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125 revue trimestrielle ISSN 0223-5498 ALTERNATIVES NON VIOLENTES Sanctionner Sanctionner sans punir : sans punir : les sanctions éducatives 10

NON VIOLENTES Sanctionner sans punir :sans punir€¦ · et non-violence En éducation, poser une contrainte : un acte non-violent *Enseignante en collège ; formatrice à l’IUFM

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125 revue trimestrielle

ISSN 0223-5498

ALTERNATIVESNON VIOLENTES

SanctionnerSanctionnersans punir :sans punir :

les sanctions éducatives10 €

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Étrange époque ! Le gouvernement ferme des écoleset construit des prisons ! Il est temps d’interroger la non-violence etle sens qu’elle donne à la sanction éducative. À terme, on devraitréouvrir des écoles et fermer des prisons ; d’une part quand desJosé Bové y séjournent injustement et d’autre part parce que la pri-son n’a jamais éduqué (cf. ANV n° 106).

D’une manière générale, l’usage du châtiment ou de la punitionsont un aveu de faiblesse, car, en dehors de la colère non maîtriséequ’elles manifestent, elles indiquent toutes deux l’incapacité à vou-loir dialoguer, et à faire comprendre la gravité que recèle la déso-béissance à une loi ou une règle.

Un châtiment châtie avec violence physique, une punition punitbêtement et souvent méchamment. À quoi sert de frapper un enfantou de lui faire copier cent lignes, sinon à manifester son pouvoird’adulte sur plus faible que soi ? Le châtiment et la punition reste-ront toujours étrangères à une dynamique non-violente. Il en va dif-féremment de la sanction. Il convient absolument de différencierchâtiment, punition et sanction.

Quand un policier me verbalise quand j’enfreins le code de laroute, il ne commence pas par me taper dessus ou à m’injurier. Ilcommence par me saluer, normalement avec respect ! Puis il medemande si je reconnais mon infraction. Je suis libre de ma répon-se. S’il m’assigne une contravention, c’est qu’il estime que mon

ÉDITORIAL

Publié avec le concours du Centre National du Livre

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flagrant délit est répréhensible. Je suis alorscontraint à payer une amende, ce qui va me faireréfléchir. Remarquons au passage que j’ai la pos-sibilité de critiquer la sanction infligée, en recou-rant par écrit au tribunal de police, dans un délaide trente jours, pour contester la véracité des faitsou rendre compte de circonstances atténuantes.

Que l’on soit enfant, adolescent ou adulte,nous avons toujours besoin d’être éduqué ! Nonaux fausses « bonnes manières » d’une bourgeoi-sie devenue grossière dans les coulisses et férocedans les rapports sociaux. Le mépris d’autruireste une faute de jugement, nous rappelleSénèque, pour qui, « humilier autrui consiste tou-jours à se surestimer » !

Nul ne peut vivre en famille, à l’école, dans larue, sans respecter des lois et des règles, à moins dese prendre pour un dieu ou une bête (Aristote). Ceslois et ces règles ont tout intérêt à être fondées,claires, compréhensibles, et acceptées par tout àchacun. Sinon la désobéissance non-violentes’impose pour les faire modifier (cf. ANV n° 108).

Une sanction éducative manifeste une contrain-te. Il est temps de savourer la richesse de la languefrançaise, pour qui « contrainte » n’est pas syno-nyme de « violence ». La contrainte s’impose

quand l’explication n’a pas suffi. Si j’en viens àinterdire formellement à mes enfants de regarder latélévision après dix-huit heures, je ne leur fais pasviolence, mais je les contrains à une règle pourqu’ils comprennent qu’il n’y a pas que la télévisiondans la vie ! Et cela aura d’autant plus de sens poureux que je regarde peu la télévision !

La famille, l’école, la vie publique ont besoinde règles et de lois pour que chacun soit invité àdisposer de repères pour vivre en harmonie avecsoi-même et autrui. En cas d’irrespect, la sanctions’impose après avoir été parlée. À la différence duchâtiment ou de la punition, elle n’humilie pascelui qui la reçoit ni celui qui la donne. Elle nevise nullement la soumission, mais la compréhen-sion de la volonté éducative.

Toute sanction, proportionnée à l’acte répré-hensible, est pédagogique, car elle cherche à fairecomprendre ce qui équitable et humanisant, touten cherchant à réparer le tort causé à autrui. Il esttemps de questionner nos comportements et ceuxd’autrui pour que grandisse la régulation non-vio-lente des conflits !

François VAILLANT

2 françois vaillant

❍❍❍❍

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La sanction édu-cative pose unec o n t r a i n t e

étrangère à la violen-ce, éduquant ainsi aurespect des lois etdes règles.

Beaucoup d’éducateursaimeraient éviter d’avoir à sanc-tionner. Garder cela en extrêmelimite quand on ne peut plus

faire autrement, comme si c’était le constat d’un échec de leurrelation éducative, où s’expliquer devrait suffire !

Mais, ces éducateurs en arrivent parfois, après s’êtrebeaucoup retenus, à « leur » seuil de l’insupportable. Oubien, ils réalisent que leur petit dépasse les bornes du « mora-lement » ou « socialement » acceptable. Ils risquent alors detomber les pieds joints dans les pièges qu’ils voulaient éviter :le geste qui soulage la colère de l’adulte, la punition dont lesens va d’autant plus échapper à l’enfant que son parent n’enn’est pas coutumier. On peut se consoler en se disant quec’est mieux que ne rien faire du tout, qu’il faut bien mettredes limites , que c’est exceptionnel, qu’on lui expliqueraaprès. Ou alors, selon le tempérament, on culpabilise.

Il faut bien lui dire stop !

Et si la contrainte n’était pas forcément la violence ?Nous n’aimons pas la contrainte, comme nous n’aimons

pas choisir. Faire de la peine à ce petit qu’on aime, endosserle rôle du parent pas gentil, et risquer de déplaire, ou encoreavoir l’impression de passer dans le camp des éducateurs

Sanction, contrainteet non-violenceEn éducation, poser une contrainte :un acte non-violent

*Enseignante en collège ; formatrice à l’IUFM de Rouen sur lesquestions de prévention des violences et de gestion positive desconflits ; membre de l’Ifman-Normandie (Institut de rechercheet de formation du mouvement pour une alternative non-violente).Livres à paraître : Vous avez dit « sanction » ?,et Des projets pour grandir.

ÉLISABETH MAHEU*

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qu’on critiquait. Ce n’est pas facile, quand on est militant del’éducation nouvelle, ou d’une éducation non-violente, quel’on a lu Fernand Deligny, que l’on revendique les pratiquesde Célestin Freinet qui a dit que la punition est autant humi-liante pour celui qui la donne que pour celui qui la reçoit. Cen’est pas facile de sanctionner.

Mais il faut bien lui dire « stop ! » à ce petit citoyen enherbe. Alors on en vient de temps en temps à le menacer« de choses suffisamment désagréables pour lui passer l’enviede faire ses bêtises », tout en rêvant de ne jamais avoir àmettre à exécution la menace. Une toute petite fessée… Je nepeux m’empêcher de penser à la justification de la dissuasion(pas toujours nucléaire), et à ce petit qui deviendra grand etmettra peut-être son père au défi de faire ce qu’il lui promet.En plus positif, nous faisons parfois un échange de bons pro-cédés : « Tu acceptes de te tenir tranquille et moi je t’encoura-ge en te promettant la permission de sortir samedi. » Ce pro-cédé n’est-il pas cependant un petit chantage ?

Malgré tous nos discours pour distinguer sanction etpunition, nous restons culturellement conditionnés à penser« qui aime bien évite de sanctionner », mais quand on envient à sanctionner, il arrive que nos sanctions ressemblent àdes punitions. « Châtiment », « punition » et « sanction »n’ont pas la même signification. L’étymologie est ici éclai-rante. « Châtiment » dérive du verbe latin castigare (châtierviolemment), « punition » de punire (frapper, venger), et« sanction » de sancere (rendre irrévocable la loi).

La loi et toutes les règles

La loi est ce tiers qui a comme fonction psychologiquefondamentale de m’aider à me structurer et à échapper

à mon désir de toute puissance. La loi a comme fonctionpolitique de traduire des valeurs universellement accep-tables, comme la garantie d’un espace de liberté et de digni-té pour chacun.

La loi a comme fonction sociale d’organiser et de forma-liser les distances, les liens et les statuts pour prévenir lesprises de pouvoir sauvages. Ainsi décrite, la loi est l’outil de

la non- violence par excellence. La loi démocratiquementélaborée, la loi dite, « l’inter-dit », la loi parlée, expliquée,est porteuse de sens.

De la différenceentre la loi et les règles

La règle n’est pas la loi. Elle en porte pourtant la natureet les fonctions, psychologique, politique et sociale.

Elle a en plus une fonction éminemment pédagogique. Lesrègles sont comme de petites lois de proximité, accessibleset régissant les préoccupations quotidiennes.

Les règles non négociables d’une institution ou d’unefamille sont ce « legs », cet héritage, que je ne choisis pasquand j’arrive quelque part.

Les règles négociables et co-élaborées sont autantd’occasions de s’exercer à son rôle de citoyen « parlemen-taire », en s’interrogeant sur le sens de la loi, et sur lesconditions pour établir des règles justes et efficaces. Ellesnous font accéder à la loi-alliance, au sens commun, ellespermettent l’adhésion au contrat social. Les règles du jeusont d’abord faites pour jouer. Les faire respecter avec auto-rité, c’est autoriser chacun à jouer !

Garantir la loi et les règlesen posant une contrainte

Garantir la loi et les règles, c’est faire acte de non-vio-lence. L’efficacité ne peut venir que de paroles et de

sanctions qui font accéder au sens de la loi et des règlesqu’elles prétendent garantir.

Le moyen qui par excellence conduit à la compréhensionest la parole. Parole qui explique, parole qui rassure, parolequi dit fermement les limites et les valeurs. Mais parfois, laparole n’est pas, ou ne peut pas être entendue. La contraintealors s’impose. Quand parler ne suffit pas, ou quand tropparler prend la forme d’un discours moralisant et accusateur,il est incontournable de passer aux actes.

4 élisabeth maheu

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On ne condamne pas la personne, car on croit aux res-sources de l’être, mais on sanctionne l’auteur pour son acte.La transgression est plus qu’une « envie de », une intention ;elle est un passage à l’acte. Il est important que la sanctionsoit, elle aussi, plus qu’une « envie de », un souhait. Elledoit être, en réponse, un acte posé. Pas un acte vengeur etdestructeur, mais un acte qui se veut constructif. Un acte quisignifie : « Là, tu avais une limite, tu l’as transgressée, onmet en place quelque chose. » On oppose un acte qui permetla réparation. Qui permet la déculpabilisation. Un acte quipermet la réinsertion.

Garantir la loi et les règles en posant des contraintes,c’est faire acte de non-violence. Sanctionner pour faireappliquer la règle est un service rendu à l’enfant et à sonentourage. Oui, contraindre celui ou celle qui transgresse laloi ou les règles, volontairement ou non, et même pour desraisons valables, est un acte. Il ne s’agit pas de menacer decontraindre un autre jour, mais bien de poser un acte ici etmaintenant.

L’objectif n’est pas de blesser ou de faire de la peine. Cen’est pas la souffrance infligée qui rend la contrainte effica-ce. La souffrance engendre colère ou peur. Il ne s’agit paspour l’adulte de soulager son trop-plein de colère. L’objectifde la sanction, ce n’est pas non plus d’éviter à tout prixd’être désagréable. La sanction peut être vécue comme très« gênante » par le sanctionné, mais ce n’est pas cette gênequi en est l’objectif. Et une sanction plaisante, agréable àréaliser peut quelquefois parfaitement remplir sa fonction.

Dans la transgression il y a violence et souffrance. Dans laréponse à cette violence par la sanction, la violence « zéro »n’existe pas. Le fait que l’intention de l’adulte ne soit pas laviolence n’implique pas que l’enfant le perçoive ainsi.L’important est de faire globalement baisser le niveau deviolence, en réintroduisant de la parole et du sens.

Les frustrations nécessairement générées par les sanctionséducatives réinscrivent l’intéressé dans la réalité sociale : iln’est pas seul au monde, les autres existent, le groupe existeavec une organisation collective et des règles, qui attribuent àchacun sa place, le protègent en lui assurant un espace de

5sanction, contrainte et non-violence

liberté, à « juste distance » des autres, c’est-à-dire une distan-ce qui permet de passer de la fusion, de la confusion, à larelation. La sanction sort l’individu de la toute-puissance.

Ne pas ré-agir à une transgression, c’est être inconsé-quent. À noter que nos amis éducateurs et enseignants qué-bécois ne parlent, dans leurs règlements intérieurs, ni depunition, ni de sanctions, mais de « conséquences ».

Une transgression, c’est trois faits

Une transgression, c’est le plus souvent trois faits à lafois :

• un dommage à quelqu’un, et cela engage la responsabilitécivile de l’auteur ;

• une loi, une règle bafouée, et cela engage sa responsabilitépénale, juridique ;

• la transgression est aussi un message qui engage la respon-sabilité de l’auteur sur sa propre vie : pourquoi cet acte ?pour répondre à quel(s) besoin(s) ?

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Responsabiliser l’enfant exige à la fois de lui « répondre »et de le contraindre à « répondre de ses actes ». Face à latransgression, pour une triple responsabilité, l’éducateur« conséquent » ne doit pas poser une, mais trois contraintes :

• l’obligation de la réparation ou la mise hors d’état denuire. Réparation concrète, réparation compensatoire ouréparation symbolique ;

• la privation momentanée d’un droit dans le groupe, droitdirectement lié au bon usage de la règle bafouée. Cette pri-vation doit être l’occasion d’un travail de meilleure compré-hension de cette règle et de ce qu’elle permet au groupe ;

• une contrainte de réflexion : mettre des mots sur lesintentions, les motifs, les malaises ayant entraîné ce com-portement.

Contraindreà réfléchir pour agir

Il ne s’agit pas, sous la contrainte, de faire avouer ce quijugé inacceptable. Nous éviterons les dérives des aveux

forcés tristement célèbres dans certains camps de « rééduca-tion ». Il s’agit plutôt de se poser ensemble les questions :« comment en est-on arrivé là ? » « Quelles sont les consé-quences de cet acte, de ce comportement ? »

Ne cherchons pas à obtenir à tout prix l’accord du sanc-tionné, il a son libre avis sur la question. Ne lui demandonspas non plus de décider ce qu’il « mérite ». Il y a la loi et lesrègles avec ses garants officiels pour cela.

Offrons-lui seulement l’espace qui rende possible uneréflexion et une évolution. Entretien, travail écrit, exposé surles conséquences de tel comportement, questionnement surle règlement, recherche de solutions avec le groupe…, lesmoyens ne manquent pas ! Le but n’est pas la difficulté oule désagrément, mais bien la prise de conscience : évitons debasculer à nouveau du côté « punition », par un « pour lapeine, tu me copieras ce que dit la loi à ce sujet » !

La contrainte est souvent nécessaire pour empêcher lecontrevenant d’éluder le problème, de rester « la tête dans lesable », comme savent si bien le faire les autruches. Il peut êtrefatigant pour un adolescent de se poser les questions quil’amèneraient à exercer plus activement ses responsabilités.On en connaît qui préfèrent, dans un premier temps, la puni-tion stupide…, et qu’on n’en parle plus ! La contrainte est réel-le quand l’éducateur énonce : « Avant de reprendre tes activi-tés, nous voulons que tu aies choisi la manière de te comporterla prochaine fois que tu te retrouveras dans une situation sem-blable, et tu peux nous dire ou non ce que tu auras décidé. »

Le pédagogue est celui qui « marche avec » sur les che-mins de l’apprentissage. Contraindre ne suffit pas, ce n’estqu’un préalable. Pour que l’événement « transgression-sanc-tion » devienne une occasion de progrès, l’éducateur — oul’environnement éducatif, car il peut être préférable, quandcela est possible, de s’impliquer à plusieurs — doit accom-pagner le contrevenant :

• en proposant une écoute, puis une médiation, il fait exis-ter, derrière l’objet endommagé et réparé, ou derrièrel’insulte, une personne qui en a souffert et qui gagnerait àêtre reconnue ;

• en expliquant l’histoire et le sens de cette règle qui a étéposée pour répondre à des besoins du groupe ;

• en écoutant le contrevenant parler de lui et de ses difficul-tés, éventuellement en lui proposant de l’aide.

Plutôt que d’éducation, nous parlons souvent de « ren-contre éducative » entre des personnes. Le désir de l’éduca-teur se heurte au désir et à la liberté de l’éduqué. Quandl’éducateur a fait sa part du chemin, à savoir poser lescontraintes et offrir sa présence et son aide, c’est à l’éduquéde s’impliquer. Il est invité alors à choisir :

• accepter la médiation, ou éviter l’autre ;

• manifester son adhésion critique ou bien objecter à la règle ;

• prendre en charge sa vie et ses problèmes autrementqu’en en faisant porter le poids à son entourage qui n’yest peut-être pour rien, éventuellement décider dedemander de l’aide.

6 élisabeth maheu

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Dans le meilleur des cas, chaque personne du groupepeut adhérer au nouveau contrat… ou choisir, quand c’estpossible, un autre cadre de vie !

Tout celaprend du temps !

Mais que se passe-t-il si on ne prend pas ce temps ?Récidives et répétitions, blocages, rupture de la rela-

tion, plaintes des victimes, sentiments d’impuissance, res-sentiments et culpabilités, fatigue des uns et dégoût desautres, ou bien énergie à mettre à contre-cœur dans lesactions répressives, sans parler du coût émotionnel et parfoismatériel des « explosions ».

« La non-violence est un langage élaboré qui accepte lesrègles grammaticales, la ponctuation, avec ses pauses, sesinterrogations, ses exclamations et les temps passé, présentet futur. C’est un langage qui s’apprend » (Ifman). La non-violence est toujours un choix, une décision, un apprentissa-ge qui donnent du sens et libèrent une énergie créatrice.

Parler la loi, user de la parole et oser la sanction, celaprend du temps. Le temps de ritualiser. Le rituel apporte ladistance nécessaire et la symbolique où pourra s’inscrire larestauration du lien. La transgression a révélé un conflit. Parla sanction éducative, ce conflit est devenu opportunité deprogrès pour tous, c’est-à-dire avec un bénéfice pour chacun :victime, auteur, groupe. On peut parler de transformationpositive de la transgression.

7sanction, contrainte et non-violence

« Il est inutile d’opposer artificiellement la fer-meté de ceux qui privilégieraient le rappel àl’ordre et le laxisme de soixante-huitards enclinsà l’indulgence systématique. Sur le terrain, tousles éducateurs savent qu’il faut sanctionner,marquer les limites sans lesquelles l’adolescentva s’engager dans la spirale de la transgression,jusqu’à mettre en péril sa propre existence. »

Philippe MEIRIEU, Repères pour un monde sans repères,

DDB, 2002, p. 213.

Et le groupe ?

La plupart du temps, la transgression a lieu dans le cadred’un groupe qui, lui aussi, est impliqué, au moins en

tant que témoin de ce qui s’est passé ! Ce n’est pas seule-ment un problème individuel. La démarche de l’éducateurpeut être expliquée au groupe : dire ce que l’on fait et fairece que l’on dit.

Mais on peut aussi aller beaucoup plus loin pour respon-sabiliser le groupe. La règle est celle de tous : y a-t-il lieu dela réajuster, ou de la ré-affirmer ? Si des personnes du grou-pe sont agressées par d’autres, quels sont les espaces derégulation où il va être possible de partager son ressenti, sesquestions, d’être personnellement reconnu par l’ensemble ?Dans ces espaces où la sécurité est assurée par un garant desrègles du jeu, on pourra risquer d’exprimer ses désaccords etfaire des petites crises autant d’occasions de mise au point etde prévention des crises violentes. Au lieu de transformerles contrevenants en boucs émissaires, les actes qu’ils ontposés peuvent être des signaux d’alarme, qui invitent à opé-rer les améliorations nécessaires à la santé de chacun et dugroupe lui-même. Des gestes de solidarité plutôt qued’exclusion viseront la réinsertion et l’épanouissement decelui qui a été momentanément en « indélicatesse ».

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8 élisabeth maheu

Pour, autant que possible,

La transgression : réponses en trois actes et quatre étapes

Dans la rencontre éducative, comme dans toute rencontre, chacun est responsable d’une partie du chemin

l’éducateur exerceune contrainte

l’éducateuraccompagne

l’intéressés’implique

le groupeest impliqué

Apprendrela responsabilitécivile

réparationcontrôle

Propositionde médiation

médiation acceptée… ou retraitrefaire ensembleréconciliation

Espacesde régulation

Apprendrela responsabilitépénale

privation d’un droittravail sur la règle

accès au sensde la règle

nouveau contratounouveau choix

réaffirmationou réajustementde la règle

Apprendrela responsabilitésur sa vie

interpellationle temps de la réflexion

écouteproposition d’aide

prise en chargede son problèmedemande d’aide

solidaritéaidepas assistance

Restaurerla relation

entreauteur

et victime

Restaurerla relation

entreauteur

et groupe

Restaurerla

confianceen soi

de l’auteur

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Il faut être conscient du faitque les enfants ont besoinde soutien pour maîtriser

leurs automatismes. Parexemple, j’ai eu du mal avecma fille jusqu’à sept ans surla règle : « On ne s’essuiepas la bouche sur samanche ! » Tout d’abord, je

me suis rendu compte (à ma grande honte) que jem’essuyais souvent la bouche avec la main. Songeste n’était qu’une amplification du mien. D’autrepart, je ne lui fournissais pas systématiquement deserviette en début de repas. J’y pensais quand lebesoin s’en faisait sentir, c’est-à-dire trop tard !

La punir aurait été malhonnête ! Assumant ma partde responsabilité, j’ai modifié mon propre comporte-ment, ce qui a immédiatement amélioré les choses.

Mais elle avait déjà acquis des automatismes. Pourcesser totalement de s’essuyer sur ses vêtements,elle avait besoin d’aide. Après discussion, elle a déci-dé de me donner vingt centimes d’euro à chaque foisque je la surprendrais à le faire. Ces vingt centimesne sont pas une rétribution négative de l’acte, c’estun outil de conscientisation. S’il devient punition, ilperd son sens. Évidemment, je lui ai donné vingtcentimes chaque fois que je m’essuyais la boucheavec les doigts (même proprement et discrètement).Le registre était ludique et non autoritaire. Une foisinstallée cette aide à la conscience de ses gestes,l’apprentissage a été rapide.

*Psychothérapeute. Auteure de : Que se passe-t-il en moi ?Paris, Marabout, 2002 ; Au cœur des émotions de l’enfant, Paris,Marabout, 2001 ; L’intelligence du cœur, Paris, Dervy, 1998.

9sanction, contrainte et non-violence

Un jeu vaut mieux qu’une punition !Isabelle FILLIOZAT*

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La frustration estnécessaire pourque l’enfant se

construise dans uncadre sécurisant où ilse sente aimé. Lesparents doivent sou-vent être aidés pourdonner des sanctionsadaptées, et gérer lesémotions des uns etdes autres.

Les sanctions sont-elles vraiment nécessaires ? Si on saitlui parler, l’enfant n’est-il pas capable de comprendre ce quiest obligatoire ou interdit, et de l’accepter s’il en comprendla nécessité ? Beaucoup de parents l’ont cru, beaucoup lecroient encore. Comme toujours, c’est l’observation du com-portement des enfants et de leur évolution qui permetd’apporter des éléments de réponse.

La dynamiquepropre à chaque enfant

Bien sûr, tous les enfants sont différents. Certains intè-grent vite la notion de règles, d’autres beaucoup moins ;

mais on observe que tous portent à l’intérieur d’eux-mêmesune énergie pulsionnelle qui les fait progresser continuelle-ment, qui veut s’exprimer, s’investir dans des activités : ram-per, grimper, se laisser tomber, marcher, crier, faire du bruit,sucer, manger, etc. Leur intelligence les porte à utiliser toutesces expériences, à les enrichir pour progresser sans arrêt.

À proposdes sanctionsdans la famille

*Psychologue de la petite enfance. Auteure de L’éveil de votreenfant. Le tout-petit au quotidien, Paris, Albin Michel, 2002.

CHANTAL DE TRUCHIS*

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Mais pour que la personnalité se construise de manière cohé-rente et structurée, cette énergie doit s’investir à l’intérieur dela réalité matérielle et sociale. Cela, l’enfant ne le sait pas, etne peut l’apprendre que des adultes qui l’entourent.

La découverte des capacités du tout-petit, et l’émerveille-ment qui en découle, le contexte culturel et social qui va dansla satisfaction immédiate des désirs et des besoins, qui sur-valorise les enfants, ont sans doute permis une expressionplus précoce de ces énergies, d’où une nécessité plus impor-tante, de la part des adultes, de les « canaliser ». L’enfant abesoin d’un « contenant » psychique (amour et sécurité), il aaussi besoin d’un contenant de « réalité » : l’ensemble desrègles auxquelles il doit se soumettre pour s’intégrer demanière positive au groupe social dans lequel il évolue.

Le cadre, sans lequelle vide est inquiétant

L’ensemble des manières de vivre — obligations et inter-dits — doit être transmis à l’enfant délibérément par les

adultes. On voit comment de plus en plus d’enfants cher-chent à « éprouver » ces limites, règles et obligations.Quand ils résistent, s’opposent, contestent, le désir de satis-faction immédiate intervient : « j’ai envie / j’ai pas envie »,mais aussi la question : « jusqu’où puis-je aller ? » Unenfant, doué d’énergie, va chercher à éprouver la solidité dumur qui est en face de lui, et sur lequel il va s’appuyer pourse construire.

Nous avons maintenant beaucoup d’observations mon-trant comment les enfants qui n’ont pas ce cadre deviennentagités, instables, exigeants. Ils sont très quémandeurs àl’égard des adultes. Ils les provoquent, cherchant une répon-se, et s’opposant à cette réponse comme pour maintenir lecontact. Ils sont anxieux, et gardent un désir de toute-puis-sance de tout-petit, qui n’est pas de la confiance en soi, maisle sentiment de pouvoir être le centre du monde. Ces enfantsne peuvent donc pas développer des relations sociales satis-faisantes avec les autres enfants et avec les adultes. Il n’est

11à propos des sanctions dans la famille

pas rare, que, ayant du mal à se concentrer, ils soient enéchec scolaire plus ou moins marqué.

Au quotidien

Tout enfant a besoin de savoir clairement, et de com-prendre ce qui, dans ses nouvelles possibilités et envies,

peut être réalisé (non dangereux, permis, ce qui respectel’existence des autres, etc.). Cet apprentissage débute dansdes situations toutes simples : le bébé rampe et arrive devantle meuble télévision, dont les parents ne veulent pas qu’ilouvre la porte et manipule les boutons : on lui dit « non » àchaque fois. On le prend dans les bras quand il essaie d’yaccéder. On mettra un coussin, ou quelque chose d’autre, quil’empêchera de toucher la télévision. Le « non » veut direque ce n’est pas possible, que ce n’est « jamais » possible.

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Puis le champ des activités va s’étendre, et le processusse reproduit sans fin : explication donnée par l’adulte,recherche par l’enfant pour savoir si c’est toujours vrai, ou sil’on peut quand même l’obtenir à la longue. Si c’est le cas,l’enfant va continuer et reproduire ce comportement dansd’innombrables situations.

Il y a, dans cette recherche, une forme d’activité intelli-gente, mais l’enfant peut y trouver beaucoup d’autres avan-tages : c’est une façon d’entretenir un lien actif avec leparent ou l’adulte concerné. L’enfant proteste, l’adulterépond, cherche à convaincre, avance un nouvel argument

ou tente autre chose, l’enfant intervient encore. Tout un styled’échanges peut se mettre en place, jusqu’à manifester par-fois un réel pouvoir sur l’adulte : « je te tiens, je t’oblige àt’occuper de moi ».

La sanction intervient

Pour aider l’enfant à « expérimenter » que la parole del’adulte est « vraie », la sanction peut être utile. Elle

implique que la première étape ait été remplie : l’adulte

12 chantal de truchis

Rapport de l’OMSPour la première fois, l’Organisation mondiale de la santé

vient de prendre clairement position sur les effets des châti-ments corporels infligés aux enfants, dans son rapport sur la vio-lence, publié en novembre 2002.

On peut y lire : « Le comportement des parents et le milieufamilial jouent un rôle essentiel dans le développement d’uncomportement violent chez les jeunes. […] À long terme, ungrand nombre d’études montrent que la pratique de châti-ments corporels (gifles, fessées, etc.) est un facteurimportant dans le développement de comportements vio-lents chez les jeunes.

[…] À court terme, les consé-quences des violences infligées surdes enfants peuvent être : toxico-manie, prise de risques, dépressionet angoisse, sentiment de honte etde culpabilité, mauvais résultatsscolaires, troubles psychosoma-tiques… »

NB. Ce rapport est disponible sur le site Internetde l’OMS : http://www.who.int/violence

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maintient sa parole. L’enfant va transgresser, parce qu’il neveut pas, ou ne peut pas résister à la tentation, ou pour voirce qui va se passer. S’il avait bien compris, une nouvelleexplication ne lui apporterait rien à ce niveau, sinon un nou-veau moment d’attention de la part de l’adulte, et souvent lesentiment jubilatoire d’avoir réussi un bon coup !

Renforcer la parole par un acte, une sanction, « tu as faitce que j’avais interdit » provoque tout de suite un désagré-ment en rapport avec la « faute » : se retrouver tout seuldans sa chambre, être privé un moment d’un jeu ou d’uneactivité affectionnée, réparer (nettoyer quand on a mis del’eau partout ou de la peinture sur le mur). Cela va vers uneprise de conscience.

Cette sanction doit être utilisable par l’enfant, sinon elledevient méchanceté à son égard, réaction purement émotion-nelle de la part de l’adulte.

Mode d’emploi

La sanction doit être donnée dans une relation personnel-le, pas à la cantonade, ce qui peut être humiliant pour

l’enfant, et susciter alors chez lui des réactions de défense,agressives ou de repli sur soi. Elle doit être formulée defaçon non blessante, compréhensible. Elle doit être la plusimmédiate possible après la découverte du délit, pour quel’enfant puisse vraiment faire le lien, intérieurement, entreson acte et le désagrément qui le suit.

La sanction doit apporter une réponse rapide, limitéedans le temps, ce qui montre la clarté du message desparents, montre l’inutilité d’enfreindre, permet de s’investirassez vite dans une autre activité, la fureur ou la tristessepassées. La sanction, bien posée et bien vécue, permet deretrouver ensuite une « relation constructive » avec l’adulte.C’est l’acte qui était visé. L’enfant, lui, est toujours aimé. Ilpeut garder sa confiance intérieure, il sent que ce désagré-ment lui est donné parce que l’on sait qu’il peut progresser.

Quand la sanction a été annoncée, elle doit être absolu-ment appliquée, sinon la parole de l’adulte se dévalorise. Et

c’est l’image que l’enfant se fait de cette personne qui en estprofondément marquée.

La sanction ne doit pas être assortie d’une explosion decolère, un rejet, une décharge émotionnelle, une prise depouvoir de la part de l’adulte — réactions qui arrivent sou-vent quand on a trop tardé à intervenir, l’adulte est alorsexaspéré, en échec face à l’enfant.

La sanction ne doit jamais être une violence physique, leplus souvent ressentie comme une agression, une menacegravissime puisque l’enfant a peur de la personne qui est laplus importante pour lui : le sentiment de sécurité intérieureest alors atteint, et l’identification va jouer (« dès que je lepourrai plus tard, j’en ferai autant »).

L’adulte doit avoir bien présent à l’esprit qu’il ne s’agitpas d’une sorte de vengeance, mais de quelque chose devoulu, pensé, donné à l’enfant pour l’aider à se construire :« pour que tu te rappelles que c’est absolument interdit, pourque ça te donne plus de force la prochaine fois ». Même sinous sommes très en colère, il faut qu’il y ait toujours unfond « d’amitié », de confiance, de sympathie, sinon, pourl’enfant, c’est le sentiment d’être rejeté, abandonné, ce quipeut le conduire à la tristesse, à la perte de confiance en soi,ou au ressentiment, puis à la haine, à la violence. On voit ànouveau comment la bonne sanction, calme et ferme, peutau contraire apaiser, éviter à l’enfant de se demander ce quiva peut-être lui arriver. Elle permet une économie d’énergieconsidérable, tant pour l’enfant que pour les parents.

Et si l’enfant va souvent protester violemment, se mettreen colère, pleurer, paraître souffrir, on peut comprendrecette souffrance, mais si l’interdit était justifié, l’enfant doitapprendre à la supporter.

Si c’est si clair, pourquoi est-cesouvent si difficile à appliquer ?

Si les adultes pouvaient voir dans ces comportements unerecherche dynamique d’appropriation des règles, une

demande d’information, et non une recherche d’atteinte à

13à propos des sanctions dans la famille

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14 chantal de truchis

leur pouvoir, ils comprendraient mieux que leur rôle est —après avoir expliqué de manière compréhensible leur réalité— de répondre inlassablement que les règles sont faites pourne pas être transgressées.

Pourtant, des parents peuvent êtredémunis et angoissés devant la force deleur enfant. Certains sont même dérou-tés, et comptent sur « la bonne nature »,pensant que tout cela s’arrangera bienun jour. Plusieurs ont sans doute inté-riorisé, pendant leur propre enfance,des culpabilités toujours prêtes à semanifester dès que l’enfant fait desreproches, les considérant injustes,méchants. Toujours pour certainsparents, ce doute de l’enfant à leurégard est impossible à supporter, et ilsse dépêchent de trouver un prétextepour lever la sanction, ou pour toutsimplement ne pas en donner :« Promets-moi que tu ne recommence-ras pas. » Le conflit est interrompu,momentanément, car il ne tardera pas àse reproduire pour ce même fait ou unautre. L’enfant ne sent pas quelqu’unde solide à côté de lui, et il continue àprovoquer, attendant, inconsciemment,qu’un jour « ça tienne ».

Donner une sanctionpeut faire peur

Une part de souffrance et de frustration est nécessairepour se construire. Il n’en reste pas moins que certains

enfants ont des réactions tellement explosives, bruyantes,épuisantes, que leurs parents n’osent plus s’imposer. Il y anécessité de les aider, les soutenir, de comprendre avec eux

ces mécanismes, pour qu’ils admettent que la force explosi-ve de leur enfant peut devenir dramatique s’ils ne réagissentpas. Il faut les aider à garder la confiance dans cet enfant et

en eux-mêmes, à remplir leur rôle quiest d’accompagner, et non à toujoursfaire plaisir comme notre époque yincite. Qu’ils se posent comme parents,respectant leurs rôles et personnalitésde père et de mère, qu’ils puissent sesoutenir mutuellement : « Nous avonsréfléchi ensemble, et je te soutiens. »

Un fait de société

Notre société demande que noustravaillions à développer une plus

grande force intérieure chez lesparents, à les aider à élucider leurspropres convictions, ce qu’ils veulenttransmettre, pour voir de positif chezleur enfant, non pas dans la fusion, larelation à eux uniquement. Qu’ilsessaient de voir ce que leur enfant-sujet éprouve, le regarder parfois avecun peu de distance. Ce qu’il exprime,c’est aussi sa colère à lui, face à sondésir de toute-puissance, de satisfac-tion immédiate, ce n’est pas unique-

ment dirigé contre ses parents qu’il aime — et qu’il vou-drait aimer — par-dessus tout.

De bonnes sanctions diminuent le cycle des provocationset la culpabilité lancinante de l’enfant. Elles lui permettent,inlassablement, de repartir d’un bon pied. Elles clarifient lavie, tout en permettant à l’enfant d’éprouver sa propre res-ponsabilité, lui faisant découvrir que ses actes ont des consé-quences, bonnes ou mauvaises, qu’il doit assumer. Elles sontun élément de prise de conscience de soi.

L’objectif n’est pas que l’enfantsoit soumis, qu’il s’incline, mais

qu’il se construise en ne perdantpas son énergie en errant sur deschemins qui ne conduisent à rien.

Il importe qu’il se sente «satisfaisant » dans le monde qu’ildécouvre, et qu’il ait une bonne

image de lui-même. N’oublions pasque les parents doivent

également permettre à l’enfantde développer son esprit critique.

Il n’y parviendra que s’il estconsidéré comme un sujet, et non

comme un être qui doit sesoumettre ou qui est livré à lui-même et à la satisfaction de ses

désirs immédiats.Chantal De TRUCHIS

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L’enfant a besoind’interdits, pas de

punitions corporelles !

« Les premiers interdits qu’il est souhaitabled’inculquer à l’enfant sont ceux qui concernentle respect des autres, et spécialement desplus faibles. […]

Mais dans ce qu’enseignent à un enfant lescoups qu’il reçoit, on peut reconnaître sanspeine les pires principes du machiavélisme,de la lâcheté et de la cruauté :

Les plus grands et les plus forts ont le droit debattre les plus petits et les plus faibles. La rai-son du plus fort est toujours la meilleure !

Quand on est faible et petit, il faut se sou-mettre à la violence.

Pour le bien de l’enfant, il faut leur faire mal.La fin justifie les moyens.

On peut frapper quelqu’un pour son bien.Quand on aime quelqu’un, on a le droit de lefaire souffrir. Qui aime bien châtie bien. […]

Ces principes s’inscrivent au plus profond del’esprit de l’enfant, et inspireront sa conduited’adulte sans même qu’il sache d’où ils luiviennent. […]

Si l’enfant est respecté dans ses besoins, ilest plus facile de l’élever sans même le punirquand des contraintes sont nécessaires. »

Extraits (pp. 58-71) du livre d’Olivier Maurel, La fessée, Éd. LaPlage, 2001, 128 p., 7,32 euros.

15à propos des sanctions dans la famille

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Pour que des délinquants retrou-vent place dans la société, il y aurgence à développer des sanc-

tions éducatives qui réparent les dégâtsmatériels et psychiques de toutes lespersonnes concernées.

Impunité zéroou éducation maximale ?

Que veut-on dire en parlant d’impunité zéro pour lesjeunes délinquants ? S’agit-il d’annoncer le rétablisse-

ment d’un ordre social qui aurait été mis en péril par lesmineurs ? De proclamer la fin d’une pseudo ère laxiste pen-dant laquelle les lois et les peines auraient été oubliées ?Promettre l’impunité zéro, c’est nier la justice et la législa-tion en vigueur dans le domaine de la jeunesse, c’est fairepenser que la rue est à feu et à sang, que la violence gouver-ne et que les institutions sont en dérive. Ce slogan est deceux qui risquent de renforcer le sentiment d’insécurité fac-teur des dérives que l’on sait. Il est à classer dans la mêmecatégorie que « Tous pourris ! » Croit-on apaiser les élec-teurs en les considérant comme des victimes potentielles ?« Rassurez-vous, bientôt vous n’aurez plus peur de la jeu-nesse ! Tout crime sera puni ! Vous serez vengés ».

C’est d’une grande tristesse et d’une totale irresponsabi-lité : comment oser dénoncer l’incapacité des lois et desinstitutions à assurer la paix sociale et l’éducation des jeunes ?Nous avons des lois depuis 1945 qui permettent de punir etd’éduquer les mineurs. De les punir en les éduquant ; de leséduquer et de les responsabiliser, tout en les contraignant,tout en les sanctionnant, tout en les respectant. Pourquoi ne

La réparation,une sanctionéducative et sociale

La mesure d’une démarche :laïque, civique, ludique

*Psychologue clinicienne, auteure de : La réparation dela délinquance. À la découverte de la responsabilité, Paris,Gallimard, 1999 ; Les incivilités scolaires, Paris, Syros, 2001 ;Les violences au quotidien. Idées fausses et vraies questions(co-rédigé avec Christine Laouénan), Paris, La MartinièreJeunesse, 2002 ; Il m’a tuée, Paris, La Martinière, 2002.

MARYSE VAILLANT*

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pas faire connaître ces lois et les pratiquesjudiciaires et éducatives qui en découlent ?

Pourquoi ne pas valoriser ce qui se faitquotidiennement sur le terrain social ; dansles cités, dans les familles, dans les associa-tions, dans tous les tribunaux de France ?Croit-on rendre aux gens le goût de lacitoyenneté en les traitant comme des vic-times ?

Quiconque regarde la télé et se sentmenacé par la violence de la société a besoinde penser que la police et la justice veillent àla paix publique et à la sécurité de chacun.Pourquoi ne pas lui rappeler que si la policedoit veiller à la sécurité de tous, la justice,elle, doit veiller au respect des droits de cha-cun. Des siens comme de ceux des autres. Lasécurité personnelle de chacun passe parl’éducation des autres et non pas par leurincarcération. La sécurité des adultes passepar l’éducation des adolescents.

Autrement dit, tout délit, toute agression,toute transgression doit avoir une réponse :une réponse éducative. Stricte, claire etdigne. Toute sanction pénale qui vise unmineur de dix-huit ans doit être éducative.Elle doit viser non pas à l’impunité zéro maisà l’éducation maximale.

Comment ? Par la sanction, la contrainte, l’accompagne-ment, le respect, la dignité. Par le respect des droits de cha-cun : de la victime, des institutions, du mineur, de sesparents. Commençons par la victime. La reconnaissancesymbolique du préjudice qu’elle a subi est plus importantequ’une promesse de vengeance dissimulée sous une revendi-cation d’ordre social. La vengeance n’apaise aucune dou-leur. Une vraie parole judiciaire et une vraie réparation sontnon seulement plus dignes de notre démocratie, mais sontégalement plus efficaces pour panser les blessures. Le res-pect de la victime et de ses droits doit s’étendre à l’institu-

17la réparation, une sanction éducative et sociale

tion qui parle pour elle, la reconnaît et prend en charge saplainte. La police, la justice sont des institutions qui doiventretrouver force et dignité dans l’opinion publique. L’hommede la rue se sentira moins menacé s’il a confiance dans lesinstitutions de son pays.

Quant au mineur et sa famille, tous les éducateurs et lestravailleurs sociaux savent qu’un adolescent qui commetune infraction entraîne ses parents dans une aventure diffi-cile ; aider les parents à traverser dignement les remouspoliciers et judiciaires qui suivent le délit de leur enfant, estplus efficace que de chercher à les stigmatiser, les écarterou les punir.

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Comprendre la loipour la respecter

Pour le jeune lui-même, pris autant dans les turbulencesde son âge que dans les multiples pièges de la société, il

faut apprendre ce que la loi veut dire, ce que signifie état dedroit et libertés individuelles. Il doit découvrir le sens dudélit et celui de la transgression, celui de la sanction et de lapeine. Autrement dit : le sens de la loi.

Pour un adolescent, rencontrer la loi, c’est rencontrer leshommes : ceux qui l’énoncent et la font respecter et ceuxqu’elle a pour mission de protéger. Certains jeunes sont loinde réaliser que leurs actes blessent des personnes réelles, queleurs faits et gestes font effraction dans la vie des gens. Laprocédure judiciaire pénale les confronte à leur capacité denuire, les confirmant parfois dans l’idée de leur nocivité. Letravail éducatif leur permet de découvrir leur capacité deréparer. L’éducation des générations à venir et leur accès àla vie d’adulte passent par la réparation, par le geste, l’acti-vité dont l’utilité est reconnue : c’est le meilleur moyend’entrer dans la responsabilité.

Il suffit parfois des méfaits de quelques jeunes multiréci-divistes pour faire gagner l’idée de la dangerosité des ado-lescents. L’idée simpliste est alors de penser qu’en les enfer-mant, on retrouvera la paix.

Le problème, c’est que l’enfermement n’éduque pas. Lemode d’enfermement qui sévissait dans les internats spécia-lisés jusque dans les années 1960 et que j’ai personnelle-ment connu lorsque j’étais éducatrice, est totalement inadap-té à la société moderne : même l’armée ne fonctionne plusde cette manière. Qui peut nier que l’adolescent a besoin dedécouvrir la responsabilité, le sens des lois, d’apprendre lesrelations avec les autres, de respecter les interdits essentiels,de diriger sa vie ? Rien de tout cela ne s’apprend entrequatre murs. On n’y apprend que les coups et la rage.Soumission, obéissance et conformisme ne sont pas desvaleurs qui permettent d’échapper à la délinquance. Bien aucontraire, elles consolident les bandes, organisent l’obéis-sance aux caïds, dedans puis dehors, et préparent de véri-

tables carrières de délinquants. Une fois sorti de ce genre destructure, le jeune qui a appris à obéir sans réfléchir ne serajamais un citoyen responsable. Pour soumettre les autres, ouabandonner un libre-arbitre dont il ne sait que faire, il cher-chera toujours le rapport de force, la loi du plus fort.

Assumer sa partde responsabilité

C’est pourquoi la démarche qu’implique la mesure deréparation est innovante et même assez dérangeante.

La démarche éducative de réparation ne se centre pasexclusivement sur les fautes ou sur les malheurs du jeunedélinquant ; elle intègre sa capacité à réparer, si ce n’est lesvictimes de ses méfaits, au moins les conséquences de sesactes. Il s’agit de reconnaître et d’assumer ce qu’il a fait.Autrement dit, s’il ne s’agit pas toujours d’assumer la totali-té des conséquences de ses actes — la minorité doit l’en pro-téger — il s’agit qu’il reconnaisse ce qu’il a fait et qu’il soiten mesure d’assumer en être l’auteur. Réparer permet àl’enfant ou l’adolescent, d’assumer sa part de responsabilitéen reconnaissant les dommages qu’il a causés et les préju-dices qu’il a fait subir à quelqu’un.

Cette démarche, fortement éducative, prend toute savaleur si elle s’inscrit également dans un effort de soutiendes parents : étayer la fonction parentale, c’est soutenir leurcapacité à être les éducateurs de leurs enfants. C’est œuvrerà la réparation du lien social par l’intégration de tous dans lacitoyenneté. Les parents deviennent les éducateurs de leursenfants dans un mouvement de responsabilisation de chacunqui ne rend nécessaire aucune culpabilisation ni des uns nides autres. On peut travailler la question de la responsabilitéde chacun au regard de ses actes sans mettre l’accent sur laculpabilité et sa corrosion interne. Remettre les parents surles rails de l’éducation de leurs enfants se fait plus facile-ment si on peut leur proposer d’être utile à la communautéau lieu de les montrer du doigt pour leur incompétence.

18 maryse vaillant

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La dimension humainede la sanction

La réparation, lorsqu’elle engage un tel travail psychique,ouvre les portes de l’inventivité et de la créativité, tant

au plan social que personnel. Elle met celui qui répare eninteraction positive avec le groupe et lui donne un statutdont il n’a pas à rougir. Par l’activité de réparation deman-dée, répondre de ses actes, les assumer, devient alors plusfacile, comme devient moins lourd le fardeau de la vie. Ladémarche de réparation soulage l’angoisse d’être soi etdonne un sens aux rapports avec la communauté. L’échangeréparateur, lorsqu’il permet de passer par soi-même pouraller vers l’autre, renforce l’estime de soi et permet la recon-naissance d’autrui. L’autre est moins menaçant lorsqu’onpeut lui vouloir du bien. La réalité est moins cruelle

lorsqu’on peut la transformer. Le monde est moins brutallorsqu’on peut agir sur lui et exister soi-même. Autrementdit, la réparation donne les moyens d’assumer ses actes sanscrouler sous la peur ou la culpabilité. C’est un processus quidonne à la sanction une belle dimension humaine, qui ouvreà la dignité et au respect de soi et des autres.

Acceptation de soi, transformation de la peur et de lahaine, la réparation, par les fantasmes qu’elle libère et lacréativité qu’elle permet agit sur l’angoisse sociale et lesaffects dépressifs. Fantasmes réparateurs, créations artis-tiques ou sociales, dons, échanges et inventivités, les pro-ductions inconscientes de la réparation débouchent surl’apaisement personnel et l’estime de soi. Celui qui réparerenforce son potentiel de résilience, sa capacité à résister auxchocs de la vie en s’ouvrant aux autres.

19la réparation, une sanction éducative et sociale

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Humaniser la loi

Démarche éducative spontanée ou instituée, elle donnedu sens aux interdits. Autrement dit, elle humanise la

loi et les règlements, elle leur donne du sens ; elle pacifie lerapport aux autres. Par les régulations, les médiations et lessanctions internes valorisantes qu’elle permet, par l’appel àl’imagination et la créativité qu’elle induit, la démarche deréparation donne au génie éducatif l’occasion de s’exprimeret permet aux jeunes concernés de relever la tête, tout enassumant leurs actes dans la vie.

Apaisement de soi et des autres. Création d’un mondemeilleur. Peut-on espérer voir se réaliser ce beau programmedans une lettre d’excuses ? Rien ne le garantit. Aucunemesure judiciaire, comme aucune démarche éducative nepeut promettre la mobilisation des puissants affects et desprocessus d’apaisement en jeu dans la réparation psychique.Pourtant, si rien n’est garanti, tout reste possible. À condi-tion de veiller à éviter quelques dérives.

Entre répression et impunité

Mesure judiciaire pénale, la réparation occupe l’espaceintermédiaire entre la répression et l’impunité, entre

la justice et la société, entre la relation éducative et larequalification parentale, entre le déni et la culpabilisation,permettant que les adultes et les institutions ne se dérobentpas devant leurs exigences éducatives. Autrement dit, rienne peut se faire sans un partenariat institutionnel, commu-nautaire et associatif, seul gage d’une meilleure insertionsociale des mineurs et d’une meilleure tolérance de la socié-té à leur égard.

Travailler avec les parents

Rien ne sera gagné tant que la société et la justice ne ren-dront pas aux parents la place que la vie leur a parfois

dérobée : une place d’auteurs, c’est-à-dire de responsables,

et une place d’éducateurs de leur enfant, en leur donnant lesmoyens de jouer leur rôle et de tenir leur place. Est-ce direalors que le travail consistera à leur « rendre » leur adoles-cent, annulant les efforts de séparation familiale que celui-citente désespérément, délit à l’appui ? Certainement pas.Travailler avec les parents, comme avec les victimes, c’estapprendre à les écouter, à les respecter, ce n’est pas diluerl’autonomie et la compétence des professionnels dans unnouvel engouement démagogique. Rien ne sera réussi sansle respect des droits et de la place de chacun. Si la réparationpermet de répondre, dans un cadre légal, aux infractionscommises par les mineurs et peut donner ainsi de la justiceune image à la fois plus humaine et plus rigoureuse, c’estdans la mesure où la place et les droits de tous seront stricte-ment respectés.

Relever la tête

Favorisant la prise de responsabilité du jeune et de sonentourage proche, la mesure lui permet de prendre une

place active dans la vie sociale. Il acquiert ainsi une autreimage de lui-même et donne une autre image de lui auxautres ; il peut relever la tête. Il est donc nécessaire que lasociété qui lui demande, via la justice, de réparer, acceptede lui laisser une place digne et respectée, et cesse de seprotéger contre lui. La réparation ne peut être une mesurepénale et un projet politique si elle n’est, avant tout, un pro-jet de société. L’échange réparateur se déploie dans unespace de concertation, de conciliation. Si la société ne faitpas sa part du chemin, la mesure ne réparera jamais rien nipersonne.

Enfin, seul un accompagnement éducatif approprié etsérieusement compétent peut permettre qu’un adolescent endifficulté rencontre ce qu’il fuit : lui-même, la loi et autrui.Sans ce travail, rien n’augure que se développent chez luiles fantasmes qui donneront à la mesure sa pleine dimen-sion réparatrice.

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Un rappel de la loiqui n’est pas un rappel à l’ordre

Seul l’étayage relationnel, affectif ou thérapeutique mis enplace dans une équipe éducative permet que se dénouent

certains blocages défensifs et que s’ouvrent le monde et lerapport aux autres. Rencontrer la réalité des autres fait qu’onse heurte parfois aux règles et aux lois qui organisent l’espa-ce de chacun, aussi, pour que la découverte des contraintescommunes et des souffrances partagées ne fasse pas croulerl’adolescent sous l’impuissance et le désespoir ou se révoltercontre les limites imposées à sa toute-puissance, il lui estnécessaire d’être accompagné vers la réparation. L’injonc-tion ne peut suffire.

Comprendre la nécessité des lois et de l’organisationsociale ne vient pas spontanément à un jeune engagé dans laviolence de ses pulsions et dans la cruauté des rapportshumains. L’arbitraire, l’injustice sont son lot depuis long-temps et les rapports de force l’emportent pour lui sur lessituations de droit. Il doit souvent tout apprendre du rapportà la loi : ce qu’elle est pour lui et pour les autres, adultes ycompris ; ce qu’il est pour elle. Lui, le juge, le policier, lavictime : le rappel de la loi les concerne tous. La loi est làpour permettre à chacun d’exister aux yeux des autres.

La réparation :un projet de société

En même temps qu’elle le soumet à la loi commune, enmobilisant ses fantasmes créateurs et sa capacité de

rêver, la réparation lui ouvre le chemin d’un mondehumain, un monde de sens où il a une place digne et un rôlepositif à jouer. Il se réparera en faisant réparation à quel-qu’un, non en se soumettant au désir de l’autre, fût-il la vic-time de ses transgressions ou de ses outrances. C’est pour-quoi l’arrimage institutionnel des démarches réparatricesdoit être solide. Sinon, le seul réparateur sera toujours leprofessionnel. L’échange réparateur doit s’inscrire dans unprojet qui, à travers l’institution, implique la société.Condition nécessaire pour que l’aventure réparatrice qui sejoue dans le travail social ne soit pas une affaire de person-ne mais un projet de société.

Le processus qui permet la réparation de soi-même enpassant par la réparation de l’autre échappe aux manipula-tions disciplinaires ou aux mises en conformité. C’est unedémarche personnelle ; elle en porte les aléas, les impasseset les paradoxes ; elle échappe à toute maîtrise et à toutcontrôle et prend des chemins souvent imprévus et inédits.C’est un trajet de maturation personnelle qui permet depactiser avec soi-même, de s’accepter, de pardonner. C’estalors un véritable creuset de résilience qui donne desforces et permet d’assumer les échecs, les deuils et lesépreuves de la vie.

La justice des mineurs de demain se fera à partir de laréparation si elle veut éviter de tomber dans l’ornière de larépression. Toutefois, pour que ces réparations ne soient pasformelles, mécaniques et conformistes, mais ouvrent sur unvéritable projet d’ouverture à la citoyenneté pour tous, il estnécessaire que soit pris le temps de l’accompagnement édu-catif, que soit pris le risque de la compétence éducative avecce que ce temps et ce risque impliquent de maturation, decontraintes et de création.

21la réparation, une sanction éducative et sociale

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Toute sanctions’appuie sur laloi transgres-

sée, mais la loi n’est-elle pas, parfois, lemasque insidieux dela domination du fortsur le faible ?

Les viséesde la sanction éducative

Comment intégrer la sanction à l’œuvre d’éducation ?Comment faire pour qu’elle ne soit pas une parenthèse,

mais un moment du procès éducatif ? Quelles fins convient-il de lui assigner ? Nous soutenons l’idée qu’une sanctiondoit poursuivre une triple fin, une fin politique, une finéthique et une fin sociale. Ces trois fins sont d’égale dignité,nous ne saurions donc en privilégier une au détriment desdeux autres. Présentons chacune de ces fins.

La sanction éducative vise à réhabiliterl’instance de la loi (fin politique)

La sanction vise à rappeler la primauté de la loi et non laprééminence des adultes. Plus généralement, elle manifestel’importance de l’existence d’un ordre symbolique structu-rant: le droit. Une sanction qui entend faire œuvre d’éduca-tion, ne peut donc être utilisée comme une stratégie deréactivation du pouvoir du maître ou de l’adulte. « La puni-tion d’un enfant, écrit pourtant Jean Bergeret, survient sou-

Sanction éducative,sanctionreconstructive

*Maître de conférences à l’IUFM de Lorraine. Auteur de :Questions de discipline à l’école, et ailleurs…, Toulouse, Erès,2002 ; Sanctions et socialisation, Paris, Puf, 2001 ; Penser lasanction, les grands textes, Paris, L’Harmattan, 1999 ; Lasanction, Paris, L’Harmattan, 1997 ; Éduquer et punir, Nancy,Presses universitaires de Nancy, 1994.

EIRICK PRAIRAT*

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vent comme la nécessité pour l’adulte de récupérer narcissi-quement son emprise et sa violence sur l’enfant. » 1 Deveniréducateur, c’est précisément renoncer aux sirènes du pou-voir pour devenir le garant d’une loi à laquelle on est soi-même soumis. Rappeler la loi, c’est aussi en appeler à savaleur d’instance, c’est-à-dire à sa capacité à lier un « je » àun « tu » pour faire advenir un « nous ».

Il n’y a pas de « vivre-avec » (autrui) qui ne soit articuléà un « vivre-devant » (la loi). Le vivre-ensemble ne peut êtrepensé comme ferme et permanent que sur le fond d’une ins-tance transsubjective. Et ce transsubjectif, c’est la loi. Lasanction rappelle que les lois que le groupe se donne ne peu-vent être impunément ignorées ou violées au risque de lefaire éclater. Telle est la finalité politique de la sanction :rappeler la loi pour préserver l’identité et la cohésion dugroupe. « Il n’y a qu’un cas où le vol ne soit pas terrible —écrit Makarenko dans Le chemin de la vie —, c’est là où iln’existe ni collectivité, ni opinion publique. Le problème serésout alors simplement : l’un est le voleur, l’autre le volé,et le reste ne regarde personne. Dans une collectivité […] il

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en va tout autrement. » 2 Toute infraction met en péril legroupe dans son existence sociale car la loi est ce qui nousrelie par la dialectique des droits et des devoirs.

Mais qu’est-ce qu’un rappel à la loi si la loi est inique ?Qu’est-ce qu’un rappel à la loi si celle-ci n’est qu’une petiterègle tatillonne ? Telle est la légitime inquiétude des tenantsde la pédagogie institutionnelle qui craignent de voir la loise dégrader en « loi de patron » ou du « grand Président » 3.Réfléchir sur la sanction c’est aussi réfléchir sur la « qualité »de la loi et ne pas se payer de mots car que signifie rappelerla loi lorsque celle-ci n’est que le masque trompeur et insi-dieux de la domination. Le sens et la lisibilité de la loi etplus fondamentalement la mise en place d’un véritable cadresocialisant est une exigence essentielle car la sanction neprend sens et efficience que comme élément d’un dispositifplus global où se nouent paroles, lois et responsabilités.

La sanction éducative viseà responsabiliser un sujet (fin éthique)

« […] Rappelons-le, la sanction n’efface en rien la fautepuisqu’elle n’est pas tournée vers le passé et vers l’indivi-du,, mais vers l’avenir et la société, qu’elle tend à protégerpar son caractère public et exemplaire. » 4 Jean-Pierre Obinse trompe en soulignant que la sanction éducative est tour-née uniquement vers la société. Elle doit être tournée vers lasociété, le groupe social et… l’élève (ou l’enfant) précisé-ment parce qu’elle est éducative. Le puni ne saurait être unsimple moyen, il doit aussi être une fin. La sanction lui estaussi due. Si le concept de punition est à nos yeux irrece-vable, c’est bien parce qu’il se déploie dans l’oubli du sujet.Il est une propriété de l’institution scolaire que l’on escamo-te volontiers à force de l’identifier au monde du travail, àl’espace public et plus généralement à la société politique,c’est qu’elle est un lieu d’exercice. L’école est certes un lieuoù l’on exerce des compétences (intellectuelles, sociales oujuridiques), elle est aussi et surtout un lieu où l’on s’exerce.Elle est, chose banale à rappeler, un lieu d’apprentissage etde formation.

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Or l’acte d’apprendre nécessite la mise en place de situa-tions formalisées et hiérarchisées, de dispositifs idéaux pla-nifiés que le réel ne saurait offrir que de manière imparfaiteet aléatoire. De plus, l’acte d’apprendre requiert la recon-naissance d’un droit à l’erreur, celle-ci ne saurait être tenuepour un échec définitif ou rédhibitoire sauf à compromettrele projet même de l’école comme lieu d’apprentissage. Àl’école, on peut se tromper sans dommage car l’étude autori-se le retour et la reprise. « Ici l’on se trompe, l’on recom-mence », écrit Alain, dans Les fausses additions n’y ruinentpersonne 5. L’école propose même des situations simulées(brevet ou bac blanc), c’est-à-dire toute une série d’épreuvesoù l’on neutralise, ne serait-ce que partiellement, les consé-quences. « L’éducateur, écrit André Berge, sert normale-ment de tampon pour éviter à l’enfant de se heurter de façontrop violente à la réalité. » 6 L’école est fondamentalementun espace de simulation ; ce qui est vrai, soit dit en passant,de tout espace éducatif.

La transgression, dans et sous certaines conditions, par-ticipe donc à la construction du sujet politique, tout commel’erreur, dans des conditions didactiques précises, participeà l’évolution intellectuelle du sujet cognitif. Embarquésdans leur quête d’identité et de reconnaissance, l’enfant etl’adolescent se plaisent à bousculer les règles, à tester lecadre qui les contient. Ils s’éprouvent en éprouvant la fiabi-lité de leur environnement social. Rien de pire que le silen-ce en cas de transgression caractérisée de la loi. « Il importede toujours rétablir les limites, de reformuler à chaque foisles interdits structurants […]. Ne faisons pas silence sur cequi s’est passé. À chaque fois, on a à signifier que l’acte aété entendu, son responsable reconnu… » 7 Le mal est peut-être moins la transgression en elle-même que l’ignorance dela transgression.

Nous ne sommes pas assez hégéliens sur ce point enminorant le travail du négatif. La transgression ne supprimepas la loi, elle est passage au-delà, elle est encore un momentde travail et d’intériorisation de la loi si la sanction sait faireécho à ce moment « négatif ». La sanction est un moyen depromouvoir un sujet responsable en lui imputant les consé-quences de ses actes. Cette proposition peut surprendre car

certains auteurs affirment que l’on ne peut punir qu’un sujetresponsable. « Si l’enfant n’a pas conscience de la fautecommise ni de sa responsabilité personnelle, écrivent Élise etCélestin Freinet dans un texte peu cité, comment voulez-vousqu’il admette la légitimité de la punition ? » 8 L’argumentconsiste à dire que l’on ne peut punir que celui qui est vrai-ment responsable. S’agit-il alors de faire advenir une attituderesponsable ou, au contraire, faut-il la présupposer ? PhilippeMeirieu a montré que l’on peut échapper à un tel dilemmepar la dialectique de l’être et du devoir-être.

« Sanctionner, écrit-il, c’est bien en effet attribuer àl’autre la responsabilité de ses actes et même si cette attri-bution est constitutivement prématurée, même si elle est,stricto sensu, au moment où elle est faite, un leurre (puisquel’enfant n’est précisément pas déjà éduqué) elle contribue àson éducation en créant chez lui progressivement cettecapacité d’imputation par laquelle sa liberté se construit.Celui qui a commis la faute n’aura peut-être pas agi de sonplein gré, il aura peut-être été le jouet de l’influence de sonentourage ou, simplement de ses impulsions… Mais le faitde lui attribuer la responsabilité de ses actes le mettra, enquelque sorte en situation de s’interroger progressivementsur ceux-ci et d’en être, de plus en plus, le véritable auteur.Plus radicalement, peut-être, en anticipant une situationsociale future on anticipe le sujet libre et on lui permetd’advenir. » 9 C’est en pariant sur la liberté d’autrui qu’onl’actualise. La sanction possibilise en l’enfant l’émergencede sa responsabilité subjective. Il ne s’agit donc pasd’attendre que l’élève (ou l’enfant) soit responsable mais dele sanctionner de telle manière qu’advienne en lui un sujetresponsable. Il n’y a pas à « attendre-que » mais à « agir-pour-que ». Et cet « agir-pour-que » s’adresse toujours à unsujet singulier inscrit dans une situation particulière.

La sanction éducative vise à reconstruirele lien social blessé (fin sociale)

La sanction est un coup d’arrêt. Sans celui-ci, l’enfantpeut être amené à persévérer, à aller plus loin, à faire plusmal, à se faire plus mal. « La sanction, écrit Jean-Bernard

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Paturet, a donc comme fonction essentielle, quand elle estfondée sur cette reconnaissance du sujet désirant, d’empê-cher que le sujet se perde dans une régression infinie oudans une puissance mortifère… » 10 L’éducateur doit soutenirdes « non », savoir faire face même si ces prétentions narcis-siques doivent en souffrir. La peur taraude souvent l’éduca-teur qui s’oppose ou se risque à poser un refus. « On préfèrevivre dans l’esthétisme d’une séduction mutuelle, n’êtrejamais le mauvais qui contredit, qui marque des limites. Uneséduction généralisée nous fait échapper à cette épreuve.Séduire, c’est dire oui toujours, pour qu’il soit comblé parnos soins. Assumer un « non » est pourtant essentiel commeest essentielle la mise en place d’interdits structurants, oùon apprend que tout n’est pas possible dans notre univershumain, et que tout ne vous est pas destiné. » 11

Coup d’arrêt dans une trajectoiredéviante, mais pour réorienter un com-portement, le remettre selon une belleformule d’Emmanuel Lévinas « dans ladroiture de l’en-face-de lui » 12. La sanc-tion vise à renouer le lien social que latransgression a défait, elle tend à réins-taurer la victime et dans sa dignité etdans sa puissance d’agir que l’agressiona niée et amoindrie. La sanction éduca-tive, par-delà son effet césure, tend àréinscrire le coupable dans le jeu socialde la réciprocité. Elle vise à reconstruirele lien social blessé et, par là-même, àredonner à la victime la place pleine etentière qui était la sienne 13.

Visée politique, visée éthique, visée sociale… et sil’action éducative résidait dans la conciliation toujoursincertaine de ces trois soucis : souci de la loi (et plus large-ment d’une transcendance — que celle-ci soit la loi, lessavoirs ou l’univers de la culture), souci d’un sujet en deve-nir et souci d’un lien fragile et immédiat. Ironie de l’histoi-re, la sanction loin d’être l’Autre de l’acte éducatif en estpeut-être l’analogon. Elle en résume les enjeux et en cristal-lise les tensions.

Les principes structurantsde la sanction éducative

La question des fins clarifiée, il est alors possible d’énon-cer les grands principes qui dessinent la figure d’une

sanction éducative.

La sanction éducatives’adresse à un sujet

Cela signifie déjà qu’elle s’adresse à un individu et non àun groupe. La sanction éducative est individuelle et non col-lective. Les Anciens déconseillaient déjà la sanction collecti-ve, c’était à leurs yeux prendre le risque de se mettre à dos laclasse dans son ensemble. Question de prudence. Les nou-

veaux pédagogues ont dénoncé pourd’autres raisons cette modalité punitive.« Ne jamais donner de punitions collec-tives parce qu’on n’a pas réussi àdécouvrir le ou les coupables d’un actepunissable, prévient Dottrens. La sanc-tion collective est néfaste au plus hautdegré, elle fait payer des innocentspour des coupables, elle détruit l’auto-rité du maître qui, en l’utilisant,démontre en fait son impuissance àpratiquer la justice. » 14. Aujourd’hui,on invoque une règle élémentaire dedroit pénal pour discréditer la sanctioncollective en affirmant que nul ne peutêtre inquiété pour un acte qu’il n’a pas

commis ou dont il n’est pas complice.

Sanction orientée vers un individu, mieux sanction quis’adresse à un sujet. Cela renvoie à deux exigences : uneexigence négative et une exigence positive. L’exigencenégative consiste à renoncer au spectaculaire, à toutes lesformes punitives qui veulent édifier ou faire régner l’ordre.Sur ce point, Cousinet se trompe. « La punition, écrit-il, viseà empêcher l’écolier puni de recommencer. Elle est specta-culaire. La punition et l’écolier puni sont présentés à tous.

25sanction éducative, sanction reconstructive

Une sanction, même éducative,a des effets dissuasifs, maiselle ne saurait les affirmerau détriment du puni, car le

problème n’est pas de se servird’un coupable mais de lui

signifier, et par là-même designifier aux autres, que c’estla loi qui aura le dernier mot.

Eirick Prairat

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Nous avons dit que les maîtres en prisent la valeur exem-plaire, sociale, plus que la valeur individuelle. Ils punissentsurtout en ayant en vue ceux qui n’ont pas fait de mal, pourleur édification, pour les avertir, les prévenir. » 15 L’histoiremontre que de telles politiques punitives conduisent à biendes abus, l’exemplarité a souvent été le prétexte pour infli-ger des traitements, humiliants pour les élèves et déshono-rants pour les maîtres. Il n’y a pas de sanctions exemplaires,il n’y a que des éducateurs exemplaires. Certes tout fautifpeut se parer aux yeux de ses pairs de l’auréole du rebelle etdonc faire des émules, toute transgression enferme en elle ungerme de contagiosité qui menace, de proche en proche, desubvertir l’ensemble de la communauté. Les craintes deCousinet sont une chose, les principes en sont une autre.

On ne peut instrumentaliser un fautif et oublier Kant quinous enjoint de ne jamais traiter le coupable comme unsimple moyen 16. Récuser les mises en scène spectaculairesne revient pas à se priver des formes qui travaillent le sym-bolique. On peut faire une place à la gravité et à la solennitélorsque les circonstances l’exigent. Pour faire retour sur lespropos de Cousinet, il ne s’agit pas de « présenter à tous lapunition et le puni », cette attitude reste prisonnière de l’uni-vers des images et de la dimension imaginaire, il convientplus simplement et plus fortement, comme le fontaujourd’hui certains établissements, de rendre public, parvoie d’affichage, un verdict, une sanction. Il ne s’agit pas defaire voir mais de donner à penser. Il est donc clair qu’unesanction même éducative, a des effets dissuasifs, mais ellene saurait les affirmer au détriment du puni, car le problèmen’est pas de se servir d’un coupable mais de lui signifier, etpar là même de signifier aux autres, que c’est la loi qui aurale dernier mot.

La seconde exigence est positive : la sanction appelle laparole. « La peine doit être inaugurée par une parole » écri-vent Antoine Garapon et Denis Salas car « la souffrance dela peine n’a… de sens que dans une perspective de la réins-cription dans le symbolique… » 17 Revenir sur la transgres-sion et ses conséquences, demander, écouter mais aussiexpliquer ce qu’on refuse, car sanctionner sans s’assurer quela sanction soit comprise ou puisse être, tôt ou tard, compri-

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se, c’est tout simplement sévir (saevus : cruel). « Toutepunition qui n’est pas comprise est cruelle », remarquaitMaria Edgeworth « puisqu’elle fait du mal sans qu’il enrésulte un bien. » 18 Une sanction peut être expliquée et justi-fiée et ne pas être comprise. Il convient à celui ou à ceux quisanctionnent de faire un effort de pédagogie, même s’ilsn’ont aucune certitude quant au résultat. Le « faire-com-prendre » est un principe régulateur de l’action éducative 19.

La sanction doit être parlée, elle ne sera pas muette ; pasde sanction appliquée qui ne soit expliquée. Pourquoi privi-légier la parole ? Pourquoi ne pas plaider pour la sanctionautomatique ou la peine mimétique qui sont, elles aussi, desmanières d’articuler la sanction à la transgression (lien tem-porel, lien formel) ? Parce que la parole a un statut particu-lier, elle lie et délie en même temps. Au plan du sens, ellerelie la sanction à la transgression, elle fait un pont symbo-lique entre les deux actes ; au plan pratique, elle met lasanction à distance de la transgression, elle l’empêche

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d’être une simple vengeance car la vengeance est précisé-ment ce qui ne s’annonce pas. Dans les cas de transgressiongrave, il serait tout à fait pertinent de ritualiser ce momentde parole, d’en faire selon le mot de Paul Ricœur « unecérémonie de langage » 20.

La sanction éducativeporte sur des actes

Ce principe est simple et mérite moins de commentairesque le précédent. La faute inscrite au cœur de cette doublemodalité constitutive de notre existence sociale (le « vivreavec » et le « vivre devant ») n’est pas manque mais man-quement. Elle n’est pas un « en soi », un défaut à chercherdans l’intériorité d’un sujet mais un acte défectueux. Lafaute inscrite dans l’espace socialisé des droits et des inter-dits devient une transgression. On sanctionne des « fairecontre », des actes attentatoires à l’ordre commun. On nepunit pas l’intégrité d’une personne mais un acte particulierqui a été commis dans une situation particulière. On sanc-tionne un coupable pour un acte et non la personne par lebiais d’une infraction. On ne sanctionne pas un voleur maisun vol, on ne punit pas un tricheur mais une tricherie.

La sanction n’est donc pas incompatible avec la dignitééducative puisqu’elle ne sanctionne que l’indignité d’uncomportement. S’en tenir aux actes répréhensibles est nonseulement un principe d’objectivation (comment sanction-ner des intentions ?) mais aussi un principe de préservationqui demande, au plan pratique, ce que Haim Ginott a appelédans ces travaux sur la discipline une « communicationcongruente » 21. Dans la relation dialogique congruente,l’adulte centre son intervention sur la situation et se refuse àtout discours sur le caractère ou la personnalité de l’enfant.L’éducateur congruent ferme ainsi la porte aux procèsd’intention, aux effets d’étiquetage et à toutes les formes destigmatisation qui bien souvent condamnent le fautif à laréitération en l’enfermant dans une nature. La sanction édu-cative restreint le domaine du punissable pour ne pas avoirà se perdre dans les supputations malignes et les accusa-tions sans fin.

La sanction éducativeprend la forme d’une privation

Elle peut être privation de l’exercice d’un droit. Cetteproposition n’a de sens que si l’espace éducatif décline demanière lisible les droits et les devoirs de chacun. S’il estbon que les règles de vie de l’établissement signifient avecclarté des obligations et des interdictions, il n’est pas bon enrevanche qu’elles se résument à une liste d’interdits car letravail de socialisation doit s’inscrire dans un espace marquépar le pôle des interdits et celui des licences. C’est cette ten-sion qui permet, au plan pratique, l’émergence d’une libertéd’action effective et, au plan symbolique, le dépassement del’oscillation paralysante entre l’illusion de toute-puissance etl’angoisse d’impuissance.

Privation d’usage, interdiction d’activité, mise à l’écarttemporaire… Pour le dire d’une phrase, il s’agit de priver lecontrevenant des avantages de la communauté. « Là existentdes sanctions, écrivent Fernand Oury et Aïda Vasquez,essentiellement des punitions génératrices de frustrations oude coupures qui ramènent à la réalité. » 22 Le ressort de lasanction éducative est la frustration. C’est aussi ce quesemble dire Albertine Necker de Saussure dans une formulepour le moins originale : « Les punitions dont je parle ici,écrit-elle, ne sont destinées qu’à fournir la preuve de cettesuspension de bonheur dans la vie humaine, qui est ordinai-rement la suite des torts. » 23 La sanction compromet lesdroits et les joies liés au vivre-ensemble. Il convient doncd’en finir avec les pratiques humiliantes. On ne cultive pasla responsabilité en humiliant.

La sanction éducative s’accompagned’un geste à l’attention de la victime

« Ne voit-on pas se développer l’idée qu’on pourraitsanctionner une infraction au règlement intérieur, voire undélit, en imposant au coupable de réparer les dommagesprovoqués ? On illustre souvent cette pratique, pour la pro-mouvoir, par le cas de ces élèves tagueurs auxquels onimpose pour les punir de faire disparaître leurs graffitis. On

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va même jusqu’à défendre l’idée que cette punition auraitvertu éducative. C’est sans doute le contraire qui est vrai[…]. Cette pratique développe l’idée que la réparation efface-rait l’infraction, le délit ou le crime (d’où l’exemple toujourschoisi du tag qui est un délit effaçable). Or, rappelons-le, lasanction n’efface en rien la faute, elle n’a aucun pouvoird’expiation, encore moins de rédemption, puisqu’elle n’estpas tournée vers le passé. » 24 Ces propos ont le mérite deposer le débat sur le sens et la valeur de la réparation dans laformation sociale et morale du sujet. Nous considérons laréparation comme la dimension non pénale de la sanction etnous pensons qu’elle peut, en certaines circonstances, suffireà réhabiliter le contrevenant. En acceptant une procédureréparatoire, le contrevenant manifeste sa bonne volonté etsignifie son souci de rester membre d’une socialisation.

Réparer, au sens premier, consiste à « remettre en état,refaire, raccommoder » par exemple faire en sorte qu’unenfant qui a volontairement ou accidentellement cassé, ren-versé ou sali quelque chose s’occupe lui-même des dégâtsqu’il a causés. Il s’agit d’une réparation directe et matérielle,c’est la plus simple à mettre en œuvre, elle est d’ailleursassez couramment pratiquée dans nos écoles. Cela dit, lanotion de réparation recouvre une autre acception, réparerc’est aussi compenser. C’est à Mélanie Klein que revient lemérite d’avoir introduit la notion de réparation commeconcept clinique pour désigner un mécanisme inhérent à laposition dépressive. Selon cet auteur, l’enfant est très tôtconfronté à la peur inconsciente de l’anéantissement, à despulsions persécutrices qui sont des fantasmes de destruction,de mise en pièces et de dévoration 25. Face à ses pulsionsmorbides, l’enfant est envahi par l’angoisse et la culpabilitéd’avoir détérioré l’objet d’amour (la mère). Craignant deperdre l’amour en même temps que l’objet, l’enfant désireannuler le mal qu’il a fait. À l’origine de la tendance répara-trice se trouvent donc la peur de perdre l’amour et le senti-ment de culpabilité qui l’accompagne. La réparation est unetentative d’apaisement et d’élaboration des pulsions, un pro-cessus de maturation qui se fonde sur la reconnaissance de lasouffrance causée. C’est en ce sens que les procédures répa-ratoires nous intéressent car celui qui manifeste le désir de

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réparer est en position de responsabilité par rapport à sesactes. Il les reconnaît et les assume.

Le besoin de réparer est aussi le désir de se réparer. La dia-lectique réparer/se réparer est bien réelle car l’objet réparé nerevient jamais à l’état antérieur ; il est autre, il est créé à nou-veau. C’est en recréant l’objet que le fautif se recrée lui-même.La réparation est, en ce sens, un mouvement de constructiondu moi. Il existe, on le devine, des dommages qui ne sont pasmatériellement réparables, tout le génie de l’éducateur consistealors à trouver et à mettre en place des équivalents symbo-liques opératoires. Notons aussi que celui qui veut réparer estaussi en position de reconnaissance par rapport à autrui car sil’on répare quelque chose, on répare aussi à quelqu’un. Laréparation est orientée vers « un autrui ». Avoir recours à uneprocédure réparatoire c’est au-delà du face-à-face punisseur-puni introduire une tierce personne qui est la victime. C’està elle que s’adresse la réparation.

Ce que permet la procédure réparatoire en s’ouvrant à lavictime, c’est un mouvement de retour, retour vers l’autrecar, comme l’ont montré Oury et Vasquez, la seule dimen-sion pénale de la sanction ne suffit pas toujours à resociali-ser l’enfant. « Au lieu de travailler (pour vexer ceux quil’ont exclu : réaction fréquente), le “proscrit” peut se buter,

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les automatismes de défense peuvent jouer. Rages ou déses-poirs spectaculaires, sabotage de son propre travail “pourembêter le maître” : la liberté de ne plus travailler, voirel’interdiction de travailler, suffisent souvent à transformerces attitudes. Ce conflit peut durer… Il y a là un risque àprendre : l’exclusion n’enseigne pas obligatoirement lasocialité. » 26 C’est pour cette raison que la sanction, à défautde réparation, doit s’accompagner d’une mesure, d’un gesteou d’un signe en direction de la victime. La sanction doitsavoir faire une place à la victime, elle tend à renouer le fil,à réparer le lien social blessé. La sanction éducative est unesanction reconstructive.

L’aporie de la rationalité

Principe de signification (elle s’adresse à un sujet), princi-pe d’objectivation (elle porte sur des actes), principe de

privation (elle supprime des droits ou des avantages) et prin-cipe de resocialisation (elle appelle une réparation ou ungeste symbolique à destination de la victime), tels sont lesprincipes structurants de la sanction éducative. Nous ne plai-dons pas pour une sanction rationnelle mais pour une sanc-tion intelligente, mixte de raison et d’humanité. La sanctionrationnelle est introuvable, comme nous allons le montrer. Lasanction s’adresse à un sujet, avons-nous dit, elle exige dusens, de la parole. Parole qui rassure, parole qui libère, parolequi guérit, les effets thérapeutiques de la parole ont étémaintes fois évoqués, aussi recommander l’écoute et l’expli-cation n’est guère original. Mais ce qu’il faut ici relever,c’est que nous préconisons la parole au moment même oùelle vient signifier son impuissance à régler un différend.« Homme de parole », « parlêtre », il nous faut toujoursparier sur la parole même lorsque celle-ci vient à échouer,telle est notre paradoxale condition. La sanction éducative neporte pas sur des intentions mais sur des actes, telle est notreseconde règle d’or. Mais qui ne voit que l’on ne sanctionnejamais un « acte pur ». Seul le jeune enfant, comme l’a bienmontré Jean Piaget, évalue l’acte à l’aune de ses effets sansse soucier le moins du monde de l’intention qui le guide 27.

Or, on ne saurait sanctionner une inadvertance ou une mal-adresse ; ce qui peut faire l’objet d’une sanction, c’est toujoursun acte mais un acte nourri par… une intention malveillante.

La sanction rationnelle est, on le voit, une fiction.Examinons pour finir de nous en convaincre nos deux der-niers principes. La sanction éducative se présente, de maniè-re essentielle, comme une privation. Or, Fabrice Hervieu,dans un numéro du Monde de l’éducation présente une écolequi préconise ce type de sanction et il ne manque pas desouligner que « ce qui est psychologiquement très diffé-rent… ne l’est pas toujours dans les faits » 28. Dilemme de laforme, les plus beaux principes s’abîment en s’incarnant.Une sanction ne prend vraiment sens qu’en s’inscrivant dansun contexte éducatif plus large qui l’englobe et lui assigneune place dans le jeu des interactions qui tissent la tramesociale. Enfin, la sanction éducative doit comporter unemesure réparatrice ou s’accompagner d’un geste en directionde la victime. Bien des arguments, nous les avons exposés,militent en faveur de la réparation. Celle-ci évite notammentà la sanction d’être un simple pâtir qui viendrait, dans unautre temps — le temps de la peine — annuler l’agir de lafaute. La réparation est une manière de rompre avec lalogique du subir, elle transforme la peine en un effort.

Mais ne peut-on pas là encore retourner l’argumentation,ne peut-on pas déceler une faille au cœur de la visée répara-trice ? « Elle maintient intact, écrit Monique Schneider àpropos de la réparation, le fantasme d’avoir été soi-mêmedestructeur de l’objet, confirmant ainsi le fantasme de toute-puissance… L’issue permettant de reconvertir et d’élaborerles pulsions destructrices exige peut-être un processus diffé-rent : faire le deuil de l’illusion de toute-puissance et accep-ter qu’après le massacre actualisé dans le fantasme, l’objetsoit appréhendé comme vivant de sa vie propre. Une telleopération n’est concevable , précise-t-elle, que si larecherche analytique ne s’enferme pas dans les seules per-mutations affectant la vie fantasmatique du sujet. » 29 Et si laréparation, tout au moins dans ses formes les plus immé-diates et les plus symétriques, était précisément ce qui inter-disait la nécessaire coupure dans la toute-puissance en main-tenant le contrevenant dans sa posture démiurgique ?

29sanction éducative, sanction reconstructive

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La contradiction n’est pas seulement inscrite dans laforme de la sanction mais aussi dans les fins poursuivies.Comment en effet concilier les visées politique et socialeavec la fin éthique ? D’un côté, il s’agit de socialiser etd’intégrer et de l’autre d’autonomiser et d’affranchir. C’estce que souligne Meirieu : « La sanction sanctionne toujoursun écart à la norme admise, l’infraction à la règle du jeuimposé. En ce sens, elle a une fonction intégrative par excel-lence. Si la sanction est un instrument de conformisationelle est aussi un moyen de promouvoir et de reconnaîtrel’émergence d’une liberté. Dans cette perspective, conclutMeirieu, la sanction assumerait parfaitement la tension consti-tutive de l’éducation, entre conformiser et émanciper. » 30 Lasanction porte à son point d’incandescence la dimensionaporétique de la raison éducative.

Pour conclureNous pouvons dire de la sanction éducative qu’elle est

une occasion, voilà une première manière de la définir. Elleest une occasion de rappeler une règle, un principe, elle estun moment pour faire sentir que quelque chose d’importanta eu lieu et que les adultes que nous sommes ne resterontpas silencieux. Elle est aussi, et ce serait une seconde maniè-re de la définir, une réponse aux deux sens du terme, c’est-à-dire une réaction et une explication. Enfin, une sanction édu-cative est une interpellation, elle n’est pas là pour faire plier« l’irrégulier », selon le mot de Durkheim, mais elle est làpour confronter un sujet en devenir à l’exigence d’altérité etlui donner les moyens de renouer avec une victime ou ungroupe. Elle est au sens fort du terme une interpellation(interpellare : couper, troubler, déranger) ; à moins qu’ellene soit à la fois occasion, réponse et interpellation.

1) J. Bergeret, « Freud et la punition » in Quand et comment punir lesenfants ?, Paris, ESF, 1989, p. 22.

2) A. Makarenko, Le chemin de la vie, Paris, Édition du pavillon, 1950, p. 216.

3) F. Oury, A. Vasquez, Vers une pédagogie institutionnelle, Paris,Librairie Maspéro, 1971, p. 88.

4) J.-P. Obin, Les établissements scolaires entre l’éthique et la loi, Paris,Hachette-Éducation, 1996, p. 161.

5) Alain, Propos sur l’éducation, Paris, Puf, p. 77.

6) A. Berge, « La notion de punition et de sanction », Le surveillantgénéral, n° 17, mars 1969, p. 24.

7) M. Cifali, Le lien éducatif : contre-jour psychanalytique, Paris, Puf,1994, p. 110.

8) C. Freinet, E. Freinet, Vous avez un enfant, Paris, Les éditions de la tableronde, 1962, p. 302.

9) P. Meirieu, Le choix d’éduquer, Paris, ESF, 1991, p. 110.

10) J.-B. Paturet, Philosophie et éthique de la sanction dans l’action et larelation éducative, Journée d’étude, ADSEA, 1997, p. 6.

11) M. Cifali, op. cit., p. 198.

12) E. Lévinas, Éthique et infini, Paris, Fayard 1985, p. 58.

13) A. Garapon, « La justice reconstructive » in Et ce sera justice, punir endémocratie, Paris Odile Jacob, 2001, pp. 247-330.

14) R. Dottrens, Tenir sa classe, Paris, Unesco, 1960, p. 78.

15) R. Cousinet, op. cit., p. 15.

16) E. Kant, Métaphysique des mœurs, doctrine du droit,. Paris, Librairiephilosophie Vrin, 1988, II, 1ère section, remarque E.

17) A. Garapon, D. Salas, « Pour une nouvelle intelligence de la peine »,Esprit, n° 215, octobre 1995, p. 156.

18) M. Edgeworth, Éducation pratique, Paris, Librairie J.-J. Paschoud,1801, Tome 1, p. 176.

19) O. Reboul, « Sanction éducative », Encyclopédie philosophiqueuniverselle, Les notions philosophiques, Paris, Puf, 1990, volume II, p. 2301.

20) P. Ricœur, Le Juste, Paris, Éditions Esprit, 1995, p. 198.

21) H. Ginott, Teacher and Child., New York, Macmillan, 1971.

22) F. Oury, A. Vasquez, De la classe coopérative à la pédagogieinstitutionnelle, Paris, Maspéro, 1991, p. 167.

23) A. Necker de Saussure, Éducation progressive ou étude du coursde la vie, Paris, Paulin, 1836, Tome II, L IV, p. 100.

24) J.-P. Obin, op. cit., p. 162.

25) Mélanie Klein développe le concept de réparation dans plusieurs de sesouvrages : Envie et Gratitude, Paris, Gallimard, 1968 ; Développement de lapsychanalyse, Paris, Puf, 1980 ; Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1982.

26) F. Oury, A. Vasquez, De la classe coopérative à la pédagogieinstitutionnelle, p. 168.

27) J. Piaget, Le jugement moral chez l’enfant, Paris, Puf, 1985, p. 92et suivantes.

28) F. Hervieu, « Quand les enfants prennent la parole »,Le Monde de l’éducation, mars 1996, p. 39.

29) M. Schneider, « Réparation », Encyclopédie philosophique universelle,les notions, volume II, p. 2232.

30) Ph. Meirieu, Le choix d’éduquer, Éthique et pédagogie, Paris,ESF, 1991, pp. 65-66.

30 eirick prairat

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Une réforme de Claude Allègre faitqu’aujourd’hui une sanction disci-plinaire, comme une exclusion

temporaire, se veut fondée par les prin-cipes du droit commun. Quelles signifi-cations s’en dégage-t-il ?

Les motifs de la réforme

La littérature réglementaire de l’Éducation nationale nes’est plus vraiment intéressée aux procédures discipli-

naires depuis… 1892 ! La justice scolaire échappait aux exi-gences élémentaires du droit commun : elle présentait peude garanties procédurales et restait largement abandonnéeaux coutumes, aux modes et à « l’esprit d’équité » de l’enca-drement scolaire. Or, les recours au conseil de discipline etaux sanctions disciplinaires à l’école n’ont cessé de se multi-plier ces dernières années. En outre, ces sanctions sont par-fois lourdes de conséquences sur la scolarité des élèves(notamment l’exclusion définitive, fréquemment prononcée 1).Il était donc temps de mettre fin à l’extraterritorialité impli-cite de l’école, de la réinscrire dans la continuité de l’espa-ce public et de soumettre ses sanctions aux principes dudroit commun.

Cette ambition répondait aussi à des motivations liées àl’évolution des violences scolaires. Souligner leur accroisse-ment est devenu aussi proverbial qu’incertain, tant man-quent encore des instruments statistiques suffisammentanciens pour mesurer le problème dans la durée. Ainsi, en2000, contre toute attente, le Plan de lutte contre la violencescolaire du ministère de l’Éducation nationale décelait plutôtune relative stagnation quantitative desdites violences, soit

La discipline :l’école, cas d’école

*Chercheur, intervenant à l’IHEJ (Institut des hautes études surla justice. Co-auteur de Et ce sera justice : punir en démocratie,Paris, Éditions Odile Jacob, 2001. Le présent article de ThierryPech est paru dans sa version intégrale dans le numéro dedécembre 2002 de la revue Esprit, intitulé « L’État face à lademande de sécurité ». À commander au secrétariat de cetterevue : 01 48 04 08 33. Prix : 15 euros. ANV remerciechaleureusement la revue Esprit et Thierry Pech pour leur aimableautorisation à publier ici cet article.

THIERRY PECH*

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environ deux cent quarante mille « déclarations d’incidents »,dont 2,6 % qualifiés de « faits graves » (environ six milledeux cents cas). Notons que, parmi ces derniers, 70 %concernaient des violences verbales, et que, dans 78 % descas, les victimes étaient des élèves.

Reste que ces chiffres masquent une modification quali-tative de la violence : celle-ci peut être plus grave, plus phy-sique, plus précoce, plus collective, et se produire de plus enplus souvent à l’intérieur de la classe. Autant de facteurs quiaccroissent le sentiment d’insécurité des élèves comme desenseignants. À la question : « Jugez-vous que l’école soit unlieu dangereux ? », 7 % d’entre eux répondaient positive-ment en 1995 contre 42 % en 1999. Le sentiment d’insécuri-té se serait donc multiplié par six en quatre ans.

Ce sentiment est également entretenu par un relatifaffaissement des seuils de tolérance collectifs à la violenceet par les nouvelles catégorisations des désordres scolairesqui englobent volontiers écarts de conduite, incivilités etdélinquance, au risque de confondre les registres. On pour-rait opposer qu’il y a toujours une part d’arbitraire socialdans la définition de la violence, mais on est peut-être entrain de passer d’un arbitraire social lié à la définition d’unordre public de nature morale, à un arbitraire social lié auxreprésentations dominantes de la souffrance et des craintesdu sujet psychologique. Ce déplacement n’est pas sansconséquence sur les échelles de gravité les plus courammentadmises. Ainsi, beaucoup considèrent l’absentéisme chro-nique d’un élève comme moins grave du point de vue disci-plinaire qu’une insulte au professeur — laquelle constituerabientôt un délit passible de six mois d’emprisonnement 2.Pourtant, sans contester le degré de gravité de l’injure,l’absentéisme peut être un symptôme beaucoup plus préoc-cupant que tel ou tel acte de provocation publique : signe derésignation, d’abandon, de dépression ou de perte deconfiance dans l’institution 3. Mais l’absentéisme souffred’une faiblesse particulière : il ne menace que son auteur…Comme le montre cet exemple, un ordre de gravité élaboré àl’aune du sentiment d’insécurité pourrait rapidement se résu-mer à l’ordre des peurs des victimes potentielles.

32 thierry pech

Un second ensemble de motifs est mentionné par les réfor-mateurs de juillet 2000 : il s’agit du recours jugé trop systé-matique à la justice. Celui-ci avait été pourtant encouragé cesdernières années, notamment pour tordre le cou à la fameuse« loi du silence » et au « traitement à l’interne » des conflitsscolaires. La circulaire du 15 octobre 1998 relative à la luttecontre la violence scolaire rappelait aux chefs d’établissementqu’ils sont tenus, ainsi que leurs personnels, par l’article 40 du

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Code de procédure pénal de « donner avis au procureur de laRépublique, sans délai, de tout délit ou crime dont ils acquiè-rent la connaissance dans l’exercice de leur fonction ». Elleincitait en conséquence au « signalement systématique, direc-tement et en temps réel de tout incident pénalement répréhen-sible commis même aux abords de [leur] établissement ». Elleprécisait enfin qu’un « magistrat du parquet spécialementdésigné pourra[it] être joint à tout moment téléphoniquementou par télécopie, en cas d’urgence […] ». La doctrine du« traitement en temps réel » faisait ainsi son entrée dansl’école. Et, de fait, en 1999, la totalité des incidents qualifiésde « faits graves » — soit environ six mille deux cents affaires— firent l’objet d’un signalement au parquet.

Si de nombreux enseignants ont d’abord rechigné à cetype de recours, ils semblent en avoir aujourd’hui assez lar-gement admis le principe. Ils en attendent même parfoisbeaucoup. Une attente de nature éducative lorsqu’ils enappellent aux procédures d’assistance éducative de la juri-diction des mineurs, mais aussi une attente symboliquequand ils se tournent vers le juge pénal : ce qu’ils luidemandent alors, outre le rappel de la loi, la reconnaissanceet la réparation d’un dommage, c’est une sorte d’assistanceprofessionnelle par la réhabilitation publique de leur autori-té. Autrement dit, on vient parfois chercher le tiers le plusextérieur à des fins de restauration de l’ordre interne. Cettedemande, couplée avec les encouragements institutionnels,explique sans doute l’emballement de la machine et cer-taines exagérations : on a pu voir, par exemple, des parque-tiers qualifier d’armes par destination des « boulettes depapier scotchées » jetées à la figure d’un enseignant. D’autrepart, le succès du recours au juge pénal est parfois suivi decruelles déceptions : les enseignants découvrent ainsi letemps long des procédures, l’obstacle des secrets profession-nels (les enseignants se plaignent régulièrement du « manquede retour » de l’institution judiciaire), la prudence dans l’exa-men et la collection des preuves et, en bout de course,l’épreuve d’un face-à-face d’égal à égal dans le prétoire.

Enfin, un dernier ensemble de motifs était avancé par lestextes réglementaires : la lutte contre l’arbitraire et le senti-ment d’incompréhension qu’éprouveraient les élèves face à

la justice scolaire. Ce type d’arguments n’a pas manqué desusciter l’indignation de nombreux enseignants qui y ont vuune mise en cause de leur souveraineté. Reste qu’il mérited’être pris au sérieux, et ce pour plusieurs raisons. La pre-mière est qu’une sanction qui n’est pas comprise, dont lesmotivations sont perçues à tort ou à raison comme sus-pectes, ne peut produire aucun effet éducatif chez celui quila subit (« Justice must not only be done, but be seen to bedone », disent les Anglo-saxons). La transparence desrègles, la prévisibilité des sanctions et leurs motivations sontdes gages nécessaires pour crédibiliser la justice scolaire.

La seconde raison est que cette incompréhension desélèves a pour ressort une crise profonde des modes d’institu-tion traditionnels de l’autorité : l’autorité des enseignantsn’est plus admise comme un fait non négociable par lesélèves. Elle n’est plus garantie par les places respectivesauxquelles sont assignés les uns et les autres. Certains yvoient une regrettable « perte des valeurs » ; on peut surtouty lire l’effet d’une démocratisation accélérée de tous les rap-ports sociaux et rechercher les voies nouvelles d’une autoritéco-construite ou négociée.

La troisième raison est que ce sentiment d’incompréhen-sion, voire d’injustice, est parfois fondé. Il arrive en effetque le conseil de discipline et la décision d’exclusion qui leponctue généralement ne soient pas le résultat d’un acte par-ticulièrement intolérable, mais plutôt d’un « ras-le-bol » dif-fus et d’une pression collective du corps enseignant sur lechef d’établissement. Il s’agit alors de « faire un exemple »pour apaiser la colère d’une équipe pédagogique à bout deforces. Si cette configuration reste heureusement rare, la dis-parité des sanctions pour des faits comparables est, elle,beaucoup plus fréquente et peut être source d’incompréhen-sion pour des élèves qui estiment la valeur d’une sanction àpartir d’une tarification implicite des actes. Or, même sicette logique marchande (« combien ça coûte ? ») est contes-table au nom d’un souci d’individualisation, elle révèlequelque chose du sentiment de justice chez les plus jeunes :on ne s’évalue qu’en se comparant à ses pairs. De sorte quel’institution qui n’appliquerait pas également à tous lesmêmes procédures d’évaluation laisserait penser à la victime

33la discipline : l’école, cas d’école

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d’une telle inégalité qu’elle ne vaut pas une bonne procédu-re. Inversement, il apparaît qu’une juste procédure honore lesujet en lui signifiant que sa personne vaut autant qu’uneautre. De là aussi la nécessité de rationaliser les procéduresde la justice scolaire, car il y va de l’estime de soi.

L’introductiondu droit commun dans l’école

Pour améliorer la qualité et accroître la légitimité de cette« justice scolaire », le précédent gouvernement a choisi

la voie du droit. Il s’agit, pour reprendre les propos deClaude Allègre, de « refaire de l’école un territoire de droitcommun », c’est-à-dire de la soustraire à son régime tradi-tionnel d’extraterritorialité par rapport aux autres institu-tions, et de la doter d’un petit arsenal juridique qui redonnede la lisibilité à la sanction et qui introduise de la distanceentre les acteurs de la communauté éducative.

C’est le modèle du droit pénal qui a prévalu dans cetteimportation des grands principes de droit commun. Ceux-cisont au nombre de quatre. En premier lieu, le principe delégalité qui exige qu’aucun acte ne puisse être sanctionnéqui n’ait été au préalable visé par un article du règlementintérieur : ne peuvent être qualifiés de fautes disciplinairesque les actes décrits par le règlement intérieur. Il s’agit parlà-même d’assurer la prévisibilité de la sanction, de nejamais prendre l’élève « par surprise » ; pour la même rai-son, la règle disciplinaire ne peut être rétroactive. Le princi-pe de légalité permet également de dépersonnaliser les pour-suites : celles-ci ne sont dès lors le fait ni du chefd’établissement, ni de quelques enseignants, mais celui derègles impersonnelles et générales consignées dans le règle-ment intérieur. De la même manière, les sanctions appli-cables doivent être également légales. Le règlement intérieurprévoyant pour chaque type de faute la sanction maximalesusceptible d’être prononcée.

Le principe de proportionnalité ensuite. Il s’agit de gra-duer la réponse disciplinaire proportionnellement à la gravi-

té de l’acte. Pour cela, il apparaît nécessaire d’ouvrir l’éven-tail des sanctions. Car celles-ci doivent, par leur quantum, àla fois traduire la gravité de l’acte commis et le rendre com-parable avec d’autres types d’actes répréhensibles. La sanc-tion est appelée à jouer le rôle de signifiant social de l’acte.C’est une condition de l’égalité devant la règle et de la lisi-bilité du langage juridique proposé.

La combinaison de ces deux principes — légalité et pro-portionnalité — a vocation à assurer la sécurité juridique etl’égalité des personnes soumises à la loi (ici, au règlementintérieur). Reste que ce modèle peut demeurer très abstrait etnégliger l’équité au nom de l’égalité. Il suggère en effet unrégime de tarification des actes répréhensibles et donc unsystème de sanctions fixes et automatiques indifférent à lasingularité des personnes et des situations concernées. C’estpourquoi un troisième principe vient jouer le rôle de modé-rateur : l’individualisation des sanctions. Celui-ci supposeque deux actes identiques commis par deux personnes auxparcours et aux situations très différents ne doivent pas êtresanctionnés de la même manière. Contre un système entière-ment référé à l’acte, c’est-à-dire à la part objective de latransgression, l’individualisation suggère un système dou-blement référé à l’acte et à la singularité de la personne. Ceprincipe vient donc compléter une architecture juridique oùégalité et équité sont et doivent demeurer en tension. Cetteconcurrence assure la prudence du système. C’est pourquoiles décrets de juillet 2000 recommandent la souplesse, tantdans le choix de la quantité de la sanction que dans sonmode d’exécution, en précisant un certain nombre de procé-dures susceptibles de personnaliser le traitement des fautes :sursis, mesures d’accompagnement, réparation…

À ces trois principes, s’en ajoute un quatrième : lecontradictoire. Les textes précisent en effet que l’élève doitêtre entendu, qu’il doit pouvoir exposer sa défense et y êtreaidé par la personne de son choix. Reste que les garantiesprévues en la matière par les décrets sont encore bienmaigres. Et c’est peut-être un bien, nous y reviendrons.

Enfin, il faut souligner quelques difficultés quant à lajurisprudence d’établissement et au « registre des sanctions »institué par les présents décrets. La tension entre légalité et

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faut accepter l’idée que les articles du règlement intérieurcomportent un certain degré de généralité et laisser unemarge d’interprétation à l’instance disciplinaire.

Outre ces propriétés d’éradication de l’arbitraire, cetteintroduction de règles juridiques dans l’école présente un cer-tain nombre de bénéfices dérivés qui tiennent notamment auxvertus « distanciatrices » du droit. Parce qu’il a l’ambition derestaurer un langage commun minimum dans un monde où lacommunication est souvent oblitérée par la diversité desexpériences sociales en présence, le droit se présente commecette « table » qui sépare et réunit, cet espace commun inapp-ropriable qu’il faut mettre entre les hommes « pour qu’ils netombent pas les uns sur les autres » 4. Parce qu’il exige untravail de rationalisation, d’objectivation, de graduation etde catégorisation, le droit est appelé sur le terrain de la jus-tice scolaire pour restaurer entre les acteurs une règle departage, au double sens du mot : à la fois une règle quisépare et une règle qui réunit, qui exprime un consensusprocédural durable.

Un effort de rationalisation et d’objectivation pour com-mencer, car il s’agit de passer d’un ordre coutumier sujetaux variations, aux peurs, voire aux caprices individuels, àun ordre codifié par une grammaire commune qui sollicite laparticipation des acteurs. La mise en place de concepts com-muns explicites et publics permet de soustraire la sanctionau registre des différends personnels. Autrement dit, l’intro-duction du droit dans l’école crée les conditions d’une pro-fessionnalisation de la sanction.

Cette entreprise se double d’un travail de mise en cohé-rence. Au moment où l’on vient d’introduire le droit dansles contenus d’enseignement (l’éducation civique, juridiqueet sociale), il ne serait pas cohérent que les modèles de légi-timité validés par l’enseignement soient dénoncés par lespratiques de la sanction. Il s’agit donc aussi d’accorder ledire et le faire.

De plus, cette réforme fournit à l’école, établissement parétablissement, l’opportunité d’un travail législatif en miniatu-re et d’une délibération démocratique à l’échelle locale. Carde nombreux établissements vont devoir, quand ce n’est pas

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individualisation ne risque-t-elle pas de rendre cette juris-prudence inutilisable ? Comment peut-on, pour traiter un casnouveau, s’appuyer sur l’autorité d’un précédent si celui-ci aété « individualisé » ? En réalité, il faut distinguer ce quiconcerne la qualification des actes et ce qui concerne lessanctions prononcées. Dans le second cas, la jurisprudencene sera pas toujours d’une grande utilité. En revanche, dansle premier, la jurisprudence consignée dans le « registre dessanctions » pourra s’avérer d’un grand secours. En effet,malgré l’exigence de prévisibilité liée au principe de légali-té, on imagine mal que le droit disciplinaire puisse être« d’interprétation stricte », à l’image du droit pénal (qui nel’est pas toujours, du reste). Sauf à vouloir doter chaque éta-blissement d’un volumineux « Code disciplinaire » où tousles manquements imaginables seraient décrits par le menu, il

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déjà fait, modifier leur règlement intérieur pour le conformeraux nouvelles règles en vigueur. Cette refonte collective estaussi une occasion de métaboliser des passions et des peurs.Le travail de « mise en droit » est en effet susceptible de pro-duire de la distance chez les sujets eux-mêmes en leurdemandant de mettre leur expérience en catégories, de la tra-duire dans un langage de nature collective et normative.

Le droit,dernier langage commun

L’introduction des principes du droit commun dansl’école constitue un petit séisme culturel. C’est sans

doute ce qui explique que la réception en ait parfois été dif-ficile chez les enseignants. Certains auraient préféré qu’onleur témoigne davantage de confiance, qu’on leur délègueplus clairement à titre personnel l’exercice de l’autorité.

En somme, cette réforme des procédures disciplinairesapparaît comme une réforme libérale. Et ce, à plusieurségards : parce qu’elle met en place les éléments d’une plusgrande sécurité juridique pour les individus, parce qu’elle avocation à éradiquer l’arbitraire, et parce qu’elle tente deconformer la sanction aux exigences d’un pluralisme raison-nable dont l’école est non seulement le théâtre, mais, enthéorie du moins, le lieu de formation. […]

Reste que cette réforme affecte profondément la naturetraditionnelle des sanctions disciplinaires. Car la norme dis-ciplinaire et la règle de droit sont, dans les États démocra-tiques du moins, très hétérogènes. La première est locale, laseconde générale ; la première recherche l’efficacité et lasouplesse, la seconde, la prudence et des garanties d’équité ;la première mise sur la compétence d’un corps socioprofes-sionnel donné, la seconde sur l’extériorité et l’impartialitédu tiers de justice ; enfin, la première est profondément liéeau caractère hiérarchique des relations visées, la seconde,elle, protège l’égalité des personnes.

Cette hétérogénéité radicale des registres explique que,jusqu’ici, la régulation disciplinaire se soit tenue à bonne

distance de la règle de droit. La présente réforme modifieprofondément cette situation. Les frontières se brouillent etla régulation disciplinaire dérive lentement vers un modèlejuridique de type pénal. Que reste-t-il de la discipline dansde telles conditions ?

Les nouveaux rapportsdu droit et de la discipline

Si l’on se réfère aux modèles typiques de l’organisationdisciplinaire — l’ordre militaire, la règle conventuelle…

—, la discipline semble intrinsèquement contraire aux aspi-rations libérales. Rien ne leur est a priori plus étranger queces institutions où le principe dominant est presque l’inversedu principe constitutionnel en vertu duquel le permis est larègle, l’interdit l’exception. Ces modèles suggèrent en effetune normativité substantielle qui encode les comportementset structurent rigoureusement le temps et l’espace des rela-tions entre les individus. De tels ordres sont à la fois hostilesaux processus de responsabilisation et à la recherche del’estime de soi : ils se fondent davantage sur l’obéissanceque sur l’obligation.

Mais il faut faire une distinction méthodologique entreces organisations disciplinaires et le « droit disciplinaire » àproprement parler. Ainsi des pouvoirs de sanction discipli-naire de type corporatiste peuvent coexister avec un régimede droit commun, pour autant que ces pouvoirs atteignentles sujets ès qualités, c’est-à-dire dans leur fonction (parexemple, en les suspendant du droit d’exercer la profession,etc.), et non leurs droits personnels. Dans le cas de l’école,cette distinction suppose que la sanction se concentre sur la« fonction d’élève » 5 et ne porte, par exemple, aucun préju-dice au droit à l’éducation de l’enfant. Ce qui n’a rien d’évi-dent, car l’école est aussi un moment de formation moraleadressée à la personne au-delà de la fonction.

D’autre part, on peut relever, depuis quelques années, unnet regain d’intérêt pour les régulations de type disciplinaire,comme en témoignent les débats récurrents sur l’organisationdes différents Conseils de l’ordre (avocats, médecins…), du

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prétoire disciplinaire en prison 6 ou encore du Conseil supé-rieur de la magistrature. Il s’agit moins, en général, d’encontester la légitimité, que de leur imposer de nouvellesgaranties procédurales. Ces inquiétudes prennent place dansla quête contemporaine d’instruments plus souples pourassurer un contrôle continu au plus près des pratiques,d’outils susceptibles de produire de la régularité dans dessphères de compétence spécifiques, en amont de l’interven-tion judiciaire. Il y a en effet un intérêt à économiser lerecours à la violence légitime de l’État et à privilégier lacontinuité du tissu social et institutionnel. Bref, à construiredes instruments de régulation qui tentent de conjuguermodèle juridictionnel classique et traitement disciplinaire.

Si l’on s’intéresse à la discipline, non comme organisa-tion sociale (militaire, conventuelle, etc.), mais commemécanisme de régulation, il apparaît que la récente réformede la justice scolaire ne fait pas entièrement basculer celle-cisous un régime de droit commun. Elle crée plutôt un objetmixte, un droit disciplinaire nouveau.

La nouveauté de ce modèle s’impose si l’on songe auxtraits fondamentaux qui caractérisaient le droit disciplinaireclassique. À commencer par l’autonomie des instances depoursuite. J. Brethe de La Gressaye, référence classique surla question, notait que « le pouvoir disciplinaire est autono-me, en un double sens : parce qu’il appartient de plein droit,par nature, au corps, et, en outre, parce que son exercicen’est pas lié par le principe de la légalité des délits et despeines » 7. De fait, la présente réforme rompt de manièrecatégorique avec la conception classique du droit discipli-naire en plaçant le principe de légalité au fondement de lajustice scolaire. D’autre part, en instaurant une grammaireprocédurale d’échelle nationale et clairement inspirée dudroit commun, elle prend à contre-pied le caractère essen-tiellement local et corporatiste de la sanction disciplinaireclassique. Mais, en même temps, elle conserve un traitcaractéristique du droit disciplinaire traditionnel qui refuselui aussi d’externaliser les pouvoirs de poursuite.

De fait, un certain nombre de principes manquent encoreà cette réforme pour la conformer rigoureusement au droitcommun. Ces principes manquants concernent surtout les

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standards procéduraux en vigueur dans les juridictions dedroit commun. Il s’agit principalement du contradictoire, del’impartialité, de la présomption d’innocence, de la publicitédes décisions et des recours.

Le principe du contradictoire est certes revendiqué parles textes de juillet 2000, mais il y est réduit à sa plus simpleexpression. Il s’agit principalement du devoir d’écouter lesjustifications de l’élève. Mais les textes ne disent pas si,pour préparer sa défense, celui-ci peut avoir accès au dossierqui pèse contre lui. Ils ne disent pas non plus si l’élève pour-suivi peut ou non citer un témoin devant l’instance discipli-naire. En l’absence de précision sur ce sujet, il ressort quel’audition d’un tel témoin ne peut être reçue qu’à la discré-tion du conseil de discipline.

Le principe d’impartialité n’est, pour sa part, absolumentpas évoqué. Les textes ne présentent d’ailleurs à cet égardaucune garantie réelle. Si l’on peut considérer que, dans leuresprit, le conseil doit faire preuve d’impartialité, c’est d’uneimpartialité toute subjective qu’il s’agit et non d’une impar-tialité objective au sens où l’entend la Cour européenne desdroits de l’homme. Du reste, le chef d’établissement qui pré-side le Conseil de discipline aurait bien du mal à se confor-mer à cette exigence du « procès équitable » : non seulementses différentes missions peuvent être source de conflits

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d’intérêts (il peut avoir intérêt à user de la sanction poursatisfaire la demande d’une équipe pédagogique, alors mêmequ’il lui est demandé de juger équitablement et de tenircompte des différents points de vue exprimés par les par-ties), mais encore il cumule des fonctions dont le principed’impartialité recommande la dissociation. Ainsi, on peuttrès bien imaginer que, dans une même affaire, le chef d’éta-blissement soit à la fois victime, accusateur, instructeur etjuge. La seule innovation que comportent les textes en lamatière consiste dans l’institution d’un Conseil de disciplinedépartemental, embryon d’un tiers externalisé susceptibled’être saisi lorsque la tenue d’un Conseil de discipline clas-sique dans l’établissement où la faute a été commise risqued’entraîner des troubles graves.

Quant à la présomption d’innocence (c’est-à-dire, strictosensu, l’imputation de la charge de la preuve à la partie quiaccuse et non à celle qui est accusée) et à la publicité desdébats et décisions, les textes restent pour ainsi dire silen-cieux, précisant seulement que le Conseil siège à huis clos.Enfin, les voies de recours restent quasi-inchangées. […]

La résistance aux standards du procès équitable est peut-être la condition sine qua non d’une sanction éducative. Eneffet, pour qu’une sanction soit éducative, il convient sansdoute aujourd’hui de la juridiciser, mais pas de la juridic-tionnaliser. Mettre fin au statut d’extra-territorialité del’école et tenter d’en réinscrire les décisions dans la conti-nuité de l’espace public comporte en effet un risque : celuid’une banalisation de l’espace scolaire. Or, l’objectif de laprésente réforme est aussi de maintenir l’école dans sa mis-sion éducative à travers la sanction. En d’autres termes, ils’agit bien de réunir les conditions d’une sanction de typelibéral, mais à finalité éducative.

Quelles sont les conditionsd’une sanction éducative ?

On peut relever quelques caractéristiques essentielles. Elledoit tout d’abord être comprise de la personne à qui elle

est infligée, et de ce point de vue les principes de droit com-

mun peuvent y aider en renouvelant le mode de légitimité dela décision en assurant sa prévisibilité et sa neutralité.

Elle doit également ne pas être dégradante et respecter ladignité de l’élève. Une idée apparemment frappée du sceaudu bon sens, mais qui pose problème : sera-t-il dégradant dedemander à un élève de nettoyer les toilettes dans lesquellesil aura fait des tags ? Où passe la frontière entre la juste sanc-tion et les « traitements inhumains ou dégradants » dontparle la Convention européenne des droits de l’homme(article 3) et au nom desquels il lui est arrivé de s’intéresseraux sanctions disciplinaires scolaires ? La Cour deStrasbourg a sur cette question une position dont la logiquepourrait être transposée à l’école : « Pour qu’une peine soitdégradante […], l’humiliation ou l’avilissement dont elles’accompagne doivent se situer à un niveau particulier et dif-férer en tous cas de l’élément habituel d’humiliation [despeines généralement pratiquées dans les États membres] » 8.Autrement dit, il y a risque de dégradation dès lors que l’exé-cution de la peine transgresse un principe d’égalité moyennedu traitement. À l’école, une sanction dégradante serait unesanction inhabituelle par sa nature et par là-même susceptiblede signifier à l’élève qu’il n’est pas l’égal de ses pairs.

Pour être éducative, la sanction doit aussi être rapide,c’est-à-dire signifier immédiatement à l’élève le caractèrerépréhensible de son action ainsi que l’attention de l’institu-tion et des adultes à son égard ; de ce point de vue, enrevanche, la lenteur des processus juridictionnels impliquéspar les standards du procès équitable pourrait s’avérer trèsétrangère aux finalités et au temps de l’éducation.

Enfin, il convient de tenir la sanction à l’abri du forma-lisme ou de l’abstraction. De fait, elle ne doit pas être lerésultat d’une tarification systématique des fautes — écueilque les textes prennent soin d’écarter —, ni même d’uneapplication désincarnée de la règle. La sanction doit « affec-ter » l’élève en lui rendant sensible, en lui manifestant lalimite, c’est-à-dire se présenter non seulement comme uneprivation personnelle, mais comme l’expression d’unedésapprobation de son environnement social, de celles etceux avec qui il se trouve en relation. C’est pourquoil’exclusion, utile dans certaines circonstances, peut s’avérer

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contre-productive quand elle s’adresse à un sujet mal intégréau groupe ou à l’école, c’est-à-dire à un sujet qui risque d’yvoir une libération plutôt qu’une sanction.

Ces conditions, non-exhaustives, tendent à montrer quel’espace de la justice scolaire est un espace juridico-éducatiftrès particulier que toute tentative de juridictionalisationrisque de détourner de sa mission. […]

La pédagogie oubliéedu libéralisme

Cette représentation entièrement imprégnée d’un libé-ralisme juridique neutre et indifférent à la spécificité de

l’espace scolaire comme à celle du temps d’enfance ne faitguère justice à la tradition philosophique libérale. Pourcelle-ci en effet, et contrairement à ce que certains préten-dent aujourd’hui, l’enfant ne naît pas sujet de droit. Ou plusexactement, il n’est pas immédiatementtitulaire d’une pleine capacité juridiquequi aurait pour pendant une pleine res-ponsabilité. Il n’est pas conçu a prioricomme un être capable de poursuivredes fins qu’il a lui-même choisies. Carce sujet autonome rationnel sur lequels’appuie régulièrement la doctrine libé-rale y est aussi considéré comme lerésultat d’un acte éducatif. C’est abusépar certains exemples — anglo-saxonsen particulier — que l’on impute aulibéralisme le projet de faire de toutmineur un égal-en-droits des majeurs etdu même coup un point d’imputationpossible de tout acte. La générosité témoignée par la recon-naissance de droits aux enfants a en effet pour revers lesrigueurs d’une responsabilisation personnelle et parfoisoutrancière desdits enfants.

L’effraction de cette idéologie du tout-juridique dans lechamp de l’éducation n’est pourtant pas un scénario descience-fiction. Le succès actuel du droit et de la résolution

judiciaire des conflits s’accompagnent d’un postulat de plusen plus répandu : des sujets égaux par nature, capablesd’entretenir entre eux des relations symétriques, de s’enga-ger par la parole et d’exercer leurs droits. Les mécanismesd’un État de droit font honneur à l’autonomie du sujet et àses capacités éthiques, mais ils lui demandent beaucoup enretour. Si ces évolutions sont plutôt de bonnes nouvellespour une démocratie libérale, le sont-elles aussi pour lesplus petits, les plus fragiles, ceux qui n’ont pas encore étéélevés à cette égalité ?

La faveur avec laquelle sont accueillis aujourd’hui lesdiscours de responsabilisation comporte une ambiguïtémajeure : la frontière est en effet ténue, qui sépare l’appel àresponsabilité du postulat de responsabilité, l’horizon d’exi-gence de l’imputation immédiate. Dans le premier cas, noussommes de plain-pied dans l’action éducative qui procèded’une habilitation, d’une mise en capacité, c’est-à-dire d’unétayage institutionnel du travail subjectif qui ne se contente

pas d’exiger l’autonomie, mais chercheà en co-construire les conditions depossibilité. Dans le second, au contrai-re, ce portrait de l’élève idéal, autono-me et responsable, pourrait bien être leprolongement de cet « agent moralrationnel » dont le néo-rétributivismeaméricain a fait son fonds de commerceavec les conséquences que l’on sait 9.

Face à de tels périls, il convient enconclusion d’exhumer une partie mécon-nue et oubliée de la pédagogie libérale.John Locke, fréquemment reconnucomme le père du libéralisme politique,est également l’auteur d’un opuscule tar-

dif intitulé Quelques pensées sur l’éducation 10, ouvrage desaveur antiautoritaire, mais peu enclin à postuler l’autonomiede fait des enfants, voire leur égalité avec les adultes. On ydécouvre une pédagogie moins soucieuse de sanctionner desfacultés prétendues naturelles que d’éduquer à la responsabili-té, dont certains accents ne sont pas sans rappeler les débatshumanistes du XVIe siècle (Erasme, Rabelais, Montaigne).

39la discipline : l’école, cas d’école

L’exclusion, utile danscertaines circonstances,

peut s’avérercontreproductive quand elle

s’adresse à un sujet malintégré au groupe ou à l’école,

c’est-à-dire à un sujet quirisque d’y voir une libération

plutôt qu’une sanctionThierry Pech

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Mais cette éducation à la responsabilité y est égalementdécrite comme un paradoxe, ce que Locke appelle lescontradictions de l’éducation. En effet, peut-on éduquer sanscontraindre ? Et, en même temps, si le but de cette éducationconsiste dans la liberté, l’autonomie et la responsabilité, nefaut-il pas renoncer à contraindre ? N’y a-t-il pas ici unecontradiction frontale entre la fin et les moyens ?

Fort de ce constat, Locke propose de valoriser tous lesmoyens intermédiaires entre la contrainte pure et l’absenced’intervention : l’émulation, la stimulation, la sollicitation,le conseil, le désaccord, le reproche, la récompense… Ils’agit d’aider l’enfant à développer son esprit critique, às’émanciper de la « loi d’opinion » et du jugement social enexerçant sur lui les mécanismes même de cette « loi d’opi-nion », à savoir l’estime et la désapprobation. La quête pro-gressive de l’obligation à la loi et de l’autonomie doit enpasser par ces stratégies affectives.

Valoriser ces moyens intermédiaires ne revient pas àpostuler l’égalité entre les enfants et leurs éducateurs. PourLocke, l’enfant n’est pas l’égal de son éducateur, mais celui-ci doit s’efforcer de « jouer l’égalité » pour inviter l’enfant à« faire l’adulte ». Pour le dire d’une formule, le temps duprocessus éducatif est un temps de « feintes sérieuses » où lacomédie finit par faire réalité.

Conclusion

L’introduction des règles élémentaires du droit commundans l’école ne saurait conduire à la banalisation de

l’espace scolaire et, plus largement, du temps de l’éducationsans renier certaines de ses fondations les plus anciennes,lesquelles recommandent une « pédagogie de la responsabi-lité » plutôt qu’une responsabilisation a priori des élèves.Dans une telle perspective, les exigences du droit commundoivent composer avec les missions éducatives, en aidantl’école à cultiver l’hybridité de ses réponses disciplinaires età fonder une nouvelle normativité sociale. En ce sens, si ledroit n’est plus le résultat d’une expérience sociale dont ilviendrait valider les contours et les pratiques usuelles, il

40 thierry pech

1) Violence physique sans arme 27,28 %

2) Insultes ou menaces graves 23,43 %

3) Vol ou tentative 11,17 %

4) Dommage aux locaux 3,94 %

5) Autres faits graves 3,79 %

6) Racket ou tentative 2,92 %

7) Tags 2,67 %

8) Jets de pierres ou autres projectiles 2,66 %

9) Intrusion de personnes étrangèresà l’établissement 2,54 %

10) Fausse alarme 2,33 %

11) Violences physiques avec arme 2,27 %

12) Dommage aux véhicules 2,08 %

13) Consommation de stupéfiants 1,97 %

14) Violences physiques à caractère sexuel 1,73 %

15) Autres incivilités 9,22 %

Événements déclarés

Lycées 11 134

Lycées professionnels 11 608

Collèges 57 570

EREA (Établissements régionaux 1 050d’enseignement adapté)

NB : 81 362 incidents graves ont été recensés dans les collèges et lycées;mais seuls 75 % des établissements ont transmis leurs données.

NB : Les violences physiques et lse insultes ou menaces représentent lamoitié des incidents signalés par les établissements

SOURCE : Ministère de l’Éducation nationale, année scolaire 2001-2002.

Les violences physiques et les incivilitésdans l’ensemble des établissements scolaires, en 2001-2002

Deux incidents sur trois dans les collèges

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41la discipline : l’école, cas d’école

peut en revanche fournir un cadre de légitimité au renouvel-lement de cette expérience.

Une telle réforme permettra-t-elle de faire baisser levolume des violences scolaires ? Il est beaucoup trop tôtpour le dire. Mais elle souligne assez clairement la coexis-tence d’attentes rivales face aux désordres : non seulementune demande de protection et de sécurité, mais aussi unedemande de droit et de justice.

1) Si tout mineur de 16 ans qui a fait l’objet d’une exclusion définitive doitêtre rescolarisé au titre de l’obligation scolaire, en pratique il s’écoule uncertain temps entre l’exclusion et l’accueil dans un nouvel établissement,temps durant lequel l’élève peut prendre du retard dans sa scolarité. D’autrepart, les chefs d’établissements sont parfois réticents à de tels transferts et,même si les rectorats peuvent les leur imposer, ceux-ci préfèrent en généralnégocier au risque d’envoyer l’élève dans un établissement éloigné de sonlieu de résidence, augmentant ainsi les risques d’absentéisme, de retards, etc.

2) Par un amendement du 3 août 2002 à la « loi Perben », les députés ont eneffet créé un délit d’outrage à enseignant passible de six moisd’emprisonnement.

3) Une récente enquête conduite par Hugues Lagrange à Meaux et àMantes-La-Ville faisait apparaître qu’un grand nombre d’élèves « absentschroniques » étaient les cadets de fratrie dont les aînés se trouvaient auchômage ou avaient échoué dans la carrière scolaire. L’absentéisme peutavoir pour origine une déception de la promesse imputée à l’école.

4) H. Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy,coll. Agora, 1994, p. 92.

5) Ce qui n’a rien d’évident, car l’école est aussi un moment de formationmorale adressée à la personne au-delà de la fonction.

6) Celui-ci a connu récemment, toutes proportions gardées, des réformesanalogues : codification des fautes et des sanctions soumise au principe delégalité, entrée de l’avocat dans le prétoire, etc.

7) J. Brethe de La Gressaye, « Discipline », Recueil Dalloz, août 1984, par. 13.

8) Arrêt Tyrer c. Royaume-Uni (1978), alinéa 30.

9) Cette philosophie pénale considère en effet, dans une perspective néo-kantienne, que la peine fait honneur à l’autonomie des condamnés, qu’elleest reconnaissance de leur pleine responsabilité d’agent moral et que toutaménagement relatif à leurs difficultés personnelles ou à leur situationparticulière serait une insulte à leur dignité. Soucieuse de pousser lapolitesse jusqu’au bout, cette philosophie a largement soutenu le retourtendanciel aux peines fixes dans de nombreux États américains et ledéveloppement de leur instrument juridique pratique : les guidelines, sortesde mètre-étalons du juge lui indiquant, pour chaque infraction, la quantitéde la peine requise, et ce avec une très faible marge d’interprétation.De l’avis de nombreux analystes, cette politique pénale est l’une des causesprincipales de l’extraordinaire inflation carcérale américaine.

10) Sur cet ouvrage, voir les pages de Lucien Jaume dans La Libertéet la loi, Fayard, 2000.

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Pour qu’unesanction édu-cative produise

les effets souhaités,le transgresseur doitdisposer de condi-tions psychiquesadaptées.

Lors des échanges préparatoires à ce numéro, au comitéde rédaction d’ANV, Eirick Prairat insistait sur la nécessitéd’envisager la question de la sanction en amont de l’acte detransgression, et de penser le contexte, le « cadre socialisant »qui, pour bonne part, détermine la possibilité comme lesformes de la transgression et de la sanction elle-même.Comment intègre-t-on les normes, les codes nécessaires àune vie collective ? Comment l’échec de cette intégrationpeut-elle être déterminante dans l’apparition de la transgres-sion ? Quelles modalités doit emprunter la sanction pour ser-vir à une (ré)intégration, pour produire du lien social et de lasymbolisation, au lieu de faire redoubler la violence et ladéliaison ? 1 Le champ éducatif ne m’étant pas le plus fami-lier, je m’abstiendrai de proposer des réponses pratiques auxquestions énoncées ci-dessus. Mon propos sera plutôtd’avancer quelques hypothèses sur les conditions psy-chiques hors desquelles la sanction ne peut guère prétendre àune quelconque efficience.

Sanction, cadreet symbolisation

*Psychologue clinicien. Coordinateur de l’Escabelle, co-auteurde : Signes de souffrances en périnatalité, Toulouse, Erès, 2000 ;Filiations à l’épreuve, Toulouse, Erès, 2002.

CHRISTIAN ROBINEAU*

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Aller dans le mur

La vulgate sociologico-journalistique nous le serine àl’envi : si les jeunes — il s’agit toujours des jeunes —

font aujourd’hui tant de bêtises, c’est qu’ils n’ont plus nilimites ni repères. Ceux que leur donnaient, dans un hier pro-bablement mythique, la famille traditionnelle, l’école, l’Égli-se, l’armée, le parti, bref, tout ce qui était censé canaliser lespulsions anarchiques, borner la réalisation du désir, en un mot :socialiser. Et d’invoquer, tantôt avec nostalgie, ces repèresséculaires disparus avec la crise économique et la fin des« grandes » idéologies, ou tantôt, avec acrimonie, les consé-quences des utopies « libératrices » post-soixante-huitardes.

Ce discours peut passer pour progressiste. La responsabi-lité de la faute n’est plus ici pensée comme individuelle ounaturelle, elle est attribuée à la déliquescence du collectif,désormais supposé incapable de donner aux nouvelles géné-rations ce cadre minimal qui doit être imposé au désir indi-viduel pour que la vie en société soit possible. Il ne s’agitpas d’accabler le « sauvageon », il faut faire son bonheursocial en lui donnant de la limite, du repère, de la borne, dela règle, du cadre. Peu importe que, dans le même temps, lesadultes s’avouent bien embarrassés d’en trouver pour eux-mêmes. L’essentiel est ici d’en imposer aux plus jeunes.

Tous ces éléments ne sont pas entièrement faux. L’idéo-logie, pour être appétissante, se cuisine toujours avec devrais morceaux de réel dedans. Le problème réside peut-êtredavantage dans les conséquences pratiques de ce rappel àl’ordre : de la « tolérance zéro » à la « théorie de la vitre bri-sée » — nouvelles justifications pseudo-scientifiques de labonne vieille répression policière à l’égard des classes lesplus pauvres 2 —, en passant par les centres éducatifs ferméspromis par la gauche ou les errances sécuritaires sarko-syennes, on discerne aisément à quelle politique peutconduire l’idéologie de la restauration des limites : construi-re des murs, encore des murs, toujours des murs. Ceux desprisons, mais aussi ceux contre lesquels on risque de se jeterintellectuellement et socialement, tête baissée, à ne pas per-cevoir que la seule (ré)instauration de limites ne suffit enrien à rendre une sanction efficace, bien au contraire, tant

celles-ci doivent, pour avoir une quelconque réalité, être per-çues comme nécessaires et légitimes.

Pour esquisser quelques pistes potentiellement plusfructueuses, j’emprunterai ici deux voies. Dans un premiertemps, une rapide promenade sémantique permettra de dis-tinguer quelques termes généralement employés les unspour les autres. Cette différenciation aura surtout pour objetde repérer les différences et convergences des processuspsychiques auxquels on peut les associer. Dans un deuxiè-me temps, je reprendrai la conception psychanalytique ducadre pour en tenter une transposition analogique dans lechamp éducatif, afin de proposer quelques hypothèses surles conditions nécessaires à ce que la sanction génère uneffet de symbolisation.

Un peu de vocabulaire…

La vulgate évoquée plus haut utilise indifféremment, jel’ai dit, un certain nombre de termes dont on va voir

qu’ils sont pourtant relatifs à des processus psychiques qu’iln’est pas inutile de différencier 3.

RepèreConcrètement : « Marque, signe servant à signaler, à

retrouver un point, un emplacement à des fins précises. »« Objet, élément connu qui sert à reconnaître, à retrouverun lieu, un emplacement. » Au figuré : « Tout élément abs-trait ou indice permettant de reconnaître, de situer quelquechose dans une chronologie, un ordre, une continuité, unensemble de faits, de phénomènes. »

Le repère évoque ainsi la fixité, la stabilité (on peut yrevenir, le reconnaître), soit dans un environnement instable,soit pour un sujet lui-même instable (en déplacement). Lemouvement ne se discernant que sur fond d’immobilité, lerepère est la condition même du déplacement. Il organisel’espace, lui donne du sens. Il est ce qui permet de s’orien-ter, de savoir où l’on est, éventuellement où l’on va. Sarégularité permet la continuité de la vie psychique et la

43sanction, cadre et symbolisation

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constitution de l’identité. On comprend dès lors que, lorsqueles repères changent, le travail psychique à accomplir puissene pas seulement relever d’une simple adaptation à l’envi-ronnement mais d’une réorganisation interne plus ou moinsmassive et plus ou moins douloureuse.

Limite« Ligne qui détermine une étendue, une chose ayant un

développement spatial ; ligne qui sépare deux étendues. »Au figuré : « Ce qui détermine un domaine, ce qui séparedeux domaines », ou encore : « Ce qui ne peut ou ne doitêtre dépassé. »

La limite a donc pour fonction première de différencierdeux espaces : dedans/dehors, en-deçà/au-delà. Elle évoqueainsi, dans le registre de l’identité, l’opposition entre lefamilier et l’étranger. On pourrait la considérer commeneutre — simple indication, repère « cartographique ». Maisune limite est toujours tracée, ou investie psychiquementcomme telle, par quelqu’un (individu ou groupe). Ellen’existe que parce qu’existe la potentialité de son franchisse-ment, voire de son franchissement non autorisé (trans-gres-sion). Elle suppose le désir du passage, c’est-à-dire lemanque d’un objet (psychique) d’un côté de la limite et lesouhait d’aller se l’approprier de l’autre côté. Elle est doncindissociable de l’interdit qui, tôt ou tard, s’oppose au désirde franchissement et d’appropriation (voire le constitue). Sil’on considère la position psychique de celui qui se trouvede cet autre côté de la limite, le mouvement n’est plus dedéplacement mais de défense, contre ce qui pourrait faireintrusion, effraction, de ce qui pourrait perforer ou dé-bordernos barrières de protection, soit pour s’approprier un objetque nous considérons comme nôtre, soit pour attaquer notreidentité ou notre existence même 4.

BorneLa borne entremêle la dimension de la limite et celle du

repère. Elle peut être ainsi un « bloc de pierre, poteau, etc.,indiquant la limite d’un champ » ou, au figuré et au pluriel,

44 christian robineau

« les (dernières) limites (de quelque chose) ». Elle peut êtreutilisée dans le registre de la protection : « Bloc de pierreque l’on mettait à côté des portes, le long des murs, etc.,pour les protéger du choc des roues des voitures. » Maiselle peut être aussi un « bloc de pierre, de maçonnerie, etc.,servant de repère sur une voie, un parcours » (borne kilo-métrique, par exemple).

Dans le premier sens, la borne indique ainsi un espacequi finit ou qui commence. Mais une borne seule ne fait pasun entour, une enveloppe, un cadre, elle n’est qu’un desmultiples points d’une ligne-frontière. Dans le second senségalement, les bornes n’ont de sens qu’à être plusieurs.C’est leur succession qui indique le déplacement sur un axe.

RègleConcrètement, il s’agit bien sûr de cet « instrument à

arêtes vives dont on se sert pour tracer des lignes droites etpour mesurer. » Mais les notions de rectitude et de mesure(celle de l’écart à la norme) se retrouvent dans les divers sensabstraits : « Prescription d’ordre moral ou pratique, plus oumoins impérative, relative au domaine social, juridique,

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administratif, idéologique ou religieux », ou « Méthode,recommandation résultant d’une étude ou de l’expérience etapplicable dans un domaine donné pour atteindre une cer-taine fin », ou encore « Principe régissant un langage oucertains phénomènes naturels. »

Là encore, on retrouve la double dimension du repère etde la limite. Il s’agit à la fois de ce qui est « de règle », cequi se retrouve ou se répète dans certaines conditions, et dece qui est « en règle », autrement dit ce qui ne franchit pasde manière illégitime la limite.

Au terme de cette rapide exploration sémantique, deuxremarques.

1. De manière insistante s’affirme un couple de complé-mentaires. D’une part, les repères, comme ensembled’éléments stables et familiers, à partir desquels l’espacepeut être perçu comme ordonné, organisé, et qui permet-tent que le déplacement ne soit pas simple errance maispossède un sens. D’autre part, les limites, qui mettent enjeu la différenciation des espaces, l’oppositionfamilier/étranger, le passage, le désir et l’interdit,l’agression et la protection.

2. Ces définitions ne manquent pas d’être immédiatementévocatrices, probablement parce que les fantasmesqu’elles convoquent sont à la fois relatifs aux expé-riences corporelles les plus intimes et les plus archaïques(limites corporelles, construction de la différencemoi/non-moi…) et aux dimensions les plus institutionna-lisées de la vie collective (normes culturelles et sociales,rituels, prescriptions et interdictions groupales…). Pourautant, elles sont loin de répondre à nos questions dedépart : comment un sujet peut-il faire siens les repèreset limites qui lui sont proposés/imposés par son environ-nement familial et social ? Et comment la sanction d’unfranchissement de ces limites peut-elle contribuer à ceque celles-ci soient davantage intériorisées, donc opé-rantes ? La notion de cadre, telle qu’élaborée depuis unevingtaine d’années par les psychanalystes français, meparaît pouvoir fournir de ces questions un modèle decompréhension dont l’utilité va bien au-delà de la seulesituation analytique.

Fonctions du cadre

Cadre et processus

Au début des années quatre-vingts émergeait, dans lestravaux psychanalytiques de langue française, la pro-

blématique des relations entre cadre et processus, qui adonné depuis matière à une multitude d’articles etd’ouvrages 5. Si quelques précurseurs avaient défriché le ter-rain (Donald W. Winnicott, Marion Milner, MasudR. Khan, entre autres), l’auteur auquel se réfèrent de maniè-re fondatrice les travaux francophones sur ce sujet est unanalyste argentin, José Bleger, principalement pour unarticle de 1967 : « Psychanalyse du cadre psychanalytique » 6.Texte bref mais complexe, dont je n’utiliserai ici quequelques éléments utiles à mon propos.

1. Bleger nomme situation psychanalytique « la totalité desphénomènes inclus dans la relation thérapeutique entrele psychanalyste et son patient. » 7 Cette situation com-prend deux éléments : « un processus, que nous étudions,analysons et interprétons » 8 et un cadre, c’est-à-dire un« non-processus, […] les constantes à l’intérieur des-quelles ce processus a lieu. » 9 Autrement dit, « le cadre[correspond] alors aux constantes d’un phénomène,d’une méthode ou d’une technique et le processus àl’ensemble des variables » 10. L’importance de cette diffé-renciation tient à ce qu’« un processus ne peut être sou-mis à l’investigation que si les constantes (le cadre) sontmaintenues » 11. Prolongeant ce qu’écrit Bleger à lalumière de travaux plus récents, l’on peut dire que lecadre comprend ainsi à la fois le dispositif matériel (lecabinet de l’analyste, le couple classique divan-fauteuil),le contrat passé entre l’analyste et l’analysant (fréquence,horaire et durée des séances, honoraires, interruptionsconvenues — vacances, par exemple), la règle fonda-mentale (que l’on résume souvent par « tout dire mais nefaire que dire »), mais aussi le « cadre interne » de l’ana-lyste (formation, appartenances groupales, référencesthéoriques, éthique, etc.).

45sanction, cadre et symbolisation

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2. Le cadre idéal est muet. On ne s’aperçoit de son existenceque lorsqu’il fait défaut, ou subit des attaques, c’est-à-direquand il passe du statut de constantes à celui de variables.Pour que le processus — mouvement sur le fond d’immo-bilité du cadre — puisse continuer d’être analysé, « le psy-chanalyste maintient et tend activement à maintenir lecadre invariable : tant qu’il en est ainsi, le cadre noussemble inexistant tout comme les institutions ou les rela-tions dont nous n’avons conscience que lorsqu’elles man-quent, sont obstruées ou cessent d’exister » 12.

3. Dans le cours du développement, les fonctions de repré-sentation et de perception se construisent à partir del’expérience de l’absence. Ce qui est perçu par le sujet,c’est « ce dont l’expérience lui a montré qu’il pouvaitmanquer » 13. Ce qui n’a jamais manqué n’est pas perçumais existe pourtant. Ce non-perçu est en premier lieu larelation symbiotique primitive de l’enfant avec sa mère,état à partir duquel le moi de l’enfant va progressivementse construire, en se différenciant du moi maternel, grâceaux expériences de gratification et de frustration. Maispersiste toujours dans la personnalité de chacun, même àl’âge adulte, une part de non-perçu, qui constitue lenoyau primitif, indifférencié, indiscriminé, de l’identité,résidu de la relation symbiotique primitive. Ce « noyauagglutiné » (José Bleger), cette « part psychotique de lapersonnalité » (Wilfred R. Bion), c’est ce que le patient« dépose » dans le cadre pour que celui-ci gère à sa placeles angoisses (de confusion, notamment) qui lui sontliées, comme d’autres angoisses archaïques (effondre-ment, arrachement, morcellement, abandon, etc.). C’estaussi ce que nous confions aux institutions auxquellesnous appartenons, celles-ci assumant ainsi pour nous desfonctions de gestion de l’angoisse et de défense contreces dernières, et constituant ainsi une part de notre iden-tité. On comprend dès lors que, si un cadre (analytique,institutionnel, social, culturel…) fait défaut, est attaqué,devient « variables » et non plus « constantes », surgis-sent avec parfois une extrême intensité les manifesta-tions d’une angoisse d’autant plus inattendue qu’on lacroyait contrôlée, « immobilisée » dans le cadre, et quiest relative aux fondements mêmes de notre identité.

Fonctions contenante,limitative et symboligène

De nombreux travaux ont approfondi la conception ble-gerienne du cadre. Je retiendrai seulement ici celui deJean-Pierre Caillot et Gérard Decherf, qui distinguent troisfonctions du cadre 14.

La fonction contenante est en fait double. Sa premièrecomposante est celle que je viens d’évoquer : le cadre reçoiten « dépôt » la partie la plus primitive de la personnalité etassure, par sa permanence et sa stabilité, que le mouvementet le changement soient possibles. Il joue également le rôled’une « peau psychique », rassemblant et faisant tenirensemble les diverses parties de la personnalité 15. La deuxiè-me composante, que n’évoquent pas Caillot et Decherf, estce que René Kaës, dans la lignée de W. R. Bion 16, nomme lafonction « conteneur » 17. Elle est conçue en analogie avec ceque Bion appelle la « capacité de rêverie » de la mère : lebébé, soumis à l’expérience désagréable de certaines impres-sions sensorielles, de certains affects bruts, ingérables pourlui compte tenu de l’état de développement de son psychis-me, les expulse, les projette sur sa mère. Celle-ci accueilleles projections, les prend en charge, les métabolise en leurdonnant du sens, les « désintoxique », dit Bion, ce qui per-met au bébé de les réintrojecter sous une forme assimilablepour lui. Un exemple concret de ce processus pourrait êtrecelui du bébé qui pleure, en proie à une sensation stomacaledésagréable, et auquel sa mère va répondre en interprétantces pleurs comme une manifestation de faim. C’est notam-ment en étayage sur cette capacité de rêverie maternelle quese construit le psychisme de l’enfant. Tout cadre digne de cenom assume une fonction comparable d’interprétation, demise en forme, en sens, des projections les plus archaïques.

La fonction limitative distingue un en-dedans et un en-dehors du cadre, et permet ainsi de définir où, quand et à quis’appliquent les règles prescriptives et interdictives spéci-fiques à un cadre donné. Par exemple, pour le cadre analy-tique : le privilège accordé à la parole sur l’acte et à l’asso-ciation libre sur la pensée rationnelle, l’interdit du toucherrenvoyant aux interdits fondamentaux du meurtre et de

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l’inceste, etc. Cette fonction limitative permet de distinguerdans quelles situations le cadre est défaillant ou transgressé(de la part de l’analyste comme de l’analysant).

La fonction symboligène est la résultante des deux pre-mières. Le cadre, parce qu’il accueille et permet de traiterles angoisses archaïques, parce qu’il limite la réalisation desfantasmes d’omnipotence infantile, parce qu’il exerce à lafois des tâches de différenciation et de liaison, constitue lacondition du travail de pensée.

La symbolisation,enjeu de la sanction

1.– Bouleversementdes cadres psychiques collectifs

Dans un groupe donné, la question de la sanction nevient au premier plan que lorsque le cadre est interrogé, plusou moins violemment, dans ses capaci-tés à assumer tout ou partie de ses fonc-tions. Et cette mise en question ducadre est intimement liée aux momentsde mutation de l’identité du groupe.C’est bien ce qui s’est passé, d’ailleurs,pour le cadre analytique. Comme l’aremarqué Simone Decobert, l’émergen-ce de la notion même de cadre, dans lathéorie analytique, s’est effectuée aumoment où le groupe des analystes,dont les pratiques s’étaient notablementélargies au-delà de la cure type « divan-fauteuil » (psychanalyse d’enfant, pratiques en institution,avec des psychotiques, en groupe, etc.) se posait la questionde son identité, de ce qui distinguait fondamentalementl’analyse d’autres pratiques psychothérapeutiques 18.

De la même manière, rien d’étonnant à ce que le coupletransgression/sanction fasse la « une » des journaux — etd’une revue sur la non-violence — à un moment de boule-versement identitaire de nos sociétés. En vrac : déclin de

certaines idéologies politiques messianiques, mondialisationdes échanges économiques, précarisation de l’emploi, balka-nisation de certaines régions du monde, mutation des repèresclassiques de la filiation — familles recomposées, homopa-rentalité, développements de la génétique et des techniquesd’aide médicale à la procréation… 19 —, rigidification desidentifications ethniques et/ou religieuses, transformationdes modes de communication à l’aide des techniques detélécommunication et de numérisation, etc. On pourraitallonger à l’envi cet inventaire hétéroclite qui témoigne, à lafois, d’un bouleversement de nos cadres psychiques collec-tifs et des tentatives, en cours, de leur recomposition.

Rien d’étonnant, donc, à ce que la thématique de la sanc-tion vienne au premier plan de nos préoccupations : ce quiest en jeu, c’est la transformation de certains de nos cadresde constantes en variables, le flou accentué de leurs limites,leur incapacité insistante à contenir activement les angoissesarchaïques, leur défaillance à symboliser la différence, lelien ou l’appartenance. Dans ces conditions, il devient par-

fois difficile de distinguer ce qui esttransgression de ce qui ne l’est pas 20, etc’est entre autres cette difficulté quevient tenter de résoudre une réflexionsur la sanction.

Une restauration défensiveDans cette perspective, on peut se

demander quel rôle joue l’idéologie dela restauration des limites, évoquée audébut de cet article, et qui, pour êtreplus ancienne, n’en trouve pas moins

une expression politico-médiatique spectaculaire en Francedepuis les élections de 2002. « Tolérance zéro », « réinves-tissement des zones de non-droit », on pourrait, là encore,énumérer au-delà du digeste les formules qui en témoignent.

L’objectif affiché en est clair : sanctionner rigoureuse-ment, autrement dit non seulement durement mais aussirégulièrement (à chaque fois qu’il y a transgression), c’estindiquer nettement où sont les limites et donc ce qui est

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Il est parfois difficilede distinguer ce qui est

transgression de ce qui nel’est pas, et c’est entre

autres cette difficulté quevient tenter de résoudre

une réflexion sur la sanction.Christian Robineau

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transgressif. Est attendue de cette clarification une prise deconscience, préalable à une réduction des transgressions.

Si la démarche n’est bien sûr pas absurde, c’est soncaractère excessif qui attire l’attention et suggère qu’elleprocède d’une tout autre préoccupation que celle qui estdéclarée. On peut ainsi faire l’hypothèse que, si elle sembleassumer une fonction éducative (dire clairement l’interdit),son aspect outrancier révèle sa fonction défensive : fantasmede suture, mouvement de rigidification, de colmatage d’unecoque qui semble prendre l’eau de toutes parts. Les limitesne sont jamais désignées de manière aussi rigide que lorsqueceux qui les tracent ne savent plus vraiment eux-mêmes oùelles (et ils) se trouvent.

Priorité à la fonction contenanteCe mouvement, que l’on pourrait qualifier d’insistance

exclusive sur la fonction limitative du cadre, montre… ses

limites au point où il dissout toute préoccupation pour la fonc-tion contenante. C’est cette dissolution que manifeste égale-ment le rituel débat sur le thème « prévention ou répression ».Chacun peut bien se récrier « mais il faut faire les deux ! »(tout en se cantonnant d’ailleurs le plus souvent à la répres-sion), le problème demeure aussi mal posé. Accentuer lesactions de prévention est probablement à la fois plus intelligentet plus efficient que de se contenter de la répression, mais c’estencore rester centré sur la logique de la transgression (à répri-mer ou à prévenir), donc sur la fonction limitative.

Je soutiendrai pour ma part que, contrairement auxapparences, dans un contexte contemporain de mutationgénéralisée des cadres collectifs, le point nodal où se joueaujourd’hui l’efficacité de la sanction, c’est la fonctioncontenante. Rappeler les limites, fût-ce de la manière laplus vigoureusement explicite, n’est d’aucune utilité si,dans le même temps, le cadre est incapable de contenir acti-vement les angoisses archaïques, de constituer un étai pour

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la construction de l’identité, de s’offrir comme une matricedu travail de symbolisation. Si les limites ne sont pas à lafois interdictrices et protectrices, la sanction ne permettrapas une intériorisation accrue de celles-ci mais, au mieux,n’aura aucun effet et, au pire, sera vécue comme une abs-traction à valeur persécutive, c’est-à-dire comme un véri-table appel à une transgression renouvelée. Autant, dans cesconditions, souffler sur les vagues dans l’espoir d’empêcherla marée de monter.

1) Qu’Eirick Prairat me pardonne si ma reprise ne rend compte que trèsimparfaitement de ses propos. L’essentiel réside ici surtout dans lesréflexions qu’elles ont suscitées chez moi.

2) Cf. L. Wacqant, « Sur quelques contes sécuritaires venus d’Amérique »,Le Monde diplomatique, mai 2002, pp. 6-7.

3) Toutes les définitions citées dans le présent chapitre sont tirées de ceremarquable outil qu’est la version informatisée — et accessiblegratuitement — du Trésor de la langue française : http://atilf.inalf.fr/

4) « Frontière », cousine germaine de « limite », signifiait à la fin duXIIIe siècle « place fortifiée faisant face à l’ennemi » et même, un siècleauparavant, « front d’une armée ».

5) Une recension effectuée en 1987 comptait déjà quelque deux centcinquante références : F. Joly, P.-A. Raoult, « Bibliographie thématique :le cadre thérapeutique », in Collectif, Le Cadre thérapeutique. Transfertet symbolisation, 2e éd., Paris, cerpp, 1989, pp. 273-335.

6) J. Bleger, « Psychanalyse du cadre psychanalytique » (1967), traductionfrançaise in Symbiose et ambiguïté. Étude psychanalytique, Paris, Puf,1981, pp. 283-299.

7) Ibid., p. 283.

8) Ibid.

9) Ibid.

10) Ibid.

11) Ibid.

12) Ibid., p. 285. « Sont obstruées » est une traduction un peu trop littéralede « se obstruyen », qu’emploie Bleger dans le texte original (Simbiosis yambiguëdad, Buenos Aires, Editorial Paidós, 1967, p. 239). Mieux vaudraitdire « se bloquent », ainsi qu’on le trouve dans une autre traduction de cetexte (in R. Kaës (dir.), Crise, rupture et dépassement, Paris, Dunod, 1979,p. 258), ou encore « sont entravées », comme le propose le dictionnaire.

13) Ibid., p. 286.

14) J.-P. Caillot, G. Decherf, Thérapie familiale psychanalytique etparadoxalité, Paris, Clancier-Guénaud, 1982, pp. 43-56.

15) Cette notion de peau psychique a été élaborée notamment par E. Bick(« The Experience of The Skin in Early Object Relations », InternationalJournal of Psycho-Analysis, 1968, Vol 49, pp. 484-486) et par D. Anzieu(Le Moi-peau [1985], 2e éd., Paris, Dunod, 1995).

16) W. R. Bion, Aux sources de l’expérience (1962), traduction française,Paris, Puf, 1979.

17) R. Kaës, « Introduction à l’analyse transitionnelle », in R. Kaës (dir.),Crise, rupture et dépassement, Paris, Dunod, 1979, p. 69.

18) S. Decobert, « Note sur la notion de cadre », Journalde la psychanalyse de l’enfant, 1986, n° 2, pp. 33-41.

19) Cf. L’Escabelle, Filiations à l’épreuve (textes réunis par Ch. Robineau),Toulouse, Érès, 2002.

20) Les débats médiatiques sur la dépénalisation du cannabisou sur le clonage reproductif humain illustrent bien cet embarras.

49sanction, cadre et symbolisation

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Monsieur le Président

Pourquoi l’Amérique est-elle la cible du terrorisme ?Il faut dire la vérité au peuple. Si les illusions sontentretenues, alors la menace continuera jusqu’à notredestruction complète.

La vérité est qu’aucune de nos armes nucléaires nepeut nous protéger de ces menaces. Aucun système« Guerre des étoiles » (peu importe la technique de poin-te, ni combien de milliards seront gaspillés dans ces pro-jets) ne pourra nous protéger d’une arme nucléaire trans-portée dans un bateau, un avion ou une voiture. Aucunearme de votre arsenal, ni un centime des 270 millionsdépensés chaque année dans votre « système dedéfense » ne peut éviter une bombe terroriste. […]

Monsieur le Président, vous n’avez pas dit la véritésur le « pourquoi » du fait que nous sommes la cibledu terrorisme. Vous avez dit que nous étions la cibledu terrorisme parce nous défendions la démocratie, laliberté et les droits humains dans le monde. C’est faux.

Monsieur le Président, nous sommes la cible duterrorisme, parce que, dans la plus grande partie dumonde, notre gouvernement a défendu la dictature,l’esclavage et l’exploitation humaine. Nous sommes lacible du terrorisme parce que nous sommes haïs, etnous sommes haïs parce que nous avons fait deschoses odieuses.

En combien de pays des agents de notre gouverne-ment ont-ils chassé les leaders de leurs peuples, enles remplaçant par des dictateurs militaires, desmarionnettes désireuses de vendre leur propre peupleà des multinationales américaines ? Nous avons faitcela en Iran, au Chili, au Vietnam… Combien de foisl’avons-nous fait au Nicaragua et dans d’autres répu-bliques en Amérique latine ?

De pays en pays, notre gouvernement a obstrué ladémocratie, a étouffé la liberté et piétiné les droits

LLLLeeeettttttttrrrreeee dddd’’’’uuuunnnn cccciiiittttooooyyyyeeeennnn aaaammmméééérrrriiiiccccaaaaiiiinnnn aaaauuuu pppprrrrééééssssiiiiddddeeeennnntttt BBBBuuuusssshhhh

Actions non-violentescontre la guerre en Irak« Si vos ennemis ont faim, nourrissez-les » C’est en

rappelant ce verset de l’épître aux Romains (12, 20) au« très protestant croyant » président Bush, que se déve-loppe une action non-violente depuis le mois de février, etqui submerge la Poste américaine. L’action consiste àmettre une demi-tasse de riz non-cuit dans un petit sac enplastique. Bien le fermer. Ajouter un petit mot et votreadresse. Destinataire : Président George W. Bush, WhiteHouse, 1600 Pennsylvania Avenue. NW, Washington, DC20500, USA.

NB. Un abonné à ANV, Alain Richard a pris l’avion en février, pourrejoindre des non-violents américains et d’ailleurs, lesquels ont entaméun jeûne de conscientisation devant l’ONU, à New York.

humains. C’est pour cela que nous sommes haïs dansle monde, et c’est pour cela que nous sommes la cibledes terroristes. […]

Au lieu d’envoyer nos fils et nos filles de par lemonde, pour tuer des Arabes, en vue de prendre pos-session du pétrole qui existe sous leur sable, nousdevrions les envoyer pour reconstruire leurs infrastruc-tures, les hôpitaux, fournir de l’eau potable, et nourrirles enfants affamés. […]

En résumé, nous devrions êtres bons au lieu d’êtremauvais. Qui alors essaierait de nous arrêter ? Quinous haïrait ? Qui voudrait nous bombarder ? C’estcela, Monsieur le Président, que le peuple américain abesoin d’entendre.

Bernard LAW

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Durant la dernière décennie, le« marché des armes » a connu uneimportante mutation. D’une part

au niveau de sa logique interne : la dimi-nution des dépenses militaires durant lesannées 1987 à 1998 a entraîné unerestructuration de l’industrie d’arme-ment et l’accroissement de l’agressivitéconcurrentielle sur le marché de l’expor-tation. D’autre part, de nouveauxacteurs — issus de la société civile —sont venus interpeller les gouverne-ments et les institutions internationales,exigeant de leur part des mesuresaccrues de transparence et de contrôle,avec notamment comme objectif dediminuer le nombre d’armes en circula-tion et de limiter les conséquences decelles-ci auprès des populations civiles,premières victimes de la proliférationdes armements.

Le commerce des armes est un acte politique majeur quiengage non seulement les gouvernements et les industrielsimpliqués mais également chaque citoyen. Car si les ventesd’armes ne sont pas en elles-mêmes causes des guerres, ellesy contribuent et favorisent les nombreux conflits qui ensan-glantent la planète. Et pourtant, s’il y a un domaine où noussommes sous-informés — voire même désinformés — ils’agit bien de celui-là. « Ce qu’on connaît le mieux du systè-

me français de contrôle des exportations d’armes, c’est sonopacité », notait le député Jean-Claude Sandrier 1. Uneréflexion qui s’applique à bien d’autres États membres del’Union européenne.

Certes, en réponse aux inquiétudes des citoyens — suiteà la guerre contre l’Irak en 1991 — une prise de consciencedes conséquences d’une prolifération « débridée » des armess’est manifestée au sein de l’Union européenne et plus large-ment de la communauté internationale… La transparence estdevenue le maître-mot de nombre de discours des respon-sables politiques. Les actes ont par contre un peu plus demal à suivre même si la publication de rapports annuels segénéralise au sein des principaux pays exportateurs et que leregistre international mis en place par l’ONU en 1992contient un nombre de déclarations (importations et exporta-tions confondues) en progression.

SSSSuuuurrrrvvvveeeeiiii llll lllloooonnnnssss lllleeeessss vvvveeeennnntttteeeessss dddd’’’’aaaarrrrmmmmeeeessss ::::ssssaaaauuuuvvvvoooonnnnssss ddddeeeessss vvvviiiieeeessss !!!!

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Mais, transparence n’est pas synonyme de limitation dela prolifération. Après une période de forte régression, lecommerce des armes s’est non seulement stabilisé mais il aconnu un retour à la hausse en 2001. Une augmentation queles suites des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Uniset cette nouvelle guerre contre l’Irak en préparationdevraient largement conforter…

Second vendeur d’armes du monde, l’Union européenne— et ses États membres — contribue activement à la proli-fération des armes. En effet, elle assure à elle seule plus duquart des exportations militaires mondiales. Or, elle ne dis-pose pas encore d’une véritable politique commune en lamatière… Certes, un processus d’harmonisation s’est mis enplace à partir de 1998 avec l’adoption du code de conduitede l’Union européenne sur les exportations d’armes. Mais cedernier est encore loin d’être parfait comme l’ont montrécertaines « affaires » dévoilées par les médias. De plus iln’est pas juridiquement contraignant, et donc reste soumisaux aléas des volontés politiques et des évolutions à l’inté-rieur de chacun des États membres…

C’est pourquoi le Collectif pour un contrôle des trans-ferts d’armes 2 ainsi que ses partenaires dans sept pays euro-péens (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Italie,Pays-Bas et Royaume-Uni) ont décidé d’aller plus loin dansle cadre d’une vaste campagne de sensibilisation et d’inter-pellation des décideurs qui doit permettre de franchir unenouvelle étape vers la mise en place d’une réglementationinternationale efficace des transferts d’armes.

Patrice Bouveret

1) Jean-Claude Sandrier, Christian Martin et Alain Veyret,Le contrôle des exportations d’armement, Commissionde la défense, Les documents d’information de l’Assemblée nationale,n° 2334, 25 avril 2000, p. 17.

2) Le collectif, créé en 1997, a déjà mené deux campagnes publiquesd’opinion à l’automne 1997 et à l’automne 1999. Il regroupe onze ONG etson action est soutenue en France par vingt-quatre organisations de défensedes droits humains, de solidarité internationale et de mouvements en faveurde la paix et du désarmement. Le collectif est piloté par Agir ici, Amnestyinternational (section française) et l’Observatoire des transfertsd’armements. Il participe aux activités du Réseau d’action international surles armes légères (Raial/Iansa) créé en 1999.

52 surveillons les ventes d’armes : sauvons des vies !

Objectifsde la campagne

Cette campagne vise à mettre un terme aux transfertsd’armement lorsqu’il existe un risque que ces armes participentà des violations des droits humains ou du droit internationalhumanitaire.

À cette fin, nous demandons :

• au président du Conseil de l’Union européenne et au haut-représentant de la Pesc (Politique étrangère de sécurité com-mune) de promouvoir une action européenne en vue d’uneconvention internationale sur les intermédiaires ; de renforcerles critères du code de conduite européen sur les exporta-tions d’armes et de le rendre juridiquement contraignant ;

• au Premier ministre de faire adopter une législation internesur les activités des intermédiaires et d’agir pour l’adoptiond’une convention internationale sur les intermédiaires ; deprendre toutes les initiatives nécessaires pour rendre lecode de conduite européen juridiquement contraignant.

Mode d’emploiPour participer à cette campagne, commandez les docu-

ments de campagne (4 pages + cartes à renvoyez auprès desdécideurs) auprès d’Agir ici, 104, rue Oberkampf, 75011 Paris.

www.arms-control.org

Pour en savoir plusDans le cadre de cette campagne, une brochure de

36 pages vient d’être publiée. Son objectif est de permettre à unplus grand nombre de personnes de s’approprier des élémentsdu dossier et de contribuer à l’émergence d’un débat hors descercles restreints d’initiés (diplomates, militaires, experts…)dans lesquels il se déroule actuellement.

Elle est disponible auprès du CDRPC contre 6 euros l’exem-plaire (port compris), 187, montée de Choulans, 69005 Lyon(CCP Lyon 3305 96 S).

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Chantal De TRUCHIS

L’éveil de votre enfantLe tout-petit au quotidienParis, Éd. Albin Michel, 2002, 262 p.,15,90 euros

Des parents veulent faire corres-pondre leurs enfants à des normessociales et culturelles, mais l’expérien-ce indique que les enfants sont diffé-rents de ce que l’on projette pour eux !Le vrai et seul vrai problème consisteavant tout à donner à l’enfant la possi-bilité de développer ses propres capaci-tés affectives et intellectuelles, à sonpropre rythme.

NNNNoooouuuussss aaaavvvvoooonnnnssss lllluuuu…………Cet ouvrage n’apporte pas de

recettes, mais propose des conseils, dessuggestions aux parents, comme auxgrands-parents, qui désirent accompa-gner les premiers mois et années dutout-petit. Comment éviter l’inquiétudelors du bain ? Quelles activités et quelsjouets lui proposer ? Faut-il encouragerla tétine, le doudou ? Comment porterson enfant ? Lui parler, oui, mais com-ment ? Peut-on l’aider à bien vivre lesséparations, surtout quand les deuxparents travaillent ?…

Le langage simple et chaleureuxde Chantal De Truchis, psychologuede la petite enfance, va droit au butquand l’adulte se pose les questionsessentielles et secondes face au tout-petit. La série de réflexions conduitespar l’auteure éclairent tout lecteur,même celui ou celle qui « sait tout paravance ». La bonne volonté ne suffitpas pour éveiller un enfant. Il convientde l’accompagner à son propre ryth-me, en écoutant ses sons et ses émo-tions. Et là, il n’y a point deux enfantsqui se ressemblent.

Ce livre, paru en 1996, vient d’êtreréédité chez Albin Michel en 2002. Ilfaut s’en réjouir, tant il est rare qu’unéditeur se lance dans la deuxième édi-tion d’un ouvrage qui le mérite.

Une citation de Jean Piaget résumeen quelque sorte le travail de ChantalDe Truchis : « L’enfant tend à se rap-

procher de l’état d’homme, non pas enrecevant toutes préparées les raisons etles règles de l’action bonne, mais enles conquérant par son effort et sesexpériences personnelles » (p. 146).

À offrir à toute naissance, aussi bienà des parents, grands-parents, ou toutepersonne proche d’un nouveau-né.

François VAILLANT

❍❍❍❍Jean-Marie MULLER

De la non-violence en éducationParis, Unesco, 2002, 72 p.

Cet ouvrage est diffusé gratuite-ment par la Division de la qualité del’éducation de l’Unesco. On peut se leprocurer gratuitement en le demandantau Man, 114, rue de Vaugirard,75006 Paris (joindre un chèque de3 euros pour les frais de port, à l’ordredu Man).

Cet ouvrage porte avant tout sur laphilosophie de l’éducation non-violen-te. C’est tout simplement le premier dugenre. Essentiel, tant la philosophie dela non-violence en éducation est encoreun parent pauvre de nos chers didacti-ciens et même pédagogues dans l’air dutemps. La force de ce livre est qu’il estcompréhensible par tout un chacun !

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54 nous avons lu…

Après avoir distingué « conflit /agressivité / violence et non-violence »,Jean-Marie Muller présente le méca-nisme mimétique et les enjeux de larésolution des conflits en éducation. Enmilieu familial, comme en milieu sco-laire, la parole doit retrouver pleine-ment son droit de cité. Il est nécessaire,par exemple, de parler avec les élèvesde la violence vécue par l’institutionscolaire, dans le quartier… Face à cela,un certain nombre de pistes pratiquessont citées, évaluées : la médiation sco-laire, la responsabilisation par l’élabo-ration commune de règles, le sens dessanctions et le non-sens des punitions,surtout collectives !

Dans tout conflit éducatif, notel’auteur, « c’est la recherche d’un com-promis qui permet d’inventer une solu-tion constructive. La recherche d’un

compromis permet de suspendre la vio-lence lorsque celle-ci s’est manifestée,et rétablit la communication entre lesadversaires. […] Le but recherché estd’imaginer des concessions qui soientacceptables par les deux adversaires,en sorte que chacun puisse estimer queses droits essentiels sont reconnus etrespectés. L’art de trouver un boncompromis est de faire apparaître desconcessions limitées qui procurent àl’un un maximum d’avantages, tout enfaisant supporter à l’autre un minimumd’inconvénients, et vice versa, en sortequ’un nouveau vivre-ensemble devien-ne possible. » ( p. 19).

Cet ouvrage de Jean-Marie Mullervient à point nommer pour montrerl’urgence d’une éducation à la non-vio-lence, dans notre monde encore si mar-quée par une culture de violence. Cetécrit s’inscrit à merveille dans le cadrede la Décennie pour une culture de paixet de non-violence, décidée par l’ONU.

F. V.

❍❍❍❍

Maryse VAILLANTet Christine LAOUENAN

Les violences au quotidienIdées fausses et vraies questionsParis, Éd. La Martinière, 232 p., 2002,23 euros.

Ce livre s’adresse aux ados,comme à leurs parents et éducateurs.Bien illustré, avec des encadrés judi-cieux « Pour aller plus loin » dans laréflexion, cet écrit est une vraie réussi-te pédagogique. On y découvre toutesles formes de violence auxquelles lesadolescents peuvent être confrontéesde nos jours, dans la famille, à l’école,dans la rue.

Il a pour but d’aider l’adolescent àcomprendre ses rages et ses peurs. Ilapprend comment il est possible demaîtriser ses émotions. La violence esttoujours un mal. Elle détruit le corps etl’esprit, mais elle peut aussi êtrel’occasion de mûrir et d’acquérir lesens des responsablités.

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Yves CONGAR

Mon journal du concileParis, Le Cerf, tome I (595 p.) et tome II(632 p.). Les deux tomes : 75 euros

Qui a connu de près ou de loin lethéologien dominicain Yves Congar,du couvent Saint-Jacques de Paris, nepeut qu’être ému par la richesse humai-ne et théologique de ces deux livres.

Yves Congar n’ a pas fait partie dela cohorte des deux mille trois centsévêques réunis pour le concile VaticanII, mais il participe en tant qu’expert àcet événement mondial. Derrièrechaque grand évêque éclairé, se tien-nent un ou plusieurs théologiens dansles coulisses du concile. Ce sont euxqui ont discuté et rédigé les fameusesencycliques Pacem in terris, Lumengentium, etc., lesquelles ont permis àl’Église catholique d’entrer enfin dansla modernité !

Le concile Vatican II a duré du11 octobre 1962 au 8 décembre 1965,sous Jean XXIII et Paul VI. Pendant cetemps, Yves Congar a lutté de toutesses forces, avec d’autres théologiens,pour que les écrits de Vatican II nesentent pas l’odeur des sacristies maisplutôt le vent du grand large, dans ladynamique d’un Évangile et d’uneTradition vivante enfin retrouvés.

Chaque soir, dans sa chambre,Yves Congar jetait sur le papier le récitde ses rencontres, parfois âpres, et deses travaux de théologien, rédigeant et

nous avons lu…

Des violences subies aux incivilités,en passant par le sentiment d’insécuritéou l’apprentissage de la médiation, toutest passé en revue, avec des exemplesconcrets, des témoignages. Ce livre esttout sauf embêtant. Tout adolescent ytrouvera des éléments de réponse à sesquestions ouvertes ou cachées. Unevraie réussite pédagogique !

À offrir de toute urgence aux ado-lescents que l’on connaît !

F. V.

❍❍❍❍

Philippe MEIRIEU

Repères pour un mondesans repèresParis, DDB, 278 p., 2002, 21 euros

Pour l’auteur, « c’est en refusant,à la fois, l’impérialisme de la loi —qui interdit tout sans comprendre — etl’impérialisme du désir — qui autori-se tout sans se poser de question —que nous commençons à entrer dansl’éducation. Dans l’éducation au quo-tidien » (p. 14).

Le parcours d’enseignant, puisd’universitaire à Lyon II, ensuite auministère de l’Éducation nationale faitque Philippe Meirieu, père de famille,est assurément l’un des pédagogues lesplus connus de notre époque.

Ce livre s’adresse aux parents et auxéducateurs. Ni cours, ni ensemble derecettes, les pages ravivent chez l’adul-te les difficultés à comprendre les ques-tions et les comportements des jeunes.Cet écrit allie philosophie de l’éduca-tion, pédagogie, pertinence du propos,devant des situations qui laissent desadultes médusés : cette fille qui estenceinte à quinze ans, ce garçon qui n’apas de copain, cet écolier qui rêve sanscesse, cet adolescent qui vole scooteraprès scooter, ce passionné de technoqui fume du cannabis, que leur dire ?

C’est donc à partir d’exemples trèsconcrets que Philippe Meirieu se risqueavec courage à des essais de réponses.Une vraie réussite de bon sens !

F. V.

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56 nous avons lu…

modifiant telle ou telle proposition auxtextes encycliques, que les évêquesconciliaires votaient ensuite. Ces deuxvolumes reproduisent donc le journalde bord tenu par Yves Congar, jouraprès jour. Encore deux livres qui vontmettre en furie les traditionalistesd’aujourd’hui, peu importe !

Voici deux extraits. « Il y a unephrase où on exhorte les prêtres à lais-ser tomber les titres purement honori-fiques. Le cardinal Suenens a faitremarquer : pouvons-nous, nous lescardinaux, leur adresser cette exhorta-tion, sans donner d’abord l’exemple ?On lui a répondu : tâchez de convain-cre d’abord le cardinal Tisserand etMgr Dante ! Suenens, à sa prochaineaudience, suggéra au pape de faire ungeste. Il faut, pour débloquer la ques-

tion, que l’exemple vienne d’en haut ! »(t. II, p. 61). « Etchegaray me dit queles évêques se demandent ce qu’ilsvont faire. […] On ne leur a soumisqu’une seule question : la discipline(jeûne, abstinence…). Ils ont un senti-ment de vide ! » (t. II, p. 428).

L’œuvre du dominicain YvesCongar est immense, et demeured’une actualité brûlante , comme cellede Bruno Chenu, l’autre dominicaindu couvent Saint-Jacques, qui influen-ça tant également Vatican II. Et il estparadoxal que tous deux aient rédigétant d’écrits théologiques, avant l’èrede l’ordinateur. Ils s’étaient constituéstous deux des fichiers manuels d’uneampleur impressionnante, entièrementrédigés à la main, avec l’art de la réfé-rence.

« Je marche pour que l’Église avan-ce », aimait à dire Yves Congar. À tra-vers les deux tomes de Mon journal duConcile, on perçoit que ce lutteur acombattu sereinement pour que l’Églisecatholique progresse vers le XXIe siècle,ce que certains esprits rétrogradent refu-sent encore, y compris au Vatican.

En 1970, Yves Congar s’est pro-noncé en faveur des objecteurs deconscience, lors d’un procès à Orléans,où étaient accusés Jean-Marie Muller,Jean Desbois, et d’autres combattantsde la non-violence. Pour Yves Congar,le concile Vatican II se devait d’avoirdes fruits inattendus et percutants.

F. V.

❍❍❍❍

L’Église, hier… demainOpuscule de 72 pages, 2002, rédigé pardes communautés de base de la région deMontpellier. 5 euros (port compris).À commander à Michelle Guern-Debray,15, rue Cyrano de Bergerac,34090 Montpellier.

Comme des catholiques et des pro-testants continuent à se sentir flouéspar les Églises officielles, certains onré-ouvert l’Évangile et la Traditionvivante des chrétiens.

Cet écrit qui ne paye pas de mineest d’une grande richesse. À partir des

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57nous avons lu…

Actes des Apôtres, il en est déduitqu’un chrétien qui partage la foi quiaime et qui espère ne peut être qu’êtrepersécuté… ou récupéré, car le mondemondain, lui, est toujours là, même sinous ne vivons plus à l’époque romai-ne. Les références bibliques abondent.Les commentaires sont éloquents :« Ce n’est pas innocemment que Luc aplacé au cœur du repas pascal la que-relle des disciples pour savoir quidevrait être le plus grand parmi eux(Lc 22,24) : la lutte pour le pouvoir aucœur de la première Eucharistie ! Lucvoulait probablement dire par là que leproblème de lutte pour le pouvoir, devolonté de puissance, n’était pas dutout un problème secondaire, et que lesdisciples de Jésus risquaient de buterdessus à chaque pas » (p. 10).

La question des ministères est exa-minée, en particulier celui de l’évêquede Rome. « L’unité découle de la com-munion, non de l’uniformité » (p. 22).Quelle place pour les femmes dans lesÉglises ? Ce dossier se termine par unregard sur « les signes des temps », les-quels font espérer que des changementssont rendus inéluctables. Pour ensavoir plus, il est possible de consulterun site Internet.

F. V.

❍❍❍❍

Étienne LECROART

Machins trucsGrenoble, Éd. Glénat, « coll. Humour »,64 p. (grand format), 2002, 14 euros

Cet album de dessins humoris-tiques tout en couleur est un chef-d’œuvre. Le propre d’Étienne Lécroart,qui intervient avec Altho dans ANV, àla plus grande joie des lecteurs, disposede plusieurs registres à son actif. Nousne retrouvons pas dans cet album lespersonnages auxquels Lécroart noushabitue dans ANV.

Nous avons affaire ici à soixante-quatre dessins humoristiques, coloriésavec art, avec des personnages de laFrance profonde. Chaque dessin peutfaire l’objet d’un encadrement dans lesdiverses pièces d’une maison d’habita-

tion, tant on a plaisir à les découvrirsans cesse. Par exemple, un coupleadulte est dans une voiture d’un manè-ge pour enfants. Le monsieur n’arrêtepas de faire « tut-tut » avec son klaxon.Légende de la femme : « Calme-toichéri, on est presque arrivés… » Lesdétails sont loufoques, incongrus, tou-jours drôles. Quelques dessins sontpeut-être réservés aux plus de douzeans, mais les ados, comme les adultes,se régaleront à gorge déployée devantla comédie humaine des machos. Et lavie des animaux, on y pense souvent ?Cet album les fait parler. C’est beau etrempli de tendresse. Une vraie réussite,où naïveté, courage et désir de vie heu-reuse se retrouvent. À lire et à offrir !

F. V.

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ANV édite un joli dépliant qui présente la revue, indique les numéros disponibles et propose un abonnement.Aidez-nous à le distribuer !

ALTERNATIVES

NON VIOLENTES

dossiers, recherches, documents

sur la non-violence

revue associéee à l’Institut de Recherches sur la Résolution Non-violente des Conflits (IRNC)

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3 exemplaires du n° 125 : 28 € au lieu de 34 €

5 exemplaires du n° 125 : 41 € au lieu de 56 €

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Le prochain numéroa pour thème :

« Contrela mondialisation

néolibérale »

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dès qu’ils reçoiventnotre courrier.

Cela fait deséconomies de

relance

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AlternativesNon-Violentes

Face à la violence, incapable d’apporter unesolution humaine aux inévitables conflits qui

constituent la trame de l’histoire de l’humanité,la non-violence propose une alternative.

La philosophie de la non-violence veutdéconstruire l’idéologie de la soi-disant

violence nécessaire et légitime qui domine noscultures et sociétés, tout en développant uneculture de non-violence, avec des méthodesd’action permettant la gestion positive des

conflits. La cohérence entre la fin et les moyenss’avère un impératif autant éthique

que stratégique.

L’action non-violente a été historiquementmise en œuvre dans les luttes de résistance

pour les droits de l’Homme, avec au premierrang la lutte pour l’indépendance de l’Inde

menée par Gandhi.

L’action non-violente est résistance, non-coopération, désobéissance aux lois injustes ;elle vise alors à créer un rapport de forcespour combattre les situations d’injustice etd’oppression. Mais la non-violence est aussi

une force de proposition ; elle veut réaliser unprogramme constructif qui vise, ici et

maintenant, dès la phase de résistance, àanticiper la société solidaire de demain, enmettant en place les structures alternatives

garantes de la justice et de la liberté.

N° 103 : ATTENTION, PUBLICITÉ ! - 8,84 €Boîte aux lettres envahies, intrusions téléphoniques, panneauxd’affichage omniprésents, films interrompus…, la manipulationpublicitaire agresse subrepticement le sens et l’esprit, engen-drant d’innombrables victimes. Histoire de la publicité. Publicité etviolence. Publicité et sexisme. Environnement dégradé…Comment résister ? Avec F. Brune, Y. Gradis, J.-J. Ledos, M.-V.Louis, J. Marcus-Steiff…

N° 104 : LA NON-VIOLENCE DÈS L’ÉCOLE - 8,84 €Incivilités, rackets et violences empoisonnent de plus en plus lavie scolaire. Que faire ? Ce numéro rend compte de nombreuxexemples de méditations et d’actions pédagogiques innovantes,capables de restaurer une véritable relation éducative.

N° 108 : LA DÉSOBÉISSANCE CIVILE - 9,45 €Ce numéro a pour ambition de faire connaître la désobéissancecivile, pensée et vécue par David-Henry Thoreau, Léon Tolstoï,Gandhi… jusqu’au procès Papon. Son originalité non-violente, saforce et ses limites. Avec J.-B. Eyraud, Christian Mellon, Jean-Marie Muller, Bernard Quelquejeu, Mario Pedretti, Alain Refalo…

N° 110 : VIOLENCES CONTRE LES PERSONNES ÂGÉES9,45 €

Les maltraitances contre les personnes âgées, à domicile commeen maisons de retraite, constituent un véritable problème de socié-té. Vieillir peut-il avoir encore un sens aujourd’hui ? Vieillissement etimmigration. La place de l’animal de compagnie. La sexualité dutroisième âge. Fin de vie : l’apport des soins palliatifs ; débat surl’euthanasie volontaire.

N° 111 : LE BOUDDHISME, UNE AUTRE SOURCE

DE LA NON-VIOLENCE - 9,45 €Comment le bouddhisme considère-t-il la non-violence ? N’inté-resse-t-elle que la spiritualité et le comportement individuel, ouincite-t-elle également à un engagement social et politique ? Lebouddhisme irait de plus en plus dans cette direction. Analyses etperspectives. Regards sur le Tibet, la Birmanie et le Sri Lanka.

N° 113 : QUAND L’ENFANT SOUFFRE VIOLENCE - 9,76 €De nombreux enfants sont maltraités à notre époque. Un enfant vio-lenté deviendra-t-il ensuite un adulte violent ? Quelles préventionséducatives, psychologiques et médicales mettre en place ?Présentation de l’œuvre d’Alice Miller, suivi d’un débat contradictoire.Avec C. De Truchis, I. Filliozat, P. Lassus, F. Maqueda, O. Maurel,S. Missonnier, J.-M. Muller, C. Robineau et S. Robert-Ouvray.

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Directeur de publication : Ch. Delorme / Commission paritaire n° 54826 / Dépôt légal : 1er trimestre 2003 / Maquette : Goliards’Presse / Imp. Reynaud - 42000 Saint-Étienne

N° 115 : L’ANIMAL A-T-IL DROIT AU RESPECT ? - 9,76 €Jamais dans l’histoire les animaux n’ont été autant martyrisésqu’à notre époque : marées noires, industries pharmaceu-tiques, chasse en tous genres. L’animal mérite-t-il le respectau point de ne jamais le tuer ? Existe-t-il un lien entre la vio-lence que les hommes exercent entre eux et la maltraitancesur le monde animal ? Avec E. Drewermann, K. L. Matignon,T. Monod, J.-M. Muller, B. Quelquejeu, P. Rabhi, A. Richard,F. Vanpoulle et Y. Wehrling.

N° 116 : PRATIQUES DU POUVOIR - 9,76 €Pouvoir et violence vont souvent de pair. Il existe pourtant desfaçons d’agir autrement en politique, dans l’entreprise, en famil-le… Et si l’on reparlait de l’autogestion ? Avec Jean-Baptiste deFoucauld, Étienne Godinot, Xavier Jardin, Hervé Ott, MichelSilvestre et Patrick Viveret.

N° 117 : ANARCHISME, NON-VIOLENCE,QUELLE SYNERGIE ? - 9,76 €

L’anarchisme prône la disparition de l’État et veut construire unesociété autogérée. Ce numéro exceptionnel fait découvrir l’his-toire des idées anarchistes, la mouvance anarchisted’aujourd’hui et sa confrontation à la non-violence. Avec AndréBernard, Xavier Bekaert, Brigitte Bossen, Jean-Marie Muller,Alain Refalo, Hans Schwab, François Sébastianoff, AlainThévenet, Jacques Toublet…

N° 118 : NON-VIOLENCE, QUE FAIT LA POLICE ? - 9,91 €Même dans une société allant vers l’autogestion et la non-violen-ce, une police est nécessaire pour établir la sécurité et faire res-pecter le droit. Mais quelle police ? Avec Isabelle Bartkowiak,Jean-Jacques de Félice, Dominique Monjardet, BéatricePouligny, Geneviève Pruvost, Cédric Moreau de Bellaing…

N° 119-120 : LES LUTTES NON-VIOLENTES AU XXe SIÈCLE(tome 1) 19,52 €

Une force, la non-violence, est née, puis s’est développée auXXe siècle. Le phénomène a commencé avec Gandhi puis s’estpropagé sur les cinq continents. De l’Australie à la chute du Murde Berlin, de la Colombie à la Tanzanie, du Larzac à Seattle…Plus de trente articles retracent l’héritage de non-violence trans-mis au XXIe siècle.

N° 121 : LES LUTTES NON-VIOLENTES AU XXe SIÈCLE(tome 2) 9,91 €

Ce numéro consacré aux luttes non-violentes en Europe s’inscrità la suite du numéro 119-120. On y trouve en finale un entretienexclusif avec Michel Rocard et une analyse politique de Jean-Marie Muller sur les événements survenus à cause des actes ter-roristes du 11 septembre.

N° 122 : L’AÏKIDO, UN ART MARTIAL NON-VIOLENT9,91 €

L’aïkido parvient à libérer son adversaire de son agressivité etignore la compétition. Cette discipline du corps et de l’esprit estpropice à se défendre dans la rue contre une agression. Regardssur les autres arts martiaux et leurs origines guerrières. Coupedu monde de football et violences. Actualité : actions non-vio-lentes exemplaires au Pays Basque. Avec Michel Caillat, AndréCognard, Daniel Lance, Vincent Roussel, Gorka Torre…

N° AF (affiche) : LES CENT DATES DE LA NON-VIOLENCEAU XXe SIÈCLE - 5 €

Cette affiche en quadrichromie, très grand format (84 x 64 cm)présente avec pédagogie les grandes luttes qui ont fait entrerla non-violence sur les cinq continents. Elle est une illustrationdes n° 119-120 et 121. Idéal pour une classe, un bureau, unechambre ou… la porte de ses toilettes ! Elle donne à réfléchirsur le bel héritage de non-violence que le XXe siècle lègue auXXIe siècle !

N° 123 : LA VOITURE VÉHICULE DE LA VIOLENCE9,91 €

La violence routière est impitoyable, mais elle est acceptéecomme le tribut sacrificiel d’un objet idolâtré : la voiture ! Existe-t-il une conduite non-violente ? Le réaménagement urbain, avecle vélo et le tramway, est possible. Exemples en Europe. Unnuméro qui ne mâche pas les mots, qui sort de la langue debois si habituelle sur le sujet. Avec Jean-Pascal Assailly, Marie-Hélène Aubert, Michel Bourguet, Philippe Delrue, PhilippeLaville, François Marchand, Jean Sivardière, Paul Virilio…

N° 124 : L’INTERVENTION CIVILE :UNE CHANCE POUR LA PAIX - 10 €

L’intervention de civils non armés, dans des pays en guerre, estune chance pour la paix. Ce numéro constitue les Actes du col-loque qui s’est tenu à l’Assemblée nationale, à l’initiative del’IRNC et du Comité français pour l’intervention civile de paix.Prévention des conflits, interposition, médiation… Avec deschercheurs, des acteurs de terrain, des personnalités politiqueset des représentants d’ONG…

N° 125 : SANCTIONNER SANS PUNIR :LES SANCTIONS ÉDUCATIVES - 10 €

Les châtiments et les punitions n’éduquent pas, mais engen-drent soumission et humiliation. Les sanctions éducativescherchent, au contraire, l’adhésion et la réparation de la faute,dans le respect d’autrui et de soi-même. Dans la famille, àl’école, la vie citoyenne… Analyses et exemples concrets.Avec Chantal De Truchis, Élisabeth Maheu, Eirick Prairat,Thierry Pech, Christian Robineau, Maryse Vaillant…

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Galaxy 2466 bis, rue de la Paroisse78000 VERSAILLESTél.+ Fax 02 35 23 05 81

Revue associée à l’Institutde recherche sur la résolutionnon-violente des conflits(IRNC)

COMITÉ D’ORIENTATION

Paul BLANQUARTBernard BOUDOURESQUESPatrice COULONEtienne GODINOTFrançois MARCHANDVirginie MARTINJean-Marie MULLERBernard QUELQUEJEUAlain REFALOChristian ROBINEAUHans SCHWABJacques SÉMELINMarlène TUININGAJean VAN LIERDE

Directeur de publication :Christian DELORME

Rédacteur en chef :François VAILLANT

HIVER 2003

Éditorial ............................................................................................................................................................................................... 1

Sanctionner sans punir :les sanctions éducatives

Sanction, contrainte et non-violenceÉlisabeth MAHEU ......................................................................................................................................................... 3

À propos des sanctions dans la familleChantal De TRUCHIS ......................................................................................................................................... 10

La réparation, une sanction éducative et socialeMaryse VAILLANT ................................................................................................................................................... 16

Sanction éducative, sanction reconstructiveEirick PRAIRAT ............................................................................................................................................................ 22

La discipline : l’école, cas d’écoleThierry PECH .................................................................................................................................................................. 31

Sanction, cadre et symbolisationChristian ROBINEAU ........................................................................................................................................... 42

Infos diverses

Lettre d’un citoyen américain au président Bush ....................................................... 50

Campagne : surveillons les ventes d’armes ...................................................................... 51

NOUS AVONS LU ................................................................................................................................................................. 53

sommaireALTERNATIVESNON VIOLENTES

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N° 125 - HIVER 2003 • SANCTIONNER SANS PUNIR