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HAL Id: hal-03221515 https://hal-amu.archives-ouvertes.fr/hal-03221515 Submitted on 8 May 2021 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License L’esprit de parodie dans l’aire romane (introduction) Perle Abbrugiati To cite this version: Perle Abbrugiati. L’esprit de parodie dans l’aire romane (introduction). Cahiers d’Etudes Ro- manes, Centre aixois d’études romanes, 2020, L’esprit de parodie dans l’aire romane, pp.7-11. 10.4000/etudesromanes.10256. hal-03221515

L'esprit de parodie dans l'aire romane (introduction)

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Page 1: L'esprit de parodie dans l'aire romane (introduction)

HAL Id: hal-03221515https://hal-amu.archives-ouvertes.fr/hal-03221515

Submitted on 8 May 2021

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0International License

L’esprit de parodie dans l’aire romane (introduction)Perle Abbrugiati

To cite this version:Perle Abbrugiati. L’esprit de parodie dans l’aire romane (introduction). Cahiers d’Etudes Ro-manes, Centre aixois d’études romanes, 2020, L’esprit de parodie dans l’aire romane, pp.7-11.�10.4000/etudesromanes.10256�. �hal-03221515�

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L’esprit de parodie dans l’aire romane

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C e n t r e A i x o i sd ’ É t u d e s R o m a n e s

Aix Marseille Université

cahier sd’étudesromanesnouvelle série, n° 40 (1/2020)

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Volume sous la direction dePerle Abbrugiati

Équipe éditoriale de ce numéro

Perle Abbrugiati, Fanny Eouzan, Onorina Savino, ainsi que Hugo Durbano, Guillaume Etandin, Domitilla Giusti, Greta Gribaudo, Thibault Marchisio

Cahiers d’études romanesAix-Marseille Université

Direction

Claudio Milanesi

Comité de rédaction

Perle Abbrugiati, Dante Barrientos Tecún, Pascal Gandoulphe, Gérard Gómez, Stefano Magni, Sophie Saffi

Équipe éditoriale

Perle Abbrugiati, Dante Barrientos Tecún, Estelle Ceccarini, Maud Gaultier, Armelle Girinon, Yannick Gouchan, Michel Jonin, Pierre Lopez, Stefano Magni, Estrella Massip, Claudio Milanesi, Judith Obert, Ilaria Splendorini, Michela Toppano, Daniela Vitagliano, Brigitte Urbani, Claire Vialet

Comité de lecture

Aix-Marseille UniversitéPerle Abbrugiati, Dante Barrientos Tecún, Pascal Gandoulphe, Yannick Gouchan, Gérard Gómez, Colette Collomp, Stefano Magni, Claudio Milanesi, Sophie Saffi, Brigitte Urbani

Autres universitésSilvia Contarini (Université Paris Ouest Nanterre La Défense, CRIX/Études Romanes), Christian Del Vento (Université Paris 3, CIRCE/LECEMO), Andrea Fabiano (Université Paris-Sorbonne, ELCI), Ugo Fracassa (Università Roma Tre), Monica Jansen (Universiteit Utrecht), Christian Lagarde (Université de Perpignan), Stéphanie Lanfranchi (ENS Lyon, Triangle), Dante Liano (Università Cattolica, Milano), Marc Marti (Université de Nice Sophia Antipolis, LIRCES), Alessandro Martini (Université Lyon 3, LUHCIE Grenoble 3), Philippe Merlo (Université Lumière Lyon 2, Passages XX-XXI), Philippe Meunier (Université Lumière Lyon 2, IHRIM), Ana Cecilia Ojeda (Universidad Industrial Santander, Bucaramanga), Matteo Palumbo (Università degli Studi di Napoli Federico II), Nestor Ponce (Université Rennes 2, ERIMIT), Sébastien Rutes (Université de Lorraine, LIS), Niccolò Scaffai (Université de Lausanne), Franca Sinopoli (Università Roma La Sapienza), Arnaldo Soldani (Università di Verona), Mirko Tavosanis (Università di Pisa), Rubén Torres Martínez (UNAM, Universidad Nacional Autónoma de México), Gianni Turchetta (Università degli Studi, Milano), Bart Van Den Bossche (Université de Louvain), Margherita Verdirame (Università di Catania), Christilla Vasserot (Université Paris 3, CRICCAL)

© Cahiers d’études romanes est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Pas de modification 4.0 International

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cahiers d’études romanes40

2020

Presses Universitaires de Provence

Centre aixois d’études romanesCAER EA 854

L’esprit de parodie dans l’aire romane

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© Presses Universitaires de ProvenceAix-Marseille Université

29, avenue Robert-Schuman – F – 13621 Aix-en-Provence cedex 1Tél. 33 (0)4 13 55 31 91

[email protected] – Catalogue complet sur presses-universitaires.univ-amu.fr/editeur/pupfacebook

diffusion librairies : afpu diffusion – distribution sodis

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Sommaire

Perle AbbrugiatiL’esprit de parodie dans l’aire romane 7

Gonaria FlorisParodia del mito nel Furioso e il paradosso di Zenone 13

Isabelle Rouane SoupaultStratégies parodiques dans l’écriture de Cervantès : le cas de la ville de Rome dans le Persiles 33

Théa PicquetMachiavel parodié, Machiavel réfuté : l’Anti-Machiavel d’Innocent Gentillet 51

Alessandro BoscoLisabetta o Bettine? Romanzo, affabulazione e riscrittura nella Storia della mia vita di Giacomo Casanova 65

Enrico LuccheseLe caricature veneziane di Anton Maria Zanetti (1680-1767) 83

Aurélie Gendrat-Claudel« Non vi piace? » Autour de quelques avatars de Lucia : Manzoni autoparodiste 103

Michela ToppanoYambo et Francesca da Rimini : une parodie du théâtre de D’Annunzio, en mots et en images 123

Beatrice SicaI paladini di Calvino, Gianini e Luzzati, e Monicelli: memoria del fascismo, storia delle emozioni, parodia 139

Stefano MagniIl gioco caleidoscopico delle riscritture benniane 155

Judith ObertFantastique et parodie : couple légitime ? 167

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Benoît SantiniRéécritures du Canto General de Pablo Neruda dans l’anthologie Desencanto personal (Chili, 2004) : hommages et/ou parodies ? 187

Andrea CannasIl meraviglioso mondo delle Grandi Parodie Disney e l’inquietante caso del Paperin furioso 205

Giovanni Vito DistefanoFenomeni di ibridazione nelle Parodie Disney di argomento dantesco 229

Martin RingotLe jeu vidéo Dante’s Inferno est-il une parodie ? 255

Brigitte UrbaniOù se déroula la Coupe du monde de football en 1942 ? En Patagonie !… Un film de Lorenzo Garzella et Filippo Macelloni d’après une nouvelle d’Osvaldo Soriano 273

Stefania BernardiniLa Méduse de Vinicio Capossela, ou la parodie du mythe 295

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L’esprit de parodie dans l’aire romane

Perle AbbrugiatiAix Marseille Université, CAER, Aix-en-Provence, France

Il n’y a pas que l’humour anglais. Les pays de langue romane aussi savent sourire. Et s’ils se distinguent dans la comédie ou dans le dialogue philosophique ironique, l’une des tendances qu’ils semblent affectionner, transversale à plusieurs genres, semble bien être la parodie.

Après un long parcours que l’Axe 2 du CAER a maintenant effectué sur l’étude de la réécriture, et qui a donné lieu à rien moins que quinze volumes 1 en treize ans, il était inévitable que l’on s’intéresse à la parodie. À la fois savante et populaire, la parodie suppose la reprise, identique et différente, d’une source parodiée : elle en mettra en évidence les défauts, mais aussi les qualités, en tout cas les propriétés, en les grossissant, en les caricaturant, en les rendant

1 Rappelons qu’au sein des Cahiers d’études romanes le no 20 (2009), intitulé Traces d’autrui et retours sur soi, abordait l’intertextualité avec deux volumes respectivement intitulés Cent fois sur le métier et Jeux, échanges et hommages ; le no 24 (2011), numéro double intitulé L’autre même, proposait une réflexion sur les variations et les variantes avec un premier tome intitulé Varier en vers et un second, Varier en prose et en images ; le no 25 (2012), Réécritures policières, était centré sur le roman noir et ses échanges intertextuels ou intersémiotiques avec d’autres arts ; le no 27, numéro double intitulé Mythes sans limites (2013), s’est consacré dans un premier volume aux Figures mythologiques, dans un second aux Horizons mythiques, complété par le no 29 dont le titre était Oser métamorphoser. Ces volumes ainsi que le présent ouvrage furent le fruit de vingt-sept journées d’études que j’ai eu l’honneur de diriger depuis 2006. Des actes de colloques du CAER ont complété cette série : le numéro spécial de 2007 de la revue Italies, Échos de Tabucchi, permettait d’aborder la riche intertextualité tabucchienne ; le no 16 de la même revue, La plume et le crayon. Italo Calvino, l’écriture, le dessin, l’image, envisageait les liens intersémiotiques entre l’œuvre calvinienne et les arts figuratifs ; les PUP publièrent en 2016 le riche volume Le mythe repensé dans l’œuvre de Giacomo Leopardi. Au préalable, en 2002, le colloque Les belles infidèles avait étudié les productions artistiques réécrivant la Jérusalem délivrée du Tasse (voir les Actes dans le no 13 des Cahiers d’études romanes et le volume paru aux PUP en 2004, Les belles infidèles de la Jérusalem délivrée. La fortune du poème du Tasse xvie-xxe siècles). Voir également infra les ouvrages produits sur les liens entre réécriture et chanson.

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ostentatoires. Plus ou moins bienveillante ou cruelle, elle appelle toujours le sourire, comme but en soi ou comme arme de satire. Comme l’une des formes de réécriture, il était donc nécessaire que le sujet nous arrête un moment : la parodie a donné lieu au CAER à quatre journées d’études depuis 2015 (quatre événements, parfois sur deux jours) et leurs résultats constituent l’un des aboutissements de notre constante attention aux phénomènes par lesquels l’écriture engendre l’écriture.

Entre-temps, l’équipe de l’Axe  2 a élargi ses intérêts : depuis toujours attentive aux pratiques d’écriture, elle a trouvé un intitulé plus conforme à son attention à toutes les formes d’art : « Écriture, réécriture, intermédialité ». L’un de ces arts a fait l’objet d’une initiative doublant les études habituelles, puisqu’a été créé au sein de l’Axe 2 du CAER un programme pluridisciplinaire sur la chanson, nommé « Les ondes du monde », où toutes les disciplines se donnent rendez-vous pour mettre à l’honneur cet art discret mais complexe 2. Or la parodie constitue précisément un pont entre les deux programmes développés par l’Axe 2 : on en veut pour preuve le volume Chanson et parodie (2018), où la chanson de langue romane est à l’honneur 3 et avec lequel le présent ouvrage est en écho 4.

Ici, nous reprenons notre tradition d’ouverture à tous les arts, et, de façon centrale, à la littérature. Ce n’est pas une définition de plus que nous souhaitons donner à la parodie. Cela a été fait plusieurs fois et bien fait, et nous reprenons de façon non polémique les acquis de nos prédécesseurs 5. Si peu polémique que nous n’entrerons que très peu dans le débat de ce qui est ou n’est pas une parodie

2 Voir les multiples volumes de la collection « Chants Sons » des Presses universitaires de Provence, en particulier Perle Abbrugiati (dir.), Réécriture et chanson dans l’aire romane, Aix-en-Provence, PUP, 2017, ainsi que le dernier en date : Perle Abbrugiati et al. (dir.), Cartographier la chanson contemporaine, Aix-en-Provence, PUP, 2019. Cette initiative pluridisciplinaire est le fruit d’une collaboration avec le CIELAM et le LESA, et elle aimante la collaboration de nombreuses universités dans le monde, en particulier lors de la Biennale créée sur le domaine. La notion d’adaptation, en chanson, s’est montrée très fertile au regard de nos travaux sur la réécriture.

3 Perle Abbrugiati (dir.), Chanson et parodie, Aix-en-Provence, PUP, 2018.4 Je me réjouis que la notion de parodie joue un rôle de carrefour, moi qui dans mon parcours

de léopardienne l’ai souvent affectionnée par mes travaux sur les Operette morali et sur les Paralipomeni alla Batracomiomachia –  deux œuvres qui peuvent être considérées comme exemplaires de la relation parodique. Nul hasard, donc, si cette réflexion sur la parodie prend place parmi les étapes marquantes de l’évolution de l’Axe 2.

5 Citons seulement, parmi de nombreuses autres références, Gérard Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Seuil, 1982 ; Daniel Sangsue, La relation parodique, Paris, José Corti, 2007, qui a suivi La parodie, Paris, Hachette, 1993 ; Gino Tellini, Rifare il verso. La parodia nella letteratura italiana, Milano, Mondadori, 2008.

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L’esprit de parodie dans l’aire romane

– certains chercheurs procédant par exclusion, et distinguant à tout prix parodie, satire et caricature, qui sont certes distinctes mais dont le simple bon sens sent bien qu’elles ont partie liée. C’est pour ne pas imposer de définition théorique restrictive que nous partons ici du comment et non du quoi, et que nous intitulons ce volume L’esprit de parodie et non La parodie. Restons-en à l’idée de réécriture, outrancière ou fine, qui ne cherche pas à cacher sa source mais bien à la dévoiler, que ce soit pour lui rendre hommage, pour la critiquer ou simplement pour l’instrumentaliser en vue de la satire d’autre chose. On s’aperçoit alors que l’esprit de parodie, dont nous ne donnons ici que quelques exemples, envahit tous les siècles et tous les genres de la production artistique de l’aire romane, et tout particulièrement italienne, et se prête parfaitement à notre élargissement de perspective en direction de l’intermédialité.

C’est en vertu de l’esprit de parodie que sont nées certaines des œuvres majeures de notre aire, à commencer par celles de l’Arioste et de Cervantès. C’est à son aune que le postmodernisme nous a fait la courte échelle pour changer de millénaire. Entre les deux, le théâtre, le roman, la poésie, le dessin s’en sont donné à cœur joie – et après eux le cinéma, le jeu vidéo, la chanson, et même le documentaire. Nous proposons donc dans les pages qui suivent une promenade savante d’un sourire à l’autre de nos pays latins. On n’y a peut-être pas le détachement du gentleman plein d’humour, mais on y a la dérision du second degré, plus expansive apparemment –  mais attention : une parodie peut en cacher une autre. Et l’esprit de parodie souvent a de l’esprit tout court – car il ne se contente pas de dégrader, de démythifier, de rendre grotesque : il montre qu’il a métabolisé la culture au point d’en faire le socle d’une culture seconde, où l’inventivité n’est pas en reste. Aussi, ne nous y trompons pas : point de démonstration théorique, ici, apparemment – mais dans les plis des considérations sur telle ou telle œuvre, on trouvera des pépites permettant in fine non seulement de se faire plaisir, mais de penser la parodie dans ce qu’elle est toujours : une promenade dans les parages de l’essentiel.

C’est Gonaria Floris (Cagliari) qui inaugure ce quadrille joyeux. Elle montre que la parodie ariostesque a pour substrat la légende et le mythe, ce qui définit ainsi la littérature comme une nécessaire parodie d’un récit fondateur : l’Arioste ne parodie pas seulement les situations archétypales du mythe, mais pose que la littérature ne peut être que parodie du mythos. Isabelle Rouane Soupault (AMU) nous propose d’accompagner à Rome un personnage de Cervantès, Persiles : la version dessillée de la cité des cités apparaît comme un texte testamentaire malgré sa bonne humeur fondamentale. Théa Picquet (AMU) nous montre, en nous présentant l’Anti-Machiavel d’Innocent Gentillet, que son auteur n’était ni gentillet, ni innocent : en proposant une lecture gauchie

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du Prince, il règle ses comptes avec les Florentins qu’il estime être la cause de la Saint-Barthélemy – on se demande alors si c’est l’esprit de parodie qui règne dans ses pages ou l’esprit de revanche, et on voit bien que le vitriol doit être dosé pour que la parodie ne bascule pas dans la détraction pure et simple. Alessandro Bosco (Innsbruck) nous ramène à la littérature en nous faisant passer au genre des mémoires et au xviiie  siècle : il montre que le récit autobiographique de Casanova inclut et se joue de références littéraires qui semblent à ce jour insuffisamment analysées, en particulier la source rousseauiste, dont par endroits il semble avoir pris le contre-pied parodique. Enrico Lucchese (Ljubljana) nous expose des dessins de la même époque, qui narguent les figures contemporaines du spectacle, notamment. En passant au xixe siècle, on se confronte évidemment à deux grands noms pour ce qui est des sources parodiables (ce néologisme ayant l’avantage de contenir le mot diable…) : Manzoni et D’Annunzio, dont le caractère éminemment rhétorique permet évidemment de tirer parti habilement des propriétés de leur écriture ; on suit ainsi les avatars de Lucia (Aurélie Gendrat, Sorbonne Université) et de la Francesca da Rimini dannunzienne à laquelle Yambo ne fait pas de cadeau (Michela Toppano, AMU).

Plus proches de nous, on évalue sous la plume de Beatrice Sica (Londres) la fonction de parodies des chevaliers du Moyen Âge que nous ont offertes Calvino, Luzzati et Gianini, et Monicelli. On inventorie avec Stefano Magni (AMU) les principaux textes où Benni nous a donné le fou rire par ses réécritures de textes bien connus. On pose avec Judith Obert (AMU) l’intéressante question de la compatibilité du fantastique avec la parodie : si l’on peut penser que la peur et le rire ne font pas bon ménage, on verra que trois procédés différents peuvent réconcilier le genre fantastique et la parodie, selon qu’elle soit pratiquée par Benni, Landolfi ou Malerba. Benoît Santini (Littoral Côte d’Opale) nous montre ensuite que la poésie elle-même, sans pour autant être pure versification, peut trouver dans la parodie un terreau possible, les « Novissimi », poètes chiliens, pouvant galvauder le Canto General de Neruda en Desencanto personal.

La dernière partie de l’ouvrage élargit le champ à des genres très contemporains. Andrea Cannas puis Giovanni Vito Distefano (Cagliari) proposent l’analyse des grandes parodies d’œuvres classiques que réalisa Disney Italia. C’est l’occasion pour Andrea Cannas de mettre en évidence une typologie des trois procédés selon lesquels la BD entre en relation parodique avec une œuvre littéraire, avant de s’intéresser à un Orlando furioso qui a pris les traits de Donald, tandis que Giovanni Vito Distefano suit les aventures dantesques de Mickey et autres personnages, toujours attentif à discerner les méthodes employées :

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L’esprit de parodie dans l’aire romane

ces deux articles montrent que les procédés des productions Disney sont proches du fonctionnement du mythe, et proposent des concepts utiles au décryptage de toute parodie graphique. Martin Ringot (AMU) s’intéresse, dans ce sillage dantesque, à un jeu vidéo prétendant nous mener dans l’Enfer de Dante : est-ce une parodie ? Pour une fois la question est permise – on peut penser que cet objet multimédial est une excellente parodie… du jeu vidéo beat’em up – et pourtant Martin Ringot, dont on sent qu’il est conquis par des jeux plus subtils, fait tomber certaines de nos préventions. Brigitte Urbani (AMU), qui ne cesse de nous surprendre, nous fait entrer dans une parodie-canular qui, sous forme de documentaire, met en évidence ce que peut être un documenteur : parodie de reportage sportif ou de documentaire-fiction ? On se demande là aussi si la parodie s’exerce aux dépens d’un sujet ou du support lui-même de la parodie. Enfin, Stefania Bernardini (AMU) nous conduit sur les territoires de la chanson, réalisant parfaitement la symbiose des divers intérêts récents de l’Axe 2 du CAER : la parodie, la chanson et la réécriture du mythe. Son étude de la figure de Méduse dans une chanson de Vinicio Capossela boucle ainsi la boucle qu’avait ouverte Gonaria Floris : le mythe ne cesse d’être le substrat de multiples réécritures, parodiques ou non.

De l’Arioste jusqu’aux troubadours des temps modernes, on n’arrête pas de fréquenter notre culture fondatrice même quand on s’en joue. Peut-être, dans un millénaire qui destitue les valeurs humanistes, est-ce un bon moyen de les faire survivre, d’en faire sentir le besoin, de les inviter, de leur donner l’hospitalité – seuls les pharisiens pensent qu’on s’en moque. Montrer que la culture sait s’autodétruire, c’est aussi montrer que la culture est là, et qu’elle sait et saura s’autoconstruire, s’auto-reconstruire. Aussi un ouvrage sur les parodies n’est-il pas finalement un geste d’autodérision intellectuelle : rien de plus sérieux que de faire place à la culture dans ses dimensions métamorphiques. Et on peut se féliciter que les pays de langue romane aient toujours su sauver sa pétillance, par un esprit de parodie jamais démenti.

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2 018 ) z T r a n s m e t t r e : e n t r e m é m o i r e h i s t o r i q u e e t m é m o i r e c u l t u r e l l e z M a u d G a u l t i e r , P o s t - d i c t a t u r e e t

l i v r e s p o u r e n f a n t s e n A r g e n t i n e . L e d e v o i r d e m é m o i r e z D u n i a G r a s , N o v e l a g r a f i c a y p o s m e m o r i a : R u p a y

( 2 0 0 8 ) y S e n d e r o L u m i n o s o z P i l a r C a l v e i r o , M é m o i r e e t r é s i s t a n c e s . C e q u e n o u s e n s e i g n e n t l e s p r a t i q u e s

c o m m u n a u t a i r e s z D a n t e B a r r i e n t o s Te c ú n , M é m o i r e e t p o é s i e e n A m é r i q u e c e n t r a l e z G r a n d i r à l ’o m b r e d e

l a v i o l e n c e : e n f a n c e e t p o s t m é m o i r e z E r i c h F i s b a c h , E n f a n c e e t m é m o i r e d a n s l a l i t t é r a t u r e d e l a d e r n i e r e

d i c t a t u r e a r g e n t i n e z P a b l o B e r c h e n k o, M é m o i r e i n t i m e e t m é m o i r e h i s t o r i q u e d a n s l e f i l m c h i l i e n . M o n a m i M a c h u c a

( 2 0 0 4 ) d ’A n d r é s W o o d z R a ú l C a p l a n , E c o s d e l o s 6 0 -7 0 e n T r i l o g i a d e l a r e v o l u c i o n d e S a n t i a g o S a n g u i n e t t i

z R e p r é s e n t e r l ’ i n d i c i b l e : é l a b o r a t i o n s e s t h é t i q u e s d u t r a u m a z P i e r r e L o p e z , P é r o u : t r a u m a s e t v i o l e n c e

d ’ É t a t d a n s l e r o m a n G r a n d e s M i r a d a s d e A l o n s o C u e t o z W e r n e r M a c k e n b a c h , L e b o u r r e a u a - t - i l d r o i t à l a p a r o l e ?

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Entre politique, éthique et esthétique

Interroger la mémoire en Amérique latine

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C e n t r e A i x o i sd ’ É t u d e s R o m a n e s

Aix Marseille Université

cahier sd’étudesromanesnouvelle série, n° 41 (2/2020)

1980 à nos jours