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1 « Nymphomaniac, volume 2 » Lars Von Trier, une suite qui fait mal Visage tuméfié et vêtue d’une simple chemise d’homme Joe continue de raconter les derniers chapitres de sa vie de décadence à Seligman. Dans ce deuxième opus, la jeune trentenaire mène une vie de couple bien rangée avec Jérôme et leur fils Marcel mais cette paisible existence ne dure pas. Rongée par ces pulsions d’antan, Joe perd toutes sensations sexuelles pendant ces rapports conjugaux. Pour remédier à cette perte d’excitation, l’héroïne se rend chez le mystérieux K, charismatique dominateur qui allie le sexe à la douleur. La nymphomane recherche dans une course effrénée le plaisir en alternant libertinage, sadomasochisme et perversions. En essayant désespérément de récupérer sa folle libido elle perd Jérôme qui lui lance un ultimatum, lui et leur fils ou le sexe… Sa réponse est sans appel, elle s’enfuie emportant ce feu qui la consume de l’intérieur. De nouveaux personnages font leurs apparitions comme la douce P sorte de double de Joe en moins naïf et plus écorché. Mais jusqu’où ira ce besoin vital de sexe et qui est vraiment ce Seligman … Lars Von Trier avait prévenu, le montage n’est pas de lui et on peut le regretter. Certaines scènes sont d’une longueur intenables et presque étouffantes, le spectateur est comme Joe attendant le choc de la cravache de K, il attend patiemment avec peur de la suite et le coup fait mal. Tel un livre le spectateur devrait sauter certains chapitres. Ce volume 2 est le contraire du 1 qui laissait une folle envie de perversions dans une vie monotone, ici le sentiment final est un mal aise profond et une tristesse de la sexualité. Le paradoxe de Nymphomaniac volume 2 est qu’il laisse sur sa faim malgré ses scènes pornographiques. Le film laisse entrevoir des histoires avec des personnages intéressants mais que l’on peut voir au final que 5 minutes à l’écran comme L joué par le talentueux Willem Dafoe, acteur fétiche du réalisateur. Pour les cinéphiles adeptes de l’univers Von Trier ils seront ravis avec une référence dans la scène de Marcel sur le balcon au début de l’intrigue d’Antichrist. La nymphomanie est un personnage à part entière dans l’histoire, cette déviance devient même une religion prônée par Joe, n’importe qui peut devenir nymphomane, la version longue aurait permis de mettre en lumière cette idée avec ses parents ou l’anecdote d’un serveur. Seules les scènes de violences sadomasochistes sont les véritables moments de fêlures de Joe, elle n’est plus une simple femme sans tabous mais une victime de ce désir insatiable.

Nymphomaniac, volume 2 » Lars Von Trier, une suite qui

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« Nymphomaniac, volume 2 » Lars Von Trier, une suite qui fait mal

Visage tuméfié et vêtue d’une simple chemise d’homme Joe continue de raconter les derniers chapitres de sa vie de décadence à Seligman. Dans ce deuxième opus, la

jeune trentenaire mène une vie de couple bien rangée avec Jérôme et leur fils Marcel mais cette paisible existence ne dure pas. Rongée par ces pulsions d’antan, Joe perd toutes sensations sexuelles pendant ces rapports conjugaux. Pour remédier à cette perte d’excitation, l’héroïne se rend chez le mystérieux K, charismatique dominateur qui allie le sexe à la douleur. La nymphomane recherche dans une course effrénée le plaisir en alternant libertinage, sadomasochisme et perversions. En essayant désespérément de récupérer sa folle libido elle perd Jérôme qui lui lance un ultimatum, lui et leur fils ou le sexe… Sa réponse est sans appel, elle s’enfuie emportant ce feu qui la consume de l’intérieur. De nouveaux personnages font leurs apparitions comme la douce P sorte de double de Joe en moins naïf et plus écorché. Mais jusqu’où ira ce besoin vital de sexe et qui est vraiment ce Seligman … Lars Von Trier avait prévenu, le montage n’est pas de lui et on peut le regretter. Certaines scènes sont d’une longueur intenables et presque étouffantes, le spectateur est comme Joe attendant le choc de la cravache de K, il attend patiemment avec peur de la suite et le coup fait mal. Tel un livre le spectateur devrait sauter certains chapitres. Ce volume 2 est le contraire du 1 qui laissait une folle envie de perversions dans une vie monotone, ici le sentiment final est un mal aise profond et une tristesse de la sexualité. Le paradoxe de Nymphomaniac volume 2 est qu’il laisse sur sa faim malgré ses scènes pornographiques. Le film laisse entrevoir des histoires avec des personnages intéressants mais que l’on peut voir au final que 5 minutes à l’écran comme L joué par le talentueux Willem Dafoe, acteur fétiche du réalisateur. Pour les cinéphiles adeptes de l’univers Von Trier ils seront ravis avec une référence dans la scène de Marcel sur le balcon au début de l’intrigue d’Antichrist. La nymphomanie est un personnage à part entière dans l’histoire, cette déviance devient même une religion prônée par Joe, n’importe qui peut devenir nymphomane, la version longue aurait permis de mettre en lumière cette idée avec ses parents ou l’anecdote d’un serveur. Seules les scènes de violences sadomasochistes sont les véritables moments de fêlures de Joe, elle n’est plus une simple femme sans tabous mais une victime de ce désir insatiable.

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Comme dans le précédent long-métrage de Von Trier, Melancholia, le sexe est mélancolie, douleur et peur. Le cinéaste déroute et sans le vouloir amuse avec la scène ou deux africains aux corps musclés se disputent certaines parties du corps de la jeune femme le tout cadré au niveau de leurs anatomies monumentales. Féru de culture, le réalisateur charme par ses allusions à Messaline, Zénon et la putain de Babylone sous un air de Wagner ou Bach. Côté acteurs l’alchimie s’opère. Charlotte Gainsbourg joue magistralement cette femme perdue dans ses pulsions avec une fragilité non « cul cul la praline », l’anglais lui confère une autre dimension et efface l’image niaise de Lemon Incest. L’acteur Shia Lebeouf fait disparaître les préjugés suite à ses prestations dans Transformers. Il joue avec finesse et sans emphases cet homme amoureux qui commence par faire des concessions comme laisser Joe voir d’autres hommes en passant par l’incompréhension et pour finir en un accro du sexe méprisant. La révélation vient de Mia Goth, troublante post-adolescente qui grâce à un regard laisse transparaitre son désir ou son dégoût. Le récit de Joe à Seligman n’est qu’une métaphore d’un long entretien entre le spectateur allongé sur le divan et le psychiatre qui n’est autre que Lars Von Trier lui-même. Il décrypte cette société qui consomme à vitesse forcenée le sexe tout en gardant en tête que ce n’est pas un pêché mais une quête ou l’on peut se brûler les ailes. Pour les fans d’un cinéma transgressif tel un Salò o le 120 giornate di Sodoma de Pasolini, ce film n’est pas l’objet du siècle mais il dérange à sa manière dans une culture cinématographique pauvre en scénarios osés.

Céline Peschard