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CHANGER LA FONCTION PUBLIQUE Gilles Jeannot, Luc Rouban Ecole nationale d'administration (ENA) | « Revue française d'administration publique » 2009/4 n° 132 | pages 665 à 672 ISSN 0152-7401 ISBN 9782909460154 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2009-4-page-665.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Gilles Jeannot et Luc Rouban, « Changer la fonction publique », Revue française d'administration publique 2009/4 (n° 132), p. 665-672. DOI 10.3917/rfap.132.0665 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Ecole nationale d'administration (ENA). © Ecole nationale d'administration (ENA). Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.139.130.125 - 15/05/2015 11h12. © Ecole nationale d'administration (ENA) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.139.130.125 - 15/05/2015 11h12. © Ecole nationale d'administration (ENA)

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  • CHANGER LA FONCTION PUBLIQUEGilles Jeannot, Luc Rouban

    Ecole nationale d'administration (ENA) | Revue franaise d'administration publique

    2009/4 n 132 | pages 665 672 ISSN 0152-7401ISBN 9782909460154

    Article disponible en ligne l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2009-4-page-665.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Gilles Jeannot et Luc Rouban, Changer la fonction publique , Revue franaised'administration publique 2009/4 (n 132), p. 665-672.DOI 10.3917/rfap.132.0665--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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  • INTRODUCTION

    CHANGER LA FONCTION PUBLIQUE

    Gilles JEANNOT

    Directeur de recherche au LATTS,Universit de Paris-Est

    Luc ROUBAN

    Directeur de recherche au CNRS,Sciences Po (CEVIPOF)

    Longtemps considre comme un cas particulier dans le paysage europen et mmeoccidental, la fonction publique franaise semble, depuis le dbut des annes 2000,sinscrire dans un mouvement de rforme conduisant dvelopper des outils et des normesprofessionnelles en usage dans le secteur priv. Cet alignement de la fonction publiquefranaise sur le modle de la nouvelle gestion publique constitue sans doute un lmentcentral dans la rforme de ltat depuis 2002 et, surtout, depuis 2007. En effet, la fusiondes services et la transformation des administrations centrales ou territoriales opres dansle cadre de la rvision gnrale des politiques publiques nauraient pas ou peu de sens silon ne faisait pas voluer en mme temps les structures de la fonction publique. Celles-ciont fait lobjet en quelques annes de nombreuses retouches : la rforme du rgime desretraites en 2003, la modification progressive des preuves des concours prenant davantageen considration les acquis professionnels et moins les connaissances universitaires, larduction des effectifs permise par leffet daubaine que crent les dparts massifs laretraite, la mise en place, mme partielle, de primes la performance, ont remodel lafonction publique par impulsions successives.

    La plupart des modifications qui affectent les quilibres sociaux et professionnels dela fonction publique ont t amorces depuis longtemps. Dj, le renouveau du servicepublic lanc, au dbut des annes 1990, par le gouvernement Rocard entendait dpasser lecarcan des statuts particuliers et des routines pour faire vivre les services sur un mode pluscontractualiste. Par la suite, de nombreuses initiatives ont t prises pour favoriser lalogique de lemploi sur celle des corps, ce qui ntait pas sans ambigut dans un universprofessionnel o lindividualisation des trajectoires professionnelles saffirme mesure quelon monte dans la hirarchie. linverse, le noyau dur des rgulations corporatives estrest intouch, laccs aux fonctions de direction sest politis, et il a fallu compenser parun jeu de primes complexe et compact un ventail des salaires qui stait rtrci alors quelinverse se produisait dans le secteur priv. Lexplosion du pantouflage, elle-mme lie la politisation, a signifi que pour beaucoup de fonctionnaires lentreprise prive restait leseul moyen de faire carrire. Lide sest trs tt rpandue que la fonction publique avaitatteint les limites de son modle. Face au dficit intellectuel de la gauche socialiste de la

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  • fin des annes 1990, le thme de la privatisation mme partielle a constitu lun des raresrpertoires daction politique disponible, dautant plus que les modles trangers taient lpour fournir du prt--penser.

    Lobjet de ce numro est donc de sinterroger la fois sur la possibilit de cetteprivatisation et sur la sociologie du changement que celle-ci suppose.

    LES LOGIQUES DE LA PRIVATISATION

    Nous sommes partis ici dune dfinition large de la privatisation , commeinteraction de plusieurs facteurs venant mettre en cause la spcificit des trois fonctionspubliques en France.

    En effet, la privatisation de la fonction publique ne sinscrit pas seulement dans lecadre de lunivers juridique. Si lUnion europenne, dont les traits constitutifs tout commeles autorits ne reconnaissent ni la notion de fonctionnaire ni celle dadministrationpublique, ni, plus gnralement, celle de service public, conduit ladoption de normesvalables urbi et orbi pour tous les travailleurs (sauf ceux qui participent lexercice deprrogatives rgaliennes), la question ne se rduit pas celle que posait le professeurRivero en 1947 sur le rapprochement du droit administratif et du droit du travail. Le dbatdpasse largement celui de la nature des normes juridiques pour porter directement surl tat de fonctionnaire, cest--dire son statut sociopolitique. Le discours du Prsidentde la Rpublique du 19 septembre 2007 tout comme le Livre blanc sur lavenir de lafonction publique 1 marquent clairement une volont de rupture avec les rformesprcdentes pour engager un vritable projet libral de rforme de ltat et une refondation de la fonction publique. Il sagit certes dun libralisme la franaise, et parconsquent dun libralisme dtat, ce qui suppose lexistence denjeux internes propres la fonction publique. Lhistoire nous apprend prcisment que la constitution de la fonctionpublique en tat spcifique est lie la construction dun quilibre instable et fragileentre la classe politique, la haute fonction publique, le secteur conomique et les syndicats.La privatisation de la fonction publique constitue donc bien un travail politique visant tirer les consquences dune volution des alliances entre les lites, la nouvelle gestionpublique sappuyant explicitement sur le rapprochement de la classe politique et desgrandes entreprises prives au dtriment de la haute fonction publique. Celle-ci perd alorsson rang social pour rejoindre la cohorte des cadres issus des classes moyennes etenferms dans un rle dexcutants qui lon offre plus dautonomie linstar de leurshomologues du secteur priv.

    La privatisation ne peut pas non plus se rduire lintroduction des outils de la gestionprive, comme les primes la performance, lvaluation annuelle, la justification aupremier euro des dpenses et des emplois ou la reconversion professionnelle desfonctionnaires qui en dcoule et dont la loi du 3 aot 2009 vient rcemment de dfinir lesmodalits. La recherche de solutions-miracles au sein des entreprises prives date deslendemains de la Premire Guerre mondiale et la confrontation entre la gestion du publicet celle du priv est venue alimenter depuis au moins deux sicles autant le discours desrformistes que les arguments populistes des groupes de pression. Cependant, la diffusionde nouveaux outils de gestion peut toujours se heurter des pratiques de rcupration,

    1. Silicani (Jean-Ludovic), Livre blanc sur lavenir de la fonction publique : faire des services publicset de la fonction publique des atouts pour la France, Paris, La Documentation franaise, 2008.

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  • leur utilisation partielle comme cest, par exemple, le cas en Italie ou bien la productionde nouveaux rites formels (le rapport annuel dvaluation que personne ne lira jamais). Lasuppression de la garantie de lemploi, quant elle, a toujours t place au cur descontroverses opposant selon un schma simpliste les fonctionnaires budgtivores auxvertueux producteurs, depuis les ligues de contribuables des annes 1930 jusquauxofficines politiques des annes 2000. La privatisation devient alors synonyme de prcari-sation et de gestion par la contrainte. Cependant, l encore, le remplacement desfonctionnaires qui ne satisfont pas aux normes de performance nest pas simple parce quele march du travail nest pas fluide et quon peut toujours troquer un cheval borgne contreun cheval aveugle, comme le savent les directeurs des ressources humaines du priv ou desministres. La gestion par la peur et le stress conduit galement des dsastres, comme ona pu le constater France-Tlcom.

    Il existe donc une diffrence apprciable entre lutilisation de techniques de gestion etla mise en place dun nouvel ordre institutionnel gnralisant la prcarit et lvaluation lensemble de la hirarchie. L encore, les rapports sociaux au sein de la fonction publiquefranaise interdisent daller trop loin dans une logique conomiste qui devrait logiquementtoucher les sommets de ltat.

    Au demeurant, deux quations sont loin dtre dmontres. La premire consiste justifier la privatisation par la rduction des cots. Une analyse comparative montrecependant que les cots salariaux des administrations dans les pays ayant le plus privatisleur fonction publique ont sensiblement augment. Entre 2002 et 2007, les cots salariauxde lemploi public (au sens large retenu par lOCDE) ont ainsi progress de 12,8 % enFrance mais de 13,7 % en Italie, de 18 % au Danemark et de 25,5 % au Royaume-Uni 2.Bien videmment, ces chiffres sont des donnes globales qui comprennent les cots desagents publics locaux comme ceux de ltat. La rduction apparente du cot gnr par lafonction publique de ltat peut donc dissimuler des transferts de charges vers lescollectivits locales ou dautres organismes publics qui ne figurent pas dans les statistiquestatiques mais que le contribuable doit supporter en dernier ressort. Par ailleurs, attirer dessalaris du secteur priv pour exercer des fonctions de cadre dans la fonction publiquecote cher car cela implique un alignement des rmunrations publiques sur les rmun-rations prives. Il nest donc pas dmontr que la privatisation conduise faire desconomies relles, sauf lassocier une rduction trs sensible des effectifs chez tous lesoprateurs publics, ce qui impliquerait en France la fin du principe de libre administrationdes collectivits territoriales.

    La seconde quation, qui nourrit le cur des prises de position idologiques, est deconsidrer que la privatisation des administrations nourrit mcaniquement une amliorationdes services rendus. Or, l encore, les donnes comparatives montrent quil nen est rien.La Banque mondiale value la qualit des administrations publiques et des systmes degouvernance sur la base dun protocole statistique, certes complexe et sans doutediscutable, mais appliqu tous les pays selon une grille qui fait lobjet dune vritablerflexion mthodologique. Un des critres concerne lefficacit gouvernementale, quirecouvre la qualit de la fonction publique, son honntet ainsi que la fiabilit desprocdures de mise en uvre des politiques publiques. Un indicateur a t labor qui variede -2,5 +2,5. Le bilan de lefficacit gouvernementale, tabli pour la priode allant de

    2. OCDE, Comptes nationaux des pays de lOCDE, vol. IV, Comptes des administrations publiques1996-2007, Paris, 2008. Les donnes sont tlchargeables sur : http://www.oecd.org.

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  • 1996 2008, est trs clair 3. La qualit de la fonction publique (telle quelle est perue parses usagers, quil sagisse de particuliers ou dentreprises) a baiss dans tous les pays ayantprivatis au moins partiellement leur fonction publique et parfois dans des proportionsconsidrables. Cest ainsi que lEspagne passe de 1,72 0,99 et lItalie de 0,93 0,39. Lemme phnomne sest galement produit dans les pays ayant adopt la nouvelle gestionpublique, ou du moins certains de ses outils, depuis longtemps : lAllemagne passe de 1,82 1,62, le Royaume-Uni de 2,03 1,74, les Pays-Bas de 2,1 1,86, la Belgique de 1,73 1,36. Les deux seuls pays europens o cette qualit a augment sont la France (passant de1,32 1,54) et la Sude (passant de 1,95 2,06), soit les deux pays dont la proportiondagents publics rapporte la population active est la plus importante. Mme si le niveauabsolu de qualit nest pas le mme, les carts se sont rduits. Louverture des fonctionspubliques au march ne conduit donc pas ncessairement lamlioration des prestationsou de lthique au travail. La qualit des fonctions publiques, globalement considre, nese rduit pas en effet la dimension conomique mais inclut la nature de la relation deservice et la fiabilit de lchange entre les usagers et les administrations.

    Dans une troisime perspective, la privatisation peut donc tre considre comme lerapprochement, voire lidentification, des pratiques et des valeurs entre la fonction publiqueet le secteur priv. Sur le fond, lanalyse montre que les univers axiologiques desfonctionnaires et des salaris du priv ne sont pas fondamentalement diffrents. Lasuppression du statut des fonctionnaires en France ne changerait rien quant la hirarchiede leurs valeurs et laisserait donc irrsolue la question de savoir comment on peut grerdans un univers politico-administratif. On touche ici les limites dun modle intellectuelfaisant de lenrichissement le seul moteur des salaris au travail. La rduction du travail sa seule valeur marchande, voire son ravalement au rang de marchandise, efface lademande socitale sexprimant fortement dans le secteur priv comme dans le secteurpublic pour la reconnaissance des savoir-faire et de lutilit sociale. Cette demande est aucur du renouveau des conflits sociaux qui se sont multiplis depuis 2008, notamment danslducation nationale et lenseignement suprieur. Mais on peut galement souligner que leprocessus dindiffrenciation entre les fonctionnaires et les salaris du priv trouve sa limitenaturelle dans le besoin politique de crer un sens collectif autour de notions commelintrt national (face la mondialisation) ou lintrt gnral (face lclatement de lasocit civile et au cot politique des fractures).

    La privatisation nest donc pas simple et peut rpondre tout autant des objectifslatents (raffirmer le primat du politique) qu ses objectifs explicites (faire fonctionnerladministration de manire plus efficace et moins coteuse) dont lvidence apparentedsarme toute critique. Elle renvoie autant un imaginaire libral, trs peu dvelopp dansla socit franaise et bien mal en point aprs la crise financire de 2008 ou face la crisecologique, quau besoin de laisser la classe politique un terrain sur lequel elle a encorequelque pouvoir.

    LES MODALITS DU CHANGEMENT

    Sil est facile de sentendre sur la direction de lvolution, lampleur relle destransformations reste en revanche plus difficile apprhender. Il faut bien constater que sion sattache non plus au flux mais au stock, la situation en ltat est relativement stable, ne

    3. Kaufmann (Daniel), Kraay (Aart), Mastruzzi (Massimo), Governance Matters VIII, Aggregate andIndividual Governance Indicators, 1996-2008, World Bank, juin 2009.

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  • serait-ce quen ce qui concerne le nombre global des fonctionnaires qui na pas vraimentcommenc diminuer comme on a pu lobserver dans dautres pays. Faut-il alors voir dansles initiatives rcentes une nime tentative infructueuse de rforme ou la fin de la fonctionpublique ? Le dtour par une discussion sur les modalits de la rforme peut savrer utileavant de lire les rponses apportes par plusieurs contributeurs ce numro.

    Rformes incrmentales et rforme radicale. Le dbat sur les modalits du change-ment a t introduit par le rapport du Conseil dtat de 2003 4. Toute la question est celledu choix entre rformes incrmentales et rforme du statut. Alors que, jusque-l, largumentpartag par les rformateurs tait que le statut permettait tous les changements, le rapportremettait en cause cette interprtation. Largument sociologique tait que si, en effet, lestatut permet bien en effet en droit toutes les transformations, il avait nanmoins gnr lesconditions sociales conduisant une lecture limite de son extension. Derrire cet argumentse trouve videmment pose la question du rle des dcoupages de corps dans les syndicats.

    Larticle de Marcel Pochard dans ce numro permet de revenir sur le dilemme delincrmental et du radical. Aprs avoir rappel que tant le rapport du Conseil dtat quele Livre blanc de Jean-Ludovic Silicani affirment la ncessit dune reconfiguration delarchitecture statutaire et la mise en place dun certain nombre de nouvelles rgles degestion des agents publics , il constate que les politiques ont surtout vis exploiter aumaximum les potentialits offertes par le statut . Il reconnat cependant quun palier a tfranchi dans ces rformes au sein du statut avec une acclration sensible des transforma-tions en particulier en ce qui concerne la rduction du nombre des corps. Il pointe aussi leslimites des transformations engages par rapport aux vises dintgration des cadresstatutaires ou de diffusion du modle contractuel. Mais il se contente de souligner les pointsdachoppement possibles de cette nouvelle vague de rformes incrmentales. Comme si lamesse de la grande rforme statutaire tait dj dite ?

    Rformer par les franges. lopposition rforme radicale / rforme incrmentale, onpeut ajouter le couple rforme frontale / rforme latrale. En effet certaines dcisions quisemblent prise propos dautres sujets peuvent avoir des effets non ngligeables surlvolution du statut de la fonction publique.

    Lexemple le plus flagrant concerne les effets indirects des rgles europennes. Lesobservateurs de la construction europenne ont pu noter les effets de dbordement (spillover) 5 de laction de lEurope hors de ses champs de comptences via un mcanismeoriginal. On sait ainsi comment, alors que les rgle europennes ne prsagent pas du statutpublic ou priv des entreprises et ne privilgient aucune doctrine de la bonne gestionpublique, lapplication des rgles de concurrence a conduit la fois une rforme majeurede la gestion des ex monopoles de service public et leur progressive privatisation. Cestun mcanisme indirect tout fait comparable que rapporte Jean-Michel Lemoyne deForges. Les rgles de libre circulation nont pas t penses en relation avec la rforme dela fonction publique, en outre elles concernent de fait un nombre limit dindividus, etpourtant la recherche de ladaptation de la fonction publique ces rgles conduit destransformations significatives dans la fonction publique. Lauteur met ainsi particulire-ment en avant lpineux problme pos par les coles administratives et, de manire moinsdirecte, les questions poses par une distinction entre fonction rgaliennes et nonrgaliennes qui ne passe pas par un dcoupage des postes mais par un dcoupage desemplois.

    4. Perspectives pour la fonction publique, Rapport public 2003, Paris, La documentation franaise,2003.

    5. Haas (Ernst B), The Uniting of Europe, Stanford university press, 1958.

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  • Le statut peut aussi tre amen voluer par des interventions latrales dans lecontexte franais. Plusieurs auteurs notent que si la taille de la fonction publique nest pasconstitutive de sa spcificit, il nen reste pas moins que la politique annonce de nonrenouvellement dun dpart la retraite sur deux pse sur les volutions en cours. Demme, le fait, qui semble tout conjoncturel, que laugmentation du point dindice ne suiveplus le cot de la vie, produit un effet plus structurel de redfinition de fait de la promotion.Lchelle des salaires ressemble aujourdhui un escalier mcanique que les fonctionnairesremontent contre sens 6, une partie de laugmentation gnre par les avancementsdchelons ou les changements de grade ou de corps servant compenser la baisse dupouvoir dachat du point.

    Les modles de la rforme. Un argument semble rassembler promoteurs et contemp-teurs de la rforme : le poids des modles trangers. Les premiers voient la ncessit deconnatre comment font les autres et dimporter les bonnes pratiques. Les secondsdnoncent la diffusion des modles libraux du new public management. Le dossier apporteune contribution au dbat en prsentant un bilan de deux pays dEurope du sud (lItalie parEdoardo Ongaro et Nicola Bell et lEspagne par Elisenda Malaret Garca et Joan MauriMajs) et deux approches sous des angles originaux concernant des pays anglo-saxons dontles expriences sont plus souvent discutes : la pratique des agences dintrim en GrandeBretagne (par Jean Philippe Fons) qui fait cho aux propositions du Livre blanc cepropos et une approche psychologique des effets en retour sur ceux qui restent aprs lesplans de dpart consquents engags dans la fonction publique au Qubec (par NathalieRinfret, Christine Ngo Manguelle et Monique Lortie-Lussier).

    Face lunanimisme devant lhypothse du poids des modles trangers, il peut treutile de faire un pas de ct et de sinterroger sur linfluence dautres modles plus proches.Ce sont dabord les fonctions publiques hospitalires et territoriales. Les rformes de cesfonctions publiques dcryptes respectivement par Franois Xavier Schweyer et BernardPerrin sont substantielles et ont pu servir explicitement de rfrences pour la fonctionpublique dtat, comme dans le cas des cadres statutaires inspirs des cadres demploisde la fonction publique territoriale. Un modle encore moins regard est celui desentreprises publiques qui ont connu des transformations radicales ces dernires annes. Lapossibilit de mobilits obligatoires prvues par la loi sur la mobilit daot 2009, commecertaines grilles de salaires lies au poste semblent cependant devoir beaucoup ce modle,mme sil faut relativiser comme le fait Anne Debar la violence des restructurationsassocies la Rvision gnrale des politiques publiques. Lavantage de la proximit est defaciliter la comparaison. Par del les belles images hagiographiques des collections de bestpractices, ces exemples nous permettent de mesurer les effets non voulus des rformes.Bernard Perrin attire ainsi notre attention sur la difficult de matriser la diffusion du spoilsystem dans les collectivits territoriales, Franois Xavier Schweyer souligne les effets dedmobilisation dans la dure des professionnels hospitaliers.

    Des volutions socitales. Tous les arguments prcdents prsupposent que latransformation passe par une rforme. Mais il faut envisager des mutations qui seproduisent de manire parallle et simultane dans le secteur priv et le secteur public sansque les unes soient influences par les autres. La contribution de Danile Guillemot, AurliePeyrin et Gilles Jeannot, partir de lenqute sur le changement organisationnel etlinformatisation, met ainsi en vidence un alignement trs large des relations quotidiennesde travail dans ladministration dtat sur les entreprises prives. Cet alignement passe

    6. Bouzidi (B.), Jaidane (T.), Gary-Bobo (R.), Les traitements des enseignants franais, la voie de ladmoralisation , Revue dconomie politique, no 117, 2007/3, pp. 323-363.

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  • autant par la diffusion doutils informatiques qui ne font pas dbat (diffusion desordinateurs, usage gnralis de la messagerie) que par des outils de gestion imports dupriv et qui ont pu tre plus stigmatiss. De la mme manire le traitement par LucRouban de lEuropean Social Survey nous conduit noter que, de nombreux propos, lesdiffrences intra-nationales des valeurs entre agents des secteurs public et priv sontmoindres que les diffrences de valeurs entre diffrents pays. travers ces divers aspects,la fonction publique apparat bien plus plonge dans que spare de , ce qui jouedans le sens de transformations sans bruit des pratiques comme dune limitation des projetsles plus radicaux qui ne seraient pas plus compris des agents du priv que de ceux du publicet nobtiendraient pas le support politique ncessaire.

    Si on ne spare plus les fonctionnaires de la socit, se pose alors aussi la question deleur ventuel avis sur les rformes. Anne Debar montre que cette question nest pasuniquement thorique. Dans un cadre rglementaire qui ne permet aux gestionnaires deterrain de jouer sur les mobilits et le renouvellement que de manire limite, ils doiventbien entraner les agents dans un projet de changement. Contrairement aux discoursconvenus sur la rsistance au changement , les observations mettent en vidence que larsistance nintervient que lorsque les agents ne partagent pas les orientations duchangement. Si on reconnat dans diverses instances participatives une possibilit dex-pression, peut-on envisager quelque chose dquivalent pour les fonctionnaires ? Larticlede Jeanne Siwek-Pouydesseau apporte un clairage original sur le sujet en prenant ausrieux les positionnements de principe des trois principaux syndicats. Si, pour FO, lefonctionnaire doit se contenter dappliquer les politiques publiques, la CGT envisage poursa part un espace pour lexpression de fonctionnaires citoyens.

    RFORMER EN PRIODE DE CRISE

    Au bout du compte, le nombre des facteurs jouant sur la ralit du changement laissepenser que lon est en prsence de deux hypothses. Lhypothse basse est celle dunsimple toilettage des textes et des normes afin de faciliter les carrires, la mobilit et lesreconversions entre fonctions publiques ou bien entre secteur public et secteur priv. Lesfonctionnaires auraient le temps de sadapter tout en sinscrivant dans un nouveau modleprofessionnel. Lhypothse haute est celle dun tournant historique comparable celui de1945-46, voyant se dliter le modle classique de la fonction publique la franaise pourun modle privatis, o la logique de lemploi domine la logique de la carrire, o lescoles administratives seffacent au profit de recrutements contractuels, o le statut gnralna plus gure dintrt sauf pour rappeler une dontologie de base, o les corpsdisparaissent progressivement.

    La crise financire de 2008 est venue se superposer au lancement de la rforme et peutchanger sa porte de plusieurs manires. Il est vrai que la recherche dconomiesbudgtaires en priode de dficits lourds appelle la rduction des effectifs voire celle dessalaires de base comme ce fut le cas avec les dcrets-lois du gouvernement Doumerguedavril 1934. Mme si bien des points sparent la crise financire de 1929 et celle de 2008,il reste que les gouvernements ont choisi dans les deux cas dopter pour un tat fort afinde dfendre une politique librale. La rduction des dpenses, la rforme de ltat et lalibert commerciale marquent ainsi les deux priodes dans le cadre de ce que lon a pu

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  • appeler laustro-libralisme 7. Cependant, la crise financire entrane galement une sriede consquences. Les marges budgtaires pour rendre les primes la performance vraimentattractives sont rduites sinon inexistantes. Une seconde consquence est la fin du mytheselon lequel la gouvernance des entreprises est suprieure celle des administrations. Lacrise a montr que le secteur priv tait opaque, que bon nombre de directions vivaient danslignorance, que les mcanismes de contrle internes tournaient vide et que de grandesentreprises nont survcu que par la grce dune intervention publique massive. Unetroisime consquence, et non la moindre, est que la fonction publique va servir nouveaude refuge contre le chmage, a minima pour des gouvernements de droite mais de manirecertainement plus volontariste pour dventuels gouvernements de gauche. Une quatrimeconsquence tient au fait que le retour de ltat appelle une volution des alliances litaires,la classe politique devant se rapprocher de la haute fonction publique et sloigner descercles entrepreneuriaux afin de reprendre la main sur la situation conomique face uneopinion publique critique. Les options sont ici assez ouvertes et dpendent de choixpurement politiques.

    On ne pourra pas, enfin, ne pas voquer les enjeux internes que la rforme produit ouconforte. La crise va donc servir, sinon dalibi, du moins de catalyseur, des recomposi-tions internes au sein de la fonction publique le long de lignes tectoniques qui bougent surle long terme de lhistoire administrative : la hirarchie interne des emplois et des corps, ladfinition de ceux qui sont dedans et de ceux qui sont dehors , la distance socialequils convient dtablir peut-tre sous de nouvelles formes entre les membres des lites etles autres.

    7. Selon la formule de Margairaz (Michel), Ltat, les finances et lconomie : histoire duneconversion, 1932-1952, Paris, Comit pour lhistoire conomique et financire de la France, 1991.

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