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Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe
Les enquêtes sur la victimation et l’insécurité en Europe
Renée ZAUBERMAN
Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe (CRIMPREV). Contrat n° 028300. Action de Coordination du 6e PCRD, finance par la Commission Européenne. Date de début: 1er juillet 2006. Durée: 36 mois. Projet coordonnée par le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS).
www.crimprev.eu [email protected]
Dépôt légal en mars 2008 Imprimer par SNEL (Belgique) N° ISBN 978-2-917565-00-1
GROUPE EUROPÉEN DE RECHERCHE SUR LES NORMATIVITÉS
Immeuble Edison - 43, boulevard Vauban - 78280 Guyancourt - France
Tel : +33 (0)1 34 52 17 30 - Fax : +33 (0)1 34 52 17 32 www.gern-cnrs.com
Cette brochure a été réalisée avec le soutien du Forum Européen pour la Sécurité Urbaine
www.fesu.org – [email protected]
Table des matières
I. Introduction.................................................................................5
1. L’axe Méthodologie et bonnes pratiques ...........................................5
2. L’atelier consacré aux enquêtes sur la victimation et
l’insécurité ........................................................................................7
3. Origines et développement des enquêtes sur la victimation
et l’insécurité....................................................................................8
II. Les pratiques des enquêtes sur la victimation et l’insécurité12
1. le champ.................................................................................... 12
2. Un dispositif concentré ou dispersé...................................... 15
3. Une robustesse variable .......................................................... 19
III. Les usages des enquêtes sur la victimation et l’insécurité 22
1. Enquêtes et politiques publiques ........................................... 23
2. Enquêtes et médias.................................................................. 31
3. Enquêtes et monde scientifique............................................. 31
4. Diffusion & publication.......................................................... 35
Conclusion .................................................................................... 35
Références..................................................................................... 38
Publications ou sites rendant compte d’enquêtes.................... 43
5
Les enquêtes sur la victimation et
l’insécurité en Europe
Renée Zauberman1 Dans le cadre du 6e PCRDT, la Commission européenne a
financé une action coordonnée Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe (CRIMPREV). Cette action coordonnée comprend six axes (workpackages)
thématiques dont l’un est consacré à des problèmes de Méthodologie et bonnes pratiques.
I. Introduction
1. L’axe Méthodologie et bonnes pratiques Il s’agit de recenser les mises en œuvre les plus significatives
d’instruments de connaissance de la délinquance et les usages qu’on en fait. On doit donc
• dresser une cartographie de la situation en Europe, • identifier les bonnes – mais aussi les mauvaises –
pratiques, • spécifier les éléments de comparaison à l’intérieur de la
zone européenne. Le dernier demi-siècle a vu apparaître de nouveaux et
puissants instruments de connaissance de la délinquance. Leur particularité consiste à s’affranchir des données institutionnelles dans lesquelles l’étude du crime s’était traditionnellement enfermée. Non seulement ces instruments ont renouvelé – au moins
partiellement – la connaissance scientifique que l’on avait de la délinquance, mais encore ils peuvent constituer des outils importants d’aide à la décision. Pour autant, leur introduction s’est faite de manière très
variable dans les différents pays d’Europe. En outre, la
1 Chargée de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP, CNRS, Ministère de la Justice, Université de Versailles-St-Quentin).
6
maîtrise de ces instruments est assez inégalement répartie dans la mesure où le nombre de spécialistes confirmés est restreint ; en conséquence, les usages qu’on en fait sont plus ou moins pertinents. Enfin, les utilisateurs non scientifiques n’ont souvent qu’une connaissance limitée des potentialités de ces outils. De la sorte, il y a place dans CRIMPREV pour un axe
(workpackage) dédié à recenser les mises en œuvre les plus significatives de ces méthodes dans les principaux pays européens et l’usage qui en a été fait… dans l’espoir de mettre au point et de diffuser à la fois des états du savoir et des catalogues de bons usages. La responsabilité de l’axe est partagée entre deux pôles
scientifiques, le Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP) français, et un groupe barcelonais, un réseau européen de collectivités locales en matière de sécurité, le Forum européen pour la sécurité urbaine (FESU) et un organisme régional de coordination des programmes locaux de sécurité, Città sicure afin de bien le situer à l’interface du monde scientifique et de celui des utilisateurs. Quatre méthodes ont été sélectionnées
• les enquêtes en population générale sur la victimation et l’insécurité,
• les enquêtes en population générale sur la délinquance auto reportée,
• la confrontation des données d’enquêtes et de celles provenant de sources institutionnelles comme les statistiques de police,
• la recherche d’évaluation des politiques de sécurité. Pour chacune de ces méthodes, on procède selon le même
protocole en cinq phases.
Phase 1 : élaboration d’une grille de rapport, choix d’un rapporteur général chargé de synthétiser les informations recueillies et de rapporteurs – une demi-douzaine par thème – chargés de dresser l’état des savoirs et des usages dans différents pays où la méthode est suffisamment développée. Bien entendu, on ne parvient pas à les couvrir tous compte tenu des problèmes de disponibilité des experts pressentis. On ne vise pas l’exhaustivité, mais plutôt de présenter une sélection raisonnablement représentative de ce qui se fait dans la zone européenne, notamment dans les principaux pays.
7
Phase 2 : rédaction par chaque rapporteur d’un bilan concernant le pays ou la zone dont il est chargé, et circulation de ces documents.
Phase 3 : présentation des rapports et discussion au cours d’un séminaire réunissant les promoteurs de l’axe, le rapporteur général et les rapporteurs.
Phase 4 : rédaction par le rapporteur général d’une synthèse des rapports et des débats.
Phase 5 : validation de ce document par les promoteurs de l’axe et diffusion sous forme d’un fascicule de 50 pages en anglais et en français. 2. L’atelier consacré aux enquêtes sur la victimation
et l’insécurité Nous présentons ici la synthèse des travaux dédiés au premier
volet, celui qui concerne les enquêtes sur la victimation et l’insécurité. L’équipe constituée pour ce premier atelier comprenait : - Mike Hough (King’s College, London) pour l’Angleterre et
Galles, - Lieven Pauwels (RijksUniversiteit Gent) & Stefaan Pleysier
(Expertisecentrum Maatchappelijke Veiligheid KATHO University College associated to the Katholieke Universiteit Leuven) pour les Pays-Bas et la Belgique, - Joachim Obergfell-Fuchs (Kriminologischer Dienst Baden-
Württemberg) pour la République fédérale d’Allemagne, - Amadeu Recasens i Brunet (Universitat Barcelona) pour
l’Espagne et le Portugal, - Giovanni Sacchini (Città Sicure) & Rossella Selmini (Città
Sicure e Università degli studi di Macerata) pour l’Italie, - Philippe Robert (CNRS/CESDIP), pour la France, - Renée Zauberman (CNRS/CESDIP) comme rapporteure
générale. Les rapporteurs nationaux ont reçu du groupe de pilotage de
l’axe une lettre de commande en juillet 2006 et remis leur rapport au début de 2007. Puis un séminaire a réuni promoteurs, rapporteure générale et rapporteurs nationaux pendant trois jours afin de présenter les rapports, de les discuter et d’en tirer des enseignements transversaux propres à nourrir le rapport de synthèse.
8
La synthèse est donc nourrie tant par les rapports nationaux que par les discussions du séminaire. 3. Origines et développement des enquêtes sur la
victimation et l’insécurité Quand la délinquance commence à se constituer comme
problème social – dans l’Europe de la fin de l’Ancien Régime, mettons dans la deuxième partie du XVIIIème siècle – le problème de sa mesure émerge immédiatement et on le traduit spontanément en termes de comptage de l’activité des tribunaux. Dès la période de l’absolutisme des Lumières, l’archiduc Pierre-Léopold prescrit une enquête sur l’activité des tribunaux toscans avant l’adoption de la Leopoldina 2 ; le conseiller Montyon en réalise une autre sur les condamnations dans le ressort du Parlement de Paris3… mais c’est au tout début du XIXème que ces comptages deviennent systématiques. On entreprend, plus ou moins vite selon les pays, de dénombrer les condamnations les plus graves, puis toutes les condamnations, puis les poursuites, enfin les emprisonnements. Le Compte général français de l’administration de la justice4, publié régulièrement à partir de 1827, deviendra, tout au long du XIXème siècle, la référence des débats européens sur la mesure de la délinquance. Cette production statistique a servi à la fois à compter l’activité des tribunaux et à mesurer la délinquance5. Dès le début, cependant, on s’est interrogé sur la pertinence
du second usage : toutes les situations susceptibles d’une qualification pénale parvenaient-elles à la connaissance du juge chargé de déterminer quels cas concrets correspondaient aux incriminations abstraites du droit ? Manifestement pas, pour de multiples raisons. Comment se contenter alors de données qui se bornaient à recenser les cas connus par le juge ou par ses auxiliaires, parquet ou police, chargés de l’approvisionner ? On s'est longtemps borné à supposer que les comptages
2 Da Passano, 1995. 3 Lecuir, 1974. 4 Perrot, Robert, 1989 ; Robert, 1993. 5 Coll., 1998.
9
disponibles ‘représentaient’6 raisonnablement bien l'ensemble des cas qui, pour une raison ou une autre, avaient échappé au juge. Tout au plus a-t-on progressivement tenté de s’attacher en
priorité aux données situées les plus à l’amont possible du processus institutionnel, au motif qu’elles étaient les plus proches de la commission du délit, donc que la déperdition y était moindre. Les enregistrements policiers plutôt que les comptages judiciaires sont devenus, selon le conseil de Thorsten Sellin (1931), la source par excellence de connaissance de la délinquance. Les doutes persistants sur la suffisance de ces comptages
institutionnels pour connaître la délinquance ont cependant conduit à leur chercher des termes de comparaison dans des enregistrements non-pénaux des mêmes événements. Ainsi a-t-on comparé les comptages policiers des homicides à la statistique des causes de décès dont disposent les services sanitaires de tous les pays développés ; ou les statistiques des vols à l’étalage aux calculs de la démarque inconnue, c’est-à-dire de la différence entre un inventaire physique et un inventaire comptable… Cet effort pour trouver dans d’autres secteurs des termes de comparaison aux statistiques pénales a atteint son point culminant dans les travaux sur les coûts du crime, déjà encouragés par la National Commission on Law Observance and Enforcement (1931) dite Commission Wickersham. Cependant, malgré toute l’ingéniosité ainsi déployée, le remède ne pouvait s'appliquer que dans le nombre limité de cas où il s’avérait possible de trouver des termes de comparaison. En outre, il ne permettait souvent que des rapprochements très approximatifs, entre des ordres de grandeur globaux. Pendant ce temps, les statistiques pénales demeuraient le
principal outil de connaissance de la délinquance ; mais les doutes sur leur pertinence enflaient à un moment où les politiques publiques de sécurité perdaient pied face à une montée en puissance sans précédent de la petite délinquance de prédation, concomitante à l’entrée dans la société de consommation7.
6 Au sens où une population restreinte "représente" une population-mère quand elle en reproduit de manière suffisamment fidèle les caractéristiques les plus spécifiques. Dans les années 1840, Quetelet (1848, réed. 1984) a prétendu établir sous certaines conditions cette représentativité des statistiques pénales par rapport à la délinquance commise. 7 Sur cette crise des politiques de sécurité, voy. Robert, 1999.
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Schématiquement, on s'était rendu compte que les chances d'enregistrement d'un événement dépendaient de la propension des victimes à informer les services officiels (reporting ou renvoi), de la priorité que ceux-ci accordaient à sa découverte et de la facilité ou de la difficulté de cette entreprise (visibilité de l'auteur et/ou de son acte), enfin de la disposition et de la capacité de ces institutions à traiter effectivement cette affaire8... de sorte que l'aptitude des comptages officiels à "représenter" les comportements commis est matière empirique et d'ailleurs variable9. Il apparaissait de moins en moins satisfaisant de construire des savoirs sur la délinquance sur des bases si incertaines. Aussi s'est-on finalement résolu à produire des données au
lieu de se borner à emprunter celles des gestionnaires. Comment réaliser des enquêtes à grande échelle sur la délinquance ? Schématiquement, deux démarches ont été successivement tentées : d’abord, interroger des échantillons de population pour savoir qui avait commis telle ou telle infraction ; plus tard, à l'inverse, demander qui en avait été victime. Cette méthode ci d’enquête, les Victimisation Surveys ou
enquêtes de victimation10, a été inaugurée, au cours des années 1960, par des expériences réalisées par Al Biderman, Philip Ennis et Al Reiss Jr pour une Commission présidentielle d’enquête sur le crime, dite Katzenbach (The President's Commission…1967)11. Sa fortune a été ensuite extraordinaire. Aucune autre sorte de recherche sur le crime n'a mobilisé, et de manière durable, autant de spécialistes, de crédits et d'ingéniosité méthodologique. Pour la première fois, la science du crime construisait à grande échelle des bases de données autonomes. Routinisée aux États-Unis depuis les années 1970, en
Angleterre et Galles une décennie plus tard, la production d'enquêtes de victimation s'est aussi intensifiée, à une cadence moins systématique néanmoins et à des degrés variables, dans différents pays de l’Ouest européen... Il existe également,
8 Voy. p. ex. Bottomley, Coleman, 1976 ; Robert, 1977 ; Bottomley, Coleman, 1981. 9 voy. p. ex. Robert, 1991. 10 En français, on doit éviter l’anglicisme victimisation qui est mal construit et lui préférer le néologisme victimation (déjà utilisé i.a. par Balzac dans Le Père Goriot sous la forme victimer). 11 Cantor, Lynch, 2000.
11
depuis la fin des années 1980, un ambitieux programme d'enquêtes internationales de victimation (ICVS) lancé par Jan Van Dijk, Patricia Mayhew et Martin Killias12. Cette sorte d’enquête n’est pas utilisée seulement au niveau national ou supranational. La tendance à la localisation des politiques publiques de sécurité a conduit encore à les mettre en œuvre à des paliers plus locaux. Les nouvelles techniques d'enquêtes ont été mises à contribution pour nourrir les différents "observatoires" locaux, nationaux, voire internationaux. Ceci dit, la pratique des enquêtes sur la victimation et
l’insécurité n’est pas du tout homogène en Europe de l’Ouest ; elle varie, au contraire, considérablement, d’un pays à l’autre, en quantité mais aussi en qualité. Quand bien même il existe de telles enquêtes, l’usage que l’on en fait montre aussi des différences considérables d’un cas à l’autre. Il y a donc une utilité à comparer, à ces deux points de vue, la situation dans un certain nombre de pays européens. Nous ne pouvions pas les retenir tous et tous ne présentent
pas le même intérêt pour le sujet étudié. Nous cherchions par ailleurs des situations contrastées par rapport au recours aux enquêtes sur la victimation et l’insécurité. Nous voulions aussi retenir une gamme de pays correspondant à différentes traditions juridiques et institutionnelles. Nous avons finalement retenu le bloc des pays fondateurs de la CEE à quoi l’on a ajouté l’Angleterre et Galles – où le recours à ces enquêtes est ancien et très développé – et les pays ibériques. Les huit pays examinés forment un ensemble d’un seul tenant qui représente 62% de la population de l’Union dans son format actuel. Ils représentent aussi les quatre-cinquièmes des (dix) pays dont des centres de recherche participent à l’action coordonnée. Nous regrettons seulement de n’avoir pas réussi à introduire dans cette gamme de pays au moins une nation scandinave en raison du développement ancien des enquêtes de victimation dans certaines d’entre elles, ainsi en Suède. En nous inspirant de la grille d’analyse proposée aux
rapporteurs nationaux, nous allons nous attacher d’abord à
12 Van Dijk, Mayhew, Killias, 1990 ; Frate, Zvecic, Van Dijk, 1993 ; Van Dijk, Mayhew, 1992 ; Mayhew, Van Dijk, 1997 ; Van Kesteren, Mayhew, Nieuwberta, 2000 ; une version spécifiquement europénne a été développée en 2005 par l’Institut Gallup avec un financement de la Commission européenne (voy. Van Dijk, Manchin, Van Kesteren, Nevala, Hideg, 2007).
12
décrire la pratique des enquêtes sur la victimation et l’insécurité dans sa diversité. Dans une seconde partie, nous parlerons des usages qui en
sont faits par les différentes catégories d’utilisateurs. Nous n’allons pas tenter un analytique des rapports nationaux – qui sont au demeurant sur le site de l’action coordonnée (www.crimprev.eu) et que l’on projette de publier – mais d’en extraire – à la lumière des discussions en séminaire – des éléments d’intérêt européen commun. II. Les pratiques des enquêtes sur la victimation et
l’insécurité On peut rendre compte de la diversité des pratiques et des leçons qu’il faut en tirer en s’attachant successivement à trois questions : - le champ couvert, des victimations au sentiment d’insécurité ; - le caractère concentré ou dispersé du dispositif ; - le degré de robustesse des enquêtes.
1. le champ La situation est très contrastée selon que l’on s’attache aux
victimations ou au sentiment d’insécurité.
Les victimations
Pour celles-ci, la gamme des évènements couverts est plus ou moins la même partout : atteintes aux véhicules, des vols aux dégradations, cambriolages, vols, agressions, vandalisme. La plupart des enquêtes s’accordent pour distinguer parmi
eux ceux qui atteignent tous les membres d’un ménage ou d’une unité de vie (atteintes aux véhicules, cambriolages) et ceux qui sont plus personnels (vols et agressions) ; toutefois cette distinction a surtout de l’importance pratique pour celles qui prévoient d’interroger plus d’un individu par ménage. Évidemment, ces sortes d’évènements sont couverts de
manière plus ou moins détaillée :
13
• si la plupart des enquêtes distinguent les vols de véhicules de ceux d‘objets ou d’accessoires13, tous en revanche ne s’attardent pas aux dégradations ; certaines explicitent le cas des deux-roues, dans d’autres cas, on ne sait pas clairement s’ils sont pris en compte.
• Des enquêtes se limitent aux cambriolages du domicile, d’autres incluent ceux en d’autres lieux (comme la résidence secondaire ou le local professionnel).
• Certaines distinguent une grande variété de vols généralement selon le lieu de sa survenance tandis que d’autres sont plus succincts.
• Enfin, le vandalisme n’est pas toujours pris en compte ou seulement partiellement.
• Les agressions constituent la catégorie qui pose le plus de problèmes en raison de la grande diversité des situations que l’expression peut recouvrir ; le problème essentiel est celui des agressions sexuelles14 ou de celles par un proche qui peuvent être passées sous silence, incluses explicitement dans le questionnement sur les agressions ou bien encore faire l’objet d’interrogations autonomes. Avec une question générale sur la victimation violente, on ne sait jamais si les enquêtés prennent en compte ces violences particulières. Un questionnement spécifique, en revanche, donne le plus de chances de voir les voir apparaître. Les réticences qui accompagnent souvent leur confession entraînent parfois l’adoption de dispositifs particuliers : l’enquête téléphonique est souvent présentée comme plus discrète que celle en face-à-face sauf à user pour cette dernière d’une procédure CASI (l’enquêteur donne son ordinateur à l’enquêté en lui demandant de noter lui-même la réponse).
Ces variations ont d’importantes conséquences : les évènements que l’enquête essaie de saisir sont souvent d’importance mineure et situés dans un passé plus ou moins lointain ; l’expérience a montré que leur remémoration est davantage stimulée par des interrogations détaillées que par des questions trop générales. Cependant un excès de détails
13 Ce n’est toutefois pas le cas des enquêtes nationales françaises sur les conditions de vie des ménages. 14 Évidemment, les enquêtes spécialisées dans les violences faites aux femmes détaillent généreusement les sortes de victimations à dimension sexuelle.
14
factuels lasse l’enquêté et diminue la fiabilité de ses réponses. Par ailleurs, le souci de la taille optimale du questionnaire oblige souvent à restreindre les interrogations sur les répercussions subjectives des victimations qui fournissent pourtant une information précieuse, ou encore celles sur le cadre de vie dont on a souvent noté l’importance pour comprendre le niveau des victimations et leurs répercussions. Toutefois – outre qu’on observe un mouvement de
standardisation des questions de victimation15 – la gamme des évènements susceptibles d’entrer dans ce type d’enquête ne peut être beaucoup étendue. Certes, quelques rapports mentionnent des tentatives pour étudier les vols dans les petits établissements commerciaux, certaines fraudes, des victimations touchant la consommation ou la vie des affaires, sans omettre les multiples incidents de la vie scolaire que les enquêtes spécialisées détaillent généreusement… mais ces essais d’élargissement – qui se heurtent parfois à de sérieux obstacles de formulation – ne vont pas très loin. On se heurte vite à une double barrière difficilement franchissable : - il faut pouvoir formuler les victimations dans un langage qui
ait des chances d’être compris par tous les enquêtés à peu près de la même manière ; - surtout, il faut que quelqu’un soit susceptible de se
considérer comme directement victime de l’infraction, ce qui n’est pas le cas pour la délinquance sans victime ou à victimation indirecte16. Si l’étendue des cas de victimations susceptibles d’entrer dans
les enquêtes est à peu près claire, si la standardisation de ces interrogations n’est pas hors d’atteinte17, en revanche, la situation est beaucoup plus confuse pour l’insécurité.
L’insécurité
Toutes les enquêtes de victimation comprennent aussi des questions sur l’insécurité, mais il existe, dans la plupart des
15 Voy. p. ex. le rapport Obergfell-Fuchs (2007) pour l’Allemagne. 16 Ni d’ailleurs quand la victimation fait disparaître la victime comme dans le cas de l’homicide réussi. 17 Toutefois, la balance entre questions de fait et questions d’opinion peut beaucoup varier au sein d’un même module de victimation, selon que l’on s’intéresse davantage à ‘mesurer’ en détail ou à analyser le vécu des victimations pour les victimes.
15
pays sous examen18, beaucoup d’autres sondages spécialement dédiés à ce dernier thème. Ils sont moins compliqués à bâtir que les premières, moins coûteux aussi ; enfin, ils ne concurrencent pas les formes traditionnelles de mesure de la délinquance et ne suscitent donc pas de réticences de leurs gestionnaires. Pour autant, cette abondance n’est pas synonyme de richesse d’information. La plupart des rapporteurs ont émis des appréciations très critiques sur ces investigations. D’une part, les questions utilisées sont très peu standardisées
et l’on peine souvent à peser leur signification. D’autre part, même pour les questions standardisées, la
réflexion sur l’insécurité n’a pas progressé suffisamment pour que l’on soit au clair sur le sens des réponses obtenues. Au Royaume-Uni, des travaux conséquents19 ont récemment
remis à plat tout ce domaine et l’on peut relever encore d’importantes recherches aux Pays-Bas et en Belgique20 et une vive controverse en Allemagne21. Un énorme effort doit être accompli si l’on veut qu’à la
multitude des sondages sur l’insécurité corresponde un réel effet de connaissance.
2. Un dispositif concentré ou dispersé Bonne image de la diversité des situations en Europe, les pays
examinés dans le séminaire de CRIMPREV disposent parfois d’un dispositif dominé par l’hégémonie d’une enquête, parfois au contraire un tableau beaucoup plus éclaté, enfin une série de cas intermédiaires. Les Pays-Bas, la Belgique et l’Angleterre et Galles
représentent bien une extrémité de cette palette. Si le rapporteur anglais mentionne bien quelques expériences locales22 – dont les répercussions ont souvent été notables tant dans le débat public que dans l’avancement des connaissances scientifiques – elles sont peu nombreuses, souvent anciennes
18 Voy. p.ex. les rapports Sacchini & Selmini (2007) pour l’Italie, Robert (2007) pour la France, ainsi Recasens, (2007) pour les deux pays ibériques. 19 Voy. p.ex. dans une très longue liste Ditton, Farrall (2000) ou Jackson, 2005. 20 Jackson, 2005 ; Pauwels, Pleysier, 2005 ; Pleysier, Pauwels, Vervaeke, Goethals, 2005 ; Venderveen, 2006. 21 Rapport Obergfell-Fuchs (2007) pour l’Allemagne. 22 Sparks, Genn, Dodd, 1977 ; Smith, 1985 ; Kinsey, 1984 ; Jones, Maclean, Young, 1986.
16
et le British Crime Survey (BCS) du ministère de l’Intérieur (Home Office Research, Development and Statistics Directorate) occupe une position de plus en plus hégémonique. Aux Pays-Bas, deux dispositifs nationaux – celui du Bureau central des statistiques qui a succédé depuis 1980 aux expériences du service de recherche du ministère de la Justice et surtout l’énorme Politiemonitor Bevolking (PMB) du ministère de l’Intérieur, né en 1993 – dominent d’autant plus le champ qu’ils sont déclinés à tous les niveaux du national au local. Leur fusion programmée va vraisemblablement encore renforcer leur hégémonie. À une moindre échelle, la situation est très comparable en Belgique : aux expériences locales pilotées par les Universités de Gent et Liège a succédé un (gros) Moniteur de sécurité du ministère de l’Intérieur, décalqué sur son homologue néerlandais et décliné aux niveaux fédéral et local23. On devrait rattacher à ce modèle le cas italien : l’essentiel des enquêtes de victimation est réalisé par l’Istituto nazionale de statistica (ISTAT), mais en fait le dispositif est plus récent et beaucoup moins solidement établi ; il ne correspond pas à l'investissement d'un acteur central qui serait en position hégémonique puisque seules quelques régions – principalement Emilia-Romagna à travers Città sicure – et quelques villes ont réellement investi le champ et qu'elles sont les seules réelles utilisatrices des enquêtes. À l’inverse, les enquêtes fédérales sont rares en Allemagne et
sporadiques24 et l’essentiel se trouve au niveau urbain à l’initiative soit d’instituts de recherche soit plus récemment de gouvernements locaux dans le cadre de la gestion de leurs programmes de prévention et de sécurité. On ne signale, au niveau de l’Estado central espagnol, que quelques tentatives anciennes du Centro de investigaciones sociologicas (CIS) pour réaliser des enquêtes de victimation, alors que la ville de Barcelone a développé depuis 1983 un dispositif d’enquêtes annuelles qui a été élargi à partir de 1999 à toute la Catalogne. Au Portugal, les essais entrepris par le ministère de la Justice au début des années 1990 ne semblent pas avoir prospéré ; ce sont les participations à l’ICVS qui y tiennent désormais lieu
23 Au moins à celui des communes qui ont signé avec le ministère fédéral de l’Intérieur un contrat de sécurité. 24 Souvent liées à la réunification et à un souci de comparaison entre anciens et nouveaux Länder ou encore à des populations spécifiques, comme les femmes.
17
d’enquêtes nationales. Un dispositif d’enquêtes a été développé par un Observatorio permanente de Segurança géré par l’Université pour la municipalité de Porto25. La situation française est intermédiaire : après l’expérience
isolée d’une enquête nationale d’initiative scientifique au milieu des années 1980, l’Institut national de la statistique et des enquêtes économiques (INSEE) développe depuis le milieu des années 1990 une enquête annuelle sur les conditions de vie des ménages qui contient un module sur la victimation ; il a été récemment considérablement bouleversé et remodelé à l’initiative du ministère de l’Intérieur. Mais ce dispositif n’est guère en situation hégémonique : on relève l’existence d’enquêtes nationales thématiques souvent plus robustes (quoique moins régulières) ; il existe encore un important dispositif régional à passations régulières en Île-de-France et un nombre non négligeable d’enquêtes locales (dont les perspectives de développement ne sont pas encore claires). En fin de compte, la gamme des enquêtes de victimation qui
apparaît dans les pays sous examen peut se résumer ainsi • des enquêtes générales
o nationales o régionales, o locales ;
• des enquêtes thématiques concernant des populations particulières (jeunes, femmes…)
Évidemment, la gamme entière n’est pas présente dans tous les pays sous examen. Il faut tenir compte du fait que certaines enquêtes nationales sont construites de manière à assurer une représentativité régionale ou locale, soit directement – comme c’est désormais le cas pour le BCS dont les résultats doivent être représentatifs pour chaque circonscription de police ou pour les moniteurs de sécurité néerlandais et belge – soit par grossissement optionnel de l’échantillon (au bénéfice de certaines régions ou de certaines villes) comme dans les enquêtes de l’ISTAT. L’EUICS prévoit un grossissement automatique pour les capitales des pays inclus dans la campagne. Il faut y ajouter l’enquête internationale (ICVS) qui a couvert,
suivant les campagnes un nombre variables de pays26. La lecture des rapports nationaux montre un très faible usage des
25 Agra, Quintas, Fonseca, 2001 ; Agra, Queiros, 2007. 26 Certaines fois, seules des villes d’un pays on fait l’objet de l’enquête.
18
ces enquêtes internationales essentiellement en raison de la faiblesse des échantillons qui ne peuvent pas entrer en concurrence avec les enquêtes nationales. Les Pays-Bas font exception : l’intérêt montré aux enquêtes internationales est probablement dû au rôle central joué par ce pays et par Jan Van Dijk dans la création de l’ICVS. Une version spécifiquement européenne (EU ICS) a été développée en 2005 par l’Institut Gallup avec un financement de la Commission européenne. Avant même, on trouve des éléments sur la victimation et l’insécurité dans l’Eurobaromètre (44.3) de 1996 et dans les European Social Surveys de 2002, 2004 et 2006. On découvre derrière cette variété de dispositifs des
modalités variables de financement. Généralement, elles se situent pour l’essentiel au niveau de
l’État national : le plus souvent, ministère de l’Intérieur (en Angleterre, aux Pays-Bas, en Belgique, en France récemment), quelquefois ministère de la Justice (aux Pays-Bas et en France initialement, au Portugal), ministères thématiques pour des enquêtes thématiques (en Allemagne, en France, en Espagne, en Italie pour les femmes), dans certains cas institut national de statistique (en France et en Italie). On relève aussi des contributions non négligeables de gouvernements régionaux ou locaux (France, Catalogne, Belgique, Angleterre initialement, Allemagne, Portugal) et enfin par des agences de financement de la recherche (en Allemagne, en Angleterre, en France initialement). À l’arrière-plan de ces questions de financement, on découvre
le coût élevé d’enquêtes qui requièrent des échantillons importants pour éviter des intervalles de confiance démesurément ouverts surtout dans les cas de victimations rares. Si les gouvernements nationaux et même régionaux peuvent assumer de tels coûts sans grande difficulté, la charge s’avère souvent lourde pour des communes ou agglomérations – à l’exception toutefois de Barcelone qui a financé une enquête annuelle depuis plus de vingt ans. L’importance des coûts a deux sortes de conséquences : d’une part, ils peuvent freiner le recours de gouvernements locaux qui en éprouvent pourtant le besoin aux enquêtes de victimation ; d’autre part, la position hégémonique d’administrations étatiques ou régionales peut les incliner, dans certains pays, à freiner la mise à disposition des données à la communauté scientifique ou à filtrer les bénéficiaires.
19
En revanche, les enquêtes spécifiquement consacrées à l’insécurité, moins coûteuses connaissent une gamme beaucoup diversifiée de commanditaires, incluant même des médias ou des instituts de sondages.
3. Une robustesse variable
Divers critères peuvent ici être envisagés : l'échantillon, l'instrument, le mode d'administration, la période observée.
L'échantillon
Plus il est important, moins les intervalles de confiance seront ouverts et plus les résultats seront dignes de foi. De ce point de vue, le Politiemonitor Bevolking (PMB) constitue probablement un sommet avec ses 88 000 enquêtés (pour une population de 16 000 00027), mais la BCS anglo-gallois atteint aussi un niveau élevé surtout depuis qu'il est passé à 47 000 enquêtés (pour une population de 53 000 000) ; il en va de même pour le moniteur de sécurité belge (40 000 enquêtés pour une population de 10 000 000) ou pour l'enquête catalane (environ 14 000 pour une population de 6 000 000) et même les enquêtes de l'ISTAT italien (20 000 ménages résultant en 60 000 enquêtés28 pour une population de 58 000 000). En France, au contraire, les échantillons des enquêtes de l'INSEE sont assez faibles (6 000 ménages donnant quelques 11 000 enquêtés pour une population de 59 000 000 en France européenne). L'intervention récente du ministère de l'Intérieur n'a accordé qu'une priorité limitée au grossissement de l'échantillon (en passant à quelque 13 000 ménages et 26 000 enquêtés) préférant concentrer ses efforts sur le bouleversement du questionnaire. C'est du côté des enquêtes régionales en Île-de-France (11 000 ménages et individus pour une population de 11 000 000) et des Baromètres Santé (30 000 pour l’édition 2005) que l'on trouve les échantillons de taille suffisante.
27 Dans la pureté des principes, on devrait faire abstraction des classes d’âge qui ne sont pas soumises à enquête. Comme il s’agit toujours à peu près des mêmes (les moins de 14 ou 15 ans) et que leur part ne diffère pas beaucoup d’un pays à l’autre, on peut se contenter des populations globales comme indicateur approché. 28 Outre les grossissements commandés par quelques régions (11 000 pour l'Emilia Romagna).
20
L'instrument
Comme déjà signalé les questions d'insécurité sont
considérées comme globalement peu satisfaisantes. Pour la victimation, tout dépend de l'ampleur de l'étendue des interrogations : en général, les enquêtes interrogent sur les circonstances de l'évènement et sur le renvoi opéré ou non par la victime29. Les répercussions – surtout subjectives – de la victimation sont incluses moins systématiquement et plus ou moins habilement. La qualité de l'instrument repose aussi finalement sur la
capacité à arbitrer entre deux impératifs contradictoires : l'interview ne doit pas durer trop longtemps pour ne pas excéder l'enquêté ; et pourtant le questionnaire doit non seulement détailler les informations factuelles mais encore faire suffisamment de place aux informations plus subjectives sur le vécu de l'incident et sur son contexte, (par exemple sur les caractéristiques et les problèmes du quartier), toutes informations sans lesquelles l'exploitation de l'enquête se réduit à d'arides dénombrements finalement peu instructifs .
Le mode d'administration
L'envoi d'un questionnaire par la poste – modalité la moins coûteuse – ne semble répandue qu'en Allemagne où maintes enquêtes ont été réalisées par des instituts universitaires disposant de faibles moyens. Son principal inconvénient tient dans le taux de réponse : non seulement, il est faible, mais encore il est réparti de manière variable dans les différents segments de la population. L'interrogation en face à face – de plus en plus souvent avec
assistance d'un ordinateur (CAPI) – constitue la modalité la plus coûteuse. Le Home Office y recourt, également l'INSEE, l'une des enquêtes nationales néerlandaises et certaines enquêtes allemandes (celles qui disposent de financements suffisants). Leur qualité dépend de celle du réseau d'enquêteurs que l'on peut utiliser. La multiplication des dispositifs anti-intrusion au domicile est signalée par le rapport
29 Si la plupart des enquêtes s'intéressent – avec plus ou moins de détail – au renvoi à la police, celui en direction d'autres intervenants (assurance, services de santé, fournisseurs d'équipements de sécurité…) est moins systématique.
21
anglais comme constituant une gêne de plus en plus significative. C'est la passation par téléphone – avec assistance
informatique (CATI) – qui se répand le plus – en Écosse, en France pour les campagnes régionales et locales et pour la plupart des enquêtes thématiques nationales, en Catalogne, en Italie, en Belgique, pour le Politiemonitor Bevolking néerlandais, au Portugal). Son succès tient essentiellement à une économie consistante par rapport au face à face. En revanche, elle est menacée – sinon par le développement des abonnements en listes protégées qu'il est facile de contourner en tirant des numéros au hasard – par la multiplication des ménages ne possédant que des téléphones mobiles (dits portables exclusifs30). Les enquêtés sont en effet tirés sur des listes d'abonnés au téléphone fixe et il n'existe pas de listes semblables pour les mobiles. La constitution d'échantillons complémentaires de portables exclusifs tirés au hasard n'est pas absolument impossible31, mais elle se heurte à beaucoup de limitations. En outre, le téléphone mobile ne permet que des entretiens beaucoup plus brefs que ceux menés par des téléphones fixes. Il faut encore mentionner que les enquêtes sur la victimation
des étudiants ou des scolaires sont généralement administrées en salles de classe sous forme d'un questionnaire papier qui est rempli sous le contrôle des responsables de l'enquête et/ou des enseignants. Ici, le principal problème tient à l'autorisation parentale qui est souvent considérée comme un préalable nécessaire, surtout pour les scolaires les plus jeunes. Une méthode analogue – sans les mêmes problèmes d'autorisation naturellement – est utilisée pour les enquêtes liées au service militaire (en Suisse) ou à la journée de préparation d'appel à la défense (enquêtes ESCAPAD en France), mais l'abandon progressif des armées d'appelés au profit de professionnels ne permet pas d'envisager un grand développement de ce cas de figure. Les rapports anglais et allemand attirent l'attention sur
l'inquiétante dégradation des taux de réponse : le BCS est
30 Le rapport belge estime leur proportion à 15% des ménages (analogue à ce qui est avancé pour la France ; voir aussi, dans le cadre de l’EUICS, Hideg, Manchin, 2005). Plusieurs études spécifiques (Pleysier, Vervaeke, Goethals, 2006 ; Beck, Arwidson, Firdion, Jaspard, Grémy, Warszawski, 2001 ; Beck, Legleye, Peretti-Watel, 2005) ont surtout mis l'accent sur les particularités de ces portables exclusifs (plus jeunes, plus diplômés…). 31 Guilbert, Gautier, 2006.
22
parvenu à le maintenir à 75% dans la dernière décennie mais la multiplication des sondages en tous genres finit par lasser la population sollicitée. S'ajoutent d'ailleurs à cette difficulté d'autres obstacles propres à tel ou tel mode d'administration comme la multiplication des ménages dépourvus de téléphones fixes ou la prolifération des dispositifs empêchant de pénétrer dans les résidences. À ce propos, le rapport allemand remarque que les quelques rares enquêtes téléphoniques conduites dans le pays n'ont pas donné des taux de réponses supérieurs aux taux moyen de ses enquêtes postales. À vrai dire, le problème crucial n'est pas tant celui du taux de réponse que celui des biais suscités par des non-réponses inégalement répartis32 : l'apparent maintien d'un taux constant de réponse masque par exemple en Angleterre et Galles une chute localisée précisément dans les zones à fort taux de criminalité33.
La période observée Moins la période observée est longue, moins se posent des
problèmes de perte de mémoire ou de télescopage temporel et donc plus les résultats sont solides. La période standard est de une année (Angleterre et Galles,
Catalogne, Pays-Bas, Belgique, Italie, Allemagne), quelquefois en concurrence avec des durées plus étendues, comme trois ans, cinq ans ou la vie entière (Allemagne, ICVS, Italie) notamment dans des enquêtes sur populations spéciales. En France, toutefois les enquêtes de l’INSEE interrogent sur deux ans et les enquêtes régionales et locales généralement sur trois ans. Enfin, la qualité des enquêtes tient beaucoup à la capacité des
commanditaires à s’assurer le concours de scientifiques compétents. Ce point sera envisagé dans la partie suivante où l’on traitera des différents usages des enquêtes de victimation.
III. Les usages des enquêtes sur la victimation et
l’insécurité
32 Pauwels, Pleysier, 2007. 33 Hough, 2007.
23
Quant aux usages qui sont faits de ces enquêtes, on peut envisager d’abord ceux qui se situent dans le registre des politiques publiques, ensuite ceux qui concernent les media, puis ceux qui se déroulent au sein du monde scientifique. Auparavant, il faut dire un mot de la diffusion des résultats et de leur publication.
1. Enquêtes et politiques publiques La gamme des mobilisations des enquêtes dans l’aide à la
décision et l’évaluation des politiques publiques est extrêmement ouverte. On peut les classer du plus au moins. Elle est systématique en Angleterre et Galles : non seulement, le BCS semble être devenu la référence ordinaire pour mesurer la délinquance, mais encore ses résultats sont utilisés systématiquement à l’appui de la politique d’évaluation des politiques développée par le gouvernement travailliste à la suite par exemple du Crime and Disorder Act de 1998. On en extrait des indicateurs de niveau de la délinquance, de confiance dans la police et la justice, de satisfaction des victimes et des témoins. Le tableau 1 – emprunté au rapport de Mike Hough (2007) pour l’Angleterre et Galles – montre l’importance des indicateurs empruntés au BCS (en italiques) dans l’évaluation du respect des objectifs des politiques publiques de sécurité.
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Ceci est encore plus vrai à partir du moment où l’échantillon
a été augmenté de manière à assurer la représentativité de l’enquête au niveau de chaque service régional de police (ensuite du Police Reform Act de 200235). Certains analystes36 ont même cru pouvoir déceler une certaine tension entre cette culture gestionnaire qui impose une grille d’indicateurs très centralisée et un style de gouvernement ‘à distance’ qui laisse beaucoup de marge de choix aux acteurs locaux. Le rapport anglais mentionne aussi plusieurs cas d’influence
directe de résultats d’enquêtes sur le débat et les politiques publiques. Les deux enquêtes de Merseyside et Islington ont nourri la résistance des municipalités travaillistes à la politique de sécurité des Conservateurs et, à plus long terme, contribué à forger la politique pénale du Labour. L’enquête du Policy Studies Institute a alimenté le débat sur la doctrine d’emploi de la police londonienne. La découverte du rôle emblématique de certains délits (signal crimes) dans la production de la peur du crime semble avoir retenu l’attention de hiérarques policiers et, à travers eux, de responsables politiques, et contribué à la définition de programmes spécifiques. Au Benelux, la situation est un peu comparable à celle du
BCS en moins systématique : en Belgique, le moniteur de sécurité est lié explicitement aux contrats locaux de sécurité passés entre l’État fédéral et des communes ; quant au Politiemonitor Bevolking, il constitue une part intégrante de l’organisation policière. En Catalogne, l’enquête fait partie du plan statistique de la
Generalitat, mais son usage concret ne semble pas clair. L’Ajuntament de Barcelona en a clairement usé dans une première phase pour s’imposer comme le seul acteur disposant d’informations précises sur la sécurité dans l’agglomération et pour déterminer les priorités de sa politique de sécurité. Dans une phase plus récente, son usage concret semble moins évident. Quant à l’Estado central, il n’a pas semblé investir la production de ce type de données, se contentant d’enquêtes, d’ailleurs peu systématiques, sur l’insécurité. En France, c’est très récemment que les résultats des enquêtes
nationales ont été intégrés dans des observatoires nationaux comme celui sur les zones urbaines sensibles (ONZUS) et plus encore celui sur la délinquance (OND). Toutefois, il semble bien qu’ils y tiennent en fait la place assez secondaire d’un partenaire junior par rapport aux statistiques de police. Les
35 Hope, 2005. 36 Voy. p. ex. Crawford, 2001.
30
enquêtes régionales d’Île-de-France figurent dans un observatoire à la disposition du Conseil régional dont l’usage n’est pas bien connu. Quant aux enquêtes locales, elles ont souvent été commanditées pour intégrer des observatoires locaux naissants ; mais leurs responsables – habitués à manier surtout des comptages administratifs provenant de la police, de l’école, de l’habitat social, du service d’incendie etc. – ne parviennent pas facilement à utiliser des données aussi différentes que des résultats d’enquêtes en population générale. On ne relève pas d’impact notable des enquêtes sur les
politiques publiques en Allemagne… sauf parfois – note sarcastiquement le rapporteur – pour justifier des mesures d’économie. Il faut cependant noter que la plupart des enquêtes locales récentes ont été commanditées par des autorités municipales à l’appui de programmes de prévention et de sécurité, sans que l’on en connaisse bien l’usage concret. En Italie, enfin, aucun usage n’est relevé au niveau de l’État,
mais certaines régions (principalement Emilia Romagna qui s’est dotée d’un outil d’étude spécifique avec Città sicure) et quelques municipalités (notamment Modena, Bologna) utilisent assez régulièrement les suréchantillons régionaux ou locaux qu’elles demandent à l’ISTAT. En résumé, les États nationaux et certaines régions (comme
Catalunya, Emilia Romagna, Île-de-France) intègrent – plus ou moins – les enquêtes dans des dispositifs de pilotage des politiques de prévention et de sécurité. C’est aussi le cas d’un certain nombre de villes et
d’agglomérations, mais cette fois avec beaucoup plus d’incertitudes, à la fois sur le financement – qui semble supporté facilement depuis un quart de siècle par Barcelone, mais qui pèse lourdement sur d’autres budgets – et aussi sur les capacités à intégrer ce type d’indicateurs. Certains rapporteurs (Allemagne) semblent sceptiques sur le développement des enquêtes à ce niveau de gouvernement ; d’autres au contraire l’estiment assuré. On peut citer le cas du moniteur de sécurité belge dans les villes sous contrats de sécurité, mais cette fois avec un pilotage et un financement par l’État fédéral. Il semble bien qu’à long terme la fortune de telles enquêtes locales suppose une participation de gouvernement régionaux ou nationaux au financement et aux techniques de mise en œuvre de ces enquêtes. Toutefois, une telle participation suppose des choix : il faut pouvoir
31
déterminer quelles localités en bénéficieront et selon quels critères, question d’autant plus épineuse que les communes les plus touchées par la délinquance sont souvent les plus démunies de ressources pour financer des enquêtes. En revanche, les enquêtes thématiques sur populations
spéciales – la violence contre les femmes, les jeunes, particulièrement les scolaires – semblent recevoir partout un écho et ont souvent des répercussions notables, comme on le voit pour les trois enquêtes espagnoles sur la violence contre les femmes. De même, le rapport allemand, souligne l’important écho des enquêtes sur les violences scolaires dans les milieux pédagogiques et parmi les gestionnaires éducatifs.
2. Enquêtes et médias Il est assez difficile de se faire une idée globale de l’écho des
enquêtes dans les médias à travers les différents pays sous examen. Il semble très lié à l’actualité : si une enquête tombe à un moment où l’insécurité est en débat – ainsi lors d’une campagne électorale, au moment d’un incident spectaculaire (comme des violences scolaires graves) – ou sur un thème sensible – comme les violences faites aux femmes – elle peut bénéficier d’une couverture importante. Mais il semble que cette attention soit plutôt fugace et sporadique que systématique. La situation diffère aussi selon l’enquête de victimation est
devenue le moyen ordinaire d’information sur la délinquance ou qu’elle est encore secondaire par rapport aux statistiques de police. Dans le premier cas, on se tourne vers elle beaucoup plus fréquemment que dans l’autre.
3. Enquêtes et monde scientifique À ce point de vue encore, la situation est très variable selon
les pays. En Allemagne, non seulement un grand nombre d'enquêtes
sont d'origine scientifique, mais encore un dispositif sans forte implication universitaire semble inimaginable à tel point qu'une des raisons qui aurait retardé la mise sur pied d'une enquête nationale régulière serait la difficulté à déterminer quel institut scientifique en serait le pilote.
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En Belgique et aux Pays-Bas, elle semble également forte : non seulement ce sont des centres universitaires qui avaient initié les premières, mais encore on relève un nombre important de thèses qui procèdent à des analyses secondes des données d'enquête. Il est remarquable que le commanditaire, la Police fédérale belge, réserve des crédits spéciaux pour encourager les universitaires à travailler sur ce type de données37. En Angleterre et Galles, non seulement les enquêtes locales
ont été d'origine universitaire, mais encore de très importantes analyses secondes ont été menées à bien par des équipes scientifiques recevant données et financement du Home Office. En Italie, au contraire, l'implication universitaire semble
faible38 – encore que l'enquête nationale de l'ISTAT ait été dessinée par un universitaire – et ce sont des centres d'étude dépendant de gouvernements régionaux – Città sicure ou CISIS – qui assurent la principale implication scientifique. Elle semble encore plus faible tant pour les enquêtes espagnoles que pour les expériences du ministère portugais de la Justice. En France, si certaines enquêtes sont pilotées par des
organismes scientifiques et si l'on relève l'existence d'analyses secondes conséquentes, en revanche, on relève dans certains cas des difficultés d'accès aux données pour les chercheurs – ainsi de la part du Conseil régional d'Île-de-France – et, en général, un certain éloignement entre le monde scientifique et celui des commanditaires d'enquêtes. On note cependant un bon niveau de coopération entre ce monde académique et les statisticiens de l’INSEE. Dans tous les cas – même dans les pays qui semblent assez
bien lotis comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la France et la Belgique – on déplore le trop faible nombre de scientifiques quantitativistes capables de pousser les analyses secondes sur ces données et d'en combiner les résultats avec ceux produits en général par la sociologie du crime. L’encadré ci-après donne – à titre d’illustration – quelques exemples d’analyses secondes d’enquêtes sur la victimation et l’insécurité.
37 Bien entendu, ceux-ci recherchent également pour leurs travaux sur les enquêtes des crédits auprès d’organismes spécialement dédiés au financement des travaux universitaires tel le département fédéral de la Politique scientifique. 38 On cite cependant Transcrime des UU. di Trento et del Sacro Cuore à Milan.
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Exemples de recherches réalisées à partir de l’analyse seconde de données d’enquêtes
On peut relever d’abord des travaux méthodologiques. Ainsi l’analyse par Gabry Vanderveen (2006) des indicateurs d’insécurité et de leur signification tout comme celle de Jonathan Jackson (2005) sur la validation de nouvelles mesures de l’insécurité. Lieven Pauwels et Stefaan Pleysier (2005) ont étudié la validité transculturelle des mesures de l’insécurité. Stefaan Pleysier, Lieven Pauwels, Geert Vervaeke, Johan Goethals (2005) ont analysé l’invariance des estimations dans des enquêtes sur l’insécurité qui utilisent des instruments complexes comme les analyses factorielles ou les échelles. Helmut Kury (199439) a étudié l’impact de la formulation des questions dans les enquêtes. Rainer Schnell & Frauke Kreuter (2000) ont analysé des cas où des enquêtes très semblables produisent pourtant des résultats différents. D’autres recherches se sont concentrées sur les victimations
et les victimes. Robert J. Sampson et Byron W. Groves (1989) tout comme Nicolas Herpin et Hugues Lagrange (2005), ainsi que Tim Hope (2007) ont analysé la distribution sociale et territoriale de la victimation et de l’insécurité. Egon Stephan (1976) tout comme Hans-Dieter Schwind & al. (1975, 2001) ont utilisé des enquêtes allemandes de victimation pour tester la théorie de la désorganisation sociale. Johan Van Wilsem (2003) a procédé à une analyse multi-niveaux (individu, quartier, ville, pays) des effets du contexte sur la victimation. Les recherches de Ken Pease (1993, 1998) ont conduit à ‘découvrir’ réellement le relief de la victimation à répétition. Renée Zauberman, Philippe Robert, Marie-Lys Pottier (2004) sont parvenus à construire des profils de victimes et de victimation en combinant circonstances de l’incident, manières de le vivre et façons d’y réagir. Certaines ont porté plutôt sur l’insécurité. Karin Wittebrood
(2001) a réalisé une analyse multiniveaux du sentiment d’insécurité dans les pays industrialisés ; Philippe Robert et Marie-Lys Pottier (2004) ont analysé l’évolution des préoccupations sécuritaires des classes moyennes françaises à la fin des années 1990
39 Voy. aussi Kury & al., 2000.
34
On peut citer encore des recherches concernant la police. Wesley Skogan (1994, 2007) a étudié les contacts police-public et l’évaluation des performances policières, à partir des résultats du BCS ; de même Philippe Robert, Renée Zauberman et Marie-Lys Pottier (2003) ont analysé, à partir des enquêtes en Île-de-France, le renvoi des victimes à la police sous l’angle d’une confrontation entre professionnel et profane ; Quelques recherches ont concerné plutôt les attitudes vis-à-
vis de la justice. Mike Hough and Julian Roberts (2007) ont étudié, à partir du BCS, la confiance que lui accordent les citoyens et les attitudes envers le choix de la peine (sentencing).
La collaboration du monde scientifique importe d'abord pour éviter que commanditaires et utilisateurs évaluent mal les apports et les limites des enquêtes. Elle est aussi importante pour la construction des enquêtes.
Sans une expérience approfondie d'analyses secondes et une fréquentation assidue de la littérature sociologique sur le crime, l'élaboration des protocoles peut se heurter à de graves difficultés. Pauwels et Pleysier (2007) soulignent par exemple qu'on néglige souvent l'importance de la stabilité de l'instrument, sans laquelle on ne saura s'il faut attribuer une variation à un changement des phénomènes que l'on prétend mesurer ou à l'instabilité de l'instrument de mesure. Ils en déduisent qu'une modification – même minime – devrait toujours être précédée de recherches permettant de faire la balance entre le gain procuré par le changement et la perte entraînée par la rupture dans la continuité des observations, permettant aussi de déterminer comment maintenir malgré tout la continuité de la série. Elle importe enfin à l'apport des enquêtes : sans analyses
secondes approfondies, sans croisement entre résultats d'enquête et acquis de la sociologie du crime, on peut s'arrêter à de pseudo-résultats – comme c'est souvent le cas en matière d'insécurité – ou ne tirer des enquêtes qu'une maigre partie de leurs apports potentiels, ce qui serait particulièrement regrettable pour des investigations aussi coûteuses. Hope (2007) a ainsi avancé que l’on a pendant des années attribué la baisse du cambriolage aux programmes de lutte contre les victimations à répétition, alors qu’elle s’expliquait plutôt – en tenant compte des savoirs de la sociologie urbaine
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sur la ségrégation socio-spatiale et de la sociologie criminelle des occasions (opportunities) – par les stratégies de protection développées par les victimes potentielles. En mobilisant la sociologie des professions et celle de la police, Robert, Zauberman, Pottier (2003) ont montré qu’on pouvait souvent expliquer la différence entre estimés d’enquête et statistiques policières par les différences de points de vue entre un professionnel – le policier – et un profane – la victime.
4. Diffusion & publication Dans la plupart des pays (Angleterre, Pays-Bas, Belgique,
Italie), les résultats sont régulièrement accessibles au moins sur des sites internet. La situation est plus compliquée en Allemagne en raison de la
diversité des enquêtes : les plus importantes sont publiées mais un certain nombre de campagnes réalisées dans un cadre purement académique ou les plus petites des enquêtes locales restent souvent peu diffusées. Dans la péninsule ibérique, la diffusion ne semble pas très
systématique, la publication encore moins. Enfin, en France, la situation est variable selon les cas : si les
résultats des enquêtes à pilotage directement scientifique sont systématiquement publiés et affichés sur la toile, les enquêtes nationales le sont de manière beaucoup plus succincte (sauf à travers des analyses secondes scientifiques) et certaines campagnes régionales ou locales ne sont pas publiées et peu diffusées. On trouvera en annexe la liste des publications signalées dans
les rapports nationaux et des sites contenant des résultats d’enquête.
Conclusion 1. En un quart de siècle, les enquêtes sur la victimation et
l’insécurité se sont développées de manière importante mais très irrégulière selon les pays. En outre, entre enquêtes générales et campagnes à thématiques particulières, entre enquêtes internationales, nationales et dispositifs régionaux ou locaux, entre enquêtes couvrant à la fois les victimations et l’insécurité et sondages concernant seulement ce dernier, la gamme est finalement très diversifiée.
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On recommande une large diffusion parmi les utilisateurs de la palette des travaux existant.
2. Si l’on est tout près de disposer d’une liste à peu près standard de victimations étudiées, il en va bien différemment pour l’insécurité : ici, les protocoles utilisés sont peu standardisés et ils se heurtent très souvent à de sérieuses critiques. On recommande un sérieux effort de standardisation des
protocoles, notamment en ce qui concerne l’insécurité.
3. La solidité des enquêtes dépend pour beaucoup et de la taille de l’échantillon – bon nombre sont insuffisants pour fournir des intervalles de confiance assez resserrés – et de la stabilité de l’instrument. Sans cette dernière, il est difficile de savoir si un changement dans les résultats décrit une modification de la situation réelle et s’il est seulement l’artefact d’une modification non contrôlée de l’instrument. Même si ces problèmes étaient réglés, restent que de sérieuses
menaces planent sur l’avenir de ces enquêtes avec la croissance des taux de non-réponses que l’on peut endiguer seulement au prix de surcroîts de coûts. On recommande une attention sérieuse portée aux problèmes
de taille d’échantillon, de modalités de passation et surtout de stabilité des protocoles utilisés, ainsi qu’un examen systématique des problèmes nouveaux comme le taux de non-réponses ou l’augmentation du nombre de ménages sans abonnement téléphonique fixe.
4. Rares sont finalement les pays où ces enquêtes sont intégrées dans un dispositif d’aide à la décision et d’évaluation. Plusieurs ne savent les considérer que comme le partenaire junior des traditionnelles statistiques policières. Enfin, bon nombre de gouvernements nationaux, régionaux ou locaux peinent à prendre réellement en compte les investigations qu’ils ont pourtant commanditées. On recommande que des structures transversales de
discussions permettent aux responsables des différents paliers de gouvernement d’améliorer l’utilisation des ces enquêtes.
5. Reste que ce matériau – quand il est de qualité suffisante – peut fournir la substance à un grand nombre de travaux scientifiques susceptibles de renouveler profondément la connaissance du crime. Et le développement de telles recherches – au delà de ce qui existe actuellement même dans
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les pays bien dotés – est nécessaire pour éviter les mésinterprétations dans l’usage de ces enquêtes et même pour faire progresser leur qualité. Si cette production scientifique reste dans l’ensemble trop peu fournie, c’est d’abord en raison du trop petit nombre de chercheurs quantitativistes capables à la fois de maîtriser la littérature scientifique pertinente et de travailler compétemment sur ce type de données. On recommande de donner une priorité au développement
des recherches de haut niveau sur les enquêtes sur la victimation et l’insécurité.
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Pour la Belgique, • en ce qui concerne le Moniteur de sécurité, on se
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Pour l’Espagne, • les enquêtes du Centro d’investigaciones sociologicas se
trouvent sur le site de cet organisme www.cis.es • pour l’Enquesta de seguretat publica de Catalunya se référer
à celui du département de l’Intérieur de la Généralitat www.gencat.net/interior
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• pour les enquêtes sur les violences faites aux femmes, se référer au site de l’Instituto de la mujer www.mtas.es/mujer
• pour les enquêtes sur les violences scolaires, se référer à www.defensordelpueblo.es/informes2.asp www.gencat.net/interior/docs/text_integre.pdf www.gencat.net/interior/departament/publicacions/estudis/resum_informe_ECESC_2005-2006_cat.pdf
Pour la France, • pour la première enquête nationale et pour les enquêtes
locales à Toulouse et Épinay, on verra o Zauberman R., Robert Ph., 1995, Du côté des
victimes ; un autre regard sur la délinquance, Paris, L’Harmattan.
• pour l’enquête d’Amiens, voy. o Zauberman R., Robert Ph., Pottier M.-L., 2000,
Risque de proximité ou risque lié au style de vie ; enquêtes et évaluation de la sécurité urbaine, Les Cahiers de la sécurité intérieure, 42, 4, 193-220.
• pour les EPCVM, on se reportera o au site de l’Institut national de la statistique et
des enquêtes économiques (INSEE) http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/irsoc045.pdf
o certains éléments figurent également – surtout pour les années récentes – dans les rapports de l’Observatoire national de la délinquance (OND) www.inhes.interieur.gouv.fr et dans ceux de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) http://www.ville.gouv.fr/infos/dossiers/observatoire-des-zus.html
• pour les enquêtes locales à Lyon, Saint-Denis, Gonesse et Aubervilliers et pour les deux premières (2001, 2003) enquêtes régionales de l’Île-de-France, voy. le site du CESDIP www.cesdip.org/-Etudes-et-Donnees-Penales.html
• pour les autres enquêtes régionales d’Île-de-France (2005, 2007), on trouvera des informations succinctes sur
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www.iaurif.org/fr/ressources_doc/publications/publicationsrecentes/notesrapides/securite.htm
• pour le Baromètre santé (qui contient certains éléments sur la victimation de violence physique), on se reportera au site de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) www.inpes.sante.fr
• pour les enquêtes auprès des jeunes Espad et Escapad (qui contiennent certains éléments sur la victimation de violence physique), on se reporte aux sites de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) www.drogue.gouv.fr et de l’Observatoire national des drogues et des toxicomanies (OFDT) www.ofdt.fr
• pour les enquêtes sur les violences contre les femmes, voy.
o Jaspard M., Brown E., Condon S., Firdion J.-M., Fougeyrollas-Schwebel D., Houel A., Lhomond B., Maillochon F., Saurel-Cubizolles MJ., Schiltz MA., 2003, Les violences envers les femmes en France; une enquête nationale, Paris, La Documentation française.
• il n’existe aucune publication d’ensemble des enquêtes sur les violences scolaires, on peut se référer à un article de synthèse et aux références citées in
o Debarbieux É., 2004, Les enquêtes de victimation en milieu scolaire. Leçons critiques et innovations méthodologiques, Déviance & Société, 28, 3, 317-333.
• pour les enquêtes nationales (Agoramétrie et autres) sur la préoccupation sécuritaire, voy.
o Robert Ph., Pottier M.-L., 1997, "On ne se sent plus en sécurité". Délinquance et insécurité. Une enquête sur deux décennies, Revue française de science politique, 47, 6, 707-740.
o Robert Ph., Pottier M.-L., 2004, Les préoccupations sécuritaires : une mutation ?, Revue française de sociologie, 45, 2, 211-242.
o Robert Ph., Pottier M.-L., 2006, Security, Law and Order : a Profound Transformation ?, Revue française de sociologie, 47, annual english selection, 35-64.
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Pour l’Italie, • Pour les enquêtes nationales de victimation réalisées
par l’Istituto nazionale de statistica, se reporter au site de l’ISTAT www.istat.it/ Pour celles concernant les violences contre les femmes, on verra plus particulièrement www.istat.it/giustizia/
• On peut se reporter également au site du CISIS www.cisis.it/attivita/pubblicazioni/vol004.htlm, également à celui de Città sicure http://www.regione.emilia-romagna.it/sicurezza/ enfin à celui de Transcrime http://www.transcrime.unitn.it/tc/1.php
Pour les Pays-Bas • pour les enquêtes du Central Bureau of Statistics, on se
reportera au site du CBS http://statline.cbs.nl/statweb/start.asp?DM=SLen&LA=en&lp=applet&THEME=5470
• pour le Politiemonitor Bevolking, on se reportera au site http://www.politiemonitor.nl/tabellenrapport.pdf
Pour le Portugal, les enquêtes du ministère de la Justice se trouvent dans
• Crucho de Almeida M.R., 1992-1994, Inquérito de vitimaçao, Lisboa, Ministerio da Justicia, Gabinete de estudos e planeamento.
Pour les enquêtes réalisées à Porto, se reporter p.ex. à • Negreiros, J. 1999 Vitimaçâo criminal na cidade do Porto,
Observatorio Permanente de Segurança, Vol.III, polycopié.