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L’INFLUENCE DE LA DÉMARCHE DE PERFORMANCE SUR LE DROIT PUBLIC FINANCIER DES ÉTATS MEMBRES DE L’UEMOA Yakouba Ouédraogo Préface de Éloi Diarra Prix de thèse 2015 de l’École doctorale Droit Normandie Fondée par Louis Trotabas Doyen honoraire de la Faculté de droit et des sciences économiques de Nice Dirigée par Michel Bouvier Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne BIBLIOTHÈQUE FINANCES PUBLIQUES ET FISCALITÉ TOME 65

L'influence de la démarche de performance sur le droit

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Page 1: L'influence de la démarche de performance sur le droit

L’INFLUENCEDE LA DÉMARCHE DE PERFORMANCE

SUR LE DROIT PUBLIC FINANCIERDES ÉTATS MEMBRES DE L’UEMOA

Yakouba Ouédraogo

Préface deÉloi Diarra

Prix de thèse 2015 de l’École doctorale Droit Normandie

Fondée parLouis Trotabas

Doyen honoraire dela Faculté de droit et

des sciences économiquesde Nice

Dirigée parMichel Bouvier

Professeurà l’Université Paris 1Panthéon-Sorbonne

BIBLIOTHÈQUE

FINANCES PUBLIQUES

ET FISCALITÉ

TOME 65

Cyan Magenta Yellow Black

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BIBLIOTHÈQUE

FINANCES PUBLIQUES

ET FISCALITÉ

TOME 65

Fondée parLouis Trotabas

Doyen honoraire de la Faculté de droit et

des sciences économiques de Nice

Dirigée parMichel Bouvier

Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

L’INFLUENCE  DE LA DÉMARCHE DE PERFORMANCE 

SUR LE DROIT PUBLIC FINANCIER DES ÉTATS MEMBRES DE L’UEMOA

Yakouba OuédraogoAssistant en droit public à l’Université Ouaga II

Préface de Éloi Diarra

Professeur à l’Université de RouenAssesseur de l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest,

en charge de l’École doctorale, des formations et de la coopération

Prix de thèse 2015 de l’École doctorale Droit Normandie

Avec le soutien financier de l’École doctorale Droit Normandie (ED 98) et du Centre universitaire rouennais d’études juridiques (CUREJ - EA 4703)

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Defrénois - Gazette du Palais

Gualino - Joly - LGDJ

Montchrestien

© 2018, LGDJ, Lextenso éditions

70, rue du Gouverneur Général Éboué

92131 Issy-les-Moulineaux Cedex

I.S.B.N. : 978-2-275-06130-6 I.S.S.N. : 0520-044X

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PRÉFACE

L’ouvrage que vous avez entre les mains résulte de la thèse soutenue par M. Yakouba Ouédraogo le 11  mai 2015 à l’Université de Rouen-Normandie. Outre qu’elle avait mérité la mention « Très honorable assortie des félicitations du jury », elle lui a valu, dès la session de février 2016 du Conseil national des universités (CNU) françaises une inscription sur la liste de qualification aux fonc-tions de maître de conférences. Depuis le mois de novembre 2017, M. Ouédraogo a été ainsi recruté comme enseignant à la faculté des sciences juridiques et poli-tiques de l’Université Ouaga II. C’est dire toute la qualité du travail qu’il nous revient de présenter dans cette préface.

Nous le faisons d’autant plus volontiers que M. Ouédraogo a deux passions, les finances publiques et le service public de l’enseignement supérieur. Comme tout bon enseignant, à travers cet ouvrage, M. Ouédraogo, en pédagogue, tente de donner un goût des finances publiques à son lecteur.  Aussi s’efforce-t-il de s’exprimer dans un langage simple, clair et précis. C’est pourquoi toute personne désireuse de mieux connaître les mécanismes des finances publiques pourra s’abreuver à cette source. Ainsi, on découvrira quelles sont les contraintes envi-ronnementales des finances publiques, tant dans leur prévision que dans leur exécution. Cependant, et c’est là l’une des originalités du travail ici présenté, il ne s’agit pas d’une présentation formelle, il s’agit d’une approche concrète des nouvelles procédures que doivent suivre les administrations financières des États membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), procédures issues des directives de 2009. Celles-ci permettent une lecture homo-généisée de ces méthodes et procédures dans tous les États concernés.

Cependant, au-delà de la présentation des procédures, l’auteur de l’ouvrage met l’accent sur l’objectif majeur des finances publiques et leur utilité pour la communauté nationale. C’est cela qu’il traduit sous l’appellation de « la démarche de performance ». Ainsi, la recherche de la performance des finances publiques doit désormais provoquer une modification des comportements des acteurs des finances publiques, ce, afin de combattre utilement les gaspillages, les détourne-ments de deniers publics, le manque de transparence dans la gestion financière, l’inefficacité des contrôles, le faible rendement du système fiscal. Son approche, réaliste, permet ainsi de dénoncer l’irresponsabilité politique et financière des politiques qui gouvernent les pays pour la faire reposer sur des subalternes. De même, il met aussi l’accent sur certaines rémanences, telle l’introduction d’une spécialisation trop large des crédits, permettant de perpétuer une certaine opacité de la gestion financière de l’État. Néanmoins, il nourrit l’espoir que la restaura-tion du contrôle de l’exécution budgétaire puisse corriger ces lacunes.

L’ouvrage de M. Ouédraogo a fondamentalement recours à une présenta-tion juridique du système financier public ouest-africain. Mais pas seulement.

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L’INFLUENCE DE LA DÉMARCHE DE PERFORMANCE SUR LE DROIT PUBLIC FINANCIER

DES ÉTATS MEMBRES DE L’UEMOAVI

En effet, il convient de souligner l’une de ses premières originalités, à savoir celle de procéder par une approche de sociologie administrative des finances publiques. Cette dimension a été trop longtemps oubliée, depuis l’ouvrage classique de Pierre Lalumière sur les finances publiques françaises. M. Ouédraogo n’a donc pas voulu sacrifier à l’absolu du positivisme : il le met en relation avec le contexte de produc-tion de la norme financière où l’administration ne joue pas le rôle le moindre. Aussi se demande-t-il si les administrations étatiques sont capables d’absorber les nou-velles règles budgétaires, lesquelles imposent des changements de mentalité.

Une autre originalité est de mettre l’accent sur le contexte social global. Dans des sociétés malheureusement souvent gangrenées par la corruption, comment les pouvoirs politiques des États de l’UEMOA pourront-ils se faire violence pour se soumettre à des dispositions de nature communautaire, pour qu’ils ne se com-portent pas en « propriétaires » des deniers publics, mais des « utilisateurs » de ces deniers, au profit de la collectivité ?

Les perspectives juridique et sociologique permettent à l’approche de M. Ouédraogo de renouveler le fond de la réflexion sur les finances publiques. Sur le plan scientifique, la méthode est donc finalement celle de la critique sys-témique, à l’image des poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres. La réussite des nouvelles normes n’est possible que si toute une chaîne de struc-tures se modifie : le gouvernement dans sa méthode de prévision des recettes et des dépenses, le parlement en exerçant véritablement son rôle de contrôle de l’action gouvernementale, l’administration supérieure en surveillant étroitement les administrations subordonnées dans l’exécution des recettes et des dépenses, le juge en procédant à un jugement sérieux des comptes des comptables publics, quitte à sortir du champ classique du jugement objectif pour se prononcer sur le caractère subjectif des lacunes financières constatées.

L’avantage scientifique de la thèse de M. Ouédraogo est donc de pousser l’en-semble des acteurs à une remise en cause de leurs méthodes de travail et à un exercice effectif des prérogatives conférées par les législateurs communautaire et national.

Les perspectives qu’essaie d’ouvrir cet ouvrage sont assez pertinentes pour que nous recommandions sa lecture à tous les professionnels des finances publiques, administrations nationales, enseignants, mais aussi, à tout citoyen inté-ressé par la chose publique, dont le nerf principal est précisément représenté par les finances publiques. Leur performance devrait pouvoir hâter le développement de la zone ouest-africaine. Puisse ce livre figurer dans toutes les bonnes biblio-thèques universitaires et personnelles !

Éloi DiarraProfesseur à l’Université de Rouen

Assesseur de l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest, en charge de l’École doctorale, des formations et de la coopération

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REMERCIEMENTS

Mes remerciements vont d’abord au Professeur Éloi Diarra qui a guidé mes pas tout au long de cette aventure. Sa disponibilité, ses qualités humaines et ses conseils rassurants ont permis la réalisation de cette thèse.

J’adresse également mes remerciements aux Professeurs Jean-Luc Albert, Michel Bouvier, Jean-Pierre Duprat, Éric Olivia et Guy Quintane, qui ont accepté de faire partie de mon jury de soutenance. Leurs remarques et observations m’ont permis d’enrichir et d’améliorer cette version finale du document.

J’exprime ma gratitude à MM. Ally Ganamé, Maturin Koné, Abdoul Rachid Soulama, Dr. Aly Coulibaly, Jean-Gabriel Séré, Souleymane Lengane, Clément Zongo, Christophe Dabiré, Adolphe Kaboré et à tous les autres agents du minis-tère des Finances du Burkina Faso et des corps de contrôle avec qui je me suis entretenu ou qui m’ont fourni de la documentation lors de mes recherches.

J’exprime également ma reconnaissance à MM. Luc Marius Ibriga et Sylvain Lamourette, sans qui je n’aurai probablement pas pu poursuivre mes études en France.

Je ne saurai oublier de remercier tous mes collègues et amis de la Faculté de droit qui ont consacré du temps à la relecture ou à la mise en forme de certaines parties de cette thèse.

Je suis enfin reconnaissant à tous ceux qui ont contribué à l’aboutissement de cette thèse.

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À la mémoire de mon grand-père Lamoussa Ouédraogo qui m’a inculqué la vertu du travail,

À mes parents.

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

ABG Aide budgétaire globaliséeACCORD Application coordonnée de comptabilisation,

d’ordonnancement et de règlement de la dépense de l’ÉtatACCT Agent comptable central du TrésorACP Pays d’Afrique, des Caraïbes et du PacifiqueAJDA Actualité juridique droit administratifAEF Afrique équatoriale françaiseAFD Agence française de développementAISCCUF Association des Institutions supérieures de Contrôle

ayant en commun l’Usage du françaisAl. alinéaAlii autresAOF Afrique occidentale françaiseAPD Aide publique au développementARMP (-DSP) Autorité de Régulation des Marchés publics

(et des Délégations de Service public)Art. ArticleASCE (-LC) Autorité supérieure de contrôle d’État (et de Lutte

contre la Corruption)BAD Banque africaine de DéveloppementBAO Banque de l’Afrique occidentaleBCEAO Banque centrale des États de l’Afrique de l’OuestBM Banque mondialeBOAD Banque ouest-africaine de DéveloppementBOP Budget opérationnel de programmeBVG/VéGal Bureau du Vérificateur Général (Mali)CAD Comité d’Aide au Développement (OCDE)CADHP Charte africaine des Droits de l’Homme et des PeuplesCASCA Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle

de l’AdministrationCBCM Contrôleur budgétaire et comptable ministérielCCEG Conférence des Chefs d’État et de GouvernementCDBF Cour de discipline budgétaire et financièreCDMT Cadre de dépenses à moyen termeCEDEAO Communauté économique des États de l’Afrique

de l’OuestCGSP Contrôle général des Services publicsCHFP Cadre (juridique, comptable et statistique) harmonisé

des finances publiques de l’UEMOACE Conseil d’État

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L’INFLUENCE DE LA DÉMARCHE DE PERFORMANCE SUR LE DROIT PUBLIC FINANCIER

DES ÉTATS MEMBRES DE L’UEMOAXII

CEMAC Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale

CIAP Comité interministériel d’audit des programmesCID Circuit informatisé de la dépense publiqueCIE Comptabilité intégrée de l’ÉtatCIMAP Comité interministériel pour la modernisation de l’action

publiqueCJUE Cour de Justice de l’Union européenneCJ UEMOA Cour de Justice de l’UEMOAcoll. collectionConvention/Cour EDH Convention/Cour européenne des droits de l’Homme(coord.) Sous la coordination deC/DSLP Cadre/Document stratégique de lutte contre la pauvretéDAF Direction/Directeur des affaires financièresDDHC Déclaration française des Droits de l’Homme

et du Citoyen du 26 août 1789DEP Direction/Directeur des études et de la planificationDGB Direction générale du BudgetDGI Direction générale des ImpôtsDGTCP Direction générale du Trésor et de la Comptabilité

publique(dir.) sous la direction deDPBEP Document de programmation budgétaire et économique

pluriannuelleDPPD Document de programmation pluriannuelle des dépensesDRH Direction/Directeur des ressources humaineséd. Edition(s)EPA Établissement public administratifEPIC Établissements publics à caractère industriel

et commercialETPT Équivalent temps plein travailléEUE Éditions universitaires européennesFasc. Fascicule Franc CFA franc de la Communauté financière africaineFIDA Fonds international de développement agricoleFMI Fonds monétaire internationalFONDAFIP Association pour la fondation internationale de finances

publiquesGAP Gestion axée sur la performanceGAR Gestion axée sur les résultatsGBCP Gestion budgétaire et comptable publiqueGERFIP Groupement européen de recherches en finances

publiquesGTZ Gesellschaft für technische Zusammenarbeit (Agence

allemande de coopération technique)IADM Initiative d’allégement de la dette multilatéraleIbidem au même endroitIBW Institutions de Bretton WoodsIdem de mêmeIDH Indice de développement humain

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LISTE DES ABRÉVIATIONS XIII

IFI Institutions financières internationalesIGE Inspection générale d’ÉtatIGF Inspection générale des FinancesIGPDE Institut de la Gestion publique et du Développement

économiqueIGS Inspection générale des ServicesIPPTE Initiative Pays pauvres très endettésINTOSAI International Organization of Supreme Audit Institutions

(Organisation internationale des Institutions supérieures de Contrôle des Finances publiques)

in dansinfra plus basIPSAS’s International Public Sector Accounting Standards (Normes

comptables internationales applicables au secteur public)ISC Institution supérieure de contrôle des finances publiquesITS Inspections techniques des ServicesJCP Juris Classeur Périodique – La Semaine juridiqueJO Journal officielLFI/LFR Loi de finances initiale/Loi de finances rectificativeLGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudenceLOLF Loi organique relative aux lois de financesLOLFSS Loi organique relative aux lois de financement

de la sécurité socialeLPA Les Petites AffichesMEF Ministère de l’économie et des financesMFB Ministère des finances et du budgetMINEFI Ministère de l’économie, des finances et de l’industrieNBE Nomenclature budgétaire de l’ÉtatNDL Nouvelle Dépense locale (logiciel de comptabilité France)N° NuméroOCDE Organisation de Coopération et de Développement

économiquesOHADA Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit

des AffairesOIF Organisation internationale de la FrancophonieONU Organisation des Nations uniesop. cit. opere citato (dans l’ouvrage ou l’article précité)OSC Organisations de la Société civilep.  pagePAFP Programme d’Appui aux Réformes du Cadre harmonisé

des Finances publiques au sein de l’UEMOAPAP Projet annuel de performancePAS Programmes/Plans d’Ajustement structurelPCE Plan comptable de l’ÉtatPEFA Public expediture and Financial accountability (Dépenses

publiques et responsabilité financière)PLF/PLR Projet de loi de finances/projet de loi de règlementPMA Pays les moins avancésPNUD Programmes des Nations unies pour le Développement

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L’INFLUENCE DE LA DÉMARCHE DE PERFORMANCE SUR LE DROIT PUBLIC FINANCIER

DES ÉTATS MEMBRES DE L’UEMOAXIV

PPBS Planning, Programming and Budgeting SystemPUAM Presses universitaires d’Aix-MarseillePUF Presses universitaires de FranceRAP Rapport annuel de performanceRBD Revue burkinabé de droitRBSJA Revue béninoise des sciences juridiques et administrativesRCB Rationalisation des choix budgétairesRDP Revue du droit public et de la science politique en France

et à l’étrangerRDT La Revue du TrésorRec. RecueilRFAP Revue française d’administration publiqueRFDA Revue française de droit administratifRFD const. Revue française de droit constitutionnelRFFP Revue française de finances publiquesRGCP Règlement général sur la comptabilité publiqueRJP Revue juridique et politique des États francophones

(ex-Revue juridique et politique indépendance et coopération).

RMCUE Revue du Marché commun et de l’Union européenneRONC Rapport sur l’Observation des Normes et CodesRPROG Responsable de programmeRRJ Revue de la recherche juridique. Droit prospectifRSLF Revue de science et de législation financières. et suivant(e)sSIGFIP Systèmes intégrés de Gestion des Finances publiquesSFFP Société française de finances publiquesSG Secrétariat/Secrétaire généralspéc. spécialementST – CPBPE Secrétariat technique du Comité de pilotage du budget –

programme de l’État (Burkina Faso)supra plus hautSYSCOA Système comptable ouest-africaint. tomeTFUE Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenneTUE Traité sur l’Union européenneTOFE Tableau des opérations financières de l’ÉtatUE Union européenneUEAC Union économique de l’Afrique centraleUEM Union économique et monétaireUEMOA Union économique et monétaire ouest-africaineUO Unité opérationnellevol. Volume

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SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE

PREMIÈRE PARTIE LE DÉVELOPPEMENT DE LA PERFORMANCE DANS LE CADRE BUDGÉTAIRE

DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

Titre I : L’enjeu de la maîtrise de la politique budgétaire et de ses contraintes

Chapitre I. La persistance des contraintes externesChapitre II. La maîtrise relative des contraintes internes

Titre II : La transformation du système d’allocation des ressources

Chapitre I. Le réaménagement du principe de spécialité budgétaire

Chapitre II. L’apparition de dispositifs de mesure et de suivi de la performance

SECONDE PARTIE LE RETARD DE LA PERFORMANCE DANS LE DROIT DE L’EXÉCUTION,

DU SUIVI ET DU CONTRÔLE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

Titre I : L’incidence réduite des réformes sur les méthodes d’exécution de la dépense publique

Chapitre I. L’évolution du droit de l’exécution de la dépense publique

Chapitre II. L’autonomie des acteurs et la nouvelle traçabilité de leurs opérations

Titre II : La dynamisation du contrôle de la dépense publique

Chapitre I. La mutation des contrôles administratifs et juridictionnel

Chapitre II. L’annonce d’un renouveau du contrôle parlementaire

CONCLUSION GÉNÉRALE

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

« … Vouloir opposer l’intérêt général, qui autoriserait l’administration à ne pas se préoccuper du résultat de son action, à la performance, qui serait réservée à l’entreprise, reviendrait à absoudre un peu trop facilement l’administration de ses responsabilités »1.

« … La simple pratique sans connais-sance scientifique, c’est de l’empirisme et la routine… Ceux qui n’ont pas longuement médité avec la méthode scientifique sur les problèmes financiers sont incapables de diriger les finances publiques d’un État : il leur est matériellement impossible de trouver les solutions des grands problèmes financiers. Ils manquent de hardiesse ; ils s’en tiennent à ce qui existe ; il leur est impossible de voir l’ensemble du pro-blème ; ils s’arrêtent au détail »2.

1. La recherche d’une meilleure efficacité de la dépense publique constitue le leitmotiv des réformes des finances publiques menées dans le monde. Les causes de ces réformes sont nombreuses et complexes. Les plus connues sont écono-miques et financières : la rareté des ressources publiques et ses deux principaux corollaires, l’augmentation des déficits et de l’endettement public3. La raréfaction des ressources, contrairement aux dépenses qui ne cessent de croître continuelle-ment, conformément à la loi de Wagner4, est un phénomène bien connu des sys-tèmes financiers contemporains. Tous les pays, quel que soit leur niveau de développement, sont en effet confrontés à la problématique de l’accroissement

1. PONTIER Jean-Marie, Préface à la thèse de Michel RODRIGUEZ, Le service public et la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Contributions de la réforme des finances publiques à la modernisation de l’État, PUAM, 2013, p. 12.

2. JÈZE Gaston, Cours de finances publiques, Giard, 1925.3. DUPRAT Jean-Pierre, « La dynamique des réformes budgétaires : globalisation des pro-

blèmes, unification des outils et adaptation nationale des solutions », RFFP, n° 98, juin 2007, p. 9 ; SÉGUIN Philippe, « La dégradation des finances publiques et ses remèdes », Conférence à l’IEP de Lille le mercredi 9 décembre 2009, RFDA, janvier-février 2010, pp. 193-199.

4. Du nom de l’économiste allemand Adolph Wagner, qui a formulé en 1871 la théorie de l’accroissement continu des dépenses publiques. La loi de Wagner postule que dans les pays industria-lisés, les dépenses publiques augmentent de façon plus importante que les revenus et les recettes publiques. Ainsi, « plus les sociétés se civilisent, plus les États sont dispendieux », parce que

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L’INFLUENCE DE LA DÉMARCHE DE PERFORMANCE SUR LE DROIT PUBLIC FINANCIER

DES ÉTATS MEMBRES DE L’UEMOA2

des dépenses par rapport aux ressources publiques disponibles. Les causes des réformes budgétaires sont aussi politiques et sociologiques : la revendication de pouvoirs accrus par les Assemblées parlementaires, d’une part, et l’intérêt nou-veau des citoyens pour l’usage qui est fait du produit de leurs impôts ainsi que pour l’efficacité du contrôle de son utilisation, d’autre part. La conjonction de ces facteurs est à l’origine de la recherche de l’efficacité de la dépense publique, deve-nue l’impératif majeur qui s’impose aux systèmes financiers contemporains5.

2. La question de l’efficacité de la dépense publique est une préoccupation ancienne6. Ses antécédents historiques remontent au Planning, Programming and Budgeting System (PPBS)7, apparu aux États-Unis dans les années 1960, faisant suite aux travaux de la Commission Hoover de 19498. Le PPBS visait à introduire les principes du management du secteur privé dans les administrations publiques9. Des initiatives similaires ont été également menées au cours de la même période au Québec et au Canada. Le PPBS américain fut expérimenté en France sous la dénomination de Rationalisation des choix budgétaire (RCB)10, introduite en

l’industrialisation engendre de nouveaux besoins (loisirs, culture, santé, éducation…) et de nouvelles dépenses publiques pour les satisfaire. Cette théorie conserve toute son actualité dans le contexte actuel de difficultés financières que connaissent les États.

5. CHEVAUCHEZ Benoît, « La dépense publique, au cœur de nos systèmes de finances publiques, RFFP, n°  77, mars 2002, pp.  27-32 ; MAHIEUX Sophie, « La maîtrise des dépenses publiques », RFFP, n° 77, mars 2002, pp. 33-46.

6. En France, la logique gestionnaire imprégnait déjà le système financier sous la Restauration et les doctrines administratives au xixe siècle (voir BEZES Philippe, DESCAMPS Florence, KOTT Sébastien et TALLINEAU Lucile (dir.), L’invention de la gestion des finances publiques. Élaborations et pratiques du droit budgétaire et comptable au XIX

e siècle (1815-1914), éd. du Comité pour l’histoire économique et financière de la France – IGPDE, 2010, coll. Histoire et économique et financière de la France, 579 p). On la retrouve également chez les auteurs classiques comme Adolph Wagner ou Gaston Jèze (CONAN  Mathieu, « Gaston Jèze et l’utilité de la dépense publique. L’élaboration d’une théorie générale des dépenses publiques », La Revue du Trésor, n° 2, février 2008, p. 163 et s.), René Stourm, Edgar Allix, ou encore Marcel Waline et Julien Laferrière.

Des considérations gestionnaires furent très présentes dans les travaux de Gaston Jèze, qui dis-tinguait entre les dépenses utiles et les dépenses inutiles, et définissait la dépense publique par rapport à l’utilité publique, qu’elle doit avoir pour objet. L’importance qu’il accordait à la nomenclature des dépenses, qu’il considère comme ne satisfaisant pas uniquement à un besoin d’ordre, de logique et de systématisation, mais comme la condition même pour que la gestion financière d’un pays soit claire, sincère et économe, rappelle la place qu’occupe la nomenclature par destination (missions – pro-grammes – actions) dans les réformes budgétaires actuelles. Jèze considérait aussi que l’un des pro-blèmes particuliers en matière de dépense publique est de trouver « les procédés financiers qui peuvent être employés pour que, à égalité de service rendu, la dépense soit la plus faible possible » (JÈZE Gaston, Cours de science des finances et de législation financière française. Manuel à l’usage des étudiants des Facultés de droit et des candidats au Ministère des finances, à la Cour des comptes, à l’inspection des finances, etc., Paris, M. Giard, 6e éd., 1922, p. 423). Cette préoccupation renvoie aux exigences actuelles d’économie et d’efficience.

7. Technique de planification, de programmation et d’élaboration du budget ; ANDREANI Edgard, « Une révolution budgétaire ? Le planning, programming, budgeting system », Revue de science financière, 1968, n° 3, pp. 193-225.

8. La volonté de rationaliser la gestion budgétaire aux États-Unis date en réalité de la fin du xixe siècle. Voir BOUVIER Michel, « Crise des finances publiques, crise d’un modèle politique et naissance de “l’État intelligent” », RFFP, n° 108, 2009, pp. 78-81.

9. Expérimenté en 1961 au Secrétariat d’État à la Défense sous Robert Mc Namara, il a toutefois été abandonné et remplacé en 1969 par plusieurs autres techniques de rationalisation budgétaire, qui n’ont pas pu s’implanter durablement : système de gestion par objectifs (management by objectives), « budget base zéro ».

10. Voir DUCROS Jean-Claude, « La rationalisation des choix budgétaires », Revue de science financière, 1969, pp.  617-663 ; ANDREANI Edgard, « Budget de programme et rationalité de la

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 3

janvier 196811. La RCB a connu un bilan mitigé, quand elle ne fut pas simplement considérée comme un échec12. Malgré tout, les actions de rationalisation de la gestion des finances publiques n’ont pas été entièrement interrompues en France13.

Ces expériences historiques restent des « sources d’inspiration »14 pour les réformes budgétaires actuelles.

3. La quête de performance dans la gestion des finances publiques s’est par-ticulièrement accentuée au cours des trois dernières décennies à cause des crises que connaissent les finances publiques. Elle a entraîné le développement de la gestion axée sur la performance ou/et les résultats (GAP ou GAR), connue sous des appellations diverses : démarche ou logique de performance, « nouvelle ges-tion publique »15, « nouvelle gouvernance financière »16, « modèle de gestion publique »17, « bonne gestion financière »18. Toutes ces expressions désignent les réformes budgétaires dont le dénominateur commun est de poursuivre le même objectif, celui de « dépenser mieux », en améliorant la performance de la dépense publique et l’efficacité de l’action de l’État. Les expressions démarche de perfor-mance, logique de performance, gestion budgétaire axée sur la performance et/ou les résultats seront utilisées comme synonymes, car elles appartiennent au même champ sémantique.

4. La quête de la performance de la dépense publique repose sur l’idée que les ressources allouées par les budgets doivent être utilisées de façon optimale pour atteindre des objectifs prédéfinis, mesurables au moyen d’instruments de suivi des résultats. Elle procède d’une conception renouvelée des finances

décision publique », Revue économique, Année 1968, vol.  19, n°  4, pp.  638-673 ; BRAVO Jacques, « L’expérience française des budgets de programmes », Revue économique, Année 1973, vol. 24, n° 1, pp. 1-65 ; STROHL Hélène, GOURNAY Bernard et CAPDEBOSCQ Georges, « Les budgets de pro-grammes », RFFP, n°  26, 1989, pp.  111-123 ; BAUDRILLART Wenceslas, « “Le budget de pro-grammes” de l’équipement et du logement », AJDA, 1973, Doctrine, n° 23, pp. 116-124.

11. Avant la RCB, une des expériences de rationalisation de la gestion budgétaire fut le budget fonctionnel introduit par un décret du 19 juin 1956, qui visait à regrouper les dépenses de l’État par fonctions (EDMOND-GRANGE Jacques, Le budget fonctionnel en France, Paris, LGDJ, 1963, coll. Bibliothèque de science financière, p. 6).

12. La présentation du budget selon la méthode de la RCB ne concerna que quelques ministères. Les budgets de programmes ont été abandonnés à partir de 1984, puis officiellement supprimés en 1997. Sur le bilan de la RCB, voir POINSARD Robert, « Les budgets de programme, 15 ans après », Économie et prévision, 1985, pp. 23-43 ; QUINT Alexis, MAUCHAMP Alain et SALLERIN Guy, « La RCB et la réforme de l’État (histoire d’une ambition et postérité d’un échec) », La Revue du Trésor, n° 7, juillet 1997, pp. 423-430.

13. PARIENTE Alain et COULIBALY Abou Saïb, « Programmes et mesure de la performance en France et dans les pays africains », RFFP, n° 98, juin 2007, p. 34.

14. VAILLANT Louis, « Quelques enseignements à retenir d’une opération de rationalisation des choix budgétaires », RFFP, n° 103, septembre 2008, p. 41. La LOLF peut à certains égards être perçue comme une « résurgence » de la RCB, sa version moderne et améliorée (PERRET Bernard, « De l’échec de la rationalisation des choix budgétaires à la loi organique relative aux lois de finances », RFAP, n° 117, 2006, pp. 31-41).

15. ABATE Bernard, La nouvelle gestion publique : ce que nous avons appris, LGDJ, 2e éd., 2014, coll. Systèmes – Finances publiques, 157 p.

16. BARILARI André et BOUVIER Michel, La LOLF et la nouvelle gouvernance financière de l’État, LGDJ, 3e éd., 2010, coll. Systèmes – Finances publiques, 261 p.

17. GUILLAUME Henri, DUREAU Guillaume et SILVENT Franck, Gestion publique. L’État et la performance, Paris, Presses de Sciences Po et Dalloz, 2002, coll. Amphi, p. 8.

18. CATTEAU Damien, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit public financier rénové, Thèse soutenue le 3 décembre 2005 à l’Université du droit et de la santé (Lille 2), Dalloz, 2007, p. 3.

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DES ÉTATS MEMBRES DE L’UEMOA4

publiques, qui considère que la légitimité de la dépense publique repose davantage sur les missions ou finalités d’intérêt général qu’elle poursuit que sur le fonction-nement des services et administrations publiques qui en ont la charge.

5. La démarche de performance a été d’abord mise en œuvre dans de nom-breux pays membres de l’actuelle Organisation de Coopération et de Développe-ment Économiques (OCDE)19. Parmi ceux-ci, les pays de culture anglo-saxonne ont été les pionniers dans le mouvement de rationalisation de la gestion budgé-taire20. En France, après la RCB, c’est la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er  août  200121, remplaçant l’ancienne ordonnance organique du 2 janvier 1959, qui a inscrit le système de gestion financière dans la démarche de performance. Qualifiée de « miracle démocratique »22, l’adoption de cette nou-velle « Constitution financière » fait suite au Rapport du groupe de travail sur

19. SCHICK Allen, « Vingt ans de réforme budgétaire », Revue de l’OCDE sur la gestion budgé-taire, vol. 4, n° 1, 2004, p. 101 ; BLÖNDAL Jon R., « La reforme budgétaire dans les pays membres de l’OCDE : tendances communes », Revue de l’OCDE sur la gestion budgétaire, vol. 2, n° 4, 2003, p. 7 et s. ; GUILLAUME Henri, « Introduction de la gestion de la performance : huit exemples étran-gers », RFFP, n° 73, janvier 2001, pp. 129-133 ; IGPDE, « 30 ans de réformes de la gestion publique, synthèse et bilan », Perspectives Gestion Publique, n° 34, 2010, p. 2.

20. SCHICK Allen, « L’État performant : réflexions sur une idée entrée dans les esprits mais pas encore dans les faits », Revue OCDE sur la gestion budgétaire, vol. 3, n° 2, 2003, p. 85. L’Australie et la Nouvelle-Zélande sont les deux premiers pays qui ont initié au début des années 1980 le processus de réformes budgétaires. Puis, ce fut le tour d’autres pays de l’OCDE, notamment les États-Unis (Govern-ment Performance and Results Act de 1993 ; GROSZYK Walter, « La gestion axée sur les résultats aux États-Unis », Revue de l’OCDE sur la gestion budgétaire, vol. 1, n° 4, 2002, pp. 139-164), le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Canada (depuis 1997 ; BLÖNDAL Jon R., « La procédure budgétaire au Canada », Revue de l’OCDE sur la gestion budgétaire, vol. 1, n° 2, 2001, pp. 43-78 ; BOURGAULT Jacques, « La mise en œuvre de la gestion axée sur les résultats : leçons tirées de l’expérience québé-coise », RFAP, n° 109, 2004, p. 109-128), les pays nordiques (Suède, Danemark, Finlande), de se lan-cer dans cette dynamique dans les années 1990. La vague de réformes budgétaires a atteint d’autres pays européens (Allemagne, Irlande, Autriche, Suisse) et d’Asie (Corée du Sud) dans les années 2000.

21. Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (JO du 2 août 2001, P. 12480), modifiée par la loi organique n° 2005-779 du 12 juillet 2005, la loi organique n° 2009-403 du 15  avril 2009 relative à l’application des art.  34-1, 39 et  44 de la Constitution et la loi organique n°  2012-1403 du 17  décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Voir entre autres : BOUVIER Michel, « La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances », AJDA, 20 octobre 2001, n° 10, pp. 876-886 ; TALLINEAU Lucile, « La loi organique du 1er  août  2001 relative aux lois de finances », RFDA, novembre-décembre 2001, pp.  1205-1217 ; CHABART Guillaume, « La réforme de l’ordonnance de 1959 sur la procédure budgétaire : simple aménagement technique ou prélude à de véritables bouleversements ? », Regards sur l’actualité, n° 275, novembre 2001, pp. 13-25 ; PHILIP Loïc, « Droit constitutionnel financier et fiscal : La nouvelle loi organique du 1er  août 2001 relative aux lois de finances », RFD Const., n° 49, 2002, pp. 199-212 ; PHILIP Loïc et VIESSANT Céline, La loi organique de 2001 relative aux lois de finances, La Docu-mentation française, documents d’études-finances publiques, n° 5.01 édition 2007, 72 p. ; BARILARI André et BOUVIER Michel, La LOLF et la nouvelle gouvernance financière de l’État, op. cit., 261 p. ; CAMBY Jean-Pierre (coord.), La réforme du budget de l’État. La loi organique relative aux lois de finances, LGDJ, 3e éd., 2011, coll. Systèmes – Finances publiques, 422 p. ; MORDACQ Frank (coord.), La LOLF : Un nouveau cadre budgétaire pour réformer l’État, LGDJ, 2006, 412 p. ; DAMAREY Sté-phanie, La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, Ellipses, 2e éd., 2016, 172 p. ; CATTEAU Damien, Droit budgétaire. Comptabilité publique. LOLF et GBCP, Hachette, 3e éd., 2016, 167 p. ; RFFP (n° 73, janvier 2001 et 76, novembre 2001 (consacré à La loi organique relative aux lois de finances)) ainsi que la RFAP, n° 117, 2006/1, 238 p.

22. HERTZOG Robert, « La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) dans l’histoire des grands textes budgétaires : continuité et innovation », RFAP, n° 117, 2006, p. 19. De nombreuses circonstances la rendaient improbable ; TALLINEAU Lucile, « Quarante ans de proposition de réforme de l’ordonnance du 2 janvier 1959 », RFFP, n° 73, janvier 2001, p. 19 ; HOCHEDEZ Daniel, « La genèse de la loi organique du 1er  août  2001 relative aux lois de finances : un processus

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l’efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire23. Ce texte, selon certains auteurs, est porteur d’un « nouveau contrat social  pour les finances publiques »24. La LOLF a été conçue comme un véritable instrument juridique de la réforme de l’État25. Elle consacre juridiquement la logique de performance en matière budgétaire26. Ainsi, « tournant le dos à la classique et parfois courtelinesque logique de moyens, [jusqu’alors mis en œuvre par l’ordonnance organique de 1959, elle] lui substitue une logique de résultats »27.

6. Initialement appliquée par les pays occidentaux, la recherche de perfor-mance s’est généralisée. Les phénomènes de mondialisation et de globalisation28 en font désormais un modèle partagé de gestion budgétaire, malgré l’hétérogé-néité des situations nationales. La généralisation des réformes se caractérise par des finalités communes et une certaine convergence des pratiques, sans qu’émerge pour autant un modèle unique. Les objectifs des réformes sont essentiellement au nombre de trois : 1°) la maîtrise des dépenses et des déficits publics, 2°) l’amélio-ration de la qualité des services publics et de l’efficacité des politiques publiques et 3°) la volonté de rendre plus transparente l’action des administrations et de renforcer le contrôle démocratique sur la gestion publique29.

7. La recherche de performance est également une préoccupation des orga-nisations internationales. L’une de leurs spécificités financières est la dépendance

parlementaire exemplaire », RFFP, n° 76, novembre 2001, p. 57 et s. ; du même auteur, « La formation de la loi organique du 1er août 2001 : l’élaboration de la proposition de loi organique », RFFP, n° 86, avril 2004, pp. 107-125).

23. Groupe présidé par M. Laurent FABIUS, alors président de l’Assemblée nationale. Voir Rapport du 27 janvier 1999, t. 1 et 2.

24. BOUVIER Michel, « La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances », op. cit., p. 876. La réforme opérée porte sur deux axes essentiels : un axe politique, visant le renforcement des pouvoirs d’initiative et de contrôle du Parlement, antérieurement limités dans la logique du parlementa-risme rationalisé de la Constitution du 4 octobre 1958, et un axe économique ou gestionnaire, consistant en la recherche d’une meilleure efficacité de la dépense publique (STROLL Jean-François, « Réforme de l’État et gestion par la performance », Esprit, n°  11-12/2002, pp.  192-200 ; PARIENTE Alain, « La démarche de performance à l’issue de la LOLF : quelles perspectives ? », RDP, 2006, I, p. 37).

25. Voir LAMBERT Alain et MIGAUD Didier, « La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : levier de la réforme de l’État », RFAP, n° 117, 2006, pp. 11-14 ainsi que les actes du colloque organisé à l’Assemblée nationale le 6 septembre 2000 par la SFFP sur le thème « Réformes des finances publiques : réforme de l’État », RFFP, n° 73, janvier 2001, LGDJ, 231 p. Voir également Réformes des finances publiques et modernisation de l’administration. Mélanges en l’honneur du Professeur Robert Hertzog, Economica, 2010, 688 p.

26. JAN Pascal, « La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ou l’entrée en scène de la culture de performance et de résultat », Les petites affiches, 25 juillet 2005, n° 146, pp. 6-12 ; BIED-CHARRETON Hugues, « La démarche de performance dans le cadre des lois de finances », Les notes bleues de Bercy, n° 305, mars 2006, 7 p. ; MORDACQ Frank, « LOLF 2006 : la gestion publique sera-t-elle plus efficace ? », Les notes bleues de Bercy, n° 305, mars 2006, p. 4 ; PARIENTE Alain, « La démarche de performance à l’issue de la LOLF : quelles perspectives ? », RDP, 2006, I, pp. 37-41 ; SIMMONY Marc, « La démarche de performance dans le cadre des finances publiques », RFFP, n° 98, juin 2007, pp. 25-31 ; QUINTANE Guy, « La LOLF et le managérialisme », Les Annales de droit, n° 3, 2009, PURH, pp. 275-299. MEKHANTAR Joël, Finances publiques de l’État. La LOLF et le nouveau droit budgétaire de la France, Hachette, 2010, coll. Les fondamentaux, 224 p.

27. BOUVIER Michel, « La loi organique du 1er  août  2001 relative aux lois de finances », op. cit., p. 876.

28. AUBY Jean-Bernard, La globalisation, Le droit et l’État, LGDJ, 2e éd.  2010, Coll. « Sys-tèmes », 264 p. ; OLIVA Éric, Finances publiques, Sirey, 3e éd., 2015, p. 19.

29. GUILLAUME Henri, DUREAU Guillaume et SILVENT Franck, Gestion publique. L’État et la performance, op.  cit., p.  26 ; OCDE, La budgétisation axée sur la performance dans les pays membres de l’OCDE, Éditions OCDE, 2007, p. 24 et s.

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vis-à-vis des contributions des États et institutions membres. Elles sont particuliè-rement soumises à l’exigence de bonne gestion, au regard des considérations d’économie, d’efficience et d’efficacité30.

8. Elle est également expérimentée dans les pays les moins économiquement avancés, auxquels appartiennent la majorité des États africains31. Dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) plus particulièrement, la rationalisation de la gestion des finances publiques a fait son apparition à la fin de la décennie 1990, sans réussir à supplanter le système antérieurement en vigueur et à s’implanter comme méthode officielle de gestion budgétaire. Une nouvelle étape a toutefois été franchie avec les réformes du cadre harmonisé des finances publiques (ci-après CHFP) opérées en mars et juin 2009. Les textes com-munautaires32 n’étant pas encore entièrement internalisés, les réformes budgé-taires se trouvent au « milieu du gué »33.

9. Pour comprendre les questions soulevées par la démarche de performance dans les pays membres de la zone UEMOA, il convient de caractériser leurs sys-tèmes financiers (Section I), de revenir sur le contexte d’apparition des initiatives de rationalisation de la gestion des finances publiques (Section II), de définir l’ob-jet d’étude (Section III), avant de préciser la problématique, la démarche métho-dologique et le plan de travail retenus (Section IV).

SECTION I LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE : DESCRIPTION DES PAYS ÉTUDIÉS

10. Sans méconnaître les spécificités nationales, les pays africains étudiés présentent des caractéristiques générales semblables. L’appartenance aux mêmes organisations d’intégration et les caractéristiques économiques et sociales méritent particulièrement d’être évoquées (§1), avant de décrire leurs paysages financiers, budgétaires et fiscaux (§2) ainsi que les systèmes de gestion

30. Voir art. 30 du Règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil (JO de l’UE, L 298/1 du 26 octobre 2012 ; art. 19 du Règlement n° 01/2008/CM/UEMOA du 28 mars 2008 portant Règlement financier des Organes de l’UEMOA. Voir également THEOUA Kra Aménan Pélagie, Les finances publiques de l’Union écono-mique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et la logique de performance, thèse de doctorat droit public soutenue le 26  mai 2010 à Université d’Abidjan-Cocody, 465 p. ; DESMOULIN Corinne Delon, Droit budgétaire de l’Union européenne, LGDJ, 2011, coll. Systèmes – Droit, p. 159.

31. MÉDÉ Nicaise, « L’Afrique saisie par la fièvre de la performance financière », RFFP, n° 135, 2016, p. 349 et s. ; BOR Emmanuel, Réforme budgétaire et gestion axée sur les résultats en Afrique subsa-harienne. L’exemple de Maurice, LGDJ, 2018, coll. Thèses – Bibliothèque de finances publiques et fisca-lité, t.  64, 378 p. ; LEKEMBI Dolivéra, La budgétisation par objectifs dans les pays en voie de développement, Thèse de doctorat droit public, Université Aix-Marseille III, octobre  2014, 469 p. ; HARAKAT Mohamed, Les finances publiques et les impératifs de la performance : le cas du Maroc, L’Harmattan, 2011, 454 p. ; RFFP, n° 102, juin 2008, sur La réforme des finances publiques au Maroc.

32. L’expression « droit communautaire » est toujours d’usage dans les organisations africaines d’intégration économique, y compris en droit de l’UEMOA, malgré sa dénomination d’« Union éco-nomique et monétaire » et non de « Communauté économique ».

33. WALINE Charles et DESROUSSEAUX Pascal, « La LOLF et l’amélioration de la gestion publique », Revue juridique de l’économie publique, n° 669, novembre 2009, p. 6.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 7

budgétaire traditionnellement en vigueur (§3), aujourd’hui confrontés au phé-nomène de mutation des systèmes financiers.

§ 1. CONTEXTES COMMUNAUTAIRE, ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

11. Tous les États membres de l’UEMOA, à l’exception de la Guinée Bissau, ont connu la colonisation française et ont accédé à l’indépendance dans les années 1960. Comme dans les autres régions du continent, les pays membres de l’UEMOA sont engagés dans des mouvements d’intégration économique, promus comme la solution aux difficultés qu’ils rencontrent34. En Afrique de l’ouest, l’intégration communautaire est matérialisée par deux principales organisations : la Commu-nauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’UEMOA.

12. L’UEMOA a été créée pour succéder à l’ancienne Communauté écono-mique de l’Afrique de l’ouest (CEAO)35, à la suite de la dévaluation du franc CFA36, décidée le 11 janvier 199437. Le Traité constitutif a été signé à Dakar le 10 janvier 1994 par les Chefs d’État et de Gouvernement de sept pays, à savoir le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Il est entré en vigueur le 1er août 1994 après sa ratification par les États membres. Le nombre d’États membres a été porté à huit depuis l’adhésion de la Guinée Bissau le 2 mai 1997, seul pays lusophone de l’organisation. Les membres originaires de l’UEMOA sont des États qui ont antérieurement subi l’influence coloniale fran-çaise, qui partagent le français comme langue officielle et qui ont la même mon-naie : le franc CFA. La présente recherche s’intéressera aux systèmes financiers de ces États francophones.

13. Alors que dans les processus d’intégration, l’Union économique pré-cède généralement la mise en place d’une union monétaire38, l’UEMOA offre l’exemple particulier d’une organisation qui a procédé de façon inverse. La

34. Le continent africain est sans doute celui qui concentre le plus grand nombre de regroupe-ments régionaux. La Commission économique pour l’Afrique (CEA), organisme appartenant au sys-tème des Nations unies, et l’Union africaine, reconnaissent dix Organisations sous-régionales, parmi lesquelles on dénombre huit Communautés économiques régionales (CER) : la Communauté écono-mique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD), le Marché commun de l’Afrique australe et orientale (COMESA), la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), l’Autorité intergouvernementale pour le Développement (IGAD), la Communauté pour le Développement de l’Afrique australe (SADC) et l’Union du Maghreb arabe (UMA) et deux Organisations d’intégration régionale proprement dites : la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), comme piliers du regroupement des États en Afrique. Sur les processus d’intégration économique en Afrique, voir SANOU Dramane, La juridictionnalisation des organisations régionales d’intégration économique en Afrique, thèse pour le doctorat en droit public, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, soutenue le 4 mai 2012, p. 41 et s. ; IBRIGA Luc Marius, COULIBALY Abou Saïb et SANOU Dramane, Droit communautaire ouest africain, Imprimerie Presses africaines, coll. Précis de droit burkinabé, novembre 2008, p. 48 et s.

35. SAWADOGO Fatimata, De la CEAO à l’UEMOA, ou la genèse d’une intégration sous-régio-nale réussie, L’Harmattan, 2015, 152 p.

36. Le FCFA est le sigle du franc de la Communauté financière africaine.37. Pour une présentation générale, voir le site de l’organisation : http://www.uemoa.int/Pages/

Home.aspx.38. Comme ce fut le cas dans l’Union européenne où l’intégration économique a précédé la mise

en place d’une monnaie commune (l’euro), qui n’a débuté que depuis la signature du Traité de Maastricht du 7 février 1992.

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monnaie commune existait déjà entre les États originaires, dans le cadre de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA)39. La création de l’UEMOA répon-dait à la volonté de construire un véritable espace d’intégration économique afin de soutenir la stabilité de la monnaie et de renforcer la croissance. La démarche mise en œuvre, rappelée dans le préambule et l’article 2 du Traité, a consisté à compléter l’Union monétaire déjà existante par une Union économique, de manière à la transformer en Union économique et monétaire (UEM)40. L’ UEMOA constitue depuis le 1er  janvier 2000 une Union douanière, avec une libéralisation des échanges intracommunautaires et la mise en place d’un tarif extérieur commun (TEC). Cependant, la persistance des obstacles tarifaires et non tarifaires ainsi que l’absence de libre pratique limitent la libéralisation effec-tive des échanges entre les États membres41.

14. Les huit États membres de l’UEMOA appartiennent en outre à la Com-munauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), créée par le Traité de Lagos du 28 mai 1975. La CEDEAO est une organisation d’envergure régionale regroupant quinze États de la partie ouest du continent42. Elle constitue ainsi l’un des cinq piliers régionaux d’intégration des pays du continent. La voca-tion de la CEDEAO est de promouvoir l’intégration dans tous les secteurs de l’activité économique43.

15. La superposition de l’UEMOA et de la CEDEAO engendre une concur-rence et des conflits de compétences entre les deux ordres juridiques communau-taires44. Tel est particulièrement le cas en matière de détermination des droits de porte, d’harmonisation des politiques douanières et de coordination fiscale (TVA et droits d’accises)45. Chaque organisation disposait à l’origine de son Tarif extérieur commun. Le passage au TEC de la CEDEAO à partir du 1er janvier 2015 entraîne désormais sa substitution à celui de l’UEMOA, qui a été appliqué du 1er  janvier 2000 au 31 décembre 2014. Un TEC unique est désormais en vigueur dans l’en-semble de l’espace CEDEAO, y compris dans les pays membres de l’UEMOA.

39. Pour plus de développements, voir la Section II du Chapitre I du Titre Premier de la Première partie.

40. Le Traité a ainsi ajouté un volet économique à la monnaie commune, en réalisant les trans-ferts de souveraineté nécessaires. Pour des comparaisons avec l’Union européenne, voir BOURGAIN Arnaud, « Contributions de l’Union européenne à l’intégration régionale en Afrique subsaharienne : quelles spécificités ? », Mondes en développement, t. 3, n° 92, 1995, p. 43-55 ; VIAUD Pierre, « Union européenne et Union économique et monétaire de l’ouest africain : une symétrie raisonnée », RMCUE, n° 414, janvier 1998, pp. 15-24 ; WATTEYNE André, « Une intégration économique afri-caine à l’image de l’intégration économique européenne : le cas de l’UEMOA », RBD, n° 39-40, spé-cial, 2001, pp. 83-92.

41. BOUGOUMA Ousmane, La libre circulation des marchandises en droit communautaire euro-péen et UEMOA, thèse de doctorat en droit privé, Université de Rouen, 27 juin 2013, 406 p.

42. En plus des huit États membres de l’UEMOA, la CEDEAO comprend : le Cap Vert, la Gambie, le Ghana, la Guinée (Conakry), le Libéria, le Nigéria et la Sierra Leone. La Mauritanie s’est retirée de l’organisation en décembre  2000. Le Maroc a déposé sa candidature à l’adhésion en février 2017. En juin 2017, les États membres ont donné leur accord de principe pour l’adhésion.

43. La CEDEAO a pris du retard par rapport au calendrier prévu pour la réalisation des objec-tifs du Traité. Le Tarif extérieur commun n’a été effectivement institué qu’en janvier 2015.

44. FAU-NOUGARET Matthieu (dir.), La concurrence des organisations régionales en Afrique (Actes du colloque de Bordeaux, 28-29 septembre 2009), L’Harmattan, 2012, 456 p.

45. TIEMTORÉ Salifou, « La coordination fiscale et harmonisation des politiques douanières dans la zone de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) », Dakar, 30 avril au 2 mai 2014, communication consultable sur le lien : https://www.imf.org/external/french/np/seminars/2014/waemu/pdf/tiemtores6.pdf.

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16. Sur le plan économique et social, les huit États membres de l’UEMOA connaissent la même situation de pauvreté46. Ils appartiennent à la catégorie des pays les moins avancés (PMA) et figurent dans la dernière partie du tableau de classement selon l’Indice du Développement Humain (IDH)47. Leurs économies sont extraverties et dépendent fortement de l’extérieur48. La structure de l’activité économique repose principalement sur les secteurs primaire et tertiaire : l’agricul-ture, l’élevage, le commerce et l’exportation des produits des industries extrac-tives. On note également un développement des services49. Le secteur secondaire, regroupant les industries manufacturières de transformation, est encore embryon-naire. L’agriculture emploie plus de la moitié de la population dans la plupart des pays membres. Les produits de l’agriculture de rente constituent l’une des princi-pales ressources d’exportation50. Outre l’agriculture, les produits de l’industrie extractive (or notamment) représentent également une source d’exportation vers les pays tiers. Le commerce, un des secteurs économiques majeurs, pose des défis aux finances publiques, concernant la prise en compte de sa contribution réelle à l’économie, du fait du développement du secteur informel.

17. Sur le plan social, les pays étudiés sont confrontés à de nombreux défis : insuffisances des équipements et infrastructures de base dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’aménagement, de l’assainissement, de l’accès à l’eau potable et du bien-être en général. Face à une croissance démographique, les taux d’analphabétisme et de chômage demeurent encore très élevés.

18. En plus des caractéristiques générales, les pays membres de l’UEMOA partagent des structures financières, budgétaires et fiscales similaires.

§ 2. TRAITS CARACTÉRISTIQUES DES STRUCTURES FINANCIÈRES,

BUDGÉTAIRES ET FISCALES

19. En matière de finances publiques, les États membres de l’UEMOA pré-sentent des traits caractéristiques de pays à faible revenu51. Comme leurs écono-mies, les finances publiques des pays de la zone dépendent de l’extérieur, notamment en matière de mobilisation des ressources. De ce fait, elles sont vulnérables aux

46. En 2012, le rapport de la BCEAO sur la situation de la pauvreté estimait à 49,4 % le pour-centage de personnes vivant en 2010 en dessous du seuil communautaire de pauvreté, fixé à 182.072 fcfa, correspondant au revenu annuel nécessaire pour assurer les besoins élémentaires d’un ménage. Le taux de pauvreté descend à 39,8 % selon le seuil de 625 fcfa par jour, retenu par la Banque mondiale ; Commission de l’UEMOA, Rapport  2014 de la surveillance commerciale dans l’espace UEMOA, décembre 2014, p. 14.

47. Pour une présentation de l’IDH, voir le site du PNUD : http://hdr.undp.org/fr/content/indice-de-d%C3%A9veloppement-humain-idh.

48. La part du commerce intracommunautaire dans le total du commerce des États membres est intimée en 2013 à 11,3 % et à 10,3 % en 2012 (Commission de l’UEMOA, Rapport 2014 de la surveil-lance commerciale dans l’espace UEMOA, op. cit., p. 7).

49. Services publics, transport, construction, télécommunication, tourisme, services financiers. Le commerce des services représente ainsi près de la moitié des économies des États membres de l’UEMOA.

50. Les exportations agricoles des pays côtiers (Côte d’Ivoire, Bénin et Togo) sont le café, le cacao, le palmier à huile, le caoutchouc, l’ananas, la banane. Les pays enclavés (Burkina Faso, Mali, Niger) et le Sénégal exportent principalement l’arachide, le coton et le sésame. L’agriculture subit toutefois les aléas climatiques, notamment la faible pluviométrie et le manque d’eau.

51. MACRA Tadin, « Les caractéristiques des finances publiques des pays en voie de développe-ment », Revue juridique et politique, vol. 64, n° 3, 2010, pp. 324-338.

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chocs exogènes et à la volatilité des prix des matières premières, agricoles et minières. Le poids des taxes et droits de douane dans les recettes totales est relati-vement élevé52. La fiscalité indirecte (TVA et accises) représente aussi une propor-tion importante des budgets53. En revanche, les recettes fiscales proprement dites (impôts et taxes intérieures) peinent à atteindre le seuil communautaire initial de 17 % du PIB nominal, relevé à 20 % par l’Acte additionnel du 19 janvier 201554.

20. Le faible taux des recettes fiscales se justifie par l’insuffisance des capi-taux internes. Face à la faiblesse de l’épargne nationale, il est fait appel à des capitaux étrangers. L’attractivité fiscale constitue le moyen utilisé pour inciter les investisseurs privés étrangers. Les codes des investissements prévoient générale-ment des régimes fiscaux privilégiés, consistant dans les exonérations fiscales pour les équipements investis pendant la phase de démarrage d’activité et/ou pen-dant un certain nombre d’années au cours de l’exploitation55. La faible mobilisa-tion des recettes fiscales s’explique également par les multiples difficultés d’identification et d’élargissement de l’assiette, d’organisation des administra-tions fiscales, d’insuffisances en personnel et moyens de recouvrement ainsi que par la persistance de la corruption et de la fraude fiscale. L’imposition du secteur informel et des activités échappant aux circuits monétaires (activités rurales) reste aussi un obstacle à l’amélioration du rendement fiscal.

21. L’insuffisance des ressources internes rend les budgets dépendants des financements externes. Les pays membres de l’UEMOA font partie des grands récipiendaires de l’aide publique au développement.

22. Le pourcentage des dépenses totales par rapport au PIB est plus important que celui des recettes, preuve que les ressources internes demeurent insuffisantes pour assurer l’autofinancement des budgets. Les dépenses publiques connaissent une forte progression, du fait de l’importance des dépenses d’administration et de l’explosion démographique56. Les dépenses courantes – composées des traitements et salaires, des dépenses d’achat de services et de biens de fourniture courante – constituent la part importante de la masse des dépenses publiques57.

23. Les dépenses d’investissement, auparavant modestes dans les budgets, connaissent une progression dans certains pays de l’UEMOA au cours des der-nières années58. Le retard économique au moment de l’accession à l’indépendance a justifié le recours à des budgets d’investissement ou budgets de développement comme moyens d’assurer le financement du développement économique et social. L’accroissement des dépenses d’investissement constitue un enjeu pour les finances

52. Ils ont été estimés, pour l’ensemble de la zone, à 20 % en 2013 ; Commission de l’UEMOA, Rapport 2014 de la surveillance commerciale dans l’espace UEMOA, op. cit., p. 39.

53. Au cours de l’année 2013, les recettes de taxation indirecte interne (TVA  et accises) se situaient autour de 40 % des recettes totales pour certains pays (Burkina Faso, Sénégal, Togo, Bénin) et de 30 % pour d’autres (Côte d’Ivoire et Niger).

54. Acte additionnel n°  01/2015/CCEG/UEMOA du 19  janvier 2015 instituant un Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité.

55. SOALLA Wendkouni Lydie Sophie, L’action des institutions financières internationales et leur impact sur les systèmes nationaux : aspects budgétaires et fiscaux. Le cas du Burkina Faso, thèse pour le doctorat en droit public, Université Jean Moulin Lyon 3, soutenue le 7 décembre 2012, p. 67 et s.

56. LEKEMBI Dolivéra, La budgétisation par objectifs dans les pays en voie de développement, op. cit., p. 50 et s.

57. Les dépenses courantes de l’ensemble de la zone UEMOA ont représenté 15,2 % du PIB nominal en 2014 (Annexe statistique au rapport de la surveillance multilatérale, juin 2014, p. 16).

58. Bénin, Guinée Bissau, Sénégal et Togo notamment.

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publiques, car « sacrifier les dépenses économiques au profit [des] dépenses adminis-tratives et sociales, c’est pratiquement renoncer ou abandonner tout espoir de réduire la misère et l’injustice »59. Se pose ainsi la question de l’équilibre entre les deux catégories de dépenses, qui apparaissent aussi nécessaires les unes que les autres dans l’impulsion du développement économique et social.

24. En plus des caractéristiques générales similaires, les pays membres de l’UEMOA présentent des systèmes de gestion budgétaire semblables.

§ 3. L’EMPREINTE DE SYSTÈME DIT DE « BUDGET DE MOYENS »

25. Les systèmes financiers traditionnellement en vigueur dans les pays afri-cains francophones ont été déterminés par le facteur historique : la colonisation française et les règles édictées par l’ancienne métropole, qui ont configuré pro-gressivement le cadre normatif et institutionnel de gestion des finances publiques60. Les règles budgétaires et financières des colonies françaises d’Afrique ont été codifiées au début du xxe siècle, notamment par le décret du 30 décembre 1912 portant régime financier des territoires français d’Outre-mer61. Ce texte a systé-matisé et harmonisé le régime financier applicable aux colonies62 et est resté subs-tantiellement en vigueur jusqu’aux indépendances63.

26. Les régimes financiers d’après les indépendances ont été essentiellement déterminés par les règles héritées de la période coloniale et l’emprunt au modèle français de la Ve République64, à savoir l’ordonnance organique du 2 janvier 1959

59. LEKEMBI Dolivéra, La budgétisation par objectifs dans les pays en voie de développement, op. cit., p. 56.

60. LALUMIÈRE Pierre et CASTAGNÈDE Bernard (dir.), Encyclopédie juridique de l’Afrique, Tome 3 : Systèmes budgétaires, financiers, fiscaux et douaniers, Les Nouvelles éditions africaines, 1982, p. 21 et s. ; DUPRAT Jean-Pierre, « La formation et l’évolution du droit financier en Afrique franco-phone subsaharienne », in Dominique BARDON et Jean DU BOIS DE GAUDUSSON (dir.), La créa-tion du droit en Afrique, éd. Karthala, 1997, coll. Hommes et sociétés, p. 448 et s. ; BATOUN- BA-NGOUE Samuel Théophile, « Démocratisation et processus budgétaire dans les États de la Communauté éco-nomique et monétaire de l’Afrique centrale : le cas du Cameroun », Afrilex, n° 4, 2005, p. 10.

61. DUPRAT Jean-Pierre, « La formation et l’évolution du droit financier en Afrique franco-phone subsaharienne », op. cit., p. 448 et s.

62. L’ensemble des colonies françaises d’Afrique, regroupées par zone régionale (Afrique occi-dentale française (AOF) pour les colonies d’Afrique de l’ouest francophone et Afrique équatoriale française (AEF) pour celles d’Afrique centrale), a été soumis à des régimes budgétaires et financiers identiques aussi bien pour les opérations financières réalisées aux colonies sur le budget de l’État que pour celles relevant du service local.

63. Le décret de 1912 a souvent constitué, jusqu’à une époque relativement récente, la principale source écrite du droit financier de certains États africains. C’est le cas au Bénin par exemple, où il a subsisté jusqu’au vote de la loi organique n°  86-021 du 26  septembre 1986 (ALAYE Grégoire, « Réflexions sur la loi organique béninoise relative aux lois de finances », RBSJA, n ° 8, mai 1987, p. 41 et s. ; TONI Errol, « La loi organique béninoise relative aux lois de finances : 25 ans après », Afrilex, 2e numéro spécial Finances publiques en Afrique, mai 2012, p. 4). De même, les règles du décret de 1912 relatives à la comptabilité publique sont restées longtemps applicables en Côte d’Ivoire.

64. Ce constat vaut quasiment pour toutes les anciennes colonies, même pour la Guinée-Conakry qui a obtenu très tôt son indépendance (2 octobre 1958), et pour laquelle la rupture avec la puissance coloniale était très prononcée. Les rares traits de spécificité consistent généralement dans l’institution d’un ministre des finances, ordonnateur unique du budget de l’État et dans l’importance accordée aux budgets d’investissement et d’équipement par rapport au budget général de fonctionne-ment (DUPRAT Jean-Pierre, « La formation et l’évolution du droit financier en Afrique francophone subsaharienne », op. cit., p. 456 et 458).

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relative aux lois de finances et le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique (RGCP). Les emprunts au système financier français ont parfois conduit à un mimétisme juridique exacerbé65, dont l’une des manifestations est la reprise de la forme de l’ordonnance, à laquelle l’Exécutif français a eu recours au début de la Ve République66. Une pratique développée par certains législateurs, burkinabé et malien notamment, consiste à recourir à des lois ordinaires au lieu d’une loi organique pour fixer les règles relatives aux lois de finances. Si cette pratique n’est pas considérée en droit positif comme contraire à la Constitution67, c’est une loi de nature organique, complétant la Constitution, qui devrait fixer les règles relatives aux lois de finances. L’exigence d’un texte de rang organique se justifie au regard, d’une part, de l’importance de la matière budgétaire, qui « apparaît tout naturellement comme une institution (financière) [méritant à ce titre] d’être traitée par une loi de valeur organique »68 et, d’autre part, de la hiérarchie des normes, qui confère une « place privilégiée »69 au texte relatif aux lois de finances au sein du bloc des lois organiques.

27. La référence au modèle français après les indépendances complexifiait les cadres normatifs du fait de l’hétérogénéité des sources. Les pratiques infor-melles des administrations y occupent une place importante. L’une des pratiques déviantes70 est la dualité des comptes, entraînant parfois une « dualité budgé-taire », du fait de l’éclatement de la structure budgétaire en un budget de fonc-tionnement (ou budget ordinaire) et en un budget d’investissement (appelé budget de développement). La dualité budgétaire se double parfois d’une dichotomie institutionnelle71. Ces pratiques empêchent une gestion et un contrôle efficaces des finances publiques.

65. BOULEY D., FOURNEL J. et LERUTH L., « Comment fonctionnent les systèmes du Tré-sor dans les pays francophones de l’Afrique subsaharienne », Revue de l’OCDE sur la gestion budgé-taire, vol. 2., n° 4, p. 61 et s.

66. Exemples : Ordonnance n° 69-47/PRES/MFC du 18 septembre 1969 portant loi organique relative aux lois de finances en Haute-Volta (actuel Burkina Faso) ; Ordonnance n° 46 bis/PGP du 16 novembre 1960 portant règlement financier en République du Mali. Les textes qui les ont abrogées ont été également influencés par l’ancienne ordonnance française (voir par exemple loi n° 96-060/ANRM du 4 novembre 1996 relative aux lois de finances au Mali ; loi burkinabé n° 006-2003/AN du 23 janvier 2003 relative aux lois de finances).

D’autres pays ont repris l’ordonnance organique sous forme de lois : loi organique n° 59-249 du 31 décembre 1959 modifiée en Côte d’Ivoire ; loi n° 2003-11 du 1er avril 2003 au Niger ; loi n° 75-64 du 28  juin 1975, abrogée par loi organique n° 2001-09 du 15 octobre 2001 au Sénégal ; loi organique n° 89-09 du 5 mai 1989 au Togo (voir YONABA Salif, Les finances de l’État burkinabé, coll. Précis de droit burkinabé, 2006, spéc. note n° 2).

67. Art. 70 de la Constitution malienne du 25 février 1992 ; art. 97 de la Constitution burkinabé du 2 juin 1991 ; Conseil constitutionnel burkinabé, Décision du 28 juillet 2003, Loi n° 006-2003 du 25 janvier 2003 portant loi organique relative aux lois de finances. Sur cette décision, voir le commen-taire de Salif YONABA, « Une nouvelle catégorie juridique en quête d’identité : la loi ordinaire rela-tive aux lois de finances », RBD, n° 43-44, 1er et 2e semestre 2003, pp. 123-140.

68. YONABA Salif, ibidem, p. 129.69. VERPEAUX Michel, « Brèves réflexions sur les rapports entre les lois de finances et la loi orga-

nique relative aux lois de finances », RFFP, n° 97, mars 2007, p. 69 et s. Les lois relatives aux lois de finances sont qualifiées de « Constitutions financières » en raison de leur valeur « quasi-constitutionnelle ».

70. Sur les insuffisances et pratiques déviantes relevées des systèmes financiers des États d’Afrique francophone, voir BOUVIER Michel (dir.), La gestion de la dépense publique dans les pays de l’Afrique francophone subsaharienne (étude réalisée à la demande du Ministère des affaires étran-gères et du Ministère de l’économie, des finances et du développement), avril 2004, 398 p.

71. Deux ministères différents sont généralement institués : l’un chargé du budget de fonctionne-ment (ministère des finances) et l’autre du budget d’investissement (ministère du Plan). La dualité a

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28. La filiation avec le modèle français explique la nature de budget de moyens qui caractérise traditionnellement les systèmes financiers des pays franco-phones africains. Ce système de budget est celui qui a été mis en œuvre par les textes financiers français d’avant la LOLF de 2001. Le budget de moyens est généralement défini par opposition au budget de programme. Selon Jacques Edmond-Grangé, le budget de moyens « ramène le budget à une simple autorisa-tion de dépenser ; [il] met l’accent sur la permanence, la continuité des services publics qui sont dotés de moyens nécessaires à leur fonctionnement, du fait même de leur existence et indépendamment, dans une certaine mesure du moins, des tâches qu’ils ont à accomplir »72.

29. Le budget de moyens fait prévaloir la logique de « l’État administratif »73 dans la gestion des finances publiques. Le budget est davantage perçu comme un ensemble de moyens destinés à assurer le fonctionnement des services publics, l’accent étant mis sur la consommation des administrations. La finalité de la dépense publique repose ainsi sur la couverture des charges publiques générées par le fonctionnement des services. Dans le système du budget de moyens, « un bon budget est un budget qui progresse »74. Cette qualification, quelque peu « cari-caturale », n’en illustre pas moins la logique qui sous-tend ce modèle de gestion budgétaire. Cette conception traditionnelle du budget se retrouve dans la phrase de Gaston Jèze : « il y a des charges, il faut les couvrir », ou encore, dans la formule de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) : « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable […] ». La légitimité du prélèvement fiscal repose donc avant tout sur les charges des administrations publiques qu’il doit permettre de couvrir. Certes, ces dernières remplissent des missions d’intérêt général, mais celles-ci ne constituent pas la préoccupation de premier plan du système de budget de moyens. Elles ne sont prises en compte que lorsque l’on s’intéresse à l’action des administrations publiques, elles n’apparaissent pas clai-rement à travers le budget.

30. Parce qu’il met justement l’accent sur les moyens accordés aux services, il est reproché au système de budget de moyens son manque de rationalité dans l’uti-lisation des ressources publiques. Le déficit de rationalité se caractérise par l’ab-sence de prise en compte des finalités des politiques publiques à réaliser ainsi que des objectifs et résultats à atteindre dans l’action publique75. Les procédures et techniques du système de budget de moyens sont considérées comme sources de

fait parfois l’objet d’utilisations abusives, portant ainsi atteinte à l’unité du document budgétaire et à l’exhaustivité des ressources et des dépenses de l’État (LIENERT Ian, « Une comparaison entre deux systèmes de gestion des dépenses publiques en Afrique », Revue de l’OCDE sur la gestion budgétaire, vol. 3, n° 3, 2003, p. 59 et s.).

72. EDMOND-GRANGÉ Jacques, Le budget fonctionnel en France, op. cit., p. 212.73. LASSALE Jean-Pierre, « De l’État-administratif à l’État stratège », RFFP, n° 73, janvier

2001, p. 88.74. HURSTEL Xavier, « La performance dans le cadre de la LOLF », La Revue du Trésor, n° 7,

juillet 2006, p. 446.75. Comme le souligne Jacques LAUZE, « le budget de moyen suscite des modes d’arbitrage dans

lesquels la finalité des dépenses est perdue de vue. À tous les stades, l’analyse budgétaire est myope. Elle se concentre sur les moyens financiers des services responsables, mais les résultats attendus et constatés sont mal appréhendés » (LAUZE Jacques, « Les grands principes du droit budgétaire d’une loi organique à l’autre », RDP, n°  6, 2001, p.  1727 ; ABATE Bernard, « Faut-il changer la gestion de l’État ? », RFFP, n° 73, janvier 2001, p. 183).

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rigidités et de contraintes, empêchant la recherche d’une meilleure efficacité dans la gestion budgétaire76. De façon synthétique, il s’agit de l’accent mis sur le court terme (importance accordée à l’annualité), de la classification des dépenses selon une logique organique et non en fonction des finalités d’intérêt général, des méthodes d’évaluation empirique des crédits (technique des services votés – mesures nouvelles), du manque de liberté et de responsabilisation des gestion-naires, du contrôle tourné exclusivement vers la vérification de la régularité des opérations financières. Ces caractéristiques du système classique de gestion budgé-taire seraient ainsi sources d’inefficacité dans l’utilisation des ressources publiques.

31. Le manque de rationalité du budget de moyens doit cependant être rela-tivisé car ce type de budget ne comporte pas que des défauts. Fondée sur l’organi-sation administrative et l’objet de la dépense, il facilite, d’une part, l’identification des services destinataires des crédits et, d’autre part, l’exercice du contrôle de l’utilisation des fonds publics77.

32. Afin de remédier au manque (supposé) de rationalité du système de bud-get de moyens, il est fait appel à des techniques de gestion budgétaire tournées vers la recherche de performance. les pays africains étudiés se sont engagés dans cette nouvelle tendance.

SECTION II LA MUTATION DES MÉTHODES DE GESTION

DES FINANCES PUBLIQUES DANS L’ESPACE UEMOA

33. Initiées de manière empirique dans le cadre des réformes de la condition-nalité de l’aide au développement (§1), les techniques orientant la gestion budgé-taire vers la performance n’ont pas réussi à se substituer totalement au système de gestion budgétaire antérieur. Elles n’ont connu de consécration effective qu’avec l’adoption du cadre harmonisé de l’UEMOA en 2009, lequel a permis de relancer le processus de réforme budgétaire (§2).

§ 1. L’EMPIRISME INITIAL DES MÉTHODES DE RATIONALISATION

DE LA GESTION BUDGÉTAIRE

34. L’avènement des techniques de rationalisation de la gestion des finances publiques dans l’UEMOA ne procède pas d’une démarche volontaire, librement choisie et conduite par les États. Elle est le fruit d’une initiative externe, suggérée ou imposée par les bailleurs de fonds dans le cadre de la coopération financière internationale par le biais de l’aide publique au développement (APD)78 (A). Les nouveaux instruments budgétaires ont connu des difficultés d’appropriation (B).

76. TOMMASI Daniel, Gestion des dépenses publiques dans les pays en développement. Un outil au service du financement des politiques publiques. Quelques exemples dérivés du modèle français, p. 17.

77. ANDREANI Edgard, « Une révolution budgétaire ? Le planning, programming, budgeting system », op. cit., p. 215.

78. NOUPOYO Gabriel, « Les nouvelles conditions de la politique budgétaire de sous-zones : études des nouveaux instruments de rationalisation budgétaire, le poids des conditionnalités externes », RFFP, n° 98, juin 2007, pp. 81-100.

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A. UNE IMPULSION INTERNATIONALE

35. L’apparition des nouveaux documents rationalisant la gestion budgé-taire est la conséquence de la désorganisation de l’économie et des finances publiques de nombreux pays africains après les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Face à la détérioration des indicateurs macro-économiques et aux crises de la dette publique79, des Programmes/Plans d’ajustement structurel (PAS)80 ont été proposés et conduits sous l’égide du FMI et de la Banque mon-diale81. La quasi-totalité des pays d’Afrique subsaharienne bénéficiant à l’époque de l’aide au développement a ainsi subi à des dates variables les mesures d’ajuste-ment. Les PAS  n’ont pas atteint les résultats escomptés et leurs conséquences néfastes, surtout en matière sociale, ont été largement critiquées.

36. L’échec des PAS a été à l’origine d’une nouvelle stratégie de lutte contre la pauvreté. La notion de « bonne gouvernance » fait ainsi son apparition, faci-litée par la chute du mur de Berlin, synonyme de la fin de la Guerre froide et du triomphe de l’économie libérale. La politique de conditionnalité des bailleurs de fonds va se réorienter vers l’exigence de bonne gouvernance en matière finan-cière82. Le changement de la politique de l’aide se traduit par la « conditionnalité de performance »83 ainsi que par l’obligation de réforme des finances publiques et des méthodes de gestion84. Ce changement de la doctrine financière internatio-nale trouve particulièrement son écho dans le rapport sur le développement dans le monde de 1997 de la Banque mondiale, consacré au rôle de l’État dans un monde en mutation85.

37. La conditionnalité de performance exige de l’État qu’il intègre les concepts d’efficacité et de performance dans la gestion de l’aide et dans l’ac-tion publique. À la faveur de l’Initiative pays pauvres très endettés (IPPTE) née

79. KODJO Edem, « L’Afrique et la dette », RFFP, n° 12-1985, pp. 27-39.80. Les PAS  transposaient aux pays qui y étaient soumis, les dix principes du « consensus de

Washington », préconisés pour les réformes de finances publiques en crise. Ces mesures se répartissaient en deux catégories, selon qu’elles avaient pour objectif la stabilisation macro-économique ou qu’elles consistaient en des réformes structurelles. Voir DIOUBATE Badara, La Banque Mondiale et les pays en développement.  De l’ajustement structurel à la bonne gouvernance, L’ Harmattan, 2009, coll.  L’esprit économique, p. 89 et s.

81. OUMAROU Boubakari, « La conditionnalité, vecteur juridique de l’assistance financière du FMI », Afrilex, n° 4, décembre 2004, pp. 132-148.

82. CLING Jean-Pierre, RAZAFINDRAKOTO Mireille et ROUBAUD François, « Introduc-tion. Tout changer pour que tout reste pareil », in CLING  Jean-Pierre RAZAFINDRAKOTO Mireille et ROUBAUD François (dir.), Les nouvelles stratégies internationales de lutte contre la pau-vreté, Economica, 2e éd., 2003, pp. 3-6.

83. La conditionnalité de performance est une politique de l’aide au développement dans laquelle « le décaissement est conditionné non plus, comme dans la conditionnalité traditionnelle, par des mesures particulières de politique économique ou sociale, mais par les performances obtenues par les pays dans des domaines convenus d’un commun accord » (GUILLAUMONT Patrick et GUILLAUMONT- JEANNENEY Sylviane, « Une expérience européenne : la conditionnalité de performance au Burkina Faso », Afrique contemporaine, printemps 2004, n° 209, p. 197).

84. Voir le 223-224, 2007/1 de la Revue Afrique contemporaine sur le thème « Réformes des finances publiques africaines », De Boeck & Larcier, 2007, 465 p.

85. The World Bank, World development report  1997 : The state in a changing world, Oxford University Press, 1997, 281 p. Ce rapport reprend l’esprit libéral du « Consensus de Washington », qui repose sur la doctrine du « moins d’État », « mieux d’État » (NZOUANKEU Jacques Mariel, « L’ impact des stratégies et réformes des procédures budgétaires sur la performance des fonctions publiques dans l’espace francophone africain », RFFP, n° 98, juin 2007, p. 102).

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