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7/31/2019 Rapport Sur La Republique Dominicaine, 2010-2020 par Jacques Attali
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Sous la direction de
Jacques Attali
LA RPUBLIQUEDOMINICAINE
2010-2020
Rapport de la Commission Internationalesur le Dveloppement Stratgique de la Rpublique Dominicaine
A As ci
Membres de la commission :Pepe Abreu Rosa Rita Alvarez Cyrille Arnould Carlos Asilis Jos Luis Corripio Mathilde Lemoine Jeffrey Owens Mario
Pezzini Eduardo Jorge Prats Marc Stubbe Ian Whitman
Novembre20
10
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Rapport de la Commission Internat ionale sur le dveloppeme nt strat gique de la Rpublique Dominicaine 2
L a Rpublique Dominicaine a connu depuis quarante ans une croissancesoutenue (+5,5 % de 1970 2008), largement suprieure la moyennergionale (+3,5 %). La stabilit politique du pays explique en grandepartie ce succs qui sest illustr par un tourisme florissant et de fortes exporta-tions vers le march nord-amricain. Pour autant, lconomie dominicainedemeure fragile et ses fondamentaux la mnent plus stimuler la consom-mation qu anticiper les innovations et les besoins dducation long terme.La dpendance vis--vis du march des USA, une industrie nationale qui ne
suit pas la demande intrieure et importe massivement, une situation lectri-que catastrophique et une fraude largement rpandue autant de facteursqui nuisent lconomie et ont dtrior la croissance lors des grandescrises mondiales passes (bulle internet de 2000, crise bancaire de 2003 etsubprime de 2008). Aujourdhui, si la comparaison au sein des Carabes estencore flatteuse pour la Rpublique Dominicaine, le bilan est plus inqui-tant. Avec un tat endett et sans grande marge de manuvre fiscale, unesocit peu duque et prpare lavenir, le pays risque, si rien nest fait, dene pas trouver son second souffle. Dautant que le corps social na pas profitde lessor conomique : avec un chmage endmique, un march informelconsidrable, une politique de sant publique peu efficace, et une crimina-lit en hausse, le peuple dominicain a un sentiment dabandon qui le pousse lindividualisme social (le no pago) et la dfiance envers les institutionsnationales.
Ltat a entrepris en 2008 une dmarche importante avec llaborationde la Stratgie Nationale de Dveloppement horizon 20 ans, qui doittre discute et vote en fin danne 2010. Ce plan stratgique, exhaustif,courageux et ambitieux, propose une cinquantaine de mesures dans lesdomaines des institutions, du dveloppement social, de lconomie et dela protection de lenvironnement.
La Stratgie Nationale de Dveloppement doit ainsi tre dploye ds2011 avec efficacit et rapidit afin de ne pas dcevoir les attentes et lesespoirs quelle a suscits. Pour cela, il est ncessaire de lui adjoindre desactions trs concrtes 5 ans qui puissent la mettre en mouvement rapide-ment et en acclrer les rsultats. Cest lobjet des 77 propositions de laCommission, qui visent renforcer cette dmarche nationale. Ces proposi-tions, rparties en 7 chantiers, sinscrivent dans une logique densemble etncessitent un calendrier de mise en uvre.
La restauration de la crdibilit de ltat et de la confiance des citoyens
(chantier 1) est la base de tout contrat social et donc de tout projet. Elleimplique des mesures courageuses et drastiques de transparence, de
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rationalisation et de professionnalisation de la fonction publique ; aucuneaction stratgique ne saurait tre entreprise si ces fondamentaux politi-ques et institutionnels sont absents ou dficients.
Sur cette base, les chantiers de restauration du contrat social pourronttre entams en semant les graines de la socit dominicaine de demain.
Mesures de long cours, elles doivent tre entames sans attendre afin queleurs effets soient visibles dans lhorizon de la Stratgie Nationale. Ellesconcernent de prime abord les services publics de sant, dinfrastructureset dlectricit (chantier 2), mais galement lducation, du primaire ausuprieur (chantier 3), afin de prparer les nouvelles gnrations au mondede demain, ou encore la prparation du pays la comptition internatio-nale (chantier 4) par le dveloppement des secteurs de la finance, de lalogistique et du tourisme. Ces trois chantiers doivent permettre de prparerlavenir et de librer les initiatives collectives avec un tat qui aura montrlexemple dans ses services publics. Ils pourront tre utilement accompa-gns dune simplification de la fiscalit qui pourra contribuer augmenterle rendement de limpt en rduisant son cot de gestion et ainsi assurerla prennit financire des rformes entreprises.
Dans un second temps, partir de 2012, ltat dominicain pourra seredonner les moyens de ses rformes. Les diffrentes mesures fiscales etde justice sociale (chantier 5) sont ici la fois essentielles et urgentes ;ce sont elles qui symboliseront lavnement du nouveau contrat social,avec un tat lgitime de le rclamer. Une fois la confiance restaure etla qualit de la dpense publique dmontre, la Rpublique Dominicainepourra largir son horizon daction, tant dans le temps que dans lespace,
en engageant des rformes durables et conformes aux ambitions interna-tionales (chantiers 6 et 7).
Tout ne pourra tre entrepris en mme temps ; il est indispensable quuncalendrier rigoureux et raliste soit rapidement dfini, ainsi quune identi-fication prcise des solutions de financement et des partenariats trangers.A ce titre, une structure de pilotage unique, indpendante et autonome,qui pourra sappuyer sur le Conseil conomique et Social, doit tre miseen place ds la fin danne 2010 afin de coordonner et de suivre la ralisa-tion effective de ces 77 propositions.
Membres de la Commission Internationale sur le Dveloppement Strat-gique de la Rpublique Dominicaine :
Jacques AttaliPepe AbreuRosa Rita AlvarezCyrille ArnouldCarlos AsilisJos Luis Corripio
Mathilde LemoineJeffrey OwensMario PezziniEduardo Jorge PratsMarc StubbeIan Whitman
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entation
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L a Rpublique Dominicaine est un pays fascinant. Son histoiredabord la rend unique : cest sur cette terre que Christophe Colomba dbarqu pour la premire fois en 1492. Aujourdhui, on y trouve lapremire universit et la premire glise du Nouveau Monde. Sa positiongographique est galement unique. Peu de pays se trouvent, comme laRpublique Dominicaine, lexacte frontire entre les pays du Nord et lespays du Sud. Les relations avec son voisin Hati sont depuis toujours, maisencore plus depuis le terrible tremblement de terre de Janvier 2010, une
part essentielle du dveloppement du pays. Enfin, la russite conomi-que des quarante dernires annes est spectaculaire. La cohsion et ledynamisme du peuple dominicain ont t les cls de cette russite.
Alors pourquoi un rapport de plus sur lavenir de la Rpublique Domini-caine ? La Stratgie Nationale de Dveloppement, dmarre il y a deux ans,est sur le point dtre vote. Ce plan ambitieux, exhaustif, et clairvoyantdfinit les objectifs dun dveloppement de long terme. Mais les dix derni-res annes ont rvl des faiblesses dans le modle sur lequel la socitdominicaine sest base jusqu prsent. Des faiblesses dabord institution-nelles, qui demandent un important travail pour recrer la confiance dansla socit. Le secteur priv ninnove que trs peu et se projette diffici-lement dans lavenir, prfrant se dvelopper en enclave . La popula-tion devient de plus en plus individualiste, prte faire reposer le cotde llectricit sur son voisin. Ce rapport tente de formuler des proposi-tions trs concrtes, qui peuvent toutes tre inities dans un horizon decinq ans, et qui aideront reconstruire des bases solides sur lesquelles laStratgie Nationale de Dveloppement pourra sappuyer.
Ce travail est issu de la rflexion commune de six experts internationaux,Cyrille Arnould, Mathilde Lemoine, Jeffrey Owens, Mario Pezzini, Marc
Stubbe, Ian Whitman et de cinq experts dominicains, Pepe Abreu, RosaRita Alvarez, Carlos Asilis, Jos Luis Corripio, Eduardo Jorge Prats, runisdans une Commission du 8 au 12 octobre 2010. La Commission a appuyses travaux sur une tude durant laquelle nous avons interrog plus dunecentaine dacteurs dominicains et internationaux, venant des secteurspublics, privs et des organisations internationales. Nous avons galementtudi les nombreux rapports trs dtaills qui existent dj sur le pays.
Jacques ATTALI
Prsentation
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Som
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Prsentation 4
Sommaire 5
1
La Rpublique Dominicaine en 2010 10
1 LA SITUATION CONOMIQUE ET SOCIALE EN 2010 10
1.1 Une russite conomique souvrant sur de nouveaux dfis 10
1.1.1 40 ans de russite conomique 101.1.2 Un premier dfi : une conomie ouverte mais vulnrable 101.1.3 Un deuxime dfi : linnovation 12
1.2 La politique sociale, vritable enjeu davenir 12
1.2.1 Des ingalits et une pauvret persistantes 121.2.2 Un systme de sant insuffisant 131.2.3 Des Objectifs du Millnaire difficilement atteignables malgr les rformes 14
2 UNE POPULATION EN QUTE DUN NOUVEAU CONTRAT SOCIAL 16
2.1 Un contexte social qui conduit la perte de confiance 16
2.1.1 Un chmage persistant et un secteur informel prpondrant 16
2.1.2 Linscurit et le trafic de drogue 172.1.3 L impunit, source d ingalits 17
2.2 Vers une individualisation des comportements 17
2.2.1 La perte de confiance dans les institut ions 172.2.2 Le clientlisme, terreau de lindividualisme 182.2.3 Le cercle vicieux du No Pago 19
3 UN SECTEUR PRIV FRAGILE 19
3.1 Une structure conomique peu productive 19
3.2 La dualit des zones franches et de lindustrie devant les politiques 20
Sommaire
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Som
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3.3 Llectricit, un problme politique qui bloque l initiat ive prive 22
3.4 Un systme financier trop rigide 24
4 LES INSTITUTIONS DOIVENT RECRER LA CONFIANCE 24
4.1 Un dfi organisationnel 24
4.1.1 Lefficacit de ladministration 254.1.2 La transparence 264.1.3 Dcentralisation et ingalits territoriales 26
4.2 Une pression fiscale trs basse et un budget sans margede manuvre 28
4.3 Un systme dducation repenser 31
4.4 Quelles relations de long terme avec Hati ? 32
4.5 La Stratgie Nationale de Dveloppement : une vision long terme 33
2
Russir la Stratgie Nationale de Dveloppement 35
1 SEPT CHANTIERS POUR RUSSIR LA STRATGIE NATIONALEDE DVELOPPEMENT 35
Chantier n 1. Redonner confiance dans les institutionsChantier n 2. Mettre en place des services publics de qualitChantier n 3. Former les gnrations futuresChantier n 4. Prparer le pays la comptit ion internationaleChantier n 5. Organiser le financement de la Stratgie Nationale de DveloppementChantier n 6. Protger lenvironnement et amnager le territoireChantier n 7. Intgrer le pays dans la rgion et dans la comptit ion internationale
2 STRATGIE DE MISE EN UVRE 110
2.1 Structure de pilotage 110
2.2 Planning et priorits 110
2.3 Prochaines tapes 111
Conclusion 112ANNEXE COMPARATIF DE PAYS 113
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES 114
BIBLIOGRAPHIE 115
REMERCIEMENTS 119
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Som
maireListedesFigures
Rapport de la Commission Internat ionale sur le dveloppeme nt strat gique de la Rpublique Dominicaine 7
LISTEDES FIGURESFigure 1.Croissance du PIB en Rpublique Dominicaine et en Amrique Latine
(Moy. mobile sur 3 ans) 8
Figure 2.Exportat ions de biens et de services (% PIB) 9
Figure 3.Croissance du PIB (bleu) et des importations (rouge). Prix rels (base
2000). Source : Banque Mondiale 9Figure 4. Balance commerciale des biens et services 9
Figure 5. Part des investissements publics dans le budget de ltat 10
Figure 6. Dpenses publiques en ducation, % du PIB 10
Figure 7. Indices de Gini (0= parfaitement galitaire, 100= totalement ingalitaire) 10
Figure 8. Taux de pauvret (bleu) et d indigence (rouge) 11
Figure 9. Tuberculose 11
Figure 10. Contribut ions aux dpenses de sant 12
Figure 11. volution du taux de chmage 14Figure 12. Rpartition des travailleurs entre secteurs formels et informels. 14
Figure 13. volut ion du salaire horaire rel moyen en pesos (Base janvier 1999) 14
Figure 14. Taux dhomicides en Rpublique Dominicaine (1991-2009) 15
Figure 15. Nombre dactes de corrupt ion perus au cours des 2 derniers mois 15
Figure 16. Sondage entre Dmocratie et Dveloppement conomique 16
Figure 17.Classification des bureaucraties latino-amricaines. Source : Politicsof Policy (IDB) 16
Figure 18. Le pays est-il gouvern pour le bien de tous ? 17
Figure 19.Dcomposition du PIB rel de la Rpublique Dominicaine en 2009(Prix 1991) 17
Figure 20. Rpartit ion de la gnration lectrique par type de combustible 21
Figure 21. Taille des principaux ministres en % de leffectif total 23
Figure 22. Taille de la bureaucratie vs qualit du service public 23
Figure 23. Part du budget de la prsidence dans le budget de ltat 24
Figure 24. Ingalits territoriales 25
Figure 25. Pression fiscale en Amrique Latine (en % du PIB) 26
Figure 26.Part des diffrentes taxes dans le revenu fiscal de la RpubliqueDominicaine 27
LISTEDES TABLEAUXTableau 1.Objectifs du Mil lnaire 13
Tableau 2. Taux unique dimposition des entreprises. Variation des revenus deltat en % du PIB. 19
Tableau 3. Taux variable dimposition des entreprises. Variation des revenusde ltat en % du PIB. 20
Tableau 4.Comparaison de la fiscalit dans les pays dAmrique latine 27Tableau 5. Analyse de la Stratgie Nationale de Dveloppement 31
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publiqueDominicaineen20101Lasituationconomiqueetsocialeen2010
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1 LASITUATIONCONOMIQUEETSOCIALEEN 2010
1.1 Une russite conomique souvrantsur de nouveaux dfi s
1.1.1 40 ans de russite conomique
Sur la priode allant de 1970 2008, la Rpubli-que Dominicaine a su maintenir un rythme
de croissance de plus de 5 % en moyennepour atteindre un PIB actuel de 47 milliardsde dollars en 2010. Cette performance tientnotamment la trs grande stabilit politi-que que le pays a connue, la diffrence desautres pays de la rgion. Ainsi, lensemble delAmrique latine a cru dans le mme temps un rythme moyen denviron 3,5 %. Le PIBpar habitant a suivi la mme tendance, avecun rythme moyen de croissance de 3,4 %
quand le revenu par habitant de la rgionna progress qu un rythme de 1,6 % sur lamme priode.
15
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1967
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2003
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Rpublique Dominicaine
Argentine
Brsil
Chili
Amrique Latine
Figure 1. Croissance du PIB en Rpublique Dominicaine eten Amrique Latine (Moy. mobile sur 3 ans).
Lconomie dominicaine a pendant longtemps
t porte par les exportations des ZonesFranches, le tourisme, et lagriculture (canne
sucre, caf, cacao, tabac). Aujourdhui, lepays sest diversifi et les services reprsententplus de 50 % de lactivit (voir Figure 18).
Ce portrait place la Rpublique Dominicaineparmi les plus belles russites conomiques dela rgion, comme si ce pays le premier queChristophe Colomb a atteint en 1492, et ose trouvent la premire glise et la premireuniversit du Nouveau Monde tait prdes-
tin.
Pourtant la dernire dcennie a rvldes faiblesses qui pourraient remettre enquestion le modle conomique du pays :celui-ci est-il durable ? Ces faiblesses sontdabord internes. La crise bancaire de 2003a montr que la faiblesse et le laxisme desinstitutions pouvaient entraner de graveschocs conomiques et sociaux. Mais ellessont aussi externes. La mondialisation est
une comptition dans laquelle les entreprisesdominicaines ont du mal tirer leur pingledu jeu, et le pays reste trs dpendant descycles conomiques mondiaux. La crise de labulle Internet de 2001 et celle des subprimede 2008 ont dvoil ces difficults.
Ces faiblesses font souvrir les annes 2010sur deux dfis conomiques majeurs.
1.1.2 Un premier dfi : une conomie ouvertemais vulnrable
Avec la mise en place de la loi 299 en 1969,lindustrie dominicaine a acclr sa produc-tion de biens destins lexportation, quireprsentent prs de 25 % du PIB en 2008.Ces exportations concernent principalementle textile, les machines-outils, notammentdans le domaine mdical, des produits agrico-les non transforms sucre, caf, cacao,bananes, tabac et des cigares.
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La Rpublique Dominicaine en 2010
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2002
2006
%P
IB
Figure 2. Exportations de biens et de services (% PIB).Source : Banque Mondiale.
A partir de 2005, la fin des Accords Multifi-bres, qui facilitaient aux Zones Francheslaccs au march du textile amricain,voient la Chine capter ce march. Les ZonesFranches dominicaines subissent depuis lorsune rduction de prs de 24 % de leur activit,malgr la diversification vers dautres typesde production.
Mais dans le mme temps, les importationsde biens de consommation ont continu deprogresser. Bien que la loi 299 comportegalement un volet de substitution desimportations par des incitations pour
lindustrie nationale, le tissu dentrepriseslocales ne sest pas suffisamment dvelopp.Lindustrie nationale ne peut alors pas fournirles biens souhaits par les consommateurs,et lhistoire des quarante dernires annesmontre que la croissance saccompagnetoujours dune acclration des importationsde biens de consommation. Par exemple, lamajeure partie des htels vit en enclave enimportant plus de 40 % des fournitures.
25%20%
15%
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5%
0%
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Figure 3. Croissance du PIB (bleu) et des importations(rouge). Prix rels (base 2000). Source : Banque Mondiale.
En 2008, la balance commerciale des bienset services affichait un dficit commercial de13 % du PIB.
1999 20082
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%P
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Figure 4. Balance commerciale des biens et services.Source : Banque Mondiale.
Ce dsquilibre reflte la vulnrabilit de
lconomie dominicaine : les fortes importations impliquent une
demande de devises qui doit tre comblepar les exportations, le tourisme et lestransferts des Dominicains vivant ltranger qui rapatrient 10 % du PIBenviron. Or, ces trois domaines sonttrs dpendants des cycles conomi-ques mondiaux : les exportations tantdes produits peu transforms, leurs prix
suivent les tendances des marchs interna-tionaux. En outre, le tourisme dpend dela conjoncture conomique favorable despays riches, de mme que les transfertsdes Dominicains vivant ltranger ;
malgr une diversification ces derniresannes, et un accord de libre-changengoci avec lUnion Europenne, lesexportations restent orientes principa-lement vers les tats-Unis, ce qui rendlconomie dominicaine totalement
dpendante de la demande amricaine.
Les effets de la crise conomique mondialede 2008 illustrent la vulnrabilit du pays.La chute de la demande mondiale a faitperdre 3,2 points de croissance la Rpubli-que Dominicaine en 2008 par rapport 2007,contre seulement 1,8 point lArgentine,1,5 point au Chili et 0,6 point au Brsil. Lesconomies de ces pays sont moins dpendan-tes des tats-Unis, et elles bnficient parailleurs dimportantes ressources naturellesleur permettant dexporter des commodits.
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1.1.3 Un deuxime dfi : linnovation
Au cours des quarante dernires annes, lacroissance dominicaine a t essentielle-ment porte par les investissements publicset non par linnovation. Durant les 22 annespendant lesquelles Joaquin Balaguer tait aupouvoir (de 1966 1978 et de 1986 1996), lesdpenses dinvestissement ont t proches de50 % du budget. Ce nest qu partir de 1996que le budget a t rquilibr en faveur desdpenses courantes.
60%
50%
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2008
Figure 5. Part des investissements publics dans le budgetde ltat. Source : Banque centrale.
Ceci na cependant pas entran de dpensesfavorisant linnovation. Le budget consacr lducation a toujours t infrieur lamoyenne rgionale et la Rpublique Domini-caine na que trs rarement dpass le tauxde 3 % du PIB en dpenses publiques danslducation, contre plus de 4 % en moyennedans la rgion. En 2007, un seul brevet a tdpos.
%P
IB
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01980 1995 2001 2007
R. Domin icaine
Chili
Colombie
Costa Rica
Core du Sud
Jamaique
Salvador
Figure 6. Dpenses publiques en ducation, % du PIB.Source : Banque Mondiale.
1.2 La politique sociale,vritable enjeu davenir
1.2.1 Des ingalits
et une pauvret persistantes
Les conditions de vie ne se sont pas amlioresen suivant le mme rythme que la croissanceconomique : entre 1975 et 2006, lIndicede Dveloppement Humain na progressque de 25 % quand le PIB a presque doubl.Les ingalits ont continu de se creuser :aujourdhui, les 10 % des individus les plusriches ont un revenu 23 fois suprieur aux40 % des individus les plus dfavoriss. Ceconstat reste certes partag par de nombreuxpays de la rgion, mais tous nont pas bnfi-
ci de la stabilit et du dynamisme domini-cain. Lindice de Gini na jamais vritablementdiminu, et place la Rpublique Domini-caine derrire la Jamaque, le Costa Rica, etla plupart des pays dAfrique. Lalphabtisa-tion des adultes en 2002 tait de 88,6 % enAmrique latine, contre 85,4 % en RpubliqueDominicaine.
0 10 20 30 40 50 60
HatiColombie
Brsil
PanamaChiliR. Dominicaine
ArgentineSalvador
ProuMexique
CongoCosta Rica
UruguayJamaque
CamerounVenezuela
Hong KongGhana
SingaporeGabonMaroc
MauritanieViet Nam
gypteCore du Sud
Bulgarie
Figure 7. Indices de Gini (0= parfaitement galitaire,100 = totalement ingalitaire). Source : Nations Unies.
De plus, malgr quatre dcennies de crois-sance quasi ininterrompue, la pauvretpersiste. Ainsi, prs de 14 % de la popula-tion vit dans lextrme pauvret, un taux quina jamais diminu. Parmi les Objectifs du
Millnaire atteindre en 2015, la RpubliqueDominicaine ne parviendra pas, entre autres,
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raliser lobjectif 1 (rduire de moiti lapauvret extrme et la faim).
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02000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
Figure 8. Taux de pauvret (bleu) et d indigence (rouge).Source : Banque Mondiale.
Lesprance de vie dans le pays est infrieuredenviron un an la moyenne rgionale. En2008, elle stablissait 72,5 ans, contre 73,3ans dans lensemble de lAmrique latine.
Le maintien dun niveau lev de pauvret,malgr un taux de croissance soutenu,explique le mcontentement des Domini-cains. Aujourdhui il est courant dentendredire quil ny a que deux manires de russiren Rpublique Dominicaine : jouer aubaseball, ou entrer en politique .
1.2.2 Un systme de sant insuffisant
La scurit sociale a t mise en place partir
de 2001 et concerne dsormais prs de 40 %de la population pour la branche sant. Maisla qualit des soins est mauvaise. La tubercu-lose affecte presque deux fois plus dindividusen Rpublique Dominicaine que dans le restede la rgion Carabe. Souvent qualifie de maladie sociale , la tuberculose tend sepropager dans des milieux o les conditionsde nutrition, dhabitat, dhygine et dduca-tion sanitaire sont de mauvaise qualit. Saprvention et sa dtection ncessitent desinfrastructures mdicales adaptes, qui fontaujourdhui dfaut en Rpublique Domini-caine. Le taux de prvalence lev de latuberculose rvle ainsi les insuffisances dela politique sanitaire dominicaine.
1995 2008 1995 2008
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Rpublique Dominicaine
Amrique latine& Carabes
Figure 9. Tuberculose. Taux de prvalence pour 100 000hab. ( g.), t aux de dtection ( d.). Source : HNPStat s.
De plus, la Banque Mondiale a montr quele taux de mortalit maternelle est bien pluslev en Rpublique Dominicaine que dansles pays dun mme niveau de revenus. Il ya prs de 150 dcs pour 100 000 naissan-ces, alors que 98 % des femmes accouchent lhpital. Ce chiffre est deux trois foissuprieur celui observ dans des pays avec lemme taux daccouchements lhpital. Cettemortalit maternelle, anormalement leve,constitue un autre indicateur des insuffisan-ces du secteur hospitalier dominicain.
La faiblesse du systme de sant sexpliqueprincipalement par le manque de moyens. Lebudget consacr la sant par ltat dpasse
rarement 2 % du PIB, lun des plus faiblestaux de la rgion. Ainsi, mme si le rseaudhpitaux est relativement dense et biendistribu un Dominicain a presque toujoursaccs un tablissement de soin en moinsde 15 minutes, les quipements sont insuffi-sants et mal entretenus. Ltude de lUNICEFralise en 2010 sur 11 hpitaux a rvl descas de citernes eaux contamines. De plus,les faibles rmunrations du personnel sontpeu incitatives et conduisent souvent les
mdecins rechercher dautres sources derevenus dans le priv.
Devant linsuffisance du service public, lesDominicains sont obligs de payer eux-mmesleur service de sant : la part de la dpensedes dominicains reprsente 42 % de ladpense totale, contre 23 % au Costa Rica, et22 % au Chili.
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Costa Rica
Uruguay
Chili
Colombie
Sngal
R. Domin icaine
Prou
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9
Dpense publique
Dpense individuelle
Autre dpense prive
Figure 10. Contributions aux dpenses de sant. Source :Banque Mondiale.
1.2.3 Des Objectifs du M illnaire difficilement
atteignables malgr les rformes
A partir des annes 2000, les gouverne-ments successifs ont tent de mettre en placedes politiques sociales. En 2001, une loi estvote instaurant un systme de scuritsociale couvrant la sant, les retraites, etles accidents professionnels. Elle sera relle-ment applique partir de 2007. Ce systmeprvoit trois rgimes de couverture : pourles salaris, pour les populations pauvres, etpour les travailleurs indpendants (qui font
souvent partie du secteur informel). Les deuxpremiers rgimes ont pu tre mis en place
avec succs. Ils couvrent en 2009 pourlassurance sant prs de 40 % de la popula-tion, contre 7 % en 2004.
Dans le mme temps, le programme Solida-ridad est mis en place par le gouvernement
Fernandez avec le soutien des Nations Unies.Il consiste en une carte prpaye permet-tant aux populations pauvres dacheter de lanourriture et quelques services de base. Cestransferts sont conditionns et sont mainte-nus contre lengagement du foyer denvoyerses enfants lcole.
Malgr ces rformes, la Rpublique Domini-caine peine atteindre les huit Objectifs duMillnaire dfinis entre les pays en voie dedveloppement. Ceux-ci doivent tre atteintsen 2015. Or, il est maintenant tabli que seulsquatre dentre eux pourront effectivementltre, avec des rserves concernant lgalitdes sexes et la protection contre le VIH etle paludisme. Les quatre objectifs restants rduire la pauvret, assurer lducationprimaire pour tous, et amliorer la sant de lamre et de lenfant montrent que, dsormais,la politique sociale constitue lun des princi-
paux dfis que la Rpublique Dominicainedevra relever dans les annes venir.
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Tableau 1. Objectifs du Millnaire
Objectif IndicateurValeur de
rfrence
Valeur
actualise
Cible en
2015
Projection
en 2015
Objectif 1 : Rduire lextrme pauvret et la faim
Rduire de moiti lapauvret extrme
Populat ion en dessous du seuil depauvret extrme (%)
10,8% en1992
10,4% en2009
5,4% 7,4%
Rduire de moiti lapopulation souffrant dela faim
Proportion de la population souffrant decarences alimentaires
27 % en1991
21 % en2005
13,5 % 17,2 %
Objectif 2 : Assurer lducation primaire pour tous
Garantir que tous lesenfants terminent le cycledenseignement primaire
Proportion dlves commenant le 1ergrade et achevant le cycle primaire
23,2 % en1990
75,8 % en2009
100 % 76 % 86 %
Objectif 3 : Promouvoir lgalit des sexes et lautonomisation des femmes
liminer les ingalitsentre les sexes danslenseignement primaire et
secondaire
Rapport fil les / garons dans lenseigne-ment primaire
1,0 en 20010,92 en2009
1,0 n/a
Proportion de femmes la Chambre des
Dputs
11,7 % en
1990
20,8 % en
2010 50 % n/aObjectif 4 : Rduire la mortalit infantile
Rduire de 2/3 la mortalitdes enfants de moins de5 ans
Taux de mortalit des enfants de moinsde 5 ans pour 1000 naissances
65,0 en1993
36,0 en2007
21,7 24,2
Objectif 5 : Amliorer la sant maternelle
Rduire de la mortaliten couche
Taux de mort alit en couche pour100 000 naissances denfants vivants
187,6 en1991
159,0 en2007
46,9 141,0
Objectif 6 : Combattre le VIH et la malaria
Contenir et commencer faire reculer lpidmie
de VIH
Prvalence du VIH parmi les jeunes de 15
24 ans (%)
0,6% en
2002
0,3% en
2007
< 0,6%
Arriver ds 2010 fournirun traitement aux person-nes atteintes du VIH
Population sropositive en stade dinfec-ti on avance qui a accs aux antirt ro-viraux
23 % en2006
71 % en2009
100 % n/a
Contenir et commencer faire reculer la malaria etautres maladies graves
Taux dincidence la malaria (pour100 000 hab.)
5,0 en 199016,8 en2009
n/a n/a
Objectif 7 : Prserver lenvironnement
Incorporer les princi-pes du dveloppementdurable dans les politiquespubliques
Proportion de superficie des terrescouvertes de forts
28,4 % en1990
32,6 % en2003
n/a n/a
Rduire de moiti lenombre de personnesdayant pas accs leaupotable
Proportion de la population ayant accs leau potable
66,4 % en1991
86,1 % en2007
83,2 % 94,7 %
Objectif 8 : Mett re en place un partenariat mondial pour le dveloppement
Donner accs aux techno-logies de linformation etcommunication
Nombre de lignes de tlphone pour100 habitants
4,8 en 1990 9,9 en 2009 n/a n/a
Nombre dabonns la tlphoniemobile
0,0 % en1990
88,6 % en2009
n/a n/a
Utilisation dInternet pour 100 habitants0,3 % en
199628,4 % en
2009n/a n/a
objectifs non atteints objectifs atteints ou en passe de ltre
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2 UNEPOPULATIONENQUTEDUNNOUVEAUCONTRATSOCIAL
2.1 Un contexte social qui conduit la perte de confi ance
2.1.1 Un chmage persistant et un secteur
informel prpondrant
Si la Rpublique Dominicaine a presquetoujours connu un taux de croissance de5 %, le taux de chmage na, en revanche,jamais vritablement diminu. Depuis1960 le chmage est presque toujours restsuprieur 14 % de la population active, avecde grandes disparits au sein de la popula-tion : il touche 28 % des femmes contre 13 %des hommes. Pourtant, selon le Ministre dutravail, 100 000 jeunes entrent chaque annesur le march du travail ; leur intgrationncessite en principe un taux de croissanceannuel minimum de seulement 3 % 4 %, or,le chmage na quasiment jamais diminu.
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
25
20
15
10
5
0%p
opu
lationactive
Figure 11. volution du taux de chmage. Source :Banque Mondiale.
Par ailleurs, le secteur informel occupe 56 %des travailleurs. Ce secteur est complexe etregroupe une multitude de situations diff-
rentes : certains ralisent des travaux faibles niveaux de qualification, dautres fontdes travaux domicile, dautres sont destravailleurs indpendants sans licence Lesconsquences sociales sont importantes : 54 %sont en situation quasi-illgale, 65 % nontaucune couverture sociale, et, en moyenne,le salaire peru dans le secteur informel estdeux fois plus faible que celui peru dansle secteur formel. Plusieurs raisons peuventexpliquer lampleur de ce phnomne : une
inadaptation et une sous qualification denombreux travailleurs, un emploi dguis
(jeunes sans formation, ex-salaris licencisde leurs entreprises, personnes ges), maisaussi la volont dchapper aux impts ouaux contraintes rglementaires et le souhaitde disposer de plus de flexibilit.
ConstructionAgriculture et pisciculture
Htels et restaurants
Commerce
Autres services
Transport
Industrie manufacturire
Finance
Mines
lectricit et eau
Administration
Travail formel
0% 25% 50% 75% 100%
Travail informel
Figure 12. Rpart ition des travailleurs entre secteursformels et informels. Source : Enqute Nationale desForces de Travail de 2006.
Ainsi, seulement 30 % de la populationbnficie effectivement dun emploi salariou indpendamment dclar et participe aufinancement de la protection sociale. De plus,le taux de chmage tire les salaires vers lebas. Depuis 20 ans, les salaires rels nont pasaugment. Le dialogue syndical peut difficile-ment retourner la situation. Avec une popula-tion salarie syndique de seulement 6 7 %,les syndicats ne reprsentent que 2,1 % delensemble de la population active.
80
70
60
50
40
30
20
10
0
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
2009
Taux horaire relTaux horaire nominal
Figure 13. volution du salaire horaire rel moyen enpesos (Base janvier 1999). Source : Banque Centrale.
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2.1.2 Linscurit et le trafic de drogue
La dgradation des conditions de vie saccompa-gne dune augmentation de linscurit. Entre2001 et 2005, le taux dhomicide a doubl de 13 pour 100 000 26 pour 100 000.
Homicidespour100000hab.
30
25
20
15
10
5
0
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Figure 14. Taux dhomicides en Rpublique Dominicaine(1991-2009). Source : UNDOC International Homicide
Database.
Linscurit est lie en particulier lessor dutrafic de drogues qui profite de la faiblessedes institutions. Toute la rgion Carabe estconcerne par ce flau qui part de Colombie,principal pays producteur, pour rejoindre lestats-Unis et lEurope grce des plaquestournantes , la fois proches des paysproducteurs et consommateurs : la Rpubli-
que Dominicaine, Porto Rico, le Guatemala etle Mexique sont de tels lieux de passage. EnRpublique Dominicaine, la drogue sintro-duit soit par la frontire hatienne, soit par lesports dominicains, peu contrls.
La drogue alimente galement la corruption decertains des agents de larme et de la police,car elle est source dargent facile. Enfin elledevient un problme de sant publique, car
les trafiquants ont tendance se rmunrerdirectement en produits stupfiants, transfor-mant petit petit la Rpublique Dominicaineen un lieu de consommation.
2.1.3 Limpunit, source dingalits
Limpunit renforce les sentiments dingalitsau sein de la population. Mme si la justice estindpendante daprs la Constitution, raressont les sanctions qui dmontrent la prsencedun pouvoir judiciaire fort. Ainsi, daprs laCommission conomique pour lAmrique
Latine (CEPAL), entre 1983 et 2003, alors que200 cas de corruption ont t investigus,une seule condamnation a t prononce. LaRpublique Dominicaine est dsormais lundes pays dAmrique Latine dans lequel lapopulation est la plus expose des actes de
corruptions, comme le souligne le Latinoba-rometer (Figure 15).
Avec 1,2 % du budget consacr la justice lun des plus faibles budgets de la rgion lepouvoir judiciaire peut difficilement menerune action efficace.
Par ailleurs la Comision Nacional de DerechosHumanos (Commission Nationale des Droitsde lHomme) rvle que la police dominicainea tu 500 personnes en 2008, et 3 000 person-nes en 10 ans. Peu denqutes indpendantesont t menes sur ces homicides ; AmnestyInternational estime que bon nombre dentreeux sont illgitimes.
BrsilCosta Rica
R. DominicaineMexiqueEquateur
ArgentineProu
UruguayColombie
VenezuelaParaguayHonduras
PanamaBolivie
ChiliNicaragua
GuatemalaSalvador
Amrique Latine
342020
171313
121111
1010
98888
75
12
Figure 15. Nombre dactes de corruption perus au cours
des 2 derniers mois. Source : Latinobarometer 2009.
2.2 Vers une individualisationdes comportements
2.2.1 La perte de confiance dans les
institutions
Compte tenu du maintien de la grandepauvret, des insuffisances du systme de
soins et du climat dinscurit, les Dominicainsconsidrent que les fruits de la croissance ne
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sont pas quitablement rpartis. Ainsi, pourla population, lenjeu nest pas de natureconomique, mais de nature institutionnelle :selon le Latinobarometer, la question : Si vous deviez choisir entre dmocratie etdveloppement conomique, que prfreriez-
vous ? , les Dominicains rpondent, 66 %,quils prfrent la dmocratie un pourcen-tage bien suprieur la moyenne rgionale(45 %).
2127
2930
3235
374747
5051
53
535454
5662
6645
ParaguayGuatemala
ColombieMexique
ProuBrsil
quateurChili
ArgentineSalvador
BolivieHonduras
BrsilCosta RicaVenezuela
PanamaNicaragua
UruguayR. Dominicaine
Amrique Latine
Figure 16. Sondage entre Dmocratie et Dveloppementconomique. Source : Latinobarometer 2009.
Les Dominicains sont en effet particulire-ment mfiants envers le pouvoir politique. La
population dominicaine considre donc demoins en moins que les institutions puissentreprsenter une solution aux problmes collec-tifs. Daprs le Latinobarometer, en 2004,68 % dentre eux navaient pas confiancedans les partis politiques et 57 % navaientpas confiance dans le Congrs. Cette dfiancedu politique se retrouve lgard des institu-tions sociales. Prs de 70 % des Dominicainsnont pas confiance dans les syndicats ; moinsde 12 % ont dj particip une manifesta-
tion lun des taux les plus faibles dAmri-que latine.
2.2.2 Le clientlisme, terreau de
lindividualisme
La gnralisation du clientlisme, tous lesniveaux des institutions prend diffrentesformes. Le Barillito consiste par exempleen une somme dtermine proportionnelle-ment au nombre dhabitants dune province
et pouvant atteindre un million de pesos quechaque snateur reoit mensuellement, pour
mener des actions dans sa circonscription.Ces dpenses ne font pas lobjet dun contrleefficace de la Cour des Comptes.
Le systme lectrique est un autre exemple.Pendant longtemps, des subventions gogra-
phiques taient distribues dans certaineszones pour aider les habitants de ces zones payer leur facture dlectricit. Ces rgionscontenaient autant de foyers pauvres queriches, si bien que la subvention visait simple-ment sattirer les faveurs dune circonscrip-tion.
Ladministration enfin, est qualifie par lIDBde clientliste car les fonctionnaires sontdsigns par affiliation au parti au pouvoir,do limportant taux de rotation chaquechangement de majorit. Ceci contribuegalement alimenter un systme demploisfictifs, que les dominicains nomment : lesbotellas , ou bouteilles .
Federaladministration (Brazil) Economic bureaucracies
(central bank, regulatory)Central administration(Chile)
Protected enclaves(Bolivia-PRI)
Ad hoc funds and agencies(social investment funds)
Executing unit s forinternational loanprojects
Teams of technicaladvisors
Administrative bur eaucracies(Colombia, Uruguay, Argentina,Costa Rica)
Administrative bureaucracies(Peru, Venezuela, Ecuador)
Interim and provisional civilservants (Argentina, Colombia,Peru, Uruguay)
Tax administrat ions (Chile,Peru, Mexico)
Professional bodies (diplomats,technocrats)
Social bureaucracies(education,health)
Clientelistic bureaucracies(Dominican Republic, Paraguay,and Central American countriesexcept Costa Rica)
ADMINISTRATIVEBUREAUCRACY
MERITOCRATICBUREAUCRACY
CLIENTELISTIC
BUREAUCRACY
PARALLEL
BUREAUCRACY
High
Low
Low HighCapacity
Autonomy
Figure 17. Classification des bureaucraties latino-amricaines. Source : Politics of Policy (IDB).
Ces pratiques favorisant un groupe pluttquun autre conduisent 90 % des dominicains
penser que le pays nest pas gouvern pourle bien de tous. Seuls les Argentins sont plussvres lgard de leur propre gouvernement.On assiste une vritable crise de confianceentre la population et ses institutions. Dslors, chaque dominicain en vient grer lesproblmes collectifs par des solutions indivi-dualistes, comme en tmoigne la mentalitdu No Pago .
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rivfragile
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UruguayPanamaSalvadorBolovie
BrsilVenezuelaquateurColombie
Costa RicaChili
ParaguayNicaragua
GuatemalaHondurasMexique
ProuR. Dominicaine
ArgentineAmrique Latine
5850
4845
4242
403636
3530
26
232221
1510
733
Figure 18. Le pays est-il gouvern pour le bien de tous ?Source : Latinobarometer 2009.
2.2.3 Le cercle vicieux du No Pago
Peu de Dominicains paient llectricit. Plus
de 20 techniques de manipulation illicite descompteurs dlectricit ont t recenses. Lestarifs appliqus aux foyers et aux entreprisesqui paient sont particulirement levs (unfoyer dominicain de classe moyenne paie unefacture mensuelle de plusieurs centaines dedollars amricains).
De telles incivilits se gnralisent dautresfournitures de services, telles que la distribu-tion deau et la collecte des dchets mnagers.Une vritable culture du No Pago sestinstaure.
Un modle conomique dvelopp parPhilippe Aghion et al. tente de comprendreles causes et les consquences de la pertede confiance dans les institutions. Selon cemodle, la confiance dpend des valeursciviques acquises au sein des familles. Lesindividus choisissent de se conformer, ou
non, ces valeurs. Les individus non civiquesimposent des externalits ngatives toutela socit, qui finit par demander davantagede rgulation. Si les institutions sont faibles,une certaine impunit et une nouvelle pertede confiance des citoyens sinstaurent : uncercle vicieux se dessine. En RpubliqueDominicaine, un tel cercle vicieux peut treconstat.
Les populations estiment que les services
publics sont de trop mauvaise qualit pourquelles aient un intrt payer une quelcon-
que taxe, si bien que ladministration na pasles moyens dinvestir des fonds pour amlio-rer les services.
3 UNSECTEURPRIVFRAGILE
3.1 Une structure conomique peuproductive
Lconomie dominicaine est aujourdhuidiversifie. Les services reprsentent plus de50 % du PIB et ont t ports ces trois derni-res annes par le secteur des tlcommunica-tions qui crot de 20 % en moyenne chaqueanne.
Tlcommunication19,7%
Tourisme7,2%
Agriculture8,8%
Zones franches2,9%
Exploitation minire0,3%
Industrie nationale21,5%
Services(hors tourisme et telecom)
34,9%
Construction4,8%
Figure 19. Dcomposition du PIB rel de la RpubliqueDominicaine en 2009 (Prix 1991). Source : Banque centrale.
Sur la priode 2006 2009, les tlcommu-
nications ont progress de 57 %, les servicesde 24 % (notamment les services financiersqui ont cru de 54 %), lagriculture de 10 % etlindustrie nationale de 9 %. En revanche, letourisme na cru que de 3,5 %, et les ZonesFranches ont vu leur activit chuter de 24 %,essentiellement du fait de la fin de laccordmultifibre en 2005, qui a fait sombrer la filiretextile.
On pourrait penser que ces taux de croissancemontrent une conomie qui se diversifie
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de plus en plus, et qui se dveloppe vers lesecteur tertiaire, comme beaucoup dcono-mies en transition. Cependant, entre 2008et 2009, on constate que la croissance dusecteur des tlcommunications explique80 % de laugmentation de la valeur ajoute
du pays. Avec le secteur financier, on atteint90 % de la valeur ajoute. En dautres termes,les secteurs traditionnels et productifs nereprsentent que 10 % de la valeur ajoute, etce, depuis plusieurs annes.
Il semble donc que la mthodologie donnantla part des tlcommunications dans lcono-mie devrait tre amliore, mais surtout, celasignifie que lappareil productif dominicain,qui ne gnre que 10 % de la croissance, doittre profondment restructur.
Cette faiblesse du secteur priv peut sexpli-quer de plusieurs manires. Tout dabord,les moteurs historiques que sont les ZonesFranches et le tourisme se sont dvelopps en enclaves et nont jamais t intgrs vertica-lement avec les industries et les exploitationsagricoles. Ces dernires nont presque pas tirles bnfices de louverture de lconomie et
sont restes peu productives.
Par ailleurs, le pays nest pas business friendlycomparativement la rgion. Dune maniregnrale, le classement de la RpubliqueDominicaine auDoing Business Report (86e) laplace derrire le Salvador (84e), la Jamaque(75e), le Prou (56e), ou encore le Chili (49e).Le score du pays est expliqu principalementpar les difficults administratives crer et fermer une entreprise. La scurit juridi-
que des investissements doit galementtre prserve pour continuer dattirer desinvestisseurs trangers.
Enfin, les faibles capacits dinnovation dupays tent au secteur priv des perspectivesde succs potentiels.
Trois autres raisons freinent aujourdhuitoute initiative entrepreneuriale : lavenir
fiscal de lindustrie, llectricit, et la rigiditdu secteur financier.
3.2 La dualit des zones franches et delindustrie devant les politiques
Les Zones Franches sont exemptes de droitsde douane et dimpt sur les bnfices.Elles produisent 69 % des exportations, etemploient 124 000 personnes dans 576 parcsdactivits. Elles ont longtemps t le fleuronde lconomie dominicaine, capables defournir une part importante des importationsde textiles des tats-Unis, jusqu ce que laconcurrence chinoise vienne rduire drasti-quement les parts de march.
Lindustrie nationale est quant elle soumiseaux droits de douanes qui schelonnent de
5 % 25 % selon les marchandises, et sesentreprises paient 25 % dimpts sur lesbnfices. En additionnant leurs diversescontributions, ces industries gnrent prs de35 % des revenus fiscaux de ltat.
Les deux types dindustries se sont dvelop-ps dos dos, sans une intgration verticalequi aurait pu faciliter les exportations de toutlappareil productif, si bien que lindustriene produit quasiment que pour le march
intrieur, et, les Zones Franches nont pas ledroit de vendre plus de 20 % de leur produc-tion sur le march local.
Le trait DR-CAFTA impose de supprimercette rgle de 20 % depuis 2010 et lOMClimposera en 2015. Les Zones Franchestentent de ngocier un moratoire. En 2015louverture progressive du march program-me dans le DR-CAFTA sera termine, ettoutes les barrires douanires (concernantles produits non-agricoles) tomberont vis--vis des pays signataires. En effet, ces accordsde libre-change signs en 2005 prvoientune ouverture progressive et multilatrale desbarrires douanires. Les taxes seront ainsiprogressivement abaisses pendant 10 anspour les produits non-agricoles, et pendant20 ans pour les produits agricoles.
Le pays sera en comptition frontale avec
presque toute la rgion Carabe et les tats-Unis.
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Les enjeux sont donc trs importants :Pour les Zones Franches, la comptition
avec les pays voisins se fera plus intense cartous voudront gagner aprs cette ouverturecomplte la concurrence ;
Pour lindustrie nationale, qui na jamais
t prpare lexportation, par manquede stimulation ou par manque despritentrepreneurial, la comptition avec desproduits respectant les normes de qualitinternationale et des cots infrieursdeviendra intenable ;
Pour ltat, une perte de vitesse de lindus-trie entranera une perte de recettes fiscales,et des cots sociaux supplmentaires dus laugmentation du chmage.
Plusieurs tudes ont t menes pourproposer des solutions. Deux simulations ontt ralises : la premire propose un tauxdimposition unique sur les Zones Francheset les industries, la seconde tudie la mise enplace dun taux variable par secteur dacti-vit.
Avec un taux unique, la simulation prendpour hypothse que lactivit des Zones
Franches chuterait de 0 30 %, et que cellede lindustrie, par ricochet, chuterait de 10 %de la chute des Zones Franches. Les rsultatsde la simulation sont ceux du tableau 2 :
Chute
dactivit
des Zones
Franches
Chute
dactivit desindustries
Chute
de lactivitconomique
Taux dimposit ion unique
10% 15% 19% 20% 22% 25%
0,0 0,0 0,0 -0,83 -0,32 0,09 0,19 0,40 0,70
5,0 0,5 0,86 -0,85 -0,35 0,05 0,16 0,36 0,66
10,0 1,0 1,72 -0,87 -0,38 0,02 0,12 0,32 0,61
15,0 1,5 2,57 -0,89 -0,40 -0,01 0,08 0,28 0,57
20,0 2,0 3,43 -0,91 -0,43 -0,05 0,05 0,24 0,53
25,0 2,5 4,29 -0,93 -0,46 -0,08 0,01 0,20 0,48
30,0 3,0 5,15 -0,95 -0,48 -0,11 -0,02 0,16 0,44
Ce scnario montre quun faible taux dimpo-sition provoque une chute de revenu pourltat car limposition des Zones Franches necompense pas la baisse du taux sur lindus-trie. Une forte imposition peut augmenterles revenus de ltat, mais la perte dactivit
sera compense par des baisses de salairesdont les cots sociaux seront importants.Ce scnario est celui qui est privilgi parltude conduite par Rolando Guzman, et quiprconise un taux de 15 %. Ltude reconnatcependant quun taux dimposition suprieur 10 % dans les zones franches pourrait fairechuter lactivit de prs de 30 %.
Un autre scnario consiste appliquer destaux par secteur dactivit. En effet, les ZonesFranches produisent du textile (50 %), dutabac (environ 10 %), des machines mdica-les (environ 6 %), des produits lectriqueset lectroniques (environ 5 %) : 5 secteursreprsentent prs de 80 % des exportations.En dfinissant un taux de 5 % 15 % sur ces 5secteurs spciaux et en imposant les autressecteurs un taux entre 19 % et 25 %, et ensupposant que la chute dactivit est la mmeque prcdemment, et que la chute des autres
secteurs est un peu moindre, on arrive auxsimulations prsentes dans le tableau 3.
Tableau 2. Taux unique dimposition des entreprises.Variation des revenus de ltat en % du PIB.
Source : Diaz de Sarralde et al.
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Dans ce scnario, les revenus de ltat peuventtre significativement relevs avec un tauxde plus de 20 % sur le reste de lactivit, etune faible imposition des zones franches. Untaux dimposition infrieur 10 % risqueraitcependant dtre critiqu par lOMC. Un tauxde 12 % correspondrait au taux Irlandais.Cependant, les tudes montrent que la chutedactivit des Zones Franches aura un impactsur les salaires et sur la demande, ce quipourrait entraner une forte rcession.
Aujourdhui, sans rponse de ltat, lesZones Franches et lindustrie restent sur uneposition de statu quo, ne sachant pas quelrgime fiscal sera en vigueur dans quelquesannes. Ceci empche tout investissementet donc toute amlioration de la comptiti-vit, alors que lappareil productif fait face dautres challenges, en particulier le problmelectrique.
3.3 Llectricit, un problme politiquequi bloque linit iative prive
Selon la Banque Mondiale (2004), prsde 80 % des chefs dentreprise consid-rent la question lectrique comme un freinimportant au dveloppement et plus dun surdeux indique quil sagit de lobstacle le plusimportant leur activit.
La qualit et la fiabilit du service lectri-que sont trs faibles et les interruptions de
service rcurrentes, ce qui a fait obstacle de nombreux investissements industriels.Aujourdhui, il existe peu dindustries forteintensit nergtique en Rpublique Domini-caine, uvrant par exemple dans le secteur dela chimie ou de la transformation de matirespremires. De plus, les tarifs lectriques sontprs de deux fois suprieurs la moyenneobserve dans les tats de la rgion ( 0,23dollars contre 0,10 en Amrique Latine). Cestpourquoi les industries ncessitant une forte
capacit lectrique se voient dans lobligationdinvestir dans du matriel de production enpropre : la Barrick Gold Mine et la plupartdes complexes hteliers du pays disposentdimportants groupes de gnration.
On peut distinguer trois causes principales cet tat de fait.
Le systme de gnration est particulire-
ment vtuste, peu efficace et domin princi-palement par lusage de drivs de ptrolecomme combustible, ce qui le rend le cot deproduction lev et trs dpendant des prixmondiaux.
Tableau 3. Taux variable dimposition des entreprises.Variation des revenus de ltat en % du PIB.
Taux des
Zones
Franches
Reste : 19 % Reste : 20 % Reste : 22 % Reste : 25 %
Au mieux Au pire Au mieux Au pire Au mieux Au pire Au mieux Au pire
0,0 -0,07 -0,11 0,03 -0,02 0,22 0,16 0,50 0,445,0 -0,02 -0,08 0,08 0,01 0,26 0,20 0,55 0,47
7,5 0,01 -0,06 0,10 0,03 0,29 0,21 0,57 0,49
10,0 0,03 -0,05 0,12 0,05 0,31 0,23 0,60 0,50
12,5 0,05 -0,03 0,15 0,06 0,34 0,25 0,62 0,52
15,0 0,08 -0,01 0,17 0,08 0,36 0,26 0,64 0,54
Source : Diaz de Sarralde et al.Scnario Au mieux : augmentation de lactivit de 1,5 %, Au pire : chute dactivit de 2,4 %
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Moteur diesel0,90%
Cycle combin23,70%
Turbine vapeur
17,90%
Turbines gaz16,90%
Moteur fuel26,90%
Hydrolectricit13,80%
Figure 20. Rpartit ion de la gnration lectrique par t ypede combustible.
La gnration est aujourdhui constitue desept entreprises prives ou semi-prives. Seulsles gnrateurs hydrauliques sont publics.
Les accords de Madrid signs en 2002 et djrengocis plusieurs reprises, ont permisaux gnrateurs dobtenir de nombreuxavantages dont lindexation des prix dellectricit sur ceux du ptrole. Cependant,
la bonne sant relative des entreprises degnration na pas entran dinvestissementsni le renouvellement des capacits de produc-tion, car les distributeurs paient leurs facturesavec plusieurs mois de retard, limitant ainsila trsorerie des gnrateurs. Cette situationprovoque des limitations de charges volontai-res via des coupures, occasionnant plusieursblack-out par jour selon les rgions.
Une seconde difficult rside dans linefficacitdes distributeurs. Au nombre de trois, chacuncouvrant une rgion (EdeSur, EdeNorte etEdeEste), ils ont t renationaliss et intgrsdans le groupe CDEEE (Corporacion Domini-cana de Empresas Electricas Estatales) la suitede la crise bancaire de 2003. Aujourdhui leurratio defficacit (quantit dlectricit distri-bue par salari et nombre de clients parsalari) sont parmi les plus faibles dAmri-que Latine. Il y a autant de personnel chez
les distributeurs en Rpublique Dominicainequau Prou, alors que ce dernier produit cinq
fois plus dlectricit. Depuis la renationalisa-tion dEdeSur, le nombre demploys est passde 1 219 1 855 2004, soit une augmentationde 43 %, sans gain de performance.
Enfin, les caractristiques techniques elles-
mmes des distributeurs sont inquitantes :entre 20 et 25 % de pertes non techniques(factures non rgles, vols sur les lignes)et prs de 12 % de pertes techniques. Encomparaison, la moyenne de lAmriqueLatine est proche de 10 % pour lensemble despertes techniques et non techniques et de 7 %dans les pays europens. Le personnel desentreprises de distribution indiquerait auxutilisateurs comment falsifier les compteurs.
Pour compenser ces pertes, ltat domini-caine, doit dpenser environ 2 % du PIB paran soit un cot de prs de 700 millions dedollars par an.
Aujourdhui la situation financire des distri-buteurs est critique. Les tarifs sont trop levset ne pourront pas tre rengocis avant la findes accords de Madrid en 2016. Une tude surEdeNorte a par exemple montr que mme
avec des pertes techniques de 12 % et untaux de recouvrement de 95 %, lentrepriseresterait dficitaire car le prix dachat ne luipermet pas de faire une marge suffisantepour couvrir ses cots.
Diffrentes mesures ont t prises rcemment.Le management de la CDEEE a t remplac,et le Black-Out Reduction Program (fondsur des subventions gographiques quifinanaient aussi bien les mnages aiss que
les mnages en difficult) est en passe dtresupprim. En 2010, le programmeBono Luz at mis en place. Il vise faire rentrer dansla lgalit 800 000 foyers pauvres en subven-tionnant les 100 premiers kilowattheures.
Le pays soriente aussi vers une diversificationde ses sources nergtiques avec le dvelop-pement de centrales au gaz et au charbondont les prix fluctuent moins que le ptrole.
Par ailleurs, une loi incitant fiscalement audveloppement de projets dnergies renouve-
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lables a t vote en 2006, bien quaucunprojet nait encore vu le jour.
La question de lefficacit des distributeurs etde leur dpolitisation reste cependant encore traiter.
3.4 Un systme fi nancier trop rigide
Plus de la moiti des entrepreneurs dnoncele difficile accs au crdit comme frein dedveloppement de leurs activits. Les banquesparviennent pourtant raliser des margessuprieures 20 %, grce des prts laconsommation : de tels prts semblent plussimples obtenir quun financement de projetentrepreneurial. De plus le secteur bancaireest trs concentr, les 6 plus grandes banquespossdent 70 % des actifs.
La Banque Centrale, en fonction duneinterprtation laxiste de la Loi Montaireet Financire (LMF) de 2002, traite denombreuses transactions directement avecle public et non par lintermdiaire dinstitu-tions financires, ces dernires tant donc ensituation de concurrence vis--vis de lorga-
nisme metteur. De plus, certaines pratiquesdloyales crent un climat de comptitionvis--vis des intermdiaires financiers. Parexemple, la BNV (Banco Nacional de Vivienda),dsigne comme Banque de 2e palier par laLMF de 2002, est devenu depuis lors, par unemodification de son rglement organique(Loi 06-04), un tablissement financier partentire, pouvant intervenir dans les secteursde la banque, de lassurance, et mettre desvaleurs sans aucune limitation. En outre,
cette mme loi organique octroie la BNVdes avantages spcifiques, par exemple desexonrations fiscales.
Par ailleurs, la population dominicaine esttrs inquite de la gestion des Administra-doras de Fondos de Pensiones (AFP). Ellemanque dinformation quant laffectationde son pargne. Ces fonds ne sont en effetpas indpendants et restent pour la plupart
grs par les banques elles-mmes, crant dessituations de conflits dintrt. On demande
par ailleurs aux affilis de souscrire desassurances dont le cot est souvent dispro-portionn, ce qui augmente la rticence de lapopulation. Or les fonds verss dans les AFPreprsentent 4,5 % du PIB et devraient attein-dre 13 % du PIB en 2012 selon le FSAP.
Cette mfiance de la part des entrepreneurset plus largement de lensemble de la popula-tion est prjudiciable au dveloppementconomique car elle empche le dvelop-pement de lpargne et en consquence desprts au secteur priv non financier.
De plus, certaines des mesures mises enuvre pour rsoudre la crise de 2003 savrentcontre-productives. Les ratios prudentielssont devenus tels que les conditions degarantie demandes sont inatteignables pourles dominicains. Par ailleurs, les rserves desbanques commerciales ne sont pas rmun-res ce qui ne les incite pas prter.
On remarque que le portefeuille des AFPest principalement compos de titres dedette publique. Elles ne participent donc pasau financement du secteur priv. Ceci est
d principalement la bureaucratie et larelative complexit dmission et dachatsde titres qui manquent dautomatisation.Les entreprises profitent ainsi trs peu desmarchs financiers.
Enfin, le taux de bancarisation du pays estfaible (de lordre de 20 %), ce qui limitelaction du secteur financier et les possibilitsde dveloppement du crdit.
4 LESINSTITUTIONSDOIVENTRECRERLACONFIANCE
4.1 Un dfi organisationnel
La confiance dans laction de ltat auprs descitoyens peut se traduire de trois manires :i) une administration qui fournit des services
publics efficaces, ii) la transparence desprocdures, iii) une action locale qui garantit
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lquit entre les territoires. Aujourdhui, cestrois aspects sont un vritable dfi pour lesinstitutions.
4.1.1 Lefficacit de ladministration
Ltat dominicain emploie aujourdhui 450 000fonctionnaires, soit 12 % de la populationen ge de travailler, dont plus du tiers sonttitulaires dans le secteur de lducation.
Ministre de lducationMini stre de la Dfense
Ministre de la SantMinistre de li ntrieur
Ministre de lAgriculturePrsidence
34
18%
17%
11%
4%
4%
Figure 21. Taille des principaux ministres en % deleffectif total. Source : Contraloria.
Rapporte la population, la taille deladministration dominicaine se situe dansla moyenne rgionale. Avec le Prou et leParaguay, ladministration Dominicaine seclasse parmi les moins performantes.
Argentina
Brazil
Guatemala
Bolivia
NicaraguaEl Salvador
Ecuador
Dominican Republic
Peru
Paraguay
Chile
Colombia
Costa RicaMexico
Panama
Uruguay
Venezuela
Large
DysfunctionalFunctional
Small
0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8
7
6
5
4
3
2
1
0
Index of Civil Service Development (0-1 scale)
Sizeofthebureaucracy
(%o
fpopulation)
Figure 22. Taille de la bureaucratie vs qualit du servicepublic. Source : Politics of Policy (IDB).
La non-coordination et la multiplication desagences tatiques peuvent expliquer cetteinefficacit. En effet, les institutions ont vuleur taille saccrotre sans quelles aient trorganises lorsque cela devenait ncessaire.
Par exemple, la Commission de Rforme delEntreprise Publique cre en 1997 (Comisin
de Reforma de la Empresa Publica) afin deprivatiser les entreprises publiques dansdes secteurs tels que llectricit et le sucrea accompli sa mission depuis 2003, daprsles renseignements fournis par le Manuel deltat (Manuel de Estado), mais un budget lui
est toujours consacr chaque anne.
En matire de transports, les services sontrpartis entre de nombreuses autorits qui nese coordonnent pas : un Ministre dtat des Travaux Publics
(Ministerio de Obras Pblicas y Comunica-ciones) est charg de la construction desinfrastructures ;
chaque Ministre dispose dun bureau ddi la ralisation des constructions dans sonprimtre dactivit ;
des bureaux sont directement rattachs auPrsident de la Rpublique et indpendantsentre eux :un bureau charg de rguler le transport
de passagers (Oficina Tcnica de TransporteTerrestre) ;
un bureau de planification des transportsqui a t charg douvrir le mtro deSaint-Domingue (Oficina para el Reorde-
namiento del Transporte) ;un bureau affect au service de bus dans
les villes (Oficina Metropolitana de Serviciode Autobuses);
un fonds de dveloppement du transportterrestre (Fondo de Desarrollo delTransporte Terrestre) ;
un bureau charg de lembellissement desvoies de circulation ;
une Autorit Mtropolitaine de Transportde la ville de Santiago.
Cet miettement conduit dupliquer desbudgets. Ainsi, il existe plus de quatre organis-mes pour promouvoir la Rpublique Domini-caine ltranger : le Centro de Exportacin eInversin de la Republica Dominicana, le Centrode Desarrollo y Competitividad Industrial,le Consejo Nacional de Competitividad etle Consejo Nacional de las Zonas Francas yExportacin. Chaque organisme dispose dun
budget limit ne permettant pas dassurer unegrande visibilit internationale.
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En outre, les moyens sont affects sans relaudit des besoins. Par exemple, il existe plusde 30 vice-ministres au Ministre de lAgri-culture, contre moins de 5 au Chili. Il enva de mme dans nombre de ministres :la Rpublique Dominicaine compte au total
plus de 320 vice-ministres. La dlgationdominicaine lONU compte 47 personnes.En comparaison, la dlgation brsiliennecompte 39 membres et celle de la France,membre du Conseil de Scurit, dispose de80 personnes.
Tous ces lments montrent que la dpensede ltat pourrait tre amliore afin deredonner de la crdibilit aux institutions.
4.1.2 La transparence
La transparence des institutions a nettementprogress lorsquen 2006 lutilisation ducompte 1401 a t supprim. Ce compte taitaliment par les surplus des diffrents budgetset les ventuelles affectations budgtairesnon utilises. Laffectation de ce fonds taitalors la discrtion de la Prsidence de laRpublique, qui consacrait environ 30 % dece budget des travaux de construction. En
1992, prs de 60 % du budget total de ltattait gr via ce compte, qui servait soutenirla demande, notamment par une politique degrands travaux. Aujourdhui, le budget de laPrsidence ne reprsente plus que 10 % dubudget de ltat.
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Figure 23. Part du budget de la prsidence dans le budgetde ltat. Source : Banque Centrale.
Malgr cela, lorganisme TransparencyInternational classait en 2009 la Rpubli-que Dominicaine la 99e place de lindice
de Corruption (CPI) dans le secteur public,sur 180 pays, galit avec la Jamaque, le
Sngal et la Zambie. Dans ce classement,lInde est 84e, le Brsil, 75e et le Chili seplace au 25e rang. La corruption nest doncpas seulement le fait de la centralisation dubudget par le pass : elle reste trs ancredans les pratiques tant de ladministration
publique que du secteur priv.
La Loi Gnrale sur le Libre Accs lInforma-tion adopte en 2004 contient des dispositionspositives vis--vis du droit linformation,telles que des dlais courts de rponse, desobligations de mettre disposition des sitesInternet pour accder aux informations etun droit de faire appel en cas de refus. Maisle rapport 2008 de lUNESCO The Right ToInformation In Latin America souligne denombreuses difficults dans les possibilitsquont les citoyens de sinformer. Parmi cesdernires : les autorits publiques peuvent faire payer
le cot de recherche et de reproduction ; la liste des exceptions concernant des
documents dont laccs peut tre refus,est plus importante que dans dautres tats.Par exemple, la loi protge tous les aspectsdes systmes bancaires et financiers, tous
les projets dintrts scientifiques ou tout cequi pourrait faire courir un risque lint-rt public en gnral ;
la loi ne protge pas les fonctionnaires quidvoileraient des informations de bonnefoi ;
la loi ne prvoit pas de systme de formationdes agents publics la dlivrance dinfor-mation, ni de mcanisme de reporting et decontrle de sa mise en uvre.
4.1.3 Dcentralisation et ingalitsterritoriales
La Rpublique Dominicaine se caractrisepar de trs nombreuses ingalits territoria-les. Le territoire dominicain est divis en 31provinces et 155 communes, pour une popula-tion de 9,5 millions dhabitants. Les provin-ces sont des divisions administratives et descirconscriptions lectorales. Chacune litun reprsentant au Snat et au moins deux
membres de la Chambre des Dputs.
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Il existe des disparits considrables entre lesprovinces, rsultat des processus historiquesde dveloppement, et de trs forte concentra-tion du pouvoir. Pendant la priode coloniale,le pays sest dvelopp selon un axe Nord Sud entre Saint Domingue et le port de
Puerto Plata. Puis, les avances de lagricul-
ture sucrire ont favoris la mise en valeur delEst et de lOuest. Aujourdhui, lEst bnficiedes retombes commerciales et financiresdu tourisme. Le territoire frontalier dHati etla rgion du Sud-Ouest restent les zones pluspauvres.
Sur les 12 000 kilomtres de routes du pays,prs de 50 % ne sont pas correctementgoudronnes : il sagit des routes secondai-res permettant le dsenclavement des zones
recules. Labsence dun vritable cadastreconstitue galement un obstacle majeur lacroissance puisquil rend hasardeuse limplan-tation de nouvelles activits. En effet, dansla mesure o tous les titres de proprit nesont pas mis jour, les anciens se bornant indiquer la position des proprits lint-rieur des terres sans prciser leur dlimita-tion exacte, plusieurs individus revendiquentparfois le mme terrain. Ltat a souventprocd des expropriations sans verserde compensations. Les anciens propritai-
res possdent donc toujours des titres deproprit, quils revendent des tiers. Parexemple, lorsque le Prsident Balaguer alanc le chantier du phare de Colomb, prs de
2 000 familles ont t expulses sans recevoirde ddommagement. A ce jour, les titres deproprit des terrains concerns sont toujoursen circulation. Ce type de situation provoquede nombreux conflits fonciers et empchelimplantation de nouvelles activits, que cesoit des activits agricoles, ou linstallationdoliennes par exemple.
La gestion locale est insuffisante, par manquede ressources et par dispersion des efforts.Les communes nont en effet pas les moyens
Figure 24. Ingalits territoriales.
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matriels et humains de prlever des impts :peu dentre elles ont un personnel form encomptabilit et disposent doutils de gestioninformatiss. Cest donc ltat qui opre untransfert budgtaire. En thorie, 10 % dubudget de ltat doit leur tre revers. Dans
les faits, seuls 8 % leur sont attribus selonune rgle de rpartition proportionnelle lataille de la population. Ainsi les 10 municipa-lits les plus peuples reoivent plus de 50 %des fonds tatiques. Cette cl de rpartitiondmographique renforce donc les ingali-ts territoriales. Dautres tats de la rgionont fait des choix de distribution diffrents.Certains dfinissent ainsi la cl de rpartitiondu budget en fonction de critres tels le niveaude pauvret ou bien le taux danalphabtisme.Ceci lavantage de donner des incitationsaux communes pour mener des politiquesvisant amliorer ces critres, et de rtablirune galit budgtaire. Par ailleurs, la gestionlocale est miette car ralise au niveau de155 communes, sans mise en cohrence auniveau provincial. La province ne dispose pasen effet dune administration lue, mais justedun gouverneur nomm par ltat.
Cette faiblesse institutionnelle au niveau locala diverses consquences. Les plans durba-nisme font dfaut et les constructions sontanarchiques. Lorsque la pninsule de Samanaa commenc son important dveloppementtouristique, aucun projet na t conu pourrguler la croissance urbaine. Samanasexpose ainsi la dgradation de lenvironne-ment et des conditions de vie de ses habitants,qui conduira, in fine, la fuite des touristescomme cela t le cas Puerto Plata.
Pourtant la dcentralisation est prvue dansla Constitution, qui dote les municipalits dustatut de personne morale et dun gouver-nement local et qui leur confre le pouvoirde lever des taxes locales. La subsidiaritest dailleurs un principe constitutionnel. En2007, la dcentralisation a t relance parladoption dune nouvelle loi qui largit lesprrogatives des villes. Au final, le processus
aujourdhui consiste donc essentiellement appliquer la loi.
Ces dfaillances de ladministration localeexpliquent le mcontentement des Domini-cains lgard des services publics. Ellesjustifient le refus des citoyens dominicains depayer de nouveaux impts et rendent impossi-ble lamlioration des services publics.
4.2 Une pression fi scale trs basse et unbudget sans marge de manuvre
Louverture du pays aux changes internatio-naux a conduit la Rpublique Dominicaine tre fortement dpendante de lvolutiondes marchs. Par consquent, pour assurerla stabilit conomique, il faudrait que ltat
puisse mettre en place des politiques contra-cycliques pour soutenir la demande lorsquencessaire, et surtout garantir la protec-tion sociale et viter que la population voiela mondialisation comme une source dedangers plutt que comme une opportunitpour lavenir. Or, les finances publiques sontparticulirement contraintes.
Dans lensemble des tats latino-amricains,la Rpublique Dominicaine est lun des pays
dont la pression fiscale est la plus faible.En fonction des cycles conomiques, cettepression se situe dans une fourchette compriseentre 13 % et 15 % du PIB, alors quil faudraitun taux de 24 % selon la Banque Mondialepour pouvoir mettre en place les politiquesncessaires.
BrsilBolivie
VenezuelaUruguay
ColombieArgentineMexico
NicaraguaChili
HondurasPeru
ominicaineCosta RicaEl Salvador
quateurGuatemala
Panama& Carabes
OCDE
38,8%27,0%
25,0%23,1%
23,0%22,9%
20,5%17,8%
17,1%15,6%
15,1%15,0%
14,0%13,3%13,2%
11,9%10,6%
19,8%35,9%
Figure 25. Pression fiscale en Amrique Latine (en % duPIB). Source : The Heritage Foundation 2009 Index ofEconomic Freedom.
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Contribution la scurit social0,5%
Taxe sur le commerceextrieur
Taxe foncire4,9%
Autres taxes0,002%
Imptsur le revenu
24,6%
Taxe sur les bienset services
60,1%
Figure 26. Part des diffrentes taxes dans le revenu fiscalde la Rpublique Dominicaine.
Le dsquilibre observ en faveur des imptsindirects se double dun nombre importantdexonrations et de subventions, les GastosTributarios ou dpenses fiscales. Ces derni-
res slvent 5,8 % du PIB en 2009 et sedclinent en 169 mesures, adoptes depuis1988, concernant par exemple des mesures desoutien la sylviculture, lachat dhydrocar-bure, aux nergies renouvelables En dpitdu poids consquent des dpenses fiscalesnon seulement dans le budget de ltat maisaussi dans la richesse nationale, lefficacitde ces mesures, au regard des objectifs pourlesquels elles ont t instaures, na jamais
t value.
Tableau 4. Comparaison de la fiscalit dans les pays dAmrique latine
Pression
fiscale
(% PIB)
Tranche
suprieure
dimpt sur
le revenu
Impt sur les
bnfices des
entreprises
Taxe sur la
valeur ajoute
(taux de base)
Part de la
TVA dans le
revenu fiscal
Part des
impts directs
dans le revenu
fiscalCuba 45 % 50 % 30 % 20 % - -
Jamaque 28 % 25 % 33 % 16,5 % 31 % 44 %
Bolivie 28 % 13 % 25 % 13 % 43 % 15 %
Argentine 25 % 35 % 35 % 21 % - -
Colombie 20 % 33 % 33 % 16 % - -
Chili 19 % 40 % 17 % 19 % 39 % 38 %
Venezuela 17 % 34 % 34 % 14 % - -
Honduras 17 % 25 % 25 % 12 % 39 % 31 %
Prou 16 % 30 % 30 % 19 % 38 % 42 %
Costa Rica 15 % 25 % 30 % 13 % 37 % 28 %R. Dominicaine 15 % 25 % 25 % 16 % 60 % 25 %
Guatemala 12 % 31 % 31 % 12 % 58 % 29 %
Panama 11 % 27 % 30 % 5 % - -
Hati 7 % 30 % 30 % 10 % - -
Cette faible pression fiscale repose presqueexclusivement sur les impts indirects (60 %du revenu fiscal). En effet, la structure fiscaleest compose : Dune TVA (appele ITBIS) 16 %, applique
uniquement sur la moiti des biens. Les biens
de premire ncessit en sont exonrs ; Dun impt sur les bnfices des socits 25 %. Les entreprises des Zones Franchesne le paient pas ;
Dun impt sur les revenus 3 tranches, de15 %, 20 % et 25 %. La premire tranchesapplique pour les revenus au-dessus dunpalier denviron 800 dollars, si bien que92 % de la population nest pas imposable ;
De divers autres impts sur les hydrocarbu-
res, le patrimoine, les stocks des socits
Par rapport aux autres pays de la rgion,ces taux se trouvent gnralement dans lafourchette basse des taux pratiqus :
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La pression fiscale en Rpublique Domini-caine est limite, non seulement en raisondes exonrations, mais galement de lvasionfiscale, en dpit des efforts consquentsde ladministration pour remdier cetteanomalie. Pour se faire une ide de lampleur
de phnomne, lexemple de limpt sur lessuccessions est frappant : le revenu touch parltat est suprieur aujourdhui alors que letaux nest que de 3 %, contre 20 % auparavant,car il y a moins dvasion. Linformatisationcroissante des transactions commerciales enRpublique Dominicaine a permis de renforcerles contrles quotidiens. Dsormais, toutes lesoprations effectues par un moyen lectro-nique de paiement font lobjet dun contrleminutieux de la part de la Direction desImpts, qui recoupe les informations obtenuespar cette voie avec les donnes inscrites dansles factures dachat. De plus, les tablisse-ments de vente au dtail en libre-service telsque les supermarchs sont quips de caisseslectroniques qui sont directement relies ladministration fiscale, dont les agents sont enmesure de contrler les encaissements. Maisla Direction des Impts, malgr ces volutionsrcentes, na pas pu augmenter ses effectifs
depuis plus de quatre ans, et na pas les moyensaujourdhui de raliser des contrles denver-gure chez les particuliers.
Enfin, prs de 56 % de la population travailledans le secteur informel et ne contribuepas limpt. Par ailleurs, certains secteursbnficient depuis toujours dune certainetolrance : les entreprises agricoles nont parexemple presque jamais pay dimpts, et nyont jamais t obliges.
Bien que les revenus fiscaux soient contraints,il est difficile aujourdhui de raliser unerforme fiscale du fait dune trs faibleacceptabilit de limpt. Une augmentationde limpt sur les bnfices de 25 % 30 % at abandonne en 2006 suite loppositiondu secteur priv : selon les entrepreneurs,cest avant tout la dpense de ltat qui doittre limite, avant de rechercher de nouvel-
les recettes.
La dpense est en ralit trs peu flexible.Plus de 50 % du budget est fix par la loi, etles subventions au secteur lectrique ainsique le service de la dette psent de plus enplus lourds : 4 % du PIB devrait revenir lducation,
mais seuls environ 2,5 % sont effectivementverss chaque anne ;
La loi sur la recapitalisation de la banquecentrale impose un transfert allant de0,5 % 1,7 % du PIB la Banque Centralejusquen 2017, ce qui reprsente entre 4 % et12 % des recettes fiscales ;
La loi impose que 10 % du budget soittransfr aux municipalits. Dans les faits,seuls 8 % sont verss ;
Les subventions au secteur lectriquereprsentent quant elles lquivalent de700 millions de dollars, soit 10 % 15 % dubudget ;
Enfin, le service de la dette prend une placede plus en plus importante dans le budgetde ltat pour atteindre aujourdhui prs de25 % du total, soit 37,8 % du revenu fiscalen 2009.
En conclusion, laction de ltat se limite
trois grandes options.
La premire option possible consisterait augmenter lendettement de ltat. Le dficitpublic de la Rpublique Dominicaine estinfrieur 3 % du PIB et la dette publiqueslevait au premier trimestre 2010 27,9 %du PIB (dont prs des deux tiers de detteexterne). Aujourdhui, le partenariat envigueur avec le FMI permet ltat domini-cain de se financer assez facilement sur les
marchs et la note a mme t releve Ben 2010. Toutefois, rien ne permet daffirmerque la confiance des investisseurs demeureraintacte une fois la tutelle du FMI termine,dici 2012. Par ailleurs, le poids du service dela dette dans le budget annuel de lordre de25 % obre le champ daction de ltat enmatire de dpenses sociales.
Une deuxime option consisterait augmen-
ter la pression fiscale, en commenant parun largissement de lassiette en pralable
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une augmentation des taux. Un largisse-ment devrait en effet permettre daccrotre laprogressivit globale de la politique fiscale, etde rechercher une meilleure optimisation duGastos Tributarios. Toutefois, une rformefiscale ne pourra pas se faire sans dabord
crer les conditions dune meilleure accepta-bilit de limpt.
Une troisime option consiste rationaliserla dpense publique. Amliorer le consente-ment limpt des Dominicains ncessite dertablir un lien de confiance entre ladminis-tration fiscale et les contribuables. Pour cefaire, ltat doit sriger en modle de vertucivique et montrer ses administrs que lesfonds collects par le biais du systme fiscalsont consacrs des dpenses considrespar le plus grand nombre comme utiles etbnfiques la socit dominicaine.
Cette troisime option rendra possible lesdeux premires. Autrement dit, une fois deplus, cest ltat de redonner confiance auxcontribuables.
4.3 Un systme dducation repenser
Si la Rpublique Dominicaine est lun des tatsles plus performants dAmrique Latine concer-nant le taux de participation lducation 91.3 % des enfants de 6 13 ans sont inscrits ,les rsultats globaux du systme scolaireclassent la Rpublique Dominicaine parmi lestats les moins efficaces de la rgion.
Les taux dabandon et de redoublement sonttrs importants. Ainsi, 20,1 % des lves de
pr