macroscopiques,traces de la position de la fissure a diverses etapes de sa propagation (parexample Fig. 10.1).

Par ailleurs, 1'analyse des conditions de deformation locale en tete defissure, ainsi qu'en conditions de deformation cyclique imposee, conduit aintroduire la fatigue oligocyclique, ou la duree de vie est controlee par la defor-mation plastique. Manson et Coffin (1953) ont developpe les premiers essaiscorrespondants a ces modes de sollicitation. Les metaux presentent en effet descaracteristiques de comportement propres leur permettant d'accommoder desdeformations cycliques cumulees importantes (ecrouissage cyclique). Lestravaux les plus recents concernent les sollicitations mixtes ou la fatigueest associee a d'autres processus thermoactives (fluage...) ou chimiques(corrosion...).

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Fig. 10.1. Arbre de boite de Vitesse rompu par fatigue.En haut: Zone d'amorcage En bas au centre : Rupture finale.

La fatigue dans le domaine elastique :les courbes de Wohler

Dans le cas le plus simple d'une contralnte cyclique dont 1'amplitude de varia-tion reste constante (Acr), la duree de vie est une fonction decroissante de ACT.Dans un diagramme reliant la contrainte appliquee au nombre de cycles a rup-ture, on distingue trois domaines principaux (Fig. 10.2) :• Pour une duree de vie inferieure a 103 4 cycles, la duree de vie ne depend pas

de la variation de la contrainte ACT, mais de I'amplitude de la deformation plas-tique imposee Aep. C'est le domaine de la fatigue oligocyclique.

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CHAPITRE 10 - LA FATIGUE 89

Fig. 10.2. Courbe d endurance pour une serie d eprouvettes d acier.

• Le domaine typique de la fatigue en regime elastique (endurance limitee), cor-respond a une relation simple entre Aa et la duree de vie Nf:

(10.1)

Enfin, si la contrainte appliquee est inferieure a environ la moitie de la chargea la rupture en traction, la rupture n'a pas eu lieu apres 107 a 108 cycles etla duree de vie semble alors illimitee. On a atteint la limite de fatigue.L'existence de cette limite peut cependant etre occultee par des effets envi-ronnementaux, comme une corrosion concomitante.

Les parametres des essais de fatigue

Lors d'essais de fatigue, parmi les nombreux parametres qui controlent les resul-tats, la maniere d'appliquer la contrainte oscillante a un role important. Pour unecontrainte uniaxiale variant entre des valeurs maximale crmax et minimale crmin,1'amplitude des variations de contraintes qu'il y a lieu de considerer est limitee ala seule part correspondant a la traction. En effet, s'il existe une phase de com-pression, les deux levres de la fissure en contact assurent la transmission dessollicitations sans discontinuite, a 1'oppose de la phase de traction, ou la coupureque constitue le plan de la fissure, induit une singularite de contraintes. Onutilise ainsi, pour caracteriser les solicitations, le parametre R = crmin/(Tmax,qui permet de definir, en particulier, les conditions de contraintes alternees(R = -1), repetees (R = 0) ou ondulees (JR > 0).

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90 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 10.3. Dispersion statistique des resultats d'essais de fatigue sur un acier de construction.

Les resultats d'essais de fatigue montrent une dispersion qui peut paraitreimportante. En figure 10.3, on peut observer que, pour les domaines interme-diaires de duree de vie, celle-ci atteint un facteur 10 sur JVf, ce qui represente unecart de 15 a 20 % sur la contrainte appliquee. Cette dispersion n'a pas qu'uneorigine stochastique de mauvais controle des conditions d'essais. Elle correspondessentiellernent a un comportement intrinseque du materiau. En effet, commecela sera detaille ulterieurement, les mecanismes d'amorcage des fissures fontintervenir les defauts et imperfections du metal (inclusions, singularites stru-cturales...) qui, par nature, incorporent tous les elements peu maitrises de lastructure fine du materiau. Ce sont en effet les dispersions sur les dureesd'amorgage des fissures qui sont responsables des dispersions de duree de vie,la phase de propagation etant, elle, bien mieux controlee.

Les methodes d'essai de fatigue les plus courantes ont pour objet de determi-ner le nombre de cycles a rupture Nf pour une amplitude de variation de con-trainte ACT donnee. Sans negliger des techniques plus complexes a mettre enosuvre, la grande majorite des essais est realisee sur des machines de flexion rota-tive, schematisees en figure 10.4. A chaque rotation, la surface externe subit uncycle traction-compression, dont 1'amplitude ACT est egale a la contrainte de trac-tion maximale sur la fibre externe. ^instrumentation se limite a un compte-tourset a un interrupteur declenchant 1'arret du moteur d'entrainement par la rupturede 1'eprouvette. En raison du gradient de contraintes entre la fibre neutre, au cen-tre de 1'eprouvette, et la surface, on peut etre conduit a utiliser des chargements

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CHAPITRE 10 - LA FATIGUE 91

Fig. 10.4. Machine d'essai de fatigue par flexion rotative.

de type traction-traction, sur des machines servo-hydrauliques ou a resonanceelectrodynamique.

Traitement statistique des essais de fatigue

Pour une solicitation donnee, correspondant a une amplitude de variation decontrainte appliquee Ds, on obtient une duree de vie, N, ou plus precisement unedistribution entre les eprouvettes rompues et non rompues. On exprime couram-ment la probabilite statistique de rupture a une duree de vie donnee PN(Ds) enfonction de 1'amplitude de la variation de contrainte Ds par 1'expression :

(10.2)

ou JJL representera 1'amplitude de la variation de contrainte Aa correspondant aune probabilite 0,5 de rupture et a la dispersion en Aa.

Compte tenu de cette dispersion, tout travail experimental demande un vo-lume important d'echantillons sur le meme materiau pour etre statistiquementsignificatif. Sexploitation des resultats d'une serie d'essais aura pour objetd'ajuster au mieux les parametres de la distribution physique du comportement,

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92 CLEMENT LEMAIGNAN

(JL et a. Pour la determination des parametres relatifs au comportement statis-tique, on met en oeuvre des approches experimentales variees selon 1'objectifrecherche et les habitudes historiques des utilisateurs. On utilise generalementles suivantes :• La methode des "probits" consiste a analyser la distribution binomiale des

resultats de ruptures pour diverses valeurs de ACT en vue d'atteindre lesvaleurs des parametres ^ et a les plus precises. Cette methode, lourde, n'estutilisee avec profit que pour une exploitation fine d'un volume tres importantde resultats e'xperimentaux (environ 100 eprouvettes), pour lesquels les con-ditions initiales choisies conduisent a une distribution equilibree entre eprou-vettes rompues et non rompues.

• La methode de Vescalier consiste, dans une serie d'essais de fatigue, a modulerla contrainte appliquee a chaque essai en fonction du resultat de 1'essai prece-dent (augmentation d'un increment de contrainte 80- en cas de non-rupture ala duree de vie attendue et inversement). Pour que cette methode n'induise pasde biais experimental, il faut que I'lncrement de contrainte 8a soit de 1'ordre degrandeur de la dispersion en contrainte des resultats a la duree de vie visee etque la valeur initiale de ACT soit proche de la valeur de la contrainte conduisanta cette duree de vie. Bien utilisee, elle peut dormer, en 40 a 50 eprouvettes, uneevaluation satisfaisante des parametres de la courbe de fatigue.

• La methode d' iteration est une variante de la precedente, dans laquelle lavaleur absolue de 1'increment de contrainte 18a | est fonction decroissante durang de 1'essai. La validite de 1'approche est, la encore, particulierementdependante des conditions initiales choisies (N, Aa et SCT). Un jeu initial maladapte conduisant a une distorsion des resultats dans le sens d'un excesd'une famille particuliere (par exemple majorite de rompues, si ACT a etc choisitrop fort pour le Nvise).

• La methode des n eprouvettes non rompues consiste a realiser des series d'es-sais a ACT donnes, que 1'on fait decroitre d'un increment SCT tant que Tonn'obtient pas une serie continue de n eprouvettes non-rompues a la memevaleur de ACT.

Expression des courbes de Wohler

La forme generate des courbes de Wohler a fait 1'objet de diverses tentatives dedescriptions formelles. Compte tenu de la nature statistiquement distribute desresultats, celles-ci sont a ajuster pour une probabilite cherchee de rupture a unevaleur de la contrainte donnee. On definira done les parametres d'une loi defatigue pour une esperance donnee de non-rupture, c'est-a-dire en ajustant defacon conjointe les valeurs de jx et CT.

Par rapport a 1'equation de Wohler, 1'expression de Stromeyer correspond a unerepresentation tres satisfaisante, bien qu'il n'existe pas de procedure d'ajustementpermettant une determination univoque des trois parametres qui la composent :

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CHAPITRE 10 - LA FATIGUE 93

ou ors est la contrainte seuil.En introduisant la probabilite de rupture, on obtient :

L'expression generate permettant de decrire une courbe de Wohler sera donede la forme :

(10.3)

permettant de tracer des families de courbes parametrees en probabilite de rup-ture, dans 1'espace duree de vie - amplitude de la variation de contraintes : [JVf, ACT.]

Les valeurs typiques de la limite d'endurance as sont de 1'ordre de la moyenneentre limite d'elasticite et charge a la rupture : t/2(Re + Rm), avec un ecart type de1'ordre de Rm/50. On atteint la limite d'endurance pour environ 106 - 107 cycles.Ces valeurs, indicatives et valables pour les aciers, sont a utiliser avec precau-tions, car elles ont etc determinees pour des alliages particuliers, apres destraitements thermiques specifiques. II est generalement necessaire de reevaluerces parametres pour tout nouveau type d'alliage.

La propagation des fissures de fatigue

Les lois de propagation

L'examen de pieces rompues en fatigue (par exemple Fig. 3.1), permet de dis-tinguer des stries macroscopiques, empreintes des positions successives d'unefissure qui se propage lentement. Si 1'on suit la longueur de la fissure enfonction du nombre de cycles, on observe que la Vitesse de propagation est unefonction croissante de la longueur de fissure avec une augmentation rapide enfin de vie, ce qui a fait rechercher des lois d'avancee de fissure de type puissance(Fig. 10.5).

Le comportement du materiau en fond de fissure, a chaque cycle de charge-ment, depend bien evidemment des variations de singularite de contraintes asso-ciees a la presence de la fissure et aux solicitations variables ACT. On a done entete de fissure une variation du facteur d'intensite de contraintes AK a chaquecycle de charge. On exprime done classiquement la Vitesse de propagation da/dIVpar une relation simple de la forme :

da/dN = /(AK)

Une loi puissance, dite de Paris, est observee experimentalement sur unegrande variete d'alliages metalliques :

da/dIV = C • (AK)m (10.4)

avec m compris entre 2 et 6.

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94 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 10.5. Avancee d'une fissure de fatigue en fonction du nombre de cycles.

Cette loi experimentale est utilisable settlement pour des valeurs de AK com-prises entre une valeur seuil AKS, en dessous de laquelle aucune propagationn'est observee, et une valeur proche de KIC pour laquelle toute fissure est insta-ble mecaniquement (Fig. 10.6).

A 1'interieur d'une classe d'alliages, les variations de vitesses de propagationrestent faibles, mais elles varient entre les classes. On peut reduire ces dif-ferences entre classes en normalisant les sollicitations selon les proprietes ela-stiques des metaux et alliages : dans une representation (da/dN, AK/E), toutesles vitesses de propagation sont pratiquement identiques (Fig. 10.7).

II est eventuellement possible de proposer des justifications theoriques a la loide propagation, fondees sur les deformations plastiques en fond de fissure, etd'obtenir des valeurs de 1'exposant de la loi de Paris. A titre d'exemple, on peutciter les approches suivantes : partant du comportement des dislocations emi-ses en tete de fissure sous 1'effet des cissions maximales, Weetman obtient, en1'absence d'ecrouissage, un exposant 4. Me Clintock propose d'evaluer 1'ouver-ture du fond de fissure, CTOD (Crack Tip Opening Displacement, defini par 1'ecartd'intersection des levres de la fissure par des plans a ± 3ir/4) et de le relier a 1'a-vancee de la fissure. II obtient alors un exposant 2. En considerant 1'ecrouissagelors de la deformation, on peut obtenir un exposant de la loi de Paris qui soitfonction du coefficient d'ecrouissage n, ou de son homologue en comportementcyclique n' (p. 103). Selon une telle approche, Tomkins propose une valeur de megale a 2 + 1/n'.

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CHAPITRE 10 - LA FATIGUE 95

Fig. 10.6. Vitesse de propagation en fatigue pour les grandes classes d'alliages metalliques.

Fig. 10.7. Vitesse de propagation en fatigue pour les grandes classes d'alliagesmetalliques, normalisee selon le module d'Young.

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h96 CLEMENT LEMAIGNAN

Une revue generate des diverses lois utilisees pour decrire les vltesses depropagation peut etre trouvee en [B6]. En complement de ces lois, diversesapproximations experimentales ont etc developpees, integrant en particulier leseffets de rapport de contraintes R ainsi que les valeurs de AK, AKS et KIC.

Zone plastique en fatigue et mecanismes de propagationmicroscopique

En ce qui concerne la taille de la zone plastique en tete d'une fissure de fatigue,on remarque qu'en raison de 1'effet Bauschinger, la taille de la zone plastique enfatigue est sensiblement plus faible qu'en solicitation monotone : JR' = 1 /6 R. Lavariation de sa taille avec le AKj conduit a ce qu'elle soit traversee par la fissureen quelques centaines de cycles de chargement.

Un examen attentif permet de souligner 1'existence de deux zones plastiques.La zone la plus large correspond a une deformation plastique induite unique-ment lors de la phase d'ouverture de la fissure et ne correspond qu'a un incre-ment de deformation. On 1'appelle la zone plastique monotone. Au coeur de cettezone, il existe une zone plus petite pour laquelle, lors du dechargement, le retourelastique de la structure conduit localement a une deformation plastique en com-pression. Dans cette zone, un tres fort ecrouissage a done lieu. Un profil demicro-durete selon une perpendiculaire a la trace de la fissure permet de mettreen evidence ces deux zones plastiques (Fig. 10.8).

En complement de ces zones plastiques, il y a lieu de considerer la zoneimmediatement adjacente au front de fissure, a 1'echelle du micrometre. Danscette zone, le cisaillement intense dans des bandes orientees a 45° est le meca-nisme par lequel la fissure s'ouvre et se ferme a chaque cycle de sollicitation.Dans ces bandes a tres forte deformation, 1'ecrouissage est intense lors de 1'ou-verture et la deformation plastique necessaire pour la fermeture aura lieu enavant de ces bandes tres ecrouies, ou le metal n'a pas encore etc deforme defacon importante. La deformation plastique en tete de fissure n'etant pasreversible en raison de 1'ecrouissage, le cisaillement se developpe en amont deproche en proche, et c'est par un tel mecanisme que la fissure peut avancer.

On observe d'ailleurs, sur les surfaces de rupture, les traces de ces deforma-tions cycliques sous forme de stries de fatigue, correspondant a la position dela fissure a chaque cycle de chargement. L'espacement entre stries correspond,dans le domaihe de la loi de Paris, a la vitesse de propagation microscopique. IIvarie fortement avec le AK local.

Dans un tel regime de propagation, une faible variation du AK se traduit parune augmentation immediate de la vitesse d'avancee de la fissure, par formationd'une strie de plus grande amplitude. Ainsi, pour un chargement constitue deblocs de 10 cycles dont 3 sont plus sollicitants de 20 %, on observe clairement uneplus grande amplitude associee a 1'avancee microscopique de la fissure (Fig. 10.9).

Une consequence des irreversibilites de deformation plastique est relative auxirregularites de propagation lors de surcharges. Ainsi, lorsqu'un regime stable depropagation est atteint, une forte surcharge - un facteur 2 par exemple - va

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CHAPITRE 10 - LA FATIGUE 97

Fig. 10.8. Zones plastiques en fatigue et profil de microdurete correspondant (cas d'unadoucissement cyclique).

induire une zone plastique tres differente de celle qui etalt etablie precedemmenten regime stationnalre. Les efforts de compression lors du dechargement con-duiront, pour le niveau de contraintes anterieur, a des efforts residuels de fer-meture qui reduiront la valeur de AK effectif en fond de fissure. Ceci se traduirapar une reduction de la Vitesse de propagation apres cette surcharge. Plusieursmilliers ou dizaines de milliers de cycles seront necessaires pour permettre unereprise de la propagation de la fissure a sa Vitesse initiale (Fig. 10.10).

L'amonpage des fissures de fatigueLOTS d'un phenomene de fatigue, la contrainte macroscopique est faible, inferieurea la limite d'elasticite. L'etape d'amorcage d'une fissure de fatigue met en jeu deuxmecanismes principaux. Pour les materiaux industriels, il est toujours possible de

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98 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 10.9. Stries microscopiques en fatigue. Propagation regulieres et effet de faiblessurcharges appliquees regulierement (MEB et MET avec replique).

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CHAPITRE 10 - LA FATIGUE 99

Fig. 10.10. Interruption temporaire de la propagation d'une fissure de fatigue a la suited'une surcharge.

trouver des sources locales de concentration de contralntes. Une inclusion, par ladifference entre le module d'Young de la matrice et celui de 1'inclusion, verra sonenvironnement local soumis a une contrainte plus elevee (Fig. 10.11).

Une cavite ou un conge aigu conduiront aussi a avoir localement une concen-tration de contraintes. Ainsi il est possible d'obtenir des contraintes localessuperieures a la limite d'elasticite. Lors de chaque cycle de sollicitation, on obtientune deformation plastique au droit de cette inclusion, ou de cette singularite de

Fig. 10.11. Amorcage d'une fissure de fatigue sur une inclusion dans un alliage d'aluminium.

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100 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 10.12. Amorcage d'une fissure de fatigue par formation de bandes de glissementpersistantes dans un alliage du cuivre de haute purete (Schema correspondant en coupetransverse).

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CHAPITRE 10 - LA FATIGUE 101

contraintes. Apres quelques milliers ou centaines de milliers de cycles, la defor-mation locale cumulee conduira a la rupture, origine d'une fissuration qui sepropagera d'abord tres lentement puis accelerera en suivant les lois de Paris.

Pour les materiaux de haute purete et de faible resistance mecanique, unphenomene specifique a etc mis en evidence. II s'agit essentiellement de la mobi-lite non reversible de dislocations. Le metal etant pur, les dislocations ne trouventpas d'obstacle a leur mobilite et, pres de la surface, la force image leur permet dequitter le metal, degageant une marche a leur passage, sur laquelle se fixera parphysi- ou chimi-sorption, toute trace d'element exogene (oxygene, azote, humi-dite...). Cette contamination de surface, associee a la disparition des dislocationsqui ont emerge, rend le processus de glissement de ces dislocations tres peureversible. La non-reversibilite de ce mecanisme conduit peu a peu a la formationde fissures paralleles aux plans de glissement, sur un ou deux grains, le glis-sement restant confine a des bandes particulieres, dites bandes persistantes deglissement. C'est le stade I de 1'amorcage des fissures de fatigue sur les metauxde haute purete. II est facilement observe sur du cuivre a tres faible oxygene, ditOFHC. A partir du quart ou de la moitie de la duree de vie, on observe ainsi ensurface des lignes paralleles aux traces de plans de glissement, qui sont autantde plans sur lesquels de 1'oxygene atmospherique s'est absorbe et empeche lareversibilite du mouvement de ces dislocations. On a ainsi la formation de plansqui coupent les grains exterieurs, amorces de fissures de fatigue (Fig. 10.12).

La fatigue oligocyclique

Lorsque le niveau de solicitation macroscopique sur la structure depasse lalimite d'elasticite, on peut induire des sollicitations alternees dont I'amplitude estcontrolee par la deformation imposee. Ce domaine de deformation plastiquealternee, conduisant a des durees de vie de quelques centaines a quelques mil-liers de cycles, s'appelle la fatigue oligocyclique.

Dans ce regime de chargement, le parametre qui controle la duree de vie estla deformation imposee Ae. Pour une deformation de 1'ordre de la fraction de % aquelques %, les durees de vie decroissent avec la deformation imposee (Fig.10.13). Si Ton ne s'interesse qu'a la duree de vie globale, on presente les resul-tats dans un diagramme dit de Manson-Coffin, qui exprime la duree de vie enfonction de la deformation imposee (Fig. 10.14).

Deformations plastiques alternees

Un examen detaille des conditions de mise en regime stationnaire permet de met-tre en evidence les points suivants :• Lors des premiers cycles de sollicitation, le materiau va peu a peu passer du

comportement qu'il aurait eu en sollicitation monotone - celui obtenu lorsd'un essai de traction ou de compression - au regime de comportement endeformation plastique alternee.

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102 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 10.13. Comportement a deformation imposee d'un acier austenitique 316 L a 450 °C.Noter le comnortement de durcissement cvcliaue en debut de vie.

Fig. 10.14. Courbes de Manson-Coffin pour divers alliages metalliques.

• Cette transition peut se faire selon deux modes : soit le materiau a tendancea se durcir lors de la deformation, par exemple pour un acier recuit, et alorsla contrainte necessaire pour obtenir une deformation donnee augmenteregulierement jusqu'a saturer, soit la deformation a tendance a adoucir lemateriau, c'est le cas notamment des alliages a durcissement structural, et leniveau de solicitations diminuera avec le nombre de cycles de deformationimposes. En effet, dans ces alliages, le mouvement des dislocations cisaille lesprecipites et rend une deformation ulterieure plus facile. On parlera dans cesdeux cas de materiaux a durcissement cyclique ou a adoucissement cyclique.

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CHAPITRE 10 - LA FATIGUE 103

Fig. 10.15. Courbe de consolidation cyclique du cuivre pur recuit (comportement de typedurcissement cyclique).

• La courbe globale (Fig. 10.15) correspondant au regime stationnaire s'appellela courbe de consolidation cyclique, generalement exprimee par une loi sim-ple de la forme ACT = C Aen , ou ri est appele le coefficient d'ecrouissagecyclique.

La structure de dislocations apres deformation cyclique

Pour obtenir un tel regime de comportement cyclique en deformation stationnaire,il est necessaire que le materiau developpe une structure microscopique permet-tant une deformation reguliere en traction et en compression, dont 1'amplitudeintegree puisse atteindre plusieurs unites. Cette structure correspond audeveloppement interne dans le materiau de cellules de dislocations. Des examensen microscopic electronique a transmission de materiaux soumis a des deforma-tions cycliques montrent une structure tres particuliere de dislocations : le metalest constitue de cellules exemptes de dislocations, separees par des parois

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104 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 10.16. Cellules de dislocations dans du cuivre de haute purete apres deformationcyclique.

extremement denses en dislocations enchevetrees. Lors de chaque cycle de defor-mation, des dislocations sont emises par les parois d'un cote de la cellule,traversent la cellule pour assurer la deformation, et viennent s'annihiler sur laface opposee de la cellule. Lors du cycle de deformation opposee, le processusinverse se developpe. La structure en cellules permet done un regime de defor-mation cyclique jusqu'a de tres fortes deformations cumulees (Fig. 10.16). Lataille de ces cellules decroit avec I'amplitude de la deformation imposee.

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La corrosion souscontrainte

Lorsqu 'il y a association de contraintes, d'un milieu legerement agressifet d'unmateriau sensible, des fissures de corrosion sous contrainte peuvent se developper.

Les phases d'amorcage et de propagation font generalement appel a des processus dedepassivation et d'echanges electrochimiques varies.

Aspects generaux

La corrosion sous contrainte (CSC) est un phenomena de rupture qui a lieu sous1'effet conjoint de trois conditions : conditions sur le materiau, sur les contraintesappliquees et sur un environnement faiblement agressif. II n'y a rupture quepour des combinaisons precises de ces trois elements. L'environnement ne con-duit normalement pas a la corrosion du materiau sans contrainte et les couplesentre materiau et environnement sont bien identifies. Le tableau 11.1 donne ainsi1'effet d'environnements specifiques, generalement ioniques, pouvant induire de laCSC sur des classes d'alliages particuliers.

La rupture par CSC presente un certain nombre de caracteristiques : c'estune rupture differee par rapport au moment d'application de la charge. Ce tempscorrespond a 1'amorcage puis a la propagation d'une fissure au sein du materi-au. Une fissure de CSC presente pratiquement toujours un fades fortementbranche, ce qui rend souvent difficile 1'identification de la fissure principale(Fig. 11.1). Dans la pratique, on prendra pour fissure primaire celle qui est leplus avancee par rapport au site d'amorgage.

Les courbes de duree de vie

De facon macroscopique, on peut tracer des courbes de durees de vie en fonctionde la contrainte appliquee qui sont parametrees en fonction de I'agressMte crois-sante de 1'environnement ou des sollicitations. Cette agressivite sera exprimeeeventuellement par les concentrations en especes agressives, le pH de la solution,le potentiel electrochimique impose ou la temperature dans laquelle baignent lessolutions. La figure 11.2 montre ainsi 1'effet des contraintes appliquees sur lesdurees de vie en CSC d'aciers austenitiques.

Comme tout phenomene de propagation de fissure, on tracera aussi la Vitessede propagation da/dt en fonction du facteur d'intensite de contraintes en tete de

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106 CLEMENT LEMAIGNAN

Tableau 11.1. Environnements particuliers induisant des phenomenes de corrosion souscontrainte pour diverses classes d'alliages.

Alliages d'AIAlliages de CuAciers de constructionAciers inox austenitiquesAlliages de NiAlliages Ti, ZrVerres, beton

Eau salee et air humide, CrSolutions NH4OHSolutions NaOH, MgCI2Eau de mer, MgCI2, Ch, H2OSolutions NaOH, KOHHalogenesH2O

Fig. 11.1. Fissuration intergranulaire d'un acier 316 L dans une solution de NaOH.

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CHAPITRE 11 - LA CORROSION sous CONTRAINTE 107

Fig. 11.2. Duree de vie en corrosion sous contrainte pour divers aciers austenitiquesdans une solution de MgCI2 bouillante.

fissure. On remarque que les fissures de CSC ne se propagent que dans undomaine limite de K] : un seuil minimum de sollicitations est necessaire, noteK-i-esc' et lorsque la valeur de K( depasse la valeur de KIC, la fissure estmecaniquement instable (Fig. 11.3).

L'influence des conditions chimiques exterieures

La pente de la courbe Vitesse de propagation en fonction de Kj, dans le domaineintermediaire, montre generalement une faible dependance de cette vitesse avecle facteur d'intensite de contrainte applique, K{. On remarque par ailleurs que lavitesse de propagation depend faiblement des conditions chimiques exterieuresconstantes. Des etudes fines ont montre que la chimie locale en tete de fissureest faiblement dependante des conditions exterieures appliquees. En effet lerenouvellement de la solution entre les levres de la fissure est limite, du pointde vue cinetique, par la diffusion a travers le liquide present dans la fissure.De plus, la chimie de celui-ci est plus controlee par les conditions d'equilibre

Page 116: Rupture Des Materiaux

108 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 11.3. Vitesses de propagation en corrosion sous contrainte pour divers types d'al-liages metalliques.

chimiques entre la solution et le metal en surface des levres de la fissure que parles conditions imposees a 1'exterieur.

Dans le cas de materiaux tres fragiles, comme les verres ou les ceramiquesoxydes, qui sont sensibles a une corrosion sous contrainte en milieu humide, lasimple realisation des essais de rupture en milieu sec (N2) ou en air humide per-met de mettre en evidence des distributions de Weibull bien differenciees selonles conditions. La figure 7.6 illustre ainsi, dans le cas de l'alumine frittee, lareduction du niveau de solicitations pour obtenir la meme probability de ruptureen milieu humide.

L'amorgage en corrosion sous contrainte

La phase d'amorcage des fissures de CSC est generalement controlee par desprocessus electrochimiques :• Toute heterogeneite physique, par exemple une inclusion ou une deuxieme

phase, peut etre le site d'etablissement d'une reaction electrochimique entreces deux phases, par le biais de 1'electrolyte. Une pile locale favorisera la mise

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CHAPITRE 11 - LA CORROSION sous CONTRAINTE 109

Fig. 11.4. Vitesses de propagation d'une fissure de corrosion sous contrainte dans unverre sodique, en fonction de I'humidite relative de I'atmosphere d'essai.

en solution anodique de la phase la moins noble et peu a peu la formationd'une piqure par propagation interne dans le materiau.

• Sous 1'effet des contraintes, une fracturation du film passif est induite desune faible deformation. Les dislocations peuvent alors facilement sortir dumateriau et former une marche, presentant une surface fraiche de metal encontact avec 1'electrolyte. Ce site, non protege par la couche passive, pourraetre un site d'attaque preferentielle.

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110 CLEMENT LEMAIGNAN

Les mecanismes de propagation

Les mecanismes de propagation des fissures de CSC font 1'objet de tres nom-breux travaux, et restent largement ouvert a debat. Suivant les alliages et lesmilieux, les propagations sont inter- ou transgranulaires, generalement forte-ment branchees. La propagation ne semble pas reguliere, mais discontinue. Lorsd'une propagation intergranulaire, la fissure de developpe principalement sur untype de plans cristallographiques particulier de faibles indices {100}, {110}, {210}dans les cubiques et {0002} pour les hexagonaux (Fig. 11.5).

Fig. 11.5. Fissuration d'alliage de zirconium en presence d'iode. Propagation par quasi-clivage sur les plans de base, et raccordement de ces plans par rupture ductile sur lesplans prismatiques.

Les mecanismes invoques pour la propagation font appel a plusieurs proces-sus qui agissent independamment ou en synergic. Parmi ceux-ci, il y a lieu deciter les suivants :• Le developpement de la fissure libere un metal non protege par une couche

d'oxyde. Sous 1'effet de la singularite de contraintes en tete de fissure, lesdislocations peuvent facilement emerger du metal et liberer une surface demetal non protegee qui va etre facilement attaquee.

• Le mouvement des dislocations, emises par la surface vers I'interieur dumetal, peut entrainer des ions hydrogene (protons). Peu a peu, ils vont etresegreges a 1'interieur du metal, la ou s'arretent les dislocations, et produire

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CHAPITRE 11 - LA CORROSION sous CONTRAINTE 111

une fragilisation par la forte concentration locale d'hydrogene, voire par laformation de bulles ou de micro-flocons. Le role de 1'hydrogene semble en effetmajeur, en particulier pour tons les processus de CSC faisant appel a unmilieu ayant des caracteristiques electrochimiques marquees.

Les methodes d'essais en CSC

II existe de nombreux essais de CSC qui peuvent etre places en trois grandescategories.

Les mesures de durees de vie

En presence de la solution agressive, eventuellement en temperature, on laisse unechantillon de metal sous contrainte jusqu'a sa rupture, dont on determinera laduree. Le chargement mecanique peut etre obtenu a 1'aide d'une eprouvette de trac-tion soumise a un effort constant, ou par un anneau entaille dont les levres de 1'en-taille sont ecartees par une cale inerte. Dans certains cas, on peut utiliser uneeprouvette specifique qui maintient les contraintes constantes et egales a la limited'elasticite. C'est le cas de 1'eprouvette en selle de cheval. Elle est formee d'unecoque, correspondant a une longueur de tube coupe en deux selon 1'axe principal,retournee sur elle-meme et maintenue par un systeme mecanique (Fig. 11.6-a).

Les essais a faible vitesse de deformation

Comme les mecanismes de CSC font intervenir des phenomenes de depassivationen surface, il est interessant d'induire mecaniquement la rupture du film passif. Enimposant une vitesse de deformation tres faible, de 1'ordre de e = 10~7 s"1 enpresence du milieu agressif, il est possible d'etudier les interactions entre le milieuagressif et le metal sous-jacent a la couche passive, que.sa rupture induite par ladeformation revele en continu. On peut acceder ainsi aux mecanismes de repas-sivation et aux competitions entre repassivation et developpement de la fissuration.Les essais a tres faibles vitesses de deformation sont plutot utilises pour des etudesassez fondamentales de mecanismes de CSC.

Les essais de propagation

Les essais de propagation sont derives des essais de mecanique de la rupture etconsistent a suivre la vitesse d'avancee d'une fissure sur une eprouvette entail-lee, en presence du milieu agressif. Parfois realises en appliquant une force con-stante sur les levres de la fissure, ils sont plus generalement conduits a 1'aide

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112 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 11.6. Eprouvenes specmques aes essais ae corrosion sous contrainte. a : selle decheval, b : WOL.

d'une eprouvette entaillee dont on ecarte les levres a 1'aide d'un dispositifmecanique, imposant un deplacement constant (Fig. 11.6-b). Dans ce derniercas, la valeur de K, est une fonction decroissante de 1'avancee de la fissure. Pourune valeur donnee de la fissure et de son ouverture externe, on connait la valeurde K] applique. L'enregistrement regulier de la longueur de la fissure au cours dutemps perrnet, par derivation, d'acceder a la vitesse de propagation. En attendantsuffisamment longtemps, on peut observer le ralentissement de la propagationjusqu'a son arret. Cette procedure permet de tracer les courbes de vitesse depropagation en fonction de K] jusqu'a la valeur de K!_CSC, valeur minimale duKj necessaire a la propagation.

Page 121: Rupture Des Materiaux

Autres ruptures fragiles

Des mecanismes varies, faisant intervenir des sollicitationsmixtes, conduisent aussi a d'autres modes de rupture. C'est le cas

de la fatigue corrosion, de la fragilisation par I'hydrogene,de la fatigue en temperature et de la fatigue thermique et enfin

de la fragilisation par les metaux liquides.

La fatigue-corrosion

La fatigue-corrosion est un mecanisme de rupture relativement frequent quiassocie, cornrne la CSC, materiau, contrainte et environnement, avec cornmespecificite une contrainte variable au cours du temps. Cette contrainte variableau cours du temps, en presence d'un milieu legerement agressif, par exemple de1'air humide pour certains materiaux, va avoir deux impacts sur la duree de viequi modifient le comportement classique en fatigue. Un premier effet sur1'amorcage des fissures de fatigue, se traduira par un abaissement de la limite defatigue. Le deuxieme effet est relatif a 1'augmentation de la Vitesse de propaga-tion ; il se traduira par une reduction de la duree de vie pour des contraintesAa moyennes (Fig. 12.1) :

• L'augmentation de la facilite des amorcages met en jeu des mecanismesproches de ceux de la corrosion sous contrainte en milieu electrochimique.

• L'augmentation de la Vitesse de propagation est quant a elle specifique de lafatigue-corrosion.

Quand on trace (Fig. 12.2-a) les vitesses de propagation en fonction de AK!presentant un phenomene de fatigue-corrosion (par ex. un alliage d'aluminiumen presence d'eau salee), on trouve une augmentation significative de la Vitessede propagation pour les valeurs intermediaires de KT.

En moyenne la vitesse de propagation en eau salee pour un alliage d'alu-minium va etre d'environ 10 fois celui d'un milieu neutre comme de 1'air sec oude 1'argon. D'autre part, si Ton modifie la frequence de sollicitation, on observeun phenomene de deuxieme ordre, une augmentation de la frequence reduisant1'augmentation de la vitesse de propagation. On remarquera que la vitesse depropagation en fatigue-corrosion n'est pas egale a la somme de la vitesse de pro-pagation en fatigue d'origine mecanique (Ch. 10) et de la vitesse de propagationen CSC (Ch. 11). La vitesse de propagation en fatigue-corrosion est bien plus

Page 122: Rupture Des Materiaux

114 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 12.1. Courbes de duree de vie en fatigue-corrosion pour un acier inoxydable austeni-tique dans des milieux d'agressivite croissante.

elevee que la somme des deux vitesses. II existe une synergic entre fatigue et cor-rosion sous contrainte pour induire la fatigue-corrosion.

Get effet peut etre mis en evidence par 1'influence de la forme du cycle sur lesvitesses de fatigue-corrosion. Sur la figure 12.2b on remarquera que la vitesse depropagation maximale correspond a celle pour laquelle le temps de montee ensollicitation est le plus long. Pendant toute la duree de la montee, du metal neufest mis en contact avec le milieu agressif, conduisant a sa fissuration locale, etinhibant sa passivation. L'augmentation de la vitesse de propagation en fatigue-corrosion est un phenomene instantane ; le fait de basculer d'un milieu inerte aun milieu agressif toutes choses egales par ailleurs, conduit, comme observe surla figure 12.3, a mettre en evidence des stries de plus grande amplitude.Une eventuelle protection cathodique permet de revenir a un ecart entre striesnormal.

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CHAPITRE 12 - AUTRES RUPTURES FRAGILES 115

Fig. 12.2. Vitesses de propagation de fissures de fatigue-corrosion d'un alliage d'AI (7075T4) en presence d'eau salee. Les differentes frequences et formes de cycles montrentque la propagation a lieu principalement lors de la phase d'ouverture de la fissure.

Fig. 12.3. Variation instantanee de la largeur des striations, par ajout d'eau salee lors d'unessai de propagation de fissures de fatigue.

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116 CLEMENT LEMAIGNAN

La fragilisation par I'hydrogene

La fragilisation par I'hydrogene est un mecanisme de rupture dont l'origine estassociee a la presence d'hydrogene localement en sursaturation dans le metal. Cephenomene est observe essentiellement sur des materiaux a haute resistancemecanique. Les sources d'entree de I'hydrogene dans les metaux sont variees et ilexiste de nombreux processus permettant de surcharger en hydrogene un alliage.

Les sources d'entree d'hydrogene

Ainsi lors de I'elaboration des aciers, I'hydrogene, assez soluble en phase liquide,pourra etre introduit par toute contamination du liquide. Sans precautions par-ticulieres, il restera piege dans 1'alliage et sera present en sursaturation en phasesolide, apres refroidissement. C'est pourquoi on sera particulierement attentifaux teneurs en eau de tout element pouvant etre en contact avec le metal liquide.Ceci concerne les constituants utilises lors de la fabrication de 1'acier dans leshauts fourneaux ou les fours electriques, ou aussi, lors de la realisation desoudures, en cas de baguettes de metal d'apport dont le flux protecteur ne seraitpas parfaitement sec.

Une autre source d'hydrogene est associee a la formation d'hydrogene nais-sant d'origine exterieure au metal. En particulier tout processus electrochimique

Fig. 12.4. Fissure induite par une precipitation d'hydrogene lors du refroidissement d'unacier bainitique.

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CHAPITRE 12 - AUTRES RUPTURES FRAGILES 117

comme le decapage, ou la presence d'hydrogene a haute pression au contact dumetal non protege, peut conduire a faire rentrer de 1'hydrogene dans 1'alliage.

Dans les metaux, 1'hydrogene est particulierement mobile : le coefficient dediffusion de 1'hydrogene dans le fer vaut DH = 3 10~7 cm2 s^1 a 1'ambiante et a700 °C, DH ~ 5 10~5 cm2 s-1. De plus une partie de 1'hydrogene interagit avec lesdislocations et est entraine par leur mouvement, sous forme de nuages deCottrell. Une deformation plastique locale permet de transporter 1'hydrogene etde le regrouper vers des domaines ou sa concentration conduira a une precipi-tation gazeuse, conduisant a la formation de microfissures.

La propagation des fissures

La precipitation de bulles d'hydrogene n'est pas une condition necessaire a la fis-suration. En effet, on a pu montrer, lors de calculs d'interaction entre atoniesselon des approches de physique quantique, que la simple presence du protonau voisinage de deux atomes de fer reduit considerablement la cohesion dureseau cristallin. Une sur-concentration locale reduit done fortement le niveaude contraintes necessaire pour la decohesion entre atomes. On obtient doneplus facilement une fissuration, dont certaines caracteristiques morphologiquesrappellent le clivage.

Dans les aciers, pour reduire la concentration en hydrogene, on realisera destraitements thermiques a temperatures intermediaires permettant a 1'hydrogenepresent en sursaturation dans le metal de se degager vers 1'environnementexterieur, par diffusion lors de ces recuits. A titre d'illustration, la figure 12.5

Fig. 12.5. Influence de la duree d'un recuit a 150 °C sur la ductilite en traction d'un acierde construction a forte limite d'elasticite, prealablement charge en hydrogene.

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118 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 12.6. Precipitation discontinue d'hydrures en tete de fissure lors d'une propagationd'une fissure par DHC dans un alliage de zirconium.

montre 1'augmentation de la duree de vie sous une contrainte appliquee en fonc-tion du temps de recuit a temperature intermediaire.

Pour certains metaux, en particulier la serie IV-B, il peut se former deshydrures de type TiH2 ou ZrHj 66. A basse temperature, ces hydrures sont fragileset se rompent par clivage, devenant source de ruptures a tres faible ductilite.Comme ces alliages presentent une forte variation de la solubilite de 1'hydrogeneavec la temperature et que les hydrures precipitent avec une forte expansionvolumique, ceux-ci precipitent lors refroidissement, pres des points froids et dansles zones sous contrainte de traction. Ces alliages peuvent ainsi developper unepropagation de fissures par precipitation continue d'hydrures en tete de fis-sure (dite DHC, delayed hydride cracking - Fig. 12.6). Les propagations sontirregulieres et les vitesses moyennes observees (de 1'ordre de 1CT7 m s'1 a 300 °C)peuvent bien s'expliquer par des modeles fondes sur la Vitesse de diffusion deH en tete de fissure.

Les sollicitations en temperature et le fluage

Puisqu'il ne conduit que rarement a une rupture fragile, le fluage ne devrait pastrouver sa place dans ce chapitre. Cependant son impact sur les modes de rupturedecrits ci-apres, ainsi que sa responsabilite lors de ruptures sous sollicitations entemperature, invitent a en rappeler certaines caracteristiques.

Lorsqu'un alliage metallique est soumis a une contrainte statique en tempera-ture, on observe une deformation continue. Celle-ci, apres une phase transitoirepermettant l'etablissement d'un regime stationnaire, a lieu a une vitesse

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CHAPITRE 12 - AUTRES RUPTURES FRAGILES 119

Fig. 12.7. Rupture par fluage d'un tube de generateur de vapeur.

constante qui depend fortement de la temperature et de la contrainte appliquee.Pour les alliages industriels, les vitesses de fluage observees suivent des loiscaracteristiques de phenomenes thermoactives. £ = eo-o^-e^.

L'exposant de sensibilite a la contrainte n varie typiquement de 3 a 7 selon lesconditions, alors que 1'energie d'activation est generalement celle de la diffusionde 1'espece majoritaire. De tres nombreuses modelisations du fluage ont etedeveloppees qui permettent d'obtenir des valeurs de n variees, ainsi qu'observeexperimentalement. Les mecanismes proposes sont peu ou prou fondes sur1'activation de processus qui permettent de liberer les dislocations de leurs sitesd'ancrage, en particulier la monte anisotrope des dislocations sous 1'effet d'unecondensation d'un flux de lacunes localement facilitee par la contrainte. A ladeformation continue des grains qui est obtenue, il est necessaire d'aj outer unglissement des grains les uns sur les autres, le glissement intergranulaire. Celui-ci rend la deformation de chaque grain non compatible avec celle du grain adja-cent. II en resulte, au niveau des joints triples une augmentation importante descontraintes et 1'ouverture de cavites intergranulaires au sein meme de la piece.La deformation s'accelere alors et la rupture intervient par percolation de cescavites internes (Fig. 12.7).

La fatigue en temperature

Lorsque les phenomenes de sollicitations alternees sont actives en temperature,des phenomenes specifiques sont a prendre en consideration, en particulier lefluage. Si, a chaque cycle, la structure est maintenue sous solicitation de tractionpendant un certain temps, le fluage, dans la zone proche du front de fissure,

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120 CLEMENT LEMAIGNAN

conduira a une redistribution des sollicitations. Ceci aboutit a un cornportement,appele fatigue-relaxation ou fatigue-fluage selon que la sollicitation est unesollicitation a deplacement impose ou a contrainte imposee.

D'autre part, les hautes temperatures permettront des interactions chimiquesentre 1'atmosphere et le metal, telles que 1'oxydation, ou une diffusion d'especesdans la matrice. Une oxydation intergranulaire peut favoriser une propagation defissures associees. D'une fagon generale, en temperature, la Vitesse de propaga-tion sera augmentee, les niveaux des seuils seront abaisses. Par ailleurs en cequi concerne la fatigue oligocyclique, les mecanismes de recristallisation vontcompletement perturber le cornportement tel qu'il a etc decrit a froid.

A titre d'exemple, la figure 12.8 montre 1'evolution de la Vitesse de propagationd'un acier austenitique avec la temperature. On remarque que la loi de Parisest globalement respectee, mais que la Vitesse de propagation augmente avec latemperature. D'autre part si Ton utilise des cycles en forme de creneaux de dureesvariables, on observe que le fluage, qui est actif pendant le maintien sous sollici-tations, conduit a une augmentation de la vitesse de propagation avec la duree deces maintiens.

Fig. 12.8. Vitesse de propagation des fissures de fatigue pour un acier austenitique 304en fonction de la temperature.

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CHAPITRE 12 - AUTRES RUPTURES FRAGILES 121

La fatigue thermique

Un cas tres particulier est celui de la fatigue thermique. Lorsque la tempera-ture varie au cours du temps, les echanges thermiques entre la source et lespuits de chaleur d'une part, et la structure d'autre part, necessitent ledeveloppement de gradients thermiques oscillant au cours du temps. A cesvariations de temperatures seront associees des variations de contraintes selon1'expression :

(12.1)

Fig. 12.9. FaTencage thermique dans un corps de vanne de centrale thermique.

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122 CLEMENT LEMAIGNAN

Dans une structure dont la deformation est imposee, voire nulle, les equa-tions 12.1 montrent que les contraintes sont proportionnelles aux modulesd'Young, aux coefficients de dilatation et aux ecarts de temperature.

Ces contraintes thermiques permettent de developper des fissurations parfatigue. Ainsi la surface d'une structure massive, qui verrait un ecoulement dontles temperatures seraient frequemment variables de quelques centaines dedegres, serait soumise a des variations de contraintes aux memes frequences.Les sollicitations en traction et en compression de cette surface conduisent audeveloppement d'un reseau fin de fissures selon deux directions generalementperpendiculaires entre elles (Fig. 12.9). C'est ce qu'on appelle le fa'iengage ther-mique, phenomene caracteristique de la fatigue thermique. Ces fissures,generalement tres fines, peuvent servir de germes, donner naissance a des fis-sures de plus grande amplitude et conduire a rupture de la piece.

Pour eviter ces mecanismes de fatigue thermique, il est important de partic-ulierement soigner les conceptions thermo-hydrauliques ou thermiques dessystemes et, dans le cas ou Ton ne pourrait eviter ce type de sollicitation ther-mique alternee, de verifier le developpement de ce fa'iencage. Ainsi les cylindresde laminoirs a chaud qui subissent alternativement 1'echauffement centre labrame ou la tole forte et le refroidissement par les jets d'eau, sont regulierementrectifies pour supprimer ces amorces de fissure dues au fa'iencage.

La fragilisation par les metaux liquides (FML)

En presence d'un metal liquide, il est frequent d'observer une diminution impor-tante de la ductilite a rupture lors d'une sollicitation en traction. Ce phenomeneaffecte de tres nombreux metaux et alliages.

Caracteristiques generates

Les caracteristiques generates de ce mode de rupture fragile sont les suivantes :

• Le processus requiert un contact direct entre le metal liquide et 1'alliagesolide. Un leger film d'oxyde est suffisant pour empecher la fragilisation.

• Les surfaces de rupture sont obtenues par propagation de fissures quasi-exclusivement inter-granulaires, sauf parfois sur les plans de clivage pour lesalliages hexagonaux ou cubique centre. Les vitesses de propagation sont con-siderables, souvent de 1'ordre du cm s"1, parfois superieures au m s"1.

• La perte de ductilite peut etre tres importante, le cas extreme etant celui desalliages d'Al mouilles par le Ga, qui se desagregent en grains individuels enquelques secondes.

• La FML apparait dans un domaine limite de temperatures, s'etendant depuisla temperature de fusion du metal fragilisant (voire legerement en dessous)a quelques centaines de kelvin au-dessus. A plus forte temperature, il y a

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CHAPITRE 12 - AUTRES RUPTURES FRAGILES 123

disparition de ce phenomene en raison de 1'activation thermique des proces-sus de deformation au sein du metal qui entrant en competition avec lesprocessus de rupture par FML.La FML est observee pour des couples specifiques metal liquide fragilisant -

alliage solide fragilise. Les systemes affectes ont generalement une tres faible so-lubilite mutuelle a 1'etat liquide (une forte solubilite favoriserait 1'emoussementde la pointe de fissure), et d'autre part, ne forment pas d'intermetalliques (quiauraient conduit a la formation d'une barriere a 1'interaction entre metal liquideet fond de fissure). On peut preciser quelques remarques relatives aux speci-ficites des systemes concernes.

Pour les aciers, les metaux et alliages suivants ont etc identifies comme frag-ilisants : Al, Cd, Cu (dont laitons et bronzes), Ga, Hg, In, Pb, Sb, Sn, Zn. Onremarquera que certains de ces alliages liquides correspondent a des situationsindustrielles courantes, ayant donne lieu a des ruptures en service, parfois spec-taculaires. C'est le cas des aciers a inclusions de plomb pour en ameliorer 1'usin-abilite (rupture de visseries a chaud), des paliers de bronze en cas de defaut delubrification (le frottement induisant la fusion du bronze), ou des revetements degalvanisation en zinc ou cadmium ... pour ne rien dire de toutes les situationsindustrielles qui manipulent volontairement des metaux liquides.

Pour les alliages d'aluminium, outre le Ga cite pour son aspect spectaculaire,Cd, Hg, In, Na, Sn sont connus pour leurs effets fragilisants, justifiant entreautres 1'interdiction d'objets contenant du mercure a bord des avions de lignes(Fig. 12.10).

Fig. 12.10. Perte de ductilite en traction de I'aluminium en presence d'alliages de mercureliquides.

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Pour le cuivre, on a observe des dommages avec Bi, Cd, Ga, Hg, Na, Pb, Sb,Sn. Certains de ces elements, presents a faibles concentrations dans les alliagesrnais quasiment insolubles induisent une fragilisation lors de la mise en forme achaud des laitons, bronzes ou autres alliages de cuivre industriels.

Les mecanismes de la FML

Les mecanismes physiques responsables de la FML sont loin d'etre parfaitementidentifies. Plusieurs modelisations ont etc proposees, utilisant certains des ele-ments suivants.

D'une facon generale, on peut considerer que 1'adsorption du metal liquidesur la surface libre reduit son energie et favorise done la propagation selon unsimple critere energetique.

D'autre part :• la singularite de contraintes en tete de fissure favorise la dissolution locale du

metal solide avec reprecipitation en arriere du front de fissure, apres diffusiondans le metal liquide ;

• 1'absorption d'atomes de metal liquide en tete de fissure induit un affaiblis-sement des liaisons interatomiques permettant des ruptures successives achaque arrivee de nouveaux atomes de metal liquide. La Vitesse d'avancee estalors controlee par les vitesses de diffusion dans 1'espace confine de la tete defissure ;

• la presence de metal liquide en contact avec les surfaces libres facilite remis-sion de dislocations par la surface en tete de fissure. La plasticite y est tresfortement localisee, favorisant la formation de micro-cavites locales.La protection centre la FML est particulierement difficile. Si le contact s'impose

entre un metal liquide et un alliage sous contrainte a une temperature ou la FMLpourrait etre suspectee, il est imperatif de le proteger par un depot efficace(ceramique projetee ou film metallique non sensible ni fragile).

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La rupture des polymeres

Constitues de longues chaines moleculaires enchevetrees, les polymeres sedeferment essentiellement par etirement de ces chaines ou par leur glissement

relatif (reptation). Apres une deformation minimale, on observe souvent en sur-face des craquelures ('craze'), plans entre lesquels s 'etendent de fines colonnes

de chaines etirees (fibrilles). Pour unfort developpement des craquelures, Vetire-ment des fibrilles conduit localement a leur rupture. Par contre, a basse tempera-

ture, le comportement est fragile.

Structure et deformation des polymeres*

La repetition d'un motif simple, le monomere - generalement a squelette carbone -,permet de developper en longues chaines les molecules de polymeres. Ceux-cipeuvent etre obtenus a partir de motifs simples comme le polyethylene...-(CH2)-(CH2)-(CH2)-... et le polychlorure de vinyle (PVC)... -(CH2)-(CHC1)-CH2)-(CHC1)- ... ou par repetition de structures plus complexes, comme par exemple pourle polycarbonate (Lexan...) ou le polymethacrylate de methyle (PMMA, Plexiglas,Lucite...), utilises comme verres de synthese (Fig. 13.1).

La cohesion des polymeres est assuree au sein des chaines par les liaisonscovalentes C-C, ou entre d'autres atomes de la chaine. Ces liaisons sont tresenergetiques et rendent la chaine particulierement resistante, celle-ci ne pouvantetre rompue que pour des contraintes proches de la contrainte theorique de rup-ture (Ch. 5). Par contre les possibilites de rotations des radicaux autour de 1'axede la chaine lui donnent une grande flexibilite. Entre les chaines, ou fragmentsde chaines, des liaisons hydrogene (H) et/ou de Van der Waals (VdW) peuventexister. De faibles energies, elles sont detruites par 1'agitation thermique au-delade quelques centaines de degres Celsius, permettant un mouvement relatif deschaines le long de leurs tubes (mouvement de reptation), activant ainsi unedeformation viscoplastique.

* En raison des specificites de leur comportement, on rappelle ici succinctement quelquesgeneralites sur ces materiaux, invitant a une lecture plus approfondie si necessaire [B 21].Pour les aspects de rupture, voir le chapitre 15 de cet ouvrage.

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126 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 13.1. Monomeres du polycarbonate et du PMMA.

V

Pour les polymeres amorphes, les chaines sont reparties dans 1'espace defacon desordonnee. En effet des considerations entropiques induisent un fortrepliement des chaines sur elles-meme, en pelotes. Cornme les conditions d'ela-boration permettent de controler la longueur des chaines, on peut obtenir, pourdes masses moleculaires depassant environ 5 105 UMA, que les pelotes soientfortement imbriquees et les chaines totalement entremelees.

Une cristallisation partielle peut etre observee pour les chaines presentantune structure de monomere facilitant une interpenetration locale de chainesadjacentes Ainsi pour un polypropylene ...-(CH2).(CHCH3)-(CH2).(CHCH3)-...avec une alternance reguliere des radicaux methyles, des fragments de chainess'organisent en lamelles de quelques centaines de monomeres d'epaisseur.Chaque lamelle est constituee par plusieurs chaines repliees regulierement surelles-memes et d'autres chaines localement integrees a la lamelle, mais aussireliees a d'autres lamelles. Lors de la cristallisation, ces lamelles croissent a par-tir d'un germe situe au centre de spherulites, structures caracteristiques despolymeres semi-cristallises.

La cohesion des materiaux polymeres est liee aux interactions entre atomes.Comme celles-ci sont de natures et d'intensites tres differentes entre atomesd'une meme chaine ou entre ceux de chaines adjacentes, il est necessaired'analyser ces diverses contributions au comportement mecanique.

A basses temperatures, les interactions H et VdW sont actives et 1'arrange-ment des chaines moleculaires est pratiquement fige. Des deformations elas-tiques tres limitees sont possibles et, tres localement, des fragments de chaines,tendus sous 1'effet des contraintes de traction entre deux points d'arrimage, peu-vent etre redresses. II s'agit du domaine vitreux. On obtient un comportementelastique, eventuellement non lineaire, mais limite. Toute deformation ulterieurenecessite une extension le long de la chaine, done une rupture des liaisons C-C.Dans ce domaine le comportement sera done elastique-fragile.

Une augmentation de temperature permet d'atteindre la transition vitreuse, apartir de laquelle 1'agitation thermique neutralise les liaisons H et VdW. Leschaines moleculaires sont alors libres de glisser sur leur propre cylindre, permet-tant une forte extension des segments en tension. Le comportement est alors vis-coplastique, la viscosite variant fortement avec la temperature. Pour despolymeres a faible poids moleculaire, la rupture arrive rapidement par desoli-darisation des chaines, sans leur rupture. A fort poids moleculaire, les chainessont entremelees et leur imbrication contribue fortement a la cohesion dumateriau. Elles devront etre extraites de leur enchevetrement pour obtenir laseparation ; la ductilite a rupture est done importante.

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CHAPITRE 13 - LA RUPTURE DES POLYMERES 127

Une classe particuliere est constitute par les polymeres a chaines liees. Desliaisons covalentes entre chaines peuvent etre obtenues, soit par branchementde chaines entre elles (reticulation), soit par des pontages a 1'aide d'atomes ou demolecules specifiques (par exemple le soufre pour la vulcanisation du polybu-tadiene des pneumatiques d'automobiles). Ce processus permet de realiser unmaillage tridimensionnel a segments etirables aux positions relatives figees. IIconstitue le squelette d'une forme macroscopique qui peut etre fortement distor-due. C'est le domaine de I'elasticite caoutchoutique, ou les segments de chainessont etires entre leurs points de pontage sous 1'effet des contraintes. On yobserve done une augmentation de la rigidite avec la deformation. De plus, ayantbloque, par les liaisons inter-chaines, les mouvements de reptation, ces mate-riaux ne peuvent plus etre deformes que de facon reversible. La viscoplasticite adisparu : chacun a experimente qu'un pneu est deformable, mais qu'il garde saforme initiale !

La formation des craquelures

A la surface d'un polymere amorphe transparent non reticule, il est courant devoir apparaitre, sur une face mise en tension, un reseau de fines surfaces planesrefiechissantes, apparaissant comme de minuscules fissures et obstruant latransparence du polymere. Initialement interpretees comme des fissures, lastructure des craquelures est main tenant mieux decrite. Elles sont parfoisdesignees par leur nom anglais 'crazes', qui rappelle le reseau de fissures d'unemail sur une ceramique lors du fa'iencage. Elles apparaissent apres une defor-mation minimale de 1'ordre de 0.5 a 1 % selon le type de polymere et les condi-tions de sollicitation.

II s'agit de zones aplaties de quelques millimetres d'etendue entre deux planssepares de quelques micrometres et relies entre eux par un reseau de fibrillesdont le diametre est de quelques dizaines de nanometres. Ainsi les craqueluressont des cavites quasi planes, ou s'est developpee une porosite importante, etdont les levres sont reliees par des ligaments tres fins assurant la continuite dutransfert des efforts normaux au plan de la craquelure (Fig. 13.2). On ne lesobserve qu'au-dela de la temperature de transition vitreuse, dans la mesure ouleur formation implique un processus de deformation viscoplastique specifique.

Une craquelure s'amorce sur une zone ou les fibres de polymeres sont dejadans une configuration relativement tendue. Sous 1'effet des sollicitations, cesfibres ne peuvent suivre la deformation imposee sans leur extraction deI'enchevetrement ou elles sont imbriquees avec les autres chaines. II se formealors une petite cavite, d'environ 10 nm de diametre, qui peu a peu va sepropager perpendiculairement a 1'axe de traction, pour former une craquelure.Les contraintes locales etant largement inferieures a la charge a la rupturetheorique, les chaines ne se rompent pas et, en raison de leur longueur et de leurenchevetrement, elles ne peuvent se separer du materiau volumique. Les fibrillessont done constitutes de quelques centaines ou milliers de chaines etireesdans 1'axe de fibre. Elles sont done tres resistantes. Ce sont elles qui assurent le

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128 CLEMENT LEMAIGNAN

Fig. 13.2. Examen au MEB d'une craquelure a la surface d'une plaque de polypropylene.

transfer! des charges de part et d'autre de la craquelure. A ce titre, on peut con-siderer les fibrilles cornrne un reseau de micro-strictions stables.

Peu a peu le mouvement de reptation des fibres perrnet un ecartement dessurfaces de la craquelure. Cependant, cornpte tenu de la haute resistance desfibrilles, on observe principalement une extension laterale des craquelures. Cette

Fig. 13.3. Schema de retirement des chaines de polymere dans les fibrilles rejoignant leslevres d'une craquelure. La ruptures de fibrilles adjacentes conduit a une amorce de fis-suration macroscopique.

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CHAPITRE 13 - LA RUPTURE DES POLYMERES 129

extension-propagation doit menager le developpernent d'un volume libre au seinde la craquelure. C'est ce qu'on observe sous forme d'une porosite, de 1'ordre de50 a 80 %. L'instabilite morphologique du front de propagation (instabilite detype menisque visqueux) permet la formation continue de nouvelles fibrilles. Lageometric des craquelures est rapidement stable, leurs dimensions (L) variantavec le temps (t) comme L °c ln(t) ou « t1/2, selon les observations et les modeles.

Le developpernent des craquelures est tres sensible a la presence de solvantsorganiques. En effets ces liquides diffusent de la surface vers 1'interieur dumateriau en reduisant les forces de cohesion inter-chaines. Le mouvement dereptation des chaines moleculaires, et done la formation des fibrilles, en est alorsfacilite. Ainsi la deformation necessaire pour induire un reseau de craqueluresdans le polystyrene est proche de 0,7 % en milieu interne, et est reduit a 0,2 %en presence de kerosene. Pour un materiau thermoforme, 1'existence de con-traintes internes peut suffire au developpernent des craquelures en 1'absence dechargements externes. De meme un manque de proprete, des traces de doigts...,seront generateurs de craquelures, qui degraderont les proprietes optiques dumateriau.

Les modes de rupture des polymeres

A basses temperatures, dans le domaine vitreux, les polymeres ont un com-portement fragile. En effet les chaines moleculaires sont figees, et aucun proces-sus de deformation ne peut accommoder les singularites de contraintes en tetedes fissures. Les valeurs de KIC qui peuvent etre observees sont faibles, sem-blables a celles des verres ou des ceramiques, c'est-a-dire de 1'ordre de 0,5 a2 MPa m1/2. Pour augmenter ces faibles valeurs, il est necessaire d'activer desprocessus dissipateurs d'energie en tete de fissure. Ceci peut etre obtenu dansles composites fibreux (travail d'extraction des fibres), dans les composites ren-forces (polymeres biphases ou la phase mineure est visqueuse a la temperaturede travail) ou dans les copolymeres greffes (deux types de chaines moleculairesrendues solidaires par greffage, dont une est plus facilement deformable).

Au-dela de la temperature de transition vitreuse, les sollicitations permettentune deformation viscoplastique qui autorise localement la formation des craque-lures. Au cours de 1'augmentation de la deformation, on observe leur multiplica-tion, ainsi que leur extension. Les fibrilles s'allongent et s'affinent, jusqu'a leurrupture. II est possible de suivre, par RPE (resonance paramagnetique electron-ique), 1'apparition de radicaux libres au sein du materiau, signatures de rupturesde chaines moleculaires. Cette technique atteste que les craquelures se develop-pent, au debut par glissement sans rupture des chaines, et qu'une deformationsignificative doit etre atteinte avant la detection de chaines rompues. La chargeest reprise par les fibrilles adjacentes, conduisant a une cavite stable au seind'une craquelure. Cependant, une transmission de la rupture de fibrilles afibrilles peut fournir un germe de rupture. Une instabilite est eventuellementpossible si la propagation de la fissure impose des vitesses de deformation en tetede fissure qui ramenent le polymere dans le domaine du comportement vitreux.

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130 CLEMENT LEMAIGNAN

Une fissure plane se propage, dont la surface est constitute de plagesparaboliques successives. Celles-ci sont dues a I'amorcage continu de nouveauxplans de rupture en arnont du front de propagation de la fissure principale.

Des phenomenes proches de la corrosion sous contrainte peuvent donner nais-sance a une propagation lente de fissures de type fragile, 1'agent corrosif etantresponsable de la rupture des chaines par une reaction chimique specifique. C'estpar exemple du polystyrene en contact avec des savons ou detergents de typesulfonates. Ces fissures sont reellement des coupures dans le materiau et leurslevres sont physiquement separees, sans qu'aucune fibrille n'en relie les levres.La multiplicite des structures des polymeres et des reactions chirniques eventuellesqui pourraient conduire a la scission chimique des chaines moleculaires inhibenttoute approche generale de ces phenomenes qui restent caracterises au cas par cas.

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Les conduites a tenir

La decouverte d'une fissure ou d'un defaut impose generalementsa reparation ou, si elle est impossible, un suivi de son evolution

par revaluation de sa propagation et Vutilisation regulierede controles non destructifs. A contrario, la connaissance deslois de propagation et des tallies des defauts critiques permet

de determiner la sensibilite minimale du controle non destructif.

La detection d'une fissure

LOTS du controle de fabrication, par CND, on peut etre mis en presence d'undefaut, ou d'une fissuration. Ce peut etre le cas en particulier a la suite d'uneoperation d'assemblage par soudage. Les techniques utilisees, rayons X ouressuage, permettent de quantifier 1'existence de telles fissures. Si Ton n'est pastrop avance dans la fabrication de la piece, 1'operation de reparation consisteraa meuler le metal jusqu'au fond de la fissure presente et a recharger par uneoperation de ressoudage. II y a lieu lors de ces deux etapes de s'assurer qu'on acompletement elimine le defaut. En fin de meulage on s'assurera, par ressuagegeneralement, que Ton a creuse jusqu'au fond de la fissure. Et apres reparationpar ressoudage, on verifiera qu'il n'y a pas de nouveaux defauts, comme parexemple ceux decrits au chapitre 2, ou des angles tres vifs de raccordement ducordon de soudure avec la structure.

La decouverte d'un defaut peut aussi arriver en situation de fonctionnement,alors que la piece est en service. En situations d'urgence, pour lesquelles unereparation n'est pas immediatement possible, on peut tenter d'induire I'arret dela propagation de la fissure par des techniques relativement legeres. La premiere,ainsi que decrit en figure 10.10, consiste a appliquer une surcharge importanteune seule fois. La modification de la zone plastique en tete de fissure requiereplusieurs milliers de cycles avant que la fissure ne recommence a se propager. Dela meme maniere, on peut reduire 1'acuite du defaut que constitue une fissure defatigue en forant un trou en tete de fissure. Le percement de ce trou, augmentantconsiderablement le rayon a front d'entaille, va permettre de passer d'un etat desingularite de contraintes a un etat de concentration de contraintes.

Si on a le temps, on pourra ajouter au remede precedent une operation de deri-vation des contraintes. Le plus simple est alors de souder un renfort sur la partiearriere de la fissure qui assurera la transmission des sollicitations de traction autravers du plan de la fissure.

Une telle solution est generalement temporaire et necessitera des reparationsimportantes ulterieurement. Ces reparations devront non seulement supprimer

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la fissure, mais aussi supprimer 1'origine et la cause qui lui ont donne une nais-sance : des contraintes trop importantes, un rayon de conge trop faible, ou toutautre cause non prise en compte lors de la conception.

Le suivi de la propagation des fissures

La propagation de fissures peut etre integree dans la phase de conception d'unestructure, pour laquelle on prevoit le developpement eventuel de fissures, lacapacite a detecter par controle non destructif des fissures de tallies donnees, etune taille maxiniale admissible. On detaillera ci-apres les procedures pour gererla propagation d'une fissure de fatigue, ou 1'avancee est conditionnee par la sol-licitation a chaque cycle de charge. Cette approche peut facilement etre et enduea d'autres modes de propagation controles par d'autres sollicitations, comme lacorrosion sous contrainte. L'equation fondamentale de la propagation d'une fis-sure sera celle de la loi de Paris :

Cette equation peut etre modifiee par separation des variables donnant 1'ava-ncee a chaque cycle :

(14.2)

Pendant un intervalle de duree de vie, c'est-a-dire pour un nombre de cyclesde charge Nd, on obtient par integration 1'equation :

(14.3)

Dans cette equation les inconnues seront souvent soit le nombre de cyclesAN, soit les bornes d'integration a0 ou af. En effet, pour un materiau donne, laloi de propagation (loi de Paris) est connue, ainsi que decrite en figure 10.6.

On pourra utiliser eette equation fondamentale selon plusieurs manieres, enfonction des parametres qui sont connus, a savoir la frequence de controle AN etles tallies de defauts detectables, initiaux, ou critiques.• Si la frequence de controle est imposee, c'est-a-dire AN est donnee,

II est facile de calculer af le defaut critique conduisant a une rupture pour lessollicitations normales en service ou pour des sollicitations de situations acci-dentelles pour lesquelles la structure doit garder son integrite. Cette longueur defissure sera generalement determinee a partir du KIC et des sollicitations pre-citees. L'integration de la vitesse de propagation sur AN cycles conduisant a afdonnera la valeur de ait la taille du defaut initial. Cette valeur de a{ fixe les per-formances des techniques de controle non destructif qui devront etre mises enceuvre. II est evident que si a{ est sensiblement inferieur au minimum detectablepar les techniques de CND, il faut soit reduire les sollicitations, soit augmenterla frequence des controles.

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CHAPITRE 14 - LES CONDUITES A TENIR 133

• les techniques de CND sont imposees et connues.

Ceci correspond a une valeur de Oj fixee (sensibilite minimale du CND). Dansces conditions, ayant calcule la valeur de af a ne jarnais depasser sous risque derupture en service, on en deduira AN la frequence a laquelle les controles doiventetre realises.

Dans une structure complexe presentant de nombreux sites d'amorcage et dedeveloppement de fissures, on aura souvent des valeurs de AN differentes sui-vant les diverses fissures envisageables. II est clair que Ton ne peut gerer desfrequences de controle tres differentes suivant les lieux a controler. Une telleapproche peut conduire a optimiser la conception de la structure de telle maniereque les AN soient les plus proches possible pour les divers defauts attendus.Cette optimisation du controle non destructif et de ses frequences pour la dureede vie de la structure peut conduire a surdimensionner une piece particuliere,tout en optimisant I'economie globale d'utilisation.

[.'evolution du materiau

Dans le cas general des materiaux de structure, les proprietes des rnetaux etalliages utilises n'evoluent pratiquement pas au cours du temps et on pourrautiliser 1'approche decrite ci-dessus sans restriction particuliere. II peut etre

Fig. 14.1. Analyse de surete : comparaison des sollicitations K\ (T) avec revolution du K]C

avec la temperature et I'irradiation.

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134 CLEMENT LEMAIGNAN

cependant interessant de noter le cas particulier des materiaux dont les pro-prietes mecaniques evoluent au cours du temps, comme des alliages soumis aun flux de neutrons dans les centrales nucleaires. En effet, sous 1'effet de cesneutrons, les defauts ponctuels, lacunes et interstitiels, sont crees, se deplacent,se recombinent et peu a peu modifient le materiau en le durcissant. Ce dur-cissement de 1'acier de cuve se traduit par une modification de la temperature detransition ductile-fragile. La valeur de K1C en fonction de la temperature evoluedone au cours de 1'irradiation. On observe ainsi un decalage de la courbe KIC (T)en fonction de 1'irradiation.

D'autre part, il existe des defauts lors de la fabrication dont la geometric estparfaitement quantifiee par les techniques de controle non destructif, essentiel-lement par controle ultrasonore. Comme il est imperatif de garantir 1'integralite dela structure pour toutes les conditions d'exploitation, on examinera comment lessolicitations, qui varient au cours du temps, garantissent d'etre toujours dans undomaine excluant toute possibilite de propagation instable des fissures.

On examinera done la position relative des chemins d'exploitation et descourbes de fragilite en fonction de la temperature et de 1'irradiation, ainsi quepresente en figure 14.1. Pour tous les defauts connus, repertories (ou hypothe-tiques) et les histoires d'exploitation normales, incidentelles, voire accidentelles,on tracera les valeurs de Kt et les temperatures correspondantes en regard descourbes de transition de tenacite, eventuellement modifiees par 1'irradiation.L'ensemble des points correspondants aux histoires de solicitations doit toujoursetre situe dans le domaine ductile.

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Annexes

A1 Evaluation des singularites de contraintes

Determiner la distribution des contraintes au voisinage d'un front de fissureconsiste a resoudre les equations de 1'elasticite avec, comme conditions auxlimites, une coupure dans le materiau, que constitue la fissure. En deux dimen-sions, Airy avait pu montrer que la resolution des equations de I'elasticite peutse ramener a la recherche de fonctions bi-harmoniques :

dont les composantes tp2 et cp3 verifient les conditions de Cauchy. Les contraintessont alors obtenues par derivation au deuxieme ordre :

Dans le cas d'une fissure soumise a une contrainte de traction a grande dis-tance a0 qui est normale a son propre plan, les conditions aux limites s'exprimentpar :

Concevant, comme cela est attendu intuitivement, que les contraintes doiventdiverger en tete de fissure, Westgard a recherche des fonctions <pf deduites de fonc-tions d'une variable complexe z presentant deux poles aux extremites de la fis-

f dZ\sure, en z = -a et z = a. La fonction est © obtenue par @(z) = Re(Z) + ylm ——- ,

\ dZ Iou Z est une fonction a determiner. II montre qu'une fonction Z de la forme

f (z)Z = , —, qui presente des poles en ± a, verifie 1'ensemble des conditions\(z2 - a2)

imposees.

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136 CLEMENT LEMAIGNAN

Un developpement limite autour des points z = ± a donne :

et 1'expression symetrique pour z—» — a.L'identification des contraintes o-yy avec CTO pour y —> °° permet de determiner

le terme a0, soit a0 — a0ViTa.Le developpement des composantes cry en coordonnees polaires fournit le

tenseur des contraintes au voisinage de la tete de fissure donnees en (4.3).

A2 Fissure dans la paroi d'un tube sous pression

On part de 1'evaluation du K\ correspondant a une fissure en demi-ellipseemergeant d'un massif soumis a une contrainte de traction uniforme et perpen-diculaire au plan de cette ellipse (Fig. 4.7) :

ou 9 est Tangle directeur de 1'ellipse et E(k)

1'integrale elliptique de 2e espece definie par E(k) =

On applique alors cette approche au cas d'un tube sous pression.Pratiquement on rajoute un terme correctif proche de 1, dont la valeur exacte estfonction de la geometric detaillee de la fissure et des epaisseurs et diametre dutube. Un exemple de ces facteurs est donne en figure A2.1. On peut remarquerque I'approximation K, = o-V-rm est, comme souvent, satisfaisante pour un tel caspratique.

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ANNEXES 137

Fig. A2.1. Coefficient correctif pour le calcul du K", d'une fissure interne dans un tubeepais.

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Cette page est laissée intentionnellement en blanc.

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Bibliographie et References

Afin d'alleger cet ouvrage, les tres nombreux travaux sur lesquelss'appuient les concepts presentes n'ontpas ete references defaconexhaustive. On s 'est limite a ceux d 'ou sont tirees les illustrations,

agrementes de quelques articles plus particuliers. Le lecteur desireuxde se constituer un jeu de references classiques utilisera d profit celles

qui sont proposees dans les ouvrages de la bibliographie, sourcesd 'approfondissements eventuels.

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Les illustrations non listeesfont partie de la collection de Vauteur ou du CEA.

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