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61 participatory learning and action Si la merde m’était contée : l’Assainissement total piloté par la communauté en Afrique

participatorylearningandaction - formad-environnement · Zakariya Odeh, Peter Park, Bardolf Paul, Bimal Kumar Phnuyal, Giacomo Rambaldi, Peter Reason, Joel Rocamora, Jayatissa

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61participatorylearningandaction

Si la merde m’était contée : l’Assainissement total piloté par

la communauté en Afrique

L’Institut international pour l’environnement et ledéveloppement (IIED) se mobilise pour promouvoir lajustice sociale et autonomiser les pauvres et les

communautés marginalisés. Il soutient également la démocratie et lapleine participation à la prise de décisions et à la gouvernance. Nousnous efforçons de traduire ces valeurs dans Participatory Learning andAction. Pour obtenir un complément d’information, veuillez contacterIIED, 3 Endsleigh Street, London WC1H 0DD, Royaume-Uni. Siteweb : www.iied.org

Ce travail est réalisé sous licence de Creative CommonsAttribution-Non-Commercial-Share Alike 3.0

Unported, dite CC-BY-SA, 3.0, Unported. Les bénéficiaires sont incitésà s’en servir librement mais exclusivement à des fins non lucratives.Veuillez faire mention des auteurs et de la série PLA. Pour visualiserune copie de cette licence, consulter http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0 ou adresser un courrier à Creative Commons, 171Second Street, Suite 300, San Francisco, California 94105, États-Unis.

Nous nous réjouissons des contributions au bulletin PLA. Pour ensavoir plus et connaître les lignes directrices des contributions, veuillezconsulter le troisième de couverture.

AbonnementVeuillez noter que le bulletin PLA est publié en anglais et tous lesnuméros ne sont pas nécessairement traduits en français. Lesabonnements sont gratuits pour l’hémisphère Sud. Pour obtenir uncomplément d’information, contacter : Research Information Ltd.,Grenville Court, Britwell Road, Burnham, SL1 8DF, Royaume-Uni. Courriel : [email protected] Site web : www.researchinformation.co.uk

Achat des numéros antérieursLes numéros précédents de PLA peuvent être téléchargés gratuitementà partir de www.planotes.org. Pour obtenir des copies papier, veuillezcontacter Earthprint Ltd., PO Box 119, Stevenage, SG1 4TP, Royaume-Uni. Courriel : [email protected] Site web : www.earthprint.co.uk

Apprentissage et action participatifs (PLA) est une expressiongénérique pour désigner une grande variété d’approches et deméthodologies, y compris l’Évaluation rurale participative (ERP),l’Évaluation rurale rapide (ERR), les Méthodes participativesd’apprentissage (MPA), la Recherche-action participative (RAP), laRecherche en systèmes agricoles (RSA) et la Méthode active derecherche et de planification participative (MARP). Le thèmefédérateur est la pleine participation des populations aux processusd’apprentissage concernant leurs besoins et leurs possibilités et à l’actionrequise pour y répondre.Ces dernières années, il y a eu un certain nombre de recentrages dans laportée et l’intérêt accordés à la participation ; l’accent a été davantagemis sur la prise de décision infranationale, nationale et internationale etnon plus seulement la prise de décisions locale ; on a observé unedésaffection des projets en faveur des processus politiques et del’institutionnalisation ; une plus grande prise en compte des questionsliées à la différence et au pouvoir ; et plus de poids accordé à l’évaluationde la qualité et l’appréciation de l’impact de la participation, au lieud’une simple promotion de la participation. Participatory Learningand Action traduit cette évolution et reconnaît l’importance qu’il fautaccorder à l’analyse et à surmonter les différences de pouvoir qui tendentà exclure encore plus les pauvres et les groupes marginalisés.

Participatory Learning and Action (PLA -Apprentissage et action participatifs) –anciennement PLA Notes et RRA Notes – est unbulletin publié deux fois par an. Établi en 1987, ilpermet aux praticiens de méthodologiesparticipatives à travers le monde de partager leursexpériences du terrain, leurs réflexions conceptuelleset leurs innovations technologiques. La série estinformelle et s’efforce de publier des comptes rendusfrancs et honnêtes, de s’attaquer à des questionspratiques ayant une valeur concrète immédiate,d’encourager l’innovation et de s’imposer commeune « voix du terrain ».

Nous sommes gré à l’Agence suédoise decoopération au développement international (Sida)et au Département britannique pour ledéveloppement international (DfID) pour leconcours financier qu’ils continuent d’apporter àPLA.

Nous aimerions aussi remercier Plan États-Unis,Plan Royaume-Uni, le bureau régional de l’UNICEFpour l’Afrique orientale et australe ainsi qu’Irish Aid,pour leur soutien financier qui a permis auxparticipants et à l’équipe de rédaction de se rendre àNairobi pour prendre part à l’atelier d’écriture surl’ATPC. Les points de vue exprimés dans cettepublication ne reflètent pas nécessairement celui desorganismes bailleurs ou des employeurs des auteurs.

Participatory Learning and Action 61© IIED, 2010Illustration en couverture : Regina Faul-DoyleConception et maquette : Smith+Bell

Éditeurs invités : Petra Bongartz, Samuel MusembiMusyoki, Angela Milligan et Holly Ashley

Éditrices : Holly Ashley, Nicole Kenton et AngelaMilligan.

Comité de rédaction stratégique : Nazneen Kanji, Cath Long, Jethro Pettit, Michel Pimbert et David Satterthwaite.

Comité de rédaction consultatif international :Oga Steve Adah, Jo Abbot, Jordi Surkin Beneria,

L. David Brown, Andy Catley, Robert Chambers,Louise Chawla, Andrea Cornwal, Bhola Dahal,Qasim Deiri, John Devavaram, Charlotte Flower,FORCE Népal, Ian Goldman, Bara Guèye, IreneGuijt, Marcia Hills, Enamul Huda, VickyJohnson, Caren Levy, Sarah Levy, ZhangLinyang, P.J. Lolichen, Ilya M. Moeliono,Humera Malik, Marjorie Jane Mbilinyi, AliMokhtar, Seyed Babak Moosavi, NeelaMukherjee, Trilok Neupane, Esse Nilsson,Zakariya Odeh, Peter Park, Bardolf Paul, BimalKumar Phnuyal, Giacomo Rambaldi, PeterReason, Joel Rocamora, JayatissaSamaranayake, Madhu Sarin, Daniel Selener,Anil C. Shah, Meera Kaul Shah, Jasber Singh,Marja Liisa Swantz, Cecilia Tacoli, Peter Taylor,Tom Wakeford, Eliud Wakwabubi et AliceWelbourn.

1

Éditorial ..................................................................................................................................................................................................................................3Résumés des articles de cette édition spéciale ......................................................................................................................8Glossaire international de la merde ................................................................................................................................................16Glossaire des termes et des sigles liés à l’ATPC ................................................................................................................20

ÉDITION SPÉCIALE – SI LA MERDE M’ÉTAIT CONTÉE : L’ASSAINISSEMENT TOTALPILOTÉ PAR LA COMMUNAUTÉ EN AFRIQUE 1. Si la merde m’était contée : l’Assainissement total piloté par la communauté en

Afrique – Tour d’horizonPetra Bongartz, Samuel Musembi Musyoki, Angela Milligan et Holly Ashley..............27

2. Passage à l’échelle de l’ATPC en Afrique subsaharienne Sophie Hickling et Jane Bevan ....................................................................................................................................................55

1ère PARTIE : PROCESSUS AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE3. Libérer l’imagination : innovations en matière de facilitation ATPC au Zimbabwe

Herbert Kudzanai Chimhowa ......................................................................................................................................................694. Promenade dans l’allée interdite : quand parler de merde promeut l’assainissement

Mariama Munia Zombo ....................................................................................................................................................................775. D’amazzi à amazi : ce n’est pas un problème d’eau

Terry A. Wolfer et Robin W. Kloot ............................................................................................................................................876. Rompre les tabous de merde : l’ATPC au Kenya

Buluma Bwire ..................................................................................................................................................................................................977. L’ATPC en Afrique de l’Est : un moyen de responsabiliser les enfants et les jeunes ?

Cathy Shutt ......................................................................................................................................................................................................103

Sommaire

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2e PARTIE : CHANGEMENTS ORGANISATIONNELS ET DE GESTION 8. Les approches participatives en matière de développement exigent une gestion

participative ! Ashley Raeside ..............................................................................................................................................................................................115

9. Adoption de l’ATPC : votre organisation est-elle prête ? Analyse des besoinsorganisationnelsJean-François Soublière ..................................................................................................................................................................127

3e PARTIE : PASSAGE À L’ÉCHELLE10. Révolutionner l’assainissement en Zambie : mettre l’ATPC à l’échelle

Giveson Zulu, Peter Harvey et Leonard Mukosha ..........................................................................................13911. Bousculer les mentalités : l’ATPC et la politique gouvernementale au Zimbabwe

Samuel Rukuni ..........................................................................................................................................................................................15112. Passage à l’échelle de l’ATPC au Kenya : opportunités, défis et enseignements

Samuel Musembi Musyoki ..........................................................................................................................................................15913. La merde se déplace vite : vers un réseau ATPC mondial

Petra Bongartz ..............................................................................................................................................................................................169

4e PARTIE : CONSEILS AUX FORMATEURS 14. Note aux formateurs, facilitateurs et à ceux qui commanditent une formation ATPC

Samuel Musembi Musyoki ..........................................................................................................................................................18115. Le déclenchement : extrait du Manuel de l’Assainissement Total Piloté par la

CommunautéKamal Kar et Robert Chambers..............................................................................................................................................191

16. Et si l’on écrivait ! Gérer un atelier d’écriture participatifAngela Milligan et Petra Bongartz......................................................................................................................................215

POUR ALLER PLUS LOINLectures complémentaires ......................................................................................................................................................................225

3

Bienvenue au numéro 61 de ParticipatoryLearning and Action (PLA – Apprentissageet action participatifs) !

Suite à la crise du secteur financier quia secoué le monde, aujourd’hui nousdevons tous commencer à payer le prix desprises de risque excessives par les banques.Ici au Royaume-Uni, le Département pourle développement international (DfID) apromis de maintenir, et même d’accroître,le budget consacré à l’aide internationale.Toutefois, cette décision sera associée à defortes pressions et à un droit de regard à laloupe au cours des mois et des années àvenir, tandis que les réductions budgétairesailleurs commenceront à se faire sentir.Dans le climat économique actuel, il estimpérieux de trouver des approches quisoient à la fois efficaces et rentables. L’As-sainissement total piloté par la commu-nauté (ATPC), l’objet de ce numéro spécial,recèle beaucoup de promesses dans ce sens.

À la différence de la plupart desapproches en matière d’assainissement,l’ATPC n’offre pas de subventions auxcommunautés pour construire des latrines.

Au lieu de cela, elle utilise des outils issus del’Évaluation rurale participative (ERP) pouraider les communautés à reconnaître lesproblèmes sanitaires associés à la défécationà l’air libre – plutôt que dans des latrines –et elle les mobilise pour les inciter à prendreune action collective afin d’y mettre fin. Unélément important de cette approche estd’encourager les gens à regarder, à parler età traiter de leur propre merde – ici, pas dejolis mots ni d’euphémismes ! L’ATPC aaussi la possibilité d’être un point d’entréepour travailler avec les communautés –lorsqu’elles ont fait l’objet d’un déclenche-ment, les communautés ont ensuite entre-pris d’autres activités collectives à mesurequ’elles s’efforçaient de mettre un terme à ladéfécation à l’air libre.

Après son introduction réussie en Asie,l’ATPC est désormais piloté dans certainspays d’Afrique subsaharienne. Ce numérospécial analyse les expériences de cespilotes et en dégage ce qui semble donnerde bons résultats, identifie les difficultés etexamine comment l’approche a besoind’être adaptée à ce nouveau contexte.

Éditorial

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Structure de ce numéro spécial Ce numéro spécial est divisé en cinqsections : • Il commence avec un tour d’horizon del’ATPC : comment il s’est développé ; enquoi il diffère des autres approches enmatière d’assainissement ; ses principauxéléments et les conditions de son succèsainsi que les questions et problèmes émer-gents en Afrique et ailleurs. Vient ensuiteun examen de l’ATPC en Afrique, qui tiredes leçons pour une mise en œuvre réussiede l’ATPC sur le continent en identifiant lesproblèmes éventuels lors du passage àl’échelle. • La 1ère partie examine de façon plus détail-lée les processus ATPC au niveau commu- n autaire, depuis des formes innovantes dedéclenchement, jusqu’à l’importance dulangage, en passant par l’appréciation destabous locaux et le potentiel que présentel’ATPC pour responsabiliser les enfants etles jeunes. • La 2ème partie se penche sur certains deschangements organisationnels et degestion requis pour que l’ATPC soit efficace.Nombre de ces leçons s’appliquent aussi àd’autres approches de développementparticipatives. • La 3ème partie considère les possibilités,les défis et les enseignements que présentele passage à l’échelle de l’ATPC, sur la basedes expériences acquises jusqu’ici enAfrique. • La 4ème partie est axée sur la formation etcomprend un article sur la formation des

facilitateurs ATPC et un extrait sur ledéclenchement tiré du Manuel de l’As-sainissement Total Piloté par la Commu-nauté (Kar et Chambers, 2008). Ellecomprend aussi un article sur la gestiond’un atelier d’écriture, en s’inspirant de l’ex-périence acquise lors de l’atelier que nousavons organisé dans le cadre de la prépara-tion de ce numéro consacré à l’ATPC.

Éditeurs invités Dans ce numéro, nos éditeurs invités sontSamuel Musembi Musyoki de Plan Kenyaet Petra Bongartz de l’Institute of Devel-opment of Studies (IDS), Royaume-Uni, encollaboration avec Angela Milligan del’IIED.

Samuel Musembi Musyoki estactuellement Directeur de Programmespour Plan International Kenya. Il a fait desétudes en anthropologie et développement(Politiques relatives aux stratégiesnouvelles de développement) et il peut setarguer de plus de 18 ans d’expériencecomme formateur et facilitateur de proces-sus de développement participatifs. Au fildes ans, il s’est spécialisé dans la planifica-tion stratégique, le développement organi -sationnel, la communication participative,le développement et la parité, les approchesdu développement fondées sur les droitshumains, et les approches participatives enmatière de recherche et de plaidoyer pourle développement. Au cours de sa carrière,il a participé à des travaux auprès d’agencesd’aide bilatérales, d’ONG nationales et

La coéditrice de PLA, Angela Milligan et l’auteureMariama Zombo en pleine discussion durant l’atelierd’écriture sur l’ATPC.

L’auteure Cathy Shutt présente son article auxparticipants à l’atelier d’écriture sur l’ATPC.

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internationales et auprès d’organisationslocales basées au Kenya, en Ouganda, enTanzanie, en Somalie, au Nigéria, en Indeet en Europe (Royaume-Uni, Finlande etAllemagne). Avant de rejoindre Plan Inter-national Kenya, il était le Coordonnateurdu travail en réseau et du renforcement descapacités pour l’Équipe chargée de laparticipation, du pouvoir et du change-ment social à l’Institute of DevelopmentStudies de l ’Université de Sussex auRoyaume-Uni. Il se passionne aujourd’huipour les programmes d’Assainissementtotal piloté par la communauté et pour lesApproches du développement fondées surles droits humains.

Petra Bongartz est chargée de la coor-dination, la communication et le travail enréseau pour l’Assainissement total pilotépar la communauté au sein de l’Institute of

Development Studies (IDS). Elle a d’aborddécroché un Master en littérature anglaisede l’Université de Sussex mais travailledepuis bientôt dix ans dans le développe-ment international. Avant de rejoindrel’IDS, Petra travaillait pour l’Alliance inter-nationale VIH/sida. Elle s’est impliquéedans l’ATPC depuis 2006, au départ àtravers le projet sur trois ans de réseautage,de recherche et d’apprentissage par l’actionfinancé par le DfID intitulé « Passer àl’échelle ? Le potentiel de l’Assainissementtotal piloté par la communauté » et depuis2009 dans des activités permanentes d’ap-prentissage par l’action et de travail enréseau financées d’abord par Irish Aid puispar la Fondation Bill et Melinda Gates, enassociation avec Robert Chambers etKamal Kar. Ses travaux impliquent lacommunication avec le réseau mondial depraticiens de l’ATPC, la gestion du site websur l’ATPC, ainsi que l’organisation et lacofacilitation d’ateliers de partage et d’ap-prentissage sur l’ATPC. Elle est aussiintéressée par les domaines de la danse, duyoga, du shamanisme et les pratiques spiri -tuelles et communautaires liées à l’actionpositive pour un monde qui soit sociale-ment équitable, écologiquement durable etspirituellement gratifiant pour tous.

La coéditrice de PLA, Angela Milligan,a travaillé étroitement avec les éditeursinvités et les auteurs pour coordonner etenrichir cette édition spéciale. Angela a prispart à l’atelier d’écriture sur l’ATPC auquelelle a apporté une précieuse contributionen sa capacité d’éditrice non spécialiséedans l’ATPC, personne ressource et co -facilitateur.

La naissance de ce numéroL’édition sur l’ATPC en Afrique a vu le jouril y a plus d’un an, suite à des discussionsentre Petra Bongartz et Robert Chambersde l’IDS et Samuel Musembi Musyoki dePlan Kenya. Petra et Samuel ont présentéune note conceptuelle qui expliquaitpourquoi une telle édition s’imposait, cequ’elle couvrirait et la marche à suivre, avec

Samuel Musembi Musyoki, éditeur invité, présente leprogramme de l’atelier aux participants pour la 1ère

journée de l’atelier d’écriture sur l’ATPC à Nairobi enjanvier 2010.

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et y compris un atelier d’écriture pourréunir des praticiens de l’ATPC. Suite à l’ac-cord des coéditeurs et du comité de rédac-tion de PLA, ils ont ensuite diffusé desappels à contributions auprès d’unepoignée de praticiens en ATPC présélec-tionnés et leur ont demandé de soumettredes résumés de 500 mots. Les contribu-tions finales ont été retenues sur la base deces résumés. Il a été demandé aux auteursde présenter au moins un avant-projet deleur article avant l’atelier d’écriture et ceux-ci ont été diffusés au préalable aux autresparticipants. Les articles ont été révisésdurant l’atelier et peaufinés suite à l’examendu Comité de rédaction de PLA. Le proces-sus de l’atelier d’écriture est décrit de façondétaillée dans l’article « Et si l’on écrivait !Gérer un atelier d’écriture participatif »,dans ce numéro.

Les articles de ce numéro témoignentde l’importance qu’il y a à ce que les prati-ciens prennent du recul afin d’avoir letemps de réfléchir à leur propre pratique etleurs expériences en matière d’ATPC. C’esten mettant en commun les idées et enréfléchissant aux questions émergentes,aux défis et aux innovations qui touchent

l’ATPC en Afrique que l’on pourra veiller àce que ces connaissances ne soient pasperdues et à ce que les praticiens en Afriqueet ailleurs bénéficient des enseignementsacquis jusqu’ici.

Remerciements Nous aimerions remercier nos éditeursinvités pour leur charisme, leur solidemaîtrise de l’ATPC et pour les énormesefforts et le temps précieux investis dans laréalisation de ce numéro. Nous adressonsaussi nos vifs remerciements à RobertChambers pour nous avoir rejoints lors del’atelier d’écriture sur l’ATPC et pour avoirpartagé ses expériences en matière derédaction (et bien d’autres encore !). Noustenons aussi à remercier Plan InternationalKenya et l’IDS pour avoir organisé etaccueilli l’atelier d’écriture, Grace Ogollapour son soutien administratif sans faille etDavid Ngige pour ses talents documen-taires. Enfin et surtout, nous sommes éter-nellement reconnaissants à nos auteurs quiont dû se plier à maints cycles de révisionavec patience et ténacité. Nous pensonsque le résultat final en vaut la peine et nousespérons qu’ils partageront cet avis ! Et

Le point d’embrasement : les villageois lèvent la main pour mettre fin à la défécation à l’air libre durant unesession de déclenchement ATPC dans le village de Kabengele, district de Chisamba en Zambie.

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c’est avec un immense plaisir que nousavons travaillé avec les auteurs lors de l’ate-lier d’écriture sur l’ATPC.

Nous remercions également lesréviseurs du comité de rédaction, qui nousobligent à toujours rester vigilants, ainsiqu’à Plan États-Unis, Plan Royaume-Uni,au bureau de Plan pour l’Afrique orientaleet australe et au Fonds des Nations Uniespour l’enfance (UNICEF) pour leur soutienfinancier, qui a permis aux participants àl’atelier d’écriture et à l’équipe de rédactionde se rendre à Nairobi et de prendre part àl’atelier. Nous remercions également IrishAid, qui a pris en charge le temps que Petraet Robert ont consacré à l’atelier ainsi quele DfID et l’Agence suédoise de coopérationau développement international (Sida) quiont pris à leur charge le temps passé parAngela.

Le mot de la fin… Que vous soyez déjà impliqué dans ledomaine de l’assainissement ou que vousrecherchiez de nouvelles façons detravailler avec les communautés, nousespérons que vous trouverez cette édition àla fois stimulante et pratique. L’ATPC enAfrique en est encore à ses balbutiements.Il existe beaucoup de marge pour dévelop-per l’ATPC et partager des expériences avecd’autres praticiens. Pourquoi ne pas relatervotre propre expérience en matière d’ATPC ?Nous avons hâte de vous lire...

RÉFÉRENCESKar, K. et R. Chambers (2008) Manuel de l’Assainissement Total Piloté

par la Communauté. Plan : Royaume-Uni et Institute of DevelopmentStudies (IDS) : Brighton, Royaume-Uni. En ligne :http://tinyurl.com/CLTShandbook. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/resource/handbook-community-led-total-sanitation

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1. Si la merde m’était contée :l’Assainissement total piloté par lacommunauté en Afrique – Tourd’horizon Petra Bongartz, Samuel MusembiMusyoki, Angela Milligan et Holly Ashley Plus de 2,6 milliards de gens dans lemonde ne disposent pas de toilettesdignes de ce nom. C’est la raison pourlaquelle la diarrhée et les maladies tuentquelque 1,8 million de personnes chaqueannée, et surtout des enfants de moins decinq ans. Dans ce tour d’horizon, noséditeurs invités brossent un tableau quiprésente l’Assainissement total piloté parla communauté (ATPC), une nouvelleapproche radicale en matièred’assainissement rural. Bien qu’il n’ait étédéployé en Afrique qu’au cours des troisdernières années, l’ATPC a fait denombreux adeptes et s’est propagé à unrythme étonnant. Les approchesclassiques en matière d’assainissementrural supposent que, si les gens sontsuffisamment éduqués concernantl’assainissement et l’hygiène, ils

changeront de comportement et si on lesaide à construire des toilettes, ils lesutiliseront. Toutefois, ces hypothèses dedépart se révèlent souvent erronées.L’ATPC ne cherche pas à éduquer etn’offre pas d’incitations financières. Aulieu de cela, il a recours à un processusparticipatif appelé « déclenchement » quidébouche sur une prise de conscience etmobilise les communautés en faveurd’une action collective pour lechangement. Au lieu de compter lenombre de latrines construites, le succès

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Des enfants chantent la merde à Masaffie, PortLoko, Sierra Leone

RésumésSi la merde m’étaitcontée :l’Assainissement totalpiloté par lacommunauté en Afrique

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du projet est indiqué par le nombre decommunautés qui obtiennent unecertification de Fin de défécation à l’airlibre (FDAL). L’ATPC souligne que mêmesi une minorité fait toujours ses besoinsen plein air au lieu d’utiliser des toilettes,tous les membres de la communautéfinissent par « manger la merde desautres ». L’ATPC encourage les gens àrompre le silence autour de ce sujet tabouen utilisant un langage cru et explicite quipermet de faire toute la lumière sur lamerde et ses dangers. L’ATPC exige unchangement de mentalité et decomportement à tous les niveaux –communautés, facilitateurs, organisationset gouvernements sont mis au défi depenser et d’agir autrement.

Les auteurs décrivent quelques-unsdes enseignements de la masse croissanted’expériences acquises en matière d’ATPCen Afrique. Au niveau communautaire, ilsmettent en lumière des formes dedéclenchement inédites, l’importance duregistre linguistique employé, ens’appuyant sur une appréciation destabous locaux, et ils évoquent le potentielde l’ATPC pour responsabiliser les jeuneset les enfants. Ils identifient les difficultésque présente le passage à l’échelle et ilsconsidèrent certains des changementsorganisationnels et d’encadrement requispour que l’ATPC soit efficace ainsi que lespossibilités, les défis et les enseignementsassociés au passage à l’échelle de l’ATPC.Ils abordent également l’importance querevêtent une formation et une facilitationde qualité, l’identification des championset des leaders naturels de l’ATPC, ledialogue avec les pouvoirs publics etl’implication de tous les secteurs. L’articlefait également mention des problèmes liésà la vérification, la certification et auxactivités de suivi pour s’assurer de lapérennité du statut FDAL et il évoque lapoursuite d’actions afin de prolonger l’élande développement communautaire. Lesauteurs concluent que la documentationet le partage d’expériences entre praticiens

doivent être encouragés de façon à ce queles leçons apprises ne soient pas perduesmais puissent aider à améliorerconstamment les pratiques et lespolitiques en matière d’ATPC.

2. Passage à l’échelle de l’ATPC enAfrique subsaharienneSophie Hickling et Jane Bevan Sur 44 pays d’Afrique subsaharienne,seuls quatre sont actuellement bien placéspour atteindre la cible 7 relative àl’assainissement des Objectifs duMillénaire pour le développement(OMD). La diarrhée est une cause dedécès majeure en Afrique subsaharienneet elle est clairement liée à un manqued’assainissement, d’hygiène etd’approvisionnement en eau. On estime à565 millions le nombre de personnes enAfrique subsaharienne sans accès à unassainissement amélioré et, pire encore, à224 millions le nombre de gens quipratiquent la défécation à l’air libre – lapratique la plus risquée de toutes. Ici, lesauteurs décrivent comment le Fonds desNations Unies pour l’enfance (UNICEF)

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Une carte du village de Buleze, en Zambie, montrele nombre de ménages qui disposent ou non delatrines, avec ou sans couvercle et/oud’installations pour le lavage des mains – et le coûtdes frais médicaux associés à un traitementantidiarrhéique.

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travaille avec des partenaires pour mettreen œuvre un Assainissement total pilotépar la communauté (ATPC) dansplusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Ila été prouvé que les approches pilotéespar la communauté en matièred’assainissement ont rapidementamélioré le taux de couverture desservices d’assainissement en Asie et ontrécemment été introduites en Afrique. Cetransfert positif Sud-Sud affiche de réellespromesses comme moyen d’accélérerl’augmentation du taux de couverture.Une fois passé à l’échelle, il offre un réelpotentiel d’avoir un impact manifeste surles chiffres consternants évoqués plushaut. Cet article se penche sur plusieursdes multiples opportunités et desnombreux défis rencontrés durantl’introduction de l’ATPC en Afrique à cejour, aussi bien par l’UNICEF que par sespartenaires – et il considère les questionsclés en termes de passage à l’échelle et depérennité.

1e PARTIE : PROCESSUS AU NIVEAUCOMMUNAUTAIRE3. Libérer l’imagination : innovationsen matière de facilitation ATPC auZimbabwe Herbert Kudzanai Chimhowa Les bonnes approches participativespartent du principe que les communautésont conscience de leur situation et peuventidentifier leurs propres solutions durables.L’Assainissement total piloté par lacommunauté (ATPC) utilise des outilsparticipatifs de manière à ce que lescommunautés puissent activement etcollectivement réaliser et transformer laréalité de leur situation en termesd’assainissement et d’hygiène. Lors du « déclenchement » de ce processus dansles communautés, la flexibilité etl’innovation sont encouragées. Les bonnespratiques exigent que les facilitateursATPC s’adaptent au contexte culturel etreligieux en présence et qu’ils innovent etpartagent de nouveaux outils entre

praticiens. L’ATPC a été introduit pour lapremière fois au Zimbabwe en novembre2008 et cet article explore comment desfacilitateurs et des membres de lacommunauté (leaders naturels) animés dela même passion ont développé un certainnombre d’outils pour inciter lescommunautés à mettre fin à la défécationà l’air libre.

4. Promenade dans l’allée interdite :quand parler de merde promeutl’assainissement Mariama Munia Zombo Cet article explore le pouvoir des motsdans l’Assainissement total piloté par lacommunauté (ATPC). L’auteure sepenche sur l’expérience des facilitateurslorsqu’ils parlent de merde avec lescommunautés de la Sierra Leone et ellemet en relief les blocages culturels cachésqui peuvent entraver l’assainissementtotal dans les communautés – mais quipeuvent aussi être transformés enprécieux alliés. L’auteure explore le rôleque peuvent jouer les chansons, l’humour,la religion et les enfants pour mettre unterme à la défécation à l’air libre (DAL).Elle montre également comment lelangage, les mots, les fables et les adagesque les communautés elles-mêmesutilisent continuent d’influencer leurcomportement en matièred’assainissement et d’hygiène, mêmeaprès la certification de la Fin de ladéfécation à l’air libre (FDAL). L’articleexplore les difficultés que pose lemaintien d’un « niveau élevé »d’assainissement total dans lescommunautés. En outre, il fait ressortirles défis associés à l’élimination desobstacles qui banalisent les discussionssur la merde et les actions des pouvoirspublics et des institutions.

5. D’amazzi à amazi : ce n’est pas unproblème d’eau Terry A. Wolfer et Robin W. Kloot Au départ, les auteurs avaient été invités

11l Résumés

en Ouganda pour aider une équipe debénévoles américains à mettre en œuvreun projet d’eau salubre. Mais ils ont finipar aborder le problème et sa solutiond’une façon totalement différente.Qu’ont-ils compris ? Qu’il ne s’agissait pasd’un problème d’eau, mais d’un problèmede merde. Cet article explique commentils sont passés d’une approchesubventionnée par l’extérieur et basée surla technologie qui était axée sur l’eausalubre pour adopter une relation detravail avec des collègues ougandaislocaux afin de mettre en œuvre uneapproche plus participative, inspirée parla base et axée sur l’information centréeautour de l’Assainissement total piloté parla communauté (ATPC). Les auteursdécrivent les effets de l’intervention ATPCsur de nombreuses relations au seinmême des communautés, entre elles etentre les chefs communautaires et l’ONGmarraine.

6. Rompre les tabous de merde : l’ATPCau Kenya Buluma Bwire L’Assainissement total piloté par lacommunauté (ATPC) a été introduit dansle district de Kilifi au Kenya par PlanKenya en 2007, en association avec leministère kenyan de la Santé publique etde l’Assainissement. Depuis lors, le projeta connu un rythme endiablé deconstruction et d’utilisation des latrinespar les communautés locales. Alors qu’iln’y avait qu’un village FDAL en 2007, onen compte désormais plus de 200. Lenombre de latrines est passé de 300 en2007 à plus de 4 550 en 2009. Le succèsde l’ATPC a tiré parti des pratiquesd’assainissement locales, qui reposent surles croyances culturelles qui affectent tousles aspects de la vie quotidienne desvillageois. Cela a permis de déclencher ausein des communautés un désir de mettrefin à la défécation à l’air libre et d’adopterl’approche ATPC. Cet article examine lelien entre ces pratiques d’assainissement

local et le succès de l’ATPC dans le districtde Kilifi.

7. L’ATPC en Afrique de l’Est : unmoyen de responsabiliser les enfants etles jeunes ? Cathy Shutt Cet article se penche sur les conclusionsde recherches menées afin d’encouragerles praticiens et les membres de lacommunauté à explorer l’étendue et leseffets de l’implication des jeunes et desenfants dans les changements au niveaucommunautaire essentiels pour la réussitede l’Assainissement total piloté par lacommunauté (ATPC). Le principalargument est que la phase dedéclenchement équipe les jeunes et lesenfants du désir et de l’aptitude àcontribuer à ces changements mais descontraintes pratiques, de même que desfacteurs culturels et sociaux, façonnent lanature même de l’aptitude de chaqueenfant. Tout semble indiquer que laparticipation des jeunes et des enfantsaux processus ATPC peut, dans certainscas, contribuer à une transformation desrelations entre les adultes et les jeunes, enouvrant la voie à une responsabilisationdes jeunes et des enfants. Toutefois, lesconclusions indiquent qu’il n’est jamaissans risque de défier les relations depouvoir. L’auteure termine avec une miseen garde, en soulevant des questionsauxquelles devront répondre lespraticiens qui sont intéressés par lepotentiel de l’ATPC pour mettre en œuvreune participation plus sérieuse des jeuneset des enfants dans les programmes dedéveloppement de la communauté etdans la gouvernance.

2e PARTIE : CHANGEMENTSORGANISATIONNELS ET DE GESTION8. Les approches participatives enmatière de développement exigent unegestion participative ! Ashley Raeside L’Assainissement total piloté par la

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communauté (ATPC) est une manièrefoncièrement différente d’aider les villagesruraux à se mettre, et à rester, à l’abri desdangers que pose leur propre merde.L’ATPC exige des agents de terrain qu’ilsdeviennent les facilitateurs à la foisprovocants et participatifs de processuscomplexes de changement decomportement individuel et collectif. Ils nese contentent plus de diffuser desbrochures et des messages sanitairespréparés par des experts dans la capitale.Pour que les agents de terrain puissent setransformer en facilitateurs ATPCtalentueux, ils ont besoin d’un autre genrede formation et d’un soutien permanent dela part de leurs responsables locauxdifférent de celui qui leur a été prodiguédans le passé. Le style de gestion directifqui a longtemps dominé doit céder la placeà un style caractérisé par unaccompagnement plus bienveillant. Maisles responsables en première ligne seront-ils prêts à reconnaître ce besoin detravailler autrement avec leurs agents deterrain ? Peuvent-ils développerindépendamment les attitudes et lescompétences requises pour devenir desgestionnaires plus participatifs et plusstratégiques ? Cet article s’efforce demotiver les gens qui fournissent un soutientechnique aux responsables de l’ATPC surle terrain en guise de moyen de renforcer etd’élargir leur capacité de gestion de leursfacilitateurs et de leurs programmes.L’article fait part de l’expérience aléatoirede l’auteure lorsqu’elle a été amenée àfournir un appui technique à 12 équipes degestion de projet ATPC issues descollectivités locales au Malawi. S’il arrive àses fins, l’article pourra peut-être inciterd’autres prestataires de soutien technique àmodifier pour le mieux leur propre style desoutien technique.

9. Adoption de l’ATPC : votreorganisation est-elle prête ? Analyse desbesoins organisationnelsJean-François Soublière

Dans cet article, l’auteur s’inspire de sonexpérience avec Ingénieurs sansfrontières Canada. De février 2008 àoctobre 2009, il a été détaché à WaterAidBurkina Faso lorsque l’ONG a décidéd’adopter l’Assainissement total piloté parla communauté (ATPC). Ici, il analyse lesimplications pratiques que posel’adoption de l’ATPC pour les facilitateurs,les gestionnaires et les organisations.L’article est particulièrement pertinentpour les responsables du développementqui ont entendu parler de l’approcheATPC et souhaiteraient la mettre enœuvre, la soutenir ou la financer. L’auteurestime que toutes les organisations nesont pas prêtes à adopter l’ATPC sansréévaluer leur culture organisationnelle,leurs pratiques sur le terrain, leursprocessus organisationnels et leurcontexte institutionnel. L’argument estétoffé en discutant d’abord les diversesraisons qui peuvent inciter les agences dedéveloppement à abandonner leursapproches antérieures en matièred’assainissement pour souscrire à l’ATPC,ou au contraire les en dissuader. L’auteuranalyse ensuite les différentesimplications de l’ATPC pour le mode defonctionnement des agences dedéveloppement.

3e PARTIE : PASSAGE À L’ÉCHELLE10. Révolutionner l’assainissement enZambie : mettre l’ATPC à l’échelleGiveson Zulu, Peter Harvey et LeonardMukosha Dans cet article, les auteurs se penchentsur la façon dont l’Assainissement totalpiloté par la communauté (ATPC)contribue à révolutionner la couverturede l’assainissement dans les zones ruralesde la Zambie. D’après l’UNICEF/OMS,plus d’un tiers des Zambiens qui vivent enzone rurale font leur besoin en plein air.Dans le passé, les approches en matièred’assainissement ont été inadaptées,même avec des subventions. En 2007, legouvernement de la Zambie et des

13l Résumés

partenaires ont tenté d’identifier denouvelles stratégies afin d’atteindre lacible d’assainissement de 66 % énoncéedans les Objectifs du Millénaire pour ledéveloppement. Une approche ATPC àsubvention nulle a été introduite dans ledistrict de Choma avec beaucoup desuccès. Le taux de couverture del’assainissement est passé à 67 % et legouvernement projette à présent dedéployer le programme ATPC dansl’ensemble de la Zambie. Parmi les leçonstirées de la Zambie figurent la souplesseen termes de structures, de calendrier etde financement et l’adaptation de l’ATPCaux conditions locales. Une adoption partous les secteurs, la participation desmass-médias et le rôle des chefscoutumiers locaux ont joué un rôle vitaldans le succès de l’initiative. Les auteursconcluent que, pour réussir son passage àl’échelle, l’ATPC a besoin d’un suivirigoureux, d’une documentation et d’unediffusion méthodiques.

11. Bousculer les mentalités : l’ATPC etles politiques gouvernementales auZimbabwe Samuel Rukuni Ici, l’auteur discute commentl’Assainissement total piloté par lacommunauté (ATPC) remet en questionles perceptions et les politiquesd’assainissement au Zimbabwe. Sonapproche à subvention nulle a rencontrédes réactions mitigées. Depuis 1980, legouvernement a adopté des normesd’assainissement, grâce à un programmenational d’assainissement fortementsubventionné. Toutefois, le gouvernementne disposait pas des ressourcesnécessaires pour soutenir le programmeet, sans subvention, les modèles de latrinesont inabordables pour la plupart descommunautés rurales. En revanche,l’ATPC a été piloté au Zimbabwe en2008, durant une récession économiqueet une épidémie de choléra dévastatrices.La diminution spectaculaire de l’aide au

développement et des subventions auZimbabwe a incité beaucoup decommunautés à identifier leur propresolution d’assainissement. L’ATPC offreassez de souplesse pour y parvenir et, auniveau du district et de la communauté, ila été très largement adopté. Toutefois, auniveau des autorités nationales,l’approche a été contestée. Les politiquesexistantes, l’incapacité institutionnelle etdes approches non coordonnées face auxinterventions d’assainissement sont desdéfis majeurs. Pourtant, l’ATPC a donnéconfiance à bon nombre de communautéspour qu’elles trouvent leur propresolution. L’auteur conclut que l’importantn’est pas de prescrire des structuresd’assainissement – il s’agit plutôt dechanger les mentalités.

12. Passage à l’échelle de l’ATPC auKenya : opportunités, défis etenseignements Samuel Musembi Musyoki Au premier abord, il peut paraîtreextrêmement impressionnant des’attaquer au besoin d’un meilleur accèsà l’assainissement au Kenya. Depuis biendes années, Plan Kenya, tout commebeaucoup d’agences de développement, aconstruit des latrines. Pourtant, cetteapproche par subvention a échoué. C’estla raison pour laquelle Plan Kenya achangé son fusil d’épaule et se sertdésormais de l’Assainissement totalpiloté par la communauté (ATPC).L’ATPC semble essentiel pourtransformer l’attitude et lecomportement des communautés enversl’assainissement et une bonne hygiène.Alors qu’en novembre 2007, le districtde Kilifi comptait un village qui avaitmis fin à la défécation à l’air libre(FDAL), il en existe désormais plus de200. Au mois de mai 2010, près de 400villages avaient été déclenchés dansl’ensemble du pays. L’approche s’estimposée auprès du ministère de la Santépublique et de l’Assainissement et de

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divers acteurs du secteur del’assainissement. On observe unedemande accrue de la part dugouvernement, des ONG et des agencesonusiennes pour mettre l’ATPC àl’échelle. Cet article partage quelquesperspectives à l’intention de ceux quienvisagent d’introduire et/ou de mettrel’ATPC à l’échelle. Tout d’abord, ilprésente le contexte kenyan en matièred’assainissement et plaide en faveur del’ATPC ; il relate le cheminement et lesexpériences de Plan Kenya en matièred’ATPC et souligne les opportunités, lesdéfis et les enseignements que lesinstitutions et les praticiens individuelsdevraient prendre en compte lors de lamise en œuvre de l’ATPC.

13. La merde se déplace vite : vers unréseau ATPC mondialPetra Bongartz Dix ans après l’apparition del’Assainissement total piloté par lacommunauté (ATPC) au Bangladesh, ilexiste un réseau mondial puissant etenthousiaste qui ne cesse de croître etréunit des gens qui travaillent ensemble àmettre fin à la défécation à l’air libre. Lesactivités de travail en réseau, de partageet d’apprentissage, telles que cellescoordonnées par l’Institute ofDevelopment Studies (IDS) jouent unrôle essentiel pour soutenir l’ATPC aumoment de son passage à l’échelle. Le faitde veiller à ce que les praticiens tirent desleçons de leurs collègues et mettent encommun leurs expériences et lesproblèmes rencontrés peut contribuer àaméliorer les pratiques et à influencer lespolitiques. Ici, l’auteure décrit commentrelier les gens par e-mail, ou grâce au siteweb de l’ATPC ou encore en lesréunissant sous un même toit sont autantd’outils efficaces de changement.

4e PARTIE : CONSEILS AUXFORMATEURS14. Note aux formateurs, facilitateurs et

à ceux qui commanditent uneformation ATPC Samuel Musembi Musyoki Alors que l’Assainissement total piloté parla communauté (ATPC) continue deprendre de l’ampleur en Afrique,beaucoup d’organisations veulent lemettre à l’échelle. Ce phénomène afortement augmenté la demande enformation et en appui aux facilitateurspour veiller à ne pas compromettre laqualité lors du processus de passage àl’échelle. Le passage à l’échelle est en effetnécessaire pour que l’ATPC puisseapporter une contribution notable auxconditions de vie de nombreux millionsd’habitants d’Afrique subsaharienne. Laqualité de la formation et de l’appui estessentielle pour une mise à l’échelleperformante de l’ATPC. Cette note fournitquelques conseils sur les choses à prendreen compte. Les conseils sont simples etdressent une liste succincte de choses àfaire et à ne pas faire : les choses qui ontmontré qu’elles marchaient et celles quine marchent pas. Elle est basée surl’expérience personnelle de l’auteur entant que formateur, facilitateur etresponsable ATPC.

15. Déclenchement : extrait du Manuelde l’Assainissement Total Piloté par laCommunautéKamal Kar et Robert Chambers Le Manuel de l’Assainissement TotalPiloté par la Communauté signé deKamal Kar et Robert Chambers renfermedes informations détaillées sur l’ATPC,ses phases de pré-déclenchement, dedéclenchement et d’après-déclenchement, ainsi que des exemples etdes études de cas recueillis à travers lemonde. Cette section des Conseils auxformateurs reproduit le chapitre sur ledéclenchement dans les communautés.L’extrait décrit une série d’outils dedéclenchement ATPC, dont certains desauteurs de cette édition spéciale font aussimention dans leurs articles.

15l Résumés

16. Et si l’on écrivait ! Gérer un atelierd’écriture participatifAngela Milligan et Petra Bongartz Les adeptes du développementparticipatif, notamment ceux du Sud,sont confrontés à différents obstaclespour partager leurs acquis et le fruit deleurs réflexions avec un public plus large.Parmi ces barrières, citons des contrainteslinguistiques, des pressions en termes detemps et un manque d’expérience et deconfiance lorsqu’il s’agit de rédiger desarticles. Ces obstacles sont encore plusdurs à surmonter pour les femmes. Celapose un problème pour ParticipatoryLearning and Action (PLA) carl’expérience des praticiens, notammentceux du Sud, est précisément celle quenous voulons capturer. Récemment, nousavons fait quelques essais avec des ateliersd’écriture participatifs comme un moyenpossible d’aider les praticiens à contribuerà des éditions thématiques. Pour lenuméro de PLA consacré àl’Assainissement total piloté par lacommunauté (ATPC), Plan Kenya, l’IDSet l’IIED ont organisé un atelier d’écritured’une semaine à Nairobi au Kenya. Cettesection des Conseils aux formateurs décritl’atelier d’écriture sur l’ATPC, en tire desconclusions pour la gestion réussie d’unatelier d’écriture et se penche surcertaines des difficultés associées àl’organisation de ce type d’ateliers.

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Dans l’Assainissement total piloté par lacommunauté (ATPC), on utilise toujoursle mot vulgaire local pour dire « merde »,afin de balayer le silence imposé autourde la défécation à l’air libre.

Au cours des multiples ateliersorganisés dans différents pays, nous avons

compilé une liste de mots pour diremerde dans différentes langues et cetteliste ne cesse de s’allonger.

Nous sommes toujours heureux decompléter notre liste. N’hésitez pas ànous envoyer le mot vulgaire pour diremerde dans votre propre langue !

Glossaire internationalde la merde

Mot Langue PaysAar Amhara Éthiopie Aca Quechua Les Andes Acin Ateso Ouganda Amabi Kikisii Kenya Amabyi Kinyarwanda Rwanda Amatuvi Ndebele Zimbabwe Amazi Kiaaya TanzanieAre Amharic Éthiopie Ayee Tamoul Inde Bahaya Hausa Nigéria Bajs Suédois Suède Bbi Luganda Ouganda Behpeh Fula Sierra Leone Bin Burkina Faso Bista Sanskrit Inde Buwo Maninka Guinée, Mali, Libéria, Sénégal,

Sierra Leone, Côte d’Ivoire

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Mot Langue PaysCaca Espagnol Espagne Cacca Italien ItalieChieth Luo KenyaChilo Sidama ÉthiopieChino Kambata, Halaba ÉthiopieChiro Hadiya ÉthiopieChus Cachemiri CachemireCócó Portugais MozambiqueCrap Anglais Royaume-UniDai Wolof Sénégal, GambieDdong Coréen CoréeDodi Fula Sénégal, Gambie, GuinéeDump Anglais Royaume-UniEmi Idoma NigériaEnen Timni Sierra LeoneEnim Themne Sierra LeoneFun bin Chinois Chine continentaleGaac Khmer CambodgeGaluscio Dialecte génois Gênes, ItalieGand Ourdou PakistanGandagi IndeGhaleez IndeGhu Penjabi IndeGo Dari AfghanistanGoo Hindi IndeGu Bangla, Népalais, Marathi Bangladesh, Népal, IndeGuha Oriya IndeHaar Somali SomalieHagoo Bengalî IndeHya Khmu LaosInkik Massaï KenyaJhada Oriya Inde

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Une femme pouffe de rire à l’idée du volume demerde que produit sa voisine en une journée, PortLoko, Sierra Leone.

Point d’embrasement : les membres de lacommunauté réalisent que la défécation à l’air libresignifie qu’ils mangent tous la merde de leurs voisins,Sayaya, Nigéria.

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Mot Langue PaysKaashi Hausa Nigéria Kacke Allemand AllemagneKak Néerlandais Pays-BasKaka Créole, Bosnien, Zulu Sierra Leone, Bosnie, Afrique du SudKakashka Russe RussieKakazaharra Basque Pays basque (Espagne)Kakus Malayalam IndeKamafwi Bukusu KenyaKashi Hausa NigériaKelkel Tigriga ÉrythréeKhah Kinnaur Himachal Pradesh, IndeKhara Arabe ÉgypteKhi Lao, Thaï, Newari Laos, Thaïlande, NépalKi-i (KiHe) Garo IndeKokoblaii Loko Sierra LeoneKpui Mande Sierra LeoneKuso Japonais JaponMaafi Chagga TanzanieMagoo Shona ZimbabweMai Kikamba, Kikuyu, Kimeru KenyaMaidan IndeMalam Tamoul IndeManyi Ehichewa MalawiMatudzi Sena MozambiqueMatusi ZimbabweMatuvo Burkina FasoMatuzu Shona ZimbabweMatximba Shangana MozambiqueMavh Kiduruma KenyaMavi Kiswahili, Kitaita, Chitumbuka Kenya, MalawiMazi Tonga ZambieMerda Italien ItalieMerda Catalan Catalogne (Espagne)Merde Français FranceMierda Espagnol Espagne, Amérique du SudMifi Ndamba TanzanieNgachin Turkana KenyaNshi Ibo NigériaPakhana Hindi/Bangla Inde/BangladeshPee Tamoul IndePhân Vietnamien Viet NamPoep Néerlandais Pays-BasPoolang Kissi Sierra LeoneRebam Ufia NigériaSandaas Marathi Maharashtra, IndeScheisse Allemand AllemagneSchijt Néerlandais Pays-BasShi Marathi Maharashtra, Inde

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Mot Langue PaysShit Anglais Royaume-Uni, Etats-UnisShite Irlandais IrlandeShiya Wolaita ÉthiopieShonde Sheng KenyaShowch IndeSi Chinois Hong KongSkat Anglais Royaume-UniSkiete Frison Pays-BasSkit Suédois SuèdeStront Néerlandais Pays-BasStronzo Italien ItalieTai Bahasa Indonésie IndonésieTati/Tatti Hindi, Ourdou Inde, PakistanTeettam Malayalam IndeTeifi Twi GhanaThi Manipuri IndeTurd Anglais Royaume-UniTushi ZambieTutu Hausa NigériaUdan Oromo ÉthiopieUnchi Japonais JaponUnko Japonais JaponVishtha Marathi Maharashtra, IndeWaduk Bahasa Indonésie Indonésie

Merde d’enfantAppy Malayalam IndeCaca Français FranceKaka Allemand AllemagneGhulAnsanee gozlaGhoorasCheekiIzu Tribus khandwa Madhya Pradesh, IndeShinaBrushaskiKhaka Krio Sierra LeonePoo Anglais Royaume-UniBajs Suédois Suède

Source : site web de l’Assainissement total piloté par la communauté Site web : www.communityledtotalsanitation.org/resource/international-glossary-shit Courriel : [email protected]

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Le calcul de la merde et des dépensesmédicales sont deux exercices utilisésdans le déclenchement. Dans le calcul dela merde, il est demandé aux membres dela communauté de calculer le volume demerde produit par chaque famille en unejournée/une semaine/un mois/uneannée. Les volumes sont ensuite cumuléspour estimer le volume de merde produitpar la communauté tout entière.Naturellement, une question se posealors : où va donc toute cette merde ? Lacommunauté calcule aussi les dépensesconsacrées aux frais médicaux, p. ex.pour le règlement des médicaments, desdocteurs, des hôpitaux et des guérisseurstraditionnels, ainsi que les déboursassociés comme les frais de transport, deséjour dans la ville où se trouve l’hôpital,etc. Le plus important n’est pas que ceschiffres soient parfaitement exacts. Ils’agit plutôt de démontrer le lien entre levolume de merde produit et lesimplications en termes de santé et demoyens de subsistance.

La certification correspond à laconfirmation et la reconnaissanceofficielles de la Fin de la défécation à l’airlibre (FDAL).

ATPC fait référence à l’Assainissementtotal piloté par la communauté. Il s’agitd’une approche intégrée permettant demettre Fin à la défécation à l’air libre(statut FDAL) et le maintien de cet état.L’ATPC suppose la facilitation de

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Glossaire des termes etdes sigles liés à l’ATPC

Le calcul du volume de merde par semaine, par moiset par an pour chaque ménage du village deSimoonga en Zambie.

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l’analyse par la communauté de sasituation d’assainissement, ses pratiquesen matière de défécation et leursconséquences, pour déboucher sur uneaction collective visant à atteindre lestatut FDAL. Les processus ATPCpeuvent se dérouler simultanément ouprécéder et déboucher sur l’améliorationde la conception des latrines ; l’adoptionet l’amélioration des pratiques d’hygiène ;la gestion des déchets solides ;l’évacuation des eaux usées ; lapréservation, la protection et l’entretiendes sources d’eau potable et diversesautres mesures de protection del’environnement. Dans bien des cas,l’ATPC amorce une série de nouvellesactions collectives de développementlocal par les communautés FDAL.

Nourriture et merde est un exercicefréquemment utilisé durant la phase dedéclenchement pour illustrer lacontamination des aliments par lesmouches. Cela démontre clairement quepersonne, pas même quelqu’un qui a destoilettes, n’est protégé de l’impact de ladéfécation à l’air libre sur la santé et quele seul remède est une communauté où ladéfécation à l’air libre est totalementéradiquée.

Le lavage des mains est aussi reconnucomme un élément clé de l’ATPC, unfacteur qui n’a cessé de gagner del’importance depuis la premièreapparition de l’approche. Le lavage desmains après la défécation et avant demanger ou de toucher la nourriture esttout aussi important dans la préventionde la propagation des maladiesinfectieuses que de mettre un terme à ladéfécation à l’air libre. Si les gensutilisent une latrine mais ne se lavent pasles mains, ils arrivent tout de même àmanger leur propre merde et à propagerles bactéries. Une installation de lavagedes mains peut se résumer à un simplebidon rempli d’eau avec un trou bouché

au moyen d’un bâton qui est accroché àl’envers à l’extérieur de la latrine. Là oùl’eau manque et le savon n’existe pas, onpeut utiliser de la cendre pour se laver lesmains.

Le point d’embrasement est le pointcritique durant le déclenchement lorsduquel les membres de la communautéprennent conscience du fait qu’en raisonde la défécation à l’air libre, ils ingèrenttous la merde des autres et que celarestera le cas tant que la défécation à l’airlibre ne sera pas éradiquée. Dégoût, chocet embarras s’inscrivent alors en grosseslettres sur les visages de tous lesparticipants. On est témoin d’un signed’embrasement lorsque certainsmembres de la communauté se mettenten avant et expriment leur souhait demettre fin à la défécation à l’air libre etconsidèrent la façon d’y parvenir.

Les leaders naturels (que l’on appelleaussi parfois les leaders spontanés) sontdes militants et des enthousiastes quisortent du lot et deviennent chefs de fileau cours des processus ATPC. Hommes,femmes, jeunes et enfants peuvent tousdevenir des leaders naturels. Certainsleaders naturels deviennent desconsultants communautaires ; ilsorganisent des sessions dedéclenchement, encouragent et

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Un leader naturel dans le village de Ndeke en Zambieprésente le plan d’action du village, une carte desressources du village et un modèle de latrine.

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soutiennent d’autres communautés quela leur.

DAL signifie Défécation à l’air libre –déféquer en plein air et laisser lesexcréments exposés à l’air libre.

FDAL veut dire Fin de la défécation à l’airlibre, c’est-à-dire lorsque les matièresfécales ne sont plus directement exposées àl’air libre. Une latrine à fosse sans couverclereprésente une forme de défécation à l’airlibre (DAL à un point fixe), mais si elle estdotée d’un couvercle empêchant lesmouches d’entrer en contact avec lesmatières fécales (recouvertes ou non decendre après la défécation), la latrine peutalors être qualifiée de FDAL. Le fait dedéféquer dans une tranchée et de recouvrirles matières fécales (ce que l’on appelleaussi « creuser et enterrer » ou encore « laméthode du chat ») peut constituer unetransition du statut DAL vers celui deFDAL.

Cartographie. Le déclenchementcommence généralement avecl’établissement d’une carte qui est l’undes principaux outils pour impliquer tousles membres de la communauté dans uneanalyse pratique et visuelle de leur

situation en matière d’assainissement.Une simple carte de la communauté esttracée, le plus souvent à même le sol, et ilest demandé à tous les ménages delocaliser leur foyer, en indiquant s’ils ontou non des latrines et où ils vont pourdéféquer. La carte peut montrer de façonparlante que les gens font leurs besoinsquasiment aux portes de leurs voisins,quelle distance ils doivent parcourir pourdéféquer (et les questions de sécuritéassociées) et pourquoi les sources d’eaurisquent d’être contaminées.

Objectif du Millénaire pour ledéveloppement (OMD) en matièred’assainissement. Les OMD fixent huitjalons numériques concrets qui sontcensés résorber la pauvreté extrême danstoutes ses dimensions. L’OMD 7 consisteà « assurer un environnement durable ».L’une des cibles de cet objectif est deréduire de moitié la proportion depersonnes qui ne disposent pas d’unaccès durable à l’eau potable et à unassainissement de base d’ici à 2015. Celacorrespond à la fraction de la populationdisposant d’une source améliorée d’eaupotable et la fraction de la population quiutilise des installations d’assainissementaméliorées.1

1 Source : www.undp.org/mdg/goal7.shtml

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Des habitants du village de Kabengele, dans le district de Chisamba en Zambie, créent une carte qui illustreleur situation en matière d’assainissement durant une session de déclenchement de l’ATPC.

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PHAST (de l’anglais ParticipatoryHygiene and Sanitation Transformationou Transformation participative enmatière d’hygiène et d’assainissement)est une méthode de formationparticipative qui utilise des supportsvisuels pour démontrer le lien entrel’assainissement et la situation sanitaire.Elle vise à accroître l’estime des membresde la communauté et leur donne lesmoyens de planifier une amélioration deleur cadre de vie et de s’approprier etgérer leurs installations d’eau etd’assainissement. Voir le Manuel Pas àpas sur PHAST, OMS, 1998.

L’échelle de l’assainissement montreune gamme de latrines différentes que lesgens peuvent adopter, indépendammentde leurs circonstances. Il est importantque les gens grimpent à l’échelle del’assainissement en commençant sur lebarreau qui convient à leur propresituation et à leurs circonstances – mêmedes modèles tout simples et abordablespeuvent protéger contre les maladies etautres effets néfastes de la défécation àl’air libre. Les gens peuventprogressivement grimper à l’échelle pouratteindre des modèles plus coûteuxlorsqu’ils peuvent finalement se lepermettre. Parmi les différents barreauxde l’échelle, on peut citer :Latrine à fosse : dispose d’un couvercle

pour empêcher le contact avec lesmatières fécales par les humains, lesanimaux et les insectes, unesuperstructure pour préserverl’intimité de l’usager et pour saprotection, et un tuyau d’aérationrecouvert de gaze pour empêcher lesmauvaises odeurs et les mouches depénétrer dans la latrine. La fosse peutêtre renforcée pour empêcher soneffondrement. Le fait d’ajouterrégulièrement de la cendre dans lafosse accélère le processus dedécomposition, tue les larves demouche et évite les mauvaises odeurs.

La latrine à fosse est une solution peucoûteuse et facile à construire et àentretenir mais la fosse doit êtredéplacée ou vidée régulièrement.

Latrine améliorée à fosse ventilée (ouVIP, de l’anglais ventilated improvedpit latrine) : un peu plus coûteuse, ellemet en œuvre une technologie un peuplus compliquée. Un tuyau d’aérationplus haut que la superstructure permetde réduire les mauvaises odeurs et lesmouches. Ces latrines restent bonmarché et faciles à entretenir mais ellessont tributaires du vent et elles sontsombres à l’intérieur.

Latrine à siphon hydraulique : utiliseune cuvette dotée d’un jointhydraulique connecté à une fosse parun tuyau. Cela empêche les mouches etles odeurs de sortir de la fosse mais celanécessite une source d’eau.

Toilettes à compost : varie beaucoup entermes de construction et de prix. Ellesutilisent toutes des micro-organismespour décomposer les déjections encompost organique, dit purin ou lisier.Différents systèmes d’aération ou deventilation peuvent être utilisés pouraccélérer le processus de compostage.Les toilettes à compost présentent les

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Croquis d’un modèle de latrine améliorée auto-ventilée dans le village de Kabengele en Zambie.

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avantages suivants : la réutilisation ducompost sous forme d’engrais, lapollution réduite des eaux souterraineset le fait qu’elles suppriment ladépendance envers l’eau ; toutefois laconstruction doit être réalisée par de lamain-d’œuvre qualifiée.

Latrine de type Arborloo : utilise unefosse très peu profonde (moins d’unmètre de profondeur) dont lasuperstructure est facilementtransportable. Une fois que la fosse estaux trois quarts pleine, la dalle et l’abrisont enlevés et la fosse est remplie deterre. Un jeune arbre est alors plantésur le contenu de la fosse et la latrineest installée ailleurs. Comme la latrineest constamment déplacée, un petitbois ou verger sanitaire finit parapparaître avec le temps. Les arbrespeuvent fournir des fruits, du boisd’œuvre ou du bois de feu. Lesavantages de ce système résident dansle fait qu’il n’y a aucun maniement desexcréments et le risque decontamination des nappes phréatiques

se trouve réduit en raison de la faibleprofondeur des fosses. Le systèmearborloo est utilisé au Zimbabwe.

Le marketing de l’assainissementprésente des approches classiques dumarketing pour stimuler l’offre et lademande en produits et servicesd’assainissement en encourageant a) lesménages à se servir de leurs propresressources pour améliorer leurs serviceset b) les fournisseurs à développer unegamme d’options qui répondent auxbesoins des consommateurs. Il part del’hypothèse que beaucoup de gens, ycompris les pauvres, sont prêts à payerpour de bons services d’assainissementqui répondent à leurs besoins si latechnologie est présentée et distribuéecorrectement et si le mécanisme defourniture est facilement accessible. Enadoptant une approche de marketingpour l’assainissement, on ne fait passeulement de la publicité ; on veille aussià ce que les options appropriéesd’assainissement soient disponibles et à

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Des villageois de Kabengele en Zambie reviennent de leur marche lors d’un processus de déclenchement dansla communauté.

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ce que les fournisseurs aient les capacitésnécessaires pour fournir les servicessouhaités. Le marketing del’assainissement entend garantir unéquilibre entre l’offre et la demande.2

Transect. Dans le cadre de la phase dedéclenchement de l’ATPC, lesfacilitateurs et les membres de lacommunauté réalisent un transect (unemarche) le long d’une ligne qui traverseles zones de défécation à l’air libre duvillage. Un débat sur l’assainissement duvillage est aisément amorcé en posantdes questions afin de déterminer quiutilise quelle zone pour déféquer, où vontles femmes et ce qu’il se passe la nuit ouen cas de mauvais temps. Lorsque lesgens voient l’ampleur de la défécation àl’air libre et réalisent qu’il n’y a pas dezones non souillées par les matièresfécales, cela crée habituellement le désirde mettre un terme à la défécation à l’airlibre.

Par déclenchement, on entend leprocessus coordonné par des facilitateursqui comprend habituellement uneréunion communautaire, un exercicecartographique, une marche à travers leszones de défécation à l’air libre, desexercices qui illustrent les voies decontamination fécale-orale, par exemplela méthode « nourriture et merde » ouencore « eau et merde ».

Par vérification, on entend l’inspectiond’une communauté dans le but d’évaluersi elle est ou non FDAL (voir plus haut « Certification »).

Eau et merde est un exercicefréquemment utilisé lors de la phase dedéclenchement pour illustrer les voies decontamination fécale-orale et le fait que

les gens boivent régulièrement de l’eaucontaminée sans en être conscients. Lefacilitateur offre un verre ou unebouteille d’eau à un membre de lacommunauté et lui demande d’en boireune gorgée. Une fois que la personne abu un peu d’eau, le facilitateur prend uncheveu, une brindille ou un brin d’herbeet le frotte dans une merde avant de letremper dans l’eau. Il offre de nouveau leverre ou la bouteille d’eau mais, cette fois,bien sûr, personne ne veut y toucher.Pour rendre cet exercice encore plusparlant, certains facilitateurs comparentle cheveu à la patte d’une mouche, eninsistant sur le fait que la mouche à sixpattes, c.-à-d. qu’elle transfère encoreplus de merde dans la nourriture et dansl’eau lorsqu’elle entre en contact avec.

2 Source : http://tinyurl.com/sanitation-marketing. Full URL:www.lboro.ac.uk/well/resources/fact-sheets/fact-sheets-htm/Sanitation%20marketing.htm

6126

BVIP Latrine à fosse autoventilée de type BlairATPC Assainissement total piloté par la communautéONG Organisation non gouvernementaleDAL Défécation à l’air libreFDAL Fin de la défécation à l’air librePHAST Participatory Hygiene and Sanitation TransformationPLA Participatory Learning and Action/Action et apprentissage

participatifsERP Évaluation rurale participativeRESA Bureau régional Afrique orientale et australe de Plan International UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’EnfanceVIP Latrine améliorée à fosse autoventiléeWASH Water Sanitation & Hygiene/Eau, assainissement & hygiène E&A Eau & assainissementWSP-EAP Programme Eau et Assainissement de la Banque mondiale

Sigles et acronymes

27

Assainissement : la grande questionOù chiez-vous ?1 Cette question est unefaçon pour le moins inhabituelle d’entamerune conversation : elle peut causer de l’em-barras, un rire nerveux ; elle peut choquervoire même scandaliser. Pour la majoritéd’entre nous dans l’hémisphère Nord, l’utili- sation des toilettes n’est pas un sujet auquelnous réfléchissons beaucoup. Pour nous, ilva de soi que lorsque nous avons besoin denous soulager, il existe un lieu propre, privéoù nous pouvons le faire.

Mais dans les pays en développement,la réponse à cette question peut déterminerla vie ou la mort. Quelque 2,6 milliards degens n’ont pas accès à des toilettes –environ quatre sur dix habitants de laplanète. Au lieu de cela, ils pratiquent ladéfécation en plein air : dans la brousse, laforêt, sur les berges des lacs et des rivières,le long de la voie ferrée ou au bord de laroute. Les conséquences sont désastreuses

(Encadré 1). La merde transporte desmaladies et c’est un tueur impitoyable. Lemanque d’assainissement exerce aussi unimpact sur le bien-être humain en général,la dignité humaine et la liberté individuelle.

Compte tenu des effets perturbateursd’un assainissement insuffisant, voire in -existant, pourquoi est-on si peu au fait de lagrave situation à laquelle est confronté lemonde en développement ? L’une desréponses est que personne n’aime parler demerde. Les tabous qui règnent autour de cequ’on appelle poliment les « déjectionshumaines » sont encore plus féroces queceux qui règnent sur le sexe. Le problèmeest encore exacerbé par le fait que l’as-sainissement est souvent mêlé à l’eau. Orl’eau est propre, alors que l’assainissementest traité comme un secteur sale. Les politi-ciens le considèrent rarement comme unordre du jour qui leur gagne des voix.Malgré l’importance de l’assainissement et

1 Un aspect important de l’approche ATPC consiste à utiliser un langage cru pour évoquer la« merde » plutôt que des mots plus polis qui déguisent ce dont nous parlons. C’est la raisonpour laquelle nous avons utilisé les mots « merde » et « chier » dans l’ensemble de cettepublication.

par PETRA BONGARTZ, SAMUEL MUSEMBI MUSYOKI, ANGELA MILLIGAN et HOLLY ASHLEY

Si la merde m’était contée :l’Assainissement total pilotépar la communauté enAfrique – Tour d’horizon 1

61 l Bongartz, Musyoki, Milligan et Ashley28

des décennies de programmes qui lui sontconsacrés, beaucoup de pays ont peu dechance d’atteindre la cible des OMD enmatière d’assainissement.

Toutefois, la situation évolue peu à peu.Ces dernières années, une approche radi-cale, participative baptisée Assainissementtotal piloté par la communauté (ATPC) aencouragé des millions de personnesautour du monde à regarder (et oui,littéralement), parler et « s’attaquer » à leurmerde. Cela n’est pas arrivé grâce à l’édu-cation, par la force ou par des incitationsmonétaires mais par la facilitation d’unprocessus participatif appelé « déclenche-ment » qui favorise la prise de conscienceet mobilise l’action collective en faveur duchangement. L’ATPC a montré des résul-tats prometteurs là où des programmesruraux d’assainissement avaient échoué

dans le passé. L’ATPC a vu le jour grâce au Dr Kamal

Kar, un consultant indépendant endéveloppement originaire de l’Inde, avecWaterAid Bangladesh et son partenaire demise en œuvre VERC (Village EducationResource Centre), dans le village de

2 Outre la diarrhée, le Dr Jean Humphries (Lancet, 2009) a mis en avant l’hypothèse selonlaquelle un manque d’assainissement provoque une maladie appelée l’entéropathietropicale. Les bactéries contenues dans les déjections endommagent la paroi intestinaleet la rendent perméable à d'autres microbes. Cela déclenche une réponse immunitairequi contribue au rachitisme chez les nouveau-nés et les jeunes enfants, dû à unemalabsorption des nutriments et de l’énergie qui doit être détournée de sa fonctionanabolique pour lutter contre l’infection bactérienne dans les intestins. Alors qu’avec ladiarrhée, les enfants ont des poussées de croissance pour rattraper leur retard entre lesépisodes, dans le cas de l’entéropathie tropicale, il n’en est rien. Un bon assainissementet une bonne hygiène sont donc encore plus indispensables qu’on ne le croyaitprécédemment.3 Les Objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies fixent une sériede cibles de développement. La cible pour l’assainissement consiste à « réduire de moitiéle nombre de personnes n’ayant pas accès à un assainissement de base » d’ici à 2012.

Kamal Kar a joué un rôle prépondérant dans ledéveloppement et la vulgarisation de l’ATPC.

Environ 6 000 personnes par jour ou 1,8 million par an – dont 90 % sont des enfants – meurent d’unemaladie transmise par les déjections, p. ex. l’ankylostomiase, la dracontiase ou la bilharziose. Plus d’enfantsde moins de cinq ans meurent de la diarrhée que du VIH, du paludisme et de la tuberculose réunis. Et biend’autres encore sont irréversiblement affaiblis et amaigris par la maladie durant les premières années de leurvie (Humphries, 2009).2

Les femmes et les jeunes filles en particulier sont pénalisées. Dans de nombreux pays, elles doivent sesoulager à l’aube ou la nuit tombée pour ne pas être vues. Elles courent alors le risque de se faire violer ouattaquer par des hommes ou des bêtes sauvages (Amnesty International, 2010). En outre, le fait d’éviter demanger ou de boire pour ne pas aller aux toilettes peut engendrer des maladies des voies urinaires, unedéshydratation et une malnutrition. Le manque de lieu sûr et privé est encore plus problématique au momentde la menstruation. Les filles peuvent se voir interdire d’aller à l’école (ou choisir de ne pas y aller) s’il n’y apas de toilettes ou s’il n’existe pas de toilettes propres et réservées à leur usage.

Ces maladies à répétition ont un impact majeur sur l’absentéisme à l’école, la productivité et les moyensde subsistance. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que près de 273 000 jours d’école par anseraient gagnés si l’OMD concernant l’eau et l’assainissement était atteint (Hutton et Haller, 2004).3 Lespauvres tombent malades, manquent des heures de travail, consacrent leur revenu à un traitement pour sesoigner et gagnent de l’argent pour faire face à la prochaine crise de maladie. Les chiffres de l’OMSsuggèrent qu’en augmentant l’accès à l’eau et à un assainissement amélioré pour tous, 5,6 milliards de joursde production par an seraient gagnés à travers le monde (Hutton et Haller, 2004).

Encadré 1 – Impacts d’un manque d’assainissement

29Si la merde m’était contée : l’Assainissement total piloté par la communauté en Afrique – Tour d’horizon

Mosmoil, district de Rajshahi en 1999.4 Kara été proactif dans la propagation de l’ATPC,tout d’abord au Bangladesh, puis dansl’ensemble de l’Asie, puis en Afrique, enAmérique latine, au Moyen-Orient et dansle Pacifique. L’ATPC est désormais utilisédans plus de 40 pays, mais jusqu’ici toujoursdans des projets d’une envergure limitée.

Ce numéro de Participatory Learningand Action se concentre sur l’ATPC dansle contexte de l’Afrique. Suite à son intro-duction trois ans plus tôt, la cadence aveclaquelle cette approche a été adoptée ets’est développée en Afrique est étonnante.Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance(UNICEF) estime que plusieurs centainesde milliers de personnes à travers l’Afriqueont mis un pied à l’échelle de l’assainisse-ment au cours des deux années qui ontsuivi l’introduction de l’ATPC. Ne serait-cequ’en Zambie, grâce à l’ATPC, plus de 245 000 personnes vivent désormais dansdes communautés qui ont mis fin à la défécation à l’air libre (FDAL) (Bevan etHickling, dans ce numéro).

Cette édition s’inspire d’un vaste vivierd’expériences recueillies en Afrique qui necesse de grandir. Elle pourra intéresser lesnombreuses personnes et organisationsimpliquées dans la mise en œuvre et lepassage à l’échelle de l’ATPC en Afrique etailleurs, de même que d’autres adeptes desméthodologies participatives.

Dans cette vue d’ensemble de l’édition,nous vous présentons une introduction àl’approche ATPC : en quoi elle diffère desapproches traditionnelles, ses principes cléset sa méthodologie, son histoire et sa propagation, ainsi que son potentiel pourrévolutionner l’assainissement rural.Ensuite, nous nous penchons sur certainséléments clés pour une mise en œuvre

réussie de l’ATPC avant d’entamer unediscussion sur les difficultés liées à sonpassage à l’échelle en Afrique.

Approches classiques en matièred’assainissementLes approches classiques en matière d’as-sainissement rural sont basées sur deuxhypothèses. La première est que les gens nesavent rien de l’assainissement et l’hygiènemais que, si on les éduque, ils modifierontleur comportement. La seconde est que lesgens utiliseront les toilettes s’ils reçoivent del’aide pour en construire mais ils sont troppauvres pour les construire eux-mêmes.Toutefois, bien souvent, ces deux hypothèsesse révèlent erronées. Les recherches ontmontré que des connaissances sur les risquessanitaires liés à un assainissement médiocrene déclenchent pas nécessairement unchangement de comportement.5 En outre,une forte proportion de latrines construitesà l’aide de subventions ne sont jamais utilisées comme des toilettes, mais plutôtcomme des lieux de stockage, des abris pourles bêtes ou encore des locaux de prière – lesbâtiments sont de trop grande qualité pourêtre réduits au rôle de toilettes ! Les subven-tions cultivent aussi le « syndrome de ladépendance », encourageant les gens àattendre l’aumône plutôt que de construiredes toilettes eux-mêmes ou de réparer destoilettes existantes. Les programmes clas-siques sont aussi axés sur des ménages indi-viduels plutôt que d’encourager l’ensemblede la communauté à mener une actioncollective afin d’assainir son environ-nement.

Et si on parlait de merde : une nouvelleapprocheL’ATPC se base sur des principes très

4 Kamal Kar est l’un des tout premiers pionniers de l’évaluation rurale participative (ERP)en Inde et il est à l’origine de nombreuses innovations en ERP dans différents contextes,p. ex. les projets d’amélioration des bidonvilles financés par le DfID à Calcutta et dansplusieurs autres villes indiennes, le développement rural en Mongolie, des projets de GTZen Inde et des projets touchant à l’élevage. Kar est l’un des trois formateurs ERP à avoirintroduit l’ATPC au Bangladesh en 1993, aux côtés d’ONG et de chercheurs agricoles.Pour obtenir un complément d’information sur les origines de l’ATPC et sa naissance auBangladesh, voir Kar (2003).5 Voir par exemple Curtis et al. (1995), Curtis et al. (2003), Scott et al. (2007).

61 l Bongartz, Musyoki, Milligan et Ashley30

différents (voir l’Encadré 2). Il n’offre pas desubventions directes aux ménages et il cibledes communautés, pas des individus. Tantqu’une minorité, même infime, continue dedéféquer en plein air, tous les membres de lacommunauté courent le risque de « mangerla merde des autres ». L’ATPC se sertd’outils ERP pour aider les communautés àreconnaître les problèmes de la défécationen plein air (c.-à-d. chier à l’air libre et nonpas dans des toilettes) et mener une actioncollective pour que la communauté mettefin à la défécation à l’air libre. L’ATPC parlede façon crue et fait la lumière sur la merdequi est normalement occultée par destabous et un langage aseptisé. Dans l’ATPC,le terme local vulgaire pour dire merde esttoujours utilisé.

Au cœur de l’ATPC figure le processusde déclenchement. Il se base sur une

Des habitants du village de Buleze reviennent d’un transect durant un exercice ATPC en Zambie, en juillet 2009.

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6 Dans l’ATPC, les normes et tabous culturels, qui sont souvent cités comme les raisonspour continuer de déféquer en plein air ou ne pas construire des latrines, ne sont pasadmis comme des obstacles au changement de comportement ou à l'obtention du statutFDAL. Plutôt que de baisser les bras et d'accepter ces tabous culturels comme desobstacles, ou de laisser des étrangers suggérer des moyens de les surmonter, lesfacilitateurs laissent à la communauté le soin de trouver des moyens d’intégrer ces tabousafin de trouver une solution. Voir aussi la section sur la formation plus loin dans ce tourd'horizon et les articles signés de Chimhowa, Bwire, Zombo et Musyoki, dans ce numéro.

• Passer de « nous devons aider les pauvres » à « ils peuvent y arriver ».

• Abandonner les solutions et les normesimposées par l’extérieur pour adopter dessolutions locales, la diversité et des innovationsadaptées au contexte.

• Ne plus enseigner, éduquer, dire au gens quoifaire mais faciliter, autonomiser, donner aux gensles moyens d’arriver à leurs propres conclusions.

• Remplacer les mots aseptisés par des mots cruset grossiers.

• Ne plus compter les latrines mais compter lescommunautés FDAL.

• Ne plus construire des latrines mais renforcer lescapacités.

• Ne plus être sensibles aux normes et aux tabousculturels mais s’en remettre aux communautéspour s’en occuper.6

• Ne plus se concentrer sur le changement decomportement individuel pour privilégier lasolidarité sociale, la coopération et l’actioncollective.

Encadré 2 – Principes clés de l’ATPC

31Si la merde m’était contée : l’Assainissement total piloté par la communauté en Afrique – Tour d’horizon

panoplie d’outils participatifs, utilisés defaçon flexible par des facilitateurs en fonc-tion du contexte (voir les Conseils auxformateurs, dans ce numéro). Il comprendgénéralement un exercice de cartographieparticipative des foyers et des zones dedéfécation, durant lequel il devient clairque la défécation envahit toutes les zones.Les communautés calculent le volume demerde produit par jour, par semaine, parmois et par an, par les ménages individu-els et l’ensemble du village. De même, ellesestiment leurs frais médicaux pour letraitement des maladies diarrhéiques.

Durant une marche (« transect ») àtravers les zones communes de défécationà l’air libre, le problème crève les yeux : il ya de la merde partout et le fait de la voir, dela sentir et de marcher dedans est trèsdéplaisant. Certains détournent la têtepour cacher leur embarras, d’autres vomis-sent, d’autres pouffent d’un rire nerveux.

L’effet que cet exercice a sur les gens s’ins -crit clairement sur leur visage. Conjugué àdes exercices qui illustrent les voies decontamination de la merde à la bouche et lafaçon dont les aliments et l’eau deviennentcontaminés, on arrive généralement à unpoint d’embrasement, lorsque la commu-nauté réalise que tous les membres sont entrain de manger la merde des autres etdécide alors de mener une action collective.Des plans d’action pour la construction delatrines sont alors élaborés.

Durant le processus, le ou les facilita-teurs ne font pas un cours ; ils ne font pasdu prêche et ne disent pas à la commu-nauté quoi faire. Ils sont là pour découvrirles habitudes de la communauté en matièred’assainissement et non pour fairel ’aumône. Au cours de la phase dedéclenchement, des « leaders naturels »sortent du lot et c’est à eux de prendre l’ini-tiative et de diriger leur communauté dansses efforts pour devenir FDAL. Lorsque lescommunautés réalisent que la défécation àl’air libre est un problème collectif, les gensles plus pauvres n’ont pas besoin d’une aideextérieure : ils sont épaulés par lesmembres plus aisés de leur communauté.Ainsi, à Got Kabok, district d’Homa Bay auKenya, où il y a une forte proportion depersonnes malades et vieillissantes enraison de la forte prévalence du VIH/sida,la solidarité sociale a joué un rôle décisifpour veiller à ce que les personnesvulnérables de la communauté reçoivent del ’aide pour construire des latrines(Musyoki, comm. perso.).

Les modèles de latrine sont basés sur lesinnovations de la communauté elle-même.Ils sont généralement à faible coût,construits à partir de matériaux localementdisponibles et ils constituent le premieréchelon sur l’échelle de l’assainissement.7

L’idée veut qu’au fil du temps, à mesure queles ressources deviennent disponibles, lesgens pourront et finiront par adapter unmodèle plus sophistiqué, notamment si le

Un exemple de dessin de toilettes communautaires.

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7Voir l'explication dans le glossaire.

61 l Bongartz, Musyoki, Milligan et Ashley32

modèle tout simple de latrine à fosseconstruit au début du projet ne survit pasau temps, aux inondations ou au type de solde la localité.

Si beaucoup d’attention est certesaccordée au processus de déclenchement,l’ATPC ne s’arrête pas là ; c’est un proces-sus continu qui exige un suivi rigoureux dela part des agences extérieures, y comprisun appui aux leaders naturels dans le suivide l’avancement de la construction, l’utili-sation et l’entretien des latrines, la vérifica-tion du statut FDAL, puis la certification etla célébration de l’obtention de ce statut.Cela comprend également un appui auxactivités de partage et d’apprentissage pourencourager la propagation de l’ATPC auxcommunautés et aux districts voisins.

Comme nous l’abordons plus loin dansce tour d’horizon, et comme illustré parplusieurs des articles de ce numéro (p. ex.Wolfer et Kloot, Raeside, Shutt, Soublière,Musyoki), l’ATPC nécessite non seulementun changement de mentalité et d’attitudede la part des communautés, mais encoredes pouvoirs publics et des organisationsde développement. Ces transformations nese font pas toujours sans heurt. Ellesimpliquent de rompre le cycle de la dépen-dance et de balayer les attentes associéesaux projets à base de subventions ; il fautdésormais faire confiance aux capacités età la solidarité sociale des communautés etrésister aux pressions exercées pour attein-dre les cibles budgétaires.

Les premiers examens suggèrent quel’ATPC revient à environ 15 dollars US parménage, ou 2,50 US$ par personne enAfrique centrale et de l’Ouest.8 Ce chiffreoffre une comparaison très favorable avecle coût des programmes de constructionsubventionnée de latrines, où la tendance

à exiger des modèles « haute technologie »peut gonfler les coûts jusqu’à 600 US$ parménage (Hickling et Bevan, dans cenuméro).

L’ATPC en Afrique L’ATPC a été introduit en Afrique en 2002,mais l’aventure commence véritablementen 2007, lorsque Kamal Kar facilite deuxformations en Tanzanie et en Éthiopie pourle Bureau régional d’Afrique orientale etaustrale (RESA) de Plan International.Depuis lors, l’ATPC a été introduit dans 32 pays, dans bien des cas après une forma-tion initiale par Kamal Kar lui-même.9 10

Depuis ces premières formations,l ’ATPC a été introduit dans 32 paysd’Afrique. Des ONG internationales commePlan, WaterAid, World Vision et SNV, l’or-ganisation de développement des Pays-Bas,et des agences comme l’UNICEF et leProgramme Eau et Assainissement de laBanque mondiale (WSP) ont adopté l’ATPCcomme leur méthode de prédilection dansleurs programmes d’assainissement. Cela adonné de bons résultats initiaux. Il y adésormais beaucoup de tentatives par desgouvernements (p. ex. en Éthiopie, auKenya, au Malawi et en Zambie) et par degrandes institutions comme l’UNICEFpour mettre l’ATPC à l’échelle. Il y a aussiun intérêt croissant par des instituts deformation et de recherche ainsi que par despraticiens désireux d’entreprendre unerecherche-action pour évaluer et tirer desleçons de ces expériences.

Comme le montrent beaucoup d’articlesdans ce numéro, l’enthousiasme avec lequell’ATPC a été adopté en Afrique est trèsprometteur. Lors de l’AfricaSan à Durban,en février 2008, juste un an après l’intro-duction de l’ATPC sur le continent, il y avait

8 Communication personnelle avec Chris Cormency – coûts tout compris à partir d’un examendes données régionales pour l’Afrique centrale et de l’Est.9 L’ATPC a été introduit en Ouganda (2002), en Zambie (2003), en Éthiopie (2004) et au Nigéria(2004), mais la plupart de ces premières tentatives ont été des déclenchements tests et sontrestées très limitées en termes de portée et de succès (Kar, à paraître dans Shit Matters, sous ladirection de Mehta et Movik). 10 Un compte rendu de la formation en Tanzanie ainsi que des premières impressions et uneréflexion sur le fonctionnement possible de cette approche dans un contexte africain figure dansMusyoki (2007).

33Si la merde m’était contée : l’Assainissement total piloté par la communauté en Afrique – Tour d’horizon

déjà une admission généralisée du potentieloffert par cette approche.11 Le sentiment « qu’il s’était passé quelque chose de tout àfait remarquable avec l’ATPC » a résonnédans nombre de discours, de présentationset de débats lors de la conférence.12 Tout lemonde s’accordait à dire que l’approche « business as usual » ne déboucherait nulle-ment sur une amélioration durable et véri-table des conditions de vie et du bien-êtredes 300 millions d’Africains toujours privésd’accès à un assainissement amélioré, et defait beaucoup de pays ne peuvent pas sepermettre des subventions pour l’achat dematériel d’assainissement associées auxapproches classiques (voir p. ex. Rukuni,dans ce numéro). Il faut s’attaquerautrement à la crise de l’assainissement etl’ATPC semble se montrer à la hauteur dudéfi.

La conférence AfricaSan et l’atelier qui

a suivi à Mombasa en mars 2009 ontsoulevé de nombreuses questions et beau-coup de défis pour l’ATPC.13 Comme avectoute nouvelle approche, et notammentune approche qui se propage aussi vite quel’a fait l’ATPC, des questions se font jour aufil de son adoption, de son déploiement etde son adaptation à différents contextes.Jusqu’ici, l’expérience en Afrique et ailleurssuggère qu’un certain nombre de facteurssont importants pour le succès de l’ATPC(Encadré 3). Certains de ces facteurs sontplus importants au niveau communautaire,d’autres pour le passage à l’échelle, tandisque d’autres encore sont déterminantsdans les deux cas. Chaque facteur estabordé ici plus en détail, en s’appuyant surles points de vue présentés dans les articlesde ce numéro.

Un ATPC réussi

Démarrer dans des conditions favorablesIl est judicieux de démarrer l’ATPC dansdes conditions favorables là où il a lesmeilleures chances de succès. Kar et Cham-bers (2008) évoquent ces conditions endétails et Musyoki (Encadré 1, Conseils auxformateurs, dans ce numéro) fournit unrésumé des conditions physiques, socialeset culturelles, des politiques de programmeet des pratiques communautaires actuellesqui promeuvent le succès de l’ATPC. Ainsi,les communautés soudées ayant un passéémaillé d’actions collectives, qui viventdans des conditions insalubres évidentes etn’ont pas d’historique de subventions d’as-sainissement ont plus de chance d’avoir undéclenchement réussi. Les villages qui de -viennent FDAL à l’issue du déclenchementpeuvent en inspirer d’autres et peuventconstituer un « laboratoire d’apprentissage »

Au niveau communautaire • Démarrer dans des conditions favorables• Garantir un calendrier adéquat• Une facilitation de qualité• Soutenir les leaders naturels • Faire participer les femmes, les jeunes et les

enfants• Vérification, certification et célébrations• Le suivi : au-delà du statut FDAL• Le calendrier du marketing d’assainissement

Le passage à l’échelle• Mentorat et accompagnement des leaders

naturels• Acquérir des capacités de formation de qualité• Changements organisationnels• Apporter un appui aux champions pour qu’ils

deviennent de plus en plus nombreux• Un environnement politique et une

appropriation locale propices au projet• Le rôle des médias• La documentation, le travail en réseau, le

partage et l’apprentissage

Encadré 3 – Facteurs pour le succès de l’ATPC

11 La deuxième Conférence africaine sur l’assainissement et l’hygiène – AfricaSan+5 – s’est tenueà Durban, en Afrique du Sud du 18 au 21 février 2008. Pour plus d’information, voirwww.africasan2008.net12 Voir p. ex. le rapport sur l’atelier de partage et d’apprentissage coorganisé par l’Institute ofDevelopment Studies (IDS) et le Bureau régional pour l’Afrique orientale et australe (RESA) de Planlors d’AfricaSan : http://tinyurl.com/africasan-workshop. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/sites/communityledtotalsanitation.org/files/AfricaSan_CLTS_workshopreport.pdf13 Voir : http://tinyurl.com/clts-mombasa-workshop. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/resource/clts-africa-mombasa-workshop-march-2009

61 l Bongartz, Musyoki, Milligan et Ashley34

pour d’autres contextes, peut-être plus déli-cats.

CalendrierMusyoki (Conseils aux formateurs, dans cenuméro) souligne l’importance qu’il y a àchoisir le bon moment pour le déclenche-ment. Ainsi, il est peu sage de prévoir ledéclenchement pendant la saison despluies lorsque le mauvais temps n’est paspropice au creusement des fosses deslatrines et à la construction de la super-structure, ou lorsque les communautéssont très prises par les travaux des champs,ou encore durant un festival ou au momentd’une sépulture. En choisissant judicieuse-ment le moment du déclenchement, onpeut aider les communautés à atteindreplus rapidement le statut FDAL.

Une Facilitation ATPC de qualité L’ATPC a besoin de bons facilitateurs. Maisqu’est-ce qu’une facilitation de qualité etquelles sortes d’attributs faut-il ? Kar etChambers (dans ce numéro) décrivent leprocessus de déclenchement en détail etleur compte rendu, au même titre que celuide Musyoki, Bwire et Chimhowa (tousdans ce numéro), soulignent le genre decompétences et de qualités qu’un bon faci -litateur a besoin de cultiver.

Les laisser faireComme dans toute bonne approcheERP/PLA, les facilitateurs sont là pourfaciliter un processus qui donne à lacommunauté les moyens d’arriver à sespropres conclusions, à se faire une opinionen toute connaissance de cause et à élaborerdes plans d’action. Par conséquent, bonnombre des qualités requises sont cellesdont a besoin un facilitateur ERP : • être capable d’établir un rapport avec lacommunauté ;• savoir écouter et avoir de bonnes compé-tences de communication ;• être observateur ;• ne pas faire de paternalisme ou vouloirdonner des leçons ;

• poser des questions ;• être convaincu que les communautéspeuvent faire leur propre analyse et leurpropre planification.

Les facilitateurs ont aussi besoin d’ex-pliquer très clairement aux communautésqu’ils n’apportent aucune aide ni aucunesubvention, mais qu’ils veulent simplementen savoir plus sur l’assainissement dans larégion et identifier le nombre de villages oùles gens pratiquent la défécation à l’airlibre.

Se faire l’avocat du diableToutefois, dans certains cas, l’ATPC exigeun style très différent de facilitation. Le butdu facilitateur ATPC est d’engendrer desémotions suffisamment fortes chez lesparticipants pour arriver à déclencher uneaction collective (voir l’Encadré 4). Commele souligne Musyoki (dans ce numéro), celasignifie qu’au lieu de se montrer « sympa etmodeste », comme les approchesERP/PLA l’exigent habituellement, « dansle cadre d’un projet ATPC, notre rôle doit

D’un point de vue stratégique, l’ATPC provoque defortes émotions comme le choc, le dégoût,l’embarras et la honte, ainsi que la fierté, lerespect de soi et la dignité pour déclencher uneaction collective de la communauté afin de mettreun terme à la défécation à l’air libre. L’élan enfaveur du changement provient des émotions – ilvient des tripes – alors que les programmespédagogiques classiques parlent plutôt à la tête.Bon nombre de critiques de l’ATPC s’en prennent àl’élément de « honte » de l’ATPC en particulier, ensoutenant que c’est une manière de provoquer lechangement qui va à l’encontre de l’éthique.Pourtant, la honte n’est pas déclenchée par ounécessairement ressentie vis-à-vis de personnes del’extérieur (même s’il peut y avoir de l’embarras aumoment de montrer aux visiteurs comment lacommunauté s’occupe de sa merde), c’est plutôtun processus interne et un sentiment qui sedessine face à la prise de conscience desimplications de la défécation à l’air libre. En outre,sur la base des comptes rendus des communautés,plus que la honte, ce sont le choc, le dégoût etl’embarras qui sont les principaux déclencheurs dechangement.

Encadré 4 – Déclencheurs émotionnels :honte, choc, dégoût et dignité

35Si la merde m’était contée : l’Assainissement total piloté par la communauté en Afrique – Tour d’horizon

changer et nous devons devenir l’avocat dudiable ».14 Cela ne veut pas dire que le faci -litateur doit émettre un jugement ou des

remarques sur le comportement de lacommunauté en matière d’assainissement,ni qu’il doit faire preuve de manque derespect envers la communauté. Mais lefacilitateur se doit de poser des questionsqui dérangent et de soutenir une analysepour inciter les communautés elles-mêmesà repenser leurs pratiques d’assainissement(Encadré 5).

Usage d’un vocabulaire cruDans l’ATPC, les facilitateurs emploient unlangage cru qui confronte les gens ayantdes problèmes de défécation à l’air libre etqui déclenche des émotions comme ledégoût et le choc. Zombo (dans ce numéro)estime que le registre utilisé est essentielpour réussir à obtenir un statut FDAL (« Ilfaut choquer pour changer les vies ! »).Tout comme les exercices de déclenche-ment tels que la cartographie, le transect,

14 L’avocat du diable est quelqu’un qui défend une position qu’il ne partage pasnécessairement dans le seul but de mieux illustrer les arguments de la partie adverse.

• Qui vient chier ici ? • Où les femmes font-elles leurs besoins ? • Quels endroits utilisent les enfants ? (Néanmoins, le groupe des enfants devrait faire l’objet d’une

facilitation séparée et ils devraient emmener leurs facilitateurs et les autres à l’endroit où ils pratiquent ladéfécation à l’air libre).

• À qui est cette merde ? • Indiquez deux ou trois tas de merde différents ; demandez-leur s’ils voient des différences en termes de

forme, de couleur, de viscosité, etc. D’après eux, quelles pourraient être les raisons à l’origine de cesdifférences (p. ex. diarrhée, dysenterie, choléra, indigestion, etc.) ?

• Signalez un tas de merde fraîche et demandez s’ils peuvent y observer des organismes vivants (p. ex.mouches, vers, insectes, moustiques, bousiers, etc.) ?

• Si vous voyez que certains d’entre eux se couvrent le nez ou crachent de dégoût, demandez-leur pourquoiils font ça. Font-ils la même chose chaque fois qu’ils visitent le site ?

• Demandez jusqu’où peuvent se déplacer les mouches et si elles rendent visite à leur foyer en transportantde la merde ?

• Taquinez-les en suggérant qu’ils ne devraient sans doute pas s’en faire car les mouches qu’ils voient sur lamerde sont différentes de celles qui se promènent sur leur assiette (ils ne seront peut-être pas d’accordavec votre suggestion et ils diront que ce sont les mêmes mouches qui transportent la merde à la maison).

• Demandez-leur s’il y a plus de mouches sur la merde liquide ou solide, sur la merde sèche ou humide ? • Demandez-leur quelle merde sèche plus vite, les selles normales ou celles de quelqu’un qui a la diarrhée ?

Lesquelles sont plus liquides ? • Demandez-leur celles qui attirent le plus de mouches (merde sèche ou liquide/semi-solide) ? • Demandez si la contamination par une merde liquide diarrhéique se propage plus vite ou si c’est celle

d’une merde normale semi-solide qui se propage plus vite ? • Enfin, demandez-leur s’ils aiment vivre dans un tel environnement ? Posez toute autre question qui vous

semble susceptible de les dégoûter. N’hésitez pas à innover en fonction des circonstances locales.

Encadré 5 – Questions que les facilitateurs peuvent poser durant le transect

Source : Kar et Chambers (2008)

Calcul du volume de merde dans un village effectuélors d’une formation ATPC à Kabengele, en Zambie,juillet 2009.

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la « merde et l’eau » et la « nourriture et lamerde » rendent les problèmes de la défé-cation à l’air libre plus visibles, un langagegrossier confronte les habitants au pro -blème : la merde n’est rien d’autre que de lamerde!15 Une fois que quelqu’un annoncepubliquement qu’ils mangent tous la merdedes autres, les facilitateurs peuvent répéterce constat de temps à autre.

Renverser les tabous À la différence des exercices participatifshabituels, avec l’ATPC, les facilitateurs etles personnes de l’extérieur ne doivent pashésiter à forcer les communautés à remet-tre en question comment certains de leurstabous culturels cautionnent implicitementla défécation à l’air libre et ses terriblesimpacts sur la santé et le bien-être. Lecomportement du facilitateur doit êtreinsensible en ce sens qu’il ne doit pas voirces normes, croyances et tabous commedes obstacles donnés, mais plutôt agir avecla conviction que les gens eux-mêmesdécideront comment les (ré)interpréter, lesadapter ou les changer une fois qu’ils pren-dront conscience des problèmes que posela défécation à l’air libre. À Kilifi, au Kenya,par exemple (voir Bwire, dans ce numéro),les communautés ont réalisé lors duprocessus de déclenchement que,contrairement aux tabous culturels, lesdéjections des pères et des belles-filles semélangeaient du fait de la défécation à l’airlibre. Conjugué à la réalisation du fait qu’ilsmangeaient tous la merde des autres, celales a incités à décider de mettre un terme àla défécation à l’air libre.

Humour, art dramatique et passion Kamal Kar affirme qu’un facilitateur ATPCdoit être quelqu’un qui sait « chanter etdanser », alors que Musyoki (dans cenuméro) suggère que les facilitateursdoivent « avoir un sens inné de l’humour,toujours être en représentation, être

passionnés et charismatiques ». Ils doivent« faire preuve d’un humour cocasse etprovocateur » (Kar et Chambers, 2008).Chimhowa, par exemple, décrit commentles facilitateurs ont incité les communautésà remplacer les paroles de chansons popu-laires par un texte lié à la merde, ce quipermet de briser la glace et de nouer debons rapports.

Être créatif et soupleChimhowa (dans ce numéro) suggère queles facilitateurs doivent être capables de « laisser libre cours à leur imagination ». Il montre comment, au Zimbabwe, unefacilitation ATPC originale a transformé desconditions apparemment défavorables (p. ex. une épidémie de choléra) en un avan-tage, en développant de puissants outils dedéclenchement. Les enseignementsreligieux qui prescrivent la propreté, quel’on retrouve dans la Bible et le Coran,peuvent aussi se transformer endéclencheurs puissants comme le montrentChimhowa et Zombo (dans ce numéro), etdes convictions culturelles et religieuses surles esprits des morts peuvent aussi servir debase à des innovations pouvant servir dedéclencheur (Chimhowa).

Globalement, les facilitateursdevraient : • réagir au quart de tour ; • réfléchir et apprendre au fur et àmesure ; • innover ; • être original et vif dans le cadre de la miseen œuvre ; et • tenir compte des opportunités émer-gentes et des résultats imprévisibles.

Identifier des leaders naturels et les soutenir Les leaders naturels sont des membres dela communauté qui sont « enthousiasmés »par le processus de déclenchement et réso -lument décidés à faire en sorte que leurscommunautés mettent fin à la défécation à

15 Pour obtenir un complément d’information sur ces méthodologies, voir aussi Conseilsaux formateurs « Déclenchement : un extrait du Manuel de l’Assainissement Total Pilotépar la Communauté », dans ce numéro.

37Si la merde m’était contée : l’Assainissement total piloté par la communauté en Afrique – Tour d’horizon

l’air libre. L’émergence de leaders naturelsest essentielle pour le succès de l’ATPC : ilsinspirent et motivent les tiers et, biensouvent, ils prennent la tête du comitécommunautaire chargé d’établir des plansd’action pour atteindre le statut FDAL. Ilspeuvent aussi se lancer dans le déclenche-ment des communautés voisines et prendrel’initiative pour élaborer d’autres activitéset d’autres plans dans leur propre village.

Les leaders naturels peuvent être den’importe quel sexe, avoir n’importe quelâge et n’importe quels antécédents. Ce quicompte avant tout dans ce rôle, c’est dedisposer d’excellentes compétences decommunication et d’une aptitude à gagnerla confiance de tous les membres de lacommunauté ; c’est un rôle que les femmessont souvent capables d’assumer avec brio(Bamford, 2009). Dans l’ATPC, les groupesqui sont souvent marginalisés par desprogrammes d’assainissement classiquespeuvent assumer des rôles de chefs de file,p. ex. les femmes, les enfants, les groupesles plus pauvres. C’est l’enthousiasme, l’in-novation et la passion qui sont les qualifi-cations requises pour devenir leader enATPC au lieu des attributs classiques destanding social, pouvoir, savoir et richesse

(voir p. ex. Zombo ; Shutt, dans cenuméro).

Musyoki (Conseils aux formateurs, dansce numéro) décrit les genres de suivi aprèsdéclenchement requis pour épauler lesleaders naturels, par exemple, un bilanmensuel et des réunions de travail pourévaluer les progrès accomplis et développerdes stratégies pour surmonter les obstaclesrencontrés. Il peut aussi s’avérer nécessaired’aider avec les transports, notammentlorsque des villages voisins participent àl’opération. Ce soutien doit être apporté parle biais de projets locaux. Ainsi, au Kenya,le ministère de la Santé publique et de l’As-sainissement aide les bénévoles, notam-ment les leaders naturels, grâce à laStratégie de santé communautaire.

Participation et autonomisation des femmesComme les femmes et les jeunes filles sontparticulièrement pénalisées par unassainissement médiocre, ce sont souventles femmes qui persuadent leur mari et leurfamille de construire et d’utiliser destoilettes ; elles peuvent donc se révéler êtredes leaders enthousiastes du processuscommunautaire en faveur du statut FDAL.Toutefois, la portée de la participation des

Des leaders naturels de la communauté présentent leurs plans d’action à l’atelier de formation ATPC organisépar le Bureau régional Afrique orientale et australe (RESA) de Plan en Zambie en juillet 2009. La formationétait facilitée par Kamal Kar à Fringilla Lodge, Chisamba en Zambie et comprenait deux déclenchementspratiques sur le terrain.

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femmes dans l’ATPC est affectée par lesrestrictions sociales, culturelles etreligieuses qui leur sont imposées dans leurenvironnement particulier. Il est essentielque ceux qui facilitent les activités dedéclenchement et de suivi veillent à ce queles préoccupations propres au genre soientprises en compte et que les femmes soientactivement encouragées à participer auprojet, par exemple en prenant des dispo-sitions pour que les femmes se réunissentséparément des hommes pour pouvoir s’ex-primer librement et en recrutant desfemmes dans l’équipe de facilitation.

Les femmes s’ impliquent souventmoins dans la construction des latrinesmais elles sont plus actives et plus respon-sables dans leur entretien et leur nettoyage,en établissant des normes d’utilisation eten encourageant le changement decomportement. Mehta (à paraître) remar-que que cela peut accroître la charge detravail des femmes et venir renforcer lesrôles et la division stéréotypée des tâchesen fonction du sexe, dans le sens où lesfemmes sont traditionnellement respon- sables de la santé du foyer.

Néanmoins, l’assainissement amélioréprésente aussi des avantages indiscutablespour les femmes, tant d’un point de vuepersonnel (p. ex. l’intimité, une meilleuresanté) que dans leur rôle de femme (p. ex.économie de temps, incidence réduite desmaladies liées à l’assainissement, et doncmoins de temps passé à s’occuper desmalades de la famille). À en croire notreexpérience en matière d’ATPC au Kenya eten Afrique, les femmes sont souventmajoritaires dans les leaders naturels quise mettent en avant et cela peut stimulerleur confiance en elles et déboucher sur unplus grand respect et sur des opportunitésd’emploi.

Les enfants et les jeunesLes enfants peuvent jouer un rôle pivotdans l’ATPC, en se faisant les puissants

défenseurs d’un changement de comporte-ment, par exemple en prenant la tête desmarches, en martelant des slogans opposésà la défécation à l’air libre ou en utilisantdes sifflets pour attirer l’attention surquiconque continue de déféquer en pleinair.16 Toutefois, le milieu culturel peutinhiber la libre expression des enfants enprésence des adultes, de sorte que lesenfants et les adultes sont souventdéclenchés séparément et développentsouvent des plans d’action distincts.Comme le montre l’Encadré 6, la partici-pation des enfants peut déboucher sur uneévaluation plus exacte des profils d’as-sainissement des villages.

S’il est clair que les enfants jouentsouvent un rôle important dans les proces-sus ATPC, Shutt (dans ce numéro) soulèvela question de savoir si cette participationhabilite les enfants et les jeunes à jouer unrôle plus marqué dans le développement etla gouvernance de la communauté. Son

Veronica Kawala, facilitateur du développementcommunautaire chez Plan, procède à undéclenchement dans le village de Chikhuthe auMalawi. Photos prises par le personnel d’Ingénieurssans frontières Canada (ISF) détaché auprès de PlanMalawi.

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16 Voir aussi Kar et Chambers (2008), pp. 50-52

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étude menée dans trois pays considèrecomment les opportunités offertes à desenfants sont déterminées par des facteurspratiques, sociaux et culturels. Les struc-tures de pouvoir et les mentalités desadultes concernant le rôle et le boncomportement des enfants peuventempêcher certains enfants, notamment lesfilles, de s’impliquer pleinement dans lesactivités ATPC. Toutefois, l’auteure décou-vre aussi des signes montrant que la parti -cipation des enfants et des jeunes à l’ATPCpeut leur gagner du respect et créer denouvelles opportunités d’engagement dans

le développement communautaire. Néan-moins, il y a encore beaucoup de marge demanœuvre pour innover dans l’engage-ment des jeunes et des enfants enversl’ATPC et dans leur autonomisation ainsiqu’un besoin de réfléchir soigneusementaux dangers et risques potentiels d’une telleimplication.

Vérification et certification Une fois que les communautés ont étédéclenchées et qu’elles ont élaboré leursplans d’action, il est très important que lesagences externes assurent un suivi des

Je me rappelle clairement un incident dans l’un des villages où les adultes avaient essayé de masquerl’étendue de la défécation à l’air libre. Leur position a été remise en question lorsque les enfants ont fournileur analyse durant l’assemblée générale en vue de mettre en commun les plans d’action. Lorsque lesadultes ont déclaré que, dans leur village, la majorité des foyers avaient des latrines en service, les enfantsles ont contredits, en déclarant que le chiffre n’était que d’environ 30 %. L’un des adultes, vexé par cetterévélation, a lancé un défi aux enfants : « Comment pouvez-vous dire une chose pareille ! Quelle preuveavez-vous que seulement 30 % de nos foyers ont des latrines ? »

Très vite, l’un des enfants s’est levé et a déclaré : « Dans notre groupe de 30 enfants venant de foyersdifférents, moins de 10 enfants disposent de latrines chez eux. ». Et l’adulte baissa la tête de honte,confronté à la triste réalité.Philip Vincent Otieno, Plan Kenya.

Encadré 6 – Les enfants et l’ATPC : un cheminement personnel

Durant une formation ATPC à Simoonga en Zambie, en juillet 2009 par le Bureau RESA de Plan. Les enfantschantent une chanson contre la défécation à l’air libre.

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progrès et épaulent les leadersnaturels.17 Le déclenchement devraitêtre le début d’un processus d’encoura -gement et de soutien au terme duquelles communautés devraient mettre fin,de façon durable et vérifiable, à la défé-cation à l’air libre, mais aussi êtreautonomisées et motivées pour allerplus loin. Si la plupart des villagesprendront une période d’une semaine àtrois mois pour obtenir le statut FDAL,d’autres pourront prendre jusqu’à sixmois voire même une année entière,notamment si le déclenchement arriveau mauvais moment (voir les considé -rations de « Calendrier » ci-dessus).

L’Encadré 7 montre certains indi-cateurs et des questions qui pourraientêtre posées pour vérifier le statutFDAL. Toutefois, il est préférable queles indicateurs soient développés parles leaders naturels eux-mêmes plutôtqu’imposés par des personnes de l’ex-térieur (Musyoki, Conseils aux forma-teurs, dans ce numéro). En fonction dela situation, les communautés peuventdemander aux agences extérieures deréaliser la vérification (voir l’Encadré8), ou aux leaders naturels des commu-nautés voisines de se charger de l’éva - luation. Cela donne souvent de bonsrésultats car tous savent ce qu’ilsrecherchent et cela peut engendrer uneconcurrence saine entre les villages. Iln’est pas judicieux de prévoir de récom-penses car cela sape le processus. Unsigne révélateur d’une vérificationlaxiste peut être le fait qu’aucunecommunauté n’échoue à l’exercice. Aucontraire, si beaucoup de commu-nautés échouent, cela peut montrerque le processus de vérification a étérigoureux et il est donc plus crédible.

Outre le fait qu’elle est motivantepour les communautés, la certification

Voici quelques indicateurs et des questions à poser pour lavérification du statut FDAL.18

• Y a-t-il des signes de défécation à l’air libre ? Servez-vous de votre vue et de votre odorat ! Même si lesanciennes zones de défécation ne sont plus en service,de nouvelles peuvent avoir été créées.

• Que se passe-t-il dans les lieux publics et loin du foyer, p.ex. à l’école, au marché, sur le lieu de travail ?

• Vérifiez les zones près des rivières, des lacs et de la mersusceptibles d’offrir de bons endroits pour la défécationen plein air.

• Y a-t-il des signes que les latrines améliorées ounouvellement construites sont utilisées ?

• Y a-t-il des installations pour se laver les mains ? • Les latrines ont-elles des couvercles ? Y a-t-il des

mouches dans ou près des latrines, qui peuvent propagerla merde ?

• Vérifiez la propreté et l’odeur des latrines mais n’oubliezpas qu’une latrine qui a l’air trop propre peut aussiindiquer qu’elle ne sert pas !

• Déduisez les progrès de la communauté par rapport auplan d’action qu’elle a rédigé à l’issue dudéclenchement.

• Demandez aux enfants de vérifier l’information fournie parles adultes – Ils savent souvent si la défécation à l’air libreest encore pratiquée et ils sont plus francs à ce sujet !

Encadré 7 – Vérification

Un groupe de jeunes de Sirowo, district de Siaya au Kenyaa demandé à Plan de vérifier le statut FDAL de leurcommunauté. Alors que Plan ne travaillait pas dans cesecteur, Plan a accepté d’aider la communauté. Plan adémarré par une rencontre au cours de laquelle lacommunauté a pu exprimer pourquoi elle estimait qu’elleavait atteint le statut FDAL et elle a généré une liste decontrôle. Le personnel de Plan et les leaders naturels ontensuite utilisé cet aide-mémoire lors de leur marche àtravers le village. À la fin de la marche, Plan leur ademandé si, à présent qu’ils avaient vu la situation dansle village, ils pensaient qu’il avait atteint le statut FDAL.Les participants ont déclaré que, bien que tous les foyersaient effectivement construit des latrines, ils ne pensaientpas qu’ils avaient le statut FDAL car toutes n’étaient pasdotées de couvercle pour veiller à ce que les mouches nepropagent pas la merde ; les dispositifs de lavage desmains manquaient parfois et certaines latrines n’étaientpas entretenues. Ils ont alors regagné leur communautépour discuter des questions restantes et ont élaboré unplan d’action afin de les résoudre. Avec le temps, les 21 villages de Sirowo ont fini par devenir FDAL. Ce typed’auto-évaluation avec un appui externe a été uneexpérience d’apprentissage très utile.

Encadré 8 – Vérification : une étude de cas

17 Voir les Conseils aux formateurs de Musyoki (dans ce numéro) pour obtenir d'autresconseils sur les principales choses à faire et à ne pas faire à l’issue du déclenchement. Lelecteur trouvera ici des directives utiles pour le suivi :www.communityledtotalsanitation.org/resource/clts-follow-guidelines18 Voir aussi l’aide-mémoire et les conseils de Philip Vincent Otieno, Plan Kenya à HomaBay www.communityledtotalsanitation.org/resource/verification-odf-status-kenya

41Si la merde m’était contée : l’Assainissement total piloté par la communauté en Afrique – Tour d’horizon

FDAL et les célébrations qui l’accompa- gnent permettent de propager la bonnenouvelle à d’autres communautés etservent de vitrine de l’action ATPC auprèsdes pouvoirs publics, des autres agences etdes médias, ce qui contribue aux efforts demise à l’échelle (Musyoki, Conseils auxformateurs, dans ce numéro). Le suivi et la

certification officiels confèrent aussi unecrédibilité à l’ATPC et sont essentiels pourl’action de plaidoyer de l’approche (Bevanet Hickling, dans ce numéro).

Au-delà du statut FDAL L’ATPC est une approche d’autonomisationet à ce titre, elle ne s’arrête pas à l’obtention

La carte du village de Ndeke A en Zambie.

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du statut FDAL. L’esprit communautaire,la découverte du pouvoir d’action collectiveet des résultats rapides peuvent déclencherd’autres activités pilotées par la commu-nauté, par exemple dans le domaine del’amélioration des moyens de subsistance.Bevan et Hickling (dans ce numéro)suggèrent qu’il est possible de capitalisersur le regain de cohésion de la commu-nauté pour promouvoir d’autres enjeuxsanitaires de premier plan comme la nutri-tion infantile. Rukuni (dans ce numéro)observe qu’au niveau communautaire,l’ATPC a dopé la confiance des commu-nautés dans leur aptitude à résoudre leurspropres problèmes. Le Chef Macha enZambie se fait l’écho de ces propos : « Nousdevrions toujours réfléchir à ce que nouspouvons faire pour nous-mêmes. » Et enZambie, l’ATPC a donné naissance à touteune panoplie d’autres actions impulséespar la communauté comme la plantationd’arbres fruitiers et une action contre leVIH/sida. Dans le district de Kilifi auKenya, où le premier village a célébré l’ob-tention du statut FDAL, les leadersnaturels et les communautés se sont désor-mais engagés dans des activités relativesaux moyens de subsistance comme laculture de fruits de la passion, dechampignons et d’épices pour stimuler leurrevenu et améliorer leur nutrition. Ils ontaussi démarré des forums publics pourdiscuter des questions d’abus et d’exploita-tion d’enfants et pour mettre au point desstratégies en vue de devenir des zones oùest bannie toute maltraitance aux enfants.

La surveillance et le suivi sont égale-ment requis pour conserver le statut FDALet pour hisser le mouvement sur l’échellede l’assainissement sans faire appel à dessubventions.

Marketing de l’assainissement Lors de la conception de leur propremodèle de latrine, de nombreuses commu-nautés s’appuient au départ sur l’utilisationde matériaux disponibles localement.Toutefois, la demande en éléments pour la

construction de latrine augmente à mesureque chaque foyer souhaite grimper l’échellede l’assainissement et construire unelatrine qui reflète son statut économique,ses besoins et son implantation (p. ex. descuvettes en plastique, des dalles en ciment– « san plats » – et autres pièces d’infra-structures). Le marketing de l’assainisse-ment considère l’approvisionnement enmatériaux.

Le calendrier des activités du market-ing de l’assainissement est crucial. Lemarketing de l’assainissement ne doit êtreintroduit qu’une fois que les communautésont été déclenchées et lorsque les menta -lités et les comportements des habitants ontchangé. Ainsi par exemple, dans le districtde Kilifi, il y a déjà 15 ans que les artisans dela communauté ont été formés à la fabrica-tion des dalles mais ce n’est qu’après 2007,lorsque l’ATPC a gagné du terrain, que lesdalles sont devenues populaires.

Un autre problème lié à une introduc-tion trop précoce du marketing de l’as-sainissement peut faire que les famillesveulent commencer tout en haut del’échelle de l’assainissement, avec desmodèles de latrine coûteux, persuadées queces toilettes sont mieux que des modèles deconstruction plus simple. Lorsqu’ellesréalisent qu’elles ne peuvent pas se perme-ttre d’acheter les options plus coûteuses,cela freine leur enthousiasme et ellesrisquent d’abandonner purement etsimplement le projet de construction delatrine ou de se tourner vers une tiercepersonne pour la leur procurer, revenantainsi à l’état d’esprit de dépendance etd’aumône. Le désir et la demande de tech-nologie devraient être impulsés par lescommunautés elles-mêmes. Elle ne devraitjamais avoir priorité ou être introduiteparallèlement à la transformation desmentalités et des comportements.

Dans certains cas, le secteur privécompte aussi sur des subventions. AuKenya, par exemple, Plan a invité desmembres du secteur privé à une session dedéclenchement ATPC mais il leur a été

43Si la merde m’était contée : l’Assainissement total piloté par la communauté en Afrique – Tour d’horizon

difficile de comprendre la demande crééepar l’ATPC et de produire une technologieabordable pour répondre à cette demandeet, après avoir réalisé que Plan n’allait pasacheter leurs technologies pour en fairedon aux communautés, ils ont quitté lascène (Musyoki, comm. perso.).

Le marketing de l ’assainissementsemble donner de meilleurs résultats dansun contexte urbain. Dans les établisse-ments humains informels de Nairobi, parexemple, les latrines sont un véritable busi-ness et les toilettes équipées de digesteurs àbiogaz semblent donner d’excellents résul-tats. Les gens veulent des technologiesabordables qui peuvent répondre aux défisposés par l ’assainissement urbain(Musyoki, comm. perso.).

Questions relatives au passage àl’échelle L’ATPC s’est propagé rapidement et amontré des résultats prometteurs enAfrique. Bon nombre d’organisations onthâte de commencer à utiliser cetteapproche et la déployer plus largement.Toutefois, il y a encore beaucoup de ques-tions et de débats en cours concernant lafaçon d’y parvenir. Lorsqu’on pense aupassage à l’échelle, il est utile de faire unedistinction entre le passage à l’échelle hori-zontal et le passage à l’échelle vertical

(Encadré 9). Dans cette section, nous abordons les

facteurs ayant trait à ces deux types depassages à l’échelle mais il va de soi qu’ilssont interconnectés. Plus vous êtes hautplacé dans la chaîne institutionnelle, plusvous avez de chances de promouvoir unediffusion horizontale. De même, plus lacouverture géographique de l’ATPC s’élar-git, plus les chances d’influencer les partiesprenantes au niveau supérieur sont impor-tantes (Menter et al., 2004).

Robert Chambers suggère que le pointde départ du passage à l’échelle doit inter-venir aux niveaux inférieurs :

…le passage à l’échelle ne peut pas êtreimpulsé, il peut uniquement être approuvéet soutenu d’en haut. Il doit se construired’en bas et l’essentiel de sa diffusion inter-vient latéralement par le biais des sympa-thisants locaux (Bongartz et al., 2009).

Comment donc pouvons-nous passer àl’échelle de façon assez rapide sans pourautant compromettre la qualité ? Hicklinget Bevan (dans ce numéro) signalentcertains facteurs clés ainsi que quelquesproblèmes. Ici, nous nous concentrons surles enjeux propres au renforcement descapacités (leaders naturels, formations), auchangement organisationnel, à l’identifica-tion et l’appui aux champions, à l’environ-nement politique et l’appropriation locale,au rôle des médias et à l’importance de ladocumentation, du partage et de l’appren-tissage.

Mentorat et accompagnement des leadersnaturelsAu niveau communautaire, le succès et leleadership d’une communauté peut engen-drer un enthousiasme et le souhait de « nepas se laisser distancer » par les autrescommunautés, encourageant ainsi unepropagation spontanée. Dès les premiersjours de l’ATPC, on s’est posé la question desavoir si l’ATPC pouvait devenir un mouve-ment autopropagé. Peut-il se mettre à

Par PASSAGE À L’ÉCHELLE HORIZONTAL, onentend une diffusion géographique afin de couvrirdavantage de gens et de communautés par le biaisd’une reproduction et d’une adaptation ; celaimplique un élargissement dans le même secteur ouau sein du même groupe de parties prenantes. Laprise de décision intervient au même plan social.

Le PASSAGE À L’ÉCHELLE VERTICAL intervient àun échelon supérieur. Il est de natureinstitutionnelle et touche d’autres secteurs etd’autres groupes de parties prenantes dans leprocessus d’élargissement – depuis lesorganisations de base jusqu’aux décideurs, auxdonateurs et aux institutions de développement auniveau international.

Encadré 9 – Passage à l’échelle de l’ATPC

Source: Menter et al. (2004).

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l’échelle en se propageant naturellement etspontanément d’une communauté à uneautre par le biais des leaders naturels, desconsultants aux pieds nus et sous l’effet del’émulation entre les villages ? Jusqu’ici, iln’existe pas assez de preuve pour répondreà cette question. Toutefois, l’expérience à cejour suggère qu’une telle propagation estpossible, mais seulement après une périodeconsidérable (sans doute deux ans) dementorat, d’appui et d’accompagnementdes leaders naturels, en encourageant lesliens entre eux et en forgeant un solidepartenariat avec les institutions mandatées.Au Kenya, par exemple, le ministère de laSanté publique et de l’Assainissement(MSPA) et les autorités provinciales travail-lent avec les leaders naturels pour propagerl’ATPC (Musyoki, dans ce numéro).

Formation de qualité des facilitateursLa formation des facilitateurs est le pointde départ de l’ATPC et l’un des principaux

facteurs de réussite de l’ATPC. Une forma-tion de qualité est particulièrement impor-tante pour le passage à l’échelle – elle est àla base de tout ce qui suit. Dans la plupartdes pays d’Afrique et d’ailleurs, l’ATPC a étéintroduit par le biais de formations et devisites répétées par Kamal Kar et d’autresformateurs expérimentés. Toutefois, àmesure que l ’ATPC s’est propagé, lademande en formation a rapidementaugmenté. On risque alors de compromet-tre la qualité de la formation, de la facilita-tion et du suivi. Les institutions, coincéesdans le carcan d’un « état d’esprit » vieillotet habituées à des programmes autocra-tiques de haut en bas, tentent d’assurer unprogramme d’ATPC à force de cours magis-traux et de discours théoriques classiquessans déclenchement auprès des commu-nautés. Associé à cela, on court égalementle risque de faire appel à des formateurs oudes instituts de formation inappropriés quin’ont peut-être pas le niveau de motivationet les capacités nécessaires pour mener leschoses à bien (voir p. ex. Soublière ;Musyoki, Conseils aux formateurs, dans cenuméro). Les capacités régionales etnationales en formation et en facilitationont besoin d’être renforcées car, actuelle-ment, la demande dépasse largement l’offre(Hickling et Bevan, dans ce numéro).

Dans sa note aux formateurs, aux faci -litateurs et aux commanditaires de forma-tion (Conseils aux formateurs, dans cenuméro), Musyoki discute de ce quimarche et ce qui ne marche pas. Il soulignenotamment le besoin de : • sélectionner soigneusement les stagiaires :ceux qui ont des chances de travaillerdirectement avec les communautés aprèsla formation ; issus de différentes disci-plines (pas seulement l’assainissement) ; • veiller à un bon équilibre entre les sexes,les antécédents PLA, le théâtre participatifet la communication populaire donnentsouvent de bons résultats mais n’oublionspas que tous ceux qui ont été formés nedeviendront pas de bons facilitateurs ni debons formateurs ;

Un leader naturel dessine un modèle de toilette lorsd’une formation ATPC dans le village de Ndeke B enZambie.

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• prévoir du temps pour le suivi, la ré -flexion, l’apprentissage et la documentation– il ne s’agit pas d’activités ponctuelles ; • ne pas rémunérer les facilitateurs : ilsdoivent être uniquement motivés par leurpassion de l’ATPC. • organiser une formation pratique dans lescommunautés et pas seulement dans lessalles de cours ; • encourager les stagiaires à poser des ques-tions critiques, à exprimer leurs craintes età entamer un débat constructif sur l’ATPC.

Chambers (2009) remarque aussi qu’ilest important de libérer les bons forma-teurs – il arrive trop souvent que lesmeilleurs éléments soient pris par d’autrestâches alors qu’ils auraient besoin d’êtreformateurs à plein temps.

Bevan et Hickling (dans ce numéro)souligne que ce n’est pas seulement unebonne formation qui est nécessaire maisaussi un programme plus détaillé qui tientcompte d’un changement de mentalitécomplexe et promeut le comportementprofessionnel radicalement différent exigépar l’ATPC. Par ricochet, cela souligne lebesoin de changement organisationnel, quenous allons aborder plus en détail ci-dessous.

Changement organisationnel pour l’ATPC Tous les articles de ce numéro spécialsoulignent directement ou indirectementla nécessité d’un changement organisa-tionnel pour que l’ATPC puisse être mis àl’échelle. Soublière (dans ce numéro)soutient que le rôle des agences dedéveloppement dans l’ATPC consiste àcréer des conditions porteuses pour que lescommunautés s’engagent à mettre unterme à leur problème d’assainissement –à leur propre rythme – et pour leurspropres raisons. L’agence de développe-ment cesse d’être « aux commandes » duprocessus de changement de la commu-nauté. Comme avec les autres processusparticipatifs, cette évolution d’uneapproche autocratique (de haut en bas)vers une approche démocratique (de bas en

haut) a des implications pour la cultureorganisationnelle, les pratiques sur leterrain et les processus organisationnels.Pour bon nombre d’organisations, lefinancement et la mise en œuvre desprojets d’assainissement, notamment ceuxbasés sur des subventions, les changementsrequis sont radicaux, par exemple ne pluscomptabiliser l ’argent dépensé ou lenombre de latrines construites pour aiderles communautés à obtenir le statut FDALpuis vérifier et certifier leur statut FDAL.

Raeside (dans ce numéro) examine ceque l’ATPC implique pour les structures degestion et les relations entre le personnelde terrain et leurs gestionnaires au niveaulocal et de district. Elle soutient que, pourque le personnel de terrain puisse faciliterun processus ATPC, leurs responsablesdoivent comprendre les différentes façonsde travailler que nécessite l’ATPC et aban-donner un style de gestion directif pouradopter un style plus proche de l’accompa-gnement. Ce ne sont pas seulement l’atti-tude et les compétences du facilitateur quisont essentielles pour le succès de l’ATPCmais les « relations et la communication »entre les différents types et les différentsniveaux de personnel et leurs responsables.L’article de Raeside qui décrit son expé -rience comme un « sympathique facilita-teur de processus et un partenaire deréflexion » pour les responsables de districtau Malawi montre comment aider lesresponsables à créer des conditions plusporteuses pour leur personnel de terrain etpartage certains conseils pratiques pourdonner un appui technique participatif.

Un mot clé qui revient dans bon nombredes articles présentés dans ce numérospécial est le mot « flexibilité ». Il s’agit deflexibilité en termes de l’approche adoptéedans chaque contexte (Bevan et Hickling),de flexibilité lors du déclenchement(Chimhowa) et de flexibilité dans les organi-sations (Soublière) et dans la gestion(Raeside). Tout bon projet ATPC sait recon-naître les réalités complexes et divergentespropres à chaque contexte et a besoin d’être

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adapté d’une manière appropriée auxcirconstances sur le terrain.

Aider et multiplier les champions L’ATPC compte énormément sur l’engage-ment, la passion et la motivation des « champions » aussi bien dans les commu-nautés que dans les organisations qui soutiennent les programmes d’assainisse-ment, p. ex. les ministères ou les ONG. Cettedépendance à l’égard de certains individusest à la fois un atout et une faiblesse poten-tielle de l’ATPC. Avec le soutien des bonsindividus, il peut très vite se passer deschoses incroyables mais il n’est pas possiblede « créer des champions de toute pièce » :ils doivent se présenter d’eux-mêmes.Toutefois, une fois qu’ils sont sortis dulot, il convient de les épauler et de lesencourager.

Les chefs traditionnels peuvent aussijouer un rôle important comme acteurstransgénérationnels et transpolitiquesd’influence, pour aider la communauté àaccepter l’ATPC et engendrer un élan etun soutien de la part de différentesparties prenantes, y compris les ministresd’État, les conseillers élus et autres chefs,comme auprès des médias. Le puissantleadership du Chef Macha en faveur del’ATPC en Zambie, par exemple (Zulu etal., dans ce numéro), a été reconnu parAfricaSan/le Conseil des ministreschargés de l’Eau (AMCOW). La Zambieoffre aussi des exemples de champions àde nombreux niveaux et dans différentesorganisations – autorités locales, ONG,UNICEF, chez les bailleurs, le secteurprivé, les médias et les communautéselles-mêmes – qui travaillent à la promo-tion de l’ATPC.

On ne saurait sous-estimer le pouvoirde voir l’ATPC se produire en direct – « ilfaut le voir pour le croire » – parconséquent, le fait d’inclure des individuset des organisations clés dans les ateliers etles formations revêt une importancecruciale pour créer des champions à tousles niveaux.

Un environnement politique porteur et uneappropriation localeLes approches communautaires en matièred’assainissement ont besoin d’être adoptéeslocalement tout en étant aussi approuvéeset appuyées par les gouvernements et lesagences extérieures (Hickling et Bevan,dans ce numéro). Dans les pays où l’ATPCest réussi, il existe une vive politique desoutien en faveur de l’ATPC et un tauxd’adoption élevé aux échelons supérieursdu gouvernement. Ainsi, au Kenya leministère de la Santé publique et de l’As-sainissement a reconnu l’ATPC commel’approche de prédilection pour accélérer letaux de couverture de l’assainissement etson utilisation dans les zones rurales ; auGhana et en Érythrée, l’ATPC est l’ap-proche nationale reconnue en matière d’as-sainissement. Ces pays ont des groupes detravail sur l’ATPC et des unités de coordi-nation qui appuient les projets ATPC.Toutefois, travailler avec le gouvernementn’est pas sans poser de problèmes : • la poursuite des programmes d’as-sainissement subventionnés ; • un manque de responsabilité claire enmatière d’eau et d’assainissement au seindu gouvernement ; • des normes nationales irréalistes pour l’as-sainissement au niveau communautaire ; et • des contraintes de temps sur le personneldes pouvoirs publics et l’attente d’indem-nités journalières et autres versements.

Tous ces points peuvent être des pro -blèmes avec lesquels doivent compter ceuxqui tentent de mettre en œuvre l’ATPC etde le mettre à l’échelle (Rukuni et Musyoki,dans ce numéro).

Peu importe quel modèle suit un paysdonné et qui prend les rennes dans l’intro-duction de l’ATPC, il semble exister unconsensus selon lequel le taux d’adoptionintersectorielle et la collaboration revêtentune importance cruciale (Hickling etBevan, dans ce numéro). Dans le district deChoma en Zambie, par exemple, c’est uneapproche en trois volets qui a été prise,faisant appel au savoir des technocrates

47Si la merde m’était contée : l’Assainissement total piloté par la communauté en Afrique – Tour d’horizon

(ONG et gouvernement), au pouvoir civilet politiques des conseillers locaux élus età l’autorité des leaders traditionnels (Zuluet al., dans ce numéro). Le succès de cetteapproche est illustré par l’adoption récentede l’ATPC comme l’une des stratégies cléspour la fourniture d’un assainissementrural dans le chantier Assainissement duProgramme national du gouvernement enmatière d’assainissement et d’approvision-nement en eau dans les zones rurales. Il estdésormais mis en œuvre dans neuf districtsdes provinces méridionale, occidentale etdu Copperbelt et il est prévu de mettre leprojet à l’échelle dans chacune des neufprovinces de la Zambie.

Au Kenya, il existe un mouvementcroissant de la part d’ONG et d’agencestelles que Plan, UNICEF, Aga Khan,NETWAS (Réseau international pour l’eauet l’assainissement) et les pouvoirs publics,en association avec des leaders naturels (ycompris des jeunes et des enfants) pourqu’ils plaident en faveur de l’ATPC et lemettent à l’échelle dans les districts favo -rables des provinces de Nyanza, de la côteet orientale.

Les médias et les campagnesd’assainissementLes médias jouent un rôle important dansla diffusion du message concernant l’ATPCet ses succès. En Zambie, le gouvernementet l’UNICEF ont travaillé en étroite colla -boration avec les médias pour plaider enfaveur de l’ATPC, sensibiliser l’opinion etdiffuser l’information. Aujourd’hui, il y amême un feuilleton télévisé sur la chaînenationale qui a su tisser l’ATPC dans sonscénario et diffuse ainsi le message à unvaste public.

En outre, Plan Kenya a récemmentconclu un partenariat avec la Kenya Broad-casting Cooperation (KBC) en vue d’utiliserl’une des plus anciennes et des plus popu-

laires comédies, Vitimbi, diffusée enswahili, pour faire connaître l’ATPC à plusde 4 millions de téléspectateurs kenyans.19

Rukuni (dans ce numéro) montrecomment les campagnes d’assainissementportant sur l’ATPC peuvent être un outilindispensable pour influencer l’opinion dugouvernement et susciter un intérêt enversl’ATPC. Il décrit comment les membres del’Unité de coordination nationale (UCN)du Programme eau et assainissement duZimbabwe se sont rendus dans des villagesdéclenchés du district de Mutoko en 2008puis ont décidé d’y organiser la Semainenationale de l’assainissement en 2009(SNA), donnant ainsi l ’occasion auxpersonnalités haut placées du gouverne-ment de voir par elles-mêmes ce que peutaccomplir l’ATPC. S’il subsiste des défis àrelever pour réussir le passage à l’échelle del’ATPC au Zimbabwe, une telle couverturemédiatique a permis de bousculer lesmentalités des décideurs au niveaunational.

Documentation, travail en réseau, partage etapprentissageLes activités de partage et d’apprentissageconstituent un autre élément vital pourgarantir la qualité au moment du passage àl’échelle de l’ATPC en Afrique. Cela peutprendre la forme de manifestations departage ou d’apprentissage comme cellesorganisées par l’IDS lors de l’AfricaSan ouencore à Mombasa (voir l ’article deBongartz sur le travail en réseau, dans cenuméro), le partage des enseignements,des défis, des succès et des questions par lebiais de forums comme celui du site web del’ATPC et la liste de diffusion mondialeATPC ou encore, au sein d’un pays, par lebiais d’un bulletin ATPC, par exemple auMalawi où les agents de district ont relatéleur expérience concernant l’implicationdes leaders naturels et la vérification

19 Pour obtenir un exemple d’une campagne couronnée de succès à Homa Bay,au Kenya voir : http://tinyurl.com/manera-clts-campaign. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/ resource/wearing-message-loud-and-proud-how-manera-s-clts-campaign-has-inspired-and-confronted-other

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Principales préoccupations et questions identifiées par les participants lors d’un atelier ATPC de cinq jours àMombasa au Kenya en mars 2009, organisé par le Bureau RESA de Plan et l’IDS. Cet événement a donnél’occasion de partager des expériences en matière d’ATPC dans plus de dix pays d’Afrique différents et àtravers maintes organisations.

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Les manifestations qui rassemblent despraticiens issus de différents pays, organi-sations ou milieux permettent de faciliterle travail en réseau, d’établir des liensintéressants entre les différents acteurs etde nourrir collaboration et coordination.Elles permettent aussi de sensibiliserl’opinion à la diversité de l’ATPC dans lesdivers contextes et aux innovations qui ontété faites dans son application.

Des visites d’échange inter-pays etinterinstitutions constituent une autrefaçon de promouvoir le travail d’influenceet l’apprentissage, d’aider à convaincre lepersonnel clé du gouvernement et desagences de la faisabilité et de la viabilité del’ATPC dans leur propre pays. Ainsi, PlanKenya et Plan Éthiopie ont organisé des

rencontres régionales et nationales d’ap-prentissage sur le terrain lors desquellesdes groupes se sont rendus dans desvillages FDAL et ont eu des échanges avecles communautés pour écouter leur versiondu changement. Ces visites d’échange ontaidé les « professionnels » à voir et àapprécier ce que les communautés ontaccompli.

Toutefois, la documentation et lepartage de l’apprentissage concernant lessuccès et les défis que pose l’ATPC peuventêtre problématiques. Comme Soublière(dans ce numéro) le fait remarquer, lepersonnel de terrain a besoin d’être épauléet encouragé afin de documenter et departager un apprentissage précieux acquissur le terrain – et cela a ensuite des impli-cations pour les processus organisationnels.

20 Voir : http://tinyurl.com/shits-newsletter. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/resource/shits-sharing-highlights-total-sanitation21 Voir : www.communityledtotalsanitation.org

49Si la merde m’était contée : l’Assainissement total piloté par la communauté en Afrique – Tour d’horizon

Milligan et Bongartz (dans ce numéro)se font l’écho de ce constat. Les articles decette édition spéciale ont été rédigés durantun atelier d’écriture d’une semaine orga niséà Nairobi, lors duquel a été abordée laquestion de savoir qui documente et quidevrait documenter. Les participants àl’atelier d’écriture ont estimé qu’il étaitimportant de soutenir le personnel deterrain dans un souci de documentation,puisque l’apprentissage et l’expériencequ’ ils acquièrent passent souventinaperçus. Toutefois, ils ont aussi identifiédes obstacles à la documentation et ils ontsuggéré des moyens de les surmonter, ycompris en demandant au personnel deterrain de décrire le « changement le plussignificatif » une fois par mois, en lesencourageant à se réunir et à mettre en

commun leur expérience puis à la relaterdans un document ou en se servantd’autres supports de documentation –comme des vidéos, des clips audio/radio –pour capturer l’apprentissage.

Au-delà de l’ATPC dans les communautésrurales : dans les écoles, en milieu urbainou en situation d’urgence

L’Assainissement total piloté par l’école (ATPE) L’Assainissement total piloté par l’école(ATPE) est une nouveauté qui soulève unintérêt croissant.22 Lorsque l ’ATPCdémarre dans une école, les enfants agis-sent comme des messagers et acheminentjusque dans leur foyer leur apprentissage àpropos de la défécation à l’air libre et leurdésir d’y mettre fin.

Des enfants de Mathare 10, à Nairobi au Kenya. Photo prise lors d’une visite au cours d’un atelier surl’Assainissement total piloté par l’école (ATPE) et sur la participation des enfants à l’Assainissement totalpiloté par la communauté (ATPC) en août 2010. Vingt praticiens issus de différents pays et organisations,intéressés par le rôle des enfants et des écoles dans l’ATPC, se sont réunis à Nairobi pour échanger et mettreen commun leurs expériences, pour réfléchir aux enjeux clés et aux façons d’aller de l’avant, pour tisser desliens et créer des interactions à des fins de suivi.

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22 IDS et Plan ont coorganisé un atelier sur l’ATPE et la participation des enfants à l’ATPCen août 2010 afin de recueillir des expériences dans ces domaines et de réfléchir à desmoyens d’aller de l’avant.

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Plan Kenya utilise l’école comme unvivier de recrutement et un lieu propiceau déclenchement de l’ATPC. Les enfantssont aussi impliqués dans l’intégralité duprocessus et ils partagent les résultats deleur analyse et leurs plans d’action avecl’ensemble de la communauté. Ils peuventaussi agir comme leaders naturels. Danscertains cas, ils ont fait pression sur leursparents pour qu’ ils construisent desinstallations d’assainissement après avoirpris part à un exercice de déclenchementATPC. Les écoles sont aussi un lieupropice aux célébrations à l’issue de l’ob-tention du statut FDAL – ce momentoffre à lui seul une immense possibilitéd’apprentissage pour les enfants et lacommunauté. Durant ces célébrations,les enfants utilisent le théâtre, la poésieet la musique pour divertir et éduquer lacommunauté sur les questions liées à l’as-sainissement.

En Zambie, Plan utilise les discussionsdes groupes de réflexion et des transectsavec des enfants pour le suivi postérieur audéclenchement, afin d’inviter les enfants àévaluer s’il y a eu un changement notabledes comportements en matière d’hygiènedans leur village. Plan Ouganda utilise l’ap-proche de la communication d’un enfant àl’autre comme base de l’Assainissementtotal piloté par l’école (ATPE).23 L’ATPC estdéclenché dans les écoles, ce qui permetaux enfants d’identifier les problèmes d’hy-giène et d’assainissement au sein de leurétablissement et d’élaborer des plans d’ac-tion pour faire en sorte que les latrines del’école restent propres, pour encourager lelavage des mains après l’utilisation deslatrines, le maintien d’une bonne hygiènepersonnelle et surtout pour qu’ ilspratiquent à la maison les leçons apprisesdu processus.

L’ATPC en milieu urbain L’usage de l’ATPC en milieu urbain ajusqu’ici été limité, bien que beaucoupsouhaitent explorer comment il seraitpossible d’adapter l’approche au contexteurbain. Il y a beaucoup de facteurs supplé-mentaires à prendre en compte dans l’as-sainissement urbain, y compris desquestions d’ordre physique comme l’espaceet la vidange des latrines, des questionsd’ordre juridique liées à l’occupation et auxétablissements informels ainsi que desquestions d’ordre social touchant à la cohésion de la communauté.

Au Caire, Plan Égypte s’est servi d’uneapproche de type ATPC pour la gestion desdéchets urbains. Plan a facilité une évalua-tion des tunnels de blocage des détritussous la rocade – une situation qui provo-quait la mort d’enfants lorsqu’ils traver-saient l’axe très fréquenté. Cela a engendréla mobilisation de la communauté, desnégociations avec les autorités, la partici-pation de la communauté pour les aider àsupprimer les détritus, et le nettoyagedurable des tunnels avec des peinturesd’enfants sur les murs.24 Au Kenya, dans laville de Kilifi, il y a également eu denouvelles initiatives. Durant l’été 2008, il ya eu une formation ATPC à l’intention dupersonnel du gouvernement basé dans laville de Kilifi sur la côte kényane. Cela aprovoqué plusieurs réunions du conseilmunicipal, après quoi des mesures ont étéprises afin de mettre un terme à la déféca-tion à l’air libre le long de la plage et d’al-louer des terres à un groupe de jeunes pourconstruire des toilettes publiques commer-ciales.

Zulu et al. (dans ce numéro) examineaussi comment l’ATPC a été adapté à uncontexte urbain et périurbain en Zambie.L’approche varie quelque peu de la façon

23 L’approche d’un enfant à un autre (child-to-child approach) est une approche fondée sur lesdroits pour faire participer les enfants au développement et à la promotion de la santé. Il s’agitd’un processus éducatif qui relie l’apprentissage des enfants avec des mesures visant àpromouvoir la santé, le bien-être et le développement du moi, de la famille et des communautés.Voir : www.child-to-child.org/about/approach.html24 Voir : http://tinyurl.com/urban-clts-cairo. URL complète :http://www.communityledtotalsanitation.org/resource/community-led-environmental-project-cairo

51Si la merde m’était contée : l’Assainissement total piloté par la communauté en Afrique – Tour d’horizon

de faire dans les zones rurales, bien quecertains aspects du déclenchement soienttoujours utilisés. Comme le constatent lesauteurs, la prise de conscience engendréeau sein de la communauté a montré que lesaméliorations apportées à l’assainissementpeuvent être faites dans un contexte urbainet que ces communautés peuvent sedévelopper sans subvention et sans appuiexternes.

En Mauritanie, dans la ville de Rosso,qui compte 32 000 habitants, huitquartiers urbains sont devenus FDAL et 67autres ont entamé la phase de suivi.25 L’ex-périence de l’UNICEF en Mauritanie a

montré que l’ATPC en milieu urbain estbeaucoup plus complexe et prend plus detemps que dans les zones rurales. Il peuts’avérer difficile d’attirer de grands groupesdans la phase de déclenchement. Leslatrines publiques sont souvent malentretenues. L’espace manque et les fossesont besoin d’être vidées d’une manière quisoit durable et empêche la contaminationfécale. Sur la base de l’expérience de Rosso,on a constaté qu’il est plus facile de frag-menter les villes en petits quartiers, d’iden-tifier les quartiers où règne une bonnecohésion sociale et d’encourager l’émula-tion entre les quartiers. Les milieux urbainspeuvent aussi offrir plusieurs avantages,tels que de meilleurs circuits de communi-cation qui permettent aux messages degagner plus rapidement une populationplus vaste, p. ex. la radio, les journaux, latélévision, etc. Une ville peut devenir unmodèle à suivre pour les municipalités etles villages alentour. Dans certaines villes,plus d’affluence peut aussi vouloir dire queles gens peuvent construire plus de toilettesdurables dès le départ.26 Tout récemment,en juin 2010, Plan Kenya a entamé unprojet ATPC pilote dans un grand éta -blissement informel urbain. Quatre villagesde Mathare 10 à Nairobi ont été déclenchésà l’issue d’une formation de jeunes qui ontparticipé à une entreprise sociale baptiséeCommunity Cleaning Services (CCS –Services de nettoyage communautaire).27

Même s’il ne fait aucun doute quel’ATPC s’applique aussi aux contextesurbains, il existe des différences énormesavec les milieux ruraux. Ceux qui sontimpliqués dans l’ATPC en milieu urbainont besoin d’être stratégiques dans laconstruction de partenariats qui puissentpermettre aux communautés de résoudreles problèmes de piètre gouvernance dans

Les enfants d’Arujo, district d’Homa Bay au Kenya,dressent un plan d’action puis rendent compte desrésultats aux adultes.

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25 Et ce, malgré de graves inondations en septembre 2009.26 Pour en savoir plus au sujet de l’expérience en Mauritanie, voir :http://tinyurl.com/urban-sanitation-mauritania. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/resource/lessons-learnt-urban-sanitation-mauritania27 Voir : http://tinyurl.com/urban-clts-nairobi. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/resource/piloting-clts-urban-setting-diary-progress-mathare-10-nairobi-kenya

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la gestion de l’assainissement urbain. S’ilest relativement simple pour une commu-nauté rurale de creuser une fosse à l’issuedu déclenchement, dans les établissementsurbains informels, les communautés nesont pas propriétaires de leurs terres. Laterre appartient au conseil municipal. Dansle cas de Mathare 10, la plupart des terresdestinées aux services publics ont déjà étéprises. Cela signifie qu’il faut créer unetribune pour permettre un dialogue entreles communautés et les acteurs clés commele ministère des Collectivités locales, leConseil municipal de Nairobi et leministère de la Santé publique et de l’As-sainissement, de manière à pouvoir fairepression sur ce dernier pour qu’il s’engageà libérer des terres pour la construction detoilettes.

Le projet pilote de Mathare 10 est jeunemais il a déjà attiré beaucoup d’attention dela part d’acteurs clés. Une série d’engage-ments ciblés pris autour d’une table entreles communautés et les principales partiesprenantes est en cours de finalisation. Cesengagements visent à faire en sorte que lesdifférents acteurs soient déclenchés et s’en-gagent à jouer leurs rôles pour veiller à ceque les gens de Mathare soient à mêmed’exercer leur droit à vivre dans un envi-ronnement propre et salubre. Comme lemontre un rapport récent publié parAmnesty International, la sécurité desfemmes et des jeunes filles est aussi unenjeu crucial dans les bidonvilles urbains.28

Les femmes et les jeunes filles sontconfrontées à des risques de violences liéesau sexe et de viol lorsqu’elles vont faireleurs besoins en plein air la nuit. De ce fait,beaucoup sont contraintes de déféquerdans des sacs en plastique ou dans desbassines avant de diluer les selles avec del’eau pour les déverser sur les trottoirs.

L’ATPC en situation d’urgenceUn intérêt commence aussi à poindreconcernant l’adaptation de l’ATPC aux situations d’urgence ou d’après conflit.Jusqu’ici, il n’y a guère eu d’expériencesd’utilisation de l ’approche dans cescontextes particuliers, mais des organisa-tions comme Oxfam souhaitent explorerl’utilisation de l’ATPC dans les situationsd’urgence et aussi dans le cadre deprogrammes de redressement ou deprévention. En Haïti, l’UNICEF a déjà faitdes expériences avec diverses adaptationsde l’ATPC au lendemain du séisme dejanvier 2010.29

Conclusion Comme l’écrit Chambers (2009), « pourbien diffuser l’ATPC, il faut en perma-nence apprendre, adapter et innover ».Les expériences partagées dans cetteédition démontrent clairement quel’ATPC, même s’il a vu le jour dans unautre continent, peut tout aussi bien s’ap-pliquer à l’Afrique. Dans cette édition, lespraticiens ont fait des innovations signi-ficatives en fonction des différentscontextes de leurs travaux et ils ont ainsicontribué au développement de l’ATPC. Àmesure que l’ATPC évolue, il sera néces-saire de continuer la recherche-action etla documentation pour garantir que lesexpériences du continent viennent étofferla masse de connaissances constammentrecueillies sur l’ATPC.

Efforçons-nous de réaliser le pleinpotentiel de l’ATPC au profit des milliardsde femmes, d ’enfants et d ’ hommesd’Afrique et du monde qui souffrentencore des terribles conséquences de ladéfécation à l’air libre – et qui méritent dejouer un rôle dans leur propre développe-ment.

28 Voir : http://tinyurl.com/amnesty-sanitation-nairobi. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/story/amnesty-international-report-insecurity-and-indignity-womens-experiences-slums-nairobi-kenya 29 M. Foster, comm. perso. (30 juin 2010) et M. Henderson, comm. perso. (5 août 2010).

53Si la merde m’était contée : l’Assainissement total piloté par la communauté en Afrique – Tour d’horizon

COORDONNÉESPetra BongartzAgent de coordination, communication et travail enréseau :Assainissement total piloté par la communauté (ATPC)Institute of Development Studies (IDS)Université de Sussex, Brighton BN1 9RE Royaume-UniCourriel : [email protected] Site web : www.communityledtotalsanitation.org

Samuel Musembi MusyokiDirecteur de Programmes Plan International Bureau du Kenya Dennis Pritt Road PO Box 25196-00603, NairobiKenyaTél. +254 20 3870216/3874987/3862593Courriel : [email protected]

Angela Milligan coéditrice, série Participatory Learning and Action (PLA),IIED Courriel : [email protected] international pour l’environnement et ledéveloppement (IIED)3 Endsleigh Street, London, WC1H 0DD Royaume-Uni Tél. +44 20 7388 2117 Fax. +44 20 7388 2826#Web : www.planotes.org

Holly Ashleycoéditrice, série Participatory Learning and Action (PLA),IIED Courriel : [email protected]

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Introduction Sur les 44 pays qui constituent l’Afriquesubsaharienne, seuls quatre (l’Afrique duSud, l’Angola, le Botswana et le Rwanda)sont actuellement bien placés pour attein-dre la cible 7 relative à l’assainissement desObjectifs du Millénaire pour le développe-ment.1 Les taux de mortalité infantile dansla région sont parmi les plus élevés aumonde, avec un taux moyen de mortalitéchez les enfants de moins de cinq ans de 135 pour 1 000 (UNICEF, 2009a). Lesmaladies diarrhéiques constituent unecause première de décès en Afrique sub -saharienne et sont clairement liées à unmanque d’assainissement, d’hygiène et d’ap-provisionnement en eau. On estime à 565 millions le nombre de personnes enAfrique subsaharienne sans accès à unassainissement amélioré et, pire encore, à224 millions le nombre de gens qui pratiquentla défécation à l'air libre – la pratique d’as-sainissement la plus risquée de toutes.

Le Fonds des Nations Unies pour l’en-fance (UNICEF) s’est engagé à améliorerl’accès à l’assainissement dans le cadre de sastratégie plus large en vue d’améliorer lasurvie et le développement des jeunesenfants. Il a mis en œuvre des programmesd’Assainissement total piloté par la commu-nauté et d’autres approches communau-taires en faveur d’un assainissement totalavec des partenaires dans plusieurs payspour tendre vers cet objectif.

Les approches en matière d’assainisse-ment pilotées par la communauté ontprouvé qu’elles améliorent rapidement lacouverture de l’assainissement en Asie(Chambers, 2009) et ont récemment étéintroduites en Afrique. Ce transfert positifSud-Sud affiche de réelles promessescomme moyen d’accélérer l’augmentationdu taux de couverture. Il offre un réelpotentiel, une fois passé à l’échelle, d’avoirun impact manifeste sur les chiffresconsternants évoqués plus haut. Cet article

1 Programme commun OMS/UNICEF de surveillance (JMP) de l’eau et de l’assainissement(2010). Voir : www.wssinfo.org

par SOPHIE HICKLING et JANE BEVAN

Passage à l’échelle del’ATPC en Afriquesubsaharienne 2

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se penche sur plusieurs des multiplesopportunités et des nombreux défisrencontrés durant l’introduction de l’ATPCen Afrique à ce jour, aussi bien parl’UNICEF que par ses partenaires – et ilconsidère les questions clés en termes depassage à l’échelle et de pérennité.

Contexte L’introduction de l’ATPC en Afrique sub -saharienne remonte à 2005-06 (Nigéria,Ghana et une région de l’Éthiopie). Uneintroduction plus large a été amorcée àpartir de 2007.2 En collaboration avec denombreux partenaires de mise en œuvredans toute l’Afrique, les approches commu-nautaires en matière d’assainissement, ycompris l’ATPC, sont désormais introduitesdans l’ensemble des pays anglophones,francophones et lusophones d’Afrique (voirla Figure 1).

Dans le cadre de la stratégie del’UNICEF pour le déploiement de l’ATPC,une multitude d'ateliers régionaux et deséances d’information ont été organisés.Deux ateliers ont eu lieu en Afriquecentrale et de l’Ouest, (novembre 2008pour l’Afrique francophone, mars 2009pour l’Afrique anglophone). Tous deux ontété facilités par Kamal Kar, le créateur del’ATPC et coauteur du manuel sur l’ATPC(Kar et Chambers, 2008). Des représen-tants des pouvoirs publics, des ONG et despartenaires de l’UNICEF de 16 pays ontassisté aux ateliers. Ils comprenaient destravaux pratiques pour la mise en œuvre del’outil ATPC et le déclenchement de l’ATPCdans les communautés. En Afrique de l’Estet australe en novembre 2007, un rassem-blement régional de professionnels de l’as-sainissement a donné le coup d’envoi à uncertain nombre d’ateliers pratiques au

2 Compte rendu de l’atelier de mise en commun et d’apprentissage sur l’ATPC àl’AfricaSan, Durban, Afrique du Sud, 17 février 2008.

Figure 1 : Adoption d’approches communautaires pour un assainissement total (CATS)en Afrique

Plus de la moitié des pays d’Afrique ont introduit des approches communautaires en matièred’assainissement total

Pays pionniers/CATS à l’échelleCATS en phase piloteAteliers CATS/introduction imminenteCATS pas encore adoptée

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57Passage à l’échelle de l’ATPC en Afrique subsaharienne

niveau national impliquant les pouvoirspublics, des ONG et des partenaires del’UNICEF dans les pays hôtes ainsi que lespays voisins.

Durant tous les ateliers, une stratégieprévoyant la participation du personnelressource régional et la formation dupersonnel d’instituts partenaires a étéadoptée.3 Le but visé était de renforcer lacapacité institutionnelle régionale pourune viabilité à long terme de l’approche,facteur décisif reconnu du succès de la miseen œuvre (Chambers, 2009). Cela se révèleimportant pour tenter de combler unmanque de facilitation de qualité pour faireface au rapide essor de la demande enprojets ATPC.

À travers l’Afrique subsaharienne,l’essor de l’ATPC a dépassé toutes lesattentes. L’approche ATPC est déjà bienétablie à une échelle considérable dansbeaucoup de pays et elle est à un stadepilote dans de nombreux autres (voir laFigure 1). Rien qu’en l’espace de deux ans,on estime que plusieurs centaines demilliers de personnes à travers l’Afrique ontpu se hisser sur l’échelle de l’assainisse-ment. Une proportion non négligeabled’entre elles utilisent désormais des instal-lations sanitaires améliorées, résultat directde l’ATPC. Ne serait-ce qu’en Zambie, grâceà l ’approche ATPC, plus de 245 000personnes vivent désormais dans descommunautés ayant mis fin à la défécationà l’air libre (FDAL).

L’une des conclusions de notre expé -rience à ce jour est que l’ATPC s’est trèsbien transposé en Afrique. Il y a deux ans,il n’y avait que très peu d’exemples de miseen œuvre réussie de l’ATPC. Lorsquel’ATPC et d’autres approches communau-taires en matière d’assainissement total ontété présentées à l’AfricaSan+5 à Durban(2008), la plupart des exemples venaientde l’Asie du Sud-Est.4 À présent, début

2010, il existe un certain nombre de succèsafricains, qui peuvent servir à des actionsde plaidoyer et à la mise à l’échelle de l’ap-proche à l’intérieur comme à l’extérieur dela région. Beaucoup d’échanges d’appren-tissage entre les pays ainsi que des ateliersde formation, deux éléments essentielspour la propagation internationale del’ATPC dans ses premières années (Deak,2008), ont eu lieu et ont débouché sur unaccroissement rapide du taux d’adoption del’approche en parvenant à convaincre lestiers des possibilités qu’elle offrait.

Néanmoins, comme avec toute nouvelleapproche, la viabilité à long terme de ceschangements rapides reste à prouver. Lespersonnes chargées de la mise en œuvreont besoin de trouver un juste équilibreentre les avantages d’une introductionrapide et une procédure intensive de suivisouvent requise pour veiller à ce que lestatut FDAL soit atteint mais aussi main-tenu. Dans les sections suivantes, nousallons aborder certains des principauxenjeux que nous avons identifiés commeétant décisifs pour veiller à ce que lesapproches communautaires aient lesmeilleures chance de se propager large-ment et de se montrer durables.

Qu’est-ce qui fait le succès de l’ATPC enAfrique ?

Politique et appropriation Le passage à l ’échelle des approchescommunautaires en matière d’assainisse-ment a besoin d’une appropriation localetout en étant approuvée et soutenue par lespouvoirs publics et les agences de l’ex-térieur.

Un environnement politique favorablelégitime l'adoption de l’approche ATPC parles partenaires et fournit les conditionsrequises propices à sa propagation. Cesdernières années, on a vu un recentrage de

3 Y compris : le Centre régional pour l’eau potable et l'assainissement à faible coût (CREPA),Burkina Faso ; l’Institute of Water and Sanitation Development (IWSD), Zimbabwe ; le Réseaupour l’eau et l’assainissement (NETWAS) et Training, Research and Networking forDevelopment (TREND) au Ghana.4 Conférence sur l’assainissement en Afrique – AfricaSan+5, Durban, du 18 au 20 février 2008.

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l’environnement en amont, avec l’élabora-tion de politiques, de lignes directrices etd’approches sectorielles dans de nombreuxpays d’Afrique. Elles sont propices auxapproches pilotées par la communauté et àl'éradication de la défécation à l’air libre –même s’il n’est pas toujours fait explicite-ment référence à l’ATPC. On a constaté unintérêt croissant envers les questions depolitiques et de budget consacrés à l’as-sainissement dans toute l’Afrique depuisl’Année internationale de l’assainissementen 2008, notamment la signature de laDéclaration d’eThekwini lors d’Africa -San +5, qui a permis de maintenir la visibilité du secteur.5 Les indicateurs de progression

par rapport à la Déclaration comprennent lacoordination nationale et le suivi-évalua-tion, ainsi que l’examen des approchespilotées par la communauté. Un regaind’intérêt sur ces questions a été une excel-lente occasion d’inclure les approchescommunautaires dans les politiquesnationales d’assainissement, par exempleau Ghana et en Érythrée, où l’ATPC estdésormais l’approche nationale reconnuepour l’assainissement rural (Magala,2009).

Au sein d’un environnement politiqueporteur, l’appropriation locale, aussi bienpar les pouvoirs publics que par lescommunautés, est aussi un préalable

Malgré des efforts concertés depuis plusieurs années pour combler la fracture de l’assainissement, en 2008seuls 56 % des Malawites avaient accès à un assainissement amélioré. Les progrès sont insuffisants pourremettre le pays en bonne voie pour atteindre la cible 7 des OMD (JMP, 2010). Neuf pour cent de lapopulation pratique la défécation à l’air libre, ce qui équivaut à 1,3 million de personnes. Suite à laparticipation d'une solide délégation malawite à la conférence AfricaSan+5 en 2008, les deux ministèresconcernés par l’assainissement ont entamé conjointement un processus de discussion et l’élaboration d’unefeuille de route pour l’assainissement.

La Politique d’assainissement du Malawi (2008) définit le droit de base de chaque citoyen d’accéder àdes informations sur un assainissement amélioré et la responsabilité individuelle de posséder et d’entretenirdes installations sanitaires. Il convient de souligner que la Politique d’assainissement du Malawi est l’unedes seules politiques d’assainissement dans la région qui se concentre expressément sur l’élimination de ladéfécation à l’air libre. L’ATPC est aussi l’un des principaux moteurs de la promotion de l’assainissementdans la politique sectorielle.

À la mi-2008, une équipe nationale intersectorielle avait été dotée des compétences requises pourmettre en œuvre l’ATPC dans 12 districts prioritaires. Chaque équipe de district est chargée de former etd’accompagner des vulgarisateurs en première ligne dans l’ensemble des ministères compétents, y comprisdes auxiliaires de surveillance sanitaire (ASS), des auxiliaires de surveillance de l’eau (ASE) et des auxiliairesde développement communautaires. Dans nombre de districts, les vulgarisateurs sanitaires ont formé desgroupes d’action ATPC pour veiller au suivi et au contrôle du statut FDAL. À la fin de 2009, 346 villagesavaient été déclarés FDAL au Malawi, touchant ainsi près de 189 000 personnes.

Outre le cadre institutionnel qui soutient le passage à l’échelle et la viabilité à long terme de l’ATPC, unecaractéristique importante de l’ATPC au Malawi est l'introspection continue et l’apprentissage permanentqu’il promeut. Cela s’effectue par des forums de discussion périodiques nationaux réunissant toutes lesparties prenantes et le bulletin national produit par Ingénieurs sans frontières Canada (ISF), qui prévoit uneplate-forme de documentation et de mise en commun des acquis (voir aussi Raeside, dans ce numéro).

L’intérêt envers l’ATPC au Malawi ne cesse de croître. Les résultats positifs recueillis au cours des 18derniers mois ont aussi suscité un vif intérêt chez les bailleurs ainsi que des propositions d’inclusion del’ATPC dans l’approche sectorielle en faveur d'une enveloppe sanitaire de première nécessité.

Information compilée avec l’aimable collaboration de Chimwemwe Nyimba, Expert en assainissement,UNICEF Malawi.

Encadré 1 : Viser la grande échelle au Malawi

5 La Déclaration d’eThekwini est une déclaration relative à l’assainissement réaffirméeultérieurement par les chefs d’État africains à Sharm el Sheikh. Voir Progression des « engagements d’eThekwini concernant l’assainissement » : http://tinyurl.com/Africasan-report.URL complète : www.unicef.org/wash/files/WA_eThekwini_FRENCH_FINAL.pdf

59Passage à l’échelle de l’ATPC en Afrique subsaharienne

important. Une étude menée dans troispays d’Afrique de l’Est et australe a révéléque les districts affichant le taux de réussitele plus élevé dans chaque pays semblaientcorrespondre à ceux arborant un taux d’ap-propriation locale également très élevé.

L’appropriation locale par les agents despouvoirs publics et les communautés estpropice à la propagation de l’ATPC. Ellepermet de libérer du temps et desressources au sein des communautés et desautorités locales au-delà de ce que peut le

Mme Ogbe, Directrice adjointe à l'Assainissement au sein du ministère fédéral de l’Agriculture et des Ressourcesen eau au Nigéria, prend part à un exercice de déclenchement de l’ATPC dans l’État de Benue, en mars 2009.

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faire un financement extérieur (Polo,2009) et elle augmente l’intensité du suiviet l’intérêt accordé aux résultats. En Mauri-tanie, un puissant leadership municipal etune forte volonté politique se sont révélésessentiels pour la promotion de l’ATPC, quis’est bien propagé, même dans les zonesurbaines, alors qu’il était considéré commeune approche essentiellement rurale. Dansle sud de la Mauritanie, Rosso, une ville de34 000 habitants, a déclaré huit de ses 11quartiers comme ayant le statut FDAL et,même après les inondations désastreusesd’août 2009, ces quartiers ont vite regagnéce statut. Des défis subsistent, toutefois,dans les secteurs les moins soudés de laville (Said, 2009). De nouvelles adaptationsde l’ATPC dans divers contextes africainsurbains sont constamment à l’étude. Ainsi,dans la ville de Choma en Zambie, l’atten-

tion se concentre sur le plaidoyer, l’éduca-tion et l’engagement auprès des autoritéslocales pour renforcer l’application des loisrelatives à la santé environnementale(UNICEF, 2009b).

L’appropriation intersectorielle et letravail d’équipe semblent être des facteursimportants dans la détermination des résul-tats de l’ATPC. Le modèle de Choma enZambie est très parlant (voir p. ex. Zulu etal., dans ce numéro). Il rassemble plusieursindividus de différents ministères, desorganes judiciaires, des chefs traditionnelset de la société civile pour présenter un frontsoudé contre la défécation à l’air libre – maisce modèle peut se révéler difficile à repro-duire en raison de la situation unique de laville de Choma. Toutefois, il existe plusieursautres exemples convaincants, au Malawi,au Sierra Leone et au Burundi (voir l’En-cadré 1). Au Malawi, les équipes de coordi-nation du district sont composéesd’auxiliaire de l’eau, de la santé et d’agentsdu développement communautaire et l’onobtient des résultats très positifs là où cetravail en équipe est solide (Polo, 2009). LaSierra Leone dispose d’un puissant collectifnational pour le changement de comporte-ment en matière d’eau, d’assainissement etd’hygiène (WASH), qui se réunit chaquemois dans un district différent. Il comprenddes agents des pouvoirs publics et des ONGpartenaires et invite les leaders naturels àexprimer leurs préoccupations. Au Burundi,une équipe de facilitateurs nationaux issusdu gouvernement, des agences de l'ONU etdes ONG se réunit régulièrement pour s'en-tretenir des progrès accomplis et pourtrouver des solutions communes aux défisrencontrés.

Enfin, dans un certain nombre de pays,la vitesse de mise en œuvre et les résultatsobtenus sont considérés comme un « argu-ment de vente » très convaincant en faveurde l’ATPC. Au Mozambique, par exemple,les agents de mise en œuvre en premièreligne, jadis frustrés par les approches

Abdu Raman, désigné leader naturel du mois en mars2009. Un hommage lui est rendu dans le bulletinrégulier sur l’assainissement publié en Sierra Leone6.

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6 Voir : http://tinyurl.com/amcowasawards09. URL complète :www.dwaf.gov.za/Communications/PressReleases/2009/AMCOWAfricaSanAwards2009.pdf

61Passage à l’échelle de l’ATPC en Afrique subsaharienne

PHAST (Transformation participative enmatière d’hygiène et d’assainissement) enraison des lenteurs de leur mise en œuvre,ont trouvé que la vitesse avec laquelle ilétait possible d'obtenir des résultats grâce àl'ATPC leur donnait un regain de motiva-tion (Godfrey, 2009).

Des champions L’influence complémentaire des structuresde leadership traditionnelles et non tradi-tionnelles dans la promotion de l’ATPCpermet d’avoir une portée plus large et unepérennité accrue.

L’existence de défenseurs influents àdifférents niveaux pour promouvoir l’ATPCest perçue comme un facteur de réussitetrès important dans divers pays. Defervents défenseurs nationaux de l’ap-proche au sein du gouvernement naissentsouvent de leur participation à un atelier etlorsqu’ils voient l’impact manifeste del’ATPC sur le terrain. Ainsi, Mme Ogbe,Directrice adjointe à l’assainissement(récemment partie en retraite) au sein duministère fédéral de l’Agriculture et desRessources en eau au Nigéria, est devenueune ardente partisane de l’ATPC aprèsavoir assisté à un atelier de Kamal Kar en2009. À un tel niveau, les championspeuvent jouer un rôle crucial pour veiller àce que les approches pilotées par lacommunauté soient prises en comptelorsque les autorités débattent des ques-tions budgétaires et politiques.

Les approches communautaires pourl’assainissement total ont aussi bénéficié dela conviction et du soutien de partiesprenantes nationales de premier plan dansd’autres pays, y compris en Éthiopie où leMouvement du Millénaire pour l ’as-sainissement et le Protocole stratégiquepour l’assainissement national gèrentdiverses approches en faveur de l’as-sainissement total.

Les chefs traditionnels, dont la sphèred’influence est intergénérationnelle ettranspolitique se sont imposés comme deschampions, notamment en Zambie, auMalawi et au Kenya (Polo, 2009). Lesoutien d’un leader dans une puissantestructure traditionnelle revêt une impor-tance cruciale pour faire accepter l’approchepar la communauté tout entière et il peutjouer un rôle décisif dans l’adoption duchangement de comportement socialsouhaité, c.-à-d. le caractère inacceptable dela défécation à l’air libre. Le Chef Macha deChoma a récemment été récompensé pourses travaux en faveur de l’ATPC en Zambielorsque le premier prix du Concours 2009AfricaSan/Conseil des ministres africainschargés de l ’eau (AMCOW)7 lui a étédécerné dans la catégorie Leadership.

Les leaders naturels qui se dégagent dela communauté sont aussi d’importantsfacteurs de succès. En reconnaissance durôle important de champions que jouentles leaders naturels dans leur quartier, laSierra Leone brosse le profil du « leadernaturel du mois » dans son bulletintrimestriel sectoriel sur l’ATPC, et elle nemanque pas de souligner l’importance desfemmes en qualité de leaders naturels. Lesleaders naturels les plus prometteurs enSierra Leone – ceux qui ont réussi à obtenirun statut FDAL pour leur communauté –sont désormais sur le point d’être forméspour devenir la prochaine cohorte de facili-tateurs ATPC ; c’est là un très bon exemplede mise à l’échelle durable8. Un guide illustré/dans le dialecte local est également en coursde préparation à leur intention par les soinsdes partenaires ATPC.

Souplesse et apprentissageL’introspection, l’apprentissage et la docu-mentation contribuent à de meilleurs résul-tats et peuvent appuyer l'argumentation enfaveur de la mise à l’échelle.

7 Voir des exemples sur : http://tinyurl.com/WASH-SL-report. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/resource/quarterly-wash-report-unicef-sierra-leone 8 Voir : http://tinyurl.com/unicef-wash-newsletter. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/sites/communityledtotalsanitation.org/files/December_2009_UNICEF_WASH_Newsletter.pdf

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La souplesse de l’approche s’est révéléeêtre un facteur important tout d’abord pourobtenir des résultats mais aussi pourfavoriser le passage à l’échelle. Ainsi, l’adap-tation de méthodes de travail « normales »dans le secteur de l’assainissement pourinclure une vaste gamme de partiesprenantes a été décisive en Zambie. Aprèsla première vague de déclenchement auMalawi, les équipes d’ATPC ont réalisé lerôle positif que les chefs traditionnelspouvaient jouer dans le processus et ellesles ont systématiquement inclus dans lesformations ultérieures. Une évaluationapprofondie de l’Initiative Un Million auMozambique, qui comprend un déclenche-ment ATPC, a débouché sur un ajustementdu programme afin d’accroître son effica -cité et de consolider les résultats obtenusdurant la première année.9

Reconnaissant le besoin de documen-tation pour obtenir le soutien du gouverne-ment, plusieurs pays procèdent désormaisà une évaluation, un bilan et une docu-mentation systématiques – qui donnentune idée précieuse des coûts, des calen- driers, de la viabilité à long terme et del ’ impact. Les chiffres préliminairessuggèrent que l ’ATPC coûte environ 15 dollars US par ménage ou $2,50 parpersonne.10 Ce chiffre est à comparer avec lecoût de $30 par ménage calculé pour leNigéria par WaterAid (Evans et al., 2009).Il offre aussi une comparaison favorableavec divers programmes subventionnés deconstruction de latrines, où la tendance àexiger des modèles de latrine standard «haute technologie » gonfle le coût unitaire(parfois jusqu’à $600+), limite le passage àl’échelle et entrave l’autofourniture.

Adéquation culturelle Les préférences culturelles sont mieuxprises en compte par les approches

communautaires en faveur de l’assainisse-ment.

Dans certains pays (p. ex. le Mali et leLiberia), on a découvert que plusieursfamilles avaient choisi de construire deslatrines propres à chaque sexe, y comprisdes sanitaires séparés. Au Mozambique,des familles polygames ont construitplusieurs latrines. Dans certains cas, il a étéconstruit plus d’une latrine par ménage car,culturellement, les pères ne pouvaient pasutiliser la même latrine que leurs belles-filles (Godfrey, 2009).

Outre le fait que cela laisse les commu-nautés libres de décider comment s’atta-quer à la question de la défécation à l’airlibre d’une façon qui soit conforme auxnormes culturelles, l’ATPC est égalementconsidéré comme une approche extrême-ment équitable. Les plus riches comme lesplus pauvres – y compris les personnesdéfavorisées au sein d’une communauté –construiront des latrines et bénéficierontpareillement du statut FDAL (Evans et al.,2009). La question de l’équité et de l’inclu-sion dans l’ATPC revêt beaucoup d’impor-tance et mérite davantage de recherchedans le contexte africain.

Une étude récente de WaterAid enAfrique de l’Ouest a révélé que « ....laplupart des communautés étudiéesrespectent les us et coutumes communau-taires associés avec la pratique de la défé-cation à l’air libre » (Dittmer, 2009). C’estla raison pour laquelle l’approche de l’as-sainissement total a de forte chance dedonner de bons résultats dans les commu-nautés où le leadership est robuste et oùune décision est prise collectivement en vuede réformer cette pratique (voir aussi p. ex.Bwire, Musyoki, Zombo, dans ce numéro).

L’ATPC, qui a vu le jour en Asie, s’estbien exporté dans le contexte africain avecun minimum de variante par rapport au

9 L’Initiative Un Million entend soutenir les efforts du gouvernement du Mozambiquepour garantir des approvisionnements en eau et un assainissement adéquats ainsi quel’adoption de meilleures pratiques d’hygiène pour un million de personnes dans 18districts ruraux répartis dans trois provinces.10 Communication personnelle avec Chris Cormency – Coûts tout compris issus d’unexamen des données régionales pour l’Afrique de l’Ouest et centrale.

63Passage à l’échelle de l’ATPC en Afrique subsaharienne

modèle d’origine. Cela tient peut-être aufait que les principes élémentaires de fiertécollective – et, partant, de dégoût et dehonte – sont les mêmes partout dans lemonde.

Certification et suivi La certification et le suivi confèrent uneplus grande crédibilité aux résultats etmotive les autres.

Dans certains pays, les processusformels de suivi et de certification ont étéjugés essentiels pour accroître les résultatset peut-être aussi la pérennité du change-ment comportemental. Parmi les exemples,citons le cas du processus de certificationen Mauritanie, l’élaboration des termes deréférence pour le comité national ATPC enGuinée et la proposition au Ghana de faireen sorte que tous les villages FDAL fassentl’objet d’une certification et d’une célébra-tion annuelles (à l’occasion de la Semainenationale de l’assainissement) afin derenouveler et de nourrir l’engagement descommunautés. Plusieurs pays, y comprisl’Erythrée, le Mali, le Malawi, la Mauritanieet la Zambie, englobent la vérification despreuves de lavage des mains dans le proces-sus de certification FDAL. L’ajout de cetautre changement comportemental nesemble pas ralentir l’atteinte du statutFDAL.

La Sierra Leone a associé ledéploiement de l’ATPC au développementd’une base de données nationale WASH etsoutient les conseils locaux et les statisti-ciens de district dans la collecte et la saisiedes données. Au Mozambique, le statutFDAL d’une communauté est évalué enutilisant des lignes directrices et des formu-laires d’évaluation uniformes par deséquipes plurisectorielles composées depersonnel des autorités nationales etprovinciales des services techniques del ’eau, de l ’éducation et de la santé,l ’UNICEF, le Programme Eau etAssainissement de la Banque mondiale(WSP) et des ONG partenaires au niveaunational. Ce niveau d’évaluation a conféré

une certaine crédibilité aux résultats etainsi inspiré de l’intérêt en faveur d’unpassage à l’échelle ultérieur.

Défis

Suivi de la viabilité à long termeL’expérience montre que le déclenchementdans les communautés ne garantit pastoujours l’obtention du statut FDAL. Dansdes pays d’Afrique de l’Ouest plus avancésen matière d’ATPC – parce qu’ils disposentde programmes bien établis depuisplusieurs années (Sierra Leone, Nigéria etGhana) – il y a une très forte proportion( jusqu’à 80 %) de communautésdéclenchées qui n’ont pas encore déclaré lestatut FDAL. En d’autres termes, le proces-sus a commencé et des engagements ontété pris, mais pour un motif quelconque, iln’y a pas de construction de latrines. Celasuggère des problèmes soit avec la qualitéde la phase de déclenchement soit avec lesuivi dans les communautés où a eu lieu ledéclenchement. Il serait préférable d’en-visager de retourner dans ces villages pourreprendre le processus d’obtention dustatut FDAL avant de mener une opérationde déclenchement dans d’autres commu-nautés (Bevan et Thomas, 2009). Toute-fois, les facilitateurs devraient jaugersoigneusement les nouveaux investisse-ments requis en termes de temps.Certaines indications suggèrent que ledéclenchement peut rester « inactif » ouretardé et que les communautés peuventensuite faire l 'objet d'un nouveaudéclenchement pour obtenir le statutFDAL suite à des événements connexes,comme l’action de communautés voisinesou la survenance d’une épidémie.

Une autre raison possible pour expli-quer la disparité apparemment élevée entrele déclenchement et l’obtention du statutFDAL concerne l'attention traditionnelleaccordée par les projets à la disséminationdes activités plutôt qu’à la diffusion derésultats. Si l’impact positif de la fin de ladéfécation à l’air libre n’est pas affecté par le

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fait que le résultat soit diffusé ou non endehors de la communauté, cela représenteune opportunité manquée non négligeableà la fois en termes de plaidoyer en faveurde l’approche dans d’autres régions et dupoint de vue de la satisfaction dans letravail et de l’enthousiasme des facilitateurslocaux ATPC.

Ces deux observations mettent enexergue le défi que pose un véritablechangement d’état d’esprit pour les prati-ciens WASH et autres, y compris lesbailleurs, avec un recentrage qui met désor-mais l’accent sur le développement pluslent des aspects « intangibles » de change-ment comportemental plus que sur lesaspects techniques traditionnels, et sur « l’évaluation des résultats » au lieu de secontenter d’une simple culture de « compta -bilisation des produits ».

Grimper l’échelle de l’assainissement(c.-à-d. le processus qui consiste à apporterdes améliorations graduelles à la situationen matière d’assainissement) est un autredéfi en termes de viabilité à long terme qu’ilconvient d’aborder. Les méthodes desoutien varient d’un pays à l’autre et enfonction des préférences culturelles etrégionales. Le fait d’encourager et desoutenir la prolifération du marketing del’assainissement et des initiatives entrepre-neuriales comme les SaniCentres auNigéria (Agberemi et Onabolu, 2009) estreconnu comme une option tout à faitdurable pour l’amélioration de la qualitédes latrines et pour accommoder les choixculturels locaux.11

Vitesse ou qualité ? La demande de mise àl’échelle – formation, facilitateurs etdéclenchement Les programmes ATPC peuvent être lesvictimes de leur succès – les résultats moti-vants engendrés par des programmes

pilotes à petite échelle génèrent unedemande de duplication et de mise àl’échelle rapides. Une demande élevée enformation, en phases de déclenchement eten résultats peut déboucher sur un manquede rigueur (on veut « prendre des raccour-cis ») qui fragilise les résultats ultérieurs.

Lors du passage à l’échelle de l’ATPC, ilest vital de ne pas lésiner sur l’obtention defacilitateurs de qualité. En Zambie, lesfacilitateurs pivots viennent tous d’unmême district. Désormais, ils sont trèsdemandés dans leur propre district, dansd’autres districts et même dans les paysvoisins. Dans tous les pays, le besoin d’unecohorte solide de facilitateurs « convaincus »et capables a été un thème récurrent dansles discussions et les évaluations ATPC.

Une formation pratique et l'accompag-nement des formateurs sont très souventpointés du doigt dans la littérature commeun facteur fondamental requis pour influ-encer des résultats positifs (Chambers,2009). Il ne s’agit pas seulement de formerdes formateurs participatifs existants à unnouvel outil. Cela exige un programme deformation rigoureux qui, non seulement,enseigne les méthodologies mais parvientaussi à convaincre les formateurs desaspects philosophiques de l’approche, c.-à-d. un changement de comportement, l’ab-sence de subvention et les avantages del’obtention du statut FDAL (Polo, 2009).En Afrique de l’Ouest francophone notam-ment, le nombre de formateurs de qualitéest toujours limité. Un accompagnement etdes formations pratiques plus fréquentes etplus détaillées sont requis (voir aussiMusyoki, dans ce numéro).

Dans la plupart des pays d’Afrique, ilexiste un cadre de vulgarisateurs quiconnaissent bien les communautés etdisposent d’une formation de base en soinsprimaires et en hygiène.12 Bien que leurs

11 Pour en savoir plus sur le marketing de l'assainissement, voir :http://tinyurl.com/sanitation-marketing. URL complète :www.lboro.ac.uk/well/resources/fact-sheets/fact-sheets-htm/Sanitation%20marketing.htm.12 Agents de vulgarisation sanitaire (AVS), agents de santé communautaire (ASC),auxiliaires de surveillance sanitaire (ASS), etc.

65Passage à l’échelle de l’ATPC en Afrique subsaharienne

capacités puissent varier énormément, ilexiste beaucoup d'individus très dévoués etexpérimentés qui ont déjà gagné le respectdes communautés et qui ont le potentiel dedevenir de superbes ambassadeurs de l’ap-proche ATPC. Toutefois, en supposant queles agents de santé communautaire en tant« qu’interface du village » sont toujours lesmieux placés pour être le personnel enpremière ligne de l’ATPC, on risque fort dese tromper. Les vulgarisateurs peuvent êtrechargés de tâches multiples. Ainsi, lesauxiliaires de surveillance sanitaire auMalawi sont chargés de beaucoup d’autresinterventions, y compris des programmessubventionnés à l’intention des orphelinset des enfants vulnérables. Il se peut qued’autres ne soient pas taillés pour assumerle rôle de facilitateur. Ainsi, des personnesde l’extérieur seront peut-être mieuxplacées pour susciter le sentiment de honteet de dégoût requis pour le déclenchementque les jeunes femmes employées dans leurpropre communauté comme vulgarisatri-ces sanitaires en Éthiopie. Cela étant, s’ilest mobilisé, formé et soutenu correcte-ment, ce vaste réseau communautaire peutjouer un rôle décisif dans la mise à l’échelle,en désignant les villages devant bénéficieren priorité d’un déclenchement, en suivantles progrès et en aidant les communautésà devenir et à préserver un statut FDAL,tout en capitalisant sur le regain de cohé-sion communautaire pour promouvoird’autres enjeux sanitaires primaires,comme la nutrition infantile.

Coexistence avec une approche parsubventionVaincre la dépendance historique à l’égarddes subventions dans ce secteur s’est avéréune véritable gageure. Dans certains pays,il y a eu une résistance notable à laconstruction non subventionnée de latrinesprivées, aussi bien au niveau des pouvoirspublics que des communautés. En règlegénérale, les pays qui pilotaient desapproches communautaires ont essayéd’éviter les régions où des projets d’as-

sainissement subventionnés avaient étémis en œuvre par le passé. Dans certainspays, toutefois, les deux approchessemblent coexister paisiblement. Dans laphase de déploiement ac tuel le auGhana, l’usage de subventions n’a pasrévélé de différences mesurables dans lacons truction ou l’utilisation de latrinesentre les communautés mais il semble yavoir une corrélation avec la fierté et l’ap-propriation, ce qui rend peut-être leslatrines construites par la communautéplus durables à long terme. Dans la régiondu Grand Accra, un programme subven-tionné de construction de latrine coexisteaux côtés de l’ATPC. L’évaluation récenteau Ghana (Magala, 2009) n’a constaté quetrès peu de différence dans la qualité ou l’ef-ficacité des latrines produites, mais le senti-ment de fierté et d’appropriation et laviabilité potentielle étaient sensiblementsupérieurs dans les communautés ATPC ;les subventions reçues dans les villagesvoisins ne semblaient pas susciter d’envie.

Conclusion En quelques années, on a vu les approchescommunautaires en matière d’assainisse-ment être adoptées à bras ouverts à traversl’Afrique. Auprès d’une population essen-tiellement rurale dotée de structures tradi-tionnelles robustes, l’approche ATPC atrouvé un terrain fertile où s’épanouir. Letaux de réalisation dans plusieurs pays esttrès prometteur et nos défis consistent àappuyer ces débuts encourageants, àpromouvoir les pratiques qui permettent àl’approche de gagner du terrain et d’êtremise à l’échelle et à réorienter nos propresperspectives pour favoriser le recentrageque nécessite l’assainissement impulsé parla demande.

Les principaux domaines d'un soutienet de recherches futurs concernant lepassage à l 'échelle de l 'approcheconcerneront la formation, la facilitation etle développement de systèmes de suivi etd’évaluation capables de capturer unchangement de comportement de la

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COORDONNÉESJane BevanUNICEF WCAROBP 29720, Yoff, Dakar SénégalTél. +221 33 869 5858 Courriel : [email protected] Site web : www.unicef.org/wcaro

Sophie Hickling UNICEF ESARO PO Box 4414500100 Nairobi Kenya Tél. +254 20 762 1086 Courriel : [email protected] Site web : www:unicef.org/esaro

REMERCIEMENTS Nous adressons nos vifs remerciements à ceux et celles qui ontconsacré du temps à la relecture de cet article et qui nous ont fournides commentaires constructifs : les participants à l’atelier d’écritured’IDS, Chris Cormency, David Delienne et Ann Thomas.

Le document UNICEF suivant nous a été utile dans la rédaction de cetarticle : Polo, F. (2009) Scaling Up Community Approaches to Sanitation inKenya, Malawi and Zambia. Octobre 2009, Rapport de l’UNICEFESARO.

communauté. Un plaidoyer continu enfaveur de l ’acceptation d’approchescommunautaires par les meneurs d’opi -nion et dans les politiques d’assainissementsera également essentiel.

Le soutien des individus pour qu’ilstransforment leurs latrines de base dotéesd’installations pour se laver les mains enquelque chose de plus durable et de pluspermanent sera un centre d’attention dansnombre de pays une fois que le statut initialFDAL aura été atteint et pourrait ouvrir lavoie à des programmes de marketing d’as-sainissement à plus grande échelle.

Les questions d’un suivi continu et dumaintien d'un statut FDAL seront surveil-lées de près pour déterminer les meilleurespratiques et la viabilité à long terme. Bienqu’il en soit encore à ses balbutiements,l’ATPC en Afrique affiche un énormepotentiel susceptible d’avoir un impactdurable et de taille sur la couverture de l’as-sainissement.

67Passage à l’échelle de l’ATPC en Afrique subsaharienne

RÉFÉRENCES Agberemi, Z.O. et B. Onabolu (2009) Improving Sanitation through

Sanitation Centre: A case study of Chediya, Nigeria. 34e

conférence internationale du WEDC, Addis Abeba, Éthiopie. Bevan, J. et A. Thomas (2009) Community Approaches to Total

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68

Processus au niveaucommunautaire

1ère PARTIE

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Introduction L’Assainissement total piloté par lacommunauté (ATPC) a été introduit pourla première fois au Zimbabwe en novem-bre 2008 par Plan Zimbabwe dans ledistrict de Mutoko. À l ’époque, leZimbabwe connaissait une grave épidémiede choléra. Il était donc encore plus impor-tant que les villages mettent un terme à ladéfécation à l’air libre pour empêcher lesmatières fécales de contaminer les appro-visionnements en eau. Depuis lors, un totalde 237 villages a fait l’objet d’un déclenche-ment. Plus de 52 % ont aujourd’hui mis finà la défécation à l’air libre (FDAL). Dansnombre de villages ayant fait l’objet d’undéclenchement, nous avons constaté unchangement de comportement, qui sereflète dans le nombre de latrines constru-ites, une baisse de la défécation à l’air libreet une diminution spectaculaire desmaladies diarrhéiques : un exploitconfirmé par les statistiques recueilliesauprès des cliniques et des écoles.

L’ATPC a été introduit à l’issue d’unatelier de Formation de formateurs facilité

par Kamal Kar à Chisamba en Zambie enjuillet 2008. Samuel Rukuni (Conseiller àl ’ habitat de Plan Zimbabwe), TrackMurauzi (aujourd’ hui Chargé deprogramme, Chiredzi) et moi-même assis-tions à la formation. En qualité de pointfocal du district, j’ai organisé la formationde facilitateurs à Mutoko et mes deuxcollègues (Samuel et Track) ont contribué àl’animation de la formation. Cinq villagesont fait l’objet d’un déclenchement dans lecadre de la formation. À l’issue de celle-ci,j’ai dirigé l’équipe de nouveaux facilitateursafin d'organiser un déclenchement dansd'autres villages du district, principalementceux touchés par le choléra.

En décembre 2008, l’ATPC a été intro-duit dans le district de Kwekwe, ce qui aentraîné un déclenchement dans troisvillages. À ce jour, Plan Zimbabwe a intro-duit l’ATPC dans quatre districts : Mutare,Chiredzi, Kwekwe et Mutoko.

Mon expérience sur le terrain enmatière de déclenchement ATPC dans lesquatre districts a mis en exergue le fait quele succès dépend dans une large mesure de

by HERBERT KUDZANAI CHIMHOWA

Libérer l’imagination :innovations en matièrede facilitation ATPC auZimbabwe 3

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la qualité de la formation des facilitateurset de la disponibilité d’ambassadeurs et defacilitateurs passionnés par l’ATPC. Lesprincipes et les outils décrits dans lemanuel de l’ATPC donnent des lignesdirectrices générales pour le processus dedéclenchement (Kar et Chambers, 2008).Mais ils ont besoin d’être appliqués d’unemanière extrêmement souple en fonctiondu contexte social, culturel et religieux.Outre une bonne formation, les facilita-teurs doivent aussi être en mesure de « donner libre cours à leur esprit créatif » etfaire preuve de flexibilité pour diversifierles outils qu’ils utilisent. Il est importantd’innover en adoptant de nouveaux outilset de réfléchir aux outils qui conviennent lemieux à un contexte donné.

Plusieurs innovations ont été mises aupoint et ajoutées à l’approche ATPC par desfacilitateurs et des communautés au coursdu processus de déclenchement. Ces inno-vations se sont révélées très efficaces à lafois pour inciter les communautés à mettrefin à la défécation à l’air libre et pourdonner confiance aux facilitateurs. Cesderniers font désormais partie d’un réper-toire de tous les membres de l’équipe ATPCde Plan Zimbabwe et ses principaux parte-naires. Dans cet article, je vais donner unaperçu de certaines de ces innovations.

À qui est cette merde ? Durant la « marche de la honte » dans labrousse, les communautés essaient souventde rejeter la responsabilité de la défécationà l’air libre sur le dos des hommes ou desfemmes. Lorsque nous trouvons un gros tasde merde, il m’arrive souvent de demanderaux participants à la marche : « À qui estcette merde ? Est-ce une merde d’hommeou une merde de femme ? »

Or, c’est là une question que les commu-nautés préféreraient éviter. Toutefois, aumoment où les membres s’y attendent lemoins, je la pose.

Des disputes s’ensuivent, les hommesarguant qu’il s’agit sûrement d’une merdede femme parce qu’elle est tellement

grosse, tandis que les femmes assurent lecontraire. D’autres théories peuvent êtreévoquées pour déterminer la source de lamerde, par exemple : « Les femmes chientface au domicile alors que les hommeschient le dos tourné. » D’autres encore ontrecours à l’urine qui se trouve près du tasde merde en guise de preuve. « Quand c’estune merde de femme, il y a un petit trouprofond créé près du tas de merde. »

En prolongeant la discussion dans lazone de défécation à l'air libre, on oblige lesvillageois à passer un certain temps àregarder le tas de merde, ce qui raviveimmanquablement le sentiment de honteet de dégoût.

Voisin, où donc as-tu chié aujourd’hui ? J'utilise cette innovation en termes dedéclenchement durant la cartographie.Cela permet de préparer les villageois à la « marche de la honte », car toutes les zonesde défécation utilisées par la communautésont identifiées par le biais de ce procédé.

Dans les villages, les gens savent qui vaoù pour déféquer. Mais bien sûr ils n’enparlent pas entre eux. Dans certains cas,même ceux qui ont des toilettes préfèrentdéféquer dans la brousse, prétendant quel’air y est plus respirable et qu’il y a moinsde chance que quelqu’un veuille utiliser lemême endroit en même temps. Cettepréférence commune pour la défécation àl’air libre remonte souvent à l’enfance,lorsque nos parents se contentaientd’abaisser notre pantalon et nous disaientd’aller faire nos besoins dans le champ.

Au cours de la cartographie des zonesde défécation, je demande à chaque parti -cipant de se tourner vers son voisin ou savoisine et de lui demander : « Voisin, oùdonc as-tu chié aujourd’hui ? » C’est notreversion d’une approche commune utiliséepar les pasteurs charismatiques, que recon-naîtront la plupart des communautés prati-quantes. Si chacun pose une question à sonvoisin ou sa voisine, tout le monde finit parparticiper. Cet outil m’est particulièrementutile lorsqu’il n’y a pas suffisamment

71Libérer l’imagination : innovations en matière de facilitation ATPC au Zimbabwe

d’espace dégagé sur le sol pour tracer unecarte du village avec toutes ses caractéris-tiques. Lorsque le périmètre du village a ététracé, je demande aux villageois de se posi-tionner à l’emplacement de leur foyer surla carte. Si les participants sont debout – ouassis dans le cas des personnes âgées, desmalades ou des handicapés – ils peuventdiscuter du lieu où ils font leur besoin avecleurs voisins. Les participants peuvent tourà tour indiquer au reste de la communautéà quel endroit leur voisin est allé faire sesbesoins tel jour. Cet échange suscite beau-coup de rires gênés et contribue à intensi-fier le sentiment de honte. Durant l’une desséances de déclenchement, une femme amême admis : « Ce matin, mes deuxenfants, mon mari qui est assis là [un chefdu village] et moi-même avons déféqué enplein air et je peux même me rendre à l’en-droit précis et vous montrez, si vous lesouhaitez. Notre merde montre que nousavons mangé beaucoup de shumha [unfruit sauvage]. »

Visite mortuaireLa visite mortuaire pour voir le corps despersonnes décédées est une pratiquecourante lors des sépultures au Zimbabwe.Cet outil est très efficace dans les commu-nautés où a récemment sévi une épidémiede choléra, lorsque beaucoup de personnesont perdu des êtres chers.

Le facilitateur commence en demandantà la communauté si l’un des leurs est décédédu choléra. Dans un tel cas, le facili tateurexplique à la communauté qu’il est désoléd’apprendre la perte de cet être cher et illeur demande de décrire la sépulture dansle détail. Si quelqu’un est mort du choléra,les communautés souligneront que toutevisite mortuaire a été interdite durant lasépulture. Au lieu de cela, le corps a étéenveloppé dans un sac en plastique pourempêcher la propagation du choléra. Enoutre, comme l’expliquera la communauté,lors de ce type de sépulture, on renoncegénéralement à se serrer la main ou à servirdes repas. La victime est le plus souvententerrée le jour-même de sa mort etl'ensemble du processus fait l’objet d’unesurveillance rigoureuse par un inspecteursanitaire du gouvernement.

Le facilitateur demande ensuite à unmembre de la communauté d’expliquer leprocessus de défécation à l’air libre. Soit unmembre de la communauté soit un facili-tateur montrera l'ensemble du processuspar un jeu de rôle. En principe, la personneexplique qu’elle marche dans un endroit àl’abri des regards, se tourne pour être faceà la direction dont elle vient puis abaisseson slip pour chier. (Apparemment, cettetendance à faire un demi-tour a été priseen compte dans presque tous les modèlesde toilettes !). Une fois ses besoins faits, lapersonne se nettoie avec ce qu’elle trouve àdisposition qu’elle tient dans sa main droite(sauf dans le cas des gauchers). Après avoirregardé ce avec quoi elle s’est essuyée, lapersonne le jette. Puis elle regarde enarrière pour examiner sa crotte, alorsqu’elle se tient toujours accroupie, jambesécartées – et je fais toujours la remarque

Une femme vient juste de finir de vomir durant uneséance de déclenchement à l’issue de l’exercice « Àqui est cette merde ? ».

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qu’il s’agit là d’une sorte de « contempla-tion stylée du mort ». Enfin, la personneremonte son slip avant de s’en aller.

Le facilitateur termine en demandant :« Est-ce que l’un ou l’autre de ces scénarios(à savoir ne pas pouvoir voir le corps d’unêtre cher avant de l’enterrer ou le fait decontempler sa propre merde) constitue uneexpérience pénible ? » En principe, lesmembres de la communauté disent qu’il estextrêmement douloureux de ne paspouvoir voir la dépouille d’un être cheravant de l’enterrer. Le facilitateur demandealors si le fait de contempler sa merde aprèsavoir fait ses besoins en plein air peut êtreévité et ce que cela voudrait dire. De fait, siquelqu’un utilise une latrine, il ne peut pascontempler sa merde. Or, le plaisir decontempler sa merde après avoir fait sesbesoins en plein air est une expérience dontles membres de la communauté sepasseraient volontiers si cela voulait direque leurs êtres chers ne mourraient plus ducholéra. De cette façon, lorsqu’ils mourrontà leur tour, leur dépouille pourra être vuepar les membres de la communauté aumoment de leur sépulture.

Ramener l’esprit du mort à la maisonAu Zimbabwe, une fois qu’un mort a étéenterré, ses proches organisent une céré-monie du souvenir. En principe, les Chré-tiens attendent au moins un mois mais pasplus de six pour l’organiser, alors que ceuxqui suivent la religion traditionnelleafricaine attendent au moins un an.Certaines familles font les deux. Une céré-monie traditionnelle du souvenir s’adresseuniquement aux adultes. Tant que ceservice n’a pas été organisé, l’époux oul’épouse survivant(e) éventuel(le) n’a pas ledroit de se remarier. Les enfants du défuntsont également dissuadés de se marier etils peuvent recevoir une amende s’ilspassent outre.

La cérémonie traditionnelle dusouvenir dure toute une nuit ; à cette occa-sion, les participants chantent, dansent etboivent la bière traditionnelle spécialement

concoctée par la famille pour marquerl’événement. Au coucher du soleil, quelquesmembres de la famille du défunt et sesvoisins se rendent sur sa tombe avec de labière dans un pichet en argile et se livrentau rituel d’usage avant de rentrer chez euxen chantant. C’est ce qu’on appelle le ritedu kudzora mudzimu mumusha, ce quiveut dire « ramener l’esprit du mort à lamaison ».

Ici, on peut dresser un parallèle avec letransect ou « marche de la honte ». C’est àce moment que les facilitateurs insistentpour être emmenés dans une marche àtravers les zones de défécation à l’air libre duvillage pour repérer des merdes fraîches afinde déclencher la honte et le dégoût des villa-geois. Bien souvent, certains membres de lacommunauté, pour une raison ou une autre,décident de rester à l’écart et de ne pasprendre part à la marche. Lorsqu’une merdefraîche est trouvée et après discussion, jedemande aux villageois si ceux qui sontrestés au village traversent actuellement lesmêmes sentiments qu’eux ? Dans la néga-tive, que pourrions-nous faire pour qu’ilsressentent la même chose ? J’encourage ceuxqui ont pris part à la marche à rapporter dela merde fraîche aux autres, en leur disantque cela reviendrait à « ramener l’esprit à lamaison ». Ils chanteront des chansonsspécialement composées pour l’occasion(voir l’Encadré 1) tout en rapportant la merdeau lieu de rassemblement. Cette analogiesouligne les similitudes entre la marche de lahonte et la cérémonie du souvenir. Un autrelien est le fait que la merde en plein air estaussi associée à la mort.

Aller chercher du bois mort Toujours pour essayer de provoquer unsentiment de honte et de dégoût, le facili-tateur demande aux membres de lacommunauté de dresser la liste des objetsqu’ils utilisent pour s’essuyer après avoirfait leurs besoins en plein air. Autrement,cet exercice peut aussi être conjugué à la « visite mortuaire » durant la descriptionde ce qu’une personne fait lorsqu’elle fait

73Libérer l’imagination : innovations en matière de facilitation ATPC au Zimbabwe

ses besoins en plein air. La discussion surle « fait d’aller chercher du bois mort » peutse dérouler ainsi : Facilitateur : Quel type de matérielutilisez-vous pour vous essuyer après avoirfait vos besoins ?Réponse de la communauté : épis demaïs, feuilles, papier... et brindilles. Facilitateur : Quels sont les avantages deces différents matériaux et qu’est-ce quiarrive à chacun de ces matériaux, une foisqu’ils ont été utilisés ? Réponse de la communauté : les feuilles,les épis de maïs et le papier sont doux etpratiques. En utilisant des brindilles, on amoins de chance de se mettre de la merdeplein les mains mais on risque de se fairemal à l'anus si la brindille n'est pas assezlisse.Facilitateur : Qu’est-ce qui arrive à cesmatériaux après l’emploi ? Réponse de la communauté : la plupartde ces matériaux vont se décomposer. Facilitateur : Tous ? Réponse de la communauté : le plussouvent, les brindilles sont ramassées pardes femmes qui ne s’en rendent pas comptelorsqu’elles vont ramasser du bois mort.Elles sont rapportées à la maison. (À cestade de l’exercice, les femmes feront

preuve de dégoût).Facilitateur : Les femmes n’utilisent-ellespas aussi les brindilles pour faire rôtir laviande et les épis de maïs destinés auxhommes ?

C’est là un outil très évocateur dans leszones forestières où l’usage de bois mort estcourant, à la fois pour s’essuyer l’anus etpour préparer les repas.

Pratiques d’hygiène et d’assainissementhumaines/animales Au cours de la séance de déclenchement,lorsque les communautés réalisent qu’ellesmangent leur propre merde, je les aide àaller encore plus loin dans l’analyse pourillustrer le caractère inadapté de la déféca-tion à l’air libre. Je demande à la commu-nauté de nommer trois ou quatre animaux,d’analyser leurs habitudes d’assainissementet d’hygiène et de les comparer avec cellesdes humains. Les animaux de la listemangent-ils leur propre merde ? Le but estd’illustrer qu’aucun animal, en circon-stances normales, ne mangera sa propremerde. Je leur rappelle l'une de leurspratiques agricoles durables. Pour protégerles plants broutés par des animaux commeles bovins, les chèvres ou picorés par lespoules, les paysans qui n’ont pas deressources pour ériger une clôture ouprotéger leurs petits arbres fruitiers,mélangent souvent de la bouse et desfientes à de l’eau qu’ils vaporisent sur lesplants. Les animaux ne mangeront pas lesplants car ils sentiront leur propre merdesur les feuilles. Cet outil illustre clairementque seuls les humains mangent leur merde.

On connaît ta femmeCet outil est particulièrement intéressant etj’ai toujours beaucoup de plaisir à l’utiliser.C’est une innovation de M. ShepherdT. Muchapondwa, Agent senior en santéenvironnementale dans le district deMutoko. Avec cet outil, je dis à la commu-nauté que, le long du chemin pour venir àla réunion, j’ai rencontré un homme quiprétend « connaître » toutes les femmes du

Un leader naturel se prépare à « ramener l’esprit dumort à la maison ».

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village. Dans la région, « connaître unefemme » veut dire avoir une relation intimeavec elle. Puisqu'aucun homme ne voudraitque sa femme soit vue toute nue par unautre homme, ce message choque leshommes. Je demande alors aux villageoiscomment il est possible que cet hommeconnaisse toutes les femmes du village et ildevient vite évident que les femmes ont étévues pendant qu’elles faisaient leursbesoins en plein air. Cela encourage leshommes à « protéger leurs femmes » enconstruisant des latrines. Ce point estimportant car, dans beaucoup de sociétés,les femmes ne sont pas en mesure deconstruire une latrine sans la permissionde leur mari et il est difficile pour elles dedemander à leur mari d’en construire une.Cet outil est efficace pour convaincre leshommes à prendre les mesures qui s’im-posent.

Impureté du camp – un enseignementde la Bible Les communautés chrétiennes dominéespar certaines sectes apostoliques qui necroient pas en la médecine moderne ouscientifique ont d’abord constitué un pro -blème lors des séances de déclenchement

qui avaient recours à l’outil du « calcul desfrais médicaux ». Avec cet outil, il estdemandé aux familles de calculer combienelles dépensent pour le traitement et lesmédicaments pour soigner la diarrhée, ladysenterie et autres maladies associées à laDAL. Or, ces familles ne cherchent pas à sefaire soigner en clinique ou à l’hôpital etignorent donc le montant des frais médi-caux. Par conséquent, elles considèrent queces coûts ne les concernent pas et il peutmême arriver que cet outil les heurte.Lorsque j’ai réalisé ce problème, j’ai décidéde ne pas parler de traitement mais d’axerplutôt la discussion sur la gestion des situa- tions qui donnent lieu au besoin d’untraitement, par exemple une mauvaisehygiène et la défécation à l’air libre. J’utiliseà présent un verset de la Bible qui encou -rage la pratique d’une bonne hygiène et ladéfécation à l’air libre.

Deutéronome 23:12-14 nous enseignela propreté dans le camp :

Tu auras un endroit hors du camp et c’estlà que tu iras, au-dehors. Tu auras unepioche dans ton équipement, et quand tuiras t’accroupir au-dehors, tu donneras uncoup de pioche et tu recouvriras les

Un leader naturel montre l’usage d’une brindille pours’essuyer après avoir déféqué en plein air.

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Le point d’embrasement : une femme estmanifestement révulsée à l’idée de la défécation àl’air libre et ce qu’elle implique.

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75Libérer l’imagination : innovations en matière de facilitation ATPC au Zimbabwe

ordures… Aussi ton camp doit-il être unechose sainte, [ton Dieu] ne doit rien voirchez toi de dégoûtant ; il se détournerait detoi !

Chants populairesLors du déclenchement, nous encoura-geons les communautés à composer deschansons basées sur des airs populairesreligieux ou traditionnels. Cela s’appuie surle rôle de la musique dans la cultureafricaine – la plupart des cultures ont deschants qui servent à réprimander ou à semoquer mais aussi qui encouragent unchangement de comportement. Ces chantspeuvent être de puissants outils pourdénoncer une mauvaise habitude et fairehonte. Les facilitateurs et les leadersnaturels ont composé plusieurs chants quiparlent de merde, de faire ses besoins et dela défécation à l’air libre (voir l’Encadré 1).

Conclusion Ces innovations ne sont pas seulement lerésultat d’une formation de qualité desfacilitateurs. La passion et la créativité desfacilitateurs ont également contribué àl ’élaboration de nouveaux outils dedéclenchement. Au cours de la formation,j ’ai indiqué aux facilitateurs que ledéclenchement entend seulement susciterun sentiment de honte, de crainte et dedégoût et que ce sentiment peut êtreobtenu par n'importe quel autre outil etpas seulement par ceux évoqués durant laformation. Je les ai incités à faire preuvede créativité en tirant parti de leurconnaissance des langues locales et decertaines des habitudes, normes et valeurscouramment adoptées par les commu-nautés. J’ai souligné que la plupart desoutils évoqués dans le manuel de l’ATPCse concentre sur des pratiques communeset sur la réalité de la DAL. Toutefois, danscertains cas, certains des outils ne sont pasaussi efficaces lorsqu’ils sont pris isolé-ment – par conséquent, les facilitateurs

ont besoin d’élaborer leurs propres outils,du moment qu’ils ne finissent pas parprendre un air de « professeur, de prédi-cateur ou de prescripteur » (voir la vidéo :No shit please!).1 Dans notre démarche,tout au long de la facilitation, nous devonsfaire preuve d’une « insensibilitéculturelle ». Depuis la formation, nousavons pris l’habitude de tenir des réunionsd’information et, après les séances dedéclenchement, nous mettons en communnos projets et nos expériences, y compris

Voici deux exemples de chansons sur l’air dechants religieux :

« Lorsque tu as envie de déféquer, ne fais pas tesbesoins n’importe où ! »(Kana manzwa dozvi rauya musazomamire pesepese).Texte composé par Ignatious Mangoti, facilitateurATPC talentueux et expérimenté et agent depromotion de la santé.

« Tu es la merde sorcière ; tu as tué des proches ;c’est toi et personne d’autre qui a tué nosproches. »(Ndiwe muroyi ndiwe dhodhi ndiwe wapedzahama, ndiwe muroyi hakuna mumwe ndiwewapedza hama).

Et voici deux autres chants populaires que lesfacilitateurs utilisent lors du déclenchement :

« La mouche et la merde sont tombés amoureuxet ils enfantent le choléra. »(Nhunzi nedhodhi zvakadanana zvikazvaracholera).Chant composé par Pedzisai Sigauke,coordonnateur de projet pour une ONG localedans le district de Mutoko.

« Murewa, tu es un vrai champion, tu chies degrosses merdes. »(Murewa kmakaoma, makaoma murewa munoitahombe).Cet air est entonné lorsqu'un gros tas de merdeest trouvé ou lorsque le calcul du volume demerde donne une grosse quantité produite par levillage. (Murewa est le totem d’un ancêtre).

Encadré 1 : Chants populaires parlant demerde, de faire ses besoins et de ladéfécation à l’air libre

1 Voir la vidéo en ligne www.cultureunplugged.com/play/556/No-Shit-Please-

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les nouveaux outils que nous avonsdéveloppés. Ces réunions nous aident àgarantir le succès du déclenchement dès lapremière séance en aiguisant nos compé-tences de déclenchement, car une facilita-tion de qualité est un aspect très importantpour le succès du déclenchement.

Je me dois de souligner que la flexibilitédes outils est vivement encouragée de façonà pouvoir les adapter au contexte. De cettefaçon, des outils nouveaux et pertinentspeuvent être mis au point pour aider lescommunautés à faire leur propre analyse età prendre conscience collectivement desdangers de la DAL. Il est de bon aloi demettre en commun les nouveaux outilsavec les autres praticiens de l’ATPC dans

d’autres communautés et dans d’autrespays. Cela rend le processus de déclenche-ment plus passionnant et cela aide lespraticiens à gagner confiance. Les innova-tions devraient aussi considérer l’après-déclenchement, la vérification, lacertification et la célébration du statutFDAL.

Enfin, dans sa vidéo, No shit, please!,Kamal Kar précise : « Le voyage vers unmonde exempt de défécation à l’air libre estfort long mais il mérite d’être entrepris ».D’après mon expérience, il s’agit d’unvoyage passionnant et je vous encourage àrejoindre les praticiens de l’ATPC et lescommunautés FDAL qui ont entrepris cevoyage.

COORDONNÉESHerbert Kudzanai ChimhowaCoordonnateur Pays ATPCPlan Zimbabwe 7 Lezard Avenue Milton Park, Harare Zimbabwe Tél. +263 4 791601-4 Mobile +263 912 355 106/+263 712943 534 ID Skype : hkchimhowa Courriel : [email protected]

RÉFÉRENCES Kar, K. (2005) Guide pratique au déclenchement de l’Assainissement

Total Piloté par la Communauté (ATPC). Institute of DevelopmentStudies: Brighton, Royaume-Uni. En ligne :http://tinyurl.com/CLTStriggerguide URL complète :http://www.communityledtotalsanitation.org/resource/practical-guide-triggering-community-led-total-sanitation

Kar, K. et R. Chambers (2008) Manuel de l’Assainissement Total Pilotépar la Communauté. Plan : Royaume-Uni et Institute ofDevelopment Studies (IDS) : Brighton, Royaume-Uni. En ligne :http://tinyurl.com/CLTShandbook. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/resource/handbook-community-led-total-sanitation

Kar, K. et K. Pasteur (2005) Subsidy or self-respect? Community-ledtotal sanitation. An update on recent developments. IDS WorkingPaper 257, y compris une réimpression de IDS Working Paper 184.Institute of Development Studies : Brighton, Royaume-Uni. En ligne :http://tinyurl.com/IDS-WP-257 URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/sites/communityledtotalsanitation.org/files/wp257_0.pdf

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Introduction Un enfant sur quatre meurt avant soncinquième anniversaire en Sierra Leone,bien souvent du fait d’un assainissement etd’une hygiène médiocres qui entraînent ladiarrhée. L’Assainissement total piloté parla communauté (ATPC) est une nouvelleapproche en matière d’assainissement quichoque les participants pour les inciter àchanger leur comportement sanitaire.L’ATPC a été introduit par Plan et pard’autres organisations en Sierra Leone en2008. Mais beaucoup de gens, y comprisles décideurs et les membres de la commu-nauté, ne se sont pas sentis à l’aise à l’idéede discuter de la façon de faire ses besoinsdans le village comme l’exige la méthodolo-gie de l’ATPC. L’emploi des termes locauxpour « merde », par exemple, kaka, kpuii,kpona ou enim a choqué les habitants,qu’ils soient issus des groupes à haut ou àfaible revenu. Pourtant, l’approche s’efforcede provoquer un changement decomportement sanitaire en bousculant lestabous et les croyances culturelles quiencouragent et promeuvent tacitement la

défécation à l’air libre (DAL) dans lescommunautés.

J’ai travaillé avec des communautésrurales pendant 15 ans et, tout récemment,j’ai été Conseillère pour l’autonomisationcommunautaire au sein de Plan SierraLeone. Au fil des ans, j’ai appris que leschangements de comportement dans lespetits villages sont parfois très lents etpeuvent prendre plusieurs années. Maisavec l’approche ATPC, j’ai aussi découvert,à ma grande surprise, que le changementpouvait survenir très vite. J’ai découvertque les personnes habituées à déféquer –parlons clair, chier – sans scrupules à l’airlibre peuvent tout à coup éprouver un véri-table dégoût à l’égard de cette mauvaisehabitude et de cette menace sanitaire, etdécider de l’éradiquer. Ce sont les mots quenous utilisons pour décrire la merde, lesnombreuses questions que nous posonsaux villageois à propos de la merde, leshistoires, les proverbes, les paraboles, leschansons, les préceptes religieux etc. quientraînent ce bouleversement. Plan, lespouvoirs publics et d’autres organisations

par MARIAMA MUNIA ZOMBO

Promenade dans l’alléeinterdite : quand parlerde merde promeutl’assainissement 4

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en Sierra Leone ont eu recours à l’approcheATPC pour modifier la façon dont desmilliers de personnes visualisent les effetsde la DAL afin qu’elles s’unissent pour agirensemble. De ce fait, 300 villages ont étédéclarés avoir mis fin à la défécation à l’airlibre (FDAL) en Sierra Leone et beaucoupd’autres se préparent à atteindre ce statut.1

Dans cet article, je vais parler dupouvoir du langage et de l’emploi du mot « merde », des tabous et des croyances quigravitent autour de ce thème et de la façondont les communautés travaillent ensem-ble pour les surmonter dans les effortsqu’elles déploient pour devenir FDAL. L’ar-ticle examine aussi les différentes tech-niques que les facilitateurs ont utiliséespour aider les gens à s’exprimer et à rompreles barrières culturelles pour changer leurcomportement sanitaire.

Le silence et le pouvoir du langageEn général, la merde est passée soussilence. Cela est principalement lié auxcroyances locales et aux tabous qui gravi-tent autour. Certes, l ’emploi du mot « merde » est considéré comme vulgaire etinapproprié, mais il y a aussi des valeurs etdes croyances enracinées qui créent desbarrières à l’emploi d’un langage cru. L’unedes croyances les plus répandues est que deparler de merde porte malheur. L’emploidélibéré de mots comme kaka, kpuii, enimou bom est tellement choquant qu’on luiattribue souvent toute la malchance quipeut arriver par la suite. Le fait de parlerouvertement de merde est considérécomme indécent et interdit dans beaucoupde villages. Les femmes et les aînés sont lesplus réticents à employer le mot merdedans leurs langues locales – ou d’évoquerl’endroit où ils chient, combien de merdeils produisent et comment la merde peutgagner leur bouche. Pourtant, notre expéri-ence confirme que c’est l’utilisation d’un

langage cru et vulgaire qui suscite lesmeilleurs résultats dans l’obtention dustatut FDAL et dans le maintien de l’as-sainissement total au sein de nos commu-nautés. Nous avons aussi réalisé quel’utilisation persistante des mots les plusdéplaisants pour parler de merde a créé unenvironnement propice à l’acceptation del’ATPC comme approche préférée dans lesorganisations et comme une bonne recettepour changer le comportement sanitairedans les communautés.

Croyances et tabous

La merde entassée au même endroit amènela mort et porte malheur au village. Un chef de la communauté de BakehCurve, Chefferie de Koya, District dePort Loko.

Certaines des communautés que nousavons rencontrées dans le sud et le nord dela Sierra Leone sont convaincues qu’il nefaut pas s’accroupir au-dessus de la merded’un tiers car cela porte malheur. Danscertaines régions de la Sierra Leone, onraconte aussi qu’un ou une « initié(e) » nedevrait pas s’accroupir au-dessus de lamerde d’un ou d’une « non-initié(e) ».2 Dufait de ces croyances, l’idée de construiredes latrines n’est pas toujours la bienvenue.Dans le sud et l’est de la Sierra Leone, onraconte aussi que quiconque tombe dansune latrine va soit mourir, soit tomber fousoit ne sera plus jamais sobre. Du fait decette croyance, on empêche les plus faibles(les enfants, les personnes âgées et leshandicapés) d’employer des latrines decrainte qu’ils ne tombent dedans. Il estaussi fréquent d’entendre des femmes direque les selles d’un enfant ne sont pasdangereuses et ne devraient donc pasdégoûter les mères. C’est là l’un des facteursà l’origine de la propagation de la diarrhéedans les ménages car les mères ne prennent

1 Dans les communautés ayant mis fin à la défécation à l’air libre (FDAL), chaque ménageconstruit ou fait construire une latrine et la défécation à l’air libre n’est pratiquée paraucun membre de la communauté. 2 On appelle « initiés » les membres de la communauté qui font partie d’une sociétésecrète.

79Promenade dans l’allée interdite : quand parler de merde promeut l’assainissement

pas la peine de se laver les mains aprèsavoir changé leurs enfants. Certainespersonnes croient aussi que leurs beaux-parents ne devraient pas faire leurs besoinsau même endroit car cela entraîne uneperte de respect dans la famille. Lesfemmes enceintes ne devraient pas utiliserune latrine de peur de perdre leur fœtus. Lachaleur des latrines peut aussi rendre lesgens malades (mais elle a des vertus pourfaire mûrir les bananes !).

Facilitation propice au changement

Déclenchement et après-déclenchement Pour surmonter certaines de ces croyanceset de ces obstacles, les agents de Plan etautres facilitateurs ATPC utilisent un grandnombre de techniques lors des phases dedéclenchement et d’après-déclenchementpour garantir une grande franchise durantles discussions, au niveau des autoritéscentrales et locales, et durant l’actioncommunautaire afin d’arriver à unassainissement pour tous. L’approche ATPCoffre des occasions pour des techniques dedéclenchement inédites conjuguant l’usagede proverbes, paraboles, dictons, contes ethistoires, préceptes religieux, humour, rire,danses et chansons par les facilitateurs.Nous avons fait l’expérience de « palabres »très porteurs durant les phases dedéclenchement dans les zones opéra-tionnelles de Plan en Sierra Leone.3

En chansonsDans un village ayant récemment faitl’objet d’un déclenchement, nous avons eurecours à une chanson locale loko trèspopulaire pour convoquer les gens àl’assemblée de présentation avant deprocéder au déclenchement.4 Le village estgrand et il a été très difficile de mobiliserles villageois. La chanson Babaeyo Babay

(ce qui veut dire : « venez à nous, veneztous ! ») est si populaire et si appréciée quedès qu’elle a été chantée, elle a aussitôtrassemblé les femmes, les hommes et lesenfants sur le lieu de réunion dans unedanse effrénée. La chanson a aussi permisde briser la glace avant d’entamer unediscussion sur le thème de la merde. Lesfacilitateurs de Plan Sierra Leone ontdécouvert que plus les communautés sesentaient à l’aise en parlant et en riant touten évoquant la merde, plus les résultats dudéclenchement étaient bons. « Commentte sens-tu lorsque tu chantes cette chansonsur la merde ? » a demandé Briwa à uneadolescente qui entraînait des enfantsjusqu’au lieu de réunion à Fakunya, dans ledistrict de Moyamba. « Je ne l’aime pasmais le fait de la chanter forcera mon pèreà construire une latrine dans la cour, » a-t-elle répondu.

Nous avons aussi utilisé des chansonsinventées spontanément par des enfantsdurant et après le déclenchement. Laplupart des chansons dénoncent la DAL etdécrivent les maux qui y sont associés. Lesenfants sont toujours encouragés à chanterleurs chansons sur le thème de la merdedurant le point d’embrasement tandis quela communauté tout entière réfléchit à sesmauvaises pratiques sanitaires.5 Le chocbrutal engendré par les chants sur la merdesuscite un nouvel embarras pour lacommunauté et tout particulièrement pourles aînés. Bien souvent, ils demandentaussitôt aux enfants d’arrêter. Mais lesenfants continuent et cela les incite àcommencer à parler et à planifier leursactions suivantes. Dans un village deKenema (dans l’est de la Sierra Leone), lesenfants et les leaders naturels ont crié sifort durant la chanson que le chef duvillage, qui avait été l’une des personnes lesplus silencieuses durant les séances de

3 « Palabres » ici veut dire une discussion ouverte et franche sur la défécation à l’air libre ettout ce qui touche à l’idée d’aller à la selle et de chier.4 Loko est le nom d’un groupe ethnique et d’une langue parlée en Sierra Leone.5 Le point d’embrasement est l’instant où la communauté prend conscience collectivementqu’en raison de la défécation à l’air libre, tous les habitants ingèrent la merde des autres etcette situation perdurera tant que durera la défécation à l’air libre. Voir aussi Conseils auxformateurs, dans ce numéro.

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déclenchement, s’est mis à pouffer de rire.6

Il a ordonné à tout le monde de se rassem-bler et de dresser un plan d’action pourprocéder à la construction de leurs latrines.

Humour Du fait des nombreux tabous qui gravitentautour des excréments, les gens sontparfois silencieux pendant la premièreheure du déclenchement. C’est normale-ment à ce stade que les facilitateurs aidentles communautés à dessiner la carte deszones de défécation, à calculer le volume demerde produite, à calculer les frais médi-caux et à analyser les voies de transmissiondes matières fécales à la bouche.7 Nousavons recours à des expressions drôlescomme : « Kaka na kaka, big wan, smallwan, na the same foot den get for waka gona chop or wata ! » (ce qui veut dire : « Unemerde est une merde, qu’elle soit grosse oupetite, elles ont toutes des jambes et despieds pour aller dans la nourriture et dansl’eau ! »).8 Les membres de la communautécommencent à pouffer et à rire dès qu’oncommence à employer le dialecte localpour dire « merde ». Cette tournure estsouvent utilisée pour signifier que mêmeles matières fécales d’un bébé peuvent êtredangereuses et provoquer la diarrhée. Il estfréquent que les facilitateurs disent : • « Oh, vous voyez la grosseur de cettecrotte ? Elle vient sûrement d’un grosderrière. Elle ne peut pas venir d’unenfant ! » • « De quelle couleur est cette crotte ? C’estune merde couleur maïs, couleur boulgour,couleur blé ou couleur riz ? » • « Oh, cette merde a l’air très lisse ; croyez-vous que son auteur a mangé des pommesde terre ? »

• « Hé, ta merde est volumineuse ; elle apris toute la place sur la carte !»• « Alors à qui est cette merde et pourquoiest-elle si noire ou si rouge ? »

Ces tournures comiques parviennentgénéralement à briser la glace et le rirepermet de lancer la discussion.

Religion Parce que nos communautés sont essen-tiellement musulmanes, nous discutonssouvent du rôle de l’assainissement dans lareligion. Nous avons recours à des citationsdu Coran durant les séances de déclenche-ment. L’idée très répandue que « Propretéest mère de sainteté » est conforme auxenseignements du Prophète Muhammad(PB sur lui) qui encourage ses adeptes àmaintenir leur environnement propre et à

6 Les leaders naturels sont des hommes, des femmes, des jeunes, des enfants ou despersonnes âgées qui sortent du lot durant ou à l’issue des séances de déclenchementdans les villages. Ils sont intéressés par le processus ATPC et promeuvent la construction,l’innovation et la propagation de l’ATPC à d’autres villages.7 Ce sont là autant d’exercices de déclenchement réalisés avec les communautés pourdégager des sentiments de crainte, de honte, de dégoût qui les poussent à mettre unterme à la défécation à l'air libre et à construire leurs propres latrines. Voir aussi Conseilsaux formateurs, dans ce numéro.8 Kaka signifie « merde » en krio, une langue locale/un dialecte parlé par 97 % desSierra Léonais.

Une jeune fille prend l’engagement, au nom desenfants, de mettre un terme à la défécation à l’airlibre durant une célébration du statut FDAL dans levillage de Mabayo.

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pratiquer une bonne hygiène personnelle.Lorsque les communautés réalisent lesimplications de la défécation à l’air libre,elles craignent de déplaire à Dieu en nerespectant pas les enseignements duProphète et elles éprouvent un sentimentde honte lorsqu’elles réalisent qu’ellesprient dans un environnement impur.Beaucoup de gens croient fermement à cequi est écrit dans le Coran. Le fait de citerdes versets comme « Dieu aime ceux … quirestent purs »(2:222) ; « Dieu aime ceuxqui se purifient » (9:109) et « La propretéest la moitié de la foi ; elle remplit leséchelles de bonnes actions »– les versetsattribués à Allah (Al-hamdu lillah – toutesles louanges appartiennent à Allah) – ontété très efficaces pour faire prendreconscience aux membres des commu-nautés des maux de la défécation à l’airlibre et comment elle contamine leurs ablu-tions et leurs prières. Les facilitateurs ontaussi souligné que les enseignements duProphète (PB sur lui) nous disent que lesfemmes doivent nettoyer leurs parties géni-tales avec de l’eau pure (qui n’est pas con -taminée par de l’urine ou des matièresfécales). Les femmes prennent cette ques-tion très au sérieux et cela les aide à attein-dre le point d’embrasement. Il estégalement affirmé qu’il ne faut pas défé-quer près de la mosquée ou d’une église aurisque d’offenser Dieu. Une fois que lescommunautés sont embrasées, ellescomplètent d’elles-mêmes la liste de cita-tions et de croyances. L’histoire d’unhomme pieux mais sale qui est conduitjusqu’à une maison délabrée tandis qu’unautre, pieux et propre, était accepté dans lepalais céleste de Dieu, a un jour été racon-tée par l’Imam (chef religieux) d’un villagedans lequel nous avions procédé à desséances de déclenchement. À présent, elleest souvent utilisée pour susciter unecrainte d’être impur du fait de la défécationà l’air libre.

Se servir du savoir de la communautéLes facilitateurs ont découvert que, malgréles tabous, les communautés possèdent unefoule de connaissances sur l’hygiène et l’as-sainissement, sur lesquelles elles peuvents’appuyer durant le déclenchement et parla suite. Ce savoir est transmis par desdéclarations, des dictons, des paraboles,des histoires, des citations et des expres-sions humoristiques employés par lesmembres de la communauté eux-mêmesdurant le déclenchement ou à l’issue decelui-ci. Les facilitateurs les utilisent dansle cadre d’autres séances de déclenchementet ils en prennent note pour un usageultérieur.

Au cours d’une formation au déclenche-ment ATPC dans le village de Mabayo dudistrict de Bombali, l’un des aînés figurantparmi les stagiaires a déclaré : « ...Dieu lui-même n’aime ni la saleté ni les matièresfécales ». Quand on lui a demandépourquoi, le vieil homme a déclaré :

Le sol est fait de pourriture, y compris desmatières fécales. Donc lorsque Dieu a crééun aliment comme le manioc, Il lui adonné deux couches de protection que nouspelons avant de manger la chair blanche etpropre du tubercule.9 Il a procédé ainsipour protéger le manioc de la saleté du sol.Chaque aliment cultivé a une enveloppe deprotection, donc pourquoi ne protègerions-

9 Le manioc est un tubercule qui est consommé en Sierra Leone.

Une femme dessine la carte des zones de défécationde son village lors d’une séance de déclenchementdans le nord de la Sierra Leone.

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nous pas les aliments qu’Il nous donne ?Par conséquent, lorsque vous faîtes tomberdes aliments par terre, lavez-les à l’eauclaire avant de les manger. C’est le souhaitd’Allah.

Chaque participant s’est tu quelquesinstants et la discussion a repris de plusbelle sur l’importance d’un bon assainisse-ment et de bonnes pratiques d’hygiène.

Ce n’est pas le savoir qui manque dansles communautés ! Mais nos populationsdoivent faire l’objet d’un déclenchementpour se rappeler et pratiquer de bonnesmesures d’assainissement et d’hygiène.Cela se produit lorsque nous leur donnonsdu temps et de l’espace pour leur permettrede parler de leurs connaissances et de serappeler ce que leurs ancêtres leur confi-aient jadis. Les facilitateurs ATPCdevraient continuer de parler et de tenirdes discussions même à l ’ issue dudéclenchement, pour aider les commu-nautés à analyser les questions qui leurpermettront de se hisser le long de l’échellede l’assainissement. Il est évident que lescommunautés examinent certaines descroyances et certains des tabous dans leursréunions d’après-déclenchement, au niveaufamilial, et décident de les laisser de côté etd’aller de l’avant pour donner suite à leursprojets et construire des latrines pour lesutiliser. Parfois, les jeunes et les femmessont les premiers à laisser leurs croyancesde côté et à passer à l’action. Mais dansd’autres cas, ce sont les aînés et les chefs decommunauté (qui sont respectés et craints)qui donnent confiance à leurs commu-nautés pour qu’elles laissent leurs tabousde côté et œuvrent à leur bien-être.

« Mangez-vous de l’enim/la merde ? »ai-je demandé au chef du village deKalangba, dans le district de Port Loko. Ilm’a dévisagée, sidéré, et est resté bouchebée quelques instants. Puis il a déclaré : « Ma fille, j’ai soudain réalisé que c’étaitvrai, oui, c’est vrai, je mange de la merde,

car je crois que lorsque mon ennemi chiedans le village, je mange sa merde, son enim.Il faut mettre fin à tout ça. Je vais encouragertout le monde dans le village à construire deslatrines de façon à ce que nous ne mangionsplus l’enim de nos ennemis.

L’ATPC et la notion de genreLors de la formation dans le village deMabayo, district de Bombali, une autreremarque d’un aîné, leader naturel issu duvillage de Masantigie, m’a intéressée.

Nous devons respecter nos mères, nosfemmes et nos filles en leur procurant unemaison dotée d’un suthra.10

Nombre des hommes que nous avonsrencontrés lors des formations et desséances de déclenchement ont exprimé lebesoin de faire preuve de respect à l’égardde l’intimité et de l’hygiène personnelle desfemmes. À l’issue d’un déclenchement, cesentiment est exprimé avec conviction etmis en pratique en construisant aussitôtleurs latrines, avec une salle de bain dans laplupart des cas. Dans de nombreusesrégions de la Sierra Leone, les femmes et lesjeunes filles sont considérées comme des « atouts » et comme le « sexe faible ». Lesfamilles (tout particulièrement les hommes)ont donc à charge de les protéger et de leurapporter du confort. Le contexte religieuxet culturel (Islam et christianisme) définitaussi un environnement propice au respectet à la protection des femmes et des jeunesfilles. Lorsque les facilitateurs mènent uneséance de déclenchement pour pousser leshommes à l’action, ces derniers réalisentsoudain que la dignité des femmes enmatière d’assainissement doit être respec-tée en leur procurant une latrine et unedouche ou une salle d’eau. Avoir recours àla religion dans les séances de déclenche-ment suscite parfois une prise de consciencesoudaine et une action immédiate de la partdes hommes.

10 En loko, suthra signifie un lieu pour se nettoyer en toute intimité comme, par exemple,une latrine ou une salle de bain.

83Promenade dans l’allée interdite : quand parler de merde promeut l’assainissement

L’accent mis sur les femmes estdélibéré. Elles sont généralement troptimides pour parler de merde. Toutefois, lesfacilitateurs encouragent les femmes à semettre en avant pour faire partie du proces-sus, car les femmes sont responsables dunettoyage de la maison, de la mise au rebutdes selles des enfants, du nettoyage deslatrines et de la fourniture d’eau au foyer.Mobiliser les femmes en faveur l’ATPCdans leurs communautés est l’un desmeilleurs moyens de préserver l’assainisse-ment total. Une fois qu’elles réalisentqu’elles mangent de la merde, elles par -viennent à convaincre leurs maris et lagente masculine de prendre les mesuresqui s’imposent. La préservation du statutFDAL dans les villages implique plus detravail mais de meilleures conditions de viepour les femmes. Les femmes ont signaléqu’elles préfèrent nettoyer les latrines qued’aller dans la brousse pour déféquer. Ellespréfèrent également respirer un air sainque d’avoir à endurer des selles malodo -rantes dans l’arrière-cour ou dans lecompound.

Dans le cadre d’une visite de suivi aprèsun déclenchement, j’ai pu discuter avec desfemmes de Tabe, un village FDAL dans ledistrict de Moyamba. Une femme quiécoutait attentivement la conversation atiré les conclusions suivantes :

L’herbe est une amie de la merde mais unecour propre est son ennemi. Si un enfantexprime l’envie de faire caca, la mère l’em-mène immédiatement dans l’herbe/labrousse proche mais pas dans la courpropre où tout le monde peut voir la merde.Lorsqu’une mère ou une grand-mère voitde la merde dans la cour, elle la nettoieaussitôt et la jette dans l’herbe. J’ai doncdécidé de continuer de nettoyer monarrière-cour pour éviter que l’herbe poussedans le compound.

Défis Quelques communautés ayant fait l’objetd’un déclenchement ont refusé de cons -truire des latrines. Certaines personnesnous ont dit qu’elles ne pouvaient pasconstruire des « granges à kaka », poursignifier des latrines, et apporter encoreplus de malheur à leur communauté. Pourpoursuivre le déclenchement dans cescommunautés afin qu’elles passent à l’ac-tion, les facilitateurs et les villages FDALvoisins les ont invitées à leurs célébrationsdu statut FDAL. Les célébrations sont unesource d’honneur et de célébrité pour lesvillages FDAL et cela devient un véritablemoteur pour convaincre les communautésqui continuent de pratiquer la DAL. Troismois après les célébrations, trois villagesavaient construit toutes leurs latrines indi-viduelles et commençaient à les utiliser.

Certains des tabous et croyances dansnos communautés sont désormaissurmontés par l’ATPC et davantage deréunions, de discussions, de palabres etd’actions positives ont été entrepris par lesvillageois dans les communautés FDAL.Mais même si le silence qui enveloppe ladéfécation à l’air libre et ses mauvais effetssur l’assainissement est désormais rompu,nous devons encore relever le défi dumaintien d’un « haut niveau » d’as-sainissement total. On ne sait toujours passi les communautés FDAL (à long terme)entretiendront leurs latrines nouvellementconstruites, en construiront de nouvellessi la fosse s’effondre ou lorsqu’elle sera

Un jeune homme commence à creuser une latrinepour sa maison à l’issue d’une séance dedéclenchement.

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pleine, continueront leurs bonnespratiques d’assainissement et feront del’assainissement une priorité de leurdéveloppement. Nous sommes aussiconfrontés à d’autres défis. Les commu-nautés passeront-elles au niveau supérieurpour adopter un modèle de latrine plushygiénique ? Ou pratiqueront-elles lelavage des mains après avoir utilisé leslatrines ? Les équipes de leaders naturelsseront-elles capables de dupliquer l’ATPCpour le mettre à l’échelle ? Serons-nouscapables d’atteindre l’assainissement totalpour en faire un résultat durable ? Plan,d’autres partenaires et des membres de lacommunauté tentent différentes initiativespour maintenir et préserver les bonneshabitudes d’assainissement dans lescommunautés.

Une communauté de Moyamba s’estplainte d’avoir une terre meuble et sableusecar elle redoute de voir les fosses de seslatrines s’effondrer pendant la saison despluies. Les leaders naturels de cettecommunauté ont été choisis par Plan pourassister à une formation d’artisans locaux,qui était axée sur la créativité et la concep-tion de sièges de latrines à l’aide de cimentet de tuiles cassés. Outre la formation, ilsont tenu des discussions avec les leadersnaturels et les artisans concernant leurspréoccupations pour voir commentconcevoir de meilleures fosses de latrinesdans les zones sableuses. Plan a aussirassemblé des leaders naturels, des clubs desanté scolaire et des membres du comitéd’eau et d’assainissement (WATSAN) pourpartager leurs expériences concernant ladiffusion des messages d’hygiène à l’issuede l’obtention du statut FDAL, commententretenir facilement les latrines (notam-ment pendant la saison des pluies) etcomment veiller à ce que les communautésmaintiennent un assainissement total.

En outre, l’obtention du statut FDALdans quelques centaines de villages nesuffit pas. Nous devons travailler vers l’ob-tention du statut FDAL dans les chefferies,les districts, les régions pour éradiquer

totalement la DAL du pays. Mais la diffu-sion et le passage à l’échelle de l’ATPCdépendent de l’acceptation et du soutiendes pouvoirs publics et des institutions.Pour parvenir à changer les mentalités etveiller à mettre à l’échelle et à diffuser l’ap-proche ATPC, nous avons été mis au défipar les agents du gouvernement et d’autresorganisations non gouvernementalesconcernant la qualité, la durabilité et lapérennité des latrines construites par lescommunautés. Nous avons aussi créé unmalaise en raison du langage que nous uti -lisons pour mobiliser les autorités et lesagents haut placés des institutions. Cela aparfois prêté le flanc à une trivialisation del’approche et à son rejet par des tiers. Ainsipar exemple, le responsable d’une équipede gestion sanitaire de district en SierraLeone a déclaré :

Pourquoi vous plaisez-vous à employer leterme kaka ? Ce n’est pas un langagecorrect. De toute façon, les latrines dontvous parlez ne sont pas durables… lesbâtons ne dureront pas longtemps et celapose un risque pour les gens. Je ne peux passoutenir votre approche ATPC !

Un jour, un facilitateur enthousiaste del’ATPC chez Plan a transmis un rapport àl’examen d’un gestionnaire haut placé. Laréaction maussade du manager ne s’est pasfait attendre :

Un jeune parle de son modèle de latrine lors d’uneréunion de planification.

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Auriez-vous l’obligeance d’utiliser un motplus poli que kaka ? Votre langage est tropcru… Merci de réviser le registre linguis-tique de votre rapport…

Et le facilitateur de répondre:

Monsieur, c’est le caractère choquant de cemot qui change les vies.

Après quoi, le responsable s’est montréplus complaisant.

Au niveau national, il existe un grouped’action réunissant des ONG et des prati-ciens spécialistes de l’ATPC qui est dirigépar le ministère de la Santé et de l’As-sainissement. Plan Sierra Leone estmembre du groupe. Le groupe est chargéde la coordination des activités ATPC dansle pays et il les surveille en employant lesoutils mis au point par le Fonds desNations Unies pour l’enfance (UNICEF),des ONG et les pouvoirs publics. D’unpoint de vue stratégique, le groupe d’actiona été confronté à des défis nés du fait quecertains agents haut placés du gouverne-ment et des ONG tentent de trivialiserl’ATPC et ne veulent pas parler de la défé-cation à l’air libre qu’ils considèrent commeun sujet obscène. Le groupe d’actioncontinue néanmoins de se faire entendre,parlant sans relâche de merde à chaqueoccasion et dans chaque forum, et travail-lant avec le gouvernement de la SierraLeone pour plaider en faveur du soutiendes autorités centrales et de district enversla méthodologie ATPC par le biais de l’al-location de ressources pour mettre àl’échelle et accélérer le processus.

Conclusion L’ATPC est désormais considéré comme unpoint d’entrée dans les communautésmarginalisées par Plan Sierra Leone. C’estune occasion véritable pour les commu-nautés de s’ouvrir, de parler et de se trans-former. L’un des résultats positifs de l’ATPCest lié à un sentiment très particulier deconfiance et de dignité que les commu-

nautés éprouvent, qui marque le débutd’une nouvelle vie et d’une nouvelleapproche du développement dans lesvillages.

Au cours des deux dernières années,nous avons appris qu’en aidant les gens àpercevoir les discussions sur la merdecomme n’étant pas vulgaires, obscènes,interdites ou embarrassantes est une étapeimportante et décisive pour arriver àmettre un terme à la défécation à l’air libredans les villages, en mobilisant un soutieninstitutionnel en faveur de l’ATPC et enmettant à l’échelle et en reproduisant l’ap-proche. Il est aussi crucial de noter que, siles barrières culturelles sous forme detabous et de croyances peuvent entraver leprocessus, dans certains cas, elles ont enfait contribué à faciliter le processus ATPC.Tout dépend de la qualité de la facilitationdans la phase de déclenchement et d’après-déclenchement, de la créativité des facili-tateurs, de leur tact, leur intuition et leursinitiatives, bref de la façon dont ils par -viennent à s’adapter aux communautéspour arriver à leur fin.

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COORDONNÉESMariama Munia ZomboConseillère en autonomisation communautaire Plan Sierra Leone 6 Cantonment RoadOff Kingharman RoadFreetown Sierra LeoneCourriel : [email protected] ; [email protected] Tél. +232 76801428/ +232 88902576 Skype : niatukay

REMERCIEMENTS La teneur de cet article s’inspire de mes expériences en matière defacilitation, de discussions avec des membres de la communauté, desenfants, des agents du gouvernement, des facilitateurs ATPC de Planou d’autres ONG, ainsi que des observations et comptes rendus par dupersonnel de projet sur le terrain. Je souhaiterais donc remercier tousceux et celles qui, de différentes façons, m’ont aidée dans ma rédactionet qui ont contribué à la naissance de cet article. Parmi le personnel dePlan Sierra Leone : Fadimata Alainchar (Directeur pays), Miriam Murray(Chargée de programme), Taplima Muana (Chargée de programme),Gabriel Lahai (Coordonnateur de développement communautaire),Augustine Briwa (Coordonnatrice de développement communautaire),Kelvin Mustapha (Coordonnateur de développement communautaire),Mustapha Kai-Swaray (Coordonnateur de projet). Je remercieégalement Sallu Deen (Coordonnateur national du Groupe d’actionATPC, Gouvernement de la Sierra Leone), Samuel Musembi Musyoki(Manager du soutien stratégique aux programmes) à Plan Kenya, andPetra Bongartz (IDS, Royaume-Uni).

RÉFÉRENCES Site web de campagne « Every Human Has Rights » :

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Les îles de Buvuma et le début de notrevoyageSitué sur le lac Victoria près de Jinja enOuganda, l’archipel de Buvuma comprendquelque 52 îles et plus de 100 communautéspiscicoles (aussi appelées « camps ») réunis-sant une population estimée à au moins 50 000 personnes. L’administration desîles est divisée entre plusieurs districts poli-tiques qui sont chacun basés sur le conti-nent, ce qui rend le gouvernementinaccessible et moins réactif. En outre, les« continentaux » méprisent généralementles îliens, faisant peu de cas de leursbesoins. Du fait de leur faible statut social,les îliens prétendent souvent qu’ils ne sontque « de passage », bien qu’ils habitent lesîles depuis 10 à 15 ans. De ce fait, certainssont peu enclins à investir dans leurscommunautés, que ce soit socialement oufinancièrement. Sur les îles, les infrastruc-tures sont presque inexistantes et le trans-port d’une île à l’autre et avec le continentse fait par bateau privé ou par ferrycommercial (Smith 2007 ; FAO/PNUD,1991).

Nos relations avec les îles ont débuté en2006 lorsque nous avons rencontré KarinaThomas, aujourd’hui directrice de Shep-herd’s Heart International Ministries(SHIM). À l’époque, SHIM était une petiteorganisation missionnaire axée sur la four-niture d’eau potable, de soins de santé,d’enseignement secondaire et sur ledéveloppement d’un leadershipautochtone. Depuis lors, l’organisation agrandi pour englober l’agriculture, lemicrocrédit et la pastorale. Actuellement,son personnel professionnel comprend lafondatrice américaine et son époux, luiaussi américain, et huit Ougandais. Tout lepersonnel a suivi des études supérieures. Laplupart ont un diplôme universitaire.

En sa qualité de chercheur sur la qualitéde l’eau, Kloot a d’abord été invité en 2006pour accompagner un groupe ecclésias-tique des Etats-Unis qui envisageait d’in-staller des unités de chloration en propriétécollective dans plusieurs camps. Sur la basede cette expérience initiale, Kloot a invitéWolfer, professeur en sciences sociales, àaccompagner le groupe l’année suivante car

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les défis considérables que posait ledéploiement des dispositifs de chlorationsemblaient liés à la dynamique commu-nautaire. Par la suite, Kloot et Wolfer sontrevenus sans le groupe ecclésiastique, pure-ment comme consultants bénévoles,collègues et amis. Leurs visites d’étéannuelles ont été financées par une combi-naison de bourses universitaires, dons defondations ou fonds privés.

Au départ, Thomas nous a expliqué quel’un des grands problèmes sur l’île était lemanque d’eau potable. Elle a relaté desanecdotes de personnes (souvent desenfants assoiffés) qui n’hésitaient pas àboire l’eau non traitée du lac et qui souf-fraient ensuite de diarrhée, de vomisse-ments et de douleurs abdominales dans lademi-heure qui suivait. Une enquêtemenée par SHIM en 2007 dans huitcommunautés îliennes a révélé que l’as-sainissement était totalement insuffisant.Là où les pouvoirs publics ou les ONGavaient construit des latrines, celles-ciétaient inutilisables car elles étaient trèssales, pleines ou les fosses s’étaient effon-drées. Les îliens n’avaient d’autres choixque de déféquer dans la brousse ou sur lesrives du lac (Kloot, 2007). Comme l’amontré Kloot par ses analyses de la qualitéde l’eau, en face des camps, aux endroitsprécis où les habitants venaient habituelle-ment chercher de l’eau, les eaux du lacétaient très gravement contaminées parruissellement.

Stratégie d’intervention et changementdes mentalitésNaturellement, cette situation nous a horri-fiés et notre première réaction a été detenter de trouver des solutions pournettoyer les eaux du lac. Après tout, nousavions affaire à des maladies hydriques etnous avions accès à une technologiedurable et appropriée pour assurer lapurification de l’eau au niveau communau-taire… nous avions donc une solution àleur problème.

Notre solution consistait à acheter de

nouvelles unités de chloration portables.Ces unités génèrent du chlore par l’élec-trolyse du sel de table et sont alimentéespar une batterie de 12 volts rechargeablepar énergie solaire. En 2006 et 2007, nousavons déployé des unités dans septcommunautés présélectionnées et dispenséune formation sur le fonctionnement desunités. Nous avons laissé aux commu-nautés le matériel et les nouvelles infra-structures (confiés aux comités de l’eaudésignés). Au cours de notre visite en 2007,nous avons constaté que, lorsque l’unitéfonctionnait, il y avait des signes tangiblesd’amélioration de la santé de la commu-nauté. Mais nous avons aussi découvert queces communautés connaissaient des tempsde panne importants pour des problèmestechniques, mécaniques et parfois des volsliés aux panneaux solaires, aux batteries etaux pompes à main associés à l’unité. Lescomités de l’eau ont rapporté qu’à mesure

Co-auteur Robin « Buz » Kloot travaillant avec ungroupe lors de la phase de déclenchement ; il offreaux membres de la communauté un verre d’eaucontaminée par de la merde et leur propose de leboire.

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que les batteries se déchargeaient, la purifi-cation de 1 000 litres d’eau (par des béné -voles de plus en plus frustrés) prenait plusde deux heures au lieu de 20 minutes.Notre solution si simple se révélait pluscompliquée que nous ne le pensions.

En 2008, nous avons décidé de ne plusinstaller de nouvelles unités de chlorationmais de passer plus de temps avec lescomités de l’eau en place pour faciliter lebon fonctionnement des systèmes existants(à l’époque, la moitié des systèmes ne fonc-tionnaient plus de manière fiable). Nousavions l’intention d’être plus à l’écoute et deposer des questions qui orienteraient lescomités de l’eau vers des résultats positifspar le biais de méthodes de recherche-action participative (RAP) (Stringer, 1996)et d’une enquête d’appréciation(Hammond, 1998 ; Whitney et Trosten-Bloom, 2003). Mais nous étions toujoursattachés à résoudre les problèmes liés à la

technologie (les unités de chloration) et àla gestion de la technologie et du processusde traitement de l’eau par les organisationslocales (à savoir, les comités de l’eau). Nousavons commencé par poser des questionspour comparer les coûts du traitement del’eau potable : • bouillie ou conditionnée (deux optionstrès coûteuses) ; • issue du système de chloration (environle vingtième du coût de l’eau bouillie) ; ou • consommée sans traitement préalable(gratuite, mais avec des risques sanitairesinévitables).

De surcroît, SHIM nous a demandé detester l’eau conditionnée pour y détecter laprésence éventuelle d’E. coli.1 Nous avonsdécouvert la présence d’E. coli dans lesdeux tiers des échantillons d’eau vendus enmagasin qui étaient donc impropres à laconsommation humaine (Kloot et Wolfer,2008).

1 Escherichia coli (également appelé colibacille ou E. coli) est une bactérie qui peutprovoquer de graves empoisonnements alimentaires chez les humains. Source : Wikipedia.

Un groupe de personnes de Mubale, en Ouganda, qui se sont portées volontaires pour faire en sorte que leurcamp mette fin à la défécation à l’air libre.

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Toutefois, durant la visite de 2008, nousavons aussi découvert que des produitsdisponibles dans le commerce (p. ex.Waterguard®, Aquasafe®, Pur®) produi-saient de l’eau aussi salubre que le systèmede chloration mais étaient plus fiables etd’un meilleur rapport qualité-prix (environle quarantième du coût de l’eau bouillie).Cette découverte nous a surpris car notrestratégie tout entière reposait sur la four-niture d’une eau salubre par l’installationde nos systèmes de purification de l’eaufabriqués aux États-Unis et donnés à lacommunauté. Comme nous étions résolu-ment décidés à aider ces communautés,toutefois, nous avons étudié les données etcommencé à réexaminer nos idéespréconçues. Dans un premier temps, nousavons aussitôt commencé à signaler lesrisques associés à l’eau conditionnée et lesdonnées comparatives de coût pour lesautres sources d’eau en encourageant les

résidents à tirer leurs propres conclusionsquant à la meilleure façon de se procurerde l’eau salubre.

La prise de conscience : ce n’est pas unproblème d’eau, c’est un problème demerdeAlors que nous préparions notre visite de2009, nous avons compris qu’en encou -rageant la dépendance envers la tech-nologie occidentale et les dons de l’Ouest,nous ne faisions sans doute qu’entraver,au lieu d’améliorer, l ’accès à une eaupotable salubre. En tant que personnes del’extérieur, il nous fallait abandonnernotre approche fondée sur la technologie(c.-à-d. amener nos unités de chlorationavec nous) pour privilégier une approchefondée sur les connaissances (c.-à-d. poserdes questions pour informer les commu-nautés des différentes options de traite-ment d’eau à leur disposition). Nous avons

Un villageois participe à la phase de cartographie lors d’une séance de déclenchement ATPC.

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aussi été confrontés au fait que l ’as-sainissement était le problème sous-jacent. Mais hormis la levée de fonds pourla construction de latrines à fosse (quiserait plus difficile que la levée de fondspour nos systèmes de chloration), nous nesavions absolument pas commentrésoudre ce problème. Nos idées sur laquestion ont commencé à changer lorsquenous avons lu le livre de Rose George(2008) The Big Necessity: the unmention-able world of human waste and why itmatters. Nous avons compris qu’uneconcentration bactérienne dans le lac de10 000 E. coli par 100 ml ou plus (Kloot,2006 ; Kloot et Wolfer, 2008) voulait direque le problème n’était pas un problèmed’eau mais un problème de merde(George, 2008). Mais surtout, le livre deGeorge nous a fait connaître les travaux

de Kamal Kar sur l’Assainissement totalpiloté par la communauté (ATPC). Peu detemps avant notre visite de 2009, nousnous sommes imprégnés de la littératuresur l’ATPC (p. ex. Kar, 2005 ; Kar etPasteur, 2005 ; Kar et Chambers, 2008).En sa qualité de professeur de sciencessociales et chercheur qualitatif, Wolfermaîtrisait bien les approches axées sur lesforces en matière de développementcommunautaire (p. ex. Kretzmann etMcKnight, 1993 ; Russell et Smeaton,2009) et les approches participatives dela recherche communautaire (p. ex.Reason et Bradbury, 2007 ; Stoecker,2005). En sa qualité de chercheur enqualité de l’eau, Kloot avait aussi unecertaine expérience en matière derecherche-action participative dans lescommunautés.

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Le co-auteur Robin « Buz » Kloot et un collègue ougandais, Twali Julius, suite aux calculs du volume de merdeet à la détermination des circuits de la merde à la bouche (voies de contamination orale par les matièresfécales) lors d’une séance de déclenchement.

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Le début de notre voyage ATPC Inspirés par cette nouvelle perspective, nousavons présenté la philosophie et les méthodesATPC à nos collègues de SHIM par le biaisd’un atelier d’une journée.2 Pour nouspréparer à animer l’atelier puis à accompa- gner les facilitateurs, nous avions unique-ment accès aux aides ATPC en ligne. Nous nedisposions nous-mêmes d’aucune formationATPC formelle, mais nous étions extrême-ment motivés par le besoin d’une nouvelleapproche en matière d’assainissement et lecompte rendu de George sur l’ATPC avait sunous convaincre. Nous apportions avec nousune solide expérience en qualité d’instruc-teurs orientés sur des méthodes d’apprentis-sage pratiques, assez d’humilité pour vouloirmettre en œuvre une nouvelle interventionde la manière proposée par ses développeurs,et le souci de rester fidèles à l’intervention(sans l’adapter sauf sur la base d’une expé -rience concrète justifiant son adaptation).

En guise de première étape, nous avonsparlé de l’ATPC aux administrateurs SHIMet nous avons cherché à obtenir leur soutienpour organiser un atelier à l’intention dupersonnel. Lors de l’atelier, nous avonsprésenté et expliqué l’approche ATPC etnous leur avons fourni plusieurs ressourcesclés officiellement publiées (Kar, 2005 ; Karet Pasteur, 2005 ; Kar et Chambers, 2008).Nous avons invité le personnel à mettre encommun leurs questions et leurs réserves,et nous avons décidé de faire une marchetransect privée dans le camp local. L’objetde cette marche initiale était de confirmerla présence et l’étendue de la défécation àl’air libre : cela nous a ouvert les yeux auproblème auquel nous étions confrontés.

Malgré quelques doutes initiaux àpropos du sujet et du langage cru, noscollègues SHIM ont rapidement reconnuque cette approche s’attaquait à un pro -blème vital et le faisait d’une manière quipouvait se révéler efficace. À la fin de l’ate-lier, ils acceptèrent de mener des interven-tions ATPC dans plusieurs camps. Bien que

plusieurs membres du personnel ougandaisaient eu une formation officielle en éduca-tion sanitaire communautaire, en agricul-ture et en communication de masse,personne ne disposait d’expérience enmatière d’approches hautement participa-tives. De fait, l’approche ATPC allait à l’en-contre de tout ce qu’ils avaient appris,notamment le fait de poser des questions aulieu de fournir des informations. Néan-moins, nous avions organisé un atelier surune enquête d’appréciation avec eux en2008 qui avait présenté l’utilisation systé-matique de questions non agressives, ce quinous a permis de jeter les bases de l'ap-prentissage de cette nouvelle approche.

Après une journée de formation, nousavons organisé des interventions ATPCdans quatre camps où SHIM travaillait déjàet nous avons accompagné nos collèguesougandais afin qu’ils prennent de plus enplus de responsabilité dans la direction deces interventions. Pour démontrer l’ap-proche ATPC, nous avons dirigé l’interven-tion dans le premier camp. Par la suite, nousavons encouragé nos collègues de SHIM às’associer à nous dans un premier temps,puis à assumer la responsabilité totale desdifférentes phases de l’intervention. Auquatrième camp, nos collègues SHIM ontdirigé la totalité de l’intervention en nesollicitant qu’une participation minime denotre part. Un bilan détaillé a suivi chaqueintervention pour nous permettre deconfirmer que les activités étaientcohérentes avec l’approche ATPC et recti-fier celles qui ne l’étaient pas, réfléchir à desquestions spécifiques supplémentaires etprendre note des forces et des faiblesses desfacilitateurs pour les aider à décider dequelles phases particulières de l’interven-tion chacun d’eux devait se charger. Nousles avons encouragés à se montrer pleind’humour et d’exubérance durant l’inter-vention et à peaufiner de façon collective lesaspects de l’approche qui semblaient confusou inefficaces, etc.

2 Pour en savoir plus sur la formation et les méthodes ATPC, voir aussi Conseils auxformateurs, dans ce numéro : Musyoki ; Kar et Chambers.

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Défis Nous avons dû relever plusieurs défis.Citons notamment pour réussir àpersuader nos collègues ougandaisd'utiliser une approche ATPC choquante etd’employer en public le mot local poursignifier « merde ». En luganda, merde sedit amazi (prononcé ah-mah-zee). C’est unmot très proche du mot qui veut dire eau(amazzi, prononcé ah-mah-zee). Cettedifficulté a été particulièrement marquéelors de la première intervention mais elles’est vite estompée. Au départ, noscollègues SHIM n’avaient pas suffisam-ment confiance en l’approche ATPC trèsinteractive et basée sur un enchaînementde questions. Nous les avons incités à atten-dre les réponses, encouragés à mettre enscène leur présentation et à réfléchir et àdocumenter un ensemble de questionspotentielles pour chaque phase de l’inter-vention. Nous avons supposé que le succèssurprenant et spectaculaire de l’ATPCrenforcerait et nourrirait leur utilisation deces méthodes peu conventionnelles.

Un autre défi découlait du fait que leschefs de la communauté supposaient que laseule façon de s’attaquer à l'assainissementconsistait à installer des latrines publiquesfinancées par des fonds extérieurs, donc enprovenance des pouvoirs publics ou desONG. Du fait de leurs expériences passéesavec les subventions, l’idée qu’un individu ouune famille puisse être responsable d’unelatrine était étrangère à la plupart des îliens.

Bien que nous ayons insisté sur le fait quenous ne fournirions pas de soutien financier,la présence d'Américains blancs aux inter-ventions a de nouveau fait naître des espoirsde subvention que nous avons dû tuer dansl’œuf à la fin de chaque intervention. De fait,dans plusieurs camps, les résidents ontindiqué qu’ils craignaient que les membresdu personnel de SHIM n'encaissent lasubvention eux-mêmes. Les résidents ontexigé que nous confirmions expressémentque nous n’offrions aucune subvention. Etdans l’un des camps, le chef nous a imploréde lui donner des fonds privés pour acheterdes planches afin de réparer les latrinescommunautaires.

Dans chacun des quatre camps, les rési-dents ont fait preuve d’une volontédifférente de participer et d’évoquerfranchement les conditions de vie dans leurcamp. Dans la plupart des camps, c’étaientd’abord les chefs coutumiers et les hommesqui étaient les plus enclins à participer maisquelques femmes et des enfants ont fini pars’exprimer. Dans tous les camps, alors quel’intervention progressait, des leadersnaturels se sont imposés dans lesdifférentes catégories démographiques (c.-à-d. en fonction du sexe, de l’âge, du niveaud’études, du statut économique). Dans tousles camps, l'intervention ATPC a intriguéles enfants et suscité une participationdynamique de leur part lors des marches etdes exercices cartographiques. Dans l’undes camps, les enfants ont clairementmontré la voie, donnant les réponses à voixhaute et courant devant les adultes. Danscertains camps, les chefs et certains autresont d’abord essayé d’empêcher ou delimiter la participation de certaines person-nes ou, en dernier recours, de faire peu decas de leurs contributions. Mais les person-nes ont insisté et ces manœuvres ont finipar cesser. Dans chaque camp, on a eu l'im-pression qu'à la fin de l’intervention, lesgens et leurs chefs avaient trouvé un terraind’entente pour travailler ensemble. Dansun camp, par exemple, les gens ont claire-ment et franchement indiqué qu’ils étaient

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Co-auteur Terry Wolfer lors d’un exercice decartographie communautaire.

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frustrés par leur chef et celui-ci s'est mis surla défensive. Mais un certain nombre demembres de la communauté se sont portésvolontaires pour travailler avec lui pourexpliquer aux membres absents le mode defonctionnement de l’ATPC et promouvoirla participation et il a réagi en réaffirmantsa responsabilité de diriger et en acceptantleurs offres d’aide. Dans d’autres camps, larelation entre les chefs et les résidents a étémoins tendue mais l’ATPC a inspiré denouveaux efforts de collaboration entre lesgens, les chefs coutumiers et autres leadersnaturels.

Comment aller de l’avant Nous pensons que l’approche ATPC influ-encera les relations de SHIM avec les campset ses efforts pour s’attaquer aux problèmesdes autres communautés. Auparavant, ledésir de subventions extérieures incitait leschefs des communautés à dramatiser le sortde leurs communautés avec des histoires àvous fendre le cœur pour souligner lemanque de ressources et le besoin d’aidematérielle. Nous avons vu le désir desubvention faire que les chefs se concen-traient sur les ressources matérielles à l’ex-clusion quasi-totale de connaissances, decompétences ou de coopération sociale. Ledésir de subvention a renforcé la dépen-dance des communautés et l’impuissancepar rapport aux ONG et aux autres agencesextérieures. En revanche, nous estimonsque l’intervention ATPC promeut un senti-ment de fierté et de responsabilité car lescommunautés réalisent ce qu’elles saventdéjà, apprennent de nouvelles informationsconcrètes sur leurs propres situations,reconnaissent qu’elles ont la possibilité d’ychanger quelque chose et qu’elles doiventcollaborer avec leurs voisins pour réussir.

Il est intéressant de souligner, pour noscollègues de SHIM, que l’approche ATPC aaussi démontré l’emploi et la valeur desquestions pour mobiliser les gens en faveurde l’apprentissage et de la solution de pro -blèmes. À cet égard, cela contredit l’ap-proche classique en termes d’éducation qui

présente l’enseignant comme « l’expert » etles apprenants comme les « réceptaclesvides ». Cela a aussi surmonté leurs réservesface aux craintes traditionnellement asso-ciées aux questions qui subsistaient del’époque des écoles coloniales. En effet, audépart, le personnel de SHIM craignaitqu’en posant tant de questions, on risquaitde mettre l'accent sur le manque de savoirdes résidents et de les humilier. Bien aucontraire, en posant des questions sur lesréalités concrètes de leur vie de tous lesjours, on a mis en exergue leur savoir-faire,invité la remise en question et la correctionpar les pairs et non par les autorités, etencouragé l’apprentissage en collaborationet la solution de problèmes. Enfin etsurtout, cela a renforcé les efforts des genspour comprendre et réagir à leurs situationssans avoir à attendre le bon vouloir d’expertsde l’extérieur ou même des chefs coutu-miers de la communauté. L’observation deces effets positifs a incité le personnel deSHIM à envisager comment repenser leursautres approches plus classiques en matièred’enseignement et de développementcommunautaires.

En adhérant aux principes de l’ATPC,(sans se soucier du terrible malaise quenous ressentions au départ), nous avonsobservé de nos propres yeux combienl’ATPC suscite d’émotions fortes (p. ex. ledégoût, l’embarras, l’humour), l’intérêtintense, le débat communautaire interne,l’émergence des leaders naturels et la déter-mination de la communauté de mettre finà la défécation à l’air libre (DAL). Nousattribuons le succès initial des interventionset les résultats du suivi ultérieur à l’idée quel’ATPC met en valeur le fait que les genssont maîtres de leur propre vie et du sort deleurs communautés et respecte profondé-ment leur aptitude à comprendre, décideret agir pour résoudre leurs propres prob-lèmes. De fait, en accompagnant et entransférant la responsabilité des interven-tions ATPC au personnel de SHIM, nousavons engendré un processus parallèle d’au-tonomisation.

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Globalement, le personnel de SHIM aété encouragé et passionné par l’interven-tion ATPC. Depuis notre visite en 2009, ilsn’ont constaté aucun progrès apparent dansl’un des quatre camps initiaux mais unevague de construction de latrines privéesdans plusieurs autres. Le camp dans lequelil n’y a pas eu de progrès était petit, plusdémuni et moins structuré, avec une latrinepublique construite par une autre ONG.Durant une visite de suivi cette année, nousavons constaté des différences entre lescamps dans les niveaux de pauvreté, deconfiance envers les chefs et dans les rela-tions positives entre les résidents quisemblent aussi affecter la réaction à l’ap-proche ATPC.

Conclusion Le personnel de SHIM affirme que l’ATPCa été l’intervention la plus efficace enmatière d'assainissement jamais menée surl’archipel. Sur la base de ces résultats posi-tifs, nous avons continué à nous servir del’intervention dans d’autres camps. Il resteà voir si les camps individuels arriveront àmettre fin à la défécation à l’air libre et àobtenir le statut FDAL. Dans undéveloppement récent, le gouvernement

ougandais a établi un nouveau districtchargé de l’administration des îles Buvuma,qui est entré en vigueur le 1er juillet 2010.Les chefs locaux espèrent que cela setraduira par un accroissement des services.D’un côté, cela pourrait faciliter les effortsde SHIM (nous avons demandé une visitedes responsables de district au cours del’année prochaine). De l’autre, au moinsune communauté a renoncé à dépenser del’argent pour la construction de latrinesdans l’espoir que la nouvelle administrationse chargerait de les financer. Nous proje-tons de revenir en Ouganda en 2010 pourassurer le suivi de ces premiers efforts etvoir comment ces processus pourraient êtreappliqués à d’autres problèmes identifiéspar les membres de la communauté.

Nos efforts initiaux, tout bien intention-nés qu’ils aient pu être, nous semblentaujourd’hui naïfs et irréalistes, tout à faitinsensibles à la dynamique de l’archipel.Heureusement pour nous et pour les îliens,nous avons entretenu nos liens et réalisé unsuivi qui nous a permis de prendreconscience des problèmes causés par notresolution initiale. De ce fait, nous avons évitéd’imposer cette solution à d’autres commu-nautés.

COORDONNÉESTerry A. Wolfer Professeur College of Social WorkUniversité de Caroline du Sud Columbia, SC 29208 États-UnisCourriel : [email protected] Site web : http://cosw.sc.edu/faculty/wolfert.htm

Robin W. Kloot Professeur chercheur associé et Directeur adjoint Earth Sciences and Resources Institute School of the Environment Université de Caroline du SudColumbia, SC 29208 États-UnisCourriel : [email protected] Site web : www.esri.sc.edu/Staff/kloot/default.html

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REMERCIEMENTS Les auteurs sont gré au soutien du Programme de service volontaire Dobson etdu College des sciences sociales de l’Université de Caroline du Sud.

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97

Introduction L’Assainissement total piloté par la commu-nauté (ATPC) a été introduit dans le districtde Kilifi au Kenya en 2007. Il a donné lieuà une vive augmentation du taux deconstruction et d’utilisation des latrines parles communautés locales. De un en 2007,on compte désormais plus de 200 villagesayant mis fin à la défécation à l’air libre(FDAL). Le nombre de latrines a augmentéet est passé de 300 en 2007 à plus de 4 550en 2009. Le succès de l’ATPC a profité despratiques locales d’assainissement, quireposaient sur des croyances culturelles quiaffectent tous les aspects de la vie de tous lesjours des villageois. Celles-ci ont contribuéà déclencher le souhait de la communautéde mettre un terme à la défécation à l’airlibre pour embrasser l’ATPC à bras le corps.Cet article examine le lien entre lespratiques d’assainissement local et le succèsde l’ATPC dans le district de Kilifi.

Le contexte de Kilifi L’histoire de Plan Kenya et de l’Assainisse-ment total piloté par la communauté

(ATPC) a commencé en mai 2007 lorsquetrois membres du personnel de Plan Kenyaont assisté à des ateliers de formation ATPCorganisés en Éthiopie et en Tanzanie, aprèsquoi, il a été décidé de piloter l’ATPC danstrois districts où Plan Kenya disposaitd’unités de programme (UP) : Kilifi, HomaBay et Machakos. En travaillant en parte-nariat avec le ministère de la Santé publiqueet de l’Assainissement, Plan Kenya a intro-duit l’ATPC à Kilifi en novembre 2007. Àl’époque, il n’existait qu’un village ayant misfin à la défécation à l’air libre (FDAL).

Le district de Kilifi est situé dans laprovince de la côte au Kenya. D’après lerecensement de la population et des loge-ments réalisé en 1999, Kilifi compte 544 305habitants distribués dans 90 311 foyers. Enjuin 2007, le Kenya a signé une Politique depromotion de l’hygiène et de l’assainisse-ment environnemental, en s’engageant àveiller à ce que 90 % des ménages aientaccès à l’assainissement au plus tard en2015. Parmi les stratégies adoptées en vertude cette politique figurait la promotion del’hygiène et l’assainissement par le biais de

par BULUMA BWIRE

Rompre les tabousde merde : l’ATPCau Kenya 6

61 l Buluma Bwire98

l’ATPC. Son lancement en octobre 2007 acoïncidé avec l’introduction de l’initiativepilote de l’ATPC par Plan Kenya à Kilifi.Plan Kenya a conclu un partenariat avec leministère de la Santé publique et de l’As-sainissement pour mettre en œuvre l’ATPCà Kilifi. Les deux travaillaient déjà ensem-ble dans le district de Kilifi dans le cadre duprojet de survie infantile KIDCARE quiavait été déployé à Kilifi par Plan Kenyaentre 2004 et 2009. Sur le terrain, les facil-itateurs de programme (FP) de Plan Kenyatravaillaient main dans la main avec leResponsable de la santé publique de district(RSPD), le représentant de la DivisionAssainissement et Hygiène au sein duministère de la Santé publique et de l’As-sainissement.

Le processus Outre les FP et le RSPD, pour la mise enœuvre de l’ATPC dans le district, il avait étédécidé d’exploiter le réseau existant deComités sanitaires villageois, qui compre-nait des agents de santé communautaire(ASC) qui avaient été formés dans le cadredu Projet de survie infantile. Les ASC avaitété initiés à l’ATPC lors d’un atelier deformation des formateurs (FdF) organisépar Plan Kenya. La mission des ASC étaitd’aider à sensibiliser la communauté auxmaux de la défécation à l’air libre et, au final,ils ont sensiblement contribué au processusde déclenchement. C’est durant les discus-sions qui se sont tenues dans le cadre de ceprocessus que nous avons découvert qu’ilexistait des pratiques locales d’assainisse-ment qui pouvaient servir de puissantsdéclencheurs pour aider à transformer lespratiques d’assainissement et aider lacommunauté à adopter l’ATPC.

La population de Kilifi est essentielle-ment issue de la communauté ethniqueMijikenda. Elle est très attachée à sesnormes et pratiques culturelles hautementdéveloppées qui gravitent autour du Kaya,un tombeau religieux situé au cœur de laforêt à proximité des villages. Ces normes etpratiques culturelles influencent et guident

tous les aspects de la vie quotidienne desvillageois et elles affectent donc aussi lespratiques d’assainissement.

« Ne mélangez pas les selles de la bellefamille ! »Ainsi, il est tabou de mélanger les selles dubeau-père avec celles de sa ou ses belles-filles. À Kilifi, les familles étendues parta-gent le même compound et il est fréquentqu’un homme et sa femme aient unemaison au sein de la propriété du père dumari, le patriarche. Pour éviter de mélangerles selles du beau-père et de sa belle-fille, ilexiste des sites de défécation à l’air libredistincts en fonction du sexe dans la forêtqui entoure les compounds et ces zonessont bien connues afin de ne pas rompre letabou. Cela s’inscrit dans le prolongementdes croyances qui cherchent à limiter lecontact entre le beau-père et ses belles-filles, un thème que l’on retrouve souventdans la plupart des cultures africaines.

« N’employez pas le site de défécation à l’airlibre d’une autre famille, au risque de devenirensorcelé ! » Une autre croyance répandue est que lesselles d’une personne peuvent servir à l’en-sorceler. Par conséquent, la plupart des gensévitent d’utiliser un site de défécation autreque le leur. La sorcellerie joue encore un rôleimportant dans la vie des communautés deKilifi et elles redoutent d’être ensorcelées.Lorsqu’un étranger rend visite à une autrecompound, il est fréquent de lui montrer lesite qu’il devra utiliser pour faire ses besoins.Il est dit que ses selles pourraient aisémentêtre ramassées et utilisées à des fins desorcellerie une fois qu’il est parti. Parconséquent, il est fréquent que des person-nes qui rendent visite à une ferme voisineretournent à pied jusque chez elles si jamaisil leur prend l’envie de faire leurs besoins.

Rompre les tabous de merdeUn aspect clé de l’approche ATPC concernela stimulation d’un sentiment collectif dedégoût au sein des membres de la commu-

99Rompre les tabous de merde : l’ATPC au Kenya

nauté à mesure qu’ils réalisent les effetsadverses de la défécation de masse à l’airlibre. Au cœur de l’approche figure leconcept des voies de contamination fécale-orale, un phénomène qui se produit lorsquedes bactéries ou des virus se trouvant dansles excréments d’une personne sontingérées par une autre. Les facilitateursATPC travaillent avec la communauté pourexplorer comment les selles déposées dansles sites de défécation à l'air libre finissentpar être ingérées, p. ex. par : • la contamination des approvisionnementsen eau ; • la consommation d’aliments contaminéspar des mouches ; • un lavage des mains insuffisant ; et• de mauvaises pratiques de préparation desaliments.

L’idée recherchée est de déclencher unsentiment de profonde gêne et/ou dedégoût chez les gens qui les poussera àvouloir immédiatement mettre fin à la défé-cation à l’air libre. C’est durant les marchesde transect que les membres de la commu-nauté ont découvert que, même s’il existaitdes sites de défécation à l’air libre séparés,la nature des choses est telle que les sellesdes beaux-pères finissaient par se mélangerà celles des belles-filles et par contaminerles aliments et l’eau.1 Par conséquent, unedouble menace de la défécation à l’air libreest ainsi observée et pointée du doigt : • la contamination des aliments et de l’eaupar les matières fécales ; et • la rupture de tabous culturels importants.

Pire encore, il a été découvert que ladéfécation à l’air libre faisait qu’il était plusfacile pour ceux qui le souhaitaient d'ensor-celer leurs victimes puisque l’accès à leursselles était facilité. L’ensorcèlement ne portepas seulement sur l’individu, mais sur l’in-dividu et sa famille tout entière. Quiconquepeut aisément accéder au site de défécationà l’air libre d’une famille et utiliser les selles

qui y sont déposées pour jeter un sort à lafamille tout entière. En revanche, dans lecas d’une latrine située au sein ducompound, un intrus qui tenterait d’yaccéder serait vite repérer et, de plus, dansune latrine, il serait fort difficile de récolterles selles. La réalisation que les gensingéraient les selles des autres en consom-mant des aliments et de l’eau contaminés,ainsi que la rupture involontaire de tabousculturels importants a déclenché au sein descommunautés le désir de prendre desmesures pour mettre fin à la défécation àl’air libre dans leurs villages.

« Nous avons décidé d’arrêter de mangernotre merde et celle des autres ! » Les mots de ce villageois de Katsemerenicristallisent les sentiments de tous ceux quiont décidé d’adopter l’ATPC au sein de lacommunauté. Les gens ont commencé àprendre des mesures pour obtenir le statutFDAL au sein de leurs villages respectifs.Les ASC ont mobilisé les membres de lacommunauté en les incitant à construire età utiliser des latrines à fosse. Les commu-nautés ont travaillé dans un esprit collectifappelé Mweria, en s’aidant les uns les autresà creuser et à construire des latrines à l’in-térieur des différents compounds. Lescommunautés ont aussi entrepris d’autresinterventions sanitaires, par exemple lafourniture de dispositifs pour se laver lesmains à partir de jerrycans en plastiqueinstallés à l’extérieur des latrines, et en creu-sant des fosses à ordures pour la collecte etla mise au rebut des déchets.

Célébrations du statut FDAL Une fois qu’un village obtient le statutFDAL, les villageois organisent une célébra-tion FDAL. Ils invitent les membres de lacommunauté des villages voisins, le person-nel du ministère de la Santé publique et del’Assainissement et de Plan Kenya, des

1 1 Une marche de transect implique de marcher d’un bout à l’autre du village avec lesmembres de la communauté en observant, en posant des questions et en restant àl’écoute. Durant la marche de transect pour l’ATPC, on identifie les zones de défécationà l'air libre et on rend visite aux différents types de latrines en chemin. Voir aussi Conseilsaux formateurs, dans ce numéro.

61 l Buluma Bwire100

membres des autorités locales (conseillers,chefs et adjoints) ainsi que d’autres partiesprenantes, comme des organisations de lasociété civile (OSC) qui travaillent au sein dela communauté. Durant la cérémonie, lesinvités font une marche de transect afin dedéterminer le statut FDAL du village. Leministère de la Santé publique et de l’As-sainissement, en partenariat avec PlanKenya, décerne alors au village un certificatFDAL qui reconnaît le succès de l’éradica-tion de la pratique de la défécation à l’airlibre. La certification FDAL est un emblèmede la fierté de la communauté et lesmembres sont donc fortement motivés àmaintenir leur statut FDAL tant et si bienqu’ils forment des groupes de veille pours’assurer que personne ne revient à la défé-cation à l’air libre dans le village. En outre,lors des visites de suivi par les facilitateurscommunautaires de Plan Kenya (FC) et lesagents de terrain du ministère de la Santépublique et de l’Assainissement, il a étéobservé que certains membres de la commu-nauté dans les villages FDAL avaientamélioré les latrines temporaires construitesinitialement et s’étaient embarqués dans laconstruction de structures permanentes. Àce jour, tous les villages qui ont été certifiésFDAL ont conservé leur statut FDAL.

Regarder en arrière pour aller de l’avantKilifi a désormais dans sa ligne de mire l’ob-jectif de devenir le premier district FDAL –pas seulement dans la province de la côte

mais dans tout le Kenya. Compte tenu dutaux de réussite jusqu’ici, je pense que cen’est qu’une question de temps pour que cebut soit atteint. Le ministère de la Santépublique et de l’Assainissement s’est engagéà mettre à l’échelle les efforts d’assainisse-ment en utilisant l’approche ATPC et il l’aadoptée en guise de stratégie nationale pourpromouvoir l’hygiène et l’assainissement.Le responsable de la santé publique adéclaré officiellement :

Nous estimons qu'elle s’inscrit en complé-ment de la politique du gouvernement duKenya sur l’assainissement environ-nemental et l’hygiène (lancée en juillet2007) et la Stratégie de la santé commu-nautaire inaugurée en 2008.

Au mois de juin 2009, environ 800facilitateurs ATPC des ministères gouverne-mentaux, des OSC et des communautés ontété formés par le biais de l’initiative ATPCde Plan Kenya et près de 200 villages ontfait l’objet d’un déclenchement. Tous cesfacteurs vont indubitablement contribuer àla poursuite du succès de l’approche ATPCdans la région.

L’axe de l’ATPC sur le changementcomportemental dans le contexte desnormes et attitudes culturelles existantespour veiller à un développement réel etdurable a donné de bons résultats dans lecontexte de Kilifi. Ici, nous avons ététémoins d’un exemple où les tabous locauxen matière d’assainissement avaientdéclenché chez les communautés un désirde changer, les poussant à agir collective-ment pour mettre fin à la défécation à l’airlibre. Les villages sont très fiers d’obtenir lestatut FDAL et affichent des avertissementsqui déclarent : • Usinye Msituni ! (Ne déféquez pas dansla brousse !) ou encore • Usinye Ovyo Ovyo ! (Ne déféquez pas auhasard !).

Parmi les personnes ressources de lacommunauté (CORP), que l’on appelle desleaders naturels dans le contexte de l'ATPC,

Une vérification FDAL en cours. Cet homme fait unedémonstration du dispositif de lavage des mains.

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101Rompre les tabous de merde : l’ATPC au Kenya

on compte des enfants et des jeunes. Ce sonteux qui surveillent la construction, l’utilisa-tion et l’entretien des latrines dans lesvillages sous la supervision des ASC qui ontreçu une formation spéciale en ATPC lorsdes ateliers FDF Plan Kenya/Ministère dela Santé publique et de l’Assainissement.

Le Ministère de la Santé publique et del’Assainissement a également relevé le défidu déclenchement et fournit un appui auxvillages qui n’ont pas encore atteint le statutFDAL dans le district de Kilifi. Cela acontribué à la propagation de l’ATPC car leResponsable de la santé publique du districtest tenu, aux termes de son profil de poste,de mettre en œuvre l’ATPC dans la région,car l’ATPC a été adoptée comme politiquegouvernementale nationale. Il doit doncintégrer l’ATPC dans les travaux qu’il réaliseavec les communautés afin d’améliorer lesnormes globales d’assainissement dudistrict. Puisqu’il s’agit d’une politiquegouvernementale, cela signifie aussi que lamise en œuvre de l’ATPC est prévue etbudgétée par les ministères compétents, cequi fournit une base de ressources pourassurer la mise en œuvre continue del’ATPC dans le district. Cela a permis degarantir ou presque la pérennité de l’ATPCdans le district de Kilifi. Comme le remar-que le Dr Tsofa,

J’attribue les progrès accomplis à la bonnegestion des membres seniors de l’Équipe dedirection de la santé du district [dirigée parle Responsable médical du district et consti-tuée des chefs départementaux travaillantdans l’hôpital de district] et au fait que lesagents de santé publique formés ont adoptél’ATPC avec enthousiasme.

Les membres du Comité de santé villa-geoise (VHC) des villages ayant fait l’objetd’un déclenchement sont aussi impliquésdans le déclenchement des villages voisinsqui n’ont pas encore atteint le statut FDAL.

DéfisL’adoption de l’ATPC au sein des villages

présente sa part de défis. Certains sont desdéfis physiques. Par exemple, des problèmescomme les sols meubles qui s’effondrent, lesformations rocheuses et les nappes phréa-tiques élevées entravent la construction delatrines dans certaines régions. Maisd’autres défis gravitent autour des attitudespersonnelles, éthiques et organisationnellesdes professionnels, y compris certains quine peuvent participer aux activités dedéveloppement que s’ils perçoivent uneindemnité. La mise en œuvre de l’ATPC faitpartie du profil de poste des responsables desanté publique de district, par conséquent,ils ne comptent pas sur des indemnités. Ilexiste aussi un débat permanent sur lesapproches du développement basées sur dessubventions et celles hors subventions. L’ap-proche basée sur les subventions est celle oùl’agence de développement emploie desfonds pour construire des latrines pour lescommunautés – alors que l’approche horssubvention est l’un des aspects fondamen-taux de l’ATPC : les communautés prennentles rennes et construisent leurs propreslatrines à partir de matériaux disponibleslocalement, sans faire appel à des subven-tions, à l’issue d’un déclenchement dans lebut de mettre fin à la défécation à l’air libre.Dans le district de Kilifi, les agents duministère de la Santé publique et de l’As-sainissement ont été très réactifs car la miseen œuvre de l’ATPC relève de leurs fonc-tions. Toutefois, d’autres agents gouverne-mentaux, tels ceux des autoritésprovinciales (chefs, chefs adjoints, etc.), quiservent de lien entre le gouvernement et lacommunauté, s’estiment encore autorisés àtoucher des indemnités pour réaliser destravaux ATPC.

Au-delà de l’ATPC Grâce aux succès obtenus avec l’approcheATPC, les communautés ont été incitées àutiliser la même approche communale pours’attaquer à d’autres activités de développe-ment. Au sein du district de Kilifi, les villagesqui ont atteint le statut FDAL ont désormaischerché à s’attaquer aux problèmes posés par

61 l Buluma Bwire102

les moyens de subsistance, se lançant dansdes activités de production agricolebiologique durable, de fruits de la passion,de manioc, de champignons et de melonspar exemple. Ils y sont parvenus avec lemême esprit collectif, Mweria, grâce auquelon enseigne aux membres de la commu-nauté des techniques culturales par le biaisdes écoles d’agriculture gérées par lesComités de santé villageoise dirigé par lesASC. Il leur ait ensuite fourni des plants etils montent leur potager pour mettre envaleur la production alimentaire dans leursvillages. On peut citer l’exemple du village deKatsemereni, premier village ayant obtenule statut FDAL dans le district de Kilifi, quia organisé et financé sa propre célébrationFDAL. Les villageois ont ensuite établi desfermes et se sont lancés dans l’élevage dechèvres, ce qui a dopé la production de lait etde viande qu’ils ont pu vendre sur le marché.

On estime que l'ATPC a contribué à la

réduction des incidences de maladies diar-rhéiques au sein des villages FDAL et celafait l’objet de recherches permanentes parPlan Kenya dans le district de Kilifi encollaboration avec le ministère de la Santépublique et de l’Assainissement. Si ce lienpeut être prouvé grâce aux recherches, celacontribuera fortement à la mise à l’échellede l ’ATPC par le gouvernement dansd’autres régions du pays.

On peut dire que l’ATPC a permis defaire évoluer un autre tabou au sein descommunautés de Kilifi : le tabou de la défé-cation à l'air libre. Les villages FDALmettent tout en œuvre pour préserver leurstatut FDAL en désignant, par exemple, desdépisteurs de la honte qui agissent commesurveillants pour veiller à ce que personneau sein du village FDAL ne revienne à ladéfécation en plein air. De cette façon, letabou de la défécation à l’air libre n'est pasrompu.

COORDONNÉESBuluma Bwire Coordonnateur de la documentation et de larecherche Plan International Inc. Kenya Kilifi Development Area PO Box 911-80108 Kilifi Kenya Courriel : [email protected] Site web : www.plan-international.org

REMERCIEMENTS J’adresse mes sincères remerciements aux personnes suivantes qui ontimmensément contribué à la rédaction de cet article par leurs pointsde vue et leurs expériences : George Karisa, Facilitateur deprogramme, UP de Kilifi ; Beatrice Barasa, Facilitateur de programme,UP de Kilifi ; Kenneth Chege, Facilitateur de programme, UP de Kilifi ;Martin Hinga, Conseiller Eau et Assainissement, UP de Kilifi etMargaret Kahiga, Coordonnatrice S&E, UP de Kilifi.

RÉFÉRENCES Kar, K. et R. Chambers (2008) Manuel de l’Assainissement Total Piloté

par la Communauté. Plan : Royaume-Uni et Institute ofDevelopment Studies (IDS) : Brighton, Royaume-Uni. En ligne :http://tinyurl.com/CLTShandbook. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/resource/handbook-community-led-total-sanitation

Plan Kenya (2009) Country Program Progress Report FY09. PlanKenya : Nairobi, Kenya.

103

Introduction

Par rapport aux aînés, les jeunes sont plusnombreux et s’ils décident de s’embarquerdans quelque chose, ils peuvent le fairerapidement… Ils ont besoin qu’on leurdonne une chance et il est peut-être néces-saire de les mobiliser car les jeunes et lesenfants ne sont pas toujours présents auxassemblées et, lorsqu’ils sont effectivementprésents, je ne crois pas qu’il leur soit donnéles mêmes chances d’exprimer leurs idées. Listen Materu, Responsable du Conseilde l’eau urbain du district de Kisarawe,Tanzanie.

Dans beaucoup de communautésafricaines, les attitudes traditionnellesenvers les enfants et les jeunes (parfoisjusqu’à l’âge de 35 ans) les empêchent de sefaire entendre et de contribuer audéveloppement local. L’Assainissementtotal piloté par la communauté (ATPC)peut-il être un catalyseur de changementde ces attitudes qui ne font que renforcerdes relations de pouvoir inégales entre les

adultes et les jeunes ? Peut-il offrir une voievers l’autonomisation et permettre auxjeunes de jouer un rôle plus important dansle développement et la gouvernance de lacommunauté ? Et si oui, comment ? Cesont là certaines des questions exploréesdans cet article, qui documente les résul-tats d’une recherche entreprise pourconsidérer l’étendue et les effets de laparticipation des enfants et des jeunes àl’ATPC.

Les recherches se sont déroulées dansle contexte d’un projet régional ATPC encours de mise en œuvre dans trois paysd’Afrique de l’Est (l’Éthiopie, le Kenya et laTanzanie), avec l’appui de Plan Royaume-Uni et le financement du Départementbritannique pour le développement inter-national (DfID). Le projet reconnaît quel’ATPC a le potentiel d’accroître la partici-pation des jeunes et des enfants audéveloppement local et que l’approcherepose sur un modèle de changement(Figure 1).

Dans le modèle, le déclenchement et laformation ATPC sont présumés déboucher

par CATHY SHUTT

L’ATPC en Afrique del’Est : un moyen deresponsabiliser lesenfants et les jeunes ? 7

61 l Cathy Shutt104

sur une prise de conscience accrue desrisques que présentent la défécation à l’airlibre et une mauvaise hygiène. On mise surce changement de capacité pourdéclencher un changement civique – unengagement responsabilisé envers unchangement de comportement individuelet une action collective, comme desmembres de la communauté qui s’en-

traident à construire des latrines, et surveil-lent leur construction et leur utilisation. Ons’attend à ce que cet effort collectif en vued’éliminer la défécation à l’air libre etd’améliorer l’assainissement débouche surun changement dans le niveau de bien-être – une meilleure santé.

Remarque sur la méthodologie adoptée Les objectifs de la recherche entrepriseétaient de : • considérer l’étendue et les effets de laparticipation des jeunes et des enfants auxchangements au niveau communautairequi sont essentiels pour la réussite del’ATPC ; et • accroître le sens critique et l’apprentissagedu personnel de Plan et des représentantsde la communauté pour qu’ils améliorentl’efficacité du programme.

Les recherches ont été entreprises dansle district de Shebedino en Éthiopie, ledistrict de Kilifi au Kenya et de Kisaraween Tanzanie (Figure 2). Un format compa-rable a été adopté dans les trois pays. Lesactivités ont été menées sur trois jours parune équipe constituée du personnel dePlan, de représentants des communautésétudiées et d’un consultant étranger ayant

Figure 1 : Modèle de changement de l’ATPC

Figure 2 : Carte des sites

Changement de capacité

Changement civiqueChange-

ment dansle bien-être

Changement dans ladisponibilité/l’usage du service

ÉTHIOPIE

Shebedino

KENYA

TANZANIE

Kisarawe

Kilifi

Modèle de change-ment de l’ATPC

Déclenchement

Formation de facilitateurs

Plans d’action communautaire

Construction de latrines

Suivi et mise en application

Établissement des systèmesde contrôle

Célébrer le statutFDAL

Communautés enmeilleure santé

105L’ATPC en Afrique de l'Est : un moyen de responsabiliser les enfants et les jeunes ?

des liens de longue date avec Plan – moi-même.

Le premier jour, nous avons évoqué lesobjectifs avant d’élaborer les questions del’enquête dans les langues locales et deconcevoir un plan de recherche. Les ques-tions sur les changements intervenus àl’issue du déclenchement étaient un trem-plin pour explorer dans quelle mesure – etcomment – les jeunes et les enfants avaientcontribué au changement et pour identifierles facteurs ayant facilité ou entravé leurparticipation.

Le deuxième jour, nous nous sommesrendus dans deux villages où les représen-tants de la communauté et moi-mêmeavons facilité des discussions en groupe deréflexion avec des hommes adultes, desfemmes adultes, des jeunes et des enfants,et l’appui du personnel de Plan. Nous avonspassé le troisième jour à préparer lescomptes rendus des différentes commu-nautés, à analyser les résultats et à enconsidérer les implications.

Les problèmes linguistiques, le peud’expérience relatif des chercheurs commu-nautaires et les antécédents et personnal-ités des différents membres de l’équipe sontautant de facteurs qui ont influé sur laqualité des données produites dans chaquesite. À Shebedino, en Éthiopie et à Kilifi auKenya, les recherches ont bénéficié desleçons apprises à Kisarawe, en Tanzanie.Les relations antérieures avec le personnelde Plan à Kilifi ont permis de produire descomptes rendus plus nuancés qu’il n’a étépossible de le faire dans les autres sites.

La représentativité de ces résultats et deces opportunités pour l’apprentissage a étéinfluencée par le choix des villages.Certains, p. ex. en Éthiopie, avaient faitl’objet d’un déclenchement il y a plusieursannées, alors qu’un village dans le districtde Kilifi avait fait l’objet d’un déclenche-ment beaucoup plus récent. Le personnelde Plan en Tanzanie a soutenu que lesrésultats de Kisarawe étaient influencés parles pratiques culturelles distinctes des

Un représentant de la communauté, membre de l’équipe de recherche de Kilifi.

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personnes habitant dans la région côtièreet ne pouvaient pas être interprétés commereprésentatifs de l’ensemble de la Tanzanie.En outre, pour des contraintes de temps,les villages consultés se trouvaientgénéralement assez près des principauxaxes routiers. À Shebedino, nous noussommes rendus dans deux communautés« témoins » qui avaient obtenu le statutFDAL (fin de la défécation à l’air libre) maisqui n’étaient pas nécessairement représen-tatives. D’après le personnel, des politiqueslocales ont entravé l’obtention du statut

FDAL par les villages voisins ayant faitl’objet d’un déclenchement à la mêmeépoque. À Kisarawe et Kilifi, plus d’effortsont été déployés pour se rendre dans desvillages ayant des expériences diamétrale-ment opposées – l’un avait obtenu le statutFDAL et l’autre non.

Des problèmes de représentativité sesont aussi posés pour les personnes ayantparticipé aux discussions des groupes deréflexion. Certains groupes comprenaientdes informateurs communautaires expéri-mentés, qui ont prétendu trouver nosvisites motivantes et habilitantes. Maisd’autres groupes comprenaient des femmesqui n’ont pas dit grand-chose, ce quisuggère que la voix des femmes et despersonnes marginalisées est sans doutesous-représentée dans les résultats.

Les problèmes méthodologiquesévoqués plus haut illustrent la difficultéqu’il y a à rendre les recherches à courtterme participatives et habilitantes. Ilsconseillent également de ne pas tenter defaire de généralisation à partir des résul-tats. Pourtant, les membres du personnelet de la communauté de l ’équipe derecherche ont trouvé qu’il s’agissait d’uneexpérience d’apprentissage utile, avec lemodèle de changement et d’autres outilsconceptuels qui encourageaient denouvelles perspectives sur les aspectssociaux de l’ATPC et ses possibilités pour laparticipation des jeunes et des enfants. Lesconcepts tirés de l’échelle de Hart (Figure3) utilisés comme le souhaitait Hart audépart – pour encourager la réflexion entreparticipants sur les différents niveaux departicipation des jeunes et des enfants(Hart, 2008) – se sont révélés populaires,et ont stimulé un débat animé. Toutefois,certaines des questions soulevées ci-dessous méritent qu’on s’y intéresse de plusprès qu’on n’a pu le faire durant le projet derecherche en question.

L’ATPC débouche sur un sentiment demieux-vivreLes chercheurs ont découvert que le

Partage de laprise de décisionavec des adultes

Fournir de la main-d’œuvre et se sentircapables d’exprimer

des opinions

Fournir de la main-d’œuvre mais ne

pas exprimerd’opinion

« Symbolique » –présence aux

événements sansdire un mot

Figure 3 : Concepts tirés de l’échelle departicipation de Hart

107L’ATPC en Afrique de l'Est : un moyen de responsabiliser les enfants et les jeunes ?

déclenchement avait rehaussé la prise deconscience des risques associés à la déféca-tion à l’air libre dans les six communautésconsultées. La nouvelle appréciation, ainsique le sentiment de honte induit lors desexercices de déclenchement participatifs,ont inspiré des décisions impulsées par lacommunauté en vue d’élaborer des plansd’action. Le fait d’équiper chaquecompound de sa propre latrine a été lapriorité première ; venaient ensuite lasensibilisation et le suivi pour garantir unchangement comportemental et une utili-sation correcte. Les communautés deShebedino ont aussi construit des toilettescommunales séparées pour les femmes etles hommes – en réponse à un problèmefrustrant de défécation à l’air libre par despassants n’habitant pas dans le village.

Les plans d’action ont prouvé unchangement civique ou social qu’un enfantde Kilifi a décrit comme la communauté «travaillant main dans la main ». Mais lamise en œuvre n’a pas été facile. À Kilifi, parexemple, les communautés ont dû surmon-ter des tabous culturels.1 Ceux estimant queles moyens de subsistance revêtaient une

plus haute priorité ont fait preuve de résis-tance. Le sol rocheux a freiné les progrèsdans certains sites alors qu’ailleurs, le solmeuble a parfois été un problème. Néan-moins, dans toutes les communautés oùnous nous sommes rendus, les villageoisont paru convaincus de l’utilité de leursefforts. Partout où nous sommes allés, lesgens ont parlé fièrement de vivre dans desenvironnements plus propres et deconnaître une diminution de l’incidencedes maladies comme la diarrhée et lecholéra. Dans les districts de Kilifi et deShebedino, les villageois ont rapporté unediminution des frais médicaux et unenseignant de Kilifi a attribué la baisse dutaux d’absentéisme scolaire à l’ATPC. Ilétait certes évident que les jeunes et lesenfants profitaient de ces changementsdans le niveau de bien-être mais dansquelle mesure avaient-ils participé auprocessus ATPC ?

Comment les enfants et les jeunescontribuent-ils au changement civique ? Les conversations avec les jeunes et lesenfants ont laissé entendre que le

À la maison : • Réussir à persuader les parents de construire des latrines – exemples trouvés dans toutes lescommunautés consultées. • Donner des conseils en matière d’hygiène et d’assainissement concernant la bonne utilisation des latrineset la préparation des aliments.

Dans l’ensemble de la communauté : • Éduquer les voisins, p. ex. un garçon de 18 ans à Kisarawe s’est rendu dans une quinzaine de maisonspour leur recommander de construire des latrines. • Sensibiliser le public par le biais de vidéos, de théâtre, de chansons, poèmes ou spectacles demarionnettes. • Creuser les fosses des latrines – jeunes gens dans toutes les communautés. • Aider les personnes vulnérables, souvent les ménages dirigés par des femmes, à construire des latrines, p.ex. deux jeunes femmes membres des comités d’éradication de la merde à Shebedino ont aidé au moinstrois familles à construire des latrines dans chacun de leurs sous-villages respectifs. • Surveiller la construction et la bonne utilisation des latrines – souvent en groupes structurés ou par descomités. • Nettoyer les latrines – généralement la responsabilité des jeunes enfants. • Dénoncer les personnes continuant de pratiquer la défécation à l’air libre et leur faire honte ; ainsi 10enfants de Shebedino ont réussi à capturer une personne qui déféquait en plein air et l’ont conduite devantles autorités locales.

Encadré 1 : Exemples des contributions des jeunes et des enfants à l’ATPC

1 Pour en savoir plus sur la manière dont ces tabous culturels ont été surmontés, voirl’article de Buluma Bwire, dans ce numéro.

61 l Cathy Shutt108

déclenchement et l’éducation à l’hygiènepromus par Plan leur avaient conféré unebonne appréciation des enjeux sanitaires.Ce changement de capacité conjugué à lapression des pairs et à la gêne éprouvée parles enfants qui vivent dans des ménagessans latrine ont inspiré des jeunes à passerà l’action.

Dans les trois pays, les enfants étaientfiers de leur propre changement comporte-mental – leur manière d’utiliser les latrines.Ils étaient aussi impliqués dans diversesactivités qui visaient à induire un change-ment de comportement chez les autres.Certains ont agi indépendamment et sesont efforcés de faire changer les pratiquesd’assainissement chez eux alors qued’autres ont pris part à diverses activitésdans l’ensemble de la communauté.

Qu’est-ce qui entrave la participationdes jeunes et des enfants à l’ATPC ? Les enfants sont prêts et capables de jouerun rôle dans la mise en œuvre des plansd’action des communautés. Toutefois, lanature des opportunités offertes à unenfant est modelée par des considérationspratiques ainsi que par des contextessociaux et culturels. Les enfants scolarisésn’ont pas autant de temps que les autresjeunes pour prendre part à des activitésATPC au niveau communautaire. Néan-moins, ils ont souvent apporté leurs contri-butions en transmettant des messagesd’assainissement dans les clubs de santé « d’enfant à enfant » et en assurant le main-tien de la propreté des latrines de l’école.

Certains adultes n’ont pas vu d’un bonœil les conseils des enfants concernant unebonne hygiène ni leurs efforts poursurveiller et dénoncer les personnes prati-quant la défécation à l’air libre. Ces atti-tudes ont dissuadé certains enfants de selancer dans des activités ATPC. Lorsquenous avons relaté à un groupe de jeunesfilles de Kilifi les dénonciations faites pardes enfants de Shebedino, elles ont criéd’horreur et se sont exclamé qu’elles nepourraient jamais prendre une telle initia-

tive. Elles craignaient que cela soit priscomme une insulte par les adultes, notam-ment par leurs pères, au risque même deles faire battre.

Heureusement, de tels cas sont rares.Mais les commentaires des jeunes fillesnous rappellent que le fait d’encourager lesjeunes à fonctionner en dehors des normesgénéralement admises peut implicitementbousculer les relations de pouvoir et que,par conséquent, cela comporte toujours unrisque. Cela peut de temps à autre souleverdes questions de protection de l’enfance etles implications de cette situation méritentd’être sérieusement prises en compte parles praticiens de l’ATPC. Le personnel dePlan étudie actuellement les risques asso-ciés à de telles menaces et comment lesatténuer dans le cadre de leur travail avecles communautés.

Le personnel local de Kilifi et deKisarawe a interprété les réticences desadultes à accepter les conseils ATPCformulés par les jeunes comme la manifes-tation de normes culturelles et de relationsde pouvoir qui empêchent souvent lesenfants et les jeunes d’exprimer leurs opi -nions au foyer et/ou dans la communauté.Comme l’a signalé avec éloquence unepersonne de Kilifi : « Même si unepersonne a une bonne idée, si elle est jeune,si c’est un enfant ou une femme, l’idée nesera pas adoptée. » Des conversations avecdu personnel éthiopien suggèrent que lesadultes de Shebedino sont généralementplus réceptifs aux suggestions des jeunes.Toutefois, un membre du personnel dePlan Éthiopie a cité les attitudes parentalescomme une barrière à la participation desenfants et des jeunes à certaines activitésATPC dans des communautés ayantrécemment fait l’objet d’un déclenchement.

Nous avons rencontré des enfants deShebedino et Kilifi qui ont remarqué qu’ilétait difficile de se joindre aux activitésATPC en raison de leurs tâches ménagères.C’est particulièrement problématique pourles filles qui, du fait d’une répartition destâches en fonction du sexe, tendent à avoir

109L’ATPC en Afrique de l'Est : un moyen de responsabiliser les enfants et les jeunes ?

plus de responsabilités en matière deménage que les garçons et pas autant deliberté de mouvement. Bien que certainesdes barrières qui empêchent les jeunesfilles de participer à des activités soientétayées par des considérations pratiquespour leur sécurité, on pourrait arguerqu’elles sont aussi symptomatiques desinégalités de pouvoir entre les hommes etles femmes. Les familles craignent souventque les filles soient sujettes à des violencescorporelles et des atteintes à leur réputa-tion par des hommes physiquement plusforts qu’elles.

L’implication des jeunes et des enfantsdans l’ATPC : une participation senséeou non ? Malgré les obstacles évoqués plus haut,nombreux sont les adultes qui reconnais-sent le rôle déterminant que jouent lesjeunes et les enfants dans l’obtention desrésultats ATPC. Pourtant, dans le cadre de

notre analyse, aidée par les concepts del’échelle de Hart, nous avons réalisé que lesexemples qu’ils donnaient illustraient desniveaux de participation tout à faitdifférents. Certains étaient plus habilitantsque d'autres.

La description des meilleures habitudessanitaires des enfants et de l'aptitude desjeunes à construire des latrines en raisonde leur force physique n’était pas parfaite-ment cohérente avec les notions de parti -cipation responsabilisée. Les références àdes enfants chargés du nettoyage deslatrines et une anecdote parlant d’un jeuneinvité à rallier un groupe d’action ATPCparce que les aînés avaient décidé qu'ilsétaient trop occupés, m’ont laissée perplexe :peut-on réellement considérer une telleimplication en termes de participation ?D’après les concepts tirés de l’échelle deHart, ces actions pourraient être inter-prétées comme de la manipulation voire dela non-participation.

Un groupe de réflexion composé d’enfants à Shebedino.

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Mais est-ce juste ? Les contributionsdes jeunes et des enfants sont-elles simple-ment des réactions conditionnées face auxpressions ou aux suggestions d’adultes plusforts qu’eux ? Ou certaines de leurs contri-butions sont-elles des actes altruistesdélibérés ? Il n’est pas surprenant que lesjeunes et les enfants d'Afrique, à l’instar denombre de leurs pairs dans les sociétésoccidentales, aient des pouvoirs de prise dedécision limités en termes d’allocations deressources. Ils sont donc incapables d’ex-ercer leur libre arbitre en termes de prisede décisions quant à la question de savoirsi leur famille va ou non construire deslatrines (Musyoki cité dans Fernandez,2008). Néanmoins, dans tous les villagesoù nous nous sommes rendus, nous avonsrencontré des enfants qui ont dit qu’ilsavaient réussi à persuader leurs parents deconstruire des latrines. Ces revendicationsétaient souvent étayées par des adultes etc’était donc la preuve que les enfants parve-naient à influencer les choix dans leur foyer.

En outre, plusieurs exemples ontmontré que les enfants étaient capables defaire usage de leurs connaissances et deleur libre arbitre pour résister ou mani -puler les adultes dans un effort en vue deprotéger leur santé. Un leader naturel àShebedino a relaté une histoire : « Unenfant vit une mère préparer un alimentsans se laver les mains et a déclaré : «Mère,nous avons appris qu’il fallait se laver lesmains avant de cuisiner des aliments etaprès les avoir préparés. Tu ne t’es jamaislavé les mains avant de faire la cuisine doncje ne vais pas manger ça. » Un jeune garçonde Kilifi a fièrement raconté aux chercheursqu’il avait fait honte à son père, qui semontrait réticent, en commençant àcreuser une latrine pour l’obliger à passer àl’action. Gêné, son père s’est empressé del’aider dans sa tâche. À Kilifi et Shebedino,des fillettes ont délibérément ciblé leursmères ou d’autres membres féminins dufoyer avec des messages d’assainissement,ayant sciemment décidé que les femmessont souvent plus réceptives à leurs

messages que les hommes, qui sont detoute façon souvent absents.

ATPC : un processus pour renforcerl’autonomisation des jeunes et desenfants L’ATPC a paru permettre à certains enfantsde faire usage de leur libre arbitre pourinfluencer le changement au niveau duménage. Et les membres du personnel dePlan à Kisarawe, qui sont bien souventtoujours qualifiés de « jeunes » et doncfrustrés par leur manque d’influence dansla prise de décisions de la famille, ontinsisté que cela devait être interprétécomme un changement radical dans lecontexte culturel particulier du district.Mais les exemples d’enfants qui influencentles prises de décision du ménage n’ont pasété les plus intéressants pour démontrer lepotentiel de l’ATPC lorsqu’il s’agit deresponsabiliser les jeunes et les enfants. Ila été bien plus passionnant d’entendre dessuggestions selon lesquelles la participationdes jeunes et des enfants aux initiativesATPC leur conférait un droit au respect etde nouvelles opportunités de participationau sein du développement communautaire.

Dans la plupart des communautés,quelques adultes et certains enfants ont faitmention du recul du pouvoir des croyancesculturelles qui réfutent le libre arbitre de l’en-fant. D’après un garçon de quinze ans àShebedino, « Bien des choses ont changédans notre village depuis le déclenchement. »Parmi ces changements figure « l’accepta-tion de nos idées par les adultes ». Lesadultes ont également reconnu que lesjeunes et les enfants étaient indispensablesau succès de l’ATPC.

Les adultes ont commencé à voir lesjeunes membres de la communautécomme des atouts dans leur lutte contre lamaladie. Il nous a été donné deux exemplesayant trait aux avantages que présente l’in-nocence des enfants. Les femmes de Shebe-dino ont attribué la réussite des enfantsdénonciateurs à leur utilisation libre etnaturelle de mots considérés comme

111L’ATPC en Afrique de l'Est : un moyen de responsabiliser les enfants et les jeunes ?

choquants par des adultes. De même, lesaînés masculins de Kilifi ont admis le rôlepivot que les enfants avaient joué durant ledéclenchement, dirigeant les facilitateursvers les selles que les adultes auraient tentéde cacher, par embarras.

L’ATPC a permis aux adultes – ou les apeut-être obligés – de reconnaître lescontributions potentielles que les enfantset les jeunes peuvent apporter au change-ment comportemental individuel et à l’ac-tion collective, éléments essentiels pour queles communautés puissent décrocher lestatut FDAL. Parfois, cette admissionsemble suggérer une responsabilisation desjeunes – un recentrage progressif des rela-tions de pouvoir entre les adultes et lesjeunes. D’après un aîné de Kilifi, « leshommes ont fini par reconnaître quemême les jeunes peuvent prendre des déci-sions et faire des choses. Il y a une nouvellemanière de penser à l’égard des jeunes. »

Ce changement est surtout évident dansune étude de cas décrite par un groupe dejeunes gens, âgés de 25 à 30 ans, quisiégeaient au comité ATPC. L’histoire qu’ilsont racontée pour évoquer leur transfor-mation de « bons à rien » en membresrespectés de la communauté illustre la voiecomplexe, émergente et imprévisible queles interventions de développementpeuvent suivre. La formation de Plan amotivé ces jeunes gens à jouer un rôle pivotdans le processus de déclenchement etdans des activités ultérieures. Le fait d’oc-cuper des positions officielles au sein ducomité de l’ATPC leur a valu du respect –certains aînés ont même été jusqu’à lesqualifier de modèles dont ils pouvaientapprendre. Cela a également fait naître unsentiment de civisme qui les a encouragésà rester impliqués dans l’ATPC une fois quela motivation des autres commençait àfaiblir. Cela a contribué à un changementdans les relations :

Avant, nous avions peur des wazee [aînés]mais, à présent, ils voient que nous avonsquelque chose à leur apporter ou que nous

n’avons pas toujours tort. Au départ, lesjeunes trouvaient que les aînés essayaientde nous changer, et non pas l’inverse.Maintenant, nous avons des arguments,nous pouvons les exprimer et si nousmettons nos idées en commun, nouspouvons arriver à des choses constructives.

Mais ce n’est pas seulement la partici-pation directe à l’ATPC et ce sentiment deresponsabilité qui ont contribué à changerles relations de pouvoir entre ces jeunes etles aînés décrites dans la citation liminairede cet article. D’après un jeune homme, ledéclenchement a débouché sur « une plusgrande coopération entre les jeunes ».Quand les jeunes se sont mis à travaillerensemble pour construire des latrines, ilsont réalisé les avantages potentiels offertspar une action collective. Comme le relatefièrement l’un d’eux :

Nous avons démarré des groupes de jeunes.Nous avons épargné. Nous avons créé despetites entreprises dans la communauté,donc nous sommes devenus des membresresponsables de la communauté.

Ce groupe, qui comprend des jeunesfemmes, estime que leur nouvelle identitéen qualité d'entrepreneurs leur a valu lerespect et a contribué à améliorer leursrelations avec les aînés et des personnalitéscomme le chef. Désormais, ces jeunes sontnon seulement invités aux assembléesbaraza du chef, anciennement l’apanagedes aînés, mais on les laisse prendre laparole et on les incite à se présenter pouroccuper des postes officiels à responsa bilité.

Au cours de l’analyse à Kilifi, le person-nel de Plan Kenya a attribué le succès desjeunes de Chumani à leur organisation engroupe. C’est une hypothèse raisonnable.Dans chacun des trois pays, les jeunes et lesenfants que j’ai rencontrés qui représen-taient des groupes structurés étaient sensi-blement plus sûrs d’eux et plus conscientsde leurs contributions au développementcommunautaire que les jeunes agissant de

61 l Cathy Shutt112

façon isolée. Comme un enfant deKisarawe l’a signalé :

Notre assurance augmente quand noussommes en groupe… Une fois que l’un denous a une idée, les autres [du groupe]peuvent aussi réfléchir à la même idée etcela peut servir à éduquer la communauté.Une fois que nous sommes éduqués, nouspouvons ajouter d’autres idées et les genspeuvent comprendre que les enfants sontdes partenaires importants de la commu-nauté.

Cet avis est partagé par le Responsabledu Conseil urbain de l’eau du District, quiestime que « s’ils [les jeunes et les enfants]peuvent former un groupe, ils auront l’im-pression qu’ils ont un rôle à jouer » et ques’il était possible de changer l’attitude desadultes « ces groupes pourraient leurdonner des idées » :

Alors, ils se sentiront respectés et ilscommenceront à penser qu’ils sont desatouts pour le village.

Il est évident qu’il pense qu'il est vitald’organiser les jeunes et les enfants pourpromouvoir leur participation dans lesdécisions liées au développement et à lagouvernance de la communauté.

ATPC : un moyen de promouvoir laparticipation des jeunes et des enfants ? Malgré les contraintes méthodologiques, leprocessus de recherches a donné aupersonnel et aux chercheurs de la commu-nauté une chance utile d’apprentissage, enleur permettant de mieux apprécier lesdimensions sociales de l’ATPC. Dans lestrois pays, les chercheurs ont établi que lesenfants et les jeunes peuvent réellementapporter des contributions significativesaux changements civiques amorcés par ledéclenchement ATPC. Les premiers signessuggèrent qu’une telle participation peutêtre responsabilisante et contribuer à unchangement des attitudes qui jusque-là

tendaient à empêcher les jeunes de réaliserleur potentiel en contribuant au développe-ment local et à la gouvernance.

Bien que ces résultats soient promet-teurs, le personnel de Plan au Kenya asoulevé des questions importantes àétudier par les praticiens qui seraientintéressés par une nouvelle exploration dupotentiel de l’ATPC pour autonomiser lesjeunes. Certains facteurs ont promu laresponsabilisation des jeunes de Shebedinoet de Kilifi, comme par exemple le momentchoisi pour la formation de facilitateursdestinés à la jeunesse avant le déclenche-ment, y compris des enfants dans descomités structurés et la formation degroupes de jeunes. Ces facteurs peuvent-ilsêtre dupliqués ailleurs ? Ou certainsfacteurs prometteurs étaient-ils en faitpropres au contexte et tout à fait uniques ?

En outre, que peut-on faire pourréduire les obstacles à la mobilisation desenfants dans les activités communautaires,notamment celles qui touchent de manièreplus marquée les femmes et les jeunesfilles ? Enfin et surtout, quelles mesuresdoit-on prendre pour éviter que les enfantsimpliqués dans l’ATPC ne deviennent desvictimes ?

Ce sont là des questions difficiles quiexigent des recherches participatives plusapprofondies avant de pouvoir en tirer desconclusions. Et les études futures devrontincorporer la leçon qui ressort clairementdes travaux entrepris en Afrique de l’Est.Toute enquête sur le potentiel de l’ATPC àresponsabiliser les jeunes doit être étayéepar une analyse explicite et nuancée de lamanière dont les relations de pouvoir quifonctionnent dans des contextes parti- culiers affectent la participation desenfants et des jeunes. Cette évaluation doitcomprendre la prise en compte des risquespossibles associés à la poursuite de lamobilisation des enfants dans l’ATPCcomme moyen de responsabilisation.

113L’ATPC en Afrique de l'Est : un moyen de responsabiliser les enfants et les jeunes ?

COORDONNÉES Cathy Shutt Consultante indépendante Courriel : [email protected]

REMERCIEMENTS Je tiens à remercier Jean-François Soublière,Angela Milligan et Samuel MusembiMusyoki pour leurs commentaires utiles surles versions antérieures de cet article.J’aimerais aussi remercier tout le personnel

de Plan et tous les membres des communautés qui ont non seulementcontribué à la conception et la mise en œuvre du plan de recherchesmais ont aussi analysé et interprété les données. Au Kenya : MartinHinga, Margaret Kahiga, Njoroge Kamau, Peter Akim, KennethChege, Francisca Chilango, Gregory Mzungu, Santa Kiringi etEmmanuel Charo. En Tanzanie : Francis Mtitu, William Mtukananje,Listen Materu, Grace Semwaiko, Flora Msilu, Oscar Kapande, GemaGadau, Ezekiel Wales, Anna Lusinde, Gertrude Mkuya, ShukuruSalum, Mathias Julius et Zamoyoni Sultan. En Éthiopie : Fisseha Atalie,Wondosen Admasu, Melaku Woldegbriel, Getie Mekonnen, AbebeAlemu, Alemayehu Awoke, Ayele Abiram, Matheos Marew, MeselechMermirew, Amarech, Tsegaye Lemecha, Geremew Gessara, AlemineshHaiso et Genet Mengesha.

RÉFÉRENCES Bwire, B. (2010) « Rompre les tabous de merde : l’ATPC au Kenya. »

Dans P. Bongartz, S.M. Musyoki et A. Milligan (Éds) PLA 61 : Si lamerde m’était contée : l’Assainissement total piloté par lacommunauté en Afrique. Série Apprentissage et actionparticipatifs, IIED : Royaume-Uni. En ligne : www.planotes.org

Fernandez, K. (2008) « Children as agents of change: practitioners’perspectives on children’s participation in Community-Led TotalSanitation ». Dissertation non publiée, School of Oriental andAfrican Studies : Royaume-Uni.

Hart, R. (2008) « Stepping Back from “The Ladder”: Reflections on amodel of participatory work with children ». Dans A. Reid, B. BruunJensen, J. Nikel et V. Simovska, (Éds) Participation and Learning:Perspectives on Education and the Environment, Health andSustainability. Springer : Pays-Bas.

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Changementsorganisationnelset de gestion

2e PARTIE

115

Introduction L’Assainissement total piloté par la

communauté (ATPC) est une manièrefoncièrement différente d’aider les villagesruraux à se mettre, et à rester, à l’abri desdangers que pose leur propre merde.L’ATPC exige des agents de terrain qu’ilsdeviennent des facilitateurs à la fois provo-cants et participatifs de processuscomplexes de changement de comporte-ment individuel et collectif. Ils ne secontentent plus de diffuser des brochureset des messages sanitaires préparés par desexperts dans la capitale. Pour que les agentsde terrain puissent se transformer en faci -litateurs ATPC talentueux, ils ont besoind’un autre genre de formation et d’unsoutien permanent de la part de leursresponsables locaux différent de celui quileur a été prodigué dans le passé. Le stylede gestion directif qui a longtemps dominédoit céder la place à un style caractérisé parun accompagnement plus bienveillant.Mais ces responsables locaux parvien-dront-ils à reconnaître ce besoin detravailler autrement avec leur équipe de

terrain ? Peuvent-ils développer indépen-damment les attitudes et les compétencesrequises pour devenir des gestionnairesplus participatifs et plus stratégiques ?

Cet article souhaite interpeler lespersonnes qui prodiguent un appui tech-nique aux responsables de terrain desprogrammes ATPC, par exemple : • Les experts en assainissement et leschargés de programme des agences debailleurs ; • Les cadres moyens et supérieurs des ONGqui mettent en œuvre des programmesATPC ; • Les consultants désignés par le bailleur,les autorités ou l’ONG pour soutenir lesresponsables sur le terrain ; et • Le personnel du ministère régional oucentral chargé des services d’eau ou desanté publique.

Depuis mars 2009, j’ai moi-mêmefourni ce genre d’appui technique auxÉquipes de gestion des projets ATPC dansles assemblées de district au Malawi. Je suisune volontaire canadienne enrôlée dansIngénieurs sans frontières (ISF). Au

par ASHLEY RAESIDE

Les approches participativesen matière dedéveloppement exigentune gestion participative ! 8

61 lAshley Raeside116

Malawi, le personnel d’ISF agit commepartenaires consultants auprès du person-nel dans l’ensemble du secteur de l’eau etl’assainissement (voir l’Encadré 1). Dans cetarticle, je souhaite vous faire part de monapprentissage aléatoire concernant lesmoyens efficaces d’aider les responsablesATPC sur le terrain à développer de solideséquipes de facilitation ATPC. Si voustravaillez avec des responsables ATPC sur leterrain, j’espère que cet article vous aideraà « sortir des sentiers battus » pour vousécarter de la façon dont vous leur fournirieznormalement un soutien. Je suis convain-cue qu'en développant un style de soutientechnique plus souple et plus pertinent,nous pouvons contribuer à aider les gestion-naires de terrain à élaborer et à gérer desprogrammes qui assurent une facilitationefficace de l’ATPC dans la communauté.

Le contexte ATPC au Malawi

Je ne suis pas persuadé que le succès del’ATPC repose seulement sur l’attitude et lescompétences du facilitateur. Les relationset la communication entre moi-même etmes collègues gestionnaires ATPC àMzimba ainsi que les relations entre nouset nos propres supérieurs ont besoin des’améliorer pour que nous puissions fairede l’ATPC un succès. Chrispin Dambula, Agent chargé del’eau, district de Mzimba.

En juillet 2008, UNICEF Malawi aprésenté l’ATPC à des agents chargés de lasanté, de l ’eau et du développementcommunautaire dans 12 assemblées dedistrict (Figure 1). Cette démarche s’esteffectuée par le biais d'une formationpratique nationale dirigée par le pionnierde l ’ATPC, Kamal Kar. Peu après,l’UNICEF a libéré des fonds à l’intentiondes 12 districts pour qu’ils mettent enœuvre l ’ATPC dans le cadre de leursprogrammes globaux d’eau et d’assainisse-ment. Presque tous les agents de districtont été fortement influencés par leurexpérience lors de la formation nationaleATPC et ils ont regagné leur district animésd’un élan pour former leur personnel deterrain et amorcer un programme d’ATPC.

Après la première formation ATPC avecl’expérience pratique du déclenchement,j’ai été convaincu que l’approche aideraitle district de Dowa en matière de comporte-ments sanitaires… Au-delà d’être con -vaincu, j’avais hâte de démarrer et de voirde nombreux villages faire l’objet d’undéclenchement dans le district de Dowa. Joseph Lwesya, Agent de santé environ-nementale, district de Dowa.

Toutefois, le manque de ressourceshumaines au niveau du district fait qu’il y atrop de travail à faire par trop peu depersonnes, donc bien que les agents de

Au Malawi, le personnel d’ISF s’est associé avec des gens issus de tous les échelons du secteur de l’eau etde l’assainissement pour : • Créer des liens plus forts d’apprentissage et de coordination entre les parties prenantes qui tendent àtravailler en vase clos ; • Inventer des solutions réalistes pour faire face aux défis que posent les capacités du programme ou lamotivation du personnel ; et • faciliter le développement du leadership chez les principaux dirigeants dans l’ensemble du secteur del’eau et de l’assainissement.

Par exemple, ISF a facilité un atelier national d’apprentissage ATPC qui a mobilisé une participation active etenthousiaste des promoteurs de la santé villageoise avec et y compris le Directeur national del’assainissement et les autorités ainsi que les ONG chargées de mettre en œuvre l’ATPC. L’atelier a été sipropice à l’apprentissage que l’UNICEF et d’autres participants haut placés ont commenté que toute futurerencontre concernant l’eau et l’assainissement devrait réunir du personnel de tous les échelons et favoriserla participation de chacun (chose rarement atteinte lors des rencontres sectorielles).

Encadré 1 : le rôle d’ISF avec ses partenaires au Malawi

117Les approches participatives en matière de développement exigent une gestion participative !

district aient été motivés par le potentiel del’ATPC lors de la formation nationale, ilsavaient beaucoup d’autres responsabilitésde gestion qui se disputaient leur temps etleur attention une fois qu’ils sont rentrés au

district. La plupart d’entre eux n’ont puconsacrer que peu de temps au développe-ment de stratégies saines pour la formationet la mise en œuvre de l’ATPC et pourréfléchir à la manière d’adapter leurapproche. De nouvelles pénuries deressources humaines et un fardeau admi -nistratif excessivement lourd au niveaucentral faisaient que le soutien techniqueoffert aux agents de district par lesministères nationaux ou l’UNICEF étaitextrêmement limité.

L’ATPC repose sur une multitude de bonnescompétences de facilitation, un suivi effi-cace et un appui technique global. On nesaurait compter sur une seule formationpratique de deux semaines au niveaunational et du district pour produire beau-coup d’experts ATPC. Il convient de féliciterles districts pour avoir fait de leur mieuxpour mettre en œuvre l’ATPC, en gagnantdes leçons précieuses au fil du déploiement.L’appui technique est une question surlaquelle nous aimerions concentrer nosefforts en 2010 car il existe un besoinmanifeste de soutien à tous les niveaux dela mise en œuvre de l’ATPC.Chimwemwe Nyimba, Expert enassainissement, UNICEF Malawi.

Disposant seulement d’une expériencede formation de cinq jours, les agents dedistrict ont travaillé de façon essentielle-ment autonome en 2008 pour concevoir etgérer une formation et un appui auprogramme dans chacun de leurs propresdistricts. Dans ces conditions, les préoccu-pations liées à la qualité (comme lerenforcement de la facilitation ATPC et lagarantie d’un suivi ponctuel et efficace auxvillages ayant fait l’objet d’un déclenche-ment) n’ont, dans un premier temps, pas étéconsidérées comme prioritaires. Pourtant,il est crucial pour le succès de l’ATPC queses responsables comprennent ces considé -rations de qualité et en tiennent compte.1

1 Pour en savoir plus sur le processus de déclenchement de l’ATPC, voir le tour d’horizonainsi que les Conseils aux formateurs, dans ce numéro.

Figure 1 : Carte des 12 districts de mise enœuvre de l’ATPC au Malawi (en gris foncé) :Blantyre, Chitipa, Dowa, Kasungu, LikomaIsland, Lilongwe, Mangochi, Mchinji,Mwanza, Mzimba, Nkhata Bay et Salima

Sour

ce :

ISF

61 lAshley Raeside118

Malgré leurs contraintes, les 12 districtsont tout de même réussi à faire des progrèsraisonnables avec l’ATPC la premièreannée. En tout, ils ont organisé undéclenchement dans au moins 147 villagesde juillet 2008 à juillet 2009. Dans plus de30 % de ces villages, la défécation à l'airlibre est totalement éradiquée. De telsrésultats initiaux sont jugés très promet-teurs pour le Malawi. Il est extrêmementdélicat d’intégrer une approche nouvelleaussi peu conventionnelle que l’ATPC dansdes programmes existants, notammentdans un milieu déjà au maximum de sescapacités pour ce qui concerne lesressources de base.

Trouver mon créneau Avant de travailler dans le développementinternational, j ’étais écologiste. Parconséquent, je ne pouvais pas m’empêcherde considérer l’ATPC au Malawi comme unsystème de gens et d’ interactionshumaines, comparable à la manièred’étudier l’interconnectivité de la vie dansun écosystème (voir la Figure 2).

Si le principal objectif de l’ATPC estd’influencer les communautés rurales pourqu’elles arrêtent la défécation à l’air libre,l'interaction la plus importante au Malawidoit intervenir entre les agents de terrainqui facilitent l’ATPC et les villages aveclesquels ils travaillent. Si l’on part duprincipe que le système est interconnecté

et que le comportement de chaque partieprenante est influencé par ceux aveclesquels elle entretient des relations, nousdevons aussi considérer les influences enamont sur le comportement du facilitateurATPC. À cette fin, je me suis demandé si lespratiques de gestion d’un agent de districttype étaient appropriées pour renforcer lesaptitudes et les compétences dont lepersonnel de terrain a besoin pourmobiliser efficacement la communauté enfaveur de l’ATPC. Mon hypothèse s’inscrittout droit dans ce raisonnement. J’ai préditque si ces gestionnaires recevaient unmeilleur soutien dans leur travail, ilsseraient plus enclins et plus en mesure dese concentrer pour avoir une incidencepositive sur la facilitation du personnel deterrain.

Quand j’ai commencé à rendre visiteaux gestionnaires ATPC de district en mars2009, j’ai vite compris qu’ils pensaient tousque l’ATPC pouvait avoir un impact beau-coup plus grand que les résultats obtenusjusqu’ici. À l’époque, je leur ai expliqué queje voulais trouver un moyen de les aider àlibérer leur potentiel individuel et celui deleur équipe afin de transformer lescomportements en matière d’assainisse-ment. Mais j’ai dû commencer par un aveu.Je n’étais pas arrivée avec des solutionstoutes prêtes. Je leur ai dit que je comptaisapprendre beaucoup de leur part sur lesaspects pratiques de la mise en œuvre de

Figure 2 : Une représentation simplifiée des connexions ATPC au Malawi exploréesdans cet article

FOURNISSEURSD’APPUI

TECHNIQUE

RESPONSABLESATPC SUR LE

TERRAIN

FACILITATEURSATPC

Vulgarisateursdu district

Malawitesruraux

COMMUNAUTÉS

Agents de district

Moi

119Les approches participatives en matière de développement exigent une gestion participative !

l’ATPC. Et que, ce faisant, j’étais convain-cue que nous allions découvrir ensemble denouveaux moyens grâce auxquels je pour-rais les aider à renforcer la conception duprogramme et les compétences de facilita-tion ATPC de leurs agents de terrain. J’ai « vendu » aux districts mon hypothèse rela-tive à l’appui technique sans rentrer vrai-ment dans les détails et sans établir derelations préalables. Par chance, ils étaientprêts à expérimenter avec moi et se sontdéclarés d’accord pour tenter de collaboreravec leurs programmes ATPC.

Comment j’ai prodigué un appuitechnique aux responsables district del’ATPCLes pratiques de gestion de l ’ATPCdiffèrent d’un district à l’autre mais, engros, j’espérais aider les agents de district àaméliorer leur planification stratégique,leur analyse des résultats, leur adaptationau programme, leur approche en matièrede leadership et leurs relations interper-

sonnelles. Pour ce faire, j’ai choisi d’être ungentil facilitateur de processus, un accom-pagnateur et un partenaire de réflexionauprès des responsables district ATPC,plutôt qu’un expert externe intimidant.

Pour 12 districts depuis mars 2009, il ya deux districts où je me suis rendue unefois par mois, deux districts une fois tousles deux mois, la plupart des districts unefois par trimestre et il y en a deux danslesquels je ne me suis rendue qu'une fois.On a fait appel à mes services de façonvariée d’un district à l’autre. L’ironie de lachose sans doute est que ce sont certainsdes chefs de district les plus solides qui ontrapidement visualisé en quoi je pouvais lesaider dans leurs travaux et qui m’ontdemandé de revenir travailler avec eux àmaintes reprises.

Ashley est certainement ma partenaire deréflexion. Je l’ai su dès que nous noussommes rencontrés à Mchinji… Ensemble,nous avons mis au point différents outils

À gauche : Guide ATPC à l’intention des facilitateurs (en ChiChewa, la langue locale malawite).À droite : 2e numéro du bulletin SHiTS (Sharing Highlights in Total Sanitation), août 2009.

Ressources ATPC corédigées avec des responsables district de l’ATPC

61 lAshley Raeside120

de gestion, avec son appui et son initia-tive… Ashley tisse comme un pont d’ap-prentissage entre moi et mes collègues dansles 12 districts qui mettent en œuvrel’ATPC. À la fin février 2010, nous avionsorganisé un déclenchement dans plus de300 villages et au moins 125 d’entre euxont été déclarés exempts de défécation àl’air libre. Ashley a fortement contribué ausuccès du programme ATPC à Mchinji. Thomas Mchipha, Agent de santé envi-ronnementale, district de Mchinji.

Bien que certains districts soientdevenus extrêmement actifs dans ledéploiement de l’ATPC en 2008 et 2009,d’autres, dans un premier temps, n’ont pasmis en œuvre l’ATPC de façon très inten-sive. Comme j’avais présenté mon rôled’appui ATPC en termes pratiques, « Laissez-moi vous rejoindre sur le terrain,pour vous aider à la planification et laréflexion sur des activités ATPC », lesdistricts qui ne menaient pas d’activitésATPC n’ont peut-être pas ressenti le besoinde recevoir un soutien de ma part tant qu’ilsn’avaient pas sérieusement entamé le projet.Peut-être qu’une autre raison pour laquellela demande d’appui s’est révélée faible danscertains districts tient au fait qu’ils n’ont pasl’habitude de recevoir le type d’assistanceque je me proposais de leur donner. Il étaitpeut-être difficile pour eux d’imaginer,compte tenu de leur type de mise en œuvre« en avant toute », comment le fait de ralen-tir pour travailler avec un « partenaire deréflexion » puisse réellement les aider. Celatient particulièrement au fait que les agentsde district sont habitués à un style d’inter-action différent avec les bailleurs et les chefsdu gouvernement central à Lilongwe. Ilssont souvent sommés de se rendre à la capi-tale ou informés d’une visite la veille pour lelendemain, une tactique souvent soigneuse-ment orchestrée pour avoir plus d’impact etmasquer les faiblesses.

Une fois que j’ai réalisé que certainsdistricts étaient plus intéressés que d’autrespar mes visites « sur le tas », j’ai commencé

à tester d’autres idées susceptibles de profi -ter à tous les responsables de district,même si je ne pouvais pas encore leurprodiguer beaucoup d’assistance person-nelle. J’ai commencé à préparer un Guide àl’intention des facilitateurs ATPC que j’aifait traduire en ChiChewa pour le person-nel de terrain (une langue locale répandueau Malawi). J’ai aussi commencé àproduire un bulletin régulier, SHiTS.(Sharing Highlights in Total Sanitation –Partager les temps forts de l’Assainissementtotal) pour mettre en lumière les bonnespratiques identifiées par les différentsresponsables de district (voir la Figure 3).Le bulletin était également un forum pourdiscuter des problèmes communs que j’aidécouverts dans quelques districts, pourque tous les autres puissent en profiter.

Six principes pour un appui techniqueefficaceEn repensant aux raisons pour lesquellesmon soutien a fonctionné (lorsqu’il a fonc-tionné bien sûr !), j’ai pu dégager sixprincipes clés qui ont, je pense, rendu monsoutien plus pertinent, efficace et appréciépar la plupart des responsables ATPC surle terrain. Globalement, ce que j’ai apprissur la fourniture d’un appui aux districts estque la manière de donner cet appui esttout aussi importante que le genre d’appui.

1er principe : faites que votre appui dérangele moins possible le responsable ATPC quevous épaulezApportez un soutien régulier et en fonctionde l’emploi du temps de chaque respon- sable ATPC sur le terrain. N’hésitez pas àdemander : « Êtes-vous sûr que le jour quenous avons programmé vous convient ? »

Penchez-vous sur les besoins de chaqueresponsable au cas par cas. N’utilisez pas uneapproche « universelle » ou une série d’at-tentes pour un groupe de responsables ayantdifférentes capacités et exposés à différentsproblèmes. Si vous épaulez plusieurs respon-sables de terrain, envisagez de conserverquelques notes sur leurs progrès et leurs

121Les approches participatives en matière de développement exigent une gestion participative !

difficultés. Je trouve que cela m’aide vrai-ment à me rappeler et à me concentrer surles besoins particuliers de chaque districtdurant le temps limité passé ensemble.

Ainsi, j’essaie de rendre visite auxdistricts au moins une fois par trimestre, etje les appelle ou je leur envoie un courrielune ou deux fois par mois pour me tenirinformée et leur offrir un soutien entre mesvisites. J’essaie aussi de programmer mesvisites dans chaque district lorsque je saisqu’il y a déjà une activité associée à l’ATPCde prévue de manière à réduire auminimum l’interférence avec leurs autresprogrammes.

2e principe : Maximiser les chances d’unapprentissage spontané entre vous et leresponsableTravaillez le plus possible « sur le tas » avecles responsables de terrain ATPC etdissuadez-les de préparer des activités

spécialement orchestrées pour votre visite.Une dynamique interactive concrèteaugmente les chances d’un apprentissagemutuel et imprévu. L’apprentissage le plusprécieux est celui auquel on ne s’attend pas– mais il faut créer les conditions pour lefavoriser.

Ainsi, dans toute la mesure du possible,j’essaie d’aller sur le terrain avec des agentsde district durant les activités dedéclenchement, de suivi ou de vérification.Le travail de terrain peut offrir une occa-sion idéale pour prendre la mesure de l’interaction du responsable avec sonpersonnel de terrain. Cela peut m’aider àidentifier des problèmes pertinents que jepourrai ensuite explorer avec eux une foisde retour au bureau, par exemple :Moi : « Qu’avez-vous pensé de la facilita-tion du personnel de terrain durant laséance de déclenchement ATPC aujour-d’hui ? »

Figure 4 : Un exercice de remue-méninges sur un tableau à feuilles mobiles – « Qu’est-ce qui influence le plus la qualité du déclenchement ? »

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61 lAshley Raeside122

Responsable : « Ce n’était pas génial. Lefacilitateur a posé beaucoup de questionsfermées oui/non à la communauté pourleur faire mettre fin à la défécation à l’airlibre. » Moi : « J’ai remarqué cela également.Pourquoi pensez-vous que le personnel deterrain n’a pas adopté l’attitude neutre et lestyle de questionnement de la facilitationATPC ? »Responsable : « En fait, cela faitlongtemps que nous avons eu la formationet ces agents de terrain n’ont pas eu beau-coup d’expérience de déclenchementjusqu’à présent. Peut-être n’ont-ils pas saisil’importance de cet aspect lors de la forma-tion, ou peut-être ont-ils oublié ce qu’ils ontappris. » Moi : « Pensez-vous que nous puissions lesaider d’une manière quelconque àaméliorer leurs connaissances et leursperformances ? » Responsable : « Peut-être pourrions-nousleur fournir un résumé écrit des conceptsATPC et du processus global de déclenche-ment. Et peut-être que je devrais aller sur leterrain avec certaines équipes pourmontrer un modèle de facilitation. »

J’ai découvert qu’il existe une demandeau niveau du district pour ce genre deconversations constructives basées sur lecontexte.

Je crois que les responsables en chef pour-raient vraiment nous aider s’ils passaientplus de temps avec nous sur le terrain,durant le processus même de déclenche-ment ATPC. Cette exposition pourraitréellement les aider à comprendre et àapprécier les difficultés auxquelles noussommes confrontés. En tant que respon- sable ATPC sur le terrain, j’aimerais aussirecevoir plus d’aide proactive durant lesétapes de planification de l’ATPC. De cettefaçon, certaines erreurs et certaines diffi-cultés pourraient tout simplement êtreévitées.Chrispin Dambula, Agent des servicesd'eau, District de Mzimba.

3e principe : Faciliter l’auto-évaluation pourle responsable – soyez un accompagnateurpas un professeur Dans toute la mesure du possible, j’essaied’aider les responsables ATPC à améliorerleur prise de conscience et leur apprécia-tion en posant des questions ouvertes.Celles-ci leur permettent de découvrir pareux-mêmes une meilleure solution. Cet « accompagnement » est la meilleure façonde les aider à renforcer leurs connaissances,leurs compétences et leur confiance en eux.Cela se démarque franchement du styleclassique qui consiste à dire au responsablede terrain ce qu’ ils doivent faire etcomment le faire.

Ainsi, je facilite des conversations avecdes responsables ATPC pour les aider àanalyser leur propre pratique de gestion,parfois en tête à tête parfois avec tous lesagents impliqués dans la gestion d’unprogramme ATPC d’un district. À mesurequ’ils échangent des observations sur lecomportement des facilitateurs ATPC,nous établissons un lien entre ça et lamanière dont le village a réagi – ou non – àl’ATPC. Je pose des questions qui aident lesresponsables à faire ressortir leurs connais-sances des comportements de facilitationdu personnel de terrain et des questionsqui les aident de façon créative à explorerdes options pour améliorer la facilitationen adaptant leurs propres actions ou laconception du programme. Cette analyse aplus de chances de réussir dans un contexteinformel et lorsque nous utilisons deschevalets à feuilles mobiles pour schéma-tiser visuellement les idées de tout lemonde (Figure 4). Parfois, nous invitonsmême le personnel de terrain à se joindre ànos analyses. Mais le processus est toujoursdirigé par le personnel du district quiapporte ses connaissances et ses opinionstandis que j’essaie d’écouter attentivementpour contribuer à la facilitation du proces-sus de découverte. Je ne réussis pas toujoursà « demander au lieu de prescrire » car,parfois, j’ai mes propres idées et je deviensimpatiente car j’ai très envie de les partager.

123Les approches participatives en matière de développement exigent une gestion participative !

Mais je fais de mon mieux pour m’au-toréguler, encourager les autres à s’ex-primer en essayant de ne pas mobiliser ledevant de la scène.

4e principe : Diffuser et relier l’apprentissaged’un responsable à un autreFaites de votre mieux pour diffuser large-ment les bonnes pratiques pertinentes etles acquis dégagés par l’un des responsablesATPC auprès des autres avec lesquels voustravaillez. Dans la mesure du possible,éliminez l’intermédiaire (vous !) et reliez lesresponsables directement entre eux pourdiscuter de leur modèle de programmeATPC, leur pratique de gestion et leursexpériences.

Par exemple, je rédige et je distribue lebulletin mensuel SHiTS avec des anecdoteset des photos qui illustrent les bonnespratiques que les districts ont découvertesdans le cadre de l’ATPC. J’ai remarqué queles responsables de district ont hâte deconnaître les expériences de leurs collèguesdes 11 autres équipes de gestion, qui ont desrôles et des objectifs semblables dans ledomaine de l’ATPC. J’ai aussi pu inciter lesresponsables de l’ATPC pour les districts deKasungu, Mzimba, Blantyre et Mwanza àrédiger des articles pour le bulletin qui rela-tent directement leurs impressions. Je croisque l’expérience a été utile et qu’elle leur adonné confiance en eux mais, pourconfirmer, je ferais mieux de leur deman-der leur avis !

5e principe : Minimiser les écarts de pouvoirentre vous-même et le responsable Dans toute la mesure du possible, réduisezl’impression que vous pouvez avoir d’êtreplus puissant ou plus haut placé dans lahiérarchie que le gestionnaire que voussoutenez. Cela peut être délicat et celaprend du temps. En forgeant un climat deconfiance et une relation solide avec lesresponsables de terrain ATPC, ils sesentiront plus libres de communiquerfranchement et ouvertement avec vous. Ilest particulièrement important d’observer

le principe 5 lorsque vous êtes aussi lapartie prenante chargée de : • libérer les fonds ; et/ou • évaluer les performances du responsable.

Il est très difficile d’aider un responsableà confronter ses faiblesses personnelles oules faiblesses de son programme s’il ne veutpas les admettre devant vous par crainted’avoir des reproches.

Ce principe est purement une questiond'attitude. Je fais de mon mieux pour nepas que le responsable ATPC ait l’impres-sion qu’il ait à faire ses preuves envers moi.Dans le système ATPC au Malawi, je nesuis le patron de personne et je veille à lefaire savoir. J'exprime clairement auxresponsables de district que je trouve quel’ATPC est un processus difficile et que jesouhaite les aider à confronter les pro -blèmes inévitables de mise en œuvre àmesure que nous les découvrirons ensem-ble. J’essaie aussi d’être ouverte à propos demes propres faiblesses et de mes erreurs.Enfin, je leur dis clairement que je ne leurrends pas visite pour les évaluer ou pourrecueillir des informations compromet-tantes aux yeux de leur ministère ou dubailleur. Cette mise au point m’a permis deconstruire des relations de travailfructueuses avec la plupart des agents dedistrict.

6e principe : Positivez ! Dans toutes vos interactions, essayez derenforcer les pratiques efficaces et les déci-sions que les responsables ont prises en leurdonnant un feedback sur leurs atoutspersonnels et en les félicitant pour leursbonnes performances. Nous nous passion-nons pour l’ATPC parce qu’il peut être trèsefficace pour promouvoir un changementspectaculaire au sein des communautésrurales. Mais parfois, nous oublions quel’ATPC n’est pas une approche facile à gérerpar un agent de district et pour renforcerles capacités de son personnel de terrain.Par conséquent, il est important de recon-naître les accomplissements et les progrèsréalisés sous la direction du responsable de

61 lAshley Raeside124

Les objectifs de cet article sont d’aider ceux qui prodiguent un soutien aux responsables ATPC sur le terrainà explorer d’autres méthodes participatives, à analyser leur approche personnelle et à réinventer leurapproche pour capitaliser plus systématiquement sur les possibilités de renforcer les compétences desresponsables ATPC à encadrer leurs équipes de facilitation et l’ensemble de leur programme. Veuillezprendre quelques minutes pour réfléchir à vos propres pratiques à l’aide de cet exercice :

Au cours de votre dernière visite à un responsable ATPC sur le terrain… OUI ou NON1. avez-vous demandé si la visite proposée cadrait bien avec leur emploi du temps ou s’il serait préférablede choisir une autre date ? 2. avez-vous été sur le terrain pour voir l'ATPC en action ? (par exemple, durant les phases dedéclenchement, de vérification du statut FDAL, etc.) 3. avez-vous passé plus de temps à écouter qu’à parler durant les discussions sur leur programme ATPC ? 4. avez-vous posé des questions plutôt que de dire au responsable ce que vous pensez qu’il devrait faire ? 5. leur avez-vous décerné des éloges pour tel ou tel aspect de leur programme ? 6. avez-vous évalué le moral du responsable et de son équipe ? 7. vous êtes-vous assis avec le responsable pour l’inviter à vous faire part d’un problème pour que vouspuissiez l’explorer ensemble ? 8. avez-vous appris quelque chose de nouveau ? 9. avez-vous cherché à obtenir leur feedback sur la pertinence et l’utilité du soutien que vous leur prodiguez ?

Si vous avez répondu oui à 1 à 3 des questions ci-dessus :

Vous prodiguez de temps en temps un appui technique participatif et pertinent à vos responsables ATPC surle terrain. Toutefois, vous disposez d’une marge considérable pour progresser. La qualité de votre soutienpourrait bénéficier d’un effort régulier et délibéré de votre part pour :

• chercher à en savoir davantage sur les circonstances et les expériences du metteur en œuvre ; • forger des relations plus fortes avec vos responsables ATPC sur le terrain ; et • reconnaître comment pour pourriez les aider à faire face aux besoins de leur programme.

Ne laissez pas vos autres priorités vous empêcher de donner aux responsables ATPC sur le terrain le soutienqu’ils attendent de vous. Relisez les six principes de soutien efficace et essayez de les appliquer plusfréquemment dans votre travail. Si vous vous en sentez le courage, envisagez de demander leur feedbackaux responsables ATPC avec lesquels vous travaillez, afin de mieux savoir ce sur quoi vous devriez vousconcentrer.

Si vous avez répondu oui à 4 à 8 des questions qui précèdent :

Vous vous débrouillez bien pour fournir une aide technique participative et pertinente à vos responsablesATPC sur le terrain. Relisez les six principes de soutien efficace et recherchez des idées que vous n'avezpas encore intégrées dans vos pratiques. N’hésitez pas à envisager d’avoir une conversation franche avecles responsables que vous appuyez pour obtenir leur feedback sur les éléments de votre soutien les plus/lesmoins performants. Demandez des suggestions précises sur la façon dont vous pourriez renforcer votresoutien et faites de votre mieux pour les encourager à être ouverts et francs avec vous. Intégrez leurfeedback dans votre approche et prenez soin de les remercier d’avoir partagé leur opinion avec vous.Maintenez le cap et efforcez-vous constamment de trouver de nouveaux moyens d’adapter votre pratique.Vous êtes bien parti pour fournir un bon et même un excellent soutien technique !

Si vous avez répondu oui aux 9 questions qui précèdent :

Vos méthodes de soutien sont exceptionnellement participatives et probablement très pertinentes pour lesagents de terrain ATPC que vous épaulez. Félicitations ! Vous êtes très bien parti pour être un modèle dansla fourniture d’un appui technique flexible et novateur au sein de votre organisation. Continuez derechercher des possibilités d’accompagner et de fournir un feedback à vos collègues afin de doper votreefficacité collective pour renforcer les liens et soutenir ceux qui gèrent l’ATPC sur le terrain.

Encadré 2 : Auto-évaluez rapidement votre propre approche en matière d’appuitechnique à l’ATPC

125Les approches participatives en matière de développement exigent une gestion participative !

l’ATPC. Le fait d’être positif témoigne ausside bonne volonté, ce qui aide à développerune relation de confiance. Cela s’imposepour faciliter les améliorations requisesdans des domaines de gestion ou deperformance de programme qui laissent àdésirer. Lorsque vous vous rendez dans undistrict, essayez aussi d’être au fait du moraldu responsable ATPC et de son équipe. S’ilne semble pas au beau fixe, efforcez-vousd’en explorer la cause avec eux.

Si vous souhaitez mieux comprendre legenre et la manière de votre propre styled’appui technique, envisagez de faire l’exercice d’auto-évaluation à l’Encadré 2.

Conclusion Les principes décrits ci-dessus sont essen-tiels à la pratique d’accompagnement del’encadrement dans le secteur privé, sansdoute parce que les employeurs ontcommencé à réaliser leur potentiel pourrehausser la motivation et la productivitédu personnel (de Smet et al., 2009). Toute-fois, les techniques de gestion participativeont rarement la chance de faire gagner auxorganismes de développement plus de « bénéfices » que ceux que nous visons.Dans le secteur du développement interna-tional, les projets sont habituellementconçus tout en haut de la hiérarchie : lesresponsables et le personnel de terrain secontentent de les exécuter. L’exécution desprogrammes ATPC n’a rien de simple. Lespratiques de soutien en amont de la commu-nauté doivent devenir plus participatives àtous les niveaux pour relever, de façon inter-active, les défis que pose l’adoption de cettenouvelle approche. Bien qu’elles ne soientpas classiques, les méthodes participativesde soutien revêtent la plus haute pertinencepour notre secteur et les succès de l’ATPC enparticulier ne seront pas dupliqués à l’échellesans elles.

Même si je viens de rédiger un articlesur le comment du soutien techniqueparticipatif, je ne vous ai pas offert unesolution d’expert toute faite. Globalement,je pense que la meilleure leçon que j’ai

apprise cette année, c’est de ne pas arriverla tête trop pleine de projets et de supposi-tions. C’est la manière dont j’ai choisi d’in-teragir avec les responsables de l’ATPC quiest à l’origine de mes réussites ou de meséchecs dans l’aide que je leur ai apportée.La meilleure façon de les aider est simple-ment de demander « Que puis-je faire pourvous ? » La meilleure façon pour moi decomprendre les solutions possibles auxdéfis que soulève la mise en œuvre consisteà passer plus de temps avec les gens quisont confrontés à ces problèmes. Commepour l’ATPC, la meilleure façon de trans-former les comportements de gestion estd’aider les responsables à impulser eux-mêmes le processus de changement.

Les responsables doivent recadrer leurpriorité : il s'agit moins de rendre comptede leur succès en amont que de créer lesconditions du succès en aval. Si lesprestataires de soutien technique donnentl’exemple en appliquant des principesparticipatifs, il est plus probable que lesresponsables ATPC sur le terrain adoptentdes styles de gestion plus participatifs.Cette transformation donnera à leursagents de terrain les moyens de devenir devéritables facilitateurs d’un processus dechangement piloté par la communauté.

61 lAshley Raeside126

COORDONNÉESAshley Raeside Rattachée au personnel du programme africain Ingénieurs sans frontières (ISF) Canada Box 2207 Lilongwe Malawi Tél. +265 999 142 333 Courriel : [email protected] Site web : www.ewb.ca

RÉFÉRENCES de Smet A., M. McGurk et M. Vinson (2009) « Organization Practice: Unlocking the potential of front-line managers. » McKinsey Quarterly, McKinseyandCompany, août 2009. En ligne : tinyurl.com/mckinsey-unlocking URL complète : www.ieco.clarin.com/management/Unlocking-Quarterly-McKinsey-Managers-The_IECFIL20090918_0009.pdf

REMERCIEMENTS Pour ce qui concerne la fourniture d’un appui technique aux agents dedistrict du Malawi, je tiens à remercier le mentorat et les conseils sur lecontexte prodigués par Chimwemwe Nyimba (UNICEF Malawi), KiweSebunya (UNICEF Malawi), MacLawrence Mpasa (ministère de l’Irrigationet du Développement de l’Eau), Humphreys Masuku (ministère de laSanté) et Ulemu Chiluzi (Plan Malawi). Mais avant tout, je me dois deremercier le partenariat et le feedback des responsables ATPC en premièreligne qui représentent les différents districts du Malawi et qui, avec leurséquipes, continuent de m’enseigner comment fournir un appui techniqueefficace : Jean Bondwe (Blantyre), Chriswell Nkoloma (Blantyre), Ellena Simango(Blantyre), Tamala Zembeni (Blantyre), Kondwani Mamba (Chitipa), Mr.Mbowe (Chitipa), Boston Tambala (Chitipa), Joseph Lwesya (Dowa),Kennius Mkanda (Dowa), Chingati Banda (Kasungu), Ketwin Kondowe(Kasungu), James Nyirenda (Kasungu), Tamanda Tembo (Kasungu), VincentHorowanya (Likoma Island), Kennedy Kaonga (Likoma Island), MacMillanMagomero (Likoma), Sam Chirwa (Lilongwe), Brighton Chunga (Lilongwe),Rudo Kalonga (Lilongwe), Christopher Masina (Lilongwe), Ben Mitochi(Lilongwe), William Precious Phiri (Lilongwe), Samuel Katundu (Mangochi),Marvel Nakanga (Mangochi), Yvonne Kalasa Kenani (Mchinji), CharlesMatatiyo (Mchinji), Thomas Mchipha (Mchinji), Emmanuel Sohaya(Mchinji), Martin Chilonga (Mwanza), Alfred Phiri (Mwanza), Edgar Phiri(Mwanza), Patrick Chima (Mzimba), Chrispin Dambula (Mzimba),Chimwemwe Jella (Mzimba), John Mpoha (Nkhata Bay), Owner Ngulube(Nkhata Bay), Onances Nyirenda (Nkhata Bay), Paul Chunga (Salima), NoelKhunga (Salima) et Geoffrey Kalumpha (Salima).

127

Introduction Cet article s’inspire de mes expériencescomme membre du personnel d’Ingénieurssans frontières Canada (ISF). De février2008 à octobre 2009, j’ai été détaché àWaterAid Burkina Faso. Lorsque j’ai rejointl’ONG, elle avait décidé d’adopter l’ATPC enguise d'approche privilégiée pour promou-voir l'assainissement en zones rurales. Monrôle était de soutenir l’organisation et dedonner un point de vue critique à mesureque leur approche antérieure par subven-tion cédait la place à l’ATPC.

L’article analyse les implicationspratiques de l’adoption de l’ATPC pour lesfacilitateurs, les responsables et les orga -nisations. Il est particulièrement pertinentpour les gestionnaires du développementqui ont entendu parler de l’approche ATPCet souhaiteraient la mettre en œuvre, lasoutenir ou la financer. Il n’entend pasprésenter les fondamentaux de l’ATPC : lesorganisations qui souhaitent se familiariseravec l’approche sont invitées à consulter les

ressources déjà disponibles à ce sujet.1

Je prétends que toutes les organisationsne sont pas prêtes à adopter l’ATPC sansréévaluer leur culture organisationnelle,leurs pratiques de terrain, leurs processusorganisationnels et leur contexte institu-tionnel. Je développe mon argumentation :• en discutant des motifs qui peuventinciter – ou dissuader – les agences dedéveloppement à abandonner leurapproches antérieures en matière d’as-sainissement pour adopter l’ATPC ; et • en analysant les différentes implicationsde l’ATPC pour le mode de fonctionnementdes agences de développement.

Les principaux messages de cet articlesont résumés dans l’Encadré 1.

Abandonner les approches antérieuresEn 2008, après avoir passé en revue l’effi-cacité et la viabilité à long terme de sonprogramme d’assainissement, WaterAidBurkina Faso a décidé d’abandonner sonapproche par subvention. L’organisation a

1 Le lecteur trouvera de nombreuses ressources sur le site officiel de l’ATPCwww.communityledtotalsanitation.org

par JEAN-FRANÇOIS SOUBLIÈRE

Adoption de l’ATPC :votre organisation est-elle prête ? Analyse desbesoins organisationnels 9

61 l Jean-François Soublière128

constaté que les seules activités quiprogressaient rapidement étaient celles queles partenaires de mise en œuvre supervi-saient et subventionnaient (p. ex. la couléeet l’installation de dalles de latrine enciment).

De fait, la cadence de mise en œuvreralentirait terriblement si les ménagesdevaient bâtir les murs de leur proprelatrine – donc sans subvention et sanssupervision. Par le biais de sessionsrégulières de sensibilisation, les partenairesde mise en œuvre donnaient à la commu-nauté un soutien technique permanentjusqu’à ce que les latrines soient entière-ment construites. Pourtant, à la fin duprojet, les sessions de sensibilisation s’ar-rêtaient. Les maçons qui avaient été formésà couler les dalles des latrines ne recevaientplus de commandes pour construire denouvelles latrines, une fois le projetterminé.

WaterAid Burkina Faso n’est pasunique dans ce cas. Ces dernières années,des préoccupations croissantes concernantl’efficacité des programmes d’hygiène et

d’assainissement ont remis en question lesapproches classiques. Dans la plupart desprogrammes d’assainissement, l’utilisationde latrines ne devient pas une pratiqueuniverselle et la majorité des membres descommunautés ciblées n’adoptent pas depratiques d’hygiène complémentaires. Cescarences compromettent fortement touteamélioration sanitaire généralisée dans lescommunautés. Deux facteurs pourraientexpliquer ces résultats mitigés : • la cadence de ces projets et • les mécanismes de changementscomportementaux utilisés.

1. Les programmes d’assainissementsubventionnés suivent le rythme desagences de développement plutôt que lacadence des communautésOn croit que les subventions sont néces-saires pour atteindre des cibles quantita-tives ambitieuses dans un délai déterminé.Toutefois, cette mentalité axée sur des « produits rapides » déforme la définitiondu succès et ajoute une énorme pression auniveau du terrain. Ces conséquences

S'écarter desapprochesantérieures

1. Les programmesd’assainissementsubventionnéssuivent le rythmedes agences dedéveloppementplutôt que lacadence descommunautés

2. Les appréciationsantérieures desmécanismes dechangementscomportementauxmanquaient denuances

Implications pour lacultureorganisationnelle

1. Croire en lacapacité de chaquecommunauté àrésoudre ses propresproblèmesd’assainissement,par ses propresmoyens et à sonpropre rythme

2. Définir le succèsd’un programme entermes dechangementscomportementaux etnon en nombre delatrines construiteset en dépensesbudgétaires

Implications pourla mise en œuvresur le terrain

1. Apprécier lesagents de terrain etinvestir dans leurépanouissementprofessionnel demanière à ce qu’ilsdeviennent desfacilitateurstalentueux

2. Redéfinir lesindicateurs de succèset repenser lesmécanismes de suiviet d’évaluation : ilsdevraient êtreparticipatifs etcommunautaires

Implications pourles processusorganisationnels

1. Rendre lesprocessus deplanification et debudgétisationsuffisammentsouples pour laisserles communautésévoluer à leurpropre rythme

2. Remodeler lesmécanismes deredevabilité d’unefaçon qui donne auxagents de terrain lesmoyens de mettreen commun leurprécieuxapprentissage

Implications pourle contexteinstitutionnel

1. Demander unfinancement pourle développementorganisationnel etdes contrats plussouples

2. Plaider en faveurde politiques et denormes nationalesqui encouragerontles communautés àassumer leurspropres problèmesd’assainissement

Encadré 1 : Résumé des messages clés

129Adoption de l’ATPC : votre organisation est-elle prête ? Analyse des besoins organisationnels

peuvent être illustrées par un exemple tiréde WaterAid Burkina Faso.

Dans un projet antérieur – avant l’in-troduction de l’ATPC – l’ONG avait étécommanditée pour construire 3 000latrines subventionnées en trois ans : soitenviron trois latrines par jour. Bien que lesplans initiaux aient compris des initiativesde sensibilisation de la communauté auxrisques de la défécation à l’air libre et unepromotion de l’hygiène, la principalemesure du succès du projet était le nombrede nouvelles latrines. Favoriser et évaluerle changement de comportement par uneinteraction avec la communauté n’étaientnullement prioritaires.

En outre, les délais pour atteindre cesobjectifs quantitatifs exerçaient d’énormespressions sur le personnel de terrain.Certains agents de terrain travaillant surdes programmes subventionnés m’ontraconté qu’ils avaient parfois l’impressionque les familles construisaient leur latrinepour qu’ ils arrêtent de harceler leurcommunauté. Cela dissuadait tout senti-ment d’appropriation – les membres de lacommunauté évoquaient souvent lesnouvelles latrines comme appartenant à telprojet ou telle organisation humanitaire.Dans cette situation, la présence d’unelatrine est loin de garantir l’adoption debonnes pratiques d’hygiène.

2. Les appréciations antérieures desmécanismes de changementscomportementaux manquaient de nuances.Les approches classiques accordent beau-coup d’importance à la connaissance despratiques d’hygiène (p. ex. avec l’utilisationdes outils PHAST) et à la fourniture demoyens financiers (p. ex. des matériauxsubventionnés).2 Toutefois, la pratiquemontre que savoir et pouvoir ne sont pasles seuls ingrédients nécessaires pourqu’une personne change de comporte-ment. L’adoption d’une nouvelle habitude

est un phénomène socioculturel complexequi comporte une dimension à la fois indi-viduelle et collective. Au niveau individuel,le respect de soi et la dignité qui sont asso-ciés à un assainissement adéquat (ouinversement, le sentiment de dégoût et dehonte provoqué par la défécation à l’airlibre) sont aussi des incitations impor-tantes au changement. Collectivement, lesgens seront plus motivés à l’idée de changerde comportement s’ils perçoivent que leurschoix sont respectables et si leurs pratiquesantérieures ne sont plus cautionnées parleurs pairs. Rares sont les gens quiadopteraient un nouveau comportements’ils couraient le risque d’être marginalisésou exclus.

En bref, l’ATPC entend minimiser lesincitations extérieures (p. ex. les subven-tions et les pressions liées à la réalisationdes cibles d’un projet) et favoriser les inci-tations endogènes (p. ex. la nature humaineet les normes sociales). Prenant consciencede cela, WaterAid Burkina Faso a suividans le sillage de beaucoup d’autres orga -nisations et décidé en 2008 d’adopterl’ATPC en guise de principale approche entermes d’assainissement.

Adoption de l’approche ATPCL’engagement de la communauté est leprincipe au cœur de l’ATPC. Et pour réelle-ment y parvenir, l’approche s’efforce deréduire les incitations des personnes del’extérieur afin de promouvoir une actionde la communauté elle-même. Le rôle desagences de développement consiste donc àcréer des conditions propices pour que lescommunautés s’engagent à mettre fin àleur problème d’assainissement – à leurpropre rythme – pour leurs propresraisons. Avec une telle dynamique en jeu,l’agence de développement cesse d’être « aux commandes » du processus dechangement de la communauté. Parconséquent, l’adoption de l’approche ATPC

2 Participatory Hygiene and Sanitation Transformation (PHAST – Participation à latransformation de l’hygiène et de l’assainissement) est une méthodologie développéepar l’Organisation mondiale de la santé pour promouvoir des pratiques d’hygiène saines.

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pourrait se révéler un véritable change-ment de paradigme. Des changementsaussi radicaux ont des implications pour : A) la culture organisationnelle ;B) les pratiques sur le terrain ;C) les processus organisationnels ; et D) le contexte institutionnel.

A) Implications pour la cultureorganisationnelle Le secteur du développement estdynamique et les discours se succèdentrapidement. Ainsi, ceux qu’on appelait les « bailleurs » sont souvent qualifiés de « partenaires du développement ». Auxrangs des techniques de sensibilisation, « l’information, l’éducation et la commu-nication (IEC) » a été supplantée par « lacommunication du changement comporte-mental (CCC) ». La plupart des ONG nedéveloppent plus de « projets » individuelsmais les intègrent dans un « programme »unifié. Les changements de ce type sontnombreux mais l’expérience montre aussique l ’ introduction d’une nouvellerhétorique ne débouche pas toujours surun changement dans la pratique vitale. Etlorsqu’une nouvelle approche est avancée,ses différences nourrissent de nombreuxdébats – qui masquent parfois le besoin dechangements plus fondamentaux.

La décision d’adopter l’ATPC et d’aban-donner les subventions pour la construc-tion de latrines familiales rompt avec la

pratique courante. Ce changement est l’undes sujets les plus débattus au sein deWaterAid Burkina Faso, tant au niveauinterne qu’avec ses partenaires et d’autresparties prenantes. Les raisons pour l’aban-don des subventions des latrines familialessont nombreuses mais il existe aussi descontre-arguments, comme le montre l’En-cadré 2.

Même aujourd’hui, la question dessubventions fait l’objet d’une attentionconsidérable et reste un sujet âprementdébattu au sein des ONG, des bailleurs etdu gouvernement – ce qui entrave parfoisla propagation de l’ATPC au Burkina Faso.

À mon avis toutefois, toutes ces discus-sions autour des mérites ou autres dessubventions détournent l’attention desavantages clés que présente l’ATPC : 1. le profond impact d’un développementpiloté par la communauté ; et 2. un changement comportemental vérita-ble en matière d’assainissement.

1. Croire en la capacité de chaquecommunauté à résoudre ses propresproblèmes d’assainissement, par ses propresmoyens et à son propre rythmeAu sein des agences de développement, ilest de mieux en mieux compris et acceptéque les subventions entravent l’actionlocale et collective. De fait, les subventionscommunautaires créent une attente et, aufil du temps, une dépendance à l’égard de

Argument Les subventions atteignent rarement les plus pauvres des pauvres. Mettre fin aux subventionsrendra nos interventions plus équitables pour tout le monde.

Réfutation L’inégalité subsistera de toute façon. Le fait que nous choisissions une zone d’intervention aulieu d’une autre rend d’office notre intervention inéquitable.

Argument En laissant les communautés construire et financer elles-mêmes leurs latrines, nousgarantissons une utilisation plus durable des installations sanitaires.

Réfutation Je ne partage pas votre avis. Les latrines construites « au rabais » selon des normes techniquesmoindres n’ont pas une tenue en service dans la durée.

Argument Si nous arrêtons les subventions, cela nous permettra de réaliser des économies budgétairesconsidérables dans notre programme.

Réfutation Je ne suis pas d’accord. L’ATPC coûtera autant sinon plus – surtout avec tout le suivisupplémentaire requis.

Encadré 2 : Exemples d’arguments et de contre-arguments types pour mettre un termeaux subventions et adopter l’ATPC

131Adoption de l’ATPC : votre organisation est-elle prête ? Analyse des besoins organisationnels

l’assistance extérieure. Au cours des phasesantérieures au déclenchement ATPC, iln’est pas rare que les communautésdemandent d’emblée ce que les facilitateurssont venus offrir au village. Cette attitudeest le premier défi à surmonter pour sedétourner des approches antérieures etadopter l’ATPC.

Ainsi, le premier village ayant fait l’objetd’un déclenchement au Burkina Faso ad’abord très bien réagi à l’approche ATPC.En une quinzaine de jours, beaucoup deménages avaient creusé leur propre fosse delatrine. Mais les progrès ont ralenti. Aprèsde multiples visites de suivi, il est devenuévident que les progrès s’étaient arrêtés. Uneréunion a été organisée avec la communautéafin de comprendre la situation : même s’ilétait clair dès le départ qu’il leur fallaitconstruire des latrines, les membres de lacommunauté comptaient toujours secrète-ment sur des subventions. Il a été soulignéune fois de plus que WaterAid ne disposaitd’aucun financement dans ce but mais qu’unsoutien technique pourrait être offert. Aprèsquelques calculs élémentaires, la commu-nauté a reconnu qu’elle pouvait se permet-tre de payer les latrines et qu’ il étaitpréférable qu’ils n’attendent pas un projetsubventionné. Maintenant qu’ils ontcommencé à couler les dalles et fini denombreuses latrines, ils se sentent fiers deleur réalisation, notamment du fait quecertaines des communautés voisinespensent qu’ils ont reçu une subvention.

Après des décennies d’interventionssubventionnées, qui ont renforcé les atti-tudes de dépendance, peu de commu-nautés accepteront volontairement ouspontanément de se mobiliser pour modi-fier leur condition d’assainissement.L’ATPC rompt le cycle. Les communautéssont aux commandes. Elles analysent elles-mêmes leurs problèmes d’assainissement.Elles décident quelle solution est lameilleure pour elles en fonction de leurspropres moyens. Elles se fixent leurspropres objectifs et travaillent à leur proprerythme. L’ATPC rappelle aux organisations

que le développement commence « de l’in-térieur ».

2. Définir le succès d’un programme entermes de changements comportementauxet non en nombre de latrines construites eten dépenses budgétairesDans les approches précédentes, le succèsdes programmes d’assainissement étaitprincipalement évalué par des indicateursde mesure très mécanistes – p. ex. lenombre de latrines construites et le pour-centage de dépenses budgétaires. Maisl’ATPC exige que nous définissions lesuccès différemment. Le principal indica-teur de mesure du succès est le changementde comportement : la fin de la défécation àl’air libre.

Ce changement a été mis en exerguelors de l’une des réunions trimestrielles deWaterAid avec ses partenaires de mise enœuvre. Sur sept partenaires, seul un s’étaitembarqué dans la phase pilote de l’ATPC.Et comme tous les autres partenaires, ilsrendaient principalement compte dunombre de latrines construites jusqu’ici enfonction de leur budget. Un autre parte-naire de mise en œuvre a bien fait designaler qu’ils attendaient quelque chose dedifférent. Dans quelle mesure la commu-nauté s’était-elle mobilisée ? À quel recen-trage avait-on assisté dans les attitudes desgens ? Quel était le comportement de ceuxqui n’avaient pas encore de latrine ? Bienque tout le monde ait reconnu qu’il étaitimportant de soulever ces points, ces ques-tions sont restées sans réponse.

Cette discussion a rappelé à WaterAidet à son premier partenaire de mise enœuvre ATPC qu’il leur fallait encore désap-prendre leur manière habituelle de définirle succès. Pour les autres partenaires demise en œuvre, qui n’avaient pas encorefait l’expérience de l’ATPC, ils en étaientrendus à se demander si l’ATPC allait vrai-ment transformer leur façon de fonction-ner ou s’ il s ’agissait simplement demaintenir la politique du « business asusual » simplement sous un autre nom.

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Les organisations qui adoptent l’ATPCauront besoin de redéfinir ce que veutréellement dire le succès à leurs yeux. Lesproduits du projet, bien qu’ils soientpratiques à mesurer, ne peuvent plus êtreles principaux indicateurs de réussite.Puisque l’ATPC vise un changement decomportement, les organisations ont plusbesoin d’évaluer les résultats de leursprojets. Les comportements en matièred’hygiène et d’assainissement sont-ilsdifférents ? La santé s’améliore-t-elle ? Lescommunautés sont-elles mieux loties ?L’ATPC rappelle aux organisations que l’as-sainissement n’est pas une histoire delatrines. C’est une histoire de gens.

B) Implications pour les pratiques sur leterrainLa mise en œuvre de l’approche ATPC peutse résumer grossièrement en quelquesétapes. Dans un premier temps, les agentsde terrain approchent une communauté ettentent de faciliter – ou de déclencher – unprocessus de mobilisation pour modifier lescomportements d’assainissement. Deuxiè -mement, ils soutiennent les initiativespilotées par la communauté par le biais devisites de suivi. Enfin, la communautéobtient le statut FDAL (fin de la défécationà l’air libre) – par ses propres moyens etselon son propre calendrier.

Les approches antérieures par subven-tion comportaient quelques élémentsparticipatifs (p. ex. la sensibilisation à l’hy-giène avec les outils PHAST, les profils depauvreté pour distribuer les subventions,etc.). Mais l’ATPC ne porte pas sur l’en-gagement d’une communauté dans unprojet de développement. C’est un proces-sus totalement participatif et les commu-nautés sont aux commandes. Le personnelde terrain n’a plus rien de concret àdistribuer comme dans le cas d’unesubvention. Le pouvoir d’atteindre ou de nepas atteindre les objectifs du projet sont

entièrement transférés à la communauté.Ce qui signifie que les agents de terraindoivent agir comme des facilitateurs etseulement comme des facilitateurs. Celaimplique deux changements radicaux dansles pratiques sur le terrain : 1. les agents de terrain jouent un rôledécisif dans le succès de l’intervention ; et 2. c’est la communauté elle-même quidétermine ce qu’elle entend par « succès ».

1. Apprécier les agents de terrain etinvestir dans leur épanouissementprofessionnel de manière à ce qu’ilsdeviennent des facilitateurs talentueuxLa transition d’une approche subventionnéeà l’ATPC peut soulever des objections de lapart du personnel de terrain. Cela a été le caspour WaterAid Burkina Faso, où certainsdes agents de terrain issus des partenairesde mise en œuvre m’ont confié : « Perdrons-nous notre boulot si les communautés déci-dent de ne pas construire de latrines ? » 3

Pour que l’ATPC soit vraiment efficace,les connaissances, les compétences et lesattitudes du personnel de terrain revêtentune importance cruciale. Les organisationsqui adoptent l’ATPC doivent être prêtes àfournir une formation pratique à leurpersonnel de terrain. En outre, des effortsdoivent être déployés pour surveillercomment les facilitateurs appliquent leursnouvelles compétences. Les pratiques degestion des ressources humaines ont peut-être besoin d’être modifiées pour fournir aupersonnel de terrain un appui constant etun accompagnement « sur le tas ».

Habituellement au dernier échelon dela hiérarchie organisationnelle, les agentsde terrain doivent être reconnus comme unélément pivot du succès de l’approcheATPC. Cela a peu de chance de se produireà court terme, pourtant une organisationqui adopte l’ATPC doit se demander si elleest prête à apprécier et à investir dans sonpersonnel de terrain.

3 WaterAid, en tant qu’organisation internationale, ne met pas les projets directement en œuvreau niveau communautaire. Au lieu de cela, son modèle consiste à travailler par l’intermédiaired’organisations locales qui ont une meilleure appréciation des réalités du terrain.

133Adoption de l’ATPC : votre organisation est-elle prête ? Analyse des besoins organisationnels

2. Redéfinir les indicateurs de succès etrepenser les mécanismes de suivi etd’évaluation : ils devraient être participatifset communautairesLa couverture des latrines a longtemps étéle principal indicateur de succès et il seradifficile pour une organisation d’abandon-ner ses vieilles habitudes et de développerdes critères de performance axés sur leschangements de comportement. L’ATPCmet au défi les organisations de mesurer lesrésultats au lieu de mesurer les produits.Avec la fin de la défécation à l’air librecomme principal mesure du succès, l’or-ganisation aura besoin de faire preuve decréativité pour repenser ses mécanismes desuivi et d’évaluation.

Au lieu d’enquêtes de haut en bas, desoutils participatifs peuvent être explorésavec les communautés pour capturer leschangements que l’ATPC aura galvanisés.Beaucoup d’idées pourraient être essayées,par exemple : • Comparer une saison ou une année à uneautre et observer les changements entermes d’odeurs extérieures, de présence demouches, de propreté des enfants, etc. • Demander à des membres de bonneréputation de la communauté de classer lesménages sur la base de leurs pratiquesd’hygiène. • Cartographier les ménages avec et sanslatrine, et identifier ceux dont les membrespratiquent encore la défécation à l’air libre. • Demander aux enfants de passer en revueles sites de défécation et de surveiller deprès ceux qui pratiquent encore la déféca-tion à l’air libre. • Capturer des anecdotes parlantes illus-trant comment des individus ou desgroupes ont modifié leurs attitudes et leurscomportements, même au-delà de l’hy-giène et l’assainissement.

Dans tous les cas, l’indicateur le plusimportant demeure la fin de la défécation à

l’air libre. Toutefois, seuls les membres dela communauté peuvent réellement savoirsi cet objectif a été ou non atteint. La vraiequestion pour une organisation est la sui -vante : sommes-nous prêts à laisser lescommunautés choisir leurs propres indica-teurs de succès et la meilleure façon des’auto-évaluer ?

C) Implications pour les processusorganisationnelsPlusieurs facteurs organisationnelsaffectent le renforcement des capacités desagents de terrain et la qualité de la mise enœuvre ATPC. Il convient en particulier deprêter attention à : 1. Simplifier le processus de planification etde budgétisation ; et 2. Tirer parti de l’apprentissage sur les réa -lités du terrain.

1. Rendre les processus de planification etde budgétisation suffisamment souples pourlaisser les communautés évoluer à leurpropre rythmeLes organisations doivent faire preuve desouplesse pour ce qui concerne la conceptionet la planification de programmes, car il fautlaisser une marge de manœuvre pour tenircompte de la complexité des réalités rurales.Même si l’ATPC utilise des outils et proces-sus participatifs ordinaires, les résultats dudéclenchement peuvent être imprévisibles.D’un déclenchement à l’autre, le niveau d’en-gagement et de conviction d’une commu-nauté variera.4 Dans certains cas, il est mêmepossible que le processus de déclenchementsoit complètement inefficace.

Par conséquent, la stratégie de suividevrait être adaptée en fonction desréponses et des plans de chaque commu-nauté individuelle. Les vulgarisateurs font-ils preuve de créativité ou travaillent-ilscomme si toutes les communautés étaientidentiques ?

4 Dans le jargon ATPC, on évoque quatre réactions possibles à l’issue du déclenchement :le feu aux poudres ; des flammes prometteuses ; des étincelles éparpillées ; et un pétardmouillé. Pour obtenir un complément d’information sur la manière de traiter lesdifférentes réponses, voir aussi Déclenchement, Conseils aux formateurs, dans ce numéro.

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Une telle complexité peut être difficileà gérer pour les organisations qui sonthabituées à concevoir des interventions dedéveloppement suivant la linéarité decertains outils de conception de projet, telsque le cadre logique. Dans le contexte del’ATPC, la conception de programme doitcomprendre des délais qui accordent suff-isamment de temps et de souplesse pourpermettre d’observer un changementcomportemental. Avez-vous accordé suffi -samment de temps et d’argent aux visitesde suivi-évaluation et qu’avez-vous commemarge ?

La simplification des besoins de plani-fication et de budgétisation fera qu’il seraaussi possible pour le personnel de terrainde saisir les possibilités émergentes pourrenforcer les capacités de la communautéou stimuler le changement dans lescommunautés apparemment plus résis-tantes. En principe, votre personnel est-ilencouragé à redistribuer les lignes budgé-taires ou en est-il dissuadé ?

Les processus de planification doiventêtre liés aux systèmes d’apprentissage et deredevabilité et prévoir du temps pourl’échange et la réflexion critique qui sontessentiels à l’apprentissage pour améliorerles pratiques. Faute de quoi, la réflexioncritique et le partage d’expériences sontécartés des préoccupations de tout lemonde. Si votre personnel doit rendre descomptes sur ses résultats, la même rigueurest-elle appliquée à leur épanouissementprofessionnel ?

Ces éléments pourraient se révélerconstituer des tensions particulièrementdélicates pour des organisations aussicomplexes que des ONG internationales,où la souplesse tend généralement à dimi -nuer avec le besoin d’une plus granderigueur dans les contrôles de redevabilité.

2. Remodeler les mécanismes de redevabilitéd’une façon qui donne aux agents de terrainles moyens de mettre en commun leurprécieux apprentissage Les organisations doivent reconnaître que

le fait d’abandonner une approche de hauten bas (autocratique) pour une approchede bas en haut (démocratique) – commel’ATPC – aura des implications pour lessystèmes et pratiques organisationnels,notamment pour ce qui concerne l’appren-tissage organisationnel. Une organisationqui adopte l’ATPC doit capturer l’appren-tissage du terrain de façon à pouvoir lepartager entre tous les facilitateurs pourstimuler les innovations dans les pratiquesATPC. En outre, des relations de pouvoirinégales dans les relations entre les orga -nisations internationales et les partenairesde mise en œuvre peuvent rendre ledialogue trop prescriptif. Ces dynamiquesétouffent la franchise et la réflexion critiquequi sont absolument cruciales pour le typed’apprentissage qu’exige l’ATPC.

Par exemple, les tribunes de dialogueorganisationnel types, comme les réunionsbilans, peuvent ne pas être propices à unéchange d’apprentissage. Dans le cas deWaterAid Burkina Faso, les relations depouvoir dans les réunions trimestriellesavec les partenaires de mise en œuvre ontdû être gérées avec précaution. Nous avonsintroduit un président neutre durant cesréunions, qui était chargé de veiller à ce quetout le monde ait la chance de s’exprimer,quelle que soit sa place dans la hiérarchiede l’organisation. Des sessions d’apprentis-sage et des échanges entre pairs ont aussiété introduits pour répondre aux besoinsdu personnel de terrain.

En outre, le modèle de reddition decomptes de WaterAid Burkina Faso a dûêtre repensé. Auparavant, l’accent était missur la description des activités entreprises.Très peu de choses étaient dites sur leschangements engendrés, les défis rencon-trés, les acquis et ce qui pourrait être faitdifféremment la prochaine fois. Le modèlede reddition de comptes a été simplifié etdes questions ont été introduites pourpermettre une évaluation du changementcomportemental et promouvoir uneanalyse critique au niveau du terrain desprogrès du programme.

135Adoption de l’ATPC : votre organisation est-elle prête ? Analyse des besoins organisationnels

Ces changements ont été bien reçus etont contribué à promouvoir l’apprentissagedégagé du terrain. Toutefois, il y a encorebeaucoup à faire pour réduire les inégalitésde pouvoir entre les directeurs et le person-nel au niveau du terrain.

D) Implications pour le contexteinstitutionnelLe contexte institutionnel correspond àl’environnement dans lequel évolue uneorganisation. Il peut être perçu comme les« règles du jeu » qui peuvent influencerl’aptitude de l’organisation à mettre enœuvre l’ATPC. Les facteurs institutionnelsles plus pertinents comprennent – sanspour autant s’y limiter – des pratiques definancement et des politiques gouverne-mentales. Pour renforcer le contexte insti-tutionnel de l ’ATPC, les agences dedéveloppement doivent plaider en faveur : 1. d’un financement plus flexiblecomprenant le soutien au développementorganisationnel ; et 2. des politiques et normes nationales quiencourageront les communautés à assumerleurs propres problèmes d’assainissement.

1. Demander un financement pour ledéveloppement organisationnel et descontrats plus souplesLes bailleurs ont un grand rôle à jouer pouraider les organisations à adapter leurspratiques de manière à favoriser le succèsde l’ATPC. Néanmoins, peu de fonds sonten principe accordés pour accroître l’effi-cacité organisationnelle de l’organisme demise en œuvre. De fait, les bailleursdonnent généralement la préférence auxpropositions qui promettent un grandnombre de nouvelles installations sani-taires. Cela peut encourager certainesorganisations à compter les latrines au lieude chercher à évaluer le changement decomportement, ce qui sape l’ensemble del’approche ATPC.

Une organisation qui adopte l’approcheATPC doit tenir compte de la naturecommunautaire des résultats de change-

ment comportemental recherchéslorsqu’elle négocie des objectifs de résultatavec ses bailleurs. Toutefois, pour garantirdes interventions sur le terrain de qualité,les bailleurs auraient tout intérêt à investirdans le développement organisationnel deleurs structures récipiendaires pour mettreen œuvre des programmes comme l’ATPC.

En outre, puisque les résultats duprocessus ATPC ne peuvent pas êtreentièrement contrôlés par l’organisme demise en œuvre, les bailleurs devraient aussienvisager d’employer des contrats plus flexibles pour tenir compte de la naturequelque peu imprévisible des résultats.L’ouverture face au changement tout aulong du projet et une bonne appréciationdes réalités opérationnelles permettrontaux bailleurs d’adapter leur propre soutienà l’organisme de mise en œuvre pourpermettre la réussite de l’ATPC. Ce genrede flexibilité exige un partenariat basé surun grand degré de confiance et unecompréhension mutuelle.

2. Plaider en faveur de politiques et denormes nationales qui encourageront lescommunautés à assumer leurs propresproblèmes d’assainissementLes agences de développement quiadoptent l’approche ATPC devraientplaider en faveur de normes et politiquesnationales qui puissent permettre une miseen œuvre efficace et des résultats soutenus.Par exemple, les normes du gouvernementau Burkina Faso prescrivent seulementquatre modèles acceptables de latrinespour les communautés rurales. Cela bridela liberté de choix des communautés enfonction de leurs préférences et desressources disponibles. En outre, lesmodèles de latrine admissibles sont trèscoûteux dans les zones rurales du BurkinaFaso par rapport aux revenus moyens, cequi rend essentielle la politique dugouvernement qui consiste à fournir unesubvention de 90 % du montant. Par lebiais de ce programme d’assainissement enzone rurale, le gouvernement espère

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accélérer la cadence à laquelle les OMDpeuvent être atteints et encourager égale-ment les parties prenantes à fournir desinstallations durables. Mais pour lescommunautés qui n’ont pas la chanced’être retenues par ce genre de programme,ces normes peuvent suggérer que l’as-sainissement est un luxe auquel les pauvresn’ont pas le droit et qu’il vaut mieux qu’ilsattendent leur tour.

Conclusion L’approche ATPC a pris de l’ampleur etattiré l’attention de beaucoup d’agences dedéveloppement qui souhaitent l’adopterdans leur contexte national. La pléthore delittérature florissante désormais disponible

sur l’ATPC confirme cette tendance. Toutefois, d’une adaptation à l’autre,

l’approche ATPC est susceptible de subirdes déformations défavorables si lesagences de développement omettent d’in-ternaliser ses concepts essentiels. Et pouréviter des distorsions prévisibles, il seraitbon de rappeler aux organisations de : • s’abstenir d’introduire des subventions oude spécifier des modèles de latrine par lasuite dans le cadre du processus ATPC ; • d’éviter une formation de type péda-gogique et de maximiser l’apprentissagepar la pratique ; et • d’arrêter de mesurer principalement leslatrines construites pour trouver des façonscréatives d’observer les changements d’at-

• Votre organisation est-elle prête à adopter denouveaux mécanismes de changement decomportement ? Votre personnel est-il capable deparler ouvertement de merde ? Votre personnel est-il à l’aise à l’idée d’exploiter des réactions émotivescomme la honte et le respect de soi pourtransformer les comportements en matièred’assainissement ?

• Comment votre organisation perçoit-elle lescommunautés rurales ? Est-ce que la plupart desmembres de votre personnel estiment qu’elles ontbesoin d’un aide extérieure pour construire deslatrines ? Ou qu’elles ont les ressources et lescapacités requises pour s’attaquer d’elles-mêmes àleurs problèmes d’assainissement ?

• Qui définit les indicateurs de réussite de votreorganisation ? Êtes-vous prêt à laisser lescommunautés définir ce qu’hygiène etassainissement signifient pour elles ?

• Quel rôle les agents de terrain jouent-ils dansvotre organisation ? Êtes-vous prêt à investir dansleurs compétences ? Les responsables de votreorganisation ont-ils un style de leadershipparticipatif ?

• Vos partenaires de mise en œuvre ou vos agentsde terrain sont-ils à l’aise lorsqu’il s’agit de mettreen commun leurs succès et leurs problèmes ?Qu’est-ce qui doit changer dans vos mécanismes dereddition de comptes pour capturer l’apprentissageimportant acquis sur le terrain ?

• Comment s’exprime le succès dans votreorganisation ? Budget dépensé ? Infrastructuresconstruites ? Comportements modifiés ? Qu’est-cequi influence le plus la façon dont vous prenez vosdécisions de tous les jours ?

• Comment sont décidés les objectifs annuels et lesdélais de réalisation de votre organisation ? S’agit-ilplus d’un système de haut en bas (autocratique) oud’un système de bas en haut (démocratique) ?Votre organisation serait-elle prête à céder lecontrôle aux communautés concernant le plan detravail et les délais ?

• Vos processus de planification et de budgétisationsont-ils souples ? Pouvez-vous modifier facilementvotre plan de travail ? Pouvez-vous facilementredistribuer une ligne budgétaire ? De quelle libertédisposez-vous pour saisir les opportunités qui seprésentent ?

• Quel type de dialogues votre organisationentretient-elle avec ses bailleurs ? Comprennent-ilsles réalités de votre organisation et celles duterrain ? Font-ils preuve de souplesse ? Quel estvotre degré d’autonomie financière ?

• Quelles sont les politiques nationales en matièred’assainissement ? Permettent-elles auxcommunautés de décider comment elles devraientconstruire leurs latrines ? Sans subventions ? Dansla négative, dans quelle mesure êtes-vous décidé àtravailler avec le gouvernement pour influencer lespolitiques ?

Encadré 3 : Questions afin de déterminer si votre organisation est prête à adopter l’ATPC

137Adoption de l’ATPC : votre organisation est-elle prête ? Analyse des besoins organisationnels

titude et de comportement. Et comme l ’approche ATPC est

profondément ancrée dans des principesparticipatifs, il faut aussi rappeler auxorganisations que le développementcommence avec les communautés et doitvenir de l’intérieur.

L’adoption de l’ATPC soulève beaucoupde questions auxquelles les agences dedéveloppement auront besoin de répondre– voir p. ex. l’Encadré 3. On espère que cesquestions inciteront les agences dedéveloppement à : • réévaluer la façon dont elles fonction-nent et à modifier leur culture organisa-tionnelle ; • adopter des pratiques différentes sur leterrain ; • remodeler leurs processus organisation-nels ; et • plaider en faveur d’un contexte institu-tionnel porteur.

Pour beaucoup d’organisations et d’in-dividus, cela nécessitera une transforma-tion radicale, ce qui signifie que l’ATPCpourrait se révéler être le point de départd’une profonde mutation de l’industrie del’aide humanitaire.

COORDONNÉESJean-François Soublière Rattaché au personnel du programme africain Ingénieurs sans frontières Canada601-366 Adelaide Street West Toronto (Ontario) M5V 1R9 Canada Tél. +1 416 481 3693 Fax : +1 416 352 5360 Courriel : [email protected] [email protected] web : www.ewb.ca

REMERCIEMENTS J’adresse mes sincères remerciements à Mme Rosine ClarisseBaghnyan et M. Yéréfolo Mallé (WaterAid Burkina Faso) pour leursoutien, leurs avis et leurs commentaires constructifs. Je suiségalement très reconnaissant à M. Jean Claude Bambara, M. Ferdinand Kaboré, Mme Fatoumata Nombré, M. AbdoulkarimSawadogo (Association DAKUPA) pour m’avoir intégré dans leuréquipe de facilitation.

138

Passage à l’échelle 3e PARTIE

139

Le défi de l’assainissement en ZambieEn 2005, le taux officiel de couverture del ’assainissement était estimé par legouvernement de la Zambie à 13 % de lapopulation rurale1. Le programmecommun de surveillance du Fonds desNations Unies pour l’enfance et de l’Or-ganisation mondiale pour la santé(UNICEF/OMS) (JMP) plaçait le taux decouverture de l’assainissement à 52 %(2007) et il était estimé que 32 % desruraux zambiens déféquaient à l’air libre.2

Compte tenu du taux actuel de progression,la Zambie n’atteindra pas la cible pour l’as-sainissement de l’Objectif du Millénairepour le développement (OMD) qui est de66 % d’ici à 2015. Il est donc impératif quel’accès à l’assainissement soit rapidementmis à l’échelle.

Toutefois, les approches passées enmatière d’assainissement dans les ménageset les communautés n’ont pas débouché surdes hausses adéquates du taux de couver-

ture de l’assainissement. Après l’indépen-dance, la stratégie pour la promotion de l’as-sainissement a changé, passant de la miseen application à la fourniture par legouvernement ou par un organismehumanitaire. Les projets étaient fortementsubventionnés par les pouvoirs publics, lesbailleurs ou les ONG et impulsés par l’offre.Cela s’est traduit par un accroissement dutaux de couverture de l’assainissement dansdes zones de projet spécifiques mais un tauxd’utilisation généralement bas. L’étenduegéographique de ces projets était aussi trèslimitée (basée sur le choix d’emplacementpar les bailleurs et la disponibilité de fonds),ce qui laissait la majeure partie du pays sansservice. Durant le projet PHAST (Partici-pation à la transformation de l’hygiène et del’assainissement) soutenu par l’UNICEFdans 26 des 72 districts de la Zambie (1997-2007), il a fallu deux ans pour atteindre unecouverture de 20 % dans chaque village,même avec de grosses subventions.

1 Défini comme le nombre de toilettes rapporté au nombre de ménages.2 Le reste de la population rurale utilise des toilettes non améliorées, qui sont inférieuresaux normes applicables au modèle de latrine améliorée à fosse ventilée (VIP). Le chiffredu JMP est plus réaliste car il comprend les toilettes non améliorées.

par GIVESON ZULU, PETER HARVEY et LEONARD MUKOSHA

Révolutionnerl’assainissement enZambie : mettrel’ATPC à l’échelle 10

61 l Giveson Zulu, Peter Harvey et Leonard Mukosha140

Une nouvelle approche : pilotage del’ATPCCompte tenu des contraintes historiquesassociées à la fourniture d’assainissement,le gouvernement de la Zambie et ses parte-naires de coopération ont donc tentéd’identifier de nouvelles stratégies pouraccélérer les progrès vers la cible des OMD.En 2006 et 2007, les pouvoirs publics ontrédigé leur Programme national d’eau etd’assainissement en zone rurale (NRWSSP2006-2015). Ils voulaient faire de l’octroide subventions une politique officielle de lafourniture de services d’assainissement.Toutefois, la majorité des bailleurs étaientopposés à l’utilisation de subventions pourpayer les matériaux de construction. Cela adonné l’occasion d’essayer l’approche d’As-sainissement total piloté par la commu-nauté (ATPC) – une approche qui renonceaux subventions. C’était la première foisqu’une approche sans subvention étaitessayée en Zambie.

Après sa résistance initiale, le ministèrede Collectivités locales et du Logement(MCLL) a décidé de tester l’ATPC en asso-ciation avec l’UNICEF, pour voir dansquelle mesure ce pourrait être une stratégieefficace pour la mise en œuvre de l’as-sainissement rural. C’est le district deChoma dans la province méridionale de laZambie qui a été retenu pour piloter leprojet car le taux de couverture de l’as-sainissement n’y était que de 27 %. Legouvernement a insisté pour que l’approchene soit pas introduite ou mise à l’échelle endehors du district de Choma sans testerd’abord son impact (positif ou négatif).

Le projet pilote a commencé en novem-bre 2007 avec un atelier de formationpratique facilité par Kamal Kar, le pionnierde l’approche ATPC en Inde. L’atelier a étéinauguré par le Secrétaire permanent auministère des Collectivités locales et duLogement (MCLL) et des représentants dugouvernement national y ont assisté, ainsique des agents des collectivités locales deChoma, de l’UNICEF, de la communautédes bailleurs et des ONG. Lors de la forma-tion, les participants ont déclenché 12 villages pilotes. Toutefois, les chefs tradi-tionnels, les gestionnaires civiques et lesmédias n’avaient pas été invités à cetteformation et Kamal Kar regrettait que leschefs traditionnels n’aient pas assisté àl’atelier. C’est pourquoi, lorsqu’il a aperçul’un des chefs dans un restaurant local, il asaisi l’occasion pour l’inviter au dernier jourde l’atelier (Encadré 1). Cette rencontre s’estrévélée un très heureux hasard !

Les agents de district, les techniciens ensanté environnementale (TSE) et lepersonnel des ONG de Choma ont assuréun suivi dans les 12 villages pilotes ayantfait l’objet d’un déclenchement pour s’as-surer que le processus d’après-déclenchement de l’ATPC était soutenu etcontrôlé. Au bout de trois mois, le taux decouverture de l’assainissement était passéde 27 à 88 % dans les 12 villages pilotes.Dickson Muchimba, le chef du village deSiatembo, district de Choma, s’est dit stupé-fait par les progrès accomplis. « Ceprogramme est un miracle. Désormais, levillage est propre et chaque maison disposede toilettes. » Une augmentation aussi rapide

Le dernier jour de l’atelier, Son Excellence le Chef Macha a été repéré prenant son déjeuner à l’autre boutd’un restaurant. Kamal Kar s’est rendu à la table du Chef Macha. Il l’a informé que durant les deux journéesprécédentes, il s’était rendu dans des villages sous la coupe du Chef Singani et y avait trouvé beaucoup demerde. Il lui a ensuite précisé que si nous décidions de venir dans sa chefferie, nous y trouverions beaucoupde merde aussi. « Mais je ne pense pas que nous puissions dépasser le volume de merde observé en Inde, »a répliqué le Chef Macha. Kamal Kar a poursuivi d’un ton plutôt froid : « Nous sommes en train de finaliserl’atelier aujourd’hui, si vous avez le temps, passez nous voir pour écouter les présentations des villageois. » Lorsque le Chef Macha a entendu les présentations des villageois des 12 villages pilotes, quelque choses’est allumé en lui qui l’a transformé en véritable ambassadeur de l’ATPC. « Chaque ménage de machefferie doit avoir des toilettes. Une famille, une toilette ! »

Encadré 1: Heureux hasard ou à quelque chose malheur est bon

141Révolutionner l’assainissement en Zambie : mettre l’ATPC à l’échelle

du taux de couverture et d’utilisation deslatrines n’avait jamais été atteinte en Zambiedans le cadre des projets d’assainissementsubventionnés organisés dans le passé.

Passage à l’échelle dans le district deChoma Compte tenu de la taille du projet piloteinitial de 12 villages, le conseil de district etles cinq chefs du district de Choma avaienthâte de mettre l’approche à l’échelle dansl’ensemble du district. Puisque le suivi dupilote impliquait du personnel des pouvoirspublics, des ONG, des médias, certainschefs traditionnels et des responsablesciviques élus (conseillers), il a été proposéune approche ATPC sur trois fronts. Elletirait parti : • des connaissances des experts techniques(gouvernement et personnel des ONG); • du pouvoir civique/politique desconseillers élus ; et • de l’autorité traditionnelle des chefscoutumiers.

Les conseillers élus de chaque parti poli-tique du district ont ensuite été forméscomme facilitateurs ATPC, de même quetous les chefs et les TSE. Cela a permisd’élargir le vivier de facilitateurs disponiblespour les sessions de déclenchement del’ATPC et de renforcer les capacités de miseen œuvre de l’ATPC dans chacune des 24 communes rurales du district de Choma.Tandis que la phase pilote s’attachait unique-ment à mettre fin à la défécation à l’air libre,le lavage des mains était désormais comprisdans l’approche ATPC révisée.3 Le slogan, « Une famille, une toilette !» s’est étoffé pourdevenir « Une famille, une toilette, undispositif de lavage des mains ! ».

Dans le district de Choma, les différentsgroupes impliqués dans l’ATPC ont été

réunis par le biais du Comité plurisectorieldu district pour l’eau, l’assainissement etl’éducation à l’hygiène (D-WASHE), présidépar le Conseil du district.4 Une équipe dedistrict chargée du Programme conjoint desurveillance (JMPT) pour l’assainissementa également été mise sur pied, présidée parle Chef Macha. La JMPT comprend lecommissaire de district, le maire, le secré-taire de mairie, le directeur de la santé dudistrict, des chefs, des conseillers etreprésentants des services techniques auniveau du district, y compris les organesjudiciaires et la police. Le comité JMPTsurveille l’ATPC et vérifie le statut FDAL(fin de la défécation à l’air libre) alors que lecomité D-WASHE se penche sur l’approvi-sionnement en eau et l’assainissement engénéral.

Succès dans le district de Choma Entre novembre 2007 et juillet 2009, 635des 814 villages que compte le district deChoma ont fait l’objet d’un déclenchementselon l’approche ATPC. Sur ce total, 551villages ont été vérifiées comme FDAL. Lesvillages restants ayant fait l’objet d’undéclenchement sont à différents niveaux decouverture d’assainissement. Environ 25 000toilettes ont été construites par desménages sans subvention pour l’achat dematériel et plus de 150 000 personnes ontgagné accès à un assainissement durantcette période. La couverture globale de l’as-sainissement à travers le district est passéede 27 à 67 %. Par conséquent, la cible desOMD de 66 % a été atteinte, même si 20 %des communautés du district n’ont pasencore fait l’objet d’un déclenchement etmême s’il reste encore des problèmes àsurmonter, y compris certaines traditionslocales (p. ex. ne pas utiliser les mêmes

3 Le lavage des mains après avoir fait ses besoins et avant de manipuler/préparer le repasest tout aussi important que de mettre fin à la défécation à l'air libre pour empêcher lapropagation des maladies transmissibles. 4 Le Comité D-WASHE est présidé par le Conseil du district et composé de l’Unité WASHEdu Conseil du district, des services techniques au niveau du district (y compris les Affairesliées à l’eau, la Santé, l’Éducation, le Développement communautaire, l’Agriculture et lesCoopératives, la Foresterie et les Ressources naturelles, etc.) et des ONG. Le D-WASHE estun sous-comité du Comité de coordination du développement du district (DDCC) présidépar le Commissaire de district.

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toilettes que sa belle-famille) et des diffi-cultés pour procéder à un déclenchementdans certains villages particulièrementreculés.

La Figure 1 résume les conclusionsd’une enquête sur la qualité des toilettesdans les communautés ATPC ( juillet2008). L’enquête a révélé que 99 % destoilettes étaient en service et que 88 % avaitune surface où s’accroupir lisse et propre,ce qui est conforme à la définition retenuepour les OMD/le Programme nationald’approvisionnement en eau et d’as-sainissement en milieu rural (NRWSSP).L’enquête a également montré que près de80 % des toilettes disposaient d’un disposi-tif pour le lavage des mains.

Passage à l’échelle dans les autresdistricts S’inspirant des leçons tirées du district deChoma, l’approche ATPC est désormaismise en œuvre dans neuf districts deZambie. L’ATPC a été adoptée comme l’unedes stratégies nationales pour la promotionde l ’assainissement rural dans le

Programme national d’assainissement et legouvernement de Zambie envisaged’élargir le programme à ses 72 districts. LeChef Macha a été désigné comme ambas-sadeur de l’ATPC et M. Mukosha commeCoordonnateur national pour l’ATPC, afinde déployer l’approche à travers le pays. Leslogan du Chef Macha « Une famille, unetoilette ! » a été adopté par la campagnegouvernementale « Pour une Zambiepropre et en bonne santé ! », conçue pouraméliorer l’assainissement dans l’ensembledu pays.

D’après James Phiri, Technicien ensanté environnementale (TSE) à l’hôpitaldu Chef Macha :

Les gens sont mieux informés sur la préven-tion des maladies et ils s’y intéressentdavantage. Les femmes, les hommes et lesenfants prennent tous part à des activitésd’assainissement. Ils jouent tous un rôledynamique dans la construction et l’entre-tien des latrines. Les Groupes d’action pourl’assainissement (SAG) veillent à la surveil-lance du village et au soutien des ménages.5

5 Durant le processus de déclenchement, des leaders naturels sortent du lot et sontsélectionnés pour diriger la révolution de l’assainissement dans leur village. Ils forment desGroupes d’action pour l’assainissement composés de cinq hommes et cinq femmes et sontformés afin d’aider les ménages, de surveiller les progrès dans chaque village et de déclarer lestatut FDAL une fois qu’il est atteint. La vérification du statut FDAL est ensuite entreprise parles conseillers et les TSE au niveau de la commune et par les chefs au niveau de la chefferie.

Figure 1 : Résultats de l’enquête sur la qualité des toilettes dans les communautés ATPC

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143Révolutionner l’assainissement en Zambie : mettre l’ATPC à l’échelle

Les ménages comprennent l’importanceque revêtent l’utilisation correcte deslatrines et leur nettoyage régulier en veil-lant à ce que le dispositif de lavage desmains soit toujours doté d’eau. Pour lelavage des mains, beaucoup de famillesutilisent de la cendre en l’absence de savon,car c’est le moyen le meilleur marché et leplus accessible au niveau des ménages.

Leçons tirées de Choma et des autresdistricts La mise à l’échelle de l’ATPC a eu lieu danshuit autres districts de Zambie en 2008-2009. À la fin de 2009, plusieurs districtsont exprimé le souhait de dépasser lerecord de Choma et de devenir FDALencore plus vite. Les résultats dans cesnouveaux districts ont été encourageants.L’introduction a été plus facile car cesdistricts ont pu tirer profit des acquis et dela structure de gestion adoptée suite à l’ex-périence de Choma. Cependant, il faut fairepreuve de beaucoup de souplesse dans lamise en œuvre de l’approche ATPC car denouvelles bonnes pratiques et desenseignements ne cessent de se dégager aufil du déploiement de l’ATPC dans d’autreszones, districts et provinces de Zambie.

Une approche plurisectorielle impulsée parle gouvernementL’implication de tous les ministères perti-nents en veillant à ce que l’ATPC soitpilotée et impulsée par le gouvernement esttout à fait critique pour le succès de l’ATPCen Zambie. Cette fonction revient à laJMPT, qui réunit des représentants desministères ainsi que des chefs élus et coutu-miers. Le Chef Macha est président de laJMPT de Choma et toutes les partiesprenantes du district lui rendent comptedes questions touchant à l’assainissement.Cette structure a été dupliquée dans tousles districts avec beaucoup de succès. Si laprésidence était confiée au responsabled’un service technique, il est peu probablequ’il aurait la même position d’influencequ’un chef. Il est aussi probable quecertains services techniques et d’autresparties prenantes refusent de lui rendre descomptes car il existe souvent de la concur-rence entre plusieurs services.

Dans deux districts, les tentatives d’in-troduction de l’ATPC par des ONG ont étébeaucoup moins réussies car, au départ,elles n’ont pas eu recours aux structuresgouvernementales, civiques ou tradition-nelles, ce qui a réduit l’implication desprincipales parties prenantes.

Les services gouvernementaux, les chefstraditionnels et les leaders civiques réagis-sent tous très bien lorsque le gouvernement

Une femme et son enfant se lavent les mains aprèsavoir été aux toilettes.

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Les trois latrines d’un chef de village pour ses troisfemmes et une quatrième pour lui-même et sesvisiteurs.

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est impliqué dans l’ATPC – d’autant plusqu’il n’y a aucune subvention à recevoir dela part des ONG et, par conséquent, lesparties prenantes ne comptent sur aucunesubvention pour leur participation.

Par conséquent, l’UNICEF a encouragédes visites d’échange entre les districts pourveiller à ce que les enseignements tirés del’expérience de Choma soient dupliquésailleurs. De ce fait, les ONG assumentdésormais le rôle de facilitateurs ou deporteurs de projet plutôt que d’être cellesqui mettent en œuvre un projet, et celapermet de récolter de meilleurs résultats.

Des champions locaux L’ATPC repose sur l’identification de cham-pions à bien des niveaux différents. Ainsi,les auteurs ont été des champions depremière ligne de l’ATPC dès son intro-duction. La mise en œuvre réussie et lepassage à l’échelle ont été rendus possibles

grâce aux nombreux champions de l’ATPC :autorités (locales, provinciales etnationales), ONG, UNICEF, organisationsde bailleurs, villages, leaders naturels, chefsélus, le secteur privé et les mass-médias(théâtre, journaux, radio et TV). Les cham-pions de l’ATPC sont essentiels, que ce soitau niveau du village, de la commune, de lacirconscription, du district, de la province,du pays ou de l’organisation. Le ChefMacha et Leonard Mukosha ont été deschampions du district de Choma qui sesont révélés exceptionnellement talentueuxet sont maintenant devenus les ambas-sadeurs nationaux de l’ATPC. Les cham- pions doivent être dynamiques, passionnéset patients à mesure qu’ils guident leprocessus ATPC, les organisations, lespopulations et d’autres champions, au-dessus ou au-dessous d’eux, à se donner lesmoyens de faire du projet un succès. Leschampions sont identifiés au sein des

Chef Macha et l’équipe de district inspectent une latrine familiale dotée d’un dispositif extérieur de lavagede mains.

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145Révolutionner l’assainissement en Zambie : mettre l’ATPC à l’échelle

leaders du gouvernement, des autoritéscoutumières ou civiques durant la forma-tion et le processus de déclenchement parla démarche d’appropriation dont ils fontpreuve en faveur de la promotion et de lamise en œuvre de l’approche ATPC.

Les chefs coutumiers sont les gardiensde tous les citoyens et ils sont intéressés parla santé et le bien-être économique et socialde leur peuple. Le Chef Macha s’est servi deson statut pour plaider en faveur d’unmeilleur assainissement auprès d’une foulede parties prenantes, depuis les ministresd’État jusqu’aux conseillers élus en passantpar d’autres chefs et par des communautésrurales (y compris la sienne). Comme l’af-firme la représentante d’UNICEF Zambie,Lotta Sylwander :

Le Chef Macha a été l’un des principauxmoteurs de changement dans la mise enœuvre de l’assainissement total piloté parla communauté en Zambie, non seulementdans sa chefferie, qui a été la première deZambie à décrocher le statut FDAL, maisaussi dans le pays tout entier.

Le Chef Macha a récemment renduvisite au Litunga, le Roi de toute laprovince occidentale de Zambie, à la suitede quoi le Litunga a accueilli le programmeATPC à bras ouverts et il a décidé desoutenir sa mise en œuvre dans sonroyaume.

Impliquer des chefs élus et coutumiersLe fait de faire appel à des responsablesciviques s’est aussi révélé très bénéfique pourle programme ATPC en Zambie. Il existe desdécideurs locaux qui promulguent les décretsau niveau du district. Les respon sablesciviques sont les gardiens du développementdans leur commune et ils comprennent lebesoin de s’impliquer dans l’ATPC et denettoyer leur zone. Les responsables civiquessont élus par les citoyens communaux et sontdonc chargés du bien-être des citoyens dansleurs communes. Davantage de villages fontdésormais l’objet d’un déclenchementcontinu par des conseillers civiques élus, deschefs coutumiers et des chefs de village ayantreçu une formation. Les responsablesciviques comme le Conseiller Kabaza dudistrict de Choma se sont imposés comme deformidables facilitateurs dans leurscommune, favorisant parfois le déclenche-ment en faveur de l’ATPC alors qu’ils agis-saient seuls. Le Conseiller Kabaza a étésurnommé « Dr Mazyu ! », ce que l’on peuttraduire par « Dr Merde ! ». « Ils m’appellentDr Mazyu ou Dr Merde parce que je parletout le temps de merde, » explique leConseiller Kabaza.

L’approche ATPC en Zambie parvient àmettre à profit le rôle des chefs coutumiers,en en faisant un élément essentiel de lastratégie actuelle de mise à l’échelle del’ATPC dans l’ensemble du pays. En mai2008, au cours de l’Année internationale

Article de presse rédigé par le journaliste zambien Newton Sibanda : « Le Chef Macha dirige l’assaut del’assainissement ».

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de l’assainissement, le Chef Macha a misson peuple au défi de dépasser la cible desOMD en matière d’assainissement dans sachefferie dans un délai de deux ans. Celatémoigne d’une vision et d’un leadershipremarquables puisque, dès juillet 2009, les105 villages de sa chefferie avaient faitl’objet d’un déclenchement ATPC et ladéfécation à l ’air libre avait déjà étééradiquée dans l’ensemble de la chefferieMacha. La couverture d’assainissement adoublé, passant de 50 à 100 % en moins dedeux ans. « En tant que Chef, vous ne devezpas être distant. Vous devez être avec votrepeuple, toujours garder votre porte ouverte,toujours partager leur bonheur » expliquele Chef Macha. Son dévouement enversl’ATPC a été reconnu en novembre 2009par le Conseil des ministres africainschargés de l’eau (AMCOW), lorsque l’or-ganisation lui a décerné le premier prixpour son leadership, citant son « approcheproactive totalement unique pour plaideren faveur d’un meilleur assainissement »en Zambie. Le Prix AfricaSan de l’AMCOWrécompense les efforts et les accomplisse-ments d’excellence en matière d’hygiène etd’assainissement en Afrique, qui donnentlieu à des changements de comportementde grande ampleur et durables et à desimpacts tangibles6. Le Chef Macha a réussigrâce à son engagement exceptionnelenvers la santé et le bien-être général deson peuple. De par tradition, les citoyensappartiennent à une chefferie et leur chefassume la responsabilité traditionnelle surces zones. La leçon à tirer ici est que plusles chefs s’impliquent dans l’ATPC danschaque district, plus l’ATPC peut réussirdans leur chefferie.

Impliquer les médias dès le départL’engagement des mass-médias interna-tionaux, nationaux et locaux est aussi unestratégie clé dans la mise en œuvre et lepassage à l’échelle de l’ATPC. L’implicationdes mass-médias permet de garantir lareconnaissance et l’appropriation par lesparties prenantes et le gouvernement. Lesmédias relatent la révolution de l’ATPC etcela fait la une des journaux – par exemple,lorsque le ministère de la Santé a plaidépour que l’ATPC soit déployé dans l’ensem-ble du pays. Surtout, du fait de la couver-ture médiatique nationale du succès del’ATPC à Choma, l’approche a désormaisété adoptée comme l’une des stratégiesd’assainissement clés dans le programmenational du gouvernement pour les appro-visionnements en eau et l’assainissementen zones rurales, conçu pour atteindre lacible de l’Objectif du Millénaire pour ledéveloppement (OMD). Dès le départ, lesmembres du réseau environnementalmédiatique zambien ont été mobiliséspuisqu’ils avaient déjà un intérêt dans lesquestions liées à l’environnement commel’assainissement. Toutefois, les médiasgouvernementaux, privés et communau-taires sont désormais tous impliqués carl’ATPC a fait la une des journaux. Des arti-cles sur les travaux ATPC dans la presse,des reportages à la radio, sur Internet oupubliés à la télévision à Choma et dansd’autres districts ont aussi débouché sur unregain d’intérêt de la part d’autres partiesprenantes, chefs coutumiers et politiciens.

Des professionnels locaux et desgroupes scolaires d’art dramatique ont étéefficaces au niveau de la communauté etdes écoles pour promouvoir l’assainisse-

Une scène récente de Banja dépeint une jeune actrice surprise par un acteur alors qu’elle revenait de faireses besoins en plein air. Il lui demande d’où elle vient. « Je suis allée rendre visite à un ami » lui répondl’actrice, d’un air coupable. « Comment as-tu pu aller voir un ami ? C’est la brousse de ce côté du village. Disà tes parents de te construire des toilettes pour que tu n’aies plus à déféquer à l’air libre » lui suggère alorsl’acteur.

Encadré 2 : Banja, un feuilleton à la télé zambienne, se fait le champion de l’ATPC

6 Conférence africaine sur l’assainissement et l’hygiène (AfricaSan).

147Révolutionner l’assainissement en Zambie : mettre l’ATPC à l’échelle

ment et une meilleure hygiène, y comprisune sensibilisation au genre et au sida.L’UNICEF s’est aussi récemment associéavec une chaîne de télévision locale qui afait figurer l’ATPC dans Banja, un feuil-leton très populaire, qui se déroule dans unvillage rural, afin de diffuser l’approcheencore plus largement. À travers toute laZambie, les gens regardent Banja tous lesjours de la semaine ; donc, le feuilletoncontribue à informer les gens et à leurdémontrer de meilleures pratiques enmatière d’eau, d’assainissement et d’hy-giène (voir l’Encadré 2).

Être souple Les champions de l’ATPC – qu’il s’agissed’individus ou d’organisations – ont besoinde souplesse pour permettre la modifica-tion et l’adaptation de l’approche ATPC. Lemodèle de Choma a évolué avec le temps etil a été suffisamment souple pour permet-tre l’adaptation et la modification de l’ap-proche ATPC d’une part mais aussi de lastructure organisationnelle à tous lesniveaux. La souplesse est aussi très impor-tante pour déterminer qui sera inclus auxdifférents niveaux comme partiesprenantes ou comme champions de l’as-sainissement. C’est ainsi que les médias, leschefs traditionnels, les responsablesciviques et les forces de l’ordre sont devenusimpliqués dans le mouvement pour l’As-sainissement total piloté par la commu-nauté en Zambie.

L’expérience de Choma a montré qu’ilfaut beaucoup de flexibilité dans la dépensedes fonds et dans le calendrier de mise enœuvre et de passage à l’échelle de l’ATPC.Les champions doivent faire preuve depugnacité et les organisations de défensede l’ATPC doivent disposer de leurs propresfonds pour être flexibles en fonction de lavitesse variable avec laquelle les différentescommunautés, communes, chefferies etdistricts parviennent à mettre fin à la défé-cation à l’air libre. Comme les 20 % desvillages restants dans le district de Chomasont les plus éloignés de l’administration du

district, il faudra peut-être des années etplus de dons pour qu’ils parviennent àmettre fin à la défécation à l’air libre. Il estimportant de souligner que, malgré le faitque l ’ATPC ne soit associé à aucunesubvention pour l’achat de matériel, uninvestissement non négligeable est tout demême requis en termes de formation, desuivi, de gestion des données, de suivi desprogrès et d’évaluation. Le coût de l’ATPCdans le district de Choma a été d’environ400 dollars US par village FDAL, US$14par ménage pratiquant un meilleurassainissement et US$2,3 par habitant. Ilse peut que ces coûts diminuent à mesureque l’approche ATPC gagne davantage decommunautés.

Suivi et évaluation Comme la mise en œuvre de l’ATPC agagné du terrain, il est devenu essentiel quele programme fasse l’objet d’un suivirigoureux et d’une stricte gestion desdonnées. Pour que cela s’inscrive dans ladurée, le système de gestion de l’informa-tion du programme gouvernementalNRWSSP a été déployé dans l’ensemble dupays afin d’enregistrer avec précision leschangements apportés à la fourniture deservices d’eau et d’assainissement. Cesenregistrements peuvent être validés etvérifiés par les rapports des SAG desvillages à chaque JMPT. Une documenta-tion rigoureuse des résultats du suivi et del’évaluation et leur diffusion par une variétéde moyens sont aussi importants pourencourager l ’adhésion à l ’ATPC et lapromotion de son passage à l’échelle. Lesuivi considère essentiellement les signesqui témoignent d’un changement decomportement dans les ménages et lescommunautés comme il ressort du nombrede toilettes construites, de toilettes enservice (ou de défécation à l’air libre), de laqualité des toilettes (surface lisse et propreoù s’accroupir), de la propreté des toilettes,de toilettes dotées d’un dispositif de lavagedes mains avec de l’eau, du savon, de lacendre ou d’autres matériaux pour le lavage

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des mains, de la gestion des déchets solides,de la propreté générale du village, etc. LeSAG rend compte au chef du village et auresponsable civique de la commune et ilutilise une liste de contrôle pour le suivi.Toutefois, les problèmes sont inhérents à lafréquence du suivi et de l’établissement derapports.

Adaptation locale de l’approche ATPC

Assainissement urbain et périurbainLorsque l’équipe de surveillance conjointepour l’assainissement à Choma (JMTS)s’est fixé pour objectif de faire de Choma undistrict sans défécation à l’air libre, l’ATPCa dû aussi être mis en œuvre dans les zonesurbaines et périurbaines du district. Toute-fois, les tentatives initiales n’ont eu qu’unsuccès limité, surtout dans les quartiers lesplus urbanisés, en raison de la prédomi-nance de ménages locataires, de la fortedensité démographique et des structurescommunautaires plus faibles. Parconséquent, la JMTS a décidé d’adapterl’ATPC et de compléter le programmeATPC dans les zones rurales par unprogramme de mise en application forcéedans les zones urbaines et périurbaines.Cela visait à garantir un assainissementadéquat dans les institutions, les lieuxpublics et les ménages locataires commeprescrit par la Loi de Zambie sur la santépublique. L’axe principal de cette approcheétait de mettre en place un mécanismepour la mise en application des différentsinstruments législatifs qui dissuadenttoutes formes de nuisances publiques et derenforcer tout en les harmonisant les rela-tions de travail entre les différentes partiesprenantes et les autorités locales. Si cetteapproche est certes très différente de l’ap-proche ATPC stricto senso dans les zonesrurales, certains aspects du déclenchementcontinuent de s’appliquer et la sensibilisa-tion de la communauté créée par l’ap-proche ATPC a démontré que le milieupeut être amélioré et que les communautéspeuvent se développer sans aide extérieure.

Autonomisation socio-économique au-delàde l’ATPCOutre l’accroissement du taux de couver-ture et d’utilisation des toilettes, l’approcheATPC a débouché sur une série d’autresinitiatives impulsées par la communauté.Parmi celles-ci figurent la plantation d’ar-bres fruitiers, la santé (y compris la préven-tion du VIH/sida), la promotion del’éducation (notamment dans le cas desfilles) et des mesures de protection de l’en-vironnement. On a aussi noté un intérêtsignificatif de la part d’autres secteurs pourmettre à profit les leçons tirées de l’ATPCafin de considérer d’autres aspects duchangement socio-économique. « Nousdevrions toujours réfléchir à ce que nouspouvons faire par nous-mêmes » ne cessede répéter le Chef Macha.

Conclusion De toute évidence, on peut tirer beaucoupde leçons de l’expérience ATPC en Zambie.On relate beaucoup de succès avec l’ATPCà Choma et dans les huit autres districtsmais il y a aussi beaucoup de défis que nousdevons relever pour réussir. • Le multisectoralisme et le leadershipsont critiques pour une réussite durable del’ATPC. Bien que l’ATPC ait été dirigé p. ex.par des ONG et des services gouverne-mentaux, d’autres parties prenantescomme les leaders civiques et traditionnelsont besoin de travailler avec les pouvoirspublics, même si le processus devrait aufinal être impulsé par le gouvernement. Leleadership à différents niveaux, et notam-ment le leadership gouvernemental (auniveau du district, de la province et dupays) a contribué à un passage à l’échellerapide de l’ATPC en Zambie. • L’implication des médias dès le départcontribue à diffuser l’approche ATPC età promouvoir la participation de toutes lesparties prenantes. Les médias ontcontribué à l’adoption de l’ATPC commel’une des principales stratégies pour la four-niture d’un assainissement rural pour laréalisation de la composante assainisse-

149Révolutionner l’assainissement en Zambie : mettre l’ATPC à l’échelle

ment du Programme national pour l’eau etl’assainissement en zones rurales. • Le passage à l’échelle de l’ATPC devraitse baser sur l’expérience. Sur la base del’expérience acquise dans les neuf districtsactuels, le gouvernement de Zambie envi -sage de déployer l ’ATPC dans ses 72districts afin d’atteindre la cible des OMDen matière d’assainissement. • Le passage à l’échelle de l’ATPC exige unsuivi rigoureux, une documentation etune diffusion par une foule de moyens. • La mise en œuvre et le passage àl’échelle de l’ATPC exigent aussi de lasouplesse en termes d’adaptation de l’ap-proche en fonction des circonstances, ducalendrier et des moyens de financementpour son succès. • L’adaptation locale de l’approche ATPCdevrait se produire là où les conditionssocio-économiques et démographiquessont différentes, par exemple dans les zonesurbaines et périurbaines. Le mouvementATPC est un bon point d’entrée pourpromouvoir d’autres aspects économiqueset sociaux des communautés dans un soucide pérennité.

Il est espéré que l’expérience ATPC enZambie et les travaux du Chef Machasauront inspirer d’autres chefs, du person-nel de district et des communautés àtravers le continent pour prendre le pro -blème de l’assainissement à bras le corps etaméliorer la santé globale de la population.

61 l Giveson Zulu, Peter Harvey et Leonard Mukosha150

COORDONNÉESGiveson Zulu Expert en Eau, Assainissement et Hygiène Fonds des Nations Unies pour l’enfance(UNICEF) Box 33610 Lusaka ZambieTél. +260211 252055 ; +260977 855536 Courriel : [email protected] Site web : www.unicef.org

Peter Harvey Conseiller senior Eau, Assainissement etHygiène (WASH) Fonds des Nations Unies pour l’enfance 3 UN Plaza, New York NY 10017 États-UnisTél. +1 212 303 7957 ; +1 917 294 4540 Courriel : [email protected] Site web : www.unicef.org

Leonard Mukosha Coordonnateur national ATPC Équipe de gestion de la santé du district deChoma ChomaZambie Tél. +260977 103271 ; +260977 855536 Courriel : [email protected]

RÉFÉRENCES Kar, K et K. Pasteur (2005) Subsidy or self-respect? Community-Led

Total Sanitation: An update on recent developments. IDS WorkingPaper 257. Institute of Development Studies : Brighton, Royaume-Uni. En ligne : http://tinyurl.com/IDS-WP-257 URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/sites/communityledtotalsanitation.org/files/wp257_0.pdf

MLGH (2007) National Rural Water Supply and SanitationProgramme (2006-2015). Ministère des Collectivités locales et duLogement, gouvernement de la République de Zambie.

OMS/UNICEF (2006) Coverage Estimates: Sanitation. Programmecommun de surveillance de l’approvisionnement en eau et del’assainissement.

151

Introduction de l’approche ATPC auZimbabwe Dans cet article, je décris l’introductionpilote de l’approche ATPC par Plan Inter-national au Zimbabwe. En 2008, Plan, parle biais de son bureau régional pourl’Afrique orientale et australe (RESA),recherchait des moyens durables et inéditsd’accélérer la fourniture d’un assainisse-ment salubre dans les communautésrurales de toute la région. C’était un besoinimpérieux. De fait, la couverture de l’as-sainissement au Zimbabwe était tombée de58 % en 1999 à 56 % en 2003, et 46 % en2006. En 2009, on s’attend à ce que ce tauxrecule encore plus, aux alentours de 30 %dans les zones rurales.1

Bien que les approches participativesutilisées jusqu’alors par Plan Zimbabwe enmatière d’assainissement aient été popu-laires auprès des communautés, elles repo-saient sur des subventions, ce qui limitait lepotentiel de mise à l’échelle. Plan a entendu

parler d'une nouvelle approche, l'As-sainissement total piloté par la communauté(ATPC), et a décidé de l’essayer. L’ATPC nepromeut aucun modèle de latrine particulieret ne fournit aucune subvention pour laconstruction de latrines. Elle s’attache àchanger les mentalités pour mettre fin à ladéfécation à l’air libre et encourager lescommunautés à construire des latrines en seservant de matériaux locaux.

Plan a introduit l’approche ATPC auZimbabwe en novembre 2008 à uneépoque où certaines des communautésciblées étaient confrontées à des épidémiesde choléra et à d’autres maladies diar-rhéiques. Le pays était également confrontéà une récession économique sans précé-dent, avec un taux d’inflation supérieur à230 millions pour cent. Malgré ce contextepeu prometteur, des progrès notables ontété réalisés auprès des communautés et dupersonnel des autorités du district pour lesconvaincre de l ’énorme potentiel de

1 Source : Rapport sur l’Indice du développement humain du PNUD, 2008. Ce taux decouverture est basé sur le nombre de latrines conformes aux normes nationales applicablesau Zimbabwe pour la conception et la construction de latrines, la BVIP. Il s’agit d’une normerelativement élevée et le nombre réel de latrines est probablement supérieur.

par SAMUEL RUKUNI

Bousculer les mentalités :l’ATPC et la politiquegouvernementale auZimbabwe 11

61 l Samuel Rukuni152

l’ATPC, transformant même des circon-stances adverses en opportunités (voir aussiChimhowa, dans ce numéro). Toutefois,des problèmes restent à surmonter pourque l’ATPC soit plus largement acceptéecomme approche efficace et durable enmatière d’assainissement au Zimbabwe.

Introduction pilote de l’approche ATPCEn juillet 2008, une équipe centrale dePlan Zimbabwe et de divers autres bureauxpays a suivi un stage de formation deformateurs (FdF) en Zambie, qui a étéfacilité par le pionnier de l’ATPC, KamalKar. Plan Zimbabwe a décidé que lemeilleur point de départ pour les travaux

ATPC était de passer par les Sous-comitésde district pour l’eau et l’assainissement(DWSSC), les institutions chargées decoordonner les activités de l’eau et l’as-sainissement au niveau du district. Cesorganes se composent des agents desministères compétents, des ONG etd’autres partenaires qui travaillent dans lesecteur de l’eau et l’assainissement.

Toutefois, nous étions conscients du faitque cette approche ne serait pas sansprésenter des difficultés. Ces comités dedistrict jadis très dynamiques étaientdevenus plus ou moins léthargiques. Enoutre, le fait de travailler par l’intermé- diaire du gouvernement impliquait de

Les stratégies actuelles d’assainissement et les options technologiques envisageables au Zimbabwe remontentaux recherches entreprises au milieu des années 70 par le laboratoire de recherches Blair du ministère de laSanté. La Latrine améliorée autoventilée Blair (BVIP) a été adoptée comme étant la norme minimale nationaleacceptable pour les latrines en zone rurale. Dans l’esprit des communautés rurales, les « toilettes » sont des BVIP.

Pourtant, les BVIP présentent des inconvénients majeurs : elles sont coûteuses à construire (estimées à US$80-100 par unité) et donc inabordables pour la plupart des communautés rurales. Il faut des subventions si l’on veutque les ménages puissent les construire. Cela incite les communautés à compter sur le gouvernement pourréparer ou reconstruire leurs latrines lorsque c’est nécessaire et les latrines ne sont pas toujours utilisées. Enoutre, les intrants gratuits peuvent être détournés.

Bien que d’autres recherches aient été entreprises pour développer un modèle de BVIP plus abordable, à partirde matériaux localement disponibles à bas prix comme des toits de chaume, la nouvelle BVIP présente toujoursles normes minimales requises et elle reste encore hors de portée de bon nombre de communautés ruralespauvres en l’absence de subventions, subventions que les pouvoirs publics ne peuvent pas se permettre.

Encadré 1 : Le rôle de la BVIP dans les approches d’assainissement au Zimbabwe

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À gauche : un BVIP plus abordable. À droite : le BVIP d’origine

153Bousculer les mentalités : l’ATPC et la politique gouvernementale au Zimbabwe

remettre en question les normes jusque-làadoptées pour la conception de latrines àl’échelle nationale. Les programmes d’as-sainissement du Zimbabwe reposaient surcette idée d’une norme nationale depuis lemilieu des années 70. Toutefois, la normeadoptée – la latrine améliorée autoventiléeBlair (BVIP) – était chère à construire etdonc inabordable pour la plupart descommunautés rurales à moins de leurfournir des subventions (voir l’Encadré 1).L’existence de la norme nationale et lespratiques habituelles de fourniture desubsides faisaient obstacle à l’introductionde l’ATPC dans les sous-comités de districtchargés de l’eau et l’assainissement et dansles communautés.

Malgré cela, une quinzaine de membresdu DWSSC de Mutoko ont été persuadésde prendre part à une formation ATPC enassociation avec du personnel de terrain dePlan, formation durant laquelle ils ontréussi à déclencher les trois premiersvillages. Peu à peu, le nombre de villagesayant fait l’objet d’un déclenchement réussia augmenté et un groupe dechampions/facilitateurs ATPC sûrs d’eux etpassionnés a commencé à émerger au sein

du personnel de Plan et de ses partenairesdu district. Cela a encouragé d’autresmembres du DWSSC à rejoindre lessessions de déclenchement et le nombre devillages décidant de construire des latrinessans bénéficier de soutien extérieur aenregistré une hausse sensible, comme entémoignaient les rapports du personnel deterrain de Plan.

Les sessions de déclenchement se sontpropagées spontanément aux villages voisinspar la diffusion et la pression des pairs et cesvillages ont eux aussi commencé à s’orga -niser pour construire des latrines. Lescommunautés ont développé des modèlesnovateurs qui utilisaient des matériauxdisponibles localement. Plusieurs commu-nautés voisines environnantes se sont trou-vées plus ou moins forcées de construire destoilettes. Cela a attiré l’attention de l'Unitéde coordination nationale (UCN) duProgramme eau et assainissement (voir laFigure 1). Les membres de l’UCN se sontrendus dans certains des villages ayant faitl’objet d’un déclenchement dans le districtde Mutoko afin de préparer la Semainenationale annuelle de l’assainissement(SNA). À l’issue de la visite de terrain, l’UCNa décidé que la SNA 2009 aurait lieu dans ledistrict de Mutoko. Le DWSSC de Mutokos’est chargé des préparatifs et a donc accueillila SNA.

Diffuser la bonne nouvelle concernantl’ATPCLa SNA avait pour thème « Assainissementpiloté par la communauté : un argumentclé pour un environnement sans choléra ».Le clou de la semaine a été une célébrationà laquelle ont assisté le Secrétaire perma-nent du ministère du Développement desinfrastructures et des membres du Comiténational d’action (CNA) pour l’assainisse-ment, constitué des services techniquesministériels, de l’UCN et des DWSSCd’autres districts. Les médias ont égale-ment été invités.

Les communautés et les enfants scola -risés ont préparé des spectacles de théâtre,

Latrine à fosse réalisée à partir de matériaux locaux.

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61 l Samuel Rukuni154

des poèmes et des jeux sur le thème dudéclenchement ATPC ainsi que destémoignages sur ses résultats. Les visiteursont été emmenés faire une marche de tran-sect à travers le village d’accueil afin d’in-specter la zone et de voir certaines deslatrines construites. Si nombre de ceslatrines n’étaient pas conformes à la normenationale BVIP, les responsables despouvoirs publics ont reconnu que les villa-geois avaient néanmoins grimpé d’unéchelon sur l’échelle de l’assainissement.

La visite a été un moyen extrêmementefficace de montrer aux agents haut placésce que pouvait accomplir l’ATPC : le Secré-taire permanent et son équipe sont aujour-d’hui les avocats de « l’Assainissementprogressif piloté par la communauté » auniveau politique, et sont parfaitementconscients de la nécessité de protéger lesnormes d’hygiène et de santé.2 Le rôle desmédias est aussi important pour médiatiserl'approche ATPC, puisque la SNA a étédiffusée sur les chaînes de télévision.

À ce jour, Plan a dirigé l’introduction del’ATPC dans trois autres districts : Kwekwe,Chiredzi et Mutare, grâce à la formation du

personnel de Plan et de membres issus deleurs partenaires et des DWSSC de cesdifférents districts. Ces formations ont aussiculminé sur des sessions de déclenchementdans les villages, puisque la formation ATPCest essentiellement basée sur le terrain.

Remettre en question la norme BVIPSuite à la SNA, la norme minimale BVIPpour les latrines a été passée au crible parles partenaires et les agents gouvernemen-taux de la santé et de l’environnement. Lepersonnel du district a commencé à recon-naître que la norme BVIP était trop élevéepour bon nombre de communautés rurales.Il fallait offrir des opportunités aux commu-nautés et les encourager à se développerprogressivement, en modernisant leurslatrines à mesure qu’elles en avaient lesmoyens. L’ATPC déclenche une action enfaveur de la norme mais commence par destechnologies « du cru » qui tirent parti desressources locales. Les communautésdevraient avoir la possibilité de faire évoluerleur profil d’assainissement le long de « l’échelle de l’assainissement » (Figure 2),en s’encourageant mutuellement à chaque

Figure 1 : Structures de coordination de l’eau et l’assainissement au Zimbabwe

2 On parle d’Assainissement progressif piloté par la communauté lorsque lacommunauté a la possibilité et la liberté de se hisser à l’échelle de l’assainissement enemployant des méthodologies agréées.

Comité national d’action (Services techniques ministériels)

Unité de coordinationnationale (Secrétariat)

Acteurs del’assainissement

/Groupe WASH

ONG

Institutnational de la

recherchesanitaire

Sous-comité provincial de l’eau etl’assainissement

Sous-comité de district pourl’eau et l’assainissement

155Bousculer les mentalités : l’ATPC et la politique gouvernementale au Zimbabwe

étape par un changement de comportementpermettant de passer à l’échelon supérieur.

Transformer les obstacles enopportunitésLa plupart des leaders naturels des commu-nautés dans les villages ayant fait l’objetd’un déclenchement ont accepté l’approcheATPC car elle offre de la souplesse concer-nant les mesures à prendre et ouvredifférentes voies pour trouver des solutionsà l’assainissement local. D’une certainemanière, la situation économique et lecarnage provoqué par l'épidémie de choléraont travaillé en notre faveur. La diminutiondes volumes d’aide au développement et dessubventions accordées au Zimbabwe aconduit les communautés à réaliser qu’ellesdevaient trouver leurs propres solutions auxproblèmes d’assainissement. Le déclenche-ment a également été sensiblement plusréussi dans les communautés qui avaientété touchées par le choléra : l’adhésion àl’ATPC a été sensiblement plus élevée dansles communautés dévastées par le choléra.L’approche ATPC a été accueillie à brasouverts car elle incitait les gens à réfléchir àleur comportement en matière d’as-sainissement et cette attitude était stimuléepar une peur collective du choléra. Lescommunautés ont aussitôt décidé deprendre des mesures et d’accepter l’ap-proche ATPC en guise d’alternative et d’ap-proche à long terme en matièred’assainissement.

Les marches de transect à travers lesvillages ayant fait l’objet d’un déclenche-ment ont montré différents stades de

construction de latrines alliés à un effortdélibéré par les communautés d’enterrerles fèces humaines plutôt que de les laisserà l’air libre (une pratique appelée l’as-sainissement à la manière du « chat »). Est-ce là le premier signe d’un changement decomportement ? Bien qu’aucune communede Mutoko n’ait été déclarée exempte dedéfécation à l’air libre (FDAL), on a unsentiment collectif manifeste de détermi-nation lorsque les communautés s’influen-cent entre elles pour mettre un terme à ladéfécation à l’air libre. Toutefois, Plan doitencore prouver (et cela pourrait ne pas êtrefacile) que l’introduction de l’ATPC a eu unrôle crucial à jouer dans le changement decomportement supposé.

Au niveau du district, Plan a commencéà progresser en convertissant les praticienset partenaires de l’assainissement à l’ap-proche ATPC. Le personnel a progressive-ment adopté l’ATPC après avoir observé lesrésultats et les agents reconnaissent lesproblèmes associés aux approchesantérieures en matière d’assainissement auZimbabwe. Pour être diffusé, l’ATPC doitavoir recours à des individus passionnéscapables d’agir comme des champions ausein de leurs organisations. Les facteursclés ayant contribué au succès de l’ATPCont été les marches de transect à travers leszones de défécation à l’air libre à l’intérieurdu village, notamment le dégoût de voir etde manipuler la merde brute, ce qui boule-verse les usages et la culture.

Le fait de collaborer et de s’associer avecles médias grâce aux photos et aux vidéosprises durant les sessions de déclenchement

Figure 2 : Le modèle de l’échelle de l’assainissement pour les communautés rurales auZimbabwe

Latrine à fosse ventilée avec un dispositif pour le lavage des mains(BVIP – la norme nationale)

Latrine à fosse ventilée

Latrine à fosse non ventilée

L’assainissement à la manière du « chat » (creuser et enterrer)

Défécation à l’air libre

Haut de l’échelle

Bas de l’échelle

61 l Samuel Rukuni156

permet de propager la bonne nouvelle et desensibiliser les décideurs, bailleurs et ONGdiverses à leur responsabilité collective enmatière de fourniture d’un assainissementsalubre pour tous. Des supports d’informa-tion, d’éducation et de communication(IEC) ont été montrés aux partenaires etaux communautés en guise d’outil deplaidoyer et de sensibilisation. Certainescollectivités arrivent maintenant peu à peuà plaider en faveur de l’ATPC. Toutefois,elles arguent aussi que l’approche peut-êtreamalgamée à des modèles participatifs desanté et d’hygiène. Un agent senior dugouvernement a déclaré que « l’ATPC peutêtre adopté au Zimbabwe avec quelquesmodifications ici et là en fonction de nosconditions ». Et un autre d’écrire : « Lesecteur de l’eau et l’assainissement auZimbabwe a approuvé les toilettes VIP enguise de technologie de prédilection…L’adoption de l’ATPC devrait se faire engardant cet aspect à l’esprit. ». Il serait bonqu’il y ait un changement radical de para-digme par les autorités et le leadership quipourrait ensuite être répercuté aux commu-nautés. Plan Zimbabwe continue de fairepression au niveau national pour l’adoptionde l’ATPC. On a espoir que le gouvernementréalisera l’ impact positif qu’une telleapproche pourrait avoir sur la santé et l'hy-

giène des communautés : il ne s’agit pas dechanger les structures d’assainissementmais plutôt de bousculer les mentalités.

Défis posés par l’ATPC

Poursuite des programmes subventionnésLes programmes d’assainissement subven-tionnés financés par les ONG continuentd’opérer au Zimbabwe et restent populairesauprès des communautés car ces intrantssont facilement convertis en valeuréconomique. Le ciment peut être vendu ouéchangé pour couvrir d’autres besoins.S’écarter des programmes subventionnésest un challenge pour certaines ONG carbeaucoup de ces programmes subvention-nés sont désormais bien ancrés dans lesmentalités. Plan s’efforce toujours depersuader tous les partenaires des districtsde s’écarter des subventions et cela se faitpar le biais de plaidoyer et en invitant cespartenaires à nous rejoindre au momentdes sessions de déclenchement ATPC.

Manque de transparence dans lesresponsabilités du secteur de l’eau etl’assainissementÀ l ’ instar de beaucoup d’autresprogrammes et approches en matière d’as-sainissement, l’ATPC souffre d’un manque

Ministère

Santé et bien-êtreinfantile

Ressources en eau

Développement desinfrastructures

Développement descollectivités locales enmilieu rural et urbain

Environnement ettourisme

Responsabilité (assainissement)

Santé environnementale etassainissement

Approvisionnement en eau (milieu rural et urbain)

Infrastructures de l’eau etl’assainissement

Fournitures de service d’eau etd’assainissement

Protection de l’environnement

Agent (représentation)

Agent de santéenvironnementale/Techniciens de santéenvironnementale (CNA/DWSSC)

Ingénieurs/Techniciens hydrologues (CNA)

Ingénieurs/Techniciens de l’eau etl’assainissement (CNA)

Administrateur de district (préside leDWSSC)

Écologiste (DWSSC)

Tableau 1 : Ministères du Zimbabwe impliqués dans l’assainissement

157Bousculer les mentalités : l’ATPC et la politique gouvernementale au Zimbabwe

de ministère de tutelle chargé de l’as-sainissement (Tableau 1). Le gouvernementa créé de nouveaux ministères en faisant sechevaucher diverses responsabilités et, bienque tous ces ministères soient représentésdans les CNA et les DWSSC (voir Figure 1),il existe souvent une confusion quant àleurs responsabilités. En outre, l’UCNéprouve des difficultés pour s’acquitter desa mission car elle manque d’expérience etde personnel qualifié, en raison d’une piètrerémunération et des mauvaises conditionsde travail. Ainsi, Plan a proposé une noteconceptuelle pour introduire l’ATPC auZimbabwe par le biais de l’UCN – et l’UCNl’a ensuite transmise au CNA. Toutefois, ceCNA ne compte aucun expert enassainissement en son sein.

Le succès de l’ATPC au Zimbabweexigera que le gouvernement identifieclairement l’agence ou le département chefde file pour régler les questions d’as-sainissement et la création de championsATPC grâce à la trousse à outils participa-tive en matière de santé et d’éducation àl’hygiène (PSEH).

L’UNICEF a également entamé unecollaboration avec les autorités duZimbabwe pour passer en revue deschangements de politique découlant d’uneanalyse de la situation en matière d’as-sainissement par le biais du groupe d’ac-tion mondial Eau, Assainissement etHygiène (WASH). Toutefois, le grouped’action WASH, dirigé par l’UNICEF etOxfam et composé essentiellement d’ONG,n’a guère de participation ministérielle, etles travaux du groupe d’action ont de toutefaçon été axés sur les interventions huma -nitaires et d’urgence au cours des deux àtrois dernières années, ce qui limite sonintérêt dans de nouvelles approches enmatière d’assainissement comme l’ATPC.

Manque de soutien On sait que d’autres institutions ont ellesaussi été exposées aux concepts ATPC, parle biais du WSSC, comme par exemple l’In-stitute for Water and Sanitation Develop-

ment (IWSD) – une ONG et un acteur clédans les programmes d’eau et d’assainisse-ment au Zimbabwe. Toutefois, l’ATPC n’apas réussi à décoller en raison d’un manquede financement dans leurs budgets deprogramme d’assainissement. Leurs effortsse sont purement limités à sensibiliser lespraticiens de l’assainissement. Même sil’ATPC nécessite moins de ressourcesfinancières (p. ex. elle ne comporte pas desubventions), des investissementssubstantiels en termes de ressourceshumaines restent requis pour surveiller lestatut FDAL du village et continuer d’offrirdes services de santé et d’éducation à l’hy-giène.

Comment aller de l’avant Il est impératif que de nouvelles initia-tives et des innovations soient impulséespar le gouvernement. Les ministèresgouvernementaux sont les gardiens et lesporteurs d’obligations premières pourmettre à l’échelle un bon assainissementpour tous. Bien que l’adoption de l’ATPCau niveau national au Zimbabwe ait ététrès graduelle, les succès au niveau dudistrict et plus bas ont été appréciés.L’agent exécutif du conseil de districtrural de Mutoko déclare :

Nous avons besoin d’élaborer des plansd’action pour mettre le programme àl’échelle de manière à ce que le programmeATPC soit universellement adopté dansl'ensemble du district et finalement dans lepays tout entier (Sigauke, 2009).

Plan Zimbabwe continuera de travailleravec le gouvernement et d’autres parte-naires à améliorer l’assainissement pour lescommunautés rurales par le biais d’ap-proches qui leur donnent les moyens d'ex-ploiter un potentiel d’autonomie viable àlong terme. Les organisations qui travail-lent dans le secteur de l’assainissementdevraient continuer de remettre en ques-tion les approches classiques en matièred’assainissement par le biais d’approches

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COORDONNÉESSamuel Rukuni Conseiller en habitat Plan Zimbabwe 7 Lezard Avenue, Harare Post Bag 7232 Highlands Zimbabwe Tél. +263 04 7916014/737070/735021/737067 Fax: +263 04 796283 Courriel : [email protected] Site web : www.plan-international.org

RÉFÉRENCES Kar, K. et R. Chambers (2008) Guide de l’Assainissement Total Piloté

par la Communauté. Plan : Royaume-Uni et Institute ofDevelopment Studies (IDS): Brighton, Royaume-Uni. En ligne :http://tinyurl.com/CLTShandbook. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/resource/handbook-community-led-total-sanitation

Sigauke, P. (2009) Community-Led Total Sanitation: A ParticipatoryApproach to a Public Health Program: a case study of Mutizevillage in Mutoko Rural District Council, Zimbabwe. Documentpréparé par Peter Sigauke avec le soutien de Plan International,Unité de programme de Mutoko.

comme l’ATPC. Elles ne devraient pas êtredécouragées par les défis qui découlent despolitiques ou autres barrières institution-nelles. La coordination entre les acteurs del’ATPC dans le pays et la région a besoind’être améliorée afin de souder lesdifférents efforts – et de convaincre lessceptiques que l’approche ATPC est unefaçon viable d’améliorer la couverture del’assainissement rural qui s’inscrit dans lalogique des OMD.

Dernièrement, Plan Zimbabwe a reçudes demandes de renseignement et desinvitations à faire des présentations auprèsde différentes ONG locales et interna-tionales sur l’approche et les conceptsATPC et de nombreuses demandes pourl’obtention du manuel ATPC (Kar etChambers, 2008). Pourrait-il s’agir dudébut de la révolution de l’assainissementau Zimbabwe ? Plan Zimbabwe entendpoursuivre la route du plaidoyer pour fairepression en faveur de l’ATPC.

Conclusion Pour que des approches d’assainissementcomme l'ATPC soient réussies, nous

devons bousculer les mentalités et lescomportements dans les communautés et àtous les niveaux institutionnels. Mais celaexige aussi d'admettre que nous avonsbesoin d’installations et de normes d’as-sainissement qui soient acceptables etabordables pour les communautés rurales.Faute d’une souplesse suffisante, lesparamètres institutionnels peuvent devenirdes obstacles à de nouveaux concepts et denouvelles initiatives qui pourraient aiderles communautés à se hisser à l’échelle del’assainissement. Bien que l’ATPC présentedes défis institutionnels, au niveau commu-nautaire, elle a dopé la confiance descommunautés à résoudre leurs propresproblèmes. L’approche ATPC offre unecertaine souplesse quant au type d’action àentreprendre et elle ouvre la voie pourtrouver des solutions locales aux problèmesd’assainissement.

Tant qu’on n’y sera pas parvenu, ilsubsistera un défi majeur : éliminer etmettre un terme à la défécation à l'air libreafin d’améliorer la santé et l’hygiène dansnos communautés et offrir un cadre de viesalubre pour tous.

159

Le contexte de l’assainissement auKenyaPlus de 2,6 milliards de gens dans le mondene disposent pas de toilettes adéquates. Pireencore, même ceux qui disposent detoilettes ne se lavent pas les mains correcte-ment après avoir chié. Au Kenya, environla moitié de la population (20 millions depersonne) n’ont pas d’installations sani-taires adéquates (Doyle, 2008). Ils chient enplein air ou dans un juala (sac plastique).Les implications d'une telle situation ?Environ 80 % des Kenyans qui vont àl’hôpital souffrent de maladies évitablescomme la typhoïde, la dysenterie et desmaladies diarrhéiques. Les maladies diar-rhéiques et les gastroentérites figurentparmi les causes les plus fréquentes d’hos-pitalisation infantile au Kenya aujourd’hui.La situation est pire encore dans les zonesrurales où 55 % de la population n’a pasaccès à des installations sanitaires et doitavoir recours à la défécation à l’air libre.1

Des milliers d’enfants manquent l’école

pour cause de diarrhée, d’infection par lesvers ou autres maladies liées à un manqued’assainissement et d’hygiène. La mauvaisemise au rebut des excréments humains està l’origine de la contamination des sourcesd’eau et de la propagation de fréquentesépidémies de choléra. Le manque d’as-sainissement et d’hygiène affecte non seule-ment le bien-être économique et social maisil se traduit aussi par de multiples infectionsqui entraînent l’hospitalisation et la mort demilliers de Kenyans.

Interventions passées en matièred’assainissementAu cours des 20 dernières années, beau-coup de bailleurs ont financé desprogrammes d’assainissement axés sur ledéveloppement de modèles de latrinesabordables susceptibles d’être dupliqués.Pourtant, ces efforts n’ont pas réussi àpasser à l’échelle. Cela tient au fait que cesprogrammes sont basés sur deuxhypothèses erronées : premièrement, que

1 Programme commun OMS/UNICEF de surveillance, 2006.

par SAMUEL MUSEMBI MUSYOKI

Passage à l'échellede l’ATPC au Kenya :opportunités, défiset enseignements 12

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c’est parce que les gens sont trop pauvresqu’ils ne construisent pas et n’utilisent pasde latrines ; deuxièmement, que desmodèles de latrines bon marché et abor- dables suffisent à résoudre le problème. Ceque les concepteurs des programmes n’ontpas réalisé, c’est que la clé du problèmeétait de bousculer les mentalités. Une foisque les gens apprécient l’importance devivre dans un environnement hygiéniqueet doté d’un bon assainissement, ils feronttout ce qui est en leur pouvoir pour mettrefin à la défécation à l’air libre, améliorerleurs conditions d’assainissement et utiliserles ressources disponibles localement pourinstaller des structures d’assainissement –et avec le temps, ils se hisseront le long del’échelle de l’assainissement sans subven-tion extérieure.2

Depuis plus de 15 ans, le gouvernementdu Kenya, Plan Kenya et bien d’autresagences du secteur de l’assainissementutilisent l’approche de Participation à latransformation de l’hygiène et de l’as-

sainissement (PHAST).3 Si le PHAST estune approche très rigoureuse, ces agencesémettent quelques doutes quant à la ques-tion de savoir si PHAST peut promouvoirl’assainissement et l’hygiène à une échellesusceptible de contribuer de manière signi-ficative à la réalisation des Objectifs duMillénaire pour le développement ayanttrait à l’assainissement. PHAST est unprocessus laborieux truffé d’éléments desubvention qui en ont fait une approchecoûteuse et donc difficile à mettre à l’échellede manière durable.

L’Assainissement total piloté par lacommunauté (ATPC) est donc arrivé à unmoment où les agences travaillant dans lesecteur de l’assainissement cherchaient desapproches novatrices susceptibles d’êtreutilisées pour promouvoir et mettre àl’échelle l'assainissement et l'hygiène.

Le voyage de l’ATPC au Kenya L’Assainissement total piloté par lacommunauté (ATPC), qui trouve ses ori -

2 L’« échelle de l’assainissement » aide les gens à identifier les options pour améliorerl’assainissement de leur communauté et réaliser que cela peut être un processus graduel.L’assainissement peut être bon marché et simple à mettre en œuvre comme une latrine àfosse protégée ou aussi complexe et coûteux qu’une toilette à chasse d’eau avec le tout-à-l’égout. Plus vous grimpez à l’échelle, plus les bénéfices sont nombreux pour la populationet l’environnement. 3 PHAST est une méthode de formation participative qui utilise des aides visuelles pourprouver la relation entre l’assainissement et l’état de santé. Elle est axée sur l’augmentationde l’estime de soi des membres de la communauté et leur donne les moyens de planifierune amélioration de leur cadre de vie en devenant les propriétaires et les gestionnairesd'installations d'eau et d'assainissement. Voir le Manuel pas à pas sur PHAST, OMS 1998.

Une simple latrine à fosse à Vitengeni, district deKilifi, Kenya

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Photo d’un bloc sanitaire en dur dans le district deSiaya, au Kenya. Elle a été prise durant un exercice devérification.

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161Passage à l'échelle de l'ATPC au Kenya : opportunités, défis et enseignements

gines dans l’Évaluation rurale participative(ERP), est l’une des méthodes affichantl’essor le plus rapide dans le secteur de l’as-sainissement, pour laquelle il existe desexemples d’impacts positifs documentés enAsie du Sud et du Sud-Est (Kath et Kamar,2005). Elle est aujourd’hui pratiquée dansplus de 20 pays d’Afrique.4 Elle a été intro-duite pour la première fois au Kenya enmai 2007, à l’issue de deux ateliers deformation en Tanzanie et en Éthiopieauxquels ont assisté trois membres dupersonnel de Plan. Comme je travaillais àl’époque pour l’Institute of DevelopmentStudies à l’Université de Sussex, j’ai eu leprivilège d’accompagner Kamal Kar enqualité de co-instructeur et d’observateurparticipant. Je dois avouer que j’étais plutôtsceptique à l’époque, mais mon souhaitétait d’apprendre ce qui distinguait l’ap-proche ATPC car j’avais eu beaucoup d’in-teractions avec Kamal lors de séminairesdurant lesquels il en avait parlé.

Comme praticien et formateur enméthodologie ERP/PLA, les principauxoutils utilisés dans l ’approche ATPCn’avaient rien de nouveau pour moi (c.-à-d.cartographie sociale, marches de transect,organigrammes et planification d’action).Ce que j’ai trouvé unique dans l’ATPC étaitson usage inédit des sentiments de dégoût,de honte et de peur en guise de force pourfaire évoluer les mentalités et déclencherune action collective (voir Pasteur, 2005 etMusyoki, 2007). Cela nécessite de la part dufacilitateur qu’il joue un rôle très différentet se comporte aussi différemment. Si lesapproches participatives commel’ERP/PLA nous invitent à être modestes etsympathiques, dans l’ATPC, nous devonsassumer le rôle d’un avocat du diable.5 Dansce rôle, nous facilitons systématiquement etavec humour un processus qui permet auxcommunautés d’analyser leur propre profil

d’assainissement. Cela nécessite de dessinerune carte de leur communauté, en indi-quant où ils font leurs besoins, en calculantle volume de matières fécales produit (parjour, par semaine, par mois et par an). Ilsindiquent ensuite où se rendent les matièresfécales à l’aide d’organigrammes. Ils fontalors une promenade (parfois appelée « marche de la honte ») pour constater l’am-pleur du problème. Nous (les facilitateurs)les invitons à s’arrêter dans les sites de défé-cation à l’air libre et à décrire ce qu’ilsvoient. Nous rapportons ensuite un peud’excréments sur les lieux de l’assembléegénérale pour démontrer visuellementcomment se produit le processus decontamination fécale-orale par le biais del’eau et des aliments. Ce processus appelédéclenchement se traduit généralementpar la réalisation choquante que lesmembres de la communauté ingèrent lamerde des autres et leur propre merde – cequi se traduit par des maladies, une hospi-talisation et parfois la mort.

C’est à ce stade de la prise de conscience– le point d’embrasement – que nous, lesfacilitateurs, les remercions de nous avoiréduqués sur leur comportement sanitaire ;nous prenons congé en les encourageant àcontinuer de manger leur propre merde.Bien entendu, nous ne partons pas vrai-ment ; d’ailleurs, ils ne nous laisseraient paspartir. Cela fait aussi partie des stratagèmesque nous utilisons pour jouer avec lesémotions de la population pour les pousserà changer de mentalité et à l’action collec-tive pour mettre un terme à la défécation àl’air libre et garantir un assainissementadéquat dans leur communauté.

L’ATPC embrase la brousseSuite à la formation en Tanzanie, PlanKenya a décidé de mener un projet piloteATPC dans trois districts: Kilifi (province

4 Kenya, Éthiopie, Ouganda, Tanzanie, Rwanda, Zambie, Malawi, Zimbabwe, NordSoudan, Sud Soudan, Mozambique, Niger, République démocratique du Congo, Nigéria,Ghana, Mali, Burkina Faso, Sierra Leone, Sénégal, Gambie, Bénin, Libéria, Tchad et Égypte. 5 En langage courant, un avocat du diable est quelqu’un qui défend une position aveclaquelle il n’est pas nécessairement d’accord aux seules fins d’argumenter la discussion. Ceprocessus peut aussi être utilisé pour tester la qualité de l’argument initial et identifier desfaiblesses dans sa structure. Source : Wikipedia.

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de la côte), Homa Bay (province deNyanza) et Machakos (province orientale).Les trois sessions de déclenchement pilotese sont déroulées entre juillet et octobre2007.

Dans le district de Kilifi, où le premiervillage a fait l’objet d’un déclenchement enjuillet 2007, la réponse a été remarquable.Depuis la première célébration de la Finde la défécation à l’air libre (19 novembre2007), les communautés de plus de 150villages se sont véritablement appropriél’initiative ATPC. Elles considèrent quel’approche a non seulement amélioré leursconditions d’hygiène et d’assainissementmais aussi qu’elle met en valeur leurdignité humaine et leur fierté. Cette réac-tion a été fort bien exprimée par Charo,leader naturel d’un village, lorsqu’il adéclaré :

Nous nous sentons fiers de nos accom-plissements. Les 37 ménages jusqu’alorssans latrine en ont maintenant construitune et l’utilisent. Il n’y a plus de mauvaiseodeur dans le voisinage.6

Certains membres de la communautédes villages de Kilifi ayant fait l’objet d’undéclenchement ont déjà commencé à élimi -ner les installations d’assainissement provi-soires qu’ils avaient montées à la hâte àl’issue du déclenchement. Ils investissentdésormais dans la construction de structuresplus durables et/ou en dur. On perçoit unsentiment d’émulation entre les membres dela communauté qui travaillent à l’améliora-tion de leurs installations sanitaires pourgrimper les échelons de l’échelle d’as-sainissement. Dans les régions où les arti-sans avaient auparavant reçu une formationdans le cadre de programmes d’assainisse-ment antérieurs, ils se sentent redynamiséset prêts à appliquer leurs compétences

devant la hausse de la demande en installa-tions sanitaires. Dans le district de Kilifi, desgroupes ayant atteint le statut FDAL n’hési-tent à organiser des sessions de déclenche-ment dans les villages voisins. L’élan est telque des groupes organisent et s’embarquentdans d’autres activités économiques commela culture d’ herbes potagères, dechampignons ou d’arbres fruitiers. Ils ontégalement intégré l ’ATPC dans desprogrammes plus larges de santé et de survieinfantile.7 Comme l’exprime le coordonna-teur du projet de survie infantile : « Il y a uneprise de conscience qu’un enfant qui mangede la merde ne peut pas survivre, grandir etréaliser tout son potentiel. »

Les exploits du district de Kilifi ontfourni une bonne plate-forme d’apprentis-sage. Il y a eu des visites d’étude organiséespour montrer ce que peuvent accomplir lescommunautés par leurs propres moyensune fois qu’elles ont changé de mentalité etqu'elles ont décidé de se lancer dans uneaction collective. Au départ, il n’a pas étéfacile d’arriver à convaincre les profession-nels du secteur de l ’assainissementd’adopter l’ATPC. Toutefois, après avoir vule raz de marée dans le district de Kilifi, ilest devenu évident pour eux que l’ATPCavait le potentiel de transformer lecomportement des gens et de multiplier letaux de couverture de l’assainissementbeaucoup plus vite que toute autreapproche adoptée dans le passé. Comme l’aobservé un agent de santé publique dudistrict :

… notre obsession avec les latrinesaméliorées à fosse autoventilée (VIP) avecune dalle en ciment, quatre murs et unepièce noire avait enfermé les communautésdans un carcan… aujourd’hui, voyez unpeu la merveilleuse variété de modèlesqu’elles ont inventés.8

6 Citation tirée d’une étude de cas dans le village de Jaribuni dans le cadre du Rapportd’avancement du programme pays de Plan Kenya (CPPPR), 2008. 7 Projet de survie infantile KIDCARE (Kilifi District Coastal Area Replication and Evolution)de Plan International, 2004-2009. 8 Agent de santé publique du district de Kilifi lors de la marche de transect à l’occasionde la célébration de la Journée mondiale des toilettes dans le village de Jaribuni (19 novembre 2007).

163Passage à l'échelle de l'ATPC au Kenya : opportunités, défis et enseignements

Le ministère de la Santé publique et del’Assainissement (MSPA) est désormaisconvaincu et a été en première ligne desefforts de promotion de l’ATPC. Le lance-ment de la Politique d’hygiène et d’as-sainissement environnemental a coïncidéavec l’introduction de l’ATPC en juillet2007. Cette opportunité a facilité la colla -boration avec le MSPA. La politique décritl’assainissement comme un droit humaindont devraient bénéficier tous les Kenyans.9

Toutefois, la politique ne comportait pas deméthodologie claire sur la façon d’obtenirce droit. Néanmoins, le gouvernementkenyan a introduit un contrat de perfor -mance qui exige de l’ensemble du ministèrequ’il fixe des objectifs pour mesurer lesperformances de tous les membres de sonpersonnel. Pour le ministère de la Santépublique et de l’Assainissement, le contratavait pour objectif d’accroître le taux decouverture de l’assainissement et l'utilisa-tion des latrines de 5 % par an. Les fonc-tionnaires du district de Kilifi ont donc étéincités à adopter l’approche ATPC. Avec

l’ATPC, le personnel du MSPA a pu allerbien au-delà de l’objectif fixé. Dans unepériode de 18 mois à compter de lapremière introduction de l’ATPC, le taux decouverture et d’utilisation des latrines dansle district de Kilifi est passé de 301 à 4 551.

Alors qu’il existait un village ayant misfin à la défécation à l’air libre (FDAL) (Jari-buni) dans le district de Kilifi en novembre2007, en mai 2010, on comptait environ100 villages FDAL. Comme le déclare le Dr Tsofa, Agent médical de santé du districtde Kilifi, « l’ATPC se propage comme unfeu de brousse ». Pour traduire le succès del’ATPC à Kilifi, il a ajouté :

J’attribue les exploits aux bons offices desmembres de l’Équipe senior de gestion de lasanté du district et au fait que le personnelformé en santé publique ait adopté l’ap-proche ATPC avec un tel enthousiasme.

Kilifi s’efforce désormais de devenir lepremier district FDAL de la région côtièreet du Kenya. Toutefois, l’agent de santépublique du district de Kilifi reconnaît quele suivi et le pistage des villages ayant faitl’objet d’un déclenchement et des ménagesqui construisent et utilisent de nouvelleslatrines posent un défi. Le personnel esttrop peu nombreux pour tenir le rythmeauquel évoluent les communautés.

Le succès dans le district de Kilifi aentraîné son lot d’exigences. L'Équipe degestion de la santé du district et les leadersnaturels de Kilifi sont assaillis de demandede formation de leurs homologues dans lesdistricts voisins.10 En collaboration avecPlan, ils ont pu répondre à ces demandeset jouent désormais un rôle pivot dans lepassage à l ’échelle de l’ATPC dans laprovince de la côte. Ils ont été en mesurede former des facilitateurs et d'organiserdes sessions de déclenchement dans lescommunautés des districts voisins de

Un homme du village de Ngamani dans le district deKilifi montre à un agent de la santé publique sondispositif de lavage des mains réalisé à partir d’unrécipient en plastique qui fuit. Cette démonstrations'est déroulée durant les célébrations de la Journéemondiale des toilettes en 2008.

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9 Voir la Politique nationale en matière d’hygiène et d’assainissement environnemental(Gouvernement du Kenya, 2007). 10 Les leaders naturels sont des militants et des enthousiastes qui sortent du lot etprennent la tête des processus ATPC.

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Kwale, Kinango, Msambweni, Kaloleni etMalindi. Il existe une bonne synergie entrele personnel gouvernemental, les ONG etles leaders naturels des communautésdéclenchées, ce qui contribue grandementà la propagation et l’adoption de l’ATPC.

Au niveau national, le MSPA, agencechef de file de l’assainissement, a faitpreuve d’un haut degré d’engagementenvers la multiplication des efforts d’as-sainissement à partir de l’approche ATPC.Comme l’explique le responsable en chef-adjoint de la santé publique au sein duministère :

…Nous le percevons comme un complé-ment d’une part de la Politique dugouvernement du Kenya en matière d'hy-giène et d'assainissement environnemen-tal et d’autre part de la Stratégie de santécommunautaire inaugurée en 2008.11

La célébration des accomplissementsa été une excellente occasion dedéclencher davantage de communautés.Pour la troisième année consécutive, PlanKenya a travaillé avec le MSPA et d’autrespartenaires pour marquer la Journéemondiale des toilettes (19 novembre) auniveau des villages. Rien qu’en 2009, 20villages dans le district de Kilifi ontcélébré la Journée mondiale des toilettespour marquer leur obtention du statutFDAL. L’un des villageois de Katsemerenia déclaré : « Tumeamua kuacha kulamavi yetu na ya wengine », que l’on pour-rait traduire littéralement par : « Nousavons décidé d’arrêter de manger notrepropre merde et celle des autres ! »

Ces célébrations ont joué un rôle déter-minant pour montrer aux professionnelsdu secteur de l’assainissement ce que lescommunautés sont en mesure de faire unefois que leurs mentalités ont été transfor-mées. Elles ont aussi joué un rôle pivotdans la médiatisation de l’approche ATPCet pour influencer les communautés des

villages voisins à prendre des mesures pouraméliorer leur condition d’assainissement.Il y a plus d’organisations qui rejoignent lavague de l’ATPC parce qu’elles ont vu lesprogrès accomplis jusqu’ici. Parmi celles-cifigurent l’UNICEF, les services de santé del’Agha Khan, le Réseau pour l’eau et l’as-sainissement (NETWAS), le Programmeeau et assainissement (WSP) de la Banquemondiale, SNV (Organisation dedéveloppement des Pays-Bas), WorldVision et Oxfam Royaume-Uni, HumanRights Cities Nairobi, Community Clean-ing Service, SC Johnson, Starehe &Kasarani Youth Network et le PamojaTrust, pour n’en nommer que quelques-unes.

Il existe aussi des défis Même si je suis très excité et enthousiasmépar les succès de Kilifi, je suis aussiperturbé par le fait que les feux de l'ATPCne se propagent pas à la même vitesse danstout le pays. Même dans les districts oùtravaille Plan Kenya, l’adhésion a été lente.Alors que l’ATPC a été introduit simul-tanément en juillet 2007 dans lesprovinces de la côte, de Nyanza et orien-tale, les réponses et les résultats n’ont pasété les mêmes. Le taux d’adoption est plusrapide sur la côte kenyane (Kilifi, Kwale,Kinago et Msambweni), mais il est beau-coup plus lent à Nyanza. Seul le districtd’Homa Bay, sur les trois districts deNyanza où travaille Plan Kenya, est restémotivé et concentré sur l’ATPC. En mai2010, presque trois ans après l’introduc-tion de l’ATPC, seuls 20 villages avaientatteint le statut FDAL. Cela ne s’estd’ailleurs produit que dans les derniersmois. Dans la province orientale(Machackos et Tharaka) qui est aride etsemi-aride, très peu peuplée et qui afficheun taux de couverture et d’utilisation deslatrines relativement élevé (80 %), ilsemble ne pas exister beaucoup de moti-vation et nous avons décidé de nous en

11 Source : Discours liminaire du Responsable en chef de l’assainissement au sein duMSPA au cours d’un atelier régional de formation en ATPC à Kilifi, juillet 2008.

165Passage à l'échelle de l'ATPC au Kenya : opportunités, défis et enseignements

détourner jusqu’à nouvel ordre. Dans cesrégions, il est probable que l’ATPC seraitplus pertinent pour les petites bourgadesoù il existe une forte concentration d’éta -blissements humains et des signes d’unedéfécation massive à l’air libre.

La région la plus difficile de toutes a étéla province de Nyanza. Si la région afficheles conditions les plus favorables pourl’ATPC (Kar et Chambers, 2008), accélérerle processus dans cette province s’est révéléune énorme gageure. Dans la région, lesproblèmes sont plus institutionnels quesocioculturels. Cela peut en grande partieêtre attribué à un manque de leaderspassionnés et engagés et de champions del’ATPC. Quelque cinq ateliers de formationpratique et visites exploratoires à Kilifi etKwale ont été organisés. Cela signifie queplus de 100 facilitateurs ATPC ont étéformés à Nyanza. Bien qu’une cinquan-taine de villages aient fait l’objet d’undéclenchement entre juillet 2007 etdécembre 2008, seul un village avaitatteint le statut FDAL en décembre 2009dans les régions de travail de Plan. Lapremière célébration FDAL à Nyanza s’esttenue dans le village de Manera le 25 février 2010. De ce fait, on a constatéun regain d'engagement par le MSPA, desorte que 19 villages supplémentaires ontdécroché le statut FDAL en mai 2010.

Dans le district de Siaya (zone où netravaille pas Plan), toutefois, un groupe dejeunes ayant délégué cinq participants àune formation organisée par Plan à Bondoen décembre 2008, a réussi à faire unesession de déclenchement dans 21 villagesdans un sous-site. Tous ont atteint le statutFDAL dans les huit mois qui ont suivi ledéclenchement. Au contraire, 10 villagesdéclenchés en même temps à Bondo pardu personnel de Plan et du gouvernementne semblent pas avoir fait de progrès. Ni lepersonnel de Plan ni le MSPA ne semblentgarder un œil sur les progrès accomplis caril n’y a pas eu de suivi efficace dans lescommunautés.

Des anecdotes glanées lors de notre

suivi interne ont révélé qu’il y avait eu desdifficultés entre notre bureau de Plan et lepersonnel du MSPA à Bondo. Pour quelleraison ? Une histoire d’indemnité. Bienqu’à la fin de la formation, le personnel duMSPA ait rédigé des plans d’action trèssophistiqués sur lesquels ils montraientcomment ils allaient déployer l’ATPC dansle district de Bondo, cela était basé surl’hypothèse qu’il leur serait donné des « moyens » de mettre en œuvre ces plansd’action. De fait, ils ont perçu la tâchecomme une mission de Plan et ont exigé laconfirmation qu’ils seraient rémunéréspour la réalisation de cette mission.Lorsqu’ils ont appris que nous (Plan) nechangerions pas d’avis, ils ont tout laissétomber et ont déclaré qu’à moins de lespayer (gonyo, terme littéralement traduitpas « délier », façon déguisée d'exiger unpaiement), ils ne feraient pas partie duprocessus.

Malheureusement, nous ne disposionsque de très peu de personnel à Bondo.Comme toute la stratégie de l’ATPC repo-sait sur l ’ hypothèse que les pouvoirspublics seraient convaincus et verraient lavaleur ajoutée intrinsèque de l’ATPC dansleurs travaux, nous étions dans l’impasse.Nous nous étions trompés. Même si laformation ATPC est impulsée par lademande, il semble qu’à l ’époque lepersonnel du MSPA dans la région cher-chait seulement à s ’enrichir et nepartageait pas notre vision. Nous n’avionspas pris suffisamment de temps pourdéclencher et identifier des championsinstitutionnels au sein de Plan Bondo etdu MSPA comme nous l’avions fait à Kilifi.

L’expérience de Plan dans le districtd’Homa Bay a été analogue. Toutefois,parce que nous disposions d’un championqui avait une vision claire et un véritableengagement envers le processus, la non-collaboration des agents des pouvoirspublics ne l'a pas dissuadé ni l’équipe.Philip Otieno de Plan, désormais nomméaux fonctions de Formateur ATPC pourl’Afrique orientale et australe, n’a pas

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hésité à changer d’approche à Homa Bay.Il a plutôt décidé de travailler avec les chefslocaux et les jeunes au lieu de compter surle MSPA comme seul partenaire. Cettestratégie a permis de nouveaux exploitsdans le district d’Homa Bay avec une ving-taine de villages qui ont décroché le statutFDAL et quelques autres qui ontaugmenté leur taux d'utilisation de latrinesà 95 %. Homa Bay a célébré son premiervillage FDAL en février 2010. Cela a attiréla participation du personnel du MSPAdans la province de Nyanza – pas seule-ment le district de Homa Bay – et du siègedu ministère à Nairobi. Il ne fait aucundoute que les célébrations du statut FDALdans le village de Manera déboucherontsur un regain de soutien en faveur del’ATPC dans toute la province de Nyanza.

Il est assez courant d’exiger des indem-nités dans la région. Comme le déclare unagent senior du MSPA :

… c’est un problème qui a été créé par lesONG internationales qui travaillaient surle VIH et le sida dans la province deNyanza qui ont beaucoup d’argent et quine savent pas comment l’investir, si ce n’estdans l’organisation de rencontres/atelierset le versement d’indemnités.

La province de Nyanza est saturéed’ONG et la plupart paient des indemnitéstrès élevées aux personnels des servicesgouvernementaux. Par conséquent, cesderniers ne voient pas pourquoi Plan seraitdifférent à propos de cette initiative spéci-fique. Si, pour nous, il était clair quel’ATPC était une approche sans subventionet que ce principe devait être appliquémême durant la formation et durant lesuivi, nos partenaires, qui savaient qu’ilétait arrivé à Plan de verser des indemnitéspour d’autres activités, ne comprenaientpas pourquoi les choses seraientdifférentes avec l’ATPC. La pratique de nepas verser d’indemnité aurait donc dû êtreappliquée non seulement à l’ATPC mais àtous les projets en collaboration que nous

entreprenions en partenariat avec legouvernement.

Enseignements clés pour l’avenirLa création de la culture institutionnelleappropriée est importante pour réussir àmettre en œuvre l’ATPC. Cela nécessited’identifier des champions qui compren-nent la philosophie derrière l’ATPC et quisoient capables de suivre et d’aider lepersonnel en première ligne à la respecter.Nous avons compris que, parce que nousavions décidé, en tant qu'institution,d’adopter l’ATPC, nous pensions que cettevision serait partagée par tout le monde –et que cela garantirait la cohésion despratiques. Toutefois, nous avons main-tenant compris que ce n’est pas le cas etqu’il est nécessaire d'harmoniser lespratiques. Ainsi, à Kilifi, si la pratique dene pas verser d’indemnités aux agentsgouvernementaux a été appliquée à lalettre tout au long du projet, cela n’a pasété le cas dans certaines des autres régionsoù travaille Plan Kenya.

Même dans le district de Kilifi, où Planet les dirigeants du MSPA étaient résolu-ment décidés à soutenir l’ATPC dès ledépart, nous avons compris que les capa -cités étaient limitées. Nous avons apprisqu’il est nécessaire de libérer le personnelqui croit passionnément en l’ATPC pour lelaisser travailler à plein temps au soutiendes processus ATPC. Pour un suivi, uncontrôle, une évaluation et une documen-tation efficaces des processus post-déclenchement de l’ATPC, nous avonsappris qu’il est nécessaire de prévoir desressources et du temps. Même dans ledistrict de Kilifi qui est bien parti pourdevenir le premier district FDAL duKenya, cela pourra prendre un peu plus detemps si tout repose entre les mains duMSPA et de Plan. Il est donc nécessaire defaire usage de différents points d’entréeavec des acteurs multiples et de ne pasdépendre uniquement du MSPA. Leséquipes de Kilifi et Homa Bay ont décidéde travailler avec le personnel des autres

167Passage à l'échelle de l'ATPC au Kenya : opportunités, défis et enseignements

services techniques ministériels, lesautorités locales (chefs et aînés desvillages), les agents de santé communau-taires, les jeunes et les enfants pourprendre la tête des sessions de déclenche-ment dans plus de villages et se charger dusuivi, du contrôle, de l’évaluation et mêmed’une documentation de base.

Nous avons aussi appris que dans lesillage du succès suit une demande accruede mise à l’échelle. Toutefois, notre expéri-ence nous a permis de réaliser qu’il estnécessaire d’être plus stratégique et systé-matique si l’ATPC doit être déployée defaçon soignée. Cela exige de mettre enplace des structures de soutien à différentsniveaux (nationales et de district) et dedésigner du personnel et des ressources àcet effet (y compris pour des fonctionscomme la coordination, le suivi, l’évalua-tion, la recherche et la documentation).Nous avons besoin de forger des partena -riats stratégiques avec des acteurs compé-tents à différents niveaux au lieu detravailler selon des arrangements lâches etsporadiques qui laissent le passage àl’échelle de l’ATPC entre les mains d’indi-vidus isolés. C’est par une approche systé-matisée et délibérée de ce type que lepassage à l’échelle de l’ATPC pourra sefaire non pas au petit bonheur la chancemais confiée à des institutions motivées.Cela veillera à ce que l’ATPC évolue en unmouvement ou une pratique auto-facil-ité(e) qui se propage et peut être nourri(e)au sein des structures existantes. À cepropos, Plan Kenya est sur le point demettre sur pied une petite unité ATPC(comptant un minimum de troisemployés) dont le mandat comprendral’action de plaidoyer, la formation pratique(y compris l ’accompagnement et lementorat), le suivi, l ’évaluation, larecherche et la documentation. L’unitéjouera aussi un rôle déterminant dans letravail en réseau et la création de parte-nariats pour faciliter le partage et l’ap-prentissage entre praticiens au Kenya,dans la région et à travers le monde.

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COORDONNÉESSamuel Musembi Musyoki Bureau pays de Plan International au Kenya Dennis Pritt Road PO Box 25196-00603 Nairobi Kenya Tél. +254 20 3870216/3874987/3862593 Courriel : [email protected]

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Plan Kenya (2009) County Program Progress Report (CPPR), PlanKenya : Nairobi.

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Introduction Imaginez un peu être assis à la table d’unhôtel confortable, peut-être à Nairobi ou àPhnom Penh, à Delhi, ou à Lusaka. À latable d’à côté, des gens sont engagés dansune discussion animée. Vous surprenez desbribes de conversation et vous n’en croyezpas vos oreilles. Vous êtes surpris, choqué,dégoûté même. Ou peut-être êtes-vousd’une constitution plus robuste, auquel casvous êtes intrigué et vous vous demandezce que ces gens peuvent bien faire commemétier. Et pourquoi tant de rires et decordialité ?

Et bien, félicitations, vous venez sansdoute de surprendre l’une des nombreusesrencontres de praticiens de l’Assainisse-ment total piloté par la communauté, ouATPC, qui passent leur temps à discuterdes politiques générales en matière demerde. Il n’y a pas si longtemps, j’auraismoi-même été surprise de découvrir que lamerde est une source intéressante deconversation qui peut rapprocher les gensplutôt que de les faire reculer de dégoût,d’embarras et de gêne. Pourtant, depuis

que j’ai commencé à travailler sur l’As-sainissement total piloté par la commu-nauté il y a environ quatre ans, je me suistellement habituée à parler de mavi, caca,goo, amazi, chilu et gand que je doisfréquemment me rappeler à l’ordre lorsqueje suis ailleurs que dans un milieu ATPC,pour me souvenir que d’autres ne sesentent peut-être pas aussi à l’aise à l’idéed’évoquer un tel sujet devant leur assiette.

Mais, ceux qui s’activent à « nettoyer lamerde » comme aime à le décrire lepionnier de l’ATPC, Kamal Kar, savent quemalgré la multitude d’anecdotes et d’his-toires drôles scatologiques, il n’y a pas dequoi rire : la merde tue. On estime que plusde 2 milliards de gens dans le monde endéveloppement pratiquent la défécation àl’air libre et que, chaque année, les maladiesdiarrhéiques qui en résultent tuent environ1,8 million de personnes, principalementdes enfants de moins de cinq ans.

Découverte du monde caché de la merde Comme beaucoup de personnes qui viventdans l'hémisphère Nord, je n’avais jamais

par PETRA BONGARTZ

La merde se déplacevite : vers un réseauATPC mondial 13

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trop réfléchi à l’histoire des toilettes. Jetenais pour acquis le fait que lorsque j’avaisenvie de faire mes besoins, je pourraistrouver un endroit propre et fonctionnel oùme soulager, en privé et sans trop de diffi-culté. J’étais totalement ignorante du faitque le simple processus d’aller aux toiletteset le « matériel » requis pour pouvoir lefaire était un luxe qui me différenciait deplus des deux tiers de la population dumonde.

Tout cela a été radicalement bouleversé– aujourd’hui, je sais dire merde dans plusde 70 langues – de fait, je les collectionne.1

Je suis une habituée des toilettes volanteset des sacs à caca.2 J’ai appris que, danscertaines cultures, les gens croient que leshommes ne chient pas ou que les excré-ments de différentes personnes ne

devraient pas se mélanger. Je sais que l’onpeut transformer une toilette en un verger.3

Et j’ai parlé à des gens de beaucoup de paysdifférents, issus d’organisations et demilieux différents concernant les « tenantset les aboutissants » du monde de la défé-cation (tout un programme !). Je suisabsolument convaincue que l’assainisse-ment, ou plutôt le manque d’assainisse-ment, est l’une des questions les plus gravesauxquelles est confronté le monde endéveloppement. Dans ma vie privée,lorsqu’on me demande lors d’une soirée : « Quel est votre métier ?», ma réponse « Jetravaille sur la merde, au sens littéral duterme » provoque souvent un éclat de riremais, par la suite, lorsque je révèle certainsfaits et quelques anecdotes sur les terriblesconditions auxquelles sont confrontées desmilliards de personnes autour du globe, jesuscite souvent beaucoup d’intérêt et biensouvent un vif émoi.

Comment tout a commencéL’Institute of Development Studies (IDS)se targue d’une association de longue dateavec Kamal Kar, le pionnier de l’ATPC.Nous nous sommes impliqués dans l'ap-proche ATPC dès ses premiers jours. Dufait de nos méthodes de financement trèssouples, nous avons pu soutenir Kamalpour qu’il produise la première publicationsur l’ATPC, le document de travail IDS n°184, « Subsidy or Self-Respect: Participa-tory Total Community Sanitation inBangladesh » (Kar, 2003). Nous avonsensuite entamé un programme derecherche sur trois ans, financé par le DfID,un projet de réseautage et d’apprentissagepar l’action sur l’approche en 2006. Nous

1 Voir le glossaire international de la merde, p. 15, dans ce numéro.2 Par toilettes volantes, on entend les sacs en plastique utilisés pour la défécation puisjetés dans les fossés, le long de la route ou le plus loin possible. Ce phénomène estparticulièrement caractéristique des bidonvilles de Nairobi, par exemple à Kibera, où ilconstitue l’un des principaux moyens de se débarrasser de la merde.3 Cela fait référence à « l’arborloo » – une latrine à fosse simple construite sur une fossepeu profonde. La dalle et la superstructure sont facilement transportables de manière àpouvoir être déplacées au-dessus d’une autre fosse peu profonde lorsque la première estpleine. Les fosses pleines sont bouchées avec de la terre et de jeunes arbres y sontplantés. Au final, on obtient ce que Peter Morgan appelle un « verger sanitaire »d’arbres fruitiers et autres éparpillés sur le terroir. Pour plus d’information, voirhttp://aquamor.tripod.com/ArborLoo2.HTM.

Glossaire international de la merde

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avons été confrontés à la difficulté de savoirqui faisait précisément quoi en matièred’ATPC dans la poignée de pays qui avaientcommencé sa mise en œuvre à l’époque.Notre première tâche en tant que réseauétait parfaitement claire : nous mettre enrapport avec ceux « qui s’y connaissaient »et leur demander des informations.

Réseautage Le mot « réseautage » évoque souventl’image de gens qui discutent autour d’unverre, lors d’un buffet ou qui passent desheures sur des sites Internet de « réseauxsociaux ». Mais le réseau ATPC a démarréd’une manière très simple : j’ai écris descourriels aux gens identifiés par Kamalcomme des contacts clés dans plusieurspays (à l’époque, c’étaient essentiellementdes pays asiatiques), en présentant monprojet et en leur demandant de nous parlerde leurs travaux sur l’ATPC. Puis, je me suiscontentée d'attendre leurs réponses. Ellessont arrivées et il est vite devenu évidentque ceux qui étaient impliqués dans l’ATPCétaient non seulement heureux de partagerleur expérience mais aussi ravis de s’as-socier avec d’autres prêts à travailler sur

cette approche révolutionnaire. Ces temps-ci, il ne se passe pas une

journée sans que je reçoive une demanded’information sur l’ATPC. Il peut s’agir dequestions qui touchent à tous les aspects del’approche : formation et facilitation,applicabilité et solutions pour des contextesdifférents, p. ex : zones exposées aux inon-dations, sols sableux ou rocheux, situationsd’urgence ou d’après conflit, comment faireface à la réticence du gouvernement,comment soutenir les leaders naturels… laliste n’en finit pas. Si cela nous permet chezIDS de nous tenir informés sur les progrèsde l’ATPC dans les différents pays et lesorganisations, le réseautage s’est étoffépour inclure la fourniture d’information etde matériaux et mettre les gens en rapportavec d’autres ayant des connaissancespertinentes. Depuis ses débuts, lorsquej’avais contacté une vingtaine de personnespar courriel, le réseau a grandi et sa liste dediffusion compte désormais plus de 1 000contacts à travers le monde, qui sontdirectement impliqués dans l’ATPC ou quitémoignent d’un vif intérêt à se tenir infor-més sur l’approche à mesure de son passageà l’échelle (voir l’Encadré 1).

Nos contacts ont apprécié les « comptes rendus précieux de l’IDS ». Sur la base des réactions reçues, le siteweb répond aux besoins et aux intérêts de nombreux praticiens :

Le site web… géré par l’IDS fait qu’il est facile de se tenir au courant des nouveaux développements et decapitaliser sur nos ressources mutuelles. Nilanjana Mukherjee, Consultant senior en développement pour leProgramme eau et assainissement de la Banque mondiale.

Je crois que notre coopération continue et notre soutien vont enrichir l’approche ATPC dans les pays endéveloppement comme le Bangladesh. Paritosh Chandra Sarker, ex-WaterAid Bangladesh.

Merci pour la mise à jour ATPC. Vous avez indubitablement élargi mes connaissances et mon appréciationdes nouvelles approches en matière d’assainissement total. Je prie pour que vous puissiez continuer à metenir informé puisque cette information va encore plus loin dans la promotion de l’assainissement de lacommunauté où je travaille. Andrew Cohen Cheptoek, Ouganda.

Village Education Resource Centre (VERC), l’organisation impliquée dans le développement de l’approcheau Bangladesh, a écrit pour dire que : VERC est très heureux de participer… VERC vous félicite et apprécievivement le dur labeur que vous réalisez pour diffuser des nouvelles sur l’ATPC aux quatre coins du monde.

Félicitations pour l'excellence des ressources affichées sur le site ATPC !

Merci beaucoup de contribuer à faire en sorte que le processus reste bien connecté à l’échelle mondiale !

Encadré 1 : Appréciation du réseau plus vaste

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• L’approche Des informations contextuelles sur l’ATPC : de quois’agit-il ? Quelles sont ses origines ? Commentfonctionne-t-il ? Où puis-je obtenir un complémentd'information ? Voir :www.communityledtotalsanitation.org/page/clts-approach

• Où se pratique l’ATPC ? Carte du monde indiquant dans quels pays a étéintroduit l’ATPC. Des liens vers les pages respectives du pays quicontiennent des renseignements sur les activitésATPC et des documents associés. Voir :www.communityledtotalsanitation.org/where

• Ressources Bibliothèque en ligne de documents liés à l’ATPC,interrogeable par mot clé, type de ressource ou sujet.Les types de ressource comprennent des étudespays, des informations sur l’approche, des études decas, des papiers de chercheur, des manuels et desfilms ou des supports audiovisuels. Voir :www.communityledtotalsanitation.org/resources/latest

• Manuels et guidesAccès facile à des publications clés comme leManuel de l’ATPC et le Guide de formation duformateur par le biais de liens dans le menu.

• Photos et vidéos Il faut le voir pour le croire : photos de tous lesaspects de l’ATPC dans la galerie de photos consacréà l’ATPC sur le site flickr. Voir :www.flickr.com/photos/communityledtotalsanitation/ ou le diaporama :www.communityledtotalsanitation.org/page/clts-photos

• Le glossaire international de la merde est unevéritable mine d'information où trouver différentsmots pour parler de merde à travers le globe. Voir :www.communityledtotalsanitation.org/resource/international-glossary-shit

• Nouvelles Communications sur des manifestations et desoccasions clés comme la Journée mondiale destoilettes. L’ATPC et l’assainissement au cœur de l’actualité.Voir : www.communityledtotalsanitation.org/news

• Abonnement au bulletin Possibilité de s’abonner au bulletin électronique del’ATPC publié tous les deux mois.

Encadré 2 : Que trouve-t-on sur le siteweb de l’ATPC ?

Visiteurs : les pics d’afflux de visiteurs sontgénéralement enregistrés durant les mois quicorrespondent à l’envoi du bulletin électroniqueou lorsqu’il y a eu un atelier, p. ex. LatinoSan enmars, le bulletin en mai.

Liste de diffusion : Nombre de personnesabonnées à la liste de diffusion du bulletin ATPC(abonnements par le site web, suite à unedemande de renseignement par e-mail ou lorsd’un atelier). Les contacts figurant sur la liste dediffusion reçoivent un bulletin bimensuel avec desmises à jour sur ce qu’il y a de neuf sur le site webainsi que d’autres nouvelles ayant trait à l’ATPC.

Encadré 3 : Statistiques concernant lesite web de l’ATPC et la liste de diffusion

www.communityledtotalsanitation.org

Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin

Nov. 09

Déc. 09

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Fév. 1

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Mars 10

Avr. 10

Mai 10

Juin 1

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Merde virtuelle Ces contacts ont tous reçu un bulletin élec-tronique bimensuel qui comprend unemise à jour sur les derniers ajouts au siteweb. Pour tenir compte du fait que laplupart d’entre nous sommes terriblementdébordés, le bulletin comprend desrésumés des nouveaux documents pournous aider à décider ce qui est pertinent etmérite d’être lu dans la version intégrale.Des nouvelles et des alertes liées à l’ATPCsur des manifestations à venir figurentégalement dans le bulletin.

L’un des éléments clés de nos travauxconcerne le site web de l’ATPC qui agitcomme un centre de ressources en lignepour s’informer sur l’approche.4 L’idéederrière le site était de construire un « sitepar la communauté pour la communauté »– la majorité des ressources du site sont descontenus envoyés par des praticiens enprovenance de plus de 35 pays où l’ATPC aété introduit. Tous les genres sont les bien-venus : articles informels, rapports, évalu-ations, articles de journal, papiers dechercheur ou compte rendu d’atelier, etc.

L’une des ressources les plus populairesest le manuel ATPC (Kar et Chambers,2008) qui a été traduit en plusieurslangues, notamment en hindi, bengali,français, espagnol et portugais. Récem-ment (mai 2010), le nouvel ouvrage deKamal Kar Faciliter les ateliers de forma-tion sur le terrain pour l’Assainissementtotal piloté par la communauté : Guide deformation des formateurs a également étéajouté aux ressources et il est bien partipour être lui aussi très prisé par les visiteursdu site web.5 De plus en plus de documentsdans des langues autres que l’anglais fontleur apparition sur le site : on y trouve desconsignes en matière de déclenchement enarabe, en chinois, en espagnol, en françaiset en lao, une trousse à outils de l’ATPC ennépali et un Guide du facilitateur enchichewa (langue parlée au Malawi).

Faire partie d’un changement positif :apprentissage par l’action Donc, que faisons-nous hormis gérer unsite web sur l’ATPC ? Des activités deréseautage se chevauchent et s'entrelacentavec ce que nous appelons un « apprentis-sage par l'action ». Comme son noml'indique, cela suppose une « implication »,une participation à ce qui se passe afin detirer des leçons de ce qui se passe. Dansnotre cas, cela veut dire : • se tenir informé de ce qui se passe dans ledomaine de l'ATPC ; • rester en contact avec ceux qui sontdirectement impliqués ; • poser des questions et tirer des leçonspour un apprentissage plus large ; et • disséminer ces enseignements de façoninformelle (par le biais de conversations oud'e-mails) ou de façon plus formelle, dansdes publications.

Cela veut dire faire partie du sujet quenous étudions, plutôt que de nouscontenter d'être spectateur, l’objectifprésumé du chercheur « classique ».Comme les facilitateurs ATPC lors dudéclenchement, nous sommes desapprenants qui accompagnons ceux quisont directement engagés dans la mise enœuvre de l’ATPC, invitant la réflexion etl’analyse en posant des questions :

… Vos questions ouvrent les horizons desfacilitateurs ATPC et ils en tiennent comptedans leurs pratiques. N’hésitez pas àenvoyer davantage de nouvelles, d’idées oude commentaires concernant l’ATPC. Yohana Sekimweri

Notre étude de l’ATPC, à la différencedes autres recherches, comprend des réac-tions sur les thèmes émergents et intervientactivement dans le but d’améliorer lespratiques, tout en réfléchissant à notrepropre rôle et à nos préjugés. Et, de tempsà autre, dans la logique de l’ATPC, nous

4 Voir www.communityledtotalsanitation.org5 Voir http://tinyurl.com/clts-training-guide. Détails complets dans les références à la finde cet article.

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découvrons une merde institutionnelle, uncas de constipation professionnelle ouintellectuelle, que ce soit la nôtre ou cellede tiers. Cela semble être un rôle qui estreconnu et apprécié de nos pairs :

En créant un environnement propice à laréflexion et à l'autocritique, la contributionde l’équipe IDS a été tout à fait unique.Vous [êtes] profondément passionnés parl’ATPC et pourtant vous êtes suffisammentlucides pour l’observer d’un œil critique –chose que nous devrions tous nous efforcerde faire, si nous souhaitons vraimentcontribuer au changement et à demeilleures conditions de vie. Tom Palakudiyil, WaterAid.

L’objectif commun de toutes nos acti -vités de réseautage et d’apprentissage parl’action est de faciliter le partage et l’ap-prentissage entre les populations, afind'améliorer les pratiques ATPC, d’influ-encer les politiques et donc de garantir laqualité à mesure que l’ATPC est mis àl’échelle. Notre espoir est qu’en aidant lespraticiens et en collaborant avec eux, nousstimulons le débat sur les aspects cruciaux

de l’approche et de sa mise en œuvre, enveillant à ce que les leçons soient appriseset partagées. Un autre but est de nourrirl’élan du « mouvement ATPC » et d'attein-dre une masse critique : une communautémondiale de praticiens soudée et bieninformée. Car, comme le remarque Nilan-jana Mukherjee :

… Sans un mécanisme mondial pourpermettre aux apprenants de rester en rela-tion et de mettre en commun régulièrementleur apprentissage, il serait facile de seperdre ou de se limiter aux frontières d’unpays ou d’un projet… L’IDS [s’efforce] denous fournir à tous une tribune perma-nente pour nous tenir informés desdéveloppements ayant trait à l’ATPC àtravers le monde et se réjouit des occasionspermettant d’analyser les expériencesvécues dans plusieurs pays et d’en tirer desenseignements collectifs.

Regroupons-nous : des ateliers departage et d’apprentissageL’une de ces tribunes est constituée par lesateliers de partage et d’apprentissage quenous avons organisés plusieurs fois au

Les participants à l’atelier sur l’ATPC en Afrique à Mombasa en mars 2009 se regroupent par pays.

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cours des dernières années, par exemplelors de la Conférence sud-asiatique sur l’as-sainissement (Sacosan) II (2006) et III(2008) et lors de la Conférence africainesur l'assainissement et l'hygiène (Africa -San) en 2008. Nous capitalisons sur lesoccasions comme les conférences interna-tionales et régionales, lorsque les gens seréunissent de toute façon, pour (co)orga -niser et faciliter ces ateliers d’une journée,le plus souvent en association avec d’autresorganisations comme Plan, le Programmeeau et assainissement (WSP) de la Banquemondiale ou le Fonds des Nations Uniespour l’enfance (UNICEF). Plus récem-ment, nous avons aussi coorganisé deuxateliers plus longs (une semaine) : un avecPlan Kenya sur l ’ATPC en Afrique àMombasa en mars 2009, et un autre avecl’UNICEF, le WSP, Plan, WaterAid, laCroix-Rouge suisse, LienAid et d’autres surl’ATPC en Asie du Sud-Est et dans le Paci-fique, à Phnom Penh en novembre 2009.Partout où c’est possible, ces atelierscomprennent aussi des visites de terrainpour tirer des leçons des expériencespratiques.

Les ateliers réunissent 40 à 60 prati-

ciens des communautés, des pouvoirspublics, d’ONG et d’agences bilatérales, des« vétérans » et des nouveaux venus sur lascène de l’ATPC, dans le but de mettre encommun des expériences et de promouvoirl’apprentissage mutuel. À l’issue de l’atelierde Mombasa, un participant a commenté :

Il a été très intéressant de partager toutesces expériences sur l’ATPC issues d’une tellevariété de ressources. Je suis persuadéqu’ensemble nous pouvons hisser nosdifférents pays en développement à un plus

Photo de famille des participants à l’atelier de Mombasa.

Et pour célébrer la fin de l’atelier de Mombasa… Cegâteau est littéralement couvert de (mots du crupour dire) merde.

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haut niveau d’assainissement et d’hygièneen appliquant l’approche ATPC et enpartageant nos connaissances.

Rencontrer des gens en personne,entendre leur histoire de leur bouche et,surtout, rire ensemble sont autant d’acti -vités qui ont revêtu une importance vitalepour créer des réseaux locaux et régionauxde praticiens ainsi que le sentiment d’unecommunauté mondiale de l’ATPC. Lors deces ateliers, nous passons du temps àentendre le récit des expériences qui ontdonné de bons résultats, nous réfléchissonsen toute franchise aux questions émer-gentes et aux difficultés et nous échangeonsdes idées, des innovations, des solutionspossibles et des façons d’aller de l’avant. Cesateliers constituent une superbe occasionde créer des liens entre les organisations,les pays et même les continents pourcontribuer à l’établissement d’un réseauutile à l ’avenir. Comme l ’ illustre uncommentaire formulé par Innocent Sifunade Plan Kenya au Turkana, l’interactiondirecte avec des tiers qui travaillent surl’ATPC est une expérience irremplaçable etcrée beaucoup de dynamisme : « Aprèsavoir pris part à l’atelier régional, je suisplus galvanisé et motivé que jamais. »

Un résultat positif est la nouvelle colla -boration et le partage d’expériences, deressources et de matériels au-delà de l’ate-lier. Le temps passé ensemble se terminehabituellement par l’établissement de plansd’action par pays et/ou par organisation, enreconnaissant que ce dont nous avons parlépeut servir de point de départ au change-ment. L’apprentissage des ateliers sert ausside base d’apprentissage pour tous, avec ladissémination par le biais du site web et despropres réseaux des participants dans leurspays respectifs. Comme le résumait FrankMarita de Plan Kenya à l’issue de l’atelierde Mombasa en mars 2009 :

Le forum d’une semaine nous a donné àtous une occasion de mettre en communnos différentes expériences et les difficultés

rencontrées avec l’ATPC. Je crois qu’un bonnombre d’entre nous (pour ne pas direchacun de nous !) sont totalement con -vaincus et croient dur comme fer que l’ap-proche ATPC est la seule façon d’aller del’avant… Je suis sûr que nous sommes tousd’accord pour dire que la documentationsur ce que nous faisons, en partageant lesmeilleures pratiques et celles qui sont lesplus prometteuses, ainsi qu’un réseautagecontinu, constituent des conditions préa -lables au succès de l’ATPC. Nous devonsattiser les braises.

Devenir une plaque tournante :l'implication de l'IDS dans l’ATPC« Attiser les braises de l’ATPC » décrit sansdoute assez fidèlement ce que nousessayons d’accomplir au sein de l’IDS.D’aucuns diront peut-être que nous nenous salissons pas les mains – c.-à-d. quenous ne sommes pas directementimpliqués dans la mise en œuvre de l’ATPCsur le terrain – nous estimons que nousavons cependant un rôle important à jouer.Et cela nous a été bien souvent répété parceux qui travaillent avec nous. Comme l’af-firme Idrissa Doucouré, chef de l’Unité surles nouvelles initiatives à WaterAid :

Ces dernières années, l’IDS a été dans uneposition privilégiée pour réunir des ONGinternationales de différents secteurs quitravaillent sur l’ATPC… L’IDS a pris lepouls des initiatives mondiales ATPC etelle a joué un rôle déterminant dans lacréation de liens intersectoriels et inter -organisationnels afin de faire progresserl’approche.

Nous nous voyons comme une plaquetournante. Nous sommes placés au cœurd’une toile complexe qui relie beaucoup degens différents à travers le monde : prati-ciens, ONG, agents gouvernementaux,chercheurs et toutes les autres personnesrésolument décidées à mettre fin à la défé-cation à l ’air libre et ses terriblesconséquences pour la santé et le bien-être

177La merde se déplace vite : vers un réseau ATPC mondial

humains. Nous recherchons, recueillons etdiffusons les connaissances, les rechercheset les informations sur l’ATPC. Nousrelions ceux qui sont engagés et/ouintéressés par l’ATPC à l’échelle mondialeet nous facilitons des processus mutuels departage et d’apprentissage à partir de l’ex-périence. Alors que d’autres grands acteursdu secteur travaillent sur l’assainissementen général, nous sommes les seuls quitravaillons spécifiquement sur l’ATPC et lesite web de l’ATPC est le seul qui soit dédiéexclusivement à l’ATPC et d’une enverguremondiale.

Du fait de notre proche collaborationavec le pionnier de l’ATPC, Kamal Kar, etprécisément parce que nous ne sommespas impliqués dans la mise en œuvre, nousoccupons une place privilégiée. Noussommes jugés comme « neutres » par lestiers et nous sommes particulièrement bienplacés pour pouvoir réunir les praticiens desautres pays et des autres organisations :

Pour des praticiens comme nous, il y atoujours beaucoup moins de temps pour ladocumentation, la réflexion et l’apprentis-sage. Donc, le fait de disposer de l’IDS pourse charger de ces activités… a permis degénérer des perspectives et des enseigne-ments qui ont pu, ensuite, être partagés. Stuart Mulholland, Directeur deProgrammes, Plan UK et SamuelMusyoki, Directeur stratégique deprogramme, Plan Kenya.

Est-ce que ça marche ? Les succès et lesdifficultésLes succès du travail en réseau peuvent, àl’instar de la merde, souvent rester cachés.Ils peuvent ne pas être immédiatementévidents et ne peuvent pas toujours êtredirectement attribués à un acteur ou uneactivité. Néanmoins, ils sont bien là. En2008, j’ai reçu une demande de conseil dela part de Tearfund pour savoir commentintroduire l’ATPC en Afghanistan. Par e-mail, je les ai mis en rapport avec l’un de

nos contacts de l’Integrated Rural SupportProgramme (IRSP) à Mardan, dans laProvince de la frontière du Nord-Ouest auPakistan, une ONG qui a été très impliquéedans la mise en œuvre de l’ATPC et laformation associée. Du fait de la proximitégéographique et des affinités culturelles, j’aipensé que cela pourrait peut-être fonction-ner. Et c’est ce qui s’est passé. Après uncertain nombre d’échanges d’e-mails, lesformateurs d’IRSP ont organisé une forma-tion ATPC dans la province de Kapisa, enjuillet 2008. De nouvelles actions de réseauen 2009 ont fait que Knowledge Links, uneONG très impliquée dans la formationATPC en Inde, s’est chargée du suivi et del’organisation de nouvelles formations,apportant un soutien supplémentaire àTearfund en Afghanistan dans le cadre deses initiatives ATPC.

Parmi les autres exemples de résultatspositifs de notre travail de réseau, on peutciter la collaboration entre Plan et UNICEFsur la traduction du Manuel ATPC enfrançais et la collaboration de l’IDS avec lesdeux organisations pour réimprimer lemanuel en 2009. Au Royaume-Uni, leGroupe d’action et d’apprentissage surl’ATPC qui est né des discussions lors dulancement du manuel en avril 2008, est ungroupement informel mais très actif. Desreprésentants de WaterAid, Plan, Tearfund,Practical Action, World Vision et d’autresONG basées au Royaume-Uni se réunis-sent tous les trimestres pour prendre desnouvelles et se tenir informés des activités,des recherches, des manifestations et desactualités de leurs collègues. Lors de l’ate-lier régional pour l’Asie du Sud-Est et lePacifique au Cambodge, les participantsont projeté de mettre en place un secré-tariat régional sur l’ATPC et ils ont envi sagédes visites d’apprentissage dans ces pays,par exemple en Indonésie, pays qui peut setarguer d’une riche expérience dans la miseà l’échelle de l’ATPC.

Globalement, nous estimons que nousavons fait une contribution positive audialogue croissant entre les différentes

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ONG et agences, entre les praticiens et lesbailleurs, les chercheurs et les praticiens,mais aussi entre les défenseurs dedifférents types d’approches en matièred'assainissement. D’autres se sont déclarésintéressés par l’utilisation de l’ATPC, parexemple la Croix-Rouge britannique etinternationale, qui ont assisté à un atelierd’Introduction à l’ATPC dans les locaux del ’IDS. Depuis lors, ils ont envoyé auCambodge leur Conseiller internationalpour la promotion de l’eau, l’assainisse-ment et l’hygiène, basé au Kenya, et ontdemandé des supports ATPC en prépara-tion de leur assemblée annuelle dereprésentants des sociétés nationales de laCroix-Rouge d’Afrique orientale et australe.L’assemblée était la première exposition àl’ATPC pour la majeure partie des partici-pants, issus de 12 pays d’Afrique orientaleet australe. « Certains se sont vraimentpassionnés, » explique Libertad Gonzalez,Conseillère de la CRI pour la promotion del ’eau, l ’assainissement et l ’ hygiène. « Certains pays (Tanzanie, Kenya,Ouganda, Burundi, Zimbabwe) ont décidéd’établir un groupe de travail au sein dessociétés nationales, de se mettre en rapportavec d'autres organisations dans leur paysqui sont actuellement impliquées dansl’ATPC et de chercher un financement pourlancer des projets pilotes à petite échelle. »

Mais bien que nous ayons de bonnesrelations et de nombreux contacts dansbeaucoup de pays et dans des organisationsclés, la situation change si rapidement qu’ilest difficile de savoir tout ce qui se passe.Bien que nous rappelions constamment ànos contacts de partager les publicationssur le site web, je tombe souvent sur dessupports pertinents tout à fait par hasard,quelquefois bien après la publication. Lefait de compter sur les autres pour qu’ilssoient proactifs et nous disent ce qui sepasse et pour partager les contenuscomporte aussi une autre implication : ilpeut s’avérer difficile d’approfondir leschoses et de découvrir ce qui se passe vrai-ment. Les rapports, données, anecdotes ne

correspondent pas toujours. Qui et quellesinformations croyez-vous lorsque vousobtenez des renseignements contradic-toires auprès de différentes sources ?

Parfois, les attentes dépassent noscapacités et nos connaissances limitées(celles de l’IDS). Nous recevons des deman-des pour l’organisation de formations oudes questions sur l’ATPC auxquelles nousne pouvons pas répondre. Parfois, noussommes en mesure de diriger l’auteur de laquestion vers l’un de nos contacts. D’autresfois, nous devons nous contenter d’encou -rager les gens à apprendre par la pratique.

La chose même qui a permis à l’IDS dese tailler une niche peut aussi se révéler êtreun challenge. Les praticiens, notammentles ONG, les agences et les agents dugouvernement ont beaucoup de respon- sabilités conflictuelles et sont souvent aussibridés par leur structure institutionnelle. Ilest donc possible qu’ils n’aient qu’un lapsde temps limité pour réfléchir et mettre encommun leurs expériences avec des tiers.Et lorsque de nombreuses demandesconflictuelles sont exercées sur le person-nel, il peut s’avérer très difficile de main-tenir l’élan en faveur de l’ATPC.

Mais une chose est sûre – et elle medonne l’espoir de ne pas perdre notre élan– c’est l’enthousiasme, la passion et ledévouement de ceux qui travaillent surl ’ATPC à travers le globe et les vivesémotions que l’approche semble provoquerchez toutes les personnes qui entrent encontact avec. Les mots utilisés en disentlong. Les gens parlent de « sceptiques etd’évangélistes » et se décrivent comme des« convertis » ou des « illuminés ». Commele montrent chacun des ateliers et le traficd’e-mail toujours plus dense, la commu-nauté mondiale ATPC reste bien vivante,de sorte que beaucoup de gens parlent demerde du Bangladesh à la Bolivie, du Népalau Nigéria, du Pakistan aux Philippines.

Nous continuerons de nous demander,ainsi qu’aux autres : l’IDS a-t-elle un rôle àjouer ? Au final, on espère que d’autres, auniveau national et régional, prendront la

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COORDONNÉESPetra Bongartz Agent de Coordination, Communication etRéseautage :Assainissement total piloté par la communauté(ATPC) Institute of Development Studies (IDS)Université de SussexBrighton BN1 9RE Royaume-UniCourriel : [email protected]

Site web : www.communityledtotalsanitation.org

RÉFÉRENCES Kar, K. (2010) Faciliter les ateliers de formation sur le terrain pour

l’Assainissement total piloté par la communauté : Guide deformation des formateurs. Conseil de concertation pourl’approvisionnement en eau et l’assainissement (WSSCC) :Genève, Suisse. En ligne : tinyurl.com/clts-training-guide. URLcomplète : www.communityledtotalsanitation.org/resource/facilitating-hands-training-workshops-clts-trainers-training-guide

Kar, K. et R. Chambers (2008) Manuel de l’Assainissement TotalPiloté par la Communauté. Plan : Royaume-Uni et Institute ofDevelopment Studies (IDS) : Brighton, Royaume-Uni. En ligne :http://tinyurl.com/CLTShandbook. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/resource/handbook-community-led-total-sanitation

suite de ce que nous faisons actuellementpour que nous n’ayons plus rien à faire. Enattendant, nous restons résolument décidésà encourager et à faciliter le partage et l’ap-prentissage sur l’ATPC.

Par conséquent, la prochaine fois quevous vous trouvez dans un hôtel ou quevous participez à un atelier, soyez attentifset prêtez l’oreille à ceux qui sont près devous. Peut-être aurez-vous la chance defaire l'objet d’un déclenchement !…

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Conseils auxformateurs

4e PARTIE

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Introduction Alors que l’Assainissement total piloté parla Communauté (ATPC) continue deprendre de l’ampleur en Afrique, beaucoupd’organisations veulent le mettre à l’échelle.Ce phénomène a fortement augmenté lademande en formation et en appui auxfacilitateurs pour veiller à ne pas compro-mettre la qualité lors du processus depassage à l’échelle. Le passage à l’échelle esten effet nécessaire pour que l’ATPC puisseapporter une contribution notable auxconditions de vie de quelque 533 millionsde personnes qui n’ont pas accès à unassainissement amélioré et à 260 millionsd’entre elles qui pratiquent la défécation àl’air libre en Afrique subsaharienne.1

La qualité de la formation et de l’appuiest essentielle pour une mise à l’échelleperformante de l’ATPC. Cet article fournitquelques conseils sur ce qu’ il fautrechercher dans le passage à l’échelle. Le

Manuel de l’ATPC (Kar et Chambers,2008) et le nouveau Guide de formation àl’ATPC (Kar, 2010) seront des ressourcesutiles pour ceux qui souhaitent serenseigner davantage sur la formationATPC. Le chapitre du Manuel sur ledéclenchement est également reproduitdans ce numéro.2

Les conseils fournis dans ce petit articlesont simples et dressent une liste succinctede choses à faire et à ne pas faire : les chosesqui ont montré qu’elles marchaient et cellesqui ne marchent pas. L’article est basé surmon expérience personnelle en tant quantformateur, facilitateur et chargé de projetATPC. Je vous recommande de démarrerdans des secteurs qui réunissent des condi-tions favorables (voir l’Encadré 1).3 On aainsi plus de chances d’afficher des victoiresrapides et donc d’offrir des opportunitésd’apprentissage et de motivation pourmettre l’ATPC à l’échelle.

1 Programme commun OMS/UNICEF de surveillance, 2008.2 Voir le Chapitre 15, dans ce numéro.3 Pour en savoir plus sur les conditions favorables, voir le Manuel de l’ATPC, Chapitre 2,« Avant le déclenchement», (Kar et Chambers, 2008).

Note aux formateurs,facilitateurs et à ceuxqui commanditentune formation ATPC 14par SAMUEL MUSEMBI MUSYOKI

61 l Samuel Musembi Musyoki182

Source : (Kar et Chambers, 2008).

Conditions favorables• De petits établissements humains (unhameau plutôt qu’un gros village)• Des zones reculées plutôt que prochesdes villes et des grandes routes• Des zones socialement etculturellement homogènes• Une couverture nulle del’assainissement dans la zoneenvironnante• Des conditions d’humidité et demoiteur qui dispersent les excréments etdégagent une odeur nauséabonde• Des sources d’alimentation en eau nonprotégées, vulnérables et polluées,comme dans certaines zonesmontagneuses• L’absence de programme en cours,antérieur, à proximité ou derayonnement national prévoyant dessubventions aux ménages pour l’achatde matériel• Des conditions visiblement sales• Des taux élevés de maladies diarrhéiques et demortalité infantile• Un leadership local jeune et progressiste • L’existence de groupes actifs dans lacommunauté

L’environnement politique du programme• Des zones où il n’existe pas de programme desubvention aux ménages pour l’achat de matérielet aucun n’est sur le point d’être proposé • Des zones où les facilitateurs de l’approche ATPCsont fortement motivés, dotés d’une formationsolide, avec des attitudes et des comportementsappropriés et soutenus de façon flexible par leurorganisation • Des zones où il existe des dispositions pourassurer un suivi, un encouragement et un soutien àl’issue du déclenchement • Une coopération des responsables politiques etun dispositif gouvernemental local favorable

Les conditions et pratiques actuelles• Des conditions visiblement dégoûtantes etécœurantes, où la contamination par les matièresfécales est flagrante• La défécation est entravée par un manqued'intimité • L’absence ou la rareté d’endroits privés,accessibles ou appropriés pour déféquer• Les matières fécales n’ont pas ou peu de valeuréconomique

• Les conditions et les pratiques présentent debonnes opportunités pour susciter des questions etdémarrer le processus de déclenchement, p. ex. lesgens peuvent analyser comment ils mangent leurpropre merde et se baignent dans la merde desautres • La nuit ou lorsqu’il pleut, les gens viennent chierà proximité

Les conditions physiques• Le sol est stable et facile à creuser• La nappe phréatique est relativement basse etsans crue/inondations régulières• La typologie du bâti offre des espaces adéquats• Les puits environnants ne seront pas pollués• Les sources d’alimentation en eau ne sont pasprotégées et sont vulnérables à la contamination

Les conditions sociales et culturelles• Beaucoup de maladies, surtout des diarrhées, etune mortalité infantile élevée• Une communauté de petite taille (un hameauplutôt qu’un gros village) • Une communauté socialement homogène à fortecohésion sociale• Des restrictions importantes sur les mouvementsdes femmes et pratique du purdah où les femmesdoivent faire leurs besoins dans des seaux àl’intérieur de la maison avant d’aller vider les seauxdans le noir• Une solide tradition d’action collective• Les femmes peuvent s’exprimer• Un leadership local progressiste

Encadré 1 : Conditions favorables

Des enfants sur une marche de la honte durant une séance deformation dans le district de Lilongwe.

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183Note aux formateurs, facilitateurs et à ceux qui commanditent une formation ATPC

Ce qui marche : À FAIRE Ce qui ne marche pas : À NE PAS FAIRE

Préparatifs

Constituez une équipe interne de personnelengagé qui va prendre la tête de la totalité duprocessus ATPC : soutien avant la formation,pendant le déclenchement et après ledéclenchement.

Ciblez soigneusement, identifiez et sélectionnezdes stagiaires susceptibles de travaillerdirectement avec des communautés pour mettreen œuvre l’ATPC à l’issue de leur formation.

Choisissez des gens qui ont un sens de l’humourinné et beaucoup de présence, qui sont passionnéset communicatifs. Les gens ayant une expérienceantérieure en matière d’approches/méthodesparticipatives comme l’ERP, le théâtre pédagogiqueparticipatif et la communication populaire donnentfacilement de l’écho à l’ATPC.

Identifiez un groupe raisonnablement nombreuxmais gérable de participants (p. ex. 35 à 40) carcela donne l’occasion d’identifier ceux qui sontpassionnés ou doués pour favoriser la mobilisationen faveur de l’ATPC.

Servez-vous de la liste de conditions favorables etdéfavorables pour choisir les communautés ou lesvillages où aura lieu le déclenchement.

Commencez petit (6 à 10 villages) et apprenezavant de mettre à l’échelle.

Invitez des participants issus de différentesdisciplines et divers secteurs d’activités : certainsdes meilleurs praticiens sont issus de disciplinesautres que l’assainissement. Même les chauffeursde certaines organisations sont sortis du lot et sesont imposés comme de meilleurs facilitateurs quecertains soi-disant « professionnels ».

Préparatifs

NE démarrez PAS le processus ATPC sans avoir mis enplace un leadership et un mécanisme de soutien.

NE commanditez PAS des travaux ATPC à l’extérieurs’il n’existe pas de capacités internes de suivi et desoutien.

NE ciblez PAS plus d’encadrement que de personnel enpremière ligne pour la formation pratique.

N’insistez PAS sur les niveaux d’alphabétisation enguise de critères clés pour la sélection des stagiaires.

NE ciblez PAS indirectement les formateurs selon lemodèle en cascade de formation des formateurs (FdF).Ne présumez pas que ceux qui ont bénéficié d’uneformation (p. ex. au niveau national) serontautomatiquement capables de transférer lesconnaissances, les compétences et les attitudesrequises à des tiers, p. ex. au niveau provincial ou dudistrict.

NE limitez PAS ou N’insistez PAS sur la formation d’untrès petit nombre de participants.

NE démarrez PAS dans des villages qui ne présententpas les conditions les plus favorables.

NE sélectionnez PAS plus de villages pour le processusde déclenchement que le nombre dont vous êtescapable d’assurer un suivi performant.

NE présumez PAS que tous ceux que vous allez formervont nécessairement devenir de bons facilitateurs oude bons formateurs ATPC.

NE versez PAS d’indemnités aux facilitateurs ATPC : cen’est pas une initiative durable et, la plupart du temps,cela devient la motivation et cela remplace la passion(voir aussi Musyoki, dans ce numéro).

61 l Samuel Musembi Musyoki184

Ce qui marche : À FAIRE Ce qui ne marche pas : À NE PAS FAIRE

Mettez de côté des ressources et du temps pour lesuivi, pour réfléchir à l’apprentissage, l’évaluation etla documentation.

Formation

Associez une formation théorique interactive avecune formation pratique en temps réel au sein descommunautés pendant au moins 5 à 7 jours.

Rendez la formation ATPC aussi interactive et aussinaturelle que possible : elle doit venir du cœur etpas seulement de la tête.

Introduisez les participants au langage cru del’ATPC dès le départ. Par exemple, durant lesprésentations, demandez-leur d’indiquer à leurscollègues la dernière fois qu’ils ont déféqué à l’airlibre.

Prévoyez une session lors de laquelle lesparticipants pourront partager leurs histoiresd’enfance sur le thème de la merde.

Dans le contenu de la formation, prévoyez : lepartage d’expériences sur d’autresprogrammes/projets d’assainissement dans le passé ;les origines et les principes/les fondements del’ATPC ; un exposé pratique et une démonstrationsur les méthodes/outils pour la collecte desdonnées, l’analyse et la planification (comment) p.ex. cartographie ; flux de la merde ; schématisationdes circuits ; marche de transect ou marche de lahonte ; déclenchement/point d’embrasement ;discussions sur les effets (sanitaires, sociaux etéconomiques) et plans d’action.4

Assurez-vous de la pleine participation (du début àla fin) de tous les stagiaires.

Encouragez les gens et laissez-leur le temps deréfléchir et de se demander s’ils seraient prêts àfaciliter l’ATPC.

N’organisez PAS la formation ATPC comme unemanifestation isolée en omettant de prévoir dutemps pour le suivi, la réflexion, l’apprentissage et ladocumentation des expériences.

NE choisissez PAS d’aseptiser la langue de l’ATPCafin de la rendre plus polie, plus agréable ouculturellement plus appropriée – elle perd alors toutson pouvoir.

Formation

NE procédez PAS à une formation théorique sansl’aspect pratique du déclenchement dans lescommunautés.

NE permettez PAS à certains stagiaires de neparticiper qu’aux sessions théoriques.

NE faites PAS un cours magistral avec desprésentations PowerPoint qui n’en finissent pas.

N’obligez PAS les stagiaires à accepter des rôlesavec lesquels ils ne sont pas à l’aise.

N’hésitez PAS à employer le langage cru de l’ATPCdès le début de la formation.

Ne débitez PAS précipitamment tout le programmede formation.

4 Voir Kar (2010).

185Note aux formateurs, facilitateurs et à ceux qui commanditent une formation ATPC

Ce qui marche : À FAIRE Ce qui ne marche pas : À NE PAS FAIRE

Permettez aux stagiaires de soulever des questionscritiques et des craintes éventuelles qu’ils peuventavoir sur l’ATPC.

Engagez avec eux un débat constructif sur l’ATPC.

Veillez à une représentation paritairehommes/femmes pendant la formation et dans leséquipes de terrain.

Prévoyez suffisamment de temps pour lapréparation des travaux de terrain : définition desobjectifs, choix et enchaînement des activités etméthodes/outils, partage des rôles etresponsabilités.

Prévoyez du temps pour que les stagiaires puissents’entraîner aux différents rôles attribués(répétitions).

Durant les session pratiques sur le terrain, prévenezles participants que vous allez passer d’un stagiaireà l’autre et que vous pourrez prendre lescommandes pour démontrer tel ou tel pointpendant un exercice de facilitation, le cas échéant.

Procurez-vous les fournitures/matériaux nécessairesà l’avance : poudre de couleur, cendre, sciures debois, crayons feutres, journaux, etc.

Déclenchement

Prenez des dispositions préalables avec le village/lacommunauté hôte mais ne donnez pas trop dedétails sur le thème de la réunion. Vous pourriezdire par exemple que la réunion sera axée surl’apprentissage en matière d’hygiène etd’assainissement à travers la communauté. Nousrecommandons de donner au moins une semainede préavis.

NE vous mettez PAS sur la défensive avec les gensqui critiquent l’ATPC.

NE faites PAS du prêche sur les « miracles » quepeut accomplir l’ATPC.

NE promettez PAS que l’ATPC débouchera surl’obtention du statut FDAL dans un délai prescrit (p.ex. 3 mois).

Déclenchement

NE rendez PAS visite aux communautés aveclesquelles vous n’avez pas pris de dispositionspréalables ou en ne leur donnant que très peu depréavis.

NE désignez PAS des facilitateurs communautairespour procéder au déclenchement dans leur proprevillage, surtout s’ils ne disposent pas d’installationssanitaires dans leur foyer et si eux-mêmespratiquent la défécation à l’air libre.

N’obligez PAS à le faire ceux qui ont décidé de nepas participer à la séance pratique dedéclenchement à l’issue de la formation.

61 l Samuel Musembi Musyoki186

Atelier de leaders naturels facilité par le formateur ATPC Manera, à Homa Bay.

Des villageois tanzaniens calculent le volume de merde produit par ménage et l’indiquent sur la carte.

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187Note aux formateurs, facilitateurs et à ceux qui commanditent une formation ATPC

Ce qui marche : À FAIRE Ce qui ne marche pas : À NE PAS FAIRE

Prenez soin de tenir compte de la saisonnalité aumoment de la planification des travaux de terrain.

Assurez-vous que tous les membres du village sontinvités – y compris les enfants, garçons et filles.

Veillez à ce que les participants travaillent en petiteséquipes de facilitation de 6 à 8 personnes enfonction de la taille de la communauté et du nombrede villages devant faire l’objet d’un déclenchement.

Dans la mesure du possible, rendez visite, observez,encouragez et soutenez toutes les équipes pendantqu’elles procèdent à des travaux pratiques.

Prenez des notes et partagez-les durant une séancede retour d’information.

Intervenez si les facilitateurs sont coincés ou s’ilssemblent un peu effarouchés. Apportez une aideattentive pour faciliter le processus juste le tempsd’une démonstration puis remettez-vous en retrait àun moment opportun.

Préparez les gens à parler de « merde » en langagecru (local) – par exemple, vous pourriez demander àceux qui sont allés à la selle ce matin-là de lever lamain puis demander à tout le monde de lesapplaudir. Cela permet de détendre l’atmosphère.L’humour est un élément essentiel d’une facilitationefficace.

Veillez à ce que la cartographie des ménages et dessites de défécation soit faite sur le sol ou sur leplancher (peut-être sous un abri) et, par la suite,retranscrite sur une grande feuille de papier.

Travaillez en groupes (femmes, hommes et enfants)puis invitez les groupes à mettre leurs résultats encommun ; cela contribuera à trouver différentesopinions.

Soyez observateur afin d’identifier les moments dedégoût, de honte, de peur pour pousser lescommunautés au-delà de leur zone de confort.

Ayez l’œil pour identifier les leaders naturels – ceuxqui sont passionnés et veulent faire quelque chosepour mettre fin à la défécation à l’air libre.

NE procédez PAS au déclenchement lors des saisonsou lors d’événements qui ne sont pas propices à uneaction immédiate des communautés, p. ex. durant lasaison des pluies ou pendant des funérailles.

NE procédez PAS au déclenchement dans descommunautés où il n’y a pas d’institution ou degroupe de praticiens désigné ni de plans pourassurer un suivi.

NE travaillez PAS uniquement avec un petit groupetrié sur le volet ou un représentant de lacommunauté.

N’utilisez PAS une approximation, un mot ou unesubstance de remplacement pour remplacer lamerde durant le point d’embrasement.

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Ce qui marche : À FAIRE Ce qui ne marche pas : À NE PAS FAIRE

Continuez de jouer le rôle de l’avocat du diable– ne soyez pas « trop sympa » avec les gens. Parexemple, si quelqu’un vous demande de lesaider à construire des latrines, faites leur savoirque ce n’est pas votre rôle de leur fournir deslatrines mais que s'ils veulent continuer àmanger leur merde, ce n’est pas un problème.

Prenez soin d’irriter, de dégoûter et de fairehonte à la communauté en vous servant desfaits qu’ils ont générés à l’aide des différentsoutils : cartographie, transect, calcul du volumede merde, organigrammes des voies decontamination fécales-orales.

Félicitez-les pour avoir décidé de mettre fin à ladéfécation à l’air libre et mis au point un plan detravail élaboré pour améliorer leurassainissement – et promettez-leur de revenir.

Laissez les membres de la communauté décidereux-mêmes des actions qu’ils souhaitentprendre, à quelle date et sous la responsabilitéde qui.

Veillez à ce que les stagiaires échangent leurscoordonnées avec les leaders naturels à la fin etleur promettent de rester en contact à intervallerégulier (au départ, une fois, voire même deuxfois, par semaine).

Veillez à ce que les stagiaires invitent desleaders naturels et des représentants de lacommunauté à assister à la formation pratiqueATPC pour mettre en commun leurs expérienceset leurs plans d’action le dernier jour durantlequel les principales parties prenantes dusecteur de l’assainissement sont invitées.

Facilitez une interaction convaincante entre lesleaders naturels et les parties prenantes dusecteur de l’assainissement à la fin de laformation. Ce point est vital au momentd’amorcer l’ATPC dans un contexte urbain oùl’amélioration de l’assainissement nécessite unengagement tangible par les institutions (p. ex.les villes ou les conseils municipaux).

Donnez aux parties prenantes du secteur del’assainissement l’occasion de réfléchir àl’approche et à ses résultats et donnez un retourd’information pour décider de la suite à donner,des rôles et des responsabilités.

NE donnez PAS de leçon à la communauté surleur comportement et sur ce qu’elles ont besoinde faire pour changer.

N’obligez PAS les gens à prendre des mesurespour mettre fin à la défécation à l’air libre s’ils ontdécidé de ne pas y mettre un terme ou s'ilspréfèrent conserver cette pratique.

NE promettez PAS de récompense pour réussir àmettre fin à la défécation à l’air libre ou pour laconstruction de toilettes.

N’empêchez PAS les leaders naturels de participerà la dernière table ronde des parties prenantes.

NE clôturez PAS la session de retour d’informationsans donner aux parties prenantes du secteur del’assainissement la possibilité d’identifier deschampions institutionnels ou des leaders naturelset sans convenir des prochaines étapes poursoutenir les travaux ATPC post-déclenchement.

N’assumez PAS le rôle des leaders naturels et NEsoyez PAS celui qui résume et présente leursexpériences et leurs plans d’action (PowerPoint),pour faire d’eux de simples spectateurs.

189Note aux formateurs, facilitateurs et à ceux qui commanditent une formation ATPC

Ce qui marche : À FAIRE Ce qui ne marche pas : À NE PAS FAIRE

L’après-déclenchement

Tenez votre promesse de revenir pour voir commentse débrouillent les communautés.

Assurez un suivi et documentez les actionsimmédiates et les concepts émergents.

Documentez les activités et les résultats (photos,vidéos et témoignages verbaux) dès le départ.

Veillez à ce que les agents gouvernementaux dotésd'une formation en ATPC ou toute autre agencemandatée assument leurs responsabilités en matièrede suivi comme elles en ont l’obligation.

Reliez la demande créée par l’ATPC à l’offre (artisanslocaux et fabricants de matériel) sans donnerl’impression que vous donnerez des faveurs à lacommunauté : pointez du doigt les possibilités, lesopportunités qui existent et laissez les communautésles saisir elles-mêmes.

Encouragez les leaders naturels et leurscommunautés à élaborer leurs propres mécanismesde suivi et d’évaluation.

Discutez comment seront assurés le suivi et le soutiend’une utilisation hygiénique des installations sanitairespar les leaders naturels et l’ensemble de la communauté– Que souhaiteraient-ils surveiller ? Comment ?Comment vont-ils enregistrer l’information ?

Organisez des réunions périodiques de réflexion(mensuelles d’abord puis trimestrielles) pour évaluerles progrès, tirer des enseignements et accompagnerles intéressés.

Invitez les institutions clés et les personnalités quevous voulez influencer aux célébrations FDAL.

Organisez des réunions de suivi informelles pourdiscuter, évaluer les progrès et encourager lesparticipants.

Documentez les progrès, les innovations et les récitsverbaux – dans la mesure du possible, tenez unjournal ou un blog.

L’après-déclenchement

NE procédez PAS à un déclenchement dans unvillage lors d’une manifestation ponctuelle avant dedisparaître à jamais de la communauté.

NE sortez PAS de votre rôle et NE sympathisez PASavec les communautés.

NE tenez PAS la documentation pour acquisen’omettez PAS de planifier cette étape et de vousen charger.

NE présentez PAS et NE fournissez PAS d’optionstechnologiques (c.-à-d. des modèles de latrines etles coûts associés) pendant ou peu de temps aprèsle déclenchement.

NE prescrivez PAS de normes (modèles)d’installations sanitaires.

NE promettez PAS ou NE fournissez PAS desubventions sous forme d’outils.

N’imposez PAS le système de suivi-évaluation prônépar votre organisation.

N’adoptez PAS une approche totalement laxiste enprenant trop de recul et en supposant que leschoses font se passer d’elles-mêmes.

NE travaillez PAS en vous coupant des autresagences engagées à mettre à l’échelle desinitiatives d’assainissement.

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COORDONNÉESSamuel Musembi Musyoki Bureau pays de Plan International au Kenya Dennis Pritt Road, PO Box 25196-00603 Nairobi Kenya Tél. +254 20 3870216/3874987/3862593 Courriel : [email protected]

RÉFÉRENCES Kar, K. (2010) Faciliter les ateliers de formation sur le terrain pour

l’Assainissement total piloté par la communauté : Guide deformation des formateurs. Conseil de concertation pourl’approvisionnement en eau et l’assainissement (WSSCC):Genève, Suisse. En ligne : http://tinyurl.com/clts-training-guide.URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/resource/facilitating-hands-training-workshops-clts-trainers-training-guide

Kar, K. et R. Chambers (2008) Manuel de l’Assainissement TotalPiloté par la Communauté. Plan : Royaume-Uni et Institute ofDevelopment Studies (IDS) : Brighton, Royaume-Uni. En ligne :http://tinyurl.com/CLTShandbook. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/resource/handbook-community-led-total-sanitation

Ce qui marche : À FAIRE Ce qui ne marche pas : À NE PAS FAIRE

Rejoignez les communautés lorsqu’elles préparentla vérification, durant la vérification et lors descélébrations FDAL.

Aidez-les à élaborer des critères de vérification pourguider le processus d’évaluation – faites-leurconfiance pour qu'elles le fassent.

Invitez les médias et assurez-vous de l’expositionmédiatique et de la documentation des célébrationsFDAL.

Soutenez la documentation et le partaged’expériences en collaboration avec les médias, lesinstituts universitaires et de recherche.

Organisez des visites d’échange d’apprentissageentre les communautés et les institutions descommunautés voisines et des autres régions.

Soutenez et aidez les leaders naturels à participeraux formations ATPC et à partager leursexpériences mais aussi à contribuer audéclenchement dans d’autres communautés etauprès de professionnels du secteur del’assainissement.

N’imposez PAS votre liste de contrôle ou voscritères d'évaluation pour la vérification.

NE minez PAS la capacité des leaders naturels àdiffuser et à mettre à l’échelle l’ATPC dans lescommunautés et les districts voisins.

NE décidez PAS de mettre à l’échelle troprapidement et sans apprentissage et soutienadéquat pour l’ensemble du processus.

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Le Manuel de l’Assainissement Total Pilotépar la Communauté renferme des infor-mations détaillées sur l’ATPC, ses phases depré-déclenchement, de déclenchement etd’après-déclenchement ainsi que des exem-ples et des études de cas recueillis à traversle monde. Dans cette section, nous avonsreproduit le chapitre sur le déclenchementdans les communautés. L'extrait décrit unesérie d’outils de déclenchement ATPC dontcertains des auteurs de cette édition spécialeont fait mention dans leurs articles. • Accompagner la communauté dans l’éva -luation et l’analyse • Contexte et principes de base dudéclenchement de l’approche ATPC • Marche à travers les zones de défécation• Cartographie des zones de défécation• Identification des quartiers les plus sales• Calcul du volume de merde et desdépenses médicales • Comment susciter le dégoût : les voies decontamination fécale• Le point d'embrasement • Comment gérer les différentes réactionsau déclenchement

• Tester la contamination de l’eau• Aider à l’élaboration du plan d’action de lacommunauté• Cartographie communautaire pour lecontrôle

Dans ses remerciements au début dumanuel, l'auteur Kamal Kar précise :

Nous encourageons les utilisateurs de cemanuel à exploiter les directives présentéesde la manière qui leur convient le mieux. Lesméthodes décrites ici ne sont pas les seulespermettant de mettre en œuvre l’ATPC. Nousles encourageons à constamment user deleur bon sens et à innover avec des approcheset des outils adaptés au contexte local afind'encourager et de renforcer la participationet l'autonomisation communautaires néces-saires pour atteindre l'assainissement totalet aller plus loin encore.

Le déclenchement Des centaines de déclenchements de l’ATPCse sont déroulés sans grande difficulté dansde nombreux pays. Il est intéressant dedéclencher l’ATPC dans des villages n’ayant

Le déclenchement : extrait du Manuel del’Assainissement TotalPiloté par la Communauté15par KAMAL KAR et ROBERT CHAMBERS

61 l Kamal Kar et Robert Chambers192

Philip Otieno de Plan Kenya contaminant de l’eau potable avec des excréments avant de l’offrir à boire auxmembres de la communauté, lors d’une formation pratique sur l’approche ATPC en Tanzanie.

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encore jamais fait l’objet d’un projet d’as-sainissement. Les facilitateurs expérimen-tés en ATPC peuvent faire du bon travaildans ces circonstances.

Accompagner la communauté dansl’évaluation et l’analyse : contexte etprincipes de base du déclenchement del’approche ATPCLe déclenchement est fondé sur la stimu-lation d’un sentiment collectif de dégoût etde honte chez les membres de la commu-nauté en les confrontant à la réalité crue dela défécation à l’air libre (DAL) et sesimpacts sur la communauté tout entière.Le postulat de base est qu’aucun êtrehumain ne peut rester indifférent au faitqu’il ingère la merde de ses semblables.L’objectif du facilitateur est simplementd’aider les membres de la communauté àse rendre compte par eux-mêmes que ladéfécation à l’air libre à des conséquencesécœurantes et rend l’environnementdésagréable. C’est alors à la communautéde décider comment régler le problème etde prendre les mesures adéquates.

Contexte et principes de base dudéclenchement de l’approche ATPCCertains segments de la communauté ontde bonnes raisons de vouloir mettre un

terme à la défécation à l’air libre. Citons parexemple : • Les familles qui possèdent des toilettes etqui se rendent compte qu’elles sont toutaussi exposées à la contamination fécale-orale du fait du comportement des famillesqui en sont démunies ;• Les personnes sans terre, qui sont souventcritiquées et injuriées parce qu’ellesdéfèquent sur les terres des autres ;• Les femmes et les jeunes filles, qui souf-frent le plus du manque d’intimité quicaractérise la DAL, car elles doiventsouvent faire leurs besoins avant le lever dujour ou après la tombée de la nuit ; • Les leaders religieux qui réalisent l’inuti litéde porter des vêtements propres puisqu’ilsvont être salis par des mouches qui ont étésur des excréments humains.

Les sentiments forts de ces différentssegments de la communauté sont desdéclencheurs puissants qui poussent lesvillages à devenir des zones FDAL. Ilspeuvent être encouragés à former leurpropre groupe de pression pour inciter lesautres à changer.

Bien que la chronologie des méthodesne soit pas importante, il est souventintéressant de débuter par une promenadeà travers le village car cela donne de bonsrésultats.

193Le déclenchement : extrait du Manuel de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté

Une animatrice du Fonds social pour le développement (FSD) – Sana’a, déclenchant l’ATPC auprès des femmesdu village du gouvernorat d’Ibb, au Yémen.

La participation de facilitateurs de sexe féminin dans chaque équipe de déclenchement de l’approche ATPC estessentielle au Yémen, au Pakistan et dans d'autres pays islamiques. Si l'environnement est propice et si lesrencontres de déclenchement sont organisées à l’intérieur ou dans des endroits inaccessibles aux hommes, lesfemmes participent spontanément, donnent leurs points de vue et lancent des actions collectives contre la DAL.

La clé réside dans l’attitude et l’approche du facilitateur. Celui-ci doit être suffisamment habile pourexpliquer clairement aux membres de la communauté que la décision d’arrêter de déféquer à l’air libre nedoit pas venir de l’extérieur, mais qu’il leur revient d’analyser et de prendre des décisions qui leur sontpropres. Par ailleurs, la décision des membres de la communauté de continuer de pratiquer la DAL etd’ingérer la merde des autres ne doit pas heurter les facilitateurs. Le nom du village concerné sera parcontre consigné dans leurs notes de travail, si les membres de la communauté ne s’y opposent pas. Il nefaut pas hésiter à innover et essayer de nouvelles méthodes en plus de celles décrites ci-après.

Conseil

61 l Kamal Kar et Robert Chambers194

1 Voir Kar (2010).

CE QU’IL EST IMPORTANT DE FAIRE

PRENDRE avec soi : • un tableau à feuilles mobiles ;• des cartes de couleur ;• des ciseaux ;• du ruban de masquage ;• des marqueurs ;• des bouteilles de sulfate hydrogéné pour tester lapureté de l’eau (contamination fécale et présence desalmonelle et de coliformes);1• un appareil photo ;• de la poudre de différentes couleurs avec une quantitésuffisante de poudre jaune (pour marquer les zones dedéfécation) ;• si certains de ces éléments ne sont pas disponibles,des matériaux locaux comme de la cendre, de la sciurede bois, du son de riz, de la paille, des feuilles, de l'herbe,etc. feront l'affaire.

AVOIR DES FEMMES DANS L'ÉQUIPEL’équipe doit comprendre des facilitateurs féminins. Dansles zones où les femmes sont confinées et ne peuventparticiper avec les hommes (comme au Yémen et dans laProvince de la Frontière du Nord-Ouest du Pakistan), aumoins deux animatrices doivent faire partie de l’équipe.

ATTRIBUER DES RÔLES À L’ÉQUIPE• de facilitateur principal ; • de co-facilitateur. Il peut y en avoir deux dans leszones où le facilitateur ne parle pas la langue locale ;• de secrétaire de séance (qui enregistre le contenu et leprocessus) ; • d’agent d’ambiance (un ou plus) chargé d’assurer unenvironnement favorable : organiser la cartographiedans un endroit qui s’y prête, s’assurer qu’il n’y ait pasde remue-ménage, de téléphone portable qui sonne,contrôler les garde-fous, faire en sorte que la séance neressemble pas à un cours magistral, organiser lesgroupes de femmes, d’hommes et d’enfants, organiserdes boosters d’énergie le cas échéant, etc. ; • toute l’équipe doit être à l’affût de leaders naturels quivont sortir du lot et qu’il faudra encourager à prendre laparole et à se mettre en avant.

L’approche

ACCOMPAGNER L'ANALYSE qui provoque unsentiment de dégoût et de honte. Les principauxéléments qui suscitent l’ATPC sont le dégoût, l’embarras,le sentiment de saleté, d’impureté (offense dans denombreuses religions) et, pour les femmes toutparticulièrement, la gêne due au manque d’intimité. Ceséléments poussent souvent les gens à mettre un terme àla DAL et à utiliser des points de défécation fixes ethygiéniques.

POSER DES QUESTIONS. Il y a plusieurs manièresd’aider à déclencher le dégoût au sein des membresde la communauté sans pour autant leur faire laleçon. Il faut être créatif dans la formulation desquestions (Voir l’Encadré 1 pour des exemples dequestions).

IMPLIQUER LES ENFANTS dans la discussion etleur demander s’ils aiment déféquer en plein air et sic’est pour eux une bonne ou une mauvaise pratique.Dans ce dernier cas, que feraient-ils pour l’arrêter ?Souvent, les enfants défilent en criant fort desslogans contre la DAL. Encourager ces activités, celales amuse beaucoup.

NE PAS FAIRE DE COURS MAGISTRAL. À ce stade,il ne faut pas essayer d’éduquer la communauté surles maladies causées par la défécation à l’air libre,sur les mouches comme agents de contamination,ou sur la nécessité de se laver les mains.

NE JAMAIS PARLER de subvention. Dire clairementaux gens que notre présence ne vise ni à offrir dessubventions, ni à suggérer des modèles de latrines.

Comment commencer

Les règles classiques pour la mobilisation en milieurural s’appliquent ici. Ne pas s’habiller de manièreostentatoire. Être aimable. Rester calme. Ne pas seprécipiter. Faire preuve d’ouverture. Établir de bonsrapports avec ceux que l’on rencontre. Êtreobservateur. Écouter. Apprécier les bons aspects dela communauté. Il sera plus facile de soulever lesproblèmes par la suite, de susciter la honte chez lesgens et de leur poser les questions directes dudéclenchement de l’ATPC.

Dès l'arrivée au village, se présenter. Expliquerl’objectif de sa visite. Si on nous le demande, ilpourrait être utile de répondre que notre équipeétudie le comportement sanitaire des villages dudistrict. On essaie de savoir dans combien devillages les gens pratiquent la défécation à l’air libreet en connaissent les effets.

Il y a plusieurs manières de lancer une discussionsur la DAL et l’assainissement d’un village. On peutcommencer la discussion avec un petit groupe de lacommunauté lors d’une promenade informelle dansle village. On peut également commencer avecquelques personnes rencontrées sur le chemin enleur demandant de venir avec nous derrière lesmaisons, dans les forêts, près des rivières ou autresendroits (découverts) où les gens vont généralementdéféquer. Un rassemblement dans de tels endroits

195Le déclenchement : extrait du Manuel de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté

attire vite l’attention des autres.On peut commencer par poser des questions, telles

que : « Est-ce l’endroit où viennent chier la plupart desgens de votre village ? Dans quel autre endroit ? A quiest cette merde ?» On peut leur demander de lever lamain s’ils ont déféqué en plein air ce jour-là et leursuggérer de retourner à l’endroit précis où ils ontdéféqué le matin et de voir si leur merde est toujours là.Nombre d’entre eux vous diront qu’elle n’est plus là. Sion demande ce qui a pu se passer, certains diront queles chiens et les cochons l’ont mangée. Demander alorsà qui appartiennent les chiens, comment ces dernierssentent quand ils rentrent à la maison et s’ils lèchent lesmembres de la famille ou jouent avec les enfants. Unefois leur intérêt suscité, on peut les inciter à appeler

d’autres membres de la communauté. Prévoir à ceteffet suffisamment de places assises ou debout pourpouvoir travailler.Pour s’assurer que la plupart des gens de lacommunauté sont présents au déclenchement del’ATPC et que presque tous les hameaux sontreprésentés, on pourrait :• Faire sonner une cloche (cette méthode a étéefficace dans le district de Kenema, en SierraLeone) ; • Passer des annonces au microphone dans lesgurdwara et les temples (efficace dans les États duPenjab et de l’Haryana en Inde) ;• Inviter les gens via les communications publiques.L’utilisation des haut-parleurs/microphones desmosquées est courante dans de nombreux pays ; • Envoyer les enfants aux quatre coins du villagepour annoncer le début de la manifestation ;• Une marche à travers les zones de défécationprécédant la cartographie est quelquefois utile pourattirer les gens. Lors de la promenade le long desroutes et des ruelles du village, inviter tous ceux quel’on rencontre sur son chemin. Parler aux gens quinous rejoignent. D’autres voudront nous rejoindre envoyant un étranger parler et marcher avec leurs amiset connaissances.

ORGANISER et faciliter.

DEMANDER aux gens les traductions locales pourdire « merde » et « chier » et utiliser toujours cestermes.

NE PAS UTILISER de vocabulaire poli, mais desmots crus que reconnaissent les gens tout au longde la session.

NE PAS HESITER à employer ce langage cru.

Une fois que l’on a attiré l’attention d’une bonnepartie de la communauté, on organise unerencontre. Idéalement, tous les segments de lacommunauté viendront : femmes, hommes etenfants. L’objectif est de les amener à faire uneévaluation et une analyse complète de leurshabitudes, des effets de la défécation et despratiques d’assainissement dans leur communauté,en utilisant les outils et méthodes de l’ERP(Évaluation rurale participative). Pour commencer, demander aux gens de lever lamain pour répondre à des questions comme : « Quia déféqué à l’air libre aujourd’hui ? » et « Avez-vousvu ou senti une odeur de merde humaine dans votrevillage aujourd’hui ?»

En peu de temps, la communauté a emmené l’équipedans un endroit dégoûtant en bas de la colline, remplid’ordure, de merde et de déchets plastiques. C’étaitégalement le principal point de collecte d’eau du village.L’endroit se trouvait juste en contrebas de la mosquéedu village qui ne comportait ni toilettes ni salle d’eau.Les gens se rendaient à la mosquée plusieurs fois parjour et plusieurs d’entre eux déféquaient et se lavaientavant d’aller prier. Les débats sur l’endroit-même ontservi, avec force, de déclencheur.

Les endroits qui se prêtent à la défécation à l'air libresont identifiés par les communautés locales lors d'une« marche à travers les excréments ». Les membres de lacommunauté locale d'un village du gouvernorat d'Ibbau Yémen, guidant une équipe dans les zones DAL pourmontrer des endroits potentiels de DAL fréquentés parles gens le matin et le soir.

61 l Kamal Kar et Robert Chambers196

Marche à travers les zones de défécationCes marches sont l’outil le plus importantet le plus motivant. L’embarras ressentipendant ces « marches de dégoût » peutentraîner un désir immédiat d’arrêter ladéfécation à l’air libre et de se débarrasserde ces zones. Bien qu’ils voient tous la saletéet la merde tous les jours, ils ne semblent enprendre conscience que lorsque desétrangers les forcent à regarder et analyserla situation en détail. Une marche à traversles zones de défécation implique de marcheravec des membres de la communauté d’unbout à l’autre du village, en observant, enposant des questions et en écoutant.Pendant cette promenade, on peut localiserles zones de DAL et visiter les différentstypes de latrines le long du chemin. • Essayer de comprendre avec la commu-nauté ce qui constitue une latrine « hygiénique ».

• Visiter des latrines qui ne sont pascouvertes et où les matières fécales sontexposées à l’air libre.• Passer une torche à travers le trou deslatrines à fosses ouvertes et demander àune personne de regarder à l’intérieur et dedire ce qu’elle voit.

Questions que l’on pourrait poser à une communauté durant la marche à travers les zones de défécation : • Qui vient chier ici ? • Où vont les femmes ? • Quels sont les endroits utilisés par les enfants ? (Toutefois, le groupe des enfants devrait être animéséparément et c’est à eux d’amener leurs facilitateurs jusqu’aux endroits qu’ils utilisent pour la défécation àl’air libre). • À qui est cette merde ? • Montrez deux ou trois tas de merde différents ; demandez-leur s’ils voient une différence de forme, decouleur, de viscosité, etc. D’après eux, comment s’expliquent ces différences (p. ex. la diarrhée, la dysenterie,le choléra, une indigestion, etc.) ? • En montrant une merde fraîche, demandez s'ils peuvent y voir des organismes vivants (p. ex. des mouches,des vers, des insectes, des moustiques, des bousiers, etc.) ? • Si certains se couvrent le nez ou crachent de dégoût, demandez-leur pourquoi ? Font-ils la même chosechaque fois qu’ils se rendent sur ce site ? • Demandez-leur quelle distance peuvent parcourir les mouches et si elles se rendent dans leur maison entransportant de la merde ? • Taquinez-les en suggérant que, de toute façon, ils n’ont pas à s’inquiéter : les mouches qu’ils voient sur lamerde sont sans doute différentes de celles qu’il y a sur leurs aliments (ils ne seront peut-être pas d’accordavec votre suggestion et diront qu’il s’agit des mêmes mouches qui amènent la merde chez eux). • Demandez-leur s’il y a plus de mouches sur la merde liquide ou sur la merde solide, sèche ou humide ? • Demandez-leur quelle merde sèche plus vite : des selles normales ou les selles de quelqu’un qui a ladiarrhée ? Lesquelles contiennent le plus d’eau ? • Demandez lesquelles attirent le plus de mouches (les merdes sèches ou aqueuses/semi-solides)? • Demandez-leur si la contamination d’une merde liquide se propage plus vite ou si c’est plutôt celle d’unemerde normale semi-solide ? • Enfin, demandez-leur s’ils aiment vivre dans un tel environnement ?

Posez toute autre question susceptible de soulever le dégoût du groupe. Servez-vous des caractéristiqueslocales pour innover.

Voir aussi Chimhowa (dans ce numéro).

Encadré 1 : Spécimen de questions qui suscitent le dégoût

Les enfants connaissent très bien tous les endroits oùest pratiquée la DAL. Les enfants du gouvernoratd’Ibb, au Yémen, lors d’une marche à travers les zonesde défécation.

197Le déclenchement : extrait du Manuel de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté

• Demander si la fosse attire des moucheset s’il leur semble sain de laisser les latrinesouvertes.

La clé est de rester dans la zone de DALà inhaler l’odeur nauséabonde, en contem-plant la merde répandue un peu partoutalentour. Si les gens, embarrassés, tententde nous en éloigner, il faut insister pour

rester sur place. Cette expérience, menéecollectivement et en présence d’un visiteurextérieur à la communauté, est un élémentclé déclencheur de mobilisation.

Durant la marche • Poser des questions telles que : Quelles famillesutilisent quelles zones de défécation ? Où vont lesfemmes ? Et que se passe-t-il lors des défécationsurgentes pendant la nuit ou en cas de diarrhéesfréquentes ? Quelquefois, les gens révèlent à quiappartient la merde.• Ne pas éviter les zones de défécation ; bien aucontraire, y passer le plus de temps possible enposant des questions en même temps que les gensinhalent l’odeur de leur merde et se sentent mal àl’aise à l’idée d’avoir amené un étranger dans untel endroit. Cela aidera à déclencher un sentimentde dégoût et de honte qui les poussera à opérerdes changements. Si la merde n’est pas visible, ils’agit peut-être de diarrhées qui ont simplementété absorbées ou emportées par les eaux de pluies.• Attirer l’attention sur les mouches présentes surla merde et sur les volailles qui picorent etmangent cette merde. Demander combien de foisils retrouvent des mouches sur leurs aliments ousur ceux de leurs enfants et s’ils aiment manger cetype de poulet local.• Rechercher des merdes solides et liquides etdemander pourquoi elles n’ont pas toutes la mêmeforme et la même consistance. Souvent, les merdesliquides sont plus proches des maisons, là où lesenfants et les adultes sont le plus susceptiblesd’être infectés.

Conseils

Lors d’un déclenchement dans un village duHimachal Pradesh, les habitants souhaitaientcacher leurs pratiques et ont prétendu qu’il n’yavait pas de DAL. Lorsqu’on leur a demandé delever la main s’ils pratiquaient la DAL, personnen’a levé la main. Ensuite, on leur a demandé defermer les yeux et de penser à leurs enfants. Il leura aussi été demandé s’ils pensaient que la DALnuisait à leurs enfants. Il leur a de nouveau étédemandé si la DAL existait dans leur village. Dansl'affirmative, ils ont été priés de lever la main.Trente personnes sur 50 ont levé la main.Source : Shashi Bhushan Pandey, Knowledge Links

Déclenchement dans le Himachal Pradesh

Dans un village du Himachal Pradesh, lacommunauté a prétendu que le village avaitéradiqué la défécation à l’air libre, alors que la DALy était pratique courante. Le facilitateur a demandéau jeune assistant du chauffeur de déclarer qu’ilavait très envie de faire ses besoins. Il a alorsdemandé à un villageois de lui indiquer un endroitpour faire ses besoins à l’air libre. Un villageois lui adiscrètement indiqué un endroit et a demandé àl’assistant de s’y rendre. Il a instamment prié lechauffeur de ne pas le révéler aux autres. L’assistants’y est rendu, a vu l’endroit rempli de merde et avendu la mèche au facilitateur. Le facilitateur aorganisé une marche en passant par le lieu enquestion. Seule une jeune femme a accepté del’accompagner ; tous les autres ont refusé. Elle étaitjeune mariée et était arrivée au village depuis toutjuste une semaine. Ce qu’elle a vu l’a horrifiée – desmontagnes d’excréments accumulés formant untorrent de merde – et elle s'est mise à vomir dedégoût. L’eau qui s’écoulait à proximité étaitpompée jusqu’à une citerne dans un systèmegravitaire. Elle a dit qu’elle demanderait à toutes lesjeunes filles qui épouseraient quelqu’un du villaged’insister pour obtenir des toilettes et elle a mis lacommunauté au défi de cacher la situation despersonnes de l’extérieur. Source : JP Shukla, Knowledge Links

Les chauffeurs et leurs assistantspeuvent contribuer au déclenchement

Marcher dans la brousse pour trouver la merde !Une communauté rurale près d’Awassa, en Éthiopiedirige une équipe lors d’une marche à travers leszones de DAL.

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Cartographie des zones de défécationAider la communauté à réaliser une cartesimple sur le sol indiquant les maisons, lesressources, les zones de défécation, lespoints d’eau et les problèmes, afin de sti -muler la discussion. Leur demander dechoisir un endroit dégagé adapté à cet exer-cice. La cartographie implique tous les

membres de la communauté dans uneanalyse pratique et visuelle de la situationsanitaire de la communauté.

Dans l’exercice de cartographie, tous lesménages devraient être invités à indiquerleur maison sur la carte, à l’aide d’unmarquage au sol par exemple, ou enplaçant une feuille ou un caillou et àpréciser s’ils ont ou non une latrine. Leszones de défécation à l’air libre peuvent êtreindiquées avec une poudre de couleur etdes lignes sont tracées pour les relier auxménages qui les utilisent.

La carte peut être utilisée à biend’autres fins. Mettre l’accent sur la distanceque certaines personnes doivent parcourirpour déféquer et l’heure à laquelle elles lefont. Y a-t-il des problèmes de sécurité ?Demander aux gens de schématiser lemouvement des excréments depuis leszones de DAL jusqu’aux bassins et autresplans d’eau, entraînant ainsi leur contami-nation.

Dans un village à Mardan, dans la province de laFrontière du Nord-Ouest au Pakistan, un groupe adécouvert une grande quantité de merde semi-solide et liquide très près des maisons lors d’unemarche à travers les zones de défécation. Un desmembres de la communauté qui faisait partie decette marche en a conclu que le taux de diarrhéeétait très élevé et que, par conséquent, les enfantset les hommes faisaient leurs besoins « dansl’urgence » tout près des maisons car ils n’avaientpas le temps de s’éloigner. Ceci a clairement indiquéque la moitié de la population souffrait de maladiesdiarrhéiques à des niveaux clinique et sous-clinique.

Un déclenchement à Mardan, PFNO auPakistan

La communauté rurale de Hetauda au Népal a utilisé des cartes de couleur pour indiquer les endroits où setrouvent les foyers les plus riches, ceux des classes moyennes et les pauvres. Remarquer que les cartes jaunesindiquant les maisons pauvres sont groupées en marge du village et dans la périphérie. Or, les familles lesmieux loties s’y rendent tous les matins pour déféquer (dans la nature). Pour la première fois, les castesmoyennes et les plus pauvres ont compris pourquoi leur environnement était si dégoûtant. Ils ont égalementcompris pourquoi les gens des castes plus élevées visitaient les zones où de nombreuses familles élevaient descochons en pleine nature. Les pauvres ont alors ordonné aux plus aisés d’arrêter la DAL dans leur voisinage dèsle lendemain sous peine d’en subir les conséquences…

199Le déclenchement : extrait du Manuel de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté

Des femmes dans des villages d’Éthiopie et de Tanzanie s’occupent de la cartographie des zones de défécation,y compris les zones de défécation d’urgence. Les sommes dépensées pour le traitement de la diarrhée, de ladysenterie, etc. sont également inscrites sur les cartes en regard de chaque maison.

Lorsque des facilitateurs de l’ATPC ont demandé d’indiquer les zones de défécation d’urgence et de défécationau travail, la carte du village s’est étendue bien au-delà des limites initialement indiquées. Cela a révélé denouvelles réalités concernant la défécation à Samba (ferme agricole).

Un exercice spécial de cartographie avec des enfantsest en cours au village de Shebadino, dans la régiondes NNPS d’Éthiopie, près d’Awassa. Ledéclenchement est ici initié par des enfants et desleaders naturels très doués sont sortis du lot grâce àcet exercice.

Cartographie en cours dans un village du gouvernoratd’Ibb au Yémen. Dans les déclenchements ATPC bienmenés, beaucoup de gens travaillent ensemble à lacartographie, indiquent leur maison, les zones de DALet calculent la quantité de merde produite par lesdifférents ménages.

61 l Kamal Kar et Robert Chambers200

Facilitation de la cartographie pourqu’elle soit ciblée, rapide et amusanteParfois, l’exercice de la cartographie est trèslong. Lorsque les gens s’impliquent dans lacartographie de leur village, ils onttendance à aller dans les moindres détailsde chaque maison, tel que le nombred’hommes, de femmes et d’enfants danschaque famille, chaque chemin et ruelle,etc. Or, souvent, les informations détailléessur la démographie, les aspects socio -politiques, les infrastructures et les institu-tions ne sont pas vraiment nécessaires audéclenchement de l’ATPC. Il faut faireattention à la gestion du temps car perdredu temps à collecter des informationsinutiles peut réduire considérablement letemps nécessaire au stade crucial dudéclenchement.

Afin de déclencher l’approche ATPCdans un laps de temps raisonnable (3 à 4 heures), j’ai adopté une méthodologiebeaucoup plus rapide pour procéder à lacartographie participative des zones dedéfécation. Elle peut être réalisée en unedemi-heure à une heure, selon le nombrede foyers dans le village.

Une méthodologie plus rapide• Demander aux villageois de se rassemblerdans un endroit bien dégagé (depréférence, un endroit propre et sec, sansgravats, pierres ni herbe).• Quelques volontaires sont invités à tracerrapidement le périmètre extérieur duvillage au moyen de bâtons, de branches,de poudres de couleur, etc. Dans certainsvillages andins de Bolivie, les femmes ontvite sorti des fils de laine provenant despelotes (qu’elles portent généralement surelles) pour marquer les frontières du villagesur l’herbe (voir la photo ci-contre).• Demander à quelqu’un d’ indiquerquelques points de repère importants(écoles, routes principales, lieux de culte,etc.) à l’intérieur du périmètre.• Ensuite, demander à une personne de setenir sur la carte à l’endroit où ils sontrassemblés aujourd’hui.

• Demander à une jeune (fille ou garçon) dese tenir devant sa maison. Demander auxautres de vérifier qu’il ou elle ne s’est pastrompé(e) et si c’est le cas, leur demanderde l ’applaudir. Cet exercice permet d’apprendre à s’orienter sur la carte.

À présent, expliquer clairement àchacun les exercices suivants :• Un seul membre par famille choisit unefiche (la pile de fiches doit rester à l’ex-térieur de la carte). Il entre dans le tracé etse tient exactement à l’endroit où se trouvesa maison.• Laisser du temps à chacun pour s’installersur la carte.• Demander à chacun d’inscrire sur la fichele nom du chef de famille et de poser lafiche à l’emplacement de sa maison, (prèsde ses pieds, là où il se tient).• Leur dire que les fiches représentent leurmaison. Puis leur demander d’utiliser de lacraie pour tracer des lignes sur le sol reliantleur maison aux zones de DAL. Cela susci -tera certainement des rires et de l’amuse-ment. Il faudra laisser faire. Surtout ne pastendre les cartes ou la craie aux membresde la communauté. Conserver ce matérieldans un coin de la carte et leur demanderd’aller le prendre eux-mêmes. Encouragerles déplacements et la créativité.• En indiquant le sachet contenant lapoudre jaune, leur dire de s’en servir pourmontrer les endroits où ils défèquent enplein air, en indiquant l’emplacement deleur merde. Leur dire de répandre plus depoudre jaune là où il y a plus d’excrémentset inversement. Cela suscitera encore plusde fous rires ! Les laisser prendre eux-mêmes le sac de poudre. Il y aura unempressement pour prendre une poignéede poudre jaune. À ce stade, les enfantsverseront de la poudre jaune à des endroitsinconnus de leurs parents.• Leur laisser du temps pour terminer cetexercice.• À présent, demander à chacun de revenirse tenir à l’emplacement de sa maison. Leurdemander où ils vont pour les défécationsurgentes, c’est-à-dire, lorsqu’il pleut, au

201Le déclenchement : extrait du Manuel de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté

milieu de la nuit, pendant les périodes dediarrhée sévère ou lorsqu’ils sont malades,etc. Leur demander de prendre de lapoudre jaune et d’en mettre sur les pointsde défécation urgente. Il y aura un nouveléclat de rire et de nouveaux tas de poudrejaune autour de leur maison. Les genspeuvent dire qu’en cas d’urgence, ils vontderrière la maison de leur voisin, et demême, leur voisin vient derrière leur jardin.On notera que la carte devient de plus enplus jaune. Leur demander s’ils ont l’im-pression que le village est plein de merde.• On peut également faire le calcul demerde par maison sur la même carte etidentifier la famille qui, en une journée,contribue le plus gros volume de merde àl’environnement du village chaque jour.Demander à tout le monde de la féliciterchaleureusement.• Leur demander à tous de sortir du tracésans déplacer les fiches. La cartographiedes maisons du village a ainsi été réalisée.

Option : Mettre les fiches de couleur surle sol. Les couleurs peuvent représenter lescatégories aisées ou riches, les catégoriesmoyennes et pauvres et quelquefois, très

pauvres. Demander aux gens de prendre lacouleur qui leur correspond, d’ajouter lenom de leur maison et de placer leur fiche.

Des femmes dans un village des Andes en Bolivie cartographient leurs zones de défécation : « Qui vient chier ici ? »

• Une carte dessinée sur le sol peut être transcritesur du papier, en précisant quelles maisonspossèdent des latrines et lesquelles n’en ont pas,et elle peut ensuite servir au suivi (voir plus loin).• On n’a pas besoin de beaucoup de ressourcespour faire une carte. Encourager les participants àutiliser des feuilles, des graines, des bâtons, oud’autres matériaux facilement disponibles pourreprésenter différentes choses. Il faut être sobremais précis dans ses explications, encourager lacréativité et rendre l’exercice amusant.• L’étape du codage des couleurs (si elle a lieu) nedoit pas durer longtemps.• Si vous avez de la poudre jaune pour représenterles zones de DAL, en étaler sur vos mains etdemander aux participants de vous serrer la main.Puis leur demander ce qui est transféré sur leursmains.• « Questionner la carte ». C’est-à-dire poser desquestions et sonder la signification et lesimplications de ce qui est démontré. La carte n’estpas une fin en soi. C’est un moyen pour lacommunauté de mieux comprendre la situationdans laquelle elle se trouve d’un point de vuesanitaire.

Conseils

61 l Kamal Kar et Robert Chambers202

Cela montre souvent que les pauvres viventaux abords de la communauté – près deszones de défécation – et indique que lesplus riches vont déféquer près des maisonsdes pauvres.

Ne pas commettre l’erreur de prendrele dessus, même subtilement, par exemple,en distribuant des fiches ou des marqueursun par un aux membres de la communautéau lieu de les garder en tas et de leurdemander de se servir eux-mêmes.

Identification des quartiers les plus salesPendant l’exercice de cartographie, deman-der à la communauté de se regrouper parquartier. Leur demander de discuter entreeux et de décider du quartier le plus sale duvillage, le deuxième plus sale, etc. et denoter les résultats sur un bout de papier.Ramasser les papiers et les lire à voix haute.Dans la plupart des cas, tous les groupesidentifient les mêmes endroits commeétant les plus sales.

Des femmes dans un village en Bolivie utilisent des fils de laine pour tracer une carte du village sur le sol etindiquer les zones de DAL.

La poudre jaune sur la carte indique les zones de défécation. Alors que le processus de déclenchement del’approche ATPC avance et que la communauté indique les zones de défécation d’urgence, les taches jaunes surla carte augmentent et s’étendent. Le processus se déroule devant le regard anxieux des membres d’un villageen Bolivie. Soyez vigilant pour ne pas manquer les commentaires spontanés de dégoût et identifier lesindividus qui veulent mettre un terme à cette situation.

203Le déclenchement : extrait du Manuel de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté

Puis, demander aux groupes de noterles endroits où ils vont déféquer. Grâce à cetexercice, les gens des quartiers les plus salesréalisent, peut-être pour la première fois,que d’autres viennent déféquer dans leurzone et les désignent comme le quartier leplus sale. Cette découverte déclenchegénéralement une action immédiate pourempêcher les étrangers de venir déféquerdans leur quartier. Après avoir réalisé cela,les plus pauvres du village, donc ceux ayantle statut social le plus bas, se montrent plusactifs et sont les initiateurs les plus rapidesde l’approche ATPC dans de nombreuxvillages. Ce sont également eux qui tirent leplus parti de la situation car ils ont moinsde dépenses à faire pour soigner la diarrhéeet autres maladies.

Calcul du volume de merde et desdépenses médicales• Calculer la quantité de matière fécaleproduite peut aider à illustrer l’ampleur duproblème sanitaire. Quelle quantité d’ex-créments humains est générée par chaque

individu ou par chaque foyer par jour ? Lesménages peuvent utiliser leurs propresméthodes et mesures locales pour calculerleur contribution au problème. Il faut alorsfaire la somme du volume produit parchaque ménage pour obtenir le volumepour la communauté entière. Ce chiffrejournalier peut être multiplié pourconnaître la quantité produite par semaine,par mois ou par année. Les quantitéspeuvent atteindre des tonnes, ce qui peutsurprendre les communautés elles-mêmes.• Demander quelle est la famille quiproduit le plus de merde et demander àtout le monde d’applaudir et de féliciter lafamille pour avoir apporté le plus grosvolume de merde au village. • De même, identifier les familles qui sonten deuxième et troisième position etapprécier leur contribution. • Identifier ensuite les familles qui enproduisent le moins. Leur demanderpourquoi elles en produisent si peu. Leurdemander alors de manger plus pour enproduire plus. Tout ceci génère beaucoup

Calcul de la production de merde par ménage, dans un village du Yémen. Il est essentiel d’analyser la zone dedéfécation sur la carte ainsi que le calcul du volume de merde par ménage et de définir les voies detransmission fécale-orale en collaboration avec la communauté.

61 l Kamal Kar et Robert Chambers204

d’amusement mais la prise de consciencese fait progressivement.• Demander aux gens combien ilsdépensent en frais médicaux.• Se tenir autour de la carte. Les agentsd’ambiance font taire la foule. • Désigner une fiche et demander combienils dépensent en traitements et en médica-ments pour la diarrhée, la dysenterie, lecholéra et autres maladies liées à la DALqu’ils ont identifiées. • Leur demander s’ils souhaitent calculer le

montant dépensé par mois ou par an puisl ’écrire au marqueur sur la fiche duménage. • Comme avec le calcul des matièresfécales, demander quelles famillesdépensent le plus. • Souligner si elles vivent près des zones dedéfécation ou dans les quartiers les plussales. Sont-elles pauvres ou riches ? Quisouffre le plus – les riches, les classesmoyennes ou les pauvres ? • Installer le chevalet de conférence et leur

Lors d’une approche ATPC bien menée, des villageoisen Tanzanie calculent la quantité de merde parménage. Le point d’embrasement est généralementatteint pendant cet exercice.

Dans une communauté d’un village à Mardan, PFNOdu Pakistan, tous lèvent la main pour signifier leuraccord pour mettre un terme à la DAL.

Travaux pratiques : « De la merde, du pain et des mouches », Tororo, Ouganda.

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205Le déclenchement : extrait du Manuel de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté

demander de calculer les frais médicaux dela communauté par mois, par an et sur dixans. Placer ce tableau près du calcul desvolumes de merde par mois, par an et surdix ans. • Leur dire qu’ils doivent vraiment être trèsriches pour pouvoir dépenser autant d’ar-gent. Demander s’il y a des familles pauvresqui ont dû emprunter de l’argent pour untraitement d’urgence de la diarrhée pourun membre de la famille. Si oui, quelle étaitla somme empruntée ? À qui a-t-elle étéempruntée ? Et où ? Etait-ce facile d’em-prunter de l’argent et de le rembourser ?Qui prête de l’argent pour les traitementsd’urgence ? À quel taux d’intérêt ? DesONG, des intermédiaires ?• Il ne faut jamais suggérer d’arrêter laDAL ou de construire des toilettes. Vousn’êtes pas censés suggérer ni prescrire.

Comment susciter le dégoût : les voiesde contamination fécale

De la merde à l’air libre au transfert dans laboucheDemander où va toute cette merde. Lesgens répondent qu’elle est emportée par lapluie ou qu’elle pénètre dans le sol ;dessiner alors un caca et le poser par terre.Placer des fiches et des marqueurs à prox-imité. Demander aux gens de prendre unefiche et de dessiner ou d’écrire les différentsvecteurs ou les voies qui apportent lesexcréments jusqu’aux maisons.

Par exemple :• Les mouches ;• L’eau de pluie ;• Le vent ;• Les sabots des animaux domestiques ;• Les poulets qui picorent la merde et quien ont sur leurs pattes ou sur leurs ailes ;• Les chiens qui mangent les crottes ou lestransportent sur leurs pattes ou leur poil ;• Les cordes souillées de merde (parexemple, celles utilisées pour attacher lesanimaux) ;• Les roues de bicyclettes ;• Les chaussures ;

• Les jouets d’enfants, p. ex. les ballons defoot, etc. ;• Les déchets en plastique transportés parle vent ;• Les eaux contaminées.

Demander ensuite comment la merdearrive jusqu’à la bouche. Par exemple : • Les mains, les ongles ;• Les mouches sur les aliments ;• Les fruits et les légumes qui sont tombésdessus ou qui ont été en contact avec etn’ont pas été lavés ;• Les ustensiles de cuisine lavés dans deseaux contaminées ;• Les chiens qui lèchent les gens.

Ne jamais suggérer les voies de conta -mination. Laisser les gens discuter, identi-fier, dessiner et écrire.

Le verre d’eau !• Ensuite demander un verre d’eau potable.Lorsque le verre d’eau est apporté, l’offrir àune personne et demander si elle peut laboire. Si elle acquiesce, poser la question àd’autres jusqu’à ce que tous reconnaissentqu’ils peuvent boire cette eau-là.• Ensuite, s’arracher un cheveu et deman-der ce qu’on tient dans la main. Demanders’ils peuvent le voir. Ensuite, toucher la

Le point d’embrasement ! Miguel Pimentel,facilitateur expérimenté de Plan Bolivie, offre unverre d’eau contenant de la merde à une femme quicouvre sa bouche et son nez avec un geste de dégoût.C’est quand les gens réalisent avec horreur qu’ils ontmangé la merde des autres que le processus atteintson paroxysme. Ce sont là des moments critiques quiaccélèrent le processus de déclenchement.

merde avec le cheveu afin que tous puissentvoir. Puis, plonger le cheveu dans le verred’eau et demander s’ils peuvent voir ce qu’ily a dans le verre d’eau.• Offrir le verre à quelqu’un qui se trouve àproximité et lui demander de le boire. Lapersonne refusera aussitôt. Passer le verreà d’autres et leur demander s’ ilsaccepteraient de boire. Personne ne voudraboire de cette eau. Demander pourquoi ilsrefusent. Ils répondront qu’elle contient dela merde.• À présent, demander : « Combien depattes une mouche possède-t-elle ? ». Sileur réponse est erronée, les informer queles mouches ont six pattes et qu’elles sonttoutes en dents de scie. Demander si unemouche pourrait prendre plus ou moinsd’excréments sur ses pattes que notrecheveu. La réponse devrait être « plus ». • A présent, leur demander ce qui se passe

lorsque les mouches se posent sur leursaliments et leurs plats ou les aliments deleurs enfants ; ce qu’elles transportent envenant des endroits où la DAL estpratiquée. • Enfin, leur demander ce qu’ils mangentavec leurs aliments.

Lorsqu’une personne déclare qu’ellemange la merde des autres, la faire venirdevant pour qu’elle le dise à tout le monde.• Une terrible conclusion s’impose : tous lesgens du village ingèrent la merde desautres. Une fois qu’un membre de lacommunauté a exprimé cette réalité enpublic, il faut le répéter de temps en temps.Mais cela doit résulter de leur propreanalyse et cela ne doit pas être une chosequ’on est venu leur dire.• Leur demander d’essayer de calculer laquantité de merde ingérée chaque jour etce qu’ils pensent du fait d’ingérer la merde

Schéma d’une latrine à fosse simple.

Pieux/planches en bois Fosse

Bâche en caoutchoucservant de porte

Moustiquaire

Tuyau en bambou

Couvercle debois avec une

poignée

61 l Kamal Kar et Robert Chambers206

207Le déclenchement : extrait du Manuel de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté

• Soulever un enfant. Chercher des yeux un petit enfant qui joue sur le sol ou qui mange quelquechose sur lequel se promène une mouche. Le soulever. Demander à qui est cet enfant. Est-ce la faute del’enfant s’il ingère des saletés et des excréments ? À qui donc la faute, si l’enfant doit vivre dans unenvironnement sale ? Est-ce normal que les enfants de ce village grandissent ainsi ? Que les parentsqui ne veulent pas voir leurs enfants grandir ainsi veuillent bien lever la main.

• Recouvrir de terre les excréments infestés de mouches. S’il y a des excréments avec desmouches dessus, les recouvrir de terre. Les mouches devraient alors s’éloigner.

• Miroir. Lorsqu’ils réalisent qu’ils sont en train d’ingérer la merde des autres et qu’ils échangent leurssentiments avec les autres, les visages des hommes et des femmes changent radicalement et montrentdu dégoût et du mécontentement. Si cela se produit, présenter un miroir à quelques-unes des femmesles mieux habillées. Plusieurs d’entre elles refuseront de se regarder.

• Merde, aliments et mouches. Lors d’une marche à travers les zones de défécation dans le districtde Solan de l’Himachal Pradesh en Inde, en mai 2006, une participante audacieuse, Nina Gupta, a prisun peu de merde sur une pierre plate qu’elle a apportée au lieu de rassemblement autour de la carte.Les personnes qui l’accompagnaient pendant la marche ont été stupéfaites de voir sa démarche et l’ontsuivie jusqu’à la carte. Elle a alors demandé à quelqu’un d’apporter un plat de riz qu’elle a placé prèsde la merde. En un clin d’œil, les mouches se sont rassemblées autour de la merde et du riz en voletantde l’un à l’autre. Les gens ont regardé la scène dans un silence pesant et deux femmes ont commencé àvomir. Un chien errant s’est approché, attiré par l’odeur. Aucune autre explication ni aucuncommentaire n’ont été nécessaires. Les gens ont déclaré que la DAL leur faisait manger la merde desautres. Depuis lors, cette démarche est devenue une pratique commune lors des exercices dedéclenchement.

• Faire preuve d’un humour cocasse et provocateur. Par exemple :

• S’excuser plusieurs fois pendant le processus. Rester debout, les bras croisés. Les prier instamment dene pas vous méprendre pour un vendeur de toilettes ou un agent du gouvernement ou d’une ONG quiessaierait de les convaincre. « Nous ne sommes pas là pour vous dire d’arrêter la défécation à l’air libreou de construire des latrines. Vous devez vous sentir libres de continuer de déféquer dans la naturecomme vous le faites depuis des générations. »

• Si quelqu’un vous demande pourquoi vous êtes là, répondre : « On est là pour apprendre ». Aprèsquelques exercices, dire : « On a appris beaucoup de choses » et résumer les leçons apprises – volumede merde, frais médicaux, etc. Après chaque analyse participative, il est important de retranscrire lesprincipales découvertes (p. ex. la quantité de merde déversée dans la nature par jour, par mois et par an ; la somme totale d’argent qui sort du village par an, etc.) sur un grand tableau devant l’assemblée.C’est encore mieux si ces données sont écrites par un membre de la communauté et lues à voix hautepour tout le monde. Demander qui est à l’origine de cette analyse et de ces découvertes.

• Après l’épisode « merde, pain et mouches », lorsque les mouches volent entre la merde et lesaliments, leur dire : « Ne vous inquiétez pas, il y a deux sortes de mouches : celles qui se posent sur lescacas humains ne se posent pas sur les aliments ou sur l’eau ». Les gens ne devraient, en principe, pasvous croire.

• Lorsque les gens ont réalisé ce qu’ils font, dire : « Ne vous inquiétez pas, continuez à manger lamerde des autres. »

• Raconter une histoire drôle. À titre d’exemple, on peut citer une anecdote hindi qui raconte qu’uncochon ayant accompli beaucoup de bonnes actions sur la terre va au paradis. Là, il lui est donné detrès bons aliments mais il demande à retourner à son régime habituel : les déchets. Le pauvre cochonsera amèrement déçu car au ciel, il n’y a pas de merde…

• Inventer et partager vos propres idées, expériences, plaisanteries et anecdotes.

Quelques astuces et idées

61 l Kamal Kar et Robert Chambers208

des autres à cause de la DAL. Ne riensuggérer pour l’instant mais les laisserréfléchir. Vous pourrez leur rappeler aumoment de résumer la situation à la fin del’analyse communautaire.

Le point d’embrasementÊtre très attentif au point d’embrasement.C’est le moment où les participantsréalisent de manière collective qu’à causede la défécation à l’air libre, tous ingèrentla merde des autres et que cela continueraaussi longtemps que la DAL sera pratiquée.Lorsque ce moment se produit, il n’est plusnécessaire de poursuivre les activités.

Souvent, à ce stade, les esprits s’échauf-fent et de violents arguments naissent surla manière de mettre un terme à la déféca-tion à l’air libre. Ne pas interrompre, ne pasdonner de conseils. Écouter discrètementla discussion.

Si on vous pose des questions, répondrequ’en tant qu’étranger, vous avez peu de

connaissances locales et qu’ils savent bienmieux que vous ce qu’il convient de fairedans leur situation.• Leur dire qu’ils sont libres de choisir cequ’ils veulent, y compris de continuer àdéféquer à l’air libre.• Leur dire que vous avez compriscomment la communauté pratique la défé-cation à l’air libre et ingère la merde desautres, tout en connaissant bien les impli-cations désastreuses des voies de transmis-sion fécale-orale.• Leur dire de ne pas vous confondre avecun promoteur de latrines qui leur suggèrede mettre un terme à la défécation à l’airlibre. Leur dire de continuer leur anciennepratique de DAL, s’ils le souhaitent.• À ce stade, il se peut que certains disentqu’ils ne veulent pas continuer. Leurdemander pourquoi. Ils répondentgénéralement que les latrines sont chères àconstruire. Leur demander le coût d’unelatrine ordinaire et leur estimation du coût

Figure 1 : Les différentes réactions au déclenchement

Ledéclenchementprovoque des

réactionsdifférentes

Match boxin gasstation

Des étincelleséparpillées

Match boxin gasstation

Un pétardmouillé

Match boxin gasstation

Des flammesprometteuses

Match boxin gasstation

Le feu auxpoudres

209Le déclenchement : extrait du Manuel de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté

minimum d’une latrine. En général, lesréponses varient de 100 et 250 dollars desÉtats-Unis ou plus. Leur parler de latrinesà très faible coût construites ailleurs et leurdire qu’une latrine peut être construitepour seulement 3 ou 4 dollars EU. Laplupart ne le croiront pas. Demander àceux qui sont vraiment intéressés de leverla main. • S’ils lèvent la main, dessiner au tableauune latrine à fosse simple et en expliquerles détails. (Ne pas amener le dessin pourle présenter, mais faire le dessin sur place).Demander combien cela coûterait deconstruire de telles latrines et quelles diffi-cultés poserait la construction. Leur direque ce modèle a été conçu non par vousmais par des gens démunis dans un despays les plus pauvres du monde. Ne pashésiter à partager avec eux l’expérienced’autres communautés qui ont adopté l’as-sainissement total et en ont fait une réus-site. • Leur demander le coût du projet. Ilsdiront peut-être un prix moindre que celuique vous avez suggéré et affirmeront qu’ilssont prêts à construire. Leur demander delever la main et copier leurs noms sur unefeuille.

NE PAS imposer de modèles delatrines. Se souvenir de l’idée centrale del’approche ATPC qui est, dans un premiertemps, de ne pas prescrire à la commu-nauté le meilleur modèle de latrine quiexiste (et le plus durable), mais d’initierplutôt une action locale afin que la commu-nauté recherche sa propre solution à ladéfécation à l’air libre.

NE PAS s’inquiéter si personne ne parled’entamer une action locale. Dans ce cas,les remercier encore et leur dire que leurvillage sera enregistré comme voulantcontinuer la défécation à l’air libre etingérer la merde des autres (voir « unpétard mouillé » ci-dessous). Ne pas croireque vous avez échoué ; vous avez probable-ment entamé un processus.

Comment gérer les différentes réactionsLe schéma ci-dessus est un modèlecommun mais les réactions diffèrent beau-coup selon les communautés. Certainesactions conviennent mieux à telles ou tellesréactions. Elles peuvent être regroupées enquatre catégories, par ordre d’intensité,comme indiqué à la Figure 1.

Les réponses suggéréesVotre réponse à leur réaction devra aussiêtre appropriée. Voici quelques sugges-tions.

Actions menées le jour même, à l’issue dudéclenchementCertaines actions peuvent convenir àdeux situations ou plus, et certaines sontapprofondies dans la section sur l’après-déclenchement.2 Pour rappel, lorsque desleaders naturels sont en action en tantque « consultants communautaires » etqu’ils déclenchent l’ATPC dans un villageautre que le leur, les actions peuvent êtretrès différentes de ce que nous faisonshabituellement. Bien souvent, les leadersnaturels viennent séjourner dans desvillages où l’on pratique la DAL pendantau moins une semaine ou jusqu’à ce quele village soit déclaré zone FDAL ou qu’ilévolue manifestement vers un statutFDAL. Il est déjà arrivé que des leadersnaturels consultants (des hommescomme des femmes) se soient rendusdans un nouveau village et, après avoirvu une grande accumulation de merde,aient déclaré à l’occasion de leur visitequ’ils ne mangeraient pas tant que lacommunauté n’aurait pas construit unelatrine à fosse simple pour leur propreusage, ce qui permettait en même tempsde faire une démonstration à tous lesvillageois. Dans de tels cas, beaucoup dechoses peuvent apparaître spontanémentcar les leaders naturels restent dans lesvillages et partagent les logements avecles habitants.

2 Voir le chapitre 4, « Instructions pour l’après-déclenchement », Manuel del’Assainissement Total Piloté par la Communauté.

61 l Kamal Kar et Robert Chambers210

Des écolières en action dans un village tanzanien pendant une session de déclenchement de l’ATPC. Les jeunesadolescentes sont les plus affectées par les effets de la défécation à l’air libre. Si la facilitation est bien menée,elles prennent souvent des actions rapides pour mettre un terme à la DAL. Des collégiennes au Bangladesh ontdéclaré que, depuis l’ATPC, elles n’étaient plus en retard à l’école car avant, elles devaient attendre qu’aucunhomme ne rôde autour de la forêt. Contrairement à leur mère, elles ne pouvaient se réveiller à l’aube.

211Le déclenchement : extrait du Manuel de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté

Le feu aux poudresLorsque la communauté tout entière esttotalement embrasée et tous sont prêts àentamer une action locale immédiate pourmettre un terme à la défécation à l’air libre. • Partager et expliquer les options de toilettesà faible coût (ou coût modéré) et leurdisponibilité locale (comme ci-dessus) ;• Aider à l’élaboration d’un plan d’actionavec échéancier et à la constitution d’uncomité communautaire local ;• Aider à l’établissement d’une liste depersonnes désireuses de construire destoilettes en mentionnant la date de réalisa-tion prévue ;• Arrêter ensemble une date pour une visitede suivi ;• Aider au lancement du contrôle commu-nautaire en utilisant la carte sociale des -sinée par la communauté (la carte au sol doitêtre reproduite sur une grande feuille etaffichée dans un endroit visible de tous) ;• Désigner un membre de la communautéqui servira de lien avec les fournisseurs decuvettes et de matériel d’assainissement.Dans les endroits très reculés, demander àla communauté de réfléchir au moyen dedévelopper des relations avec des four-nisseurs en vue notamment d’obtenir dumatériel de bonne qualité à prix réduit ;• Leur laisser des fioles pour tester lacontamination de l’eau (voir ci-dessous) ;• Promouvoir l ’autonomie locale desacteurs locaux du processus (relais etmeneurs) afin de pouvoir vous retirer sanstarder. Votre présence ne doit pas créer dedépendance ou entraver l’action et l’inno-vation locales.

Des flammes prometteuses Lorsque la majorité de la communauté estconquise mais qu’il reste néanmoins unnombre important d’indécis.• Remercier tout le monde pour l’analysedétaillée du profil sanitaire du village etleur demander la permission de vousretirer ;• Si un membre de la communauté accepted’initier une action locale, lui demander de

se placer devant le groupe et l’encourager àpartager avec le reste de la communauté lamanière dont il compte entamer laconstruction de latrines ;• Demander à tous s’ils veulent savoircomment d’autres communautés ontconstruit des latrines à bas coût ;• S’ils acceptent tous en levant la main,dessiner et expliquer les latrines à fossesimple requérant des matériaux peu cherset disponibles localement (comme évoquéplus haut) ;• Aider à la planification d’actions, avec uneliste hebdomadaire de tâches à réaliser etdes dates butoirs pour la construction detoilettes ;• Arrêter des dates fixées par l’ensemble dela communauté pour les visites de suivi ;• Aider au lancement du contrôle commu-nautaire en utilisant la carte sociale des -sinée par la communauté ;• Désigner un membre de la communautéqui servira de lien avec les fournisseurs decuvettes et de matériel d’assainissement.Dans les endroits très reculés, demander àla communauté de réfléchir au moyen dedévelopper des relations avec des four-nisseurs en vue notamment d’obtenir dumatériel de bonne qualité à prix réduit ;• Leur laisser des fioles pour tester lacontamination de l’eau (voir ci-dessous) ;• Promouvoir l’autonomie locale des acteurslocaux du processus (relais et meneurs) afinde pouvoir vous retirer sans tarder. Votreprésence ne doit pas créer de dépendanceou entraver l’action et l’innovation locales.

Des étincelles éparpilléesLorsque la majorité des gens ne sont pasdécidés à se lancer dans une action collec-tive ; beaucoup de gens hésitent à prendreposition et quelques rares personnes ontcommencé à réfléchir à la façon d’aller del’avant. • Les remercier pour l’analyse détaillée etleur demander de ne pas vous confondreavec des promoteurs ou vendeurs delatrines ou de toilettes ; leur dire de conti -nuer leur pratique ancestrale ;

61 l Kamal Kar et Robert Chambers212

• Demander combien d’entre eux irontdéféquer en plein air le lendemain matin ;• Leur dire que vous quittez leur village ennotant que certains sont résolumentdécidés à continuer d’ingérer la merde desautres ;• Demander la permission de prendre unephoto du groupe, tous avec leur main levéepour indiquer qu’ils vont continuer la défé-cation à l’air libre. Généralement, les genss’opposent farouchement à la photo. Si unepersonne marque son désaccord, laisser dutemps pour une discussion agitée. Parexpérience, après peu de temps, vouspouvez demander à ceux qui veulentarrêter la défécation à l’air libre de lever lamain, ce qui incite naturellement les autresà lever la leur. Demander alors si vouspouvez prendre une photo de ceux quiveulent arrêter, la main levée ;• À ce stade, identifier tous ceux qui ontdécidé de mener une action pour mettre finà la défécation à l’air libre. Les inviter àvenir devant l’assemblée et demander àtous de les applaudir ;• Fixer une date proche à laquelle vouspourrez revenir pour un second cycle dedéclenchement à l’intention des personnesqui n’ont pas pu assister à celui-ci ;• Laisser sur place des fioles pour tester lacontamination de l’eau (voir ci-dessous).

Pétard mouilléIl s’agit d’endroits où la communauté dansson ensemble n’est pas intéressée et nedésire rien faire pour mettre un terme à ladéfécation à l’air libre.• Remercier tout le monde et prendrecongé. Surtout ne pas exercer de pression ;• Leur dire notre surprise de savoir qu’ilsingèrent sciemment la merde des autres etqu’ils désirent continuer ainsi ;• Juger s’il faut demander la possibilité deprendre une photo de la communauté ;• Leur laisser des fioles pour tester lacontamination de l’eau (voir ci-dessous) ;• Juste avant de partir, leur demander s’ilssouhaiteraient rendre visite à unecommunauté ou un village voisin où la

DAL a été bannie par la communauté elle-même.• Enfin, et après vous être excusé, vouspouvez, si possible, leur raconter une anec-dote (culturellement proche) choquantemais drôle, si vous en connaissez.

Tester la contamination de l’eauQuelle que soit la réponse, laisser à lacommunauté quelques petites fioles enverre d’ hydrogène sulfuré (H2S)disponibles sur le marché. Dans certainsendroits en Inde, ces fioles sont connuessous le nom d’Aquacheck, disponibles pour50 centimes (équivalent en US$). Il peut yavoir différents noms commerciaux pourles fioles d’H2S selon le pays. Elles peuventêtre commandées auprès de laboratoiresqui testent l’eau ou auprès de pharmaciesou de drogueries. À la fin du déclenche-ment, demander à la communauté deremplir les fioles d’eau potable en suivantles instructions mentionnées sur labouteille, de les refermer aussitôt et denoter sur une bande adhésive l’heure de lacollecte de l’échantillon et sa source. Leursignaler de garder les bouteilles à l’abri dusoleil, à température ambiante – 25 à 35 degrés Celsius – pendant 24 à 48 heures,ou dans des endroits plus frais, comme lapoche d’un vêtement par exemple. Si lasolution devient noire, cela indique qu’elleest impropre à la consommation et qu’elleprésente une contamination fécale. Lesmembres de la communauté peuventconserver les bouteilles eux-mêmes. Aprèsutilisation, les bouteilles doivent êtrebrisées et enterrées.

Aider au plan d’action de lacommunauté (le jour du déclenchement) Le processus de planification doit êtrecentré sur des plans d’action de natureimmédiate et positive. Parmi les activitéspossibles, on peut citer : • Installer un chevalet à feuilles mobiles etencourager les premiers acteurs à s’avanceret à s’engager ;• Lorsqu’ils s’avancent, les applaudir bien

213Le déclenchement : extrait du Manuel de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté

fort et leur dire qu’ils sont les leaders d’unavenir propre ;• Identifier leur niveau de vie et les féliciter,en particulier s’ils sont pauvres ;• Leur demander de rester devant l’assem-blée ;• Faire de même avec toute personne quiferait un don ;• Prendre une photo du groupe et lesprésenter comme ceux qui vont transformerl’environnement de la communauté.

Faciliter la création d’un comité sani-taire. Ecrire les noms des membres ducomité. Leur demander combien de tempsil faudra avant qu’ils n’arrêtent définitive-ment la DAL. Si la réponse est plus de 2-3 mois, demander si 60-90 jours àingérer la merde des autres est une notionacceptable. La solution serait peut-être departager des toilettes et de creuser desfosses quasiment de suite pour recouvrir lesexcréments.

Identifier 2 à 4 leaders naturels quiémergent de ce processus.

Les informer, s’il y a lieu, de l’atelier demise en commun et de ce qu’ils doiventpréparer à cet effet : la retranscription dela carte du groupe sur papier, la liste desmembres de la communauté qui veulentcommencer immédiatement, le modèle delatrine à faible coût qu’ils veulent suivre,l’évolution depuis le déclenchement. Inviterles femmes, hommes et enfants qui sontleaders naturels à cet atelier de mise encommun. Avant de quitter les lieux,demander aux leaders naturels de répéterdes slogans contre la DAL afin qu’ils soienttout de suite scandés par les enfants quandles étrangers s’en iront du village.

Parler aux gens d’autres actions menéespar des communautés voisines et de cequ’elles font. Si la communauté est lapremière dans la zone, parler de la recon-naissance dont elle sera gratifiée et de lafête spéciale qui y sera célébrée si elledevient une zone FDAL.

Attention : ne pas s’engager sur lesavantages dont la communauté pourrabénéficier.

Cartographie communautaire pour lecontrôle Lorsque le déclenchement entraîne l’un desdeux premiers types de réaction (feu auxpoudres et flammes prometteuses), laisserà la communauté de grandes feuilles depapier, du ruban adhésif et des marqueursde couleur pour reproduire la carte au sol,en écrivant le nom des membres du comiténouvellement formé, le plan d’action de lacommunauté pour atteindre le statutFDAL, et le nom de ceux qui ont décidé decommencer à creuser des fosses immédia -tement ou dans les jours/semaines à venir.Encourager la communauté à redessiner lacarte esquissée au sol sur des feuilles depapier scotchées ensemble de manière à cequ’elle soit assez grande pour être vue parune petite foule. La carte devra se trouverdans un endroit public mais à l’abri deséléments et de tout ce qui pourrait l’en-dommager. On peut y faire figurer le statutsanitaire de chaque ménage et l’actualiserau fur et à mesure pour montrer les progrèsaccomplis.

61 l Kamal Kar et Robert Chambers214

SOURCE Kar, K. et R. Chambers (2008) Manuel de l’Assainisssement Total Piloté

par la Communauté. Plan : Royaume-Uni et Institute ofDevelopment Studies (IDS) : Brighton, Royaume-Uni. En ligne :http://tinyurl.com/CLTShandbook. URL complète :www.communityledtotalsanitation.org/resource/handbook-community-led-total-sanitation

NOTES Téléchargeable gratuitement à partir de : http://tinyurl.com/CLTShandbook www.communityledtotalsanitation.orgPour les copies papier du manuel, veuillez contacter : Petra Bongartz,Institute of Development Studies, Université de Sussex, Brighton, BN19RE, Royaume-Uni. Courriel : [email protected] Disponible en anglais, français, espagnol, khmer, portugais, hindi etbengali. Une traduction en arabe est en cours de préparation. Saufindications contraires, les photos sont de Kamal Kar.

215

Les praticiens, notamment ceux du Sud,sont confrontés à différents obstacleslorsqu’il s’agit de partager leurs acquis et lefruit de leurs réflexions avec un public pluslarge. Parmi ces barrières, citons descontraintes linguistiques, des pressions entermes de temps et un manque d’expérienceet de confiance lorsqu’il s’agit de rédiger desarticles. Ces obstacles sont encore plus dursà surmonter pour les femmes. Cela pose unproblème pour Participatory Learning andAction (PLA) car l’expérience des praticiens,notamment ceux du Sud, est précisémentcelle que nous voulons capturer.Récemment, nous avons fait quelques essaisavec des ateliers d’écriture participatifscomme moyen possible d’aider les praticiensà contribuer à des éditions thématiques.

Pour le numéro de PLA consacré à l’As-sainissement total piloté par la commu-nauté (ATPC), Plan Kenya, l’IDS et l’IIEDont organisé un atelier d’écriture d’unesemaine à Nairobi au Kenya. Cette sectiondes Conseils aux formateurs décrit l’atelierd’écriture sur l’ATPC, en tire des conclu-sions pour la gestion réussie d’un atelier

d'écriture et se penche sur certaines desdifficultés associées à l’organisation de cetype d’ateliers.

Avant l’atelier d’écritureL’idée d’un numéro de PLA consacré àl’ATPC en Afrique a vu le jour il y a un an,suite à des discussions entre Petra Bongartzet Robert Chambers de l’IDS et SamuelMusembi Musyoki de Plan Kenya. Petra etSamuel ont présenté une note conceptuellequi expliquait pourquoi il fallait consacrerun numéro à ce thème, ce qu’il couvriraitet la marche à suivre, qui englobait unatelier d’écriture pour réunir des praticiens.Petra et Samuel ont ensuite diffusé unappel à contributions auprès d’une listeprédéfinie de praticiens ATPC auxquels ilsont demandé de soumettre des résumés de500 mots. Les finalistes ont été sélection-nés et une date butoir leur a été indiquéepour la rédaction d'un article. Il a étédemandé aux auteurs de présenter aumoins un avant-projet de leur article avantl’atelier et ceux-ci ont ensuite été distribuésaux autres participants au préalable. Parmi

par ANGELA MILLIGAN et PETRA BONGARTZ

Et si l’on écrivait !Gérer un atelierd’écriture participatif 16

61 l Angela Milligan et Petra Bongartz216

ces articles figuraient les projets dequelques auteurs qui ne pouvaient pasparticiper à l’atelier d’écriture.

Objectifs de l’atelier d’écritureIl s’agissait de :• réfléchir au processus de rédaction• donner libre cours à la capacité des parti -cipants à documenter • apporter un soutien mutuel et un examenpar les pairs• améliorer et peaufiner les articles • dégager des fils rouges à rassembler dansle tour d’horizon de l’édition spéciale • identifier des lacunes dans le contenu etvoir comment les combler.

Participants à l’atelier d’écritureL’atelier d’écriture a réuni 11 participants, ycompris trois facilitateurs (SamuelMusembi Musyoki, Petra Bongartz etAngela Milligan). Grace Ogolla de PlanKenya a également fourni un superbe appuilogistique et David Ngige a documenté l’ate-lier sur vidéo et en photos. Robert Chambers a également assisté au premierjour de l’atelier et a partagé son expérienceen donnant quelques conseils de rédaction.Les participants étaient originaires duZimbabwe, de Zambie, de la Sierra Leone,du Malawi, du Kenya et du Royaume-Uni.Il y avait cinq femmes (une de l’hémisphèreSud) et sept hommes (cinq de l’hémisphèreSud), avec différents degrés d’expérience enrédaction. La plupart des auteurs avaientune expérience pratique de l’ATPC etétaient impliqués dans l’appui et la gestionde programmes d’assainissement.

Lieu Le choix du lieu approprié pour un atelierd’écriture est important. Nous avons organiséle nôtre dans un lieu tranquille, à proximité deNairobi mais loin de toutes distractions. Êtreen pleine nature, disposer d’espaces sereins àl’écart du groupe, avoir la possibilité detravailler dans sa chambre et avoir des horairesde repas flexibles sont autant d’éléments quiont contribué au processus d’écriture.

Facilitateurs/personnes ressourcesNous avions trois personnes ressourcespour se charger de la facilitation et del’appui aux auteurs dans les sessions indi-viduelles. Nous avons découvert qu’il étaitextrêmement utile d’avoir une éditrice nonspécialiste de l’ATPC (Angela) à l’atelierainsi que des éditeurs invités (Petra etSammy) qui étaient eux dotés de connais-sances spécialisées dans la thématique dunuméro. Un éditeur « profane » peutpointer du doigt les présomptions qui sontfaites concernant le niveau de compréhen-sion des lecteurs et identifier des subtilitésterminologiques et linguistiques quidoivent être précisées au départ. Il est

Les participants prennent part à un exercice pourbriser la glace durant le premier jour (de gauche àdroite : Giveson, Buluma, Mariama, Robert, Angela,Herbert).

Phot

o : D

avid

Ngi

ge

Cathy regroupe les craintes et les espérances desparticipants.

Phot

o : D

avid

Ngi

ge

Angela rédige des consignes pour l’examen par lespairs.

Phot

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avid

Ngi

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217Et si l’on écrivait ! Gérer un atelier d’écriture participatif

également important de souligner auxparticipants que le rôle de l’éditeur estd’aider les auteurs à faire passer leurmessage au lecteur de la meilleure façonpossible.

Durée et programme L’atelier d’écriture sur l’ATPC a duré unesemaine. Au départ, cela semblait trop longà beaucoup de participants, mais finale-ment, tous ont reconnu qu’il avait été trèsutile de disposer de tout ce temps pour seconcentrer sur leur écriture. Cela nous aaussi permis d’avoir un programme aéréavec beaucoup de temps libre pour donneraux auteurs l’occasion de passer toute unematinée ou tout un après-midi à écrire làoù ils voulaient et à leur manière. Nousavons découvert que certaines personnesaiment écrire tôt le matin, d’autrespréfèrent travailler tard dans la nuit ;certaines personnes peuvent travaillerpendant des heures d’affilée, d’autrespréfèrent écrire par petites tranches etprendre des pauses régulières. Certains ont

besoin de grignoter à intervalles ! Le fait dedonner aux auteurs la possibilité d’écriredans la salle de l’atelier ou ailleurs, là où ilsse sentaient à l’aise et où ils avaient ce qu’illeur fallait sous la main, s’est aussi révélétrès positif.

Les facilitateurs ont élaboré unprogramme sommaire pour la semaine,qu’ils ont présenté le premier jour (Tableau 1),mais le programme a évolué au fil de lasemaine, pour permettre de traiter les

Samuel présente le programme du 1er jour de l'atelier.

Phot

o : D

avid

Ngi

ge

1er jourPrésentationsAttentes (craintes et espérances)« Shit matters » [La merde compte]Contexte, objectifs et emploi du tempsPartage des expériences de rédactionNuméro de PLA sur l’ATPC en Afrique • Objectifs• Messages• PublicTemps de lecture et d’écriture

2e jourTemps de lecture et d’écriturePrésentation de nos articles

3e jourProcessus d’écriture (conseils)Aide-mémoire/consignes pour l’examen par les pairsFeedback constructif (à faire et à ne pas faire,comment)Temps d’écritureConstitution de binômesImpression et échange des projetsExamen par les pairs (en binômes)

4e jour – Repos

5e jour RédactionConsultation avec les éditeurs invités en fonction dufeedback (facultatif)Intégration des changementsFaire le point (où en sommes-nous à présent ?)Partage des acquis : processus et contenuThèmes émergentsTemps de rédaction et consultation des éditeurs

6e journéeConsultation et rédactionExamen des articles des auteurs qui n’assistent pas àl’atelierBilan et planification de la 7e journéeDîner de clôture

7e journéeRédactionRemue-méninges sur les titresDemande de ressources et circuits de diffusionpossiblesQu’avons-nous appris ? (évaluation)Dernières questions éventuelles

Tableau 1 : Programme de l’atelier d’écriture

61 l Angela Milligan et Petra Bongartz218

problèmes, les questions et les demandesd’aide à mesure qu’ils se présentaient. Nousnous sommes tous réunis à intervallesréguliers pour voir comment progressaientles articles et si quelqu'un avait besoind'aide.

RédactionLe 1er et 2e jour, nous avons consacré pas malde temps à discuter du processus d’écriture.Durant l’une des sessions, nous nous sommestous assis en cercle et nous avons partagé nosexpériences en matière d’écriture, nos espoirset nos craintes. Cette démarche a été très utilepour apprendre à mieux nous connaître.Nous avons réfléchi à : • nos expériences en matière d’écriture ;

• les difficultés auxquelles nous sommesconfrontés ;• nos convictions sur nous-mêmes en tantqu’auteurs ;• ce qui nous aide à écrire ;• ce que nous faisons devant la feuilleblanche ;• nos bonnes et nos mauvaises habitudes.

La plupart d’entre nous avaient du malà écrire et éprouvaient des moments dedoute. Ils avaient mis au point des straté-gies variées pour les inciter à écrire ou pourfaciliter l’écriture (voir le Tableau 2).

Nous avons aussi lu un article sur l’ATPCpar Rose George (une journaliste) et nousnous sommes demandé ce qui le rendait siintéressant et si plaisant à lire et quelles

Ce qui favorise l’écriture

• Écrire régulièrement• Trouver le moment qui vous convient le mieux – le matin ou au milieude la nuit !• Toujours avoir un calepin pour y noter des idées/des observations• Donner priorité à l’écriture : se rappeler à quel point il est important decommuniquer vos travaux au vaste monde• Écrire pour raconter votre expérience personnelle (c’est beaucoup plusfacile – vous faites autorité) – c’est comme parler de vous ou raconterune histoire• Réfléchir à qui sont vos lecteurs : un collègue, un décideur ou un amibienveillant (pour supprimer les inhibitions)• un supérieur bienveillant qui encourage son personnel et leur donnedu temps• Écrire (tout) ce qui vous passe par la tête – cela vous libère l’esprit• Écrire après avoir fait un discours : vous disposez déjà d’une structureet le fait de parler la fixe dans votre esprit• En parler avec un ami• Un verre de rouge !• Partager vos travaux avec des tiers (mais cela peut s’avérer difficile siles tiers sont critiques)• Écrire un résumé (env. 150 mots) et se servir des phrases du résumé enguise de titres. Le résultat final sera sans doute différent du résumé àmesure que les idées se développent au fil du processus de rédactionmais cela donne un point de départ lorsque vous êtes confronté à unefeuille blanche.• Vouloir changer les choses en écrivant – MOTIVATION• Persévérer – cela devient plus facile• Un titre accrocheur est important – laisser libre cours à votreimagination !• Vous donner une heure butoir (une sortie, votre programme télé favori)• Penser à votre corps/rester alerte• Si vous êtes en panne, faites une pause ou faites la sieste ! Votresubconscient continue de travailler même pendant la pause.

Tableau 2 : Ce qui favorise et ce qui entrave l’écriture

Défis/entraves

• Essayer d’écrire et d’éditeren même temps• Ne pas savoir quoi partager• Présumer que ce que l’onsait, tout le monde le sait• Douter de soi : est-ce quecela vaut la peine ?• Attendre qu’une idée aitentièrement pris corps• Se sentir un mauvaisauteur ou un auteur pasassez bon• Se comparer à d’autres• Avoir le sentiment d’écriretrop lentement/de façondécousue• Être perfectionniste• Avoir peur de découvrirqu’on n’est pas un bonauteur• Écrire un rapport quin’intéresse pas – qui ennuie

219Et si l’on écrivait ! Gérer un atelier d’écriture participatif

leçons nous pouvions en tirer pour nospropres travaux. Nous avons ensuitedéveloppé des conseils pour une bonnerédaction en nous inspirant de notre analyseet de l’expérience des éditeurs (Tableau 3).

Présentation des articles Bien que les participants aient lu les arti-cles de leurs collègues avant l’atelier, il a ététrès utile de les inciter à présenter leurarticle dans un cadre informel (nous étionsjuste assis en cercle). Personne n’a utilisé deprésentation PowerPoint ou de notes ; ilsont juste parlé de leur travail et les autresparticipants leur ont posé des questions ouont fait des commentaires. Dans certainscas, cela a réellement donné vie aux articles

et cela a permis de clarifier les messagesclés de leur article pour nous et pour lesauteurs – ce qui a facilité la révision et leprocessus de restructuration. Dans un cas

Personne n’est obligé de lire votretravail – faites qu’ils aient enviede le lire !Écrivez pour votre lecteur, paspour vous.Sachez clairement pour qui vousécrivez et quels sont vosmessages clés.Captez l’intérêt de votre lecteurgrâce à un titre accrocheur et uneintroduction efficace.Que dois-je inclure ?Prévoyez une introduction : dîtesbrièvement de quoi va parlervotre article mais ne résumez pastous vos arguments. Aiguisezl’appétit de vos lecteurs pour lesinciter à lire la suite.Qu’est-ce qui est important àpropos de cette expérience?Quelles en sont les leçons plusvastes ? Quelles ont été lesdifficultés et comment les avez-vous surmontées ? Soyezhonnête !Racontez l’histoire de façon à cequ’elle ait tout son sens et pourque vous puissiez en tirer desleçons mais n’incluez pas tous lesdétails ni toutes les activités.Personnalisez votre article : sivous avez vraiment tiré des leçons

de l’expérience que vous décrivez,mettez-vous dans l’article. Vousdevriez toujours dire quel étaitvotre rôle dans le processus defaçon à ce que vos lecteurssachent depuis quel angle vousvous placez (le « positionne -ment » du texte).Servez-vous des anecdotes – ellesse gravent dans la conscience.Comment faire pour que letexte coule bien ?Vous avez du mal à trouver lastructure ?Écrivez les points principaux surdes Post-Its et déplacez-lesjusqu’à ce que vous ayez trouvéun flux logique d’un point à unautre.Utilisez des titres et des sous-titres pour obtenir une structureet servir de balises au lecteur.Faites couler vos paragraphes enles reliant entre eux, p. ex. enrépétant des mots du paragrapheprécédent dans la premièrephrase du paragraphe suivant.Comment rendre mon articleintéressant ?Fragmentez le texte ! Utilisez desencadrés (par exemple, de brèvesétudes de cas, des citations, des

descriptions de méthodes) etutilisez des aides visuelles(tableaux, chiffres, photos).Donnez vie à votre article –incorporez des citations desparticipants.Variez la longueur de vos phrases ;évitez les phrases très longues etemployez des questions.Donnez des exemples.Écrivez comme vous parlez etfaites preuve d’enthousiasme –laissez votre voix percer le texte.Employez un langage simple, clair,facile à comprendre (évitez lejargon et les acronymes).Et enfin…Ce point est très important :remerciez toutes les personnes quivous ont fait part de leurexpérience, p. ex. les agents deterrain. Mieux encore, co-rédigezl’article avec eux.Persévérez : écrire est difficile ;mais avec de l’entraînement, celadevient plus facile.

Tableau 3 : Conseils de rédaction

Ashley présente son article, tandis que (de gauche àdroite) Herbert, Jean-François, Buluma et SamuelRukuni l’écoutent.

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Objectifs • Partager et documenter nos expériences, les leçons et les innovations qui se dégagent de la mise enœuvre de l’ATPC en Afrique.• Montrer comment l’ATPC a été adapté au contexte africain et enrichir la littérature existante sur ledéveloppement participatif.• Bousculer les mentalités conventionnelles et les comportements en matière de pratiquesd’assainissement et motiver d’autres personnes à essayer l’ATPC dans leur travaux.• Encourager le débat sur différentes idées et pratiques au sein des acteurs ATPC.• Réfléchir aux occasions et aux défis que pose le passage à l’échelle de l’ATPC en Afrique.• Contribuer au développement et aux pratiques de l’ATPC en Afrique et dans d’autres régions dumonde.• Montrer comment l’ATPC peut devenir le moteur d’une autre action collective propice au changementsocial.

Messages clés• L’ATPC est un projet à faible coût ; une approche durable à impact élevé en matière d’assainissement.• L’ATPC donne de bons résultats ! Les communautés se lancent dans une action collective pour mettrefin à la défécation à l’air libre.• L’ATPC a un impact sur la santé et le développement socio-économique des communautés.• Les principes clés de l’ATPC sont :

– Ne construisez pas de latrines ; déclencher un changement de comportement de manière à ce queles communautés passent d’elles-mêmes à l’action !– Ne distribuez pas de subvention aux communautés pour construire des toilettes– Utilisez un langage cru afin de choquer les intéressés– Réfutez les normes culturelles nuisibles ; exploitez celles qui soutiennent l’ATPC

• Pour que l’ATPC donne de bons résultats, il est indispensable de mettre en place une facilitation dequalité.• Les facilitateurs ATPC doivent avoir une formation pratique dans les communautés.• Les bons facilitateurs bousculent les normes culturelles là où c’est nécessaire mais ils savent aussi s’enservir à leur avantage.• L’ATPC exige de bousculer les mentalités et les comportements à tous les niveaux : dans lescommunautés mais aussi chez les praticiens, les professionnels et au sein des institutions.• Un bon ATPC exige un calendrier et un financement souples et il s’adapte au contexte.• La mise à l’échelle de l’ATPC par le biais des pouvoirs publics présente à la fois des opportunités et desdéfis.• L’ATPC est une nouvelle approche en Afrique et il faut encore réunir d’autres preuves, effectuer desrecherches critiques et surmonter les difficultés.• L’ATPC peut être un point de départ pour des actions sur les moyens de subsistance et pour changerles relations de pouvoir.

PublicsPublic primaire1. Praticiens :• ceux qui utilisent déjà l’ATPC• ceux qui démarrent• ceux qui pratiquent d’autres approches participatives2. Gestionnaires, p. ex. chargés de programme à tousles niveaux3. Décideurs:• pouvoirs publics• ONG• bailleurs4. Médias5. Chercheurs

Tableau 4 : Objectifs, messages clés et publics cibles

Public secondaireMembres ordinaires de la communauté :• leaders naturels• chefs de village • enseignants

221Et si l’on écrivait ! Gérer un atelier d’écriture participatif

particulier, l’article initial couvrait tant desujets différents qu’il a donné naissance àdeux articles ; dans un autre, la façon dontla personne a évoqué ses antécédentspersonnels et en quoi cela s’intégrait dansses travaux a permis d’ajouter une dimen-sion très intéressante qui n’existait pas dansl’article initial.

Les participants ont été filmés pendantqu’ils parlaient de leur article et, pourcertains, cela a été un moyen utile de réor-donner leurs pensées.

Objectifs, messages et publics clés Le premier jour, nous avons réfléchi indi-viduellement aux objectifs que nous espé -rions atteindre avec ce numéro de PLA, lesmessages clés sur l ’ATPC que noussouhaitions faire passer, et le public crucialvisé par cette édition. Que voulions-nousque nos lecteurs pensent/ressentent/fassent à la lecture de ces articles ? Nous Mariama et Giveson discutent de l'article de Giveson.

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• L’article cadre-t-il avec les objectifs de ce numéro ?• Les messages clés de l’article sont-ils communiqués avec assez de force ou n’êtes-vous pas très sûr de cedont il s’agit ?• L’article a-t-il un titre accrocheur :

– qui capte l’intérêt du lecteur ?– qui traduit la teneur de l’article ?

• L’article porte-t-il un œil critique ou se contente-t-il de décrire ce qui s’est passé ?• L’article décrit-il le processus d’atteinte de résultats – qu’a-t-on appris en cours de route ? Quelles ont étéles difficultés rencontrées et comment les a-t-on surmontées ?• L’article tire-t-il des leçons plus larges des travaux ?• L’article soulève-t-il des questions/enjeux qui restent à résoudre ?• Si l’article évoque des recherches, s’agit-il de recherches participatives ? Les communautés ont-elles étéimpliquées dans la définition des questions de recherche, la génération de l’information et l’analyse desdonnées ? La recherche a-t-elle été éthique c.-à-d. réalisée pas seulement en vase clos, sans suivi et sansavantage pour les communautés ?• L’article coule-t-il bien ? Est-il facile à suivre ?• Est-il écrit d’une manière intéressante et plaisante ?• La fin est-elle travaillée ou est-elle abrupte et soudaine ?• Y a-t-il des encadrés, figures, tableaux, titres, photos etc. utilisés pour fragmenter le texte ?

Donner un feedback• SOYEZ HONNÊTE !• Dites à votre binôme ce que vous avez aimé et ce que l’article réussit à faire.• Mais dites-lui aussi ce qui pourrait être amélioré, à votre avis.• Mettez les points les plus importants de votre feedback dans un fichier Word que vous remettrez à votrebinôme. Peut-être pourriez-vous vous servir de la fonction Commentaires de Word pour faire descommentaires plus détaillés sur la version électronique de l’article, que vous pourrez ensuite envoyer à votrepartenaire.• Discutez du feedback avec votre binôme.

Tableau 5 : Consignes concernant l'examen par les pairs des articles

61 l Angela Milligan et Petra Bongartz222

avons ensuite discuté de ces questions enpetits groupes. Enfin, chaque groupe aprésenté son travail et nous avons recher-ché des points communs, des fils rouges, aumoyen de surligneurs de couleur pour faireressortir les objectifs analogues et desmessages clés entre les groupes, tout enidentifiant les objectifs que nous ne pour-rions pas atteindre. Cela nous a permis dedévelopper une appréciation commune desobjectifs de ce numéro (voir le Tableau 4).Nous nous sommes aussi servi de cet exer-cice pour repenser à ce que nous voulionsfaire dans nos articles (p. ex. enregistrerdes innovations, être honnête à propos desdifficultés rencontrées) et à ce que nous nevoulions pas faire (p. ex. inclure des procé-dures pas à pas décrivant le déclenchementATPC ou occulter les difficultés rencon-trées).

Examen par les pairsÀ la fin de la 3e journée, nous avons mis lesauteurs en binôme pour qu’ils examinentmutuellement leurs articles et dressent uneliste des choses à rechercher dans un article(Tableau 5). À ce stade, les articles étaientbien avancés et la plupart des auteurs (maispas tous) étaient prêts à les dévoiler.

La formation de binôme nécessitebeaucoup de soin pour tenir compte dusujet des articles, de la personnalité desauteurs et du jeu des relations de pouvoir.Nous avons aussi discuté comment donnerun retour critique de manière constructive.Il est difficile d'exposer l'article sur lequelvous avez tant travaillé aux critiques d'untiers, qui risque le tailler en lambeaux ; parconséquent, nous avons incité les réviseursà se concentrer sur ce qu'ils avaient aimédans l ’article de leur partenaire et à

Le dernier jour de l’atelier d’écriture, nous nous sommes tous assis en cercle avec un stylo au milieu, et nousavons tous réfléchi aux questions suivantes :• Quelle a été l’utilité de l’atelier d’écriture ?• Dans quelle mesure a-t-il eu une incidence sur la qualité de votre écriture ?• Comme vous servirez-vous de l'expérience acquise en tant que praticien/pour aider les autres ?• Y a-t-il quelque chose de mémorable que vous allez retirer de cet atelier ?• Votre relation avec l’écriture a-t-elle changé ?

Voici quelques-unes des réponses des participants :BULUMA : bonne façon de mettre en commun l’expérienceSAM : j’écrirai davantage d’articles à l'avenirJEAN-FRANÇOIS : le partage de l’expérience d’écriture est très utile – et émotionnellement chargéGIVESON : il est important de réfléchir à ce qu’on fait : ce que l’on a appris et ce qui repose derrièreHERBERT : je ne pensais pas que j’aurais besoin d’une semaine pour écrire un petit article mais je réalise àprésent que c’est plus difficile qu’il n’y paraît et je pense maintenant qu’une semaine, ce n’était pas tout àfait assez longASHLEY : si je n’avais pas consacré du temps à la révision, l’article aurait été moins intéressant et il auraiteu moins d’impactMARIAMA : j’aurai une session avec des collègues pour mettre en commun et les aider en matière dedocumentationCATHY : l’atelier a très bien fonctionné même si toutes nos pendules physiologiques n’étaient pas à lamême heureANGELA : cela m'a fait prendre encore plus conscience de l’importance d’une bonne rédaction pour fairepasser un message PETRA : heureuse d’avoir pu produire un article en deux jours – habituellement, je n’ai pas le temps de meconcentrerSAMMY : il faut laisser au personnel de terrain le temps de réfléchir mais aussi de documenterDAVID : le silence – juste le cliquetis des touches des claviers

Tableau 6 : Évaluation

223Et si l’on écrivait ! Gérer un atelier d’écriture participatif

suggérer des moyens de l’améliorer. Lesexaminateurs se sont réunis et ont discutéleurs commentaires et ils ont égalementrédigé de brèves notes destinées auxauteurs. Nous avons par la suite envoyé lesconsignes d’examen par les pairs auxréviseurs de notre comité éditorial pourfaciliter leur feedback.

Succès et difficultésComme le montre l’évaluation (Tableau 6),l’atelier d’écriture sur l’ATPC a comportébeaucoup d’éléments positifs (flexibilité,temps libre pour la rédaction, partage desexpériences de rédaction, feedback desexamens par les pairs et des éditeurs) et laplupart des participants ont déclaré qu’ilsavaient gagné confiance en leur capacité àécrire et qu’ils écriraient davantage etpartageraient ce qu’ils avaient appris avecleurs collègues. Ils ont aussi beaucoupapprécié la chance de partager des expéri-ences et de discuter des expériencescommunes et des différences à traversl’Afrique.

L’atelier d’écriture a débouché sur desinnovations qui seront intégrées dans les

éditions futures, par exemple, le développe-ment d’objectifs, de messages clés et depublics cibles pour les éditions thématiqueset le développement d’un aide-mémoirepour l’examen par les pairs qui puisse aussiêtre utilisé par les réviseurs du Comitééditorial. Nous avons aussi peaufiné nosconsignes de rédaction pour les auteurs etcelles-ci seront affichées sur le site web dePLA pour pouvoir être téléchargées par lesauteurs potentiels.

La plupart des articles étaientraisonnablement bien avancés à la fin del’atelier, même s’ils auraient pu être encoreplus aboutis avec davantage d’appui édito-rial. Si les éditeurs invités écrivent aussi desarticles (comme c’était le cas dans l’atelierd’écriture sur l’ATPC), il est essentiel dedisposer d’un deuxième éditeur nonspécialisé pour éviter les goulots d’étran-glement. La prochaine fois, nous devrionsfaire en sorte que tous les articles soientfinalisés à la fin de l’atelier car il est difficilede maintenir l’enthousiasme une fois quetout le monde est rentré au bercail.

Dans mes fonctions d’éditeur, pour mapart (Angela), j’ai parfois ressenti une oppo-sition entre la satisfaction des besoins deslecteurs et les exigences d’un journal inter-national et mon rôle qui étaient d’encou -rager les auteurs, notamment ceux quiétaient nouveaux au monde de l’écriture.Une autre complication dans le cas de PLAtient au fait que tous les articles passent parun autre processus de révision par notrecomité éditorial international et cela donnelieu à un autre cycle de révisions. Danscertains cas, les examens ont été trèscritiques, alors même que les auteurs avaienttravaillé très dur à la révision et la re-révision de leurs avant-projets. À l’avenir,nous avons besoin de sensibiliser les réviseursau fait que, pour PLA, le fait même d'écrireet d’avoir confiance en sa capacité à écrire esttout aussi important que l’article final.

En termes de participants à l’atelierd’écriture, il était flagrant qu’il n’y avaitqu’une femme originaire de l’hémisphèreSud, ce qui traduit leur sous-représentation

Obstacles : • « Documenter » n’est pas aussi facile qu’il yparaît.• La réflexion critique est indispensable avantd’écrire et, pour cela, il faut de l’espace.• Trop souvent, les supérieurs ne s’attendent pas àce que les agents de terrain écrivent leurexpérience.

… et quelques suggestions pour les surmonter :• Une fois par mois, demandez quel est « lechangement le plus significatif ». Qu’avez-vousappris ?• Parfois, les agents de terrain rechignent à écrirecar ils ont peur de pointer du doigt telle ou tellepersonne. Une possibilité est d’encourager lesagents de terrain à se réunir pour mettre encommun leur expérience puis la mettre par écrit.• Essayez d’utiliser d’autres formes dedocumentation – vidéo, audio/radio – et en fairela transcription, le cas échéant.

Tableau 7 : Documentation par lesagents de terrain

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COORDONNÉESAngela Milligan Coéditrice,Série Participatory Learning and ActionInstitut international pour l’environnement et ledéveloppement (IIED)3 Endsleigh Street London, WC1H 0DD Royaume-UniTél. +44 20 7388 2117 Fax. +44 20 7388 2826 Courriel : [email protected] Site web : www.planotes.org

Petra Bongartz Agent de coordination, communication et travailen réseau Assainissement Total Piloté par la Communauté(ATPC) Institute of Development Studies (IDS) Université de Sussex Brighton, BN1 9RE Royaume-UniCourriel : [email protected] Site web : www.communityledtotalsanitation.org

dans les pages de PLA. Nous devons étudierde plus près les raisons qui expliquent cetétat de chose et réfléchir à ce que nouspouvons faire à ce sujet (nous vous endirons plus là-dessus dans notre prochainnuméro). Les ateliers d’écriture aident-ilsles auteures ou sont-elles dans l’impossi-bi lité de trouver le temps d’y assister,sachant qu’elles sont habituellementchargées de s’occuper des enfants et de tenirle foyer en plus d’un travail rémunéré ?

Nous avons aussi discuté de la questionde savoir qui documente et qui devraitdocumenter. Si la plupart des participantsétaient des gestionnaires, beaucoup comp-taient sur des agents de terrain pour leursimpressions et leurs informations, maisl’obtention de cette information est souventdifficile car il est fréquent que les agents deterrain ne sachent pas écrire. Les partici-pants estimaient qu’il serait bon d’aider lesagents de terrain à documenter leur vécu

puisque l’apprentissage et l’expériencequ’ils vivent sont souvent perdus. Toutefois,ils ont aussi identifié des obstacles à ladocumentation et suggéré des moyens deles surmonter (Tableau 7).

Conclusions Les ateliers d’écriture présentent beaucoupd’avantages pour renforcer les capacités àécrire dans un environnement porteur etengendrer un sentiment d’appropriationpartagée en faveur d’une publication. Si lecoût d'organisation d'un atelier interna-tional d'une semaine peut paraîtreprohibitif pour beaucoup d’organisations,même une journée permettrait de donneraux participants l’espace et le temps requispour réfléchir et écrire un article plus courttout en faisant passer le message que ladocumentation est très appréciée par l’en-cadrement comme moyen d’échanger et detirer des leçons de l’expérience.

Lectures complémentaires

Assainissement total piloté par lacommunauté (ATPC)

Faciliter les ateliersde formation sur leterrain pourl’assainissement totalpiloté par lacommunauté – Guidede formation desformateurslKamal Kar, Avril

2010, WSSCC, Genève, Suisse

Guide détaillé à l’usage de ceux quipréparent et mettent en œuvre uneformation ATPC, sur la base de la vasteexpérience de l’auteur en matière deformation à travers le monde. Lademande en facilitateurs et en formateursde facilitateurs dépasse largement l'offre,mais la formation doit être de qualité sil’on veut que la facilitation ATPC soitefficace. Les gens doivent être de bonsfacilitateurs pour pouvoir eux-mêmesdevenir de bons formateurs defacilitateurs et ces consignes commencenten décrivant des méthodologies deformation qui se concentrent sur laformation de bons facilitateurs. Ellespoursuivent en donnant des conseils surla façon de former des formateurs defacilitateurs. Le guide est divisé en troisparties. La première présente la portée,l’objet et la terminologie de base del’ATPC ; la deuxième partie décrit pas àpas le processus et la méthodologie de

formation proposée ; et la troisièmepartie offre des informationscomplémentaires et des référencesconcernant les différentes étapes décritesdans la deuxième partie. L’auteur insistesur le fait que les méthodes ainsi décritesne sont pas immuables – l’innovation etl’adaptation aux circonstances localessont essentielles.

Téléchargeable à partir dewww.communityledtotalsanitation.org/resource/facilitating-hands-training-workhops-clts-trainers-training-guide

Aussi disponible en anglais à partir dece lien.

Manuel del’AssainissementTotal Piloté par laCommunautélKamal Kar et RobertChambers, 2008. IDSet Plan UK

Ce manuel renfermedes renseignements détaillés sur l’ATPC –ses étapes avant le déclenchement, lors dudéclenchement et après le déclenchement– ainsi que des exemples et des études decas recueillis à travers le monde.Ressource à l’usage des agents de terrain,des facilitateurs et des formateurs, cemanuel sera aussi utile lors des ateliersd’orientation ATPC et pour le plaidoyer.

Téléchargeable à partir dewww.communityledtotalsanitation.org/resource/handbook-community-led-total-sanitation

Également disponible en anglais,

Pour aller plus loin

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espagnol, hindi et bengali. Une version enportugais est disponible sur demandeauprès d’UNICEF Mozambique (courriel : [email protected]) et unetraduction khmer peut être obtenueauprès de Plan Cambodge (courriel :[email protected]).Une traduction en arabe est en cours depréparation. Pour demander une copiepapier en anglais, veuillez adresser un e-mail à [email protected].

Guide pratique au déclenchement del’Assainissement Total Piloté par laCommunautélKamal Kar, 2005. IDS

Ce guide élémentaire entend aider lepersonnel en première ligne et lesfacilitateurs sur le terrain à comprendrela philosophie et les principes quirégissent l’ATPC et à utiliser certains desoutils pratiques et des techniques d’unemanière souple et sans contrainte. Disponible en français, anglais, chinois,arabe, espagnol et lao à partir dewww.communityledtotalsanitation.org/resource/practical-guide-triggering-community-led-total-sanitation.

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Lignes directrices pour les contributionsPour obtenir la version intégrale des lignes directrices, veuillezconsulter notre site web www.planotes.org

Types d’articles acceptés • Articles : 2 500 mots maximum plus illustrations – voir les

consignes ci-dessous.• Feedback : Lettres à l’éditeur, ou des articles plus longs (1 500

mots maximum) qui réagissent de façon détaillée aux articles.• Conseils aux formateurs : Exercices de formation, conseils sur

la gestion d’ateliers, réflexions sur le comportement et lesattitudes durant la formation, etc. 1 000 mots maximum.

• In Touch : Petits articles sur des ateliers ou des manifestationsà venir, des publications ou des ressources en ligne.

Nous accueillons favorablement les récits relatant desexpériences récentes sur le terrain (ou dans des ateliers) oureflétant le courant de pensée actuel sur la participation, etnous encourageons en particulier les contributions despraticiens de l’hémisphère Sud. Les articles devraient êtrecosignés par toutes les personnes ayant collaboré à larecherche, au projet ou programme.

À une époque où les approches participatives ont souventété considérées comme la panacée aux problèmes dedéveloppement ou lorsque l’obtention du financement d’unprojet repose sur l’utilisation de ce type de méthodologies, il estessentiel d’être attentif à la qualité des méthodes et processusde participation. Certes, nous allons continuer de publier desexpériences d’innovation sur le terrain, nous aimerionstoutefois souligner qu’il est important d’analyser les succès dela participation mais aussi ses limites. Participatory Learningand Action reste une série qui est axée sur la méthodologiemais il est important d’accorder davantage d’importance auxquestions de pouvoir dans les processus et à l’impact de laparticipation, en nous demandant qui définit l’ordre du jourdes pratiques participatives. C’est seulement au prix d’uneanalyse critique que nous pourrons approfondir notreraisonnement autour de l’apprentissage et l’actionparticipatifs.

Nous favorisons notamment des articles qui contiennentau moins l’un des éléments suivants : • un point de vue inédit sur les concepts d’approches

participatives ou leur application ;• des réflexions critiques sur les enseignements tirés de

l’expérience des auteurs ; • une démarche visant à développer de nouvelles méthodes ou

des adaptations originales de méthodes existantes ; • l’examen des processus impliqués dans les approches

participatives ;• une évaluation des impacts d’un processus participatif ; • les potentiels et les limites du passage à l’échelle et de

l’institutionnalisation des approches participatives ; et• les potentiels et les limites des processus de prise de décisions

participatifs.

Langue et styleVeuillez essayer de garder vos contributions les plus accessibleset les plus claires possible. Employez des phrases courtes etsimples. Évitez le jargon, la terminologie théorique ou unlangage trop universitaire. Expliquez les termes spécialisés quevous utilisez et énoncez les sigles et acronymes en clair lapremière fois que vous les utilisez.

RésumésVeuillez inclure un bref résumé de votre article (150 à 200 mots environ).

RéférencesSi vous faites mention de références, veuillez en préciser lesdétails. Participatory Learning and Action s’efforce d’êtreinformel, plutôt qu’académique, donc il ne faut pas abuser desréférences.

Photographies et illustrationsVeiller à ce que les photographies et les illustrations soientnumérisées à une résolution assez élevée pour l’impression(300 ppp) et toujours prévoir une légende et des créditsphotographiques.

Soumettre votre contributionLes contributions sont à adresser à : The Editors,Participatory Learning and Action, IIED, 3 Endsleigh Street,London WC1 0DD, Royaume-UniFax. +44 20 7388 2826 ; courriel : [email protected] web : www.planotes.org

Centres de ressources du Réseau d’apprentissage et actionparticipatifs (RCPLA)Depuis juin 2002, le Centre de ressources de l’IIED pourl’apprentissage et l’action participatifs est hébergé parl’Institute of Development Studies, au Royaume-Uni. Desinformations pratiques et un soutien à la participation audéveloppement existent aussi auprès de différents membresdu réseau RCPLA.

L’initiative est un réseau mondial d’organisations,engagées dans le partage d’information et le travail en réseausur des approches participatives.

Pour plus d’information, y compris des mises à jourpériodiques sur les activités du RCPLA, consulter la section In Touch de Participatory Learning and Action ou bien visiterwww.rcpla.org ou encore contacter le coordonnateur duréseau : Ali Mokhtar, CDS, Fondation du Proche-Orient, 4Ahmed Pasha Street, 10th Floor, Garden City, Le Caire,Égypte. Tél. +20 2795 7558 Fax. +22 794 7278Courriel : [email protected]

Participation à l’IDSLes approches et méthodologies participatives sont aussi uncentre d’intérêt pour l’équipe chargée de la participation, dupouvoir et du changement social de l’Institute ofDevelopment Studies de l’Université de Sussex au Royaume-Uni. Ce groupe de chercheurs et de praticiens est impliquédans le partage du savoir, le renforcement des capacités poursoutenir les approches participatives de qualité et unemeilleure compréhension de l’éthique et des méthodes etprincipes participatifs. Pour obtenir un complémentd’information, veuillez contacter Jane Stevens, IDS,Université de Sussex, Brighton BN1 9RE, Royaume-Uni.Tél. +44 1273 678690 Fax. +44 1273 621202Courriel : [email protected] web : www.ids.ac.uk

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Institut international pourl’environnement et ledéveloppement3 Endsleigh StreetLondon WC1H 0DD, Royaume-Uni

Tél. +44 (0)20 7388 2117Fax. +44 (0)20 7388 2826Courriel : [email protected] web : www.planotes.orgSite web de l’IIED : www.iied.org

Où chiez-vous ? Dans les pays en développement, la réponse à cette question peut déciderde votre vie ou votre mort. Quelque 2,6 milliards de personnes n’ont pas accès à destoilettes. Au lieu de cela, elles pratiquent la défécation à l’air libre. Les conséquences sontdésastreuses : la merde est un vecteur de maladies et c’est un tueur impitoyable.L’Assainissement total piloté par la communauté (ATPC) est sans doute l’une desméthodes participatives qui connaît l’essor le plus rapide et il a démontré des résultatsprometteurs là où des programmes antérieurs d’assainissement rural avaient échoué. À l’aide d’outils visuels simples empruntés à l’Évaluation rurale participative (ERP), lescommunautés confrontent la dure réalité à propos de la défécation massive à l’air libre etses terribles répercussions sur la communauté tout entière. L’ATPC permet auxcommunautés d’analyser et de tirer des leçons de leurs habitudes et pratiques d’hygiènepour créer des plans d’action collective afin d’assainir totalement leur habitat – sans avoirà dépendre de subventions extérieures. Ce numéro donne des exemples tirés d’Afriqueorientale et australe, mais aussi d’Afrique de l’Ouest, et il permet aux praticiens departager leurs expériences en matière de mise en œuvre de l’ATPC dans différentscontextes avec des chercheurs et des décideurs – et de stimuler le débat sur la manièredont ils peuvent s’engager dans des processus de développement, surtout dans le secteurde l’assainissement.

Participatory Learning and Action est le premier journal informel au monde sur lesapproches et méthodes participatives. Il s’inspire du savoir-faire des éditeurs invités pourfournir des récits de dernière minute sur le développement et l’utilisation de méthodesparticipatives dans des domaines précis. Depuis le premier numéro en 1987,Participatory Learning and Action a servi de tribune à ceux qui sont impliqués dans destravaux participatifs – travailleurs communautaires, activistes et chercheurs – afin departager leurs expériences, leurs réflexions conceptuelles et leurs innovationsméthodologiques avec d’autres, en s’imposant comme une véritable « voix du terrain ».C’est une ressource vitale pour ceux qui travaillent à améliorer la participation des gensordinaires à la prise de décisions aux niveaux local, régional, national et international,dans l’hémisphère Sud comme dans l’hémisphère Nord.

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