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HÉPATOLOGIE 133 POST’U (2016) Le syndrome LPAC (Low Phospholipid- Associated Cholelithiasis) : mythe ou réalité ? ; Bertrand Condat (u) Service d’hépato-gastroentérologie de l’hôpital Saint-Camille. 2, rue des Pères Camilliens, 94360, Bry-sur-Marne. Tél. : 01 49 83 10 10 poste 20 33 E-mail : [email protected] Objectifs – Connaître la définition et la fré- quence du syndrome LPAC – Savoir évoquer et confirmer un syn- drome LPAC – Connaître le traitement du syn- drome LPAC Habituellement, les calculs biliaires se forment dans la vésicule biliaire et résultent de la précipitation du choles- térol en excès dans la bile. Le plus sou- vent la lithiase biliaire survient chez des patients en surpoids, de plus de 40 ans et les symptômes ne récidivent pas après cholécystectomie. Le syndrome LPAC (Low Phospholipid- Associated Cholelithiasis), ou lithiase cholestérolique génétique, est une forme très particulière de lithiase biliaire qui a été décrite pour la pre- mière fois en 2001 par l’équipe de l’hôpital Saint-Antoine. Dans cette maladie, à la différence de la lithiase vésiculaire banale, il n’y a pas d’excès de sécrétion du cholestérol dans la bile mais une diminution de la sécrétion de phospholipides dont la conséquence est un défaut de formation des micelles nécessaires à la solubilisation du cho- lestérol, il en résulte la formation de micro-cristaux et de calculs de choles- térol (Fig. 1). Contrairement à la lithiase banale, en cas de syndrome LPAC, les calculs de cholestérol se forment aussi bien dans le foie que dans la vésicule, surviennent le plus souvent chez des patients jeunes sans surpoids et réci- divent souvent après cholécystecto- mie [1]. Le transporteur des phospholipides (protéine MDR3, codé par le gène ABCB4) permet l’excrétion des phos- pholipides dans la bile au pôle canali- culaire des hépatocytes. De ce fait, des mutations du gène ABCB4 ont été logi- quement identifiées comme respon- sables du syndrome LPAC (Fig. 1). Cependant, les mutations d’ABCB4 ne sont mises en évidence que dans un tiers à la moitié des cas de syndrome LPAC [1-3]. Des mutations d’autres gènes, non encore déterminées, sont donc probablement en cause. Alors que le syndrome LPAC peut béné- ficier d’un traitement simple et effi- cace par l’acide ursodésoxycholique (AUDC), la majorité des cas n’est pas diagnostiquée. Quand évoquer le diagnostic ? Quelles sont les caractéristiques de la maladie ? En 2003, l’équipe de Saint-Antoine a comparé 18 patients porteurs de la mutation ABCB4 à des patients atteints de lithiase biliaire banale [1]. Cette équipe a ainsi pu rapporter pour la pre- mière fois que la présence d’au moins 2 des 3 critères suivants était forte- ment associée à la mutation ABCB4 : 1) début des symptômes avant l’âge de 40 ans ; 2) récidive des symptômes après cholécystectomie ; 3) mise en évidence par échographie de foyers hyper-échogènes intra-hépatiques avec, soit des renforcements posté- rieurs (« queues de comète ») corres- pondant à des dépôts canalaires de cristaux de cholestérol, soit des cônes d’ombre correspondant à des calculs ou micro-calculs (Fig. 2 et 3). Par ailleurs, la même équipe a montré que les carac- téristiques cliniques, radiologiques et de l’analyse de la bile des patients atteints de syndrome LPAC sans muta- tion ABCB4 étaient identiques à celles des patients mutés pour ABCB4 [4]. Depuis 2003, les éléments permettant de distinguer le syndrome LPAC et la lithiase banale ont été précisés (Tableau I). Bien que la majorité des syndromes LPAC débute avant 40 ans, c’est l’apparition des symptômes avant 30 ans qui semble être le meilleur seuil pour distinguer le syndrome LPAC de Conflit d’intérêt Aucun

POS U(2016) Le syndromeLPAC (LowPhospholipid ...€¦ · Associated Cholelithiasis),oulithiase cholestérolique génétique, est une forme trèsparticulière delithiase biliairequi

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POST’U (2016)

Le syndrome LPAC (Low Phospholipid-Associated Cholelithiasis) :mythe ou réalité ?; Bertrand Condat(u) Service d’hépato-gastroentérologie de l’hôpital Saint-Camille. 2, rue des Pères Camilliens, 94360, Bry-sur-Marne.

Tél. : 01 49 83 10 10 poste 20 33

E-mail : [email protected]

Objectifs

– Connaître la définition et la fré-quence du syndrome LPAC

– Savoir évoquer et confirmer un syn-drome LPAC

– Connaître le traitement du syn-drome LPAC

Habituellement, les calculs biliaires seforment dans la vésicule biliaire etrésultent de la précipitation du choles-térol en excès dans la bile. Le plus sou-vent la lithiase biliaire survient chezdes patients en surpoids, de plus de40 ans et les symptômes ne récidiventpas après cholécystectomie.

Le syndrome LPAC (Low Phospholipid-Associated Cholelithiasis), ou lithiasecholestérolique génétique, est uneforme très particulière de lithiasebiliaire qui a été décrite pour la pre-mière fois en 2001 par l’équipe del’hôpital Saint-Antoine. Dans cettemaladie, à la différence de la lithiasevésiculaire banale, il n’y a pas d’excèsde sécrétion du cholestérol dans la bilemais une diminution de la sécrétion dephospholipides dont la conséquenceest un défaut de formation des micellesnécessaires à la solubilisation du cho-lestérol, il en résulte la formation demicro-cristaux et de calculs de choles-térol (Fig. 1). Contrairement à la lithiasebanale, en cas de syndrome LPAC, lescalculs de cholestérol se forment aussibien dans le foie que dans la vésicule,surviennent le plus souvent chez despatients jeunes sans surpoids et réci-divent souvent après cholécystecto-mie [1].

Le transporteur des phospholipides(protéine MDR3, codé par le gèneABCB4) permet l’excrétion des phos-pholipides dans la bile au pôle canali-culaire des hépatocytes. De ce fait, desmutations du gène ABCB4 ont été logi-quement identifiées comme respon-sables du syndrome LPAC (Fig. 1).Cependant, les mutations d’ABCB4 nesont mises en évidence que dans untiers à la moitié des cas de syndromeLPAC [1-3]. Des mutations d’autresgènes, non encore déterminées, sontdonc probablement en cause.

Alors que le syndrome LPAC peut béné-ficier d’un traitement simple et effi-cace par l’acide ursodésoxycholique(AUDC), la majorité des cas n’est pasdiagnostiquée.

Quand évoquerle diagnostic ? Quelles sontles caractéristiquesde la maladie ?

En 2003, l’équipe de Saint-Antoine acomparé 18 patients porteurs de lamutation ABCB4 à des patients atteintsde lithiase biliaire banale [1]. Cetteéquipe a ainsi pu rapporter pour la pre-mière fois que la présence d’au moins2 des 3 critères suivants était forte-ment associée à la mutation ABCB4 :1) début des symptômes avant l’âge de40 ans ; 2) récidive des symptômesaprès cholécystectomie ; 3) mise enévidence par échographie de foyershyper-échogènes intra-hépatiquesavec, soit des renforcements posté-rieurs (« queues de comète ») corres-pondant à des dépôts canalaires decristaux de cholestérol, soit des cônesd’ombre correspondant à des calculs oumicro-calculs (Fig. 2 et 3). Par ailleurs,la même équipe a montré que les carac-téristiques cliniques, radiologiques etde l’analyse de la bile des patientsatteints de syndrome LPAC sans muta-tion ABCB4 étaient identiques à cellesdes patients mutés pour ABCB4 [4].

Depuis 2003, les éléments permettantde distinguer le syndrome LPAC et lalithiase banale ont été précisés(Tableau I). Bien que la majorité dessyndromes LPAC débute avant 40 ans,c’est l’apparition des symptômes avant30 ans qui semble être le meilleur seuilpour distinguer le syndrome LPAC de

Conflit d’intérêt

Aucun

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la lithiase banale. En effet, la lithiasebanale est diagnostiquée dans un tiersdes cas avant 40 ans mais très rare-ment, en l’absence d’obésité, avant30 ans (données personnelles del’étude LPANGH non encore publiée quicompare 102 syndromes LPAC et205 lithiases banales symptoma-tiques). La récidive des symptômesbiliaires après cholécystectomie estégalement évocatrice de syndromeLPAC après avoir éliminé un calcul rési-duel de la voie biliaire principale et laprise d’opiacés. Un antécédent person-nel de cholestase gravidique est très enfaveur de syndrome LPAC car ce typed’antécédent, fréquent en cas de syn-drome LPAC, est exceptionnel en cas delithiase banale. Enfin, des antécédents

familiaux au premier degré de lithiasebiliaire symptomatique sont retrouvésdans plus de la moitié des cas de syn-drome LPAC mais ne sont pas rare encas de lithiase banale. Ces antécédentsfamiliaux ne sont donc évocateurs desyndrome LPAC que s’ils surviennentchez un patient jeune et non obèse.

L’âge moyen de début des symptômesdu syndrome LPAC varie de 26 à 32 anssuivant les séries (étude LPANGH, 4).Les premiers symptômes de syndromeLPAC peuvent parfois survenir après40 ans (10 % des cas suivant l’étudeLPANGH) mais le début des symptômesaprès 50 ans est très exceptionnel. Parailleurs, le syndrome LPAC n’est passymptomatique avant la fin de l’ado-

lescence ; il ne s’agit donc pas d’unecause habituelle de lithiase biliairepédiatrique [5].La prédominance féminine du syn-drome (sex-ratio entre 1/2.3 et 1/5 sui-vant les études) s’explique par le rôleaggravant des œstrogènes qui inhibentla sécrétion des phospholipides dans labile. La survenue des symptômes10 ans plus tôt chez les femmes [4] etl’apparition fréquente des symptômesen fin de grossesse ou lors de la prisede contraceptif sont également dues aurôle aggravant des œstrogènes.

Figure 1. (A) Les transporteurs des acides biliaires, du cholestérolet de la phosphatidyl-choline (le principal phospholipide biliaire) à travers la

membrane canaliculaire des hépatocytes sont normaux. Il se forme des micellesmixtes qui permettent la solubilisation du cholestérol.

(B) Quand le transporteur des phospholipides, la protéine MDR3 codée par ABCB4,est déficient, les acides biliaires sont transportés sans phospholipides et vont

ainsi former de simples micelles qui n’ont pas la capacité de solubilisationdu cholestérol. Il va alors se former des micro-cristaux et des calculs

de cholestérol. De plus, les acides biliaires transportés sans phospholipidesont un effet détergent qui va endommager les cholangiocytes adjacents

Figure 3. Lithiase intra-hépatiqueavec cône d’ombre (flèches)

Figure 2. Spots hyper-échogèneintra-hépatiques responsablesd’images en queue de comète

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Enfin, il n’y a pas de caractéristiquebiologique particulière du syndromeLPAC. Une cholestase chronique a étédécrite chez certains des 6 premierspatients décrits par Rosmorduc et colen 2001 [6] mais, par la suite, elle s’estavérée rare en cas de syndrome LPAC(1,4, étude LPANGH).

Comment confirmerle diagnostic ?

Devant des symptômes évocateurs, lesyndrome LPAC peut être confirmé de3 façons différentes : le génotypageABCB4, l’analyse de la bile et l’échogra-phie hépatique.1) Le diagnostic génétique repose surla mise en évidence d’une mutationsignificative du gène ABCB4. Si levariant du gène ABCB4 est de type non-sens le diagnostic génétique estconfirmé, car ce type de mutationentraîne une altération majeure de lafonction de la protéine MDR3. Si levariant est de type faux-sens, situationla plus fréquente, son rôle pathogènedevra être étayé par son référencementpréalable dans des formes familialesbien documentées de syndrome LPACou par ses effets connus sur la fonctionde la protéine MDR3. Il est donc légi-time de réaliser un génotypage ABCB4si le diagnostic de syndrome LPAC estévoqué [7]. Cependant, la recherche dela mutation ABCB4 a un coût élevé à lacharge de l’établissement de santédans lequel est fait le prélèvement. Deplus, très peu de laboratoires réalisantce génotypage, les délais d’obtention

du résultat sont de plus de 1 an. Enfin,ces mutations ne sont mises en évi-dence que dans un tiers à la moitié descas authentiques de syndrome LPAC.En conséquence, fait essentiel etméconnu de la prise en charge despatients atteints de syndrome LPAC, ladécision d’instaurer un traitement parAUDC ne tient pas compte, dans lamajorité des cas, du génotypaged’ABCB4. Il en découle que le génoty-page d’ABCB4 est utile mais non indis-pensable pour la confirmation du dia-gnostic de syndrome LPAC.

2) La recherche d’un déficit en phos-pholipides par l’analyse de la bile [7]nécessite une expertise biochimiquetrès spécialisée, de plus sa réalisationpratique est difficile. Elle ne peut doncpas être proposée comme élément deconfirmation en pratique courante.

3) C’est la réalisation d’une échogra-phie par un opérateur sensibilisé à larecherche des signes évocateurs quiest, en pratique, le moyen le plus perti-nent pour confirmer le diagnostic. Eneffet, chez les patients atteints de syn-drome LPAC avec mutation ABCB4,cette échographie experte révèle desanomalies typiques dans 88 à 95 % descas (4, étude LPANGH). Cette haute per-tinence diagnostique est égalementretrouvée en cas de syndrome LPACsans mutation ABCB4 [4]. Le diagnosticradiologique repose sur la mise en évi-dence de spots hyper-échogènes intra-hépatiques responsables d’images enqueue de comète de topographie com-patible avec des dépôts de microcris-taux le long de l’arbre biliaire (Fig. 2). Ilpeut aussi s’agir de sludge, d’une

micro-lithiase intra-hépatique ou demacro-calculs avec cône d’ombre(Fig. 3). À l’inverse, une échographiepratiquée par un radiologue non expertet non averti du diagnostic supposé desyndrome LPAC (il s’agit le plus souventd’échographies pratiquées en urgencedevant des symptômes biliaires) nedécrira les signes de la maladie quedans 5 % des cas de syndrome LPAC(étude LPANGH).

Le plus souvent, ces anomalies radiolo-giques typiques de syndrome LPAC nesont pas mises en évidence par le scan-ner ou l’IRM hépatique. Cependant, encomplément de cette échographieexperte, une bili-IRM est nécessairepour éliminer les autres causes delithiase intra-hépatique (essentielle-ment cholangite sclérosante primitiveet maladie de Caroli), celle-ci étant laplupart du temps normale en cas desyndrome LPAC.

La figure 4 détaille la prise en chargediagnostique et thérapeutique du syn-drome LPAC et à qui il est raisonnablede proposer une échographie par unopérateur sensibilisé.

Risques évolutifs et formesparticulières du syndromeLPAC

Même si certains patients ne vont rap-porter que de rares épisodes de douleurbiliaire, la plupart des patients nontraités présente des symptômes trèsrécidivants.

Le mode de présentation le plus fré-quent du syndrome LPAC correspond àun tableau évocateur de migrationlithiasique (douleur biliaire associée àune augmentation fugace des transa-minases) (2, étude LPANGH). Le plussouvent, il n’y a pas de syndrome sep-tique, donc pas d’angiocholite, et iln’est qu’assez rarement mis en évi-dence de calcul de la voie biliaire prin-cipale par l’écho-endoscopie ou parl’IRM biliaire. La cholécystectomien’évite pas la récidive de ces manifes-tations évocatrices de migration en casde syndrome LPAC, alors que ces symp-tômes disparaissent sous AUDC. Deplus, un patient sur cinq atteint de syn-drome LPAC présente au moins un épi-sode de pancréatite biliaire au cours dusuivi, avant ou après cholécystectomie(étude LPANGH). La migration cholédo-cienne de micro-calculs d’origine intra-

Tableau I. Arguments cliniques évocateurs, soit de syndrome LPAC,soit de lithiase banale en cas de lithiase biliaire symptomatique*

Arguments évocateurs de syndrome LPAC (fréquents en cas de syndrome LPAC et rares endes cas de lithiase banale) :– Début des symptômes avant 30 ans.– Récidive des symptômes biliaires après cholécystectomie.– Antécédent personnel de cholestase gravidique.– Antécédent familial au premier degré de lithiase biliaire symptomatique avant 30 ans.Arguments évocateurs de lithiase banale (fréquents en cas de lithiase banale et rares encas de syndrome LPAC) :– Obésité (BMI ≥ 30).– Cholécystite.– Début des symptômes après l’âge de 50 ans.

* Ce tableau est basé, 1) sur les 2 seules études rapportées ayant comparé (avec des effectifs restreints)le syndrome LPAC aux lithiases banales (1,2) ; 2) sur l’étude LPANGH, non encore publiée, pratiquée ausein des services de l’ANGH (Association Nationale des Gastroentérologues Hospitaliers), qui compare102 patients atteints de syndromes LPAC (dont 41 associés à une mutation ABCB4) et 205 patientsatteints de lithiases banales (Dong C, Picon M et al) ; 3) et, en raison du peu de données dans la littéra-ture, sur un avis d’experts : Christophe Corpechot (hôpital Saint-Antoine, Paris), Magali Picon (hôpitald’Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône), David Zanditenas et Bertrand Condat (hôpital Saint-Camille,Bry-sur-Marne, Val de Marne).

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hépatique est donc fréquente en cas desyndrome LPAC.À l’inverse, alors que plus de 90 % despatients atteints de syndrome LPACprésentent une lithiase vésiculaire, lacholécystite est beaucoup plus rare(aux alentours de 10 % des patients)qu’en cas de lithiase banale sympto-matique (2, étude LPANGH). L’histoirenaturelle du syndrome LPAC pourraitexpliquer la faible incidence de la cho-lécystite lithiasique, la lithiase intra-

hépatique étant symptomatique avantla lithiase vésiculaire avec pour consé-quence une cholécystectomie souventpratiquée à un âge jeune, prévenantainsi le risque de cholécystite.Dans à peu près 5 % des cas, le syn-drome LPAC est responsable d’une dila-tation sacculaire des voies biliairesintra-hépatiques qui moulent desmacro-calculs cholestéroliques sanssténose biliaire sous-jacente (Fig. 5) [8].Le diagnostic différentiel à évoquer est

la dilatation primitive congénitale desvoies biliaires intra hépatiques (mala-die de Caroli diffuse ou dilatation pri-mitive localisée à un lobe ou un seg-ment).En cas de grossesse, la moitié despatientes atteintes de syndrome LPACprésente une cholestase gravidique [2,4]. Ce fait n’est pas surprenant étantdonné que les mutations ABCB4 sontrencontrées dans 15 % des cas de cho-lestase gravidique (il s’agit des muta-tions les plus fréquentes dans cettepathologie). La cholestase gravidiquese manifeste par un prurit survenantaux 2e ou 3e trimestre associé à unecholestase biologique (diagnostiquéeen cas de grossesse par une augmen-tation des transaminases et des acidesbiliaires totaux). Le pronostic estexcellent pour la mère mais un accou-chement prématuré est observé dansdeux tiers des cas. Le traitement parAUDC à la posologie de 10 mg/kg estassocié à une disparition du prurit etune diminution du risque de prématu-rité. À cette posologie, aucun effet indé-sirable n’a été rapporté. En cas de syn-drome LPAC, il est donc nécessaire deprévenir les patientes de maintenir letraitement par AUDC pendant la gros-sesse pour éviter l’apparition d’unecholestase gravidique et son risque deprématurité mais également pour pré-venir l’exacerbation des symptômesbiliaires pendant la grossesse.Enfin, malgré la publication d’excep-tionnels cas de cirrhose biliaire secon-daire et de cholangiocarcinome [4], et

Lithiase biliaire symptomatiquechez un patient de 15 à 50 ans

Début des symptômes avant 30 ansou

Début des symptômes entre 30 et 40 anset absence d’obésité et pas de cholécystite

ouRécidive après cholécystectomie

ouAntécédent de cholestase gravidique

ouAntécédent familial de lithiase biliaire

au premier degréavant 30 ans et sans obésité.

Echographie par radiologue expert :présence de lithiase

ou de queue de comète intra-hépatiques ?

Oui

Oui

Anormale Normale

Cholangitesclérosante ?

Maladie de Caroli ?

Forme particulièrede LPAC ?

Diagnosticde LPAC retenu

Traitement par AUDC

Si possible faireun génotypage d’ABCB4

Diagnosticde LPAC non retenu

sauf exception*

Non

Non

IRM biliaire

Figure 4. Démarche diagnostique et thérapeutique du syndrome LPAC* L’échographie hépatique réalisée par un radiologue expert est normale dans seulement 5 à 10 % dessyndromes LPAC. S’il existe une très forte suspicion clinique de syndrome LPAC (arguments nombreuxet concordants) et que l’échographie experte est normale (situation très rare), le diagnostic pourra faireappel au génotypage d’ABCB4 et si besoin à l’analyse de la bile.

Figure 5. Dilatation sacculaire desvoies biliaires intra-hépatiques autourde macro-calculs sans sténose biliaire

sous-jacente (têtes de flèche)

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bien que le pronostic à long terme nesoit pas encore connu, le syndromeLPAC peut être considéré dans lagrande majorité des cas comme étantsans gravité si le traitement par AUDCest bien suivi.

Traitement en casde syndrome LPAC

Traitement médical

Le traitement du syndrome LPACrepose sur un traitement prolongé parAUDC à la posologie de 10 mg/kg/j(AMM obtenu en 2011 dans cette indi-cation) [7]. L’AUDC augmente le pooldes acides biliaires hydrophiles quiprotègent la membrane des cholangio-cytes (aux dépends des acides biliaireshydrophobes toxiques), augmentel’expression de la protéine MDR3 etfacilite ainsi la sécrétion des phosholi-pides dans la bile [9]. Il en résulte unemeilleure solubilisation du cholestérolet à distance, la dissolution des cristauxde cholestérol et des calculs. Ce traite-ment permet dans la majorité des casla disparition des symptômes dès lestoutes premières semaines de traite-ment. Cet effet est surtout spectacu-laire chez les patients avec douleursbiliaires répétitives et rapprochées quidisparaissent sous AUDC. Les anoma-lies échographiques disparaissentbeaucoup plus lentement, en quelquesmois, voire en quelques années [7].Cette disparité entre l’amélioration cli-nique et l’amélioration radiologiquepourrait suggérer qu’une partie dessymptômes serait plus liée aux cris-taux de cholestérol et à l’inflammationdes canaux biliaires qu’aux calculsintra-hépatiques.L’amélioration clinique peut être par-tielle sous AUDC à cette posologie, avecdiminution sans disparition du nombreet de l’intensité des crises doulou-reuses. En dehors d’une mauvaiseobservance du traitement par AUDC oude douleur d’une autre origine, il peutalors être proposé d’augmenter laposologie d’AUDC jusqu’à 15 mg/kg/j.En cas d’échec de l’optimisation du trai-tement par AUDC, un traitement adju-vant par ezetimibe peut être proposésur des arguments physiopatholo-giques, sans que la preuve de son effi-cacité clinique ait été apportée. En casd’hypercholestérolémie, il est préfé-rable d’utiliser les statines plutôt que

Quelle stratégie pour ne paspasser à côté du diagnostic ?

L’étude LPANGH montre que la plupartdes cas de syndrome LPAC ne sont pasdiagnostiqués. En effet, dans cetteétude menée dans des hôpitaux géné-raux de taille assez proche et disposantde services d’urgences et de chirurgieviscérale, le nombre de syndrome LPACrecensé était de 0 à 2 cas dans la plu-part des hôpitaux contre 14 à 45 caspour les 3 hôpitaux dans lesquels leséquipes de chirurgie digestive, deradiologie et de gastro-entérologie sontplus particulièrement sensibilisées audiagnostic de cette maladie, sans quel’on puisse identifier de biais de sélec-tion majeur dans ces 3 hôpitaux, lespatients y étant adressés initialementpour lithiase symptomatique et nonpour suspicion de syndrome LPAC.Ce sous-diagnostic s’explique en partiepar la méconnaissance d’une maladiequi n’a été décrite pour la première foisqu’il y a 15 ans. Cette méconnaissanceporte sur :– Une sous-estimation de la fréquence

de la maladie, considérée générale-ment comme très rare, ce qui est loind’être le cas, que ce soit à l’hôpital ouen cabinet libéral de gastro-entéro-logie. En effet, 20 à 25 % des femmesde moins de 30 ans présentant unelithiase biliaire symptomatique sontatteintes de syndrome LPAC [2]. Parailleurs, à l’hôpital Saint Camille deBry-sur-Marne (94), hôpital généralde taille moyenne où sont prati-quées à peu près 200 cholécystecto-mies annuelles, il a été mis en évi-dence en moyenne, depuis 10 ans,4 nouveaux cas de syndrome LPACpar an, soit trois à quatre fois plusque le nombre de nouveau cas decirrhose biliaire primitive.

– La méconnaissance des signes de lamaladie par les radiologues. En effet,quasiment tous les patients ont déjàeu, au moment du diagnostic, plu-sieurs échographies ne mettant pasen évidence les signes de syndromeLPAC, alors qu’une échographie parun radiologue expert va mettre enévidence, chez ces mêmes patients,les signes caractéristiques de LPACdans plus de 90 % des cas.

– La méconnaissance de la maladiepar les chirurgiens, qui prennent encharge la grande majorité despatients atteints de lithiase biliairesymptomatique et qui ne vont que

les fibrates qui augmentent la sécré-tion de cholestérol dans la bile. Enfin,le traitement œstro-progestatif doitêtre arrêté pendant les premièressemaines de traitement par AUDC ettant que la maladie reste symptoma-tique ; en effet, ce traitement inhibe lasécrétion des phospholipides dans labile et majore ainsi les symptômes. Deplus, dans de rares cas, le traitementœstro-progestatif peut être respon-sable de cholestase en cas de syndromeLPAC.

Traitement chirurgical

Bien que la lithiase du syndrome LPACsoit fréquemment de localisationmixte (vésiculaire et intra-hépatique),les symptômes sont surtout dus à lalithiase intra-hépatique. L’efficacité dutraitement médical par AUDC est telleque la cholécystectomie peut être évi-tée dans la majorité des cas, d’autantplus que la cholécystectomie ne pré-vient pas la récidive des symptômesbiliaires [7]. Seuls les rares cas de cho-lécystite sont des indications claires àla cholécystectomie. La persistance dessymptômes sous AUDC peut égale-ment faire discuter une cholécystecto-mie.

Dans la forme particulière de syn-drome LPAC avec dilatation des voiesbiliaires intra-hépatiques autour demacro-calculs, le recours à la résectiondu segment ou du lobe atteint peut sejustifier si le patient présente desangiocholites récidivantes malgré letraitement par AUDC.

Le dépistage familial

Un dépistage familial par échographieexperte (et/ou génotypage si unemutation ABCB4 a été mise en évi-dence chez le proband) pourra êtreproposé aux parents du 1er degré deplus de 18 ans. Une échographie dedépistage normale chez un sujet jeuneasymptomatique pourra être répétéequelques années plus tard car lessignes radiologiques évocateurs desyndrome LPAC peuvent survenir ulté-rieurement. Le dépistage par échogra-phie est moins rentable chez leshommes, chez qui la pénétrance desmutations ABCB4 est très incomplète.Chez les parents asymptomatiquesavec lithiase intra-hépatique, il est rai-sonnable de proposer un traitementpar AUDC.

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rarement évoquer le diagnosticavant une cholécystectomie ou encas récidive post-cholécystectomie.

La diffusion des connaissances à pro-pos des signes cliniques qui permettentd’évoquer un syndrome LPAC auprèsdes collègues chirurgiens et des signesradiologiques de ce syndrome (aspecten queue de comète ou micro-lithiaseintra-hépatique) auprès des collèguesradiologues devrait permettre dedépister de nombreux syndrome LPACet de transformer le cours évolutif dela maladie grâce au traitement parAUDC.

Remerciements à Marie­Pierre Hauuy(service de radiologie, hôpital Saint­Camille, Bry­sur­Marne, Val­de­Marne) et à Béatrice Noblinski (Servicede radiologie, hôpital Saint­Antoine,Paris) pour l’iconographie. Remer­ciements à Serge Erlinger (hôpitald’Aix­en Provence, Bouches­du­Rhône)pour la figure 1. Remerciements àChristophe Corpechot (Service d’hépa­

tologie, hôpital Saint­Antoine, Paris),à David Zanditenas (service d’hépato­gastroentérologie, hôpital Saint­Camille, Bry­sur­Marne, Val­de­Marne) et à Gilles Macaigne (serviced’hépato­gastroentérologie,hôpital deJossigny, Seine­et­Marne) pour larelecture.

Références

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6. Rosmorduc O, Poupon R, Hermelin B. MDR3gene defect in adults with symptomaticintrahepatic and gallbladder cholesterolc h o l e l i t h i a s i s . G a s t ro e n t e ro l o g y2001:1459–1467.

7. Rosmorduc O, Poupon R. Low phospholipid-associated cholelithiasis: association withmutation in the MDR3/ABCB4 gene.Orphanet J Rare Dis 2007;2:29.

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9. Erlinger S. Low phospholipid-associatedcholestasis and cholelithiasis. Clin ResHepatol Gastroenterol 2012;36:S36-S40.

55Les Cinq points fortsLes patients atteints de syndrome LPAC ont souvent des épisodes dedouleurs biliaires multiples et rapprochés et/ou un tableau évocateurde migration cholédocienne accompagnée parfois de pancréatite ; enrevanche la cholécystite est rare.Les arguments évocateurs de syndrome LPAC sont : le débutdes symptômes avant 30 ans, la récidive des symptômes aprèscholécystectomie, les antécédents personnels de cholestase gravidique,les antécédents familiaux au premier degré de lithiase biliairesymptomatique avant 30 ans.Des mutations du gêne ABCB4 sont mises en évidence dans un tiers à lamoitié des cas de syndrome LPAC.La réalisation d’une échographie par un opérateur sensibilisé à larecherche des signes du syndrome LPAC (queues de comètes intra­hépatiques) est le moyen le plus pertinent pour confirmer le diagnostic.Le traitement est l’AUDC. La cholécystectomie doit être réservée auxrares cholécystites.

PATO

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139

Questions à choix unique

Question 1

En cas de lithiase biliaire symptomatique, quel est l’argument qui évoque plus un syndrome LPAC qu’une lithiase banale :

❏ A. L’âge de début des symptômes à plus de 50 ans.❏ B. La récidive des symptômes après cholécystectomie.❏ C. L’obésité.❏ D. Un antécédent familial de cholécystectomie à l’âge de 50 ans.❏ E. La survenue d’une cholécystite.

Question 2

Le diagnostic de syndrome LPAC repose le plus souvent sur :

❏ A. Le génotypage ABCB4.❏ B. Une échographie hépatique mettant en évidence des queues de comète intra hépatiques❏ C. L’analyse de la composition de la bile.❏ D. La bili IRM

Question 3

À propos de la prise en charge du syndrome LPAC :

❏ A. Une cholécystectomie est le plus souvent nécessaire.❏ B. L’AUDC est un traitement très efficace sur les symptômes.❏ C. L’AUDC fait rapidement disparaître les anomalies radiologiques.❏ D. L’AUDC prévient le risque de cholangiocarcinome

Notes