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Reviewing Studies Etudes critiques - Betrachtungen zur Literatur Hypothese et perception Dans l’excellente collection a Muirhead Library of Philosofihy rn que dirige avec tant de compktence H.D. Lewis, le professeur Errol E. Harris a publik, en 1970, un remarquable owrage* consacrt A la mCthode scientifique ou plus exactement B ses origines, comme l’indique le sous-titre. rofesseur de philosophie B la Northwestern University (Evans- ton), a dijja sign6 quetues livres de premier ordre,,parmi lesquels je citerai Nature, Mind and Modern Science (1954), The Foundations of Metaphysics in Science (1965) - dont l’ouvrage que j’analyserai ici est en quelque sorte le prolongement -, Foundamentals of Philosophy (1969). On retrouve dans son livre Hypothesis and Perception les menies qualitis qui ont contribui au succes des prtctdents. La langue est toujours Claire, incisive, imaate. L’ttendue des connaissances, la prtcision des informations surprennent de la part d’un philosophe qui traite de la physique, de la biologie, de la chimie avec presque constamment une tgale compktence. Les rkfkrences que Harris donne des travaux modernes sont sdres et il sait de quoi il parle lorsqu’il discute de theses scientifiques souvent difficiles. Le fait est assez rare pour qu’il ne soit pas inutile de le relever ici. En quelques 400 pages, Harris jette un regard neuf et incisif sur cette kpistk- mologie qui s’Ctait quelque peu figte B la suite des travaux classiques de Hume. S’inspirant des recherches dialectiques de Pierce et de Collingwood, Harris n’hbite pas ja prendre le contre-pied des conceptions chkres A la plupart dcs mCtho- dologistes Anglo-Saxons et qu’avaient rkussi A imposer, B force de talent - mais dans une incomprehension souvent presque totale de la methode scientifique actuelle - des philosophes et des logiciens connus comme Nagel et Reichenbach, Carnap et Hempel. Pour Harris, la technique de l’homme de sciences de notre temps n’est ni induc- tive, ni deductive. Se rapprochant singulierement de 1’IdonCisme de Ferdinand Gonseth - qu’il ne paraft d’ailleurs pas connaitre - Harris imagine une dtmarche polypha- sique, constitube d’ktapes va-et-vient faites d’approches dialectiques, progressives et constamment marquees par une Cvolution dynamique. Le livre com rend trois parties d’inkgales dimensions mais d’un inter& compa- rable et constant. gans la premihre (60 p.), intitulkc u crilique a, Harris - aprb avoir britvement discutC des conceptions dites populaires et philosophiques de la Science - aborde le p r o b l h e de l’induction. I1 dkmontre, exemples A l’appui, que cette operation est aussi dkraisonnable que l’empirisme qu’il discute ensuite. Pour h i , E. Harris, qui est * Hypothesis and Perception : the roots of scientific method. 1970, G. Allen and Unwin Ltd., London - Humanities Press, NewYork. Dialectica Vol. 26, No 1 (1972)

Reviewing Studies Etudes critiques — Betrachtungen zur Literatur Hypothèse et perception

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Reviewing Studies Etudes critiques - Betrachtungen zur Literatur

Hypothese et perception

Dans l’excellente collection a Muirhead Library of Philosofihy rn que dirige avec tant de compktence H.D. Lewis, le professeur Errol E. Harris a publik, en 1970, un remarquable owrage* consacrt A la mCthode scientifique ou plus exactement B ses origines, comme l’indique le sous-titre.

rofesseur de philosophie B la Northwestern University (Evans- ton), a dijja sign6 quetues livres de premier ordre,,parmi lesquels je citerai Nature, Mind and Modern Science (1954), The Foundations of Metaphysics in Science (1965) - dont l’ouvrage que j’analyserai ici est en quelque sorte le prolongement -, Foundamentals of Philosophy (1969). On retrouve dans son livre Hypothesis and Perception les menies qualitis qui ont contribui au succes des prtctdents. La langue est toujours Claire, incisive, imaate. L’ttendue des connaissances, la prtcision des informations surprennent de la part d’un philosophe qui traite de la physique, de la biologie, de la chimie avec presque constamment une tgale compktence. Les rkfkrences que Harris donne des travaux modernes sont sdres et il sait de quoi i l parle lorsqu’il discute de theses scientifiques souvent difficiles. Le fait est assez rare pour qu’il ne soit pas inutile de le relever ici.

En quelques 400 pages, Harris jette un regard neuf et incisif sur cette kpistk- mologie qui s’Ctait quelque peu figte B la suite des travaux classiques de Hume.

S’inspirant des recherches dialectiques de Pierce et de Collingwood, Harris n’hbite pas ja prendre le contre-pied des conceptions chkres A la plupart dcs mCtho- dologistes Anglo-Saxons et qu’avaient rkussi A imposer, B force de talent - mais dans une incomprehension souvent presque totale de la methode scientifique actuelle - des philosophes et des logiciens connus comme Nagel et Reichenbach, Carnap et Hempel.

Pour Harris, la technique de l’homme de sciences de notre temps n’est ni induc- tive, ni deductive. Se rapprochant singulierement de 1’IdonCisme de Ferdinand Gonseth - qu’il ne paraft d’ailleurs pas connaitre - Harris imagine une dtmarche polypha- sique, constitube d’ktapes va-et-vient faites d’approches dialectiques, progressives et constamment marquees par une Cvolution dynamique.

Le livre com rend trois parties d’inkgales dimensions mais d’un inter& compa- rable et constant. g a n s la premihre (60 p.), intitulkc u crilique a, Harris - a p r b avoir britvement discutC des conceptions dites populaires et philosophiques de la Science - aborde le p r o b l h e de l’induction. I1 dkmontre, exemples A l’appui, que cette operation est aussi dkraisonnable que l’empirisme qu’il discute ensuite. Pour h i ,

E. Harris, qui est

* Hypothesis and Perception : the roots of scientific method. 1970, G. Allen and Unwin Ltd., London - Humanities Press, NewYork.

Dialectica Vol. 26, No 1 (1972)

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induction et empirisme sont Cgalement incompatibles avec l’attitude et les besoins logiques de I’homme de science moderne. La seconde partie (146 p.) est consacrCe A l’aspect I( his tor ipe M de la mkthodologie scientifique. Avec une Cvidente prkfkrence, Harris se penche sur des thkses astronomiques, examinant comment le systkme de Copernic a ktk klabork, par quels moyens Kepler et Newton sont arrivks B mettre en place une conception gCnCrale relative B la lkgislation de 1’Univers. I1 sera aussi question, dans ce chapitre, de probltmes de physique avec l’ttude de la conservation de la masse et de l’tnergie, de la relativitk, du positron. Les experiences de chimie de Lavoisier et de Dalton sont fort bien analyskes, mais l’auteur reste discret A l’tgard de la biologie. I1 se borne B rappeler les observations bien connues de Harwey qui ont conduit B la dkcouverte de la circulation du sang et commente trts briivement l’euvre de Darwin, elle aussi abondamment resumbe par les historiens de 1’Evolution.

La derni2re partie de l’ouvrage (151 p.) est rksolument 6 &pistPrnoZogique Y. Elle comprend cinq volets dont l’ampleur diverse dkvoile les prkftrences de Harris. La perception est remarquablement disstquke et ce chapitre-clC est immtdiatement suivi d’un autre d‘un kgal inter&, consacrk au sujet Y question et rkponse s. La notion de decouverte y est, en particulier, analysCe fort pertinemment. Puis, les 25 pages qui viennent ensuite - B mon sens les moins bien venues de l’ouvrage - traitent de la logique de la construction. Le quatribme chapitre de cette derniere partie est consa- crke B la dialectique du progrks. C’est sans doute Ih que Harris fait preuve de la plus grande originalite. I1 ne paralt pas exagerk de dire que ces lignes dkcrivant la dCmarche du chercheur vers la solution inkdite, sont dignes de figurer dans une anthologie de la mtthode scientifique. Les seize dernieres pages - dont la brievett dkconcerte - sont destinCes A cerner le problkme uscience et vkritkY. I1 y sera notamment question des rapports entre les sciences, la ndtaphysique et la religion. Ici, Harris est dtcidkment trop sommaire et ces pages peu convaincantes, A mon avis, n’ajoutent rien A l’ouvrage.

L’ktude de ce trait6 - qui, sans aucun doute, fera autoritC - n’est malheureu- sement pas facilitte par un index de matikres trop court pour prtsenter quelque utilitk. Mises B part les reserves de moindre importance soulevkes dans cette analyse, j e pense que l’on ne peut que souhaiter que l’ouvrage de Harris soit largement dif- fuse. Et je le recommanderais tout particulikrement aux hommes de sciences que l’epistimologie rebute et qui ne sont gutre attires par l’aspect mkthodologique positif et negatif de leurs recherches.

P.E. PILET.

Dialectica Vol. 26, No 1 (1972)