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    Site Prsence de la littrature - Dossier Rousseau SCRN-CNDP, 2010.

    LaProfession de foi du vicaire savoyard, 1762

    Par David Chaumat, professeur agrg de Lettres culture gnrale en CPGE Nice.

    Contenu de l'tude :- Une brve introduction gnrale- Un extrait tudi pour situer laProfession et ses enjeux- Trois extraits de laProfession- Une brve conclusion- Trois activits complmentaires en classe pouvant donner lieu des devoirs :

    une comparaison d'un extrait avec un tableau : Rousseau/Caspar DavidFriedrich

    une comparaison utilisable en contrle de connaissance et de comprhension :Rousseau/Thogonie d'Hsiode

    un extrait faisant suite au texte du concours : Vous ne voyez dans monexpos que la religion naturelle

    Introduction gnrale

    Il est ncessaire de situer laProfession de foi du vicaire savoyarddansmile et la pense deRousseau afin de transmettre la ncessit de ce texte dans son rapport au Mal.mile a trop souvent t peru comme un simple trait d'ducation la modernit certesdpasse mais indniable en son temps. Or, l'objectif est de mettre en lumire que ce textedans le texte permet Rousseau d'expliciter sa conception du bien, dterminante pour penserle politique de faon moderne, et ainsi rformer ses yeux la notion de citoyen .L'mile n'est pas un trait de politique idaliste sans rapport avec ce qui est, ce queMachiavel critiquait dans tous les ouvrages de philosophie politique ds les premires lignes

    duPrince.Si Rousseau affirme que la Rpublique de Platon n'est pas un ouvrage de politique,

    Voulez-vous prendre une ide de l'ducation publique, lisez la Rpublique de Platon. Cen'est point un ouvrage de politique, comme le pensent ceux qui ne jugent des livres que parleurs titres : c'est le plus beau trait d'ducation qu'on ait jamais fait . (Livre I)

    il l'est pour lui, en fait, mais la nuance se pose dans l'articulation entre politique et ducation . En effet, il veut enseigner l'homme comment se rformer de l'intrieur afinde renouveler la politique, dans une exigence intrieure qu'il tente de faire ressentir etcomprendre au sens tymologique travers la fiction des tapes de l'ducation et desducateurs.

    Le passage intitul Profession de foi du vicaire savoyardl'aborde dans ce qu'elle a de plusprofond car au nom d'un principe suprieur que chacun peut et donc doit ressentir et vnrer son niveau.Ce texte, d'une complexit rare, est la fois le manifeste d'une vision du monde, un dbatthologique et l'articulation de la foi, du cur et de la raison en opposition au rationalismeathe, ce qui en fait toute sa difficult pour un grand nombre d'tudiants, trs au fait desenjeux du propos.

    Sance 1. La ncessit de laProfession de foi

    Objectifs :- Introduire et situer laProfession de foi- Aborder les notions de mal et de nature chez Rousseau

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    Mthode :- Lecture mthodique rinvestissant de manire cible une longue lecture personnelleprparatoire- Extrait prcdant les limites du texte au programme

    Support :Donner lire aux tudiants les pages prcdant laProfession de foi, depuis Il y a trente ansque, dans une ville dItalie, un jeune homme expatri se voyait rduit la dernire misre.jusqu' Ce fut l quaprs avoir quelque temps contempl ces objets en silence, lhomme depaix me parla ainsi :

    I. Le vicaire et le jeune homme : l'homme de bien imparfait face au pcheursauvable- Demander, partir de la lecture prparatoire, quels sont les protagonistes et leur tatd'esprit :

    1. l'adolescence rvolte- Un adolescent : jeune homme , jeune cur sans exprience , il tait dans cet geheureux o le sang en fermentation commence d'chauffer l'me sans l'asservir aux fureursdes sens - dont l'expression des pulsions sexuelles est encore immature. N'accepter lesrponses dsignant Rousseau qu' ce stade car l'aveu de l'auteur est non seulement un effetrhtorique de captatio benevolenti, mais encore s'en tenir cela occulte l'importance de lajeunesse et de l'veil de la pulsion sexuelle.- L'tat d'esprit de l'adolescent : il voulut fuir , ingratitude , ides romanesques , oubli de toute religion , libertin . En quelques pages, Rousseau dresse le tableau del'adolescent ingrat, rvolt, malheureux et ayant mal tourn.

    2. Le vicaire honnte homme imparfait- Le vicaire : demander aux tudiants de dfinir la profession de cet homme et demanderquelques diffrences majeures entre le catholicisme romain et les protestantismes ainsi quela signification du terme proslyte dans hospice pour les proslytes (p.1)- Tous deux apparaissent premire vue comme un couple d'opposition entre le mal et lebien, la corruption en cours et la bienveillance, l'opprobre o l'avait rduit la fortune dujeune homme face cet honnte ecclsiastique .Mais tout le jeu de Rousseau est de rendre ce dernier proche de tout un chacun car imparfait,lui qu'une aventure de jeunesse avait mis mal avec son vque , lui qui, humble, ne faisa[i]t point de sermons, en se mettant toujours sa porte, en se faisant petit pours'galer lui.

    II. L'adolescence et la nature du mal

    1. Quel mal ?- Demander pour quelle raison le vicaire dcide de s'occuper du jeune homme. S'ils neparviennent pas l'exprimer, leur demander pour quelle raison Rousseau a choisi un jeunehomme malheureux, rvolt et ingrat, et leur rappeler le thme du mal au programme : faireformuler et synthtiser l'ide que voici l'ge auquel les accs de colre sont nombreux, o beaucoup d'adolescents changent et o il est ais de multiplier les mauvaises actions, de sombrer dans le mal . Le vicaire est donc un professeur de morale, mais un enseignant etun homme de religion, dont l'enseignement une fin salvatrice.

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    Parvenir l'ide qu'il s'agit du nud de la pense de Rousseau en matire de morale puisquele bien et le mal y seront dfinis. Et, plus largement, une profession de foi est la dclarationpublique d'une croyance : Rousseau y fonderait-il d'une certaine manire sa religion ? Ou nes'agirait-il que d'un abus de langage ? voir dans la suite du texte.Ce passage est le moment le plus dangereux de l'uvre, qui vouera Rousseau aux gmoniesdans plusieurs pays. Son texte est un schisme religieux lui seul, attaquable aussi bien parle catholicisme que les protestantismes.

    2. Humilit et proximit

    a) Captatio benevolentiDs les premires lignes, Rousseau/le vicaire tente d'viter l'cueil du discours moralisateuraprs le Mon enfant initial en jouant non sur son autorit morale mais, bien au contraire,par une humilit affiche valeur pdagogique : son propos ne pourra tre accept qu'ainsipar un jeune homme dont les proccupations sont ailleurs.- Les origines du vicaire (2) : n pauvre et paysan , il fait du jeune homme celui qu'il a tet montre le potentiel qu'il a en lui. Il a choisi cette profession pour vivre et non parconviction : ainsi se compltent dans une progression avec que j'apprisse gagner monpain (intressement), je dis ce que je voulais que je disse (hypocrisie religieuse voireathisme) et enfin en m'obligeant de n'tre pas homme j'avais promis plus que je pouvaistenir (rupture des vux et pch de chair). Sa force rside dans sa faiblesse passe car il est lui seul une parabole du pcheur sauv voire du pcheur exemplaire. Demander auxtudiants ce qu'ils savent de la figure de Marie-Madeleine ou de No.- formules binaires :

    de ngations (1) : ni ni ; je ne suis pas peu il impose un rythme binaire ses phrases dans ce premier paragraphe afin d'assner

    ses ides tout en prtendant le contraire. Faire relever ce rythme lancinant valeurpersuasive.

    - Ds le premier paragraphe, le jeu des pronoms personnels et adjectifs possessifs associe lapense du vicaire celle de l'enfant, par le passage de Mon enfant, moi et je , moncur au vous , le vtre , pour terminer par la communaut d'esprit du nous bientraduite par vous comme moi .- L'interrogative directe en fin de premier paragraphe fait participer le jeune homme/lecteuret met en acte l'usage du vous , dans une relation dialogique. Demander quel philosophepratiquait ce jeu de questions rhtoriques marquant les diffrentes tapes de la rflexion.Rousseau use donc de l'artifice le plus cul du discours platonicien et de la maeutique del'esprit, comme Platon usait de ceux des sophistes et reprenait mme leurs ides ettravestissait les leurs.Cette entre en matire est, contrairement au contenu du propos, un effet rhtorique facile decapture de la bienveillance ou de la navet de son interlocuteur/lecteur. Mais elle est

    ncessaire tant donn la difficult de la rflexion venir et son importance capitale dansl'conomie de l'uvre.

    b) Le bon sens populaire ou la vrit contre l'artificeLa proximit par humilit se joue travers l'accumulation de formules l'opposant unphilosophe, en jouant sur la dfiance et les prjugs ngatifs : Je ne suis pas un grandphilosophe sera ici, pour l'interlocuteur qu'est le jeune homme, un atout.L'association populaire du bon sens la vrit est complte par la simplicit , le cur et la bonne foi .Il dploie le champ lexical de la vrit et de l'honntet, par l'opposition sous-entendueentre :- philosophe/artifice/tromperie volontaire impute crime

    - moi/vrit/erreur de bonne foi.

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    Cette association, abusive certes, n'est pas une simple facilit afin de capter la bienveillancedu lecteur/interlocuteur. Elle est le corollaire de l'importance du cur chez Rousseau.

    II. Vers une dfinition du bien

    1. La raison et le curRousseau joue sur les mots argumenter et convaincre . Demander aux tudiants quoiil les associe. Ces verbes n'apparaissent pas ici dans un champ lexical de la vrit, du bien, dela raison positive contre l'erreur, mais sont tout simplement synonymes de persuasiontrompeuse.Il faut donc demander comment Rousseau articule raison et cur : contre touteattente, il les associe, l o une opposition serait attendue. Loin d'tre gn par cettedifficult, il la surmonte par la simple expression la raison nous est commune , apportecomme le premier membre d'une transitivit sous-entendue : la raison nous est commune,le cur nous est commun donc la raison passe par le cur .La raison est donc associe une vrit du cur contre une rationalit sche conduisant l'erreur. Rousseau pose ses pions pour la suite de sa profession de foi, en prenant positioncontre ce qu'il renvoie l'opinion commune, qui dsigne tout ce qui s'oppose son ide : On nous dit face je sais par mon exprience .

    2. Le bien et le mal dans la natureLe troisime paragraphe multiplie les couples d'opposition des champs lexicaux du bien et dumal. Une lecture rapide quoique errone peut aider les tudiants en reprer des aspectsintressants, avant de bien distinguer l'ambivalence du terme de nature plus complexeque dans ce premier tableau.

    Tableau prparatoire simpliste :

    BIEN MAL

    conscience prjugs

    ordre de la nature lois des hommes

    remords

    Ce que nous permet la nature bien ordonne

    Ce qu'elle [la nature] nous prescrit

    [Nature] voix de l'innocence [Ce que la nature dit aux sens] = elle n'a rien ditencore vos sens

    tat heureux crime

    cder

    a) L'ordre des chosesUne lecture collective de ce tableau et des questions partir de la connaissance de Rousseaupermettent de reformuler les ides suivantes :- le quasi lieu commun suivant : l'homme l'tat de nature est heureux ; la vie en socit l'acorrompu et a entran la ncessit de lois,- partir de l : la conscience se manifestant aussi par le remords sait dpasser les prjugs

    (sociaux),

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    - la nature ordonne (met en ordre ou tmoigne d'un ordre du monde) et prescrit (ordonne ausens de donne des ordres ) comme Dieu.

    La pierre d'achoppement pour les tudiants rside dans la comprhension de la distinctionentre la nature bien ordonne ou l'ordre de la nature et bon jeune homme, elle n'arien dit encore vos sens : vivez longtemps dans l'tat heureux o sa voix est celle del'innocence. Souvenez-vous qu'on l'offense encore plus quand on la prvient que quand on lacombat ; il faut commencer par apprendre rsister pour savoir quand on peut cder sanscrime.

    Il faut donc voquer de nouveau la polysmie du terme nature chez Rousseau.- La nature bien ordonne ou l'ordre de la nature est une manire d'voquerl'observation et le respect de la nature des choses, de l'ordre des choses. Nature et divinitsont associes dans une forme de thisme ou de religion naturelle . Demander alorsaux tudiants l'instance permettant de comprendre cet ordre naturel : le ressenti par lecur.- elle n'a rien dit encore vos sens : ici, la nature fait en sorte que la croissance des tresvivants conduit la maturation sexuelle, l'instinct sexuel et ses manifestations. Rousseau voit donc dans la sexualit du vivant, son ressenti et les actes comme des dcisions endcoulant la source du mal.

    b) La fin d'un Mal externeDemander si Rousseau croit dans le concept de Mal en tant que transcendance : non, chez lui,le mal est immanent la nature et au vivant, comme le bien.Cette conception est extrmement dangereuse dans une Europe chrtienne ayant formalisun mal externe et actif. Rousseau fait partie de ceux qui ont ouvert le champ la rflexion aumal comme accident et non comme essence : un acte est mal, ou malheureux, pas pour luimme mais par ses implications et/ou ses motivations.

    Le pch originel ? Demander le jardin d'den, si le pch originel de la dsobissanced'Adam et ve l'interdiction de manger de l'arbre de la connaissance du bien et du mal ontleur place chez Rousseau et, le cas chant, ce qu'il peut leur tre substitu : l'horizon del'homme l'tat de nature correspond dans le monde un tat heureux de l'innocence del'enfance avant la maturit sexuelle des sens (aggrave par sa prise de conscience).

    c) Combattre ou prvenir ?Pourquoi combattre plutt que prvenir ce mal ? En quoi serait-ce une offense et contrequoi ? Il faut conduire les tudiants tout rapporter non la nature, mais l'ordre deschoses. Ainsi, ce serait contre la nature du dveloppement de l'enfant que de le prvenircontre des pulsions dont il n'aurait pas connaissance ni mme le ressenti : ce serait inutile carsans objet et mme une offensive (offense ?) contre-productive en aiguisant sa curiosit et

    son apptence contre l'objet de la lutte venir.Il faut donc laisser venir naturellement le temps de ce combat en rpondant la ncessit dumoment. La fin de la dernire phrase du troisime paragraphe cre un couplecomplmentaire plus que d'opposition : rsister / cder . Les tudiants devrontrechercher dans les termes de l'extrait ce quoi il faut cder ou rsister : il faut cder lapente naturelle du cur et ce qu'elle prescrit et rsister celle des sens lie aux pulsionssexuelles. En ce cas, il est possible de cder sans crime .

    Sance 3.Homo duplex

    Objectifs :

    - articulation entre l'homme et le mal. Le mal en l'homme ?- Homo duplex, entre dik et ubris

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    Mthode : Lecture thmatique

    Texte : Depuis Il est donc vrai que l'homme est le roi de la terre qu'il habite jusqu etmon pire tourment quand je succombe est de sentir que j'ai pu rsister.

    Situation de l'extrait.

    Rousseau a expos sa certitude de l'existence de Dieu par la contemplation du monde, sonorganisation et le mouvement. Il prsente la matire comme inorganise et inerte et lancessit d'une volont d'organisation, comme pour la mcanique d'horlogerie, et d'uneimpulsion externe pour crer du mouvement. Il n'accepte pas l'explication par le hasard.

    I. La singularit de l'homme.

    Rousseau reprend ici dans le premier paragraphe la primaut de l'homme mise en avant dansla Gense :- La formule l'homme est le roi de la terre qu'il habite est taye par

    sa supriorit sur le monde animal : il dompte tous les animaux , son savoir-faire technique qui fait de lui un tre promthen : il dispose

    des lments par son industrie . Si Dieu est crateur, l'homme dispose de matrise. son intelligence : la contemplation . Il est capable de comprendre par son esprit ce

    qu'il ne peut qu'observer de loin : il s'approprie encore, par la contemplation, lesastres mmes dont il ne peut approcher .

    - L'homme, une exception. La syntaxe met en exergue ce caractre unique dans une suitede singularits :

    non seulement non seulement mais lui seul et encore Qu'on me montre un autre

    - La contemplation prend ici un double sens, d'intelligence de la connaissance ( je puis observer, connatre les tres et leurs

    rapports , qui lie observation, savoir et abstraction avec les rapports de ressenti et d'lvation, comme vu prcdemment : je puis sentir ce qu'est ordre,

    beaut, vertu , m'lever la main qui le gouverne [le monde] .

    II. Dik et ubris

    Le mal et le bien se dfinissent ici dans l'attitude de l'homme partir de la contemplation.

    1. Dik.L'homme qui reconnat l'ordre, la beaut et la vertu du monde et en remercie son auteur (qui

    ne peut tre le hasard aveugle mais une volont) continue de s'lever puisqu'il passe de laralisation l'architecte. L'homme juste monte donc vers un sommet vers lequel tout faitsigne : il est au sommet de la cration, il dispose de pouvoirs suprieurs au reste du vivant, ilentrevoit ce qui le dpasse par son intelligence, tmoins les astres, et ne peut, selonRousseau, qu'en remercier le principe fondateur sa source situ plus haut encore.Le troisime paragraphe dveloppe ce champ lexical de la reconnaissance : bnir la mainqui m'y a plac , sentiment de reconnaissance , bndiction pour l'auteur de monespce , premier hommage la divinit bienfaisante , J'adore la puissance suprme , je m'attendris sur ses bienfaits .Cette pente conduit non seulement reconnatre le bien mais le cultiver : je puis aimer le bien, le faire ; et au troisime paragraphe, l'interrogation rhtorique N'est-ce pas uneconsquence naturelle de l'amour de soi, d'honorer ce qui nous protge, et d'aimer ce quinous veut du bien ? Rousseau inclut bien l'homme juste dans le respect d'un ordre dumonde qui le sert, dans une cologie.

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    2. Ubris. La raison ou le mal anti-naturel.Le mal, dans cette logique, se montre ici comme une activit volontaire de lutte contre unepente naturelle de l'homme, comme un avilissement actif malgr tous les signes, sinonpreuves, contraires.- D'o la violence de Rousseau qui liste les mrites de l'homme pour leur opposer une uniqueformule :

    Je puis sentir ce que c'est qu'ordre, beaut, vertu ; je puis contempler l'univers,m'lever la main qui le gouverne ; je puis aimer le bien, le faire ; et je mecomparerais aux btes ! . Il accuse ici le rationalisme et l'athisme replaantl'homme dans le monde animal, ce que Rousseau refuse avec violence - meabjecte , ta triste philosophie .

    Il ne peut les comprendre car tout s'oppose, selon lui, ce qui est une erreurmanifeste conduisant se rabaisser : c'est ta triste philosophie qui te rendsemblable elles [les btes] , tu veux en vain t'avilir .

    Rousseau utilise mme un argument par l'absurde tout en faisant appel au cur et ausentiment : l'intelligence de l'homme seule permet de rflchir et de se tromper. Il est

    donc bien suprieur aux animaux. Pour ce, il pose une assertion ternaire : ton gniedpose contre tes principes : l'intelligence ncessaire pour y rflchir dment laparent avec les animaux , ton cur bienfaisant dment ta doctrine : lesentiment se rvolte contre l'ide , l'abus mme de tes facults prouve leurexcellence en dpit de toi : se tromper est le propre de l'homme ! .

    En quelque sorte, Rousseau ravive ici le proverbe : Errare humanum est ; perseverareautem diabolicum . Les philosophes rationalistes et athes persistent envers et contre toutdans leur erreur : l est sa dfinition du mal car il est une vritable activit volontaire contretoute vidence .

    III. Je vois le mal sur la terre , ou homo duplex

    Rousseau reprend son propos en changeant d'chelle au quatrime paragraphe, comme pourprvenir une critique de bon sens : le spectacle de la violence des hommes, bien loin dutableau idal propos plus haut.

    l'chelle du monde Le genre humain

    l'ordre Critique Quel spectacle!

    harmonie confusion

    proportions dsordre

    concert chaos

    Les animaux sont heureux Leur roi seul est misrablesagesse Est-ce ainsi que tu [Dieu] rgis le monde ?

    Providence [] tre bienfaisant Impuissance : qu'est devenu ton pouvoir ?

    Un tel tableau pourrait remettre en question l'ensemble du propos : la ncessit d'un principergissant le monde, sa bienveillance, et la grandeur de l'homme.

    Aussi, Rousseau offre une deuxime dfinition du mal dans ce mme passage, au paragraphe5 : ici, il n'est plus le rationalisme strile avilissant, mais comme chez le jeune adolescent, lelaisser-aller dans la pente des sens et des passions.

    La diffrence avec les pulsions sexuelles du jeune homme, cette pente est ici constitutive del'homme, tiraill par nature entre les extrmes.

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    Deux principes distincts , deux mouvements contraires

    levait Ramenait bassement en lui-mme

    tude des vrits ternelles L'asservissait l'empire des sens

    Amour de la justice et du beau moral Passions qui sont leurs ministres

    La contemplation fait les dlices du sage Contrariait

    Actif quand j'coute la raison Passif quand mes passions m'entranent

    Sentir que j'ai pu rsister Succombe

    L'homme est double, terrain d'une bataille entre son corps et son esprit, dans un dualismetrs chrtien : la libration par le cur, la contemplation, le sentiment et la bonne raison celle qui rend raison ce qui est sont contraries par un empire des sens asservissant.Rousseau replace l'homme au centre d'une lutte entre le bien et le mal mais dont il est lafois la seule cause et la seule issue :

    Non, l'homme n'est point un : je veux et je ne veux pas, je me sens la fois esclave et libre ;je vois le bien, je l'aime, et je fais le mal; je suis actif quand j'coute la raison, passif quandmes passions m'entranent ; et mon pire tourment quand je succombe est de sentir que j'ai pursister.

    Si la source de tout bien est extrieure l'homme, dont il est le reflet car appartenant l'ordre des choses, le mal, quant lui, n'est pas extrieur lui. l'Enfer objectiv se substituealors un enfer intrieur : celui du tourment du remords - mon pire tourment quand jesuccombe est de sentir que j'ai pu rsister .

    Sance 4. Dieu permet-il le mal ?

    Objectif: tudier un dbat thologique en action- aborder la libert de l'homme- contrer la critique de la toute bont et toute-puissance divine : justificationdes maux et de la mort dans le monde- l'vidence du bien ncessaire

    Mthode : Lecture mthodique

    Extrait : Depuis Si l'homme est actif et libre, il agit de lui-mme ; tout ce qu'il fait

    librement n'entre point dans le systme ordonn de la Providence, et ne peut lui treimput. jusqu La mort est le remde aux maux que vous vous faites ; la nature a vouluque vous ne souffrissiez pas toujours.

    IntroductionRousseau en vient dans ce passage aux pierres d'achoppement du judo-christianisme parmiles plus dbattues : la libert de l'homme faire le mal et la justice divine. Dans cetteprofession de foi, il sait que le jeune homme, comme tout un chacun, ne peut que s'exclamerque Dieu ne peut tre juste ni tout puissant s'il permet le mal, qui plus est, si la libert qu'il aoctroye l'homme lui permet de choisir le mal.La rponse est un systme logique trs construit :

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    I. Logique de la libert.

    Si Dieu a donn la libert de l'homme, l'homme peut en user comme il l'entend et ilserait contradictoire que cette libert soit borne. Dieu, qui garantit la cohrence et la justice,garantit donc cette libert quoi qu'il en soit.

    Si l'homme est actif et libre, il agit de lui-mme

    elle ne l'empche pas de le faire

    soit qu'elle ne pt l'empcher sans gner sa libert etfaire un mal plus grand en dgradant sa nature

    II. Le mal n'est pas du fait de Dieu.

    Pas de contradiction donc entre la bont, justice et bienveillance divine et la prsence du maldans le monde

    tout ce qu'il fait librement n'entre point dansle systme ordonn de la Providence, et nepeut lui tre imput.

    Elle ne veut point le mal que fait l'homme

    Ici, Rousseau s'oppose Leibniz et son ide du moindre mal dans le meilleur des mondespossibles. En effet, pour Leibniz, le mal fait partie du systme ordonn puisque, parmi tousles possibles, Dieu choisit celui qui permet le maintien de l'harmonie universelle mme s'il

    faut, pour ce, passer par des maux particuliers et provisoires. Pour Rousseau, au contraire, lemal n'entre point dans le systme ordonn de la Providence

    III. Une libert surveille ?

    Toutefois, cette libert humaine ni sa malveillance ne semblent tre absolues. Rousseau secontredirait-il ? Il tente de se dfendre par prtrition d'une contradiction invitable : Dieupermettrait-il l'homme l'autodestruction ou la destruction du concert du monde dont Dieuest le garant crateur ?Rousseau insiste sur la faiblesse humaine, avec par consquent sa faible capacit de nuire,non seulement l'chelle humaine mais encore l'chelle de l'univers, de la Cration.

    Mettre en vidence l'opposition entre la toute-puissance divine et la faiblesse humaine dansles formules : tellement que , sans rien , malgr qu'elle en ait ( expliquer)

    soit que de la part d'un tre si faible ce mal soit nul ses yeux

    elle a tellement born ses forces, que l'abus de la libert qu'elle lui laisse ne peuttroubler l'ordre gnral.

    Le mal que l'homme fait retombe sur lui sans rien changer au systme du monde

    sans empcher que l'espce humaine elle-mme ne se conserve malgr qu'elle en ait

    Les maux humains ne psent pas dans l'harmonie universelle et l'ordre des choses. Ici, la

    vision du monde de Sade, quoique totalement oppose puisque athe et matrialiste,rencontre celle de Rousseau : les maux ne sont pas contre-nature puisqu'ils sont le produit du

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    monde via les hommes. Le mal appartient donc au systme du monde , l'ordregnral .Rousseau n'envisage toutefois pas ici la capacit de l'espce humaine s'autodtruire, qu'iljuge impossible ( malgr qu'elle en ait ).

    IV. La valeur de l'homme vertueux, ou l'homme-dieu

    Rousseau, en posant le bien comme un choix de l'homme, donne toute sa valeur et au bien et l'homme. Il continue donc d'insister sur la lutte constante en l'homme entre l'esprit et lecorps : nous sommes tents par les passions et retenus par la conscience .

    Le bien comme mrite voulu par Dieu Le mal ou le mauvais choix

    Elle l'a fait libre afin qu'il ft non le mal, mais lebien par choix.

    l'abus de la libert.

    nature excellente [de l'homme place enl'homme par Dieu], de ce qu'il mit ses actionsla moralit qui les ennoblit, de ce qu'il lui donnadroit la vertu.

    La suprme jouissance est dans le contentementde soi-mme

    c'est pour mriter ce contentement que noussommes placs sur la terre et dous de la libert

    Murmurer de ce que Dieu ne l'empche pas de faire le mal, c'est murmurer de ce qu'il la fitd'une nature excellente, de ce qu'il mit ses actions la moralit qui les ennoblit, de ce qu'il luidonna droit la vertu.

    La suprme jouissance est dans le contentement de soi-mme ; c'est pour mriter cecontentement que nous sommes placs sur la terre et dous de la libert, que. Que pouvait deplus en notre faveur la puissance divine elle-mme ? Pouvait-elle mettre de la contradictiondans notre nature et donner le prix d'avoir bien fait qui n'eut pas le pouvoir de mal faire ?Quoi ! pour empcher l'homme d'tre mchant, fallait-il le borner l'instinct et le faire bte ?Non, Dieu de mon me, je ne te reprocherai jamais de l'avoir faite ton image, afin que jepusse tre libre, bon et heureux comme toi.

    Rousseau ravive ainsi la formule l'image de Dieu , prsente dans la Gense : Faisonsl'homme notre image, selon notre ressemblance (Gense 1:26).L'homme est la crature privilgie de Dieu qui lui donne la puissance de se hisser sonniveau s'il le veut seulement. Il gagne en mrite et la vie n'est plus une valle de larmes mais

    une cole de volont, de prise sur soi et de vertu. Rousseau se fait l prdicateur optimiste etexigeant, dans une argumentation que la cascade d'interrogatives directes, l'exclamation et leremerciement au style direct, muent en prire laudative.

    Que pouvait de plus en notre faveur la puissance divine elle-mme ? Pouvait-elle mettre dela contradiction dans notre nature et donner le prix d'avoir bien fait qui n'eut pas le pouvoirde mal faire ? Quoi ! pour empcher l'homme d'tre mchant, fallait-il le borner l'instinct etle faire bte ? Non, Dieu de mon me, je ne te reprocherai jamais de l'avoir faite ton image,afin que je pusse tre libre, bon et heureux comme toi.

    Il ne faut donc, selon lui, ni murmurer ni reprocher mais louer la bont divine d'avoirpermis le mal comme consquence de la libert humaine dans la mesure o le bien prend savaleur : le choix pour l'homme d'tre l'image du dmiurge : libre, bon et heureux comme

    toi.

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    V. Les diffrents maux et la mort

    Dans le vritable systme logique de cette profession de foi, tous les maux et la mort trouventleur explication et leur place.

    Nature du mal cause citationSouffrance morale Origine humaine(intelligence et usage de la libert)

    C'est l'abus de nos facults qui nousrend malheureux et mchants.

    Origine humaine(intelligence et usage de la libert)

    Nos chagrins, nos soucis, nospeines, nous viennent de nous.

    Origine humaine(intelligence et usage de la libert)

    Le mal moral estincontestablement notre ouvrage.

    Souffrance physique Mal moraltrouvant son expression dans le

    corps

    le mal physique ne serait riensans nos vices, qui nous l'ont rendusensible.

    Nature(auto-conservation ou conservationde l'ordre des choses

    de notre corps)

    N'est-ce pas pour nous conserverque la nature nous fait sentirnos besoins ?

    Mort Nous-mmes(pour en finir avec la souffrance)

    Les mchants n'empoisonnent-ilspas leur vie et la ntre ? Qui est-cequi voudrait toujours vivre ?

    La nature bienveillante La mort est le remde aux mauxque vous vous faites ; la nature avoulu que vous ne souffrissiez pastoujours.

    Le systme est donc complet donc clos : l'homme est la cause de ses malheurs, dus sonintelligence et au mauvais usage qu'il peut en faire. Il agit par l-mme parfois contre soncorps, ce que la nature lui rappelle pour son auto-conservation. La mort est une dlivrance :elle n'est pas le mal, mais un bienfait naturel et divin final, afin de librer l'homme de sasouffrance morale et physique.

    Brve conclusion gnrale

    Loin du trait de morale austre et artificielle, La Profession de foi du vicaire savoyardapparat donc sous un triple jour :

    - Rousseau y exerce encore une fois son talent au service de son systme en approfondissantson tude sur la nature humaine ;- il se fait de nouveau prdicateur illumin par le cur au service de la vraie raison deschoses : sa profession est quasiment le fondement d'une religion propre drive deschristianismes comme du disme ;- enfin, l'universalit de ce texte est clatante car, mme si Rousseau insiste sur l'existence deDieu, sa notion d'exigence intrieure au nom d'un principe suprieur vers lequel toutconverge est sensible par tous. L'idal et l'exigence politique comme le principe d'humanitasou celui de dignit humaine participent de ce mme sentiment de ncessit panique quise substitue au divin.

    Prolongements. Activits en classe :

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    Activit I. La peinture romantique aprs Rousseau

    1) Demander aux tudiants de faire une recherche sur le peintre romantique Caspar DavidFriedrich2) Comparer l'extrait suivant, prcdant directement la Profession de foi, et la reproductiondu tableau de Caspar David Friedrich,Le Voyageur contemplant une mer de nuages, 1818 :

    a) extrait : On tait en t, nous nous levmes la pointe du jour. Il me mena hors de la ville, sur unehaute colline, au-dessous de laquelle passait le P, dont on voyait le cours travers les fertilesrives qu'il baigne ; dans l'loignement, l'immense chane des Alpes couronnait le paysage ; lesrayons du soleil levant rasaient dj les plaines, et projetant sur les champs par longuesombres les arbres, les coteaux, les maisons, enrichissaient de mille accidents de lumire leplus beau tableau dont l'il humain puisse tre frapp. On et dit que la nature talait nosyeux toute sa magnificence pour en offrir le texte nos entretiens. Ce fut l qu'aprs avoirquelque temps contempl ces objets en silence, l'homme de paix me parla ainsi [ ]

    b) tableau :

    Le voyageur au-dessus de la mer de nuages.Friedrich Caspar David. Huile sur toile.19e sicle.

    (C) BPK.Berlin. Dist. RMN / Elke Walford

    3) Faire une lecture d'image : descriptive, narrative, interprtative4) Rechercher l'interprtation possible de ce tableau en regard avec les tudes des extraits 2et 3

    Activit II. Ordre et dsordre.

    1) Distribuer et faire prparer l'extrait suivant, issu de la Thogonie d'Hsiode.La typhonomachie.

    Texte disponible l'adresse suivante : http://philoctetes.free.fr [Cliquer sur Hsiode :Thogonie]

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    Extrait : Depuis Lorsque Zeus eut chass du ciel la race des Titans, un dernier enfant naquitde la vaste Terre, unie aux Tartares par la belle Vnus. jusqu Ils parcourent aussi la terreimmense et fleurie, dtruisant les doux fruits du travail des humains, les enveloppant grandbruit d'pais tourbillons de poussire.

    a) Quels principes ce texte oppose-t-il ?b) En quoi l'tude de la Profession de foi permet-elle d'affirmer que Rousseau ne

    partage pas cette vision du monde ?c) Que Rousseau propose-t-il de similaire Typhon et ses manifestations ? Mais

    quelle en est la diffrence majeure ?

    Activit 3. La Profession de foi du vicaire savoyard, ou Rousseau contre lesreligions d'Europe.

    1) Rechercher quelles critiques peuvent tre adresses Rousseau partir de votreconnaissance de l'uvre en vous aidant du premier paragraphe.2) En quoi Rousseau se juge-t-il suprieur ses dtracteurs ?3) Que Rousseau dnigre-t-il dans les dogmes, les religions rvles et le culte ?4) En quoi peut-on affirmer que, d'une certaine manire, Rousseau fonde ici sa religion ?

    Extrait : Depuis Les sentiments que vous venez de m'exposer, lui dis-je, me paraissent plusnouveaux par ce que vous avouez ignorer que par ce que vous dites croire. jusqu Quantau culte extrieur, s'il doit tre uniforme pour le bon ordre, c'est purement une affaire depolice ; il ne faut point de rvlation pour cela.