23
Jean-Pierre Chevrot Isabelle Malderez L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l'approche cognitive (et retour) In: Langue française. N°124, 1999. pp. 104-125. Abstract Jean-Pierre Chevrot et Isabelle Malderez. The Buben effect : from the historical linguistics to the cognitive approach (and back) In the studies of historical linguistics, the authors often try to explain phonetic evolution by the influence of spelling on pronunciation (the so-called Buben effect or spelling pronounciation). At first, we analyze the results of the historical studies and we specify the modes of that influence. In a second time, we present psycholinguistic data and models that may explain the cognitive mechanisms responsible for such an influence. We conclude by showing how this detour by cognitive approach allows a best understanding of the Buben effect on the historical plan. Citer ce document / Cite this document : Chevrot Jean-Pierre, Malderez Isabelle. L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l'approche cognitive (et retour). In: Langue française. N°124, 1999. pp. 104-125. doi : 10.3406/lfr.1999.6309 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1999_num_124_1_6309

L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

Jean-Pierre ChevrotIsabelle Malderez

L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l'approchecognitive (et retour)In: Langue française. N°124, 1999. pp. 104-125.

AbstractJean-Pierre Chevrot et Isabelle Malderez. The Buben effect : from the historical linguistics to the cognitive approach (and back)In the studies of historical linguistics, the authors often try to explain phonetic evolution by the influence of spelling onpronunciation (the so-called Buben effect or spelling pronounciation). At first, we analyze the results of the historical studies andwe specify the modes of that influence. In a second time, we present psycholinguistic data and models that may explain thecognitive mechanisms responsible for such an influence. We conclude by showing how this detour by cognitive approach allowsa best understanding of the Buben effect on the historical plan.

Citer ce document / Cite this document :

Chevrot Jean-Pierre, Malderez Isabelle. L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l'approche cognitive (et retour). In:Langue française. N°124, 1999. pp. 104-125.

doi : 10.3406/lfr.1999.6309

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1999_num_124_1_6309

Page 2: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

Jean-Pierre CHEVROT Lidilem, Grenoble 3/IUFM de Grenoble Isabelle MALDEREZ Paris 7

L'EFFET BUBEN : DE LA LINGUISTIQUE DIACHRONIQUE À L'APPROCHE COGNITIVE (ET RETOUR)

Dans un ouvrage paru en 1935, Vladimir Buben tentait d'expliquer l'évolution phonétique du français par le reeours systématique à un facteur particulier : l'influence de l'orthographe sur la prononciation, appelée également « orthographisme », « prononciation orthographique » ou « effet Buben » (Blanche-Benveniste & Chervel 1978).

Mais à l'exception du travail de Buben, la prononciation orthographique n'a jamais été une préoccupation centrale dans le champ linguistique. Des allusions à ce phénomène n'apparaissent — et dans le meilleur des cas — que dans un bref chapitre en fin de

section chez les diachroniciens ou les dialectologues (Séguy 1978), dans l'avertissement des dictionnaires (Michaelis & Passy 1897) ou encore dans quelques remarques accompagnant les manuels de prononciation (Martinon 1913 ; Nyrop 1914 ; Grammont 1914). Certains structuralistes mentionnent brièvement ce facteur externe (Alarcos Llorach 1968 ; Walter 1976 ; Martinet 1993). Dans le champ actuel des études diachroniques, il n'est pas abusif d'affirmer que la question de l'influence de l'orthographe sur la prononciation est passée aux oubliettes de la recherche.

Finalement, c'est dans d'autres champs scientifiques — la sociolinguistique et l'approche cognitive de la lecture-écriture — qu'on a vu réapparaître des allusions à ce phénomène. Les sociolinguistes l'invoquent pour expliquer la sélection de certaines variantes de prononciation, notamment lors de la lecture oralisée. Du côté de la psychologie de la cognition, les auteurs utilisent l'effet Buben comme un argument extérieur à leur domaine, susceptible de conforter des positions théoriques en faveur d'une interactivité fonctionnelle entre système de traitement de la forme parlée des mots et système de traitement de leur forme orale (Ehri 1989 ; Perfetti 1989).

Dans ce contexte, nous adopterons une démarche en trois étapes. Dans la première, l'observation des données diachroniques permettra de préciser les principales modalités d'action du système orthographique sur la prononciation, sa variabilité et son évolution. Lors de la seconde étape, notre intérêt se centrera sur le locuteur-scripteur.

104

Page 3: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

Nous présenterons des faits psycholinguistiques — et parfois soeiolinguistiques — suggérant un impact direct de l'orthographe sur la compétence orale du locuteur qui apprend l'écrit ou qui le manipule. Nous examinerons également les architectures et les mécanismes cognitifs qui pourraient sous-tendre cette influence. Dans la dernière étape, nous montrerons comment l'interaction du cognitif et du sociolinguistique permet finalement de mieux comprendre le fonctionnement diachronique de l'effet Buben.

A - Abord diachronique de l'effet Buben

Parmi les auteurs qui évoquent le rôle du facteur orthographique dans les changements phonétiques, rares sont ceux qui ont cherché à l'analyser, à le nuancer ou à remettre en question sa pertinence. Souvent, ce rôle est considéré globalement, et il semble indiscutable, fatalité pour les uns (Nyrop 1914), monstruosité pour les autres (Saussure 1916). Cependant, malgré les craintes qu'il inspire chez certains, le facteur orthographique ne résiste pas toujours à l'analyse fine de la variation. Même chez Buben (1935), on discerne des faiblesses méthodologiques pour comparer les données ou encore pour décider de la pertinence première de ce facteur.

1 — Actions de l'orthographe sur la variabilité phonique

Une observation attentive des données diachroniques met en évidence deux modes d'action de l'orthographe sur la variabilité phonique.

1.1. Apparition de nouvelles variantes de prononciation

L'effet Buben tend à faire respecter les correspondances phonographiques les plus régulières (Blanche-Benveniste & Chervel 1978) et peut être à l'origine du changement phonétique. Il provoque alors l'apparition de nouvelles variantes. Plus précisément, Buben parle d'une régression quand il y a réapparition d'une prononciation ancienne ou encore d'une innovation quand une lettre prononcée ne l'avait encore jamais été. Notons que d'un point de vue synehronique, ces deux cas sont des innovations.

L'action de l'effet Buben opère alors selon deux modalités. D'une part, il provoque la restitution de lettres muettes surtout en finale dans les noms propres et les noms

monosyllabiques {fils, but, dot, etc.) ou en position interne (obscur, adversaire, cheptel, dompteur). On assiste aussi à la réalisation géminée de consonnes graphiques doubles

105

Page 4: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

(grammaire, collègue). D'autre part, à cause de l'ambiguïté des correspondances lettres-sons, certaines séquences graphiques sont l'objet de réinterprétations phonographiques. Ainsi le « g » de cygne ou règne ([sin] et [ren] au X''

siècle), a été associé au « n » et la séquence s'est prononcée [r]]. Le digraphe « ge » dans gageure ou vergeure a été reinterprete en « g+eu », etc.

Le recours systématique au facteur orthographique a été reproché à Buben dès la sortie de son ouvrage, et lui-même fait parfois référence à d'autres facteurs pouvant conjointement expliquer l'apparition de nouvelles variantes. Parmi ceux-ci, on trouve, aux XIXe et XXe siècles, le besoin de différencier phonétiquement les homophones dus à l'érosion des mots, « peut-être un des plus fondamentaux dans l'évolution phonologique en français moderne » (notre traduction, Levitt 1968). La prononciation orthographique permet parallèlement de rétablir le lien dérivationnel des formes courtes os/osseux, sens/sensé). Ainsi, la potentialité de restauration de la consonne finale, et par-là même du lien dérivationnel, est inscrite dans la graphie mais son actualisation serait avant tout un besoin linguistique.

De plus, il existe évidemment des facteurs explicatifs sans relation avec l'orthographe. Mais, tout comme l'orthographe, ils ne s'appliquent généralement qu'à un ou plusieurs phénomènes, jamais à la totalité des prononciations orthographiques, et fonctionnent rarement pour tous les mots d'une série.

Tout d'abord, il est possible qu'un changement phonétique d'origine articulatoire ait entraîné ultérieurement une modification de la graphie. La théorie des « obstruantes émergentes » (Ohala 1990) pourrait éclairer le cas de la prononciation du « p » de dompter. Le /p/ émerge de la succession /mt/ (quand le /m/ de domitare est encore prononcé mais plus le /il) sans qu'on ait besoin de postuler une influence de l'orthographe, qui entérinerait ce /p/ motivé par des raisons exclusivement articulatoires. La question reste de savoir si l'apparition du /p/ est antérieure ou postérieure à la réintroduction de la lettre. De plus, si cette explication est opératoire pour dompteur, elle n'explique pas pourquoi le « p » se prononce dans un contexte différent dans cheptel. Enfin, dans compter, qui présente le même contexte phonotactique, la prononciation avec [p] est pratiquement inexistante.

Ensuite, le changement phonétique est souvent motivé par des changements accen- tuels. Au début du XX° siècle, s'est développé en français un accent d'insistance dont la substance principale est la gémination consonantique (Dauzat 1940). Ainsi, Bauche (1920), qui définit les variantes géminées comme un trait du parler populaire parisien, ne recourt aucunement à l'explication par la graphie alors qu'il le fait pour la prononciation des lettres étymologiques. De plus, la gémination est tout aussi possible sans

106

Page 5: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

consonnes doubles orthographiques : « c'est mmalheureux ! » (Dauzat 1950). L'orthographe n'empêche pas qu'une graphie simple soit prononcée double et n'explique donc pas toutes les géminations.

Enfin, comme le montre Jespersen (1976) pour les cas de régression, « de nombreuses formes qui semblent provenir d'une influence de la graphie peuvent très bien avoir une origine qui ne soit pas exclusivement celle-ci, mais [...] elles peuvent être d'authentiques formes archaïques, préservées par tradition purement orale, à côté de formes plus usées de ce mot » .

1.2. Arbitrage dans la sélection des variantes existantes

Que l'orthographe ait elle-même provoqué l'apparition d'une variante, ou que la variation existe indépendamment d'elle, elle tient souvent un rôle d'arbitrage dans la sélection des variantes. Selon Buben, leur compatibilité ou leur non-compatibilité avec l'orthographe serait la cause de leur réussite ou de leur échec diachroniques.

Les mots proposés par Buben présentent, ou ont présenté, deux variantes de prononciation. La variante 1 possède des caractéristiques phonétiques qui manifestent une des grandes tendances du changement. La variante 2 possède des caractéristiques orthographiques qui matérialisent les tendances les plus centrales des correspondances entre graphèmes et phonèmes. Selon Buben, ce sont ces seules caractéristiques orthographiques qui expliqueraient que la variante 2 s'est imposée ou s'est maintenue dans la langue et n'a pas disparu au profit d'un usage exclusif de la variante 1. Levitt (1968 ; 1978) conclut qu'on ne peut étudier la phonétique historique de certaines langues pour les siècles récents en faisant abstraction du facteur orthographique.

Cependant, les conclusions de Buben souffrent de faiblesses méthodologiques dans le recueil des données elles-mêmes. Il établit des correspondances entre les données des grammairiens recueillies par Thurot et la prononciation des dictionnaires et des manuels de prononciation du début du XXe siècle. Mais les données de Thurot présentent une variation énorme : elles couvrent trois siècles (de 1520 à 1851) et les grammairiens étaient issus de différentes provinces françaises quand ils n'étaient pas étrangers. Comme le souligne Dauzat (1950), dans l'analyse des faits linguistiques, « surtout au XVIe siècle [...] beaucoup n'ont pas su distinguer les milieux sociaux, voire les prononciations régionales ; presque tous se sont trompés sur les conditions linguistiques et les causes des phénomènes ». Par contre, les dictionnaires et manuels que Buben utilise comme références pour le français contemporain adoptent une norme de prononciation très spécifiée : généralement celle des auteurs eux-mêmes, appartenant à la « bonne

107

Page 6: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

société parisienne », même si certains signalent parfois des variantes dialectales ou sociolectales (Martinon 1913 ; Grammont 1914 ; Bruneau 1927 ; Michaelis & Passy 1897). Ainsi Buben se débarrasse-t-il bien vite de la variation de son époque, qui ne lui aurait pas permis de soutenir toutes ses explications. Comme il le dit lui même « dans la langue populaire, [...] l'influence de la forme écrite se fait moins sentir ». Dans de nombreux cas, ce qu'il présente comme l'aboutissement d'une prononciation unique entérinée par son adéquation à l'orthographe n'est souvent qu'une variante parmi d'autres.

2. Action de l'orthographe sur le rythme du changement phonétique

A partir du moment où la variante phonétique compatible avec l'orthographe s'impose, l'effet Buben accélère le changement diachronique. Dans ce cas, il opère sur le mode de la diffusion lexicale (Wang 1991). Dans les séries de mots susceptibles d'être touchés par une prononciation orthographique, on trouve des mots intacts (baptême), des mots présentant plusieurs variantes de prononciation inter ou intr a-individuelles, sociolectales ou régionales (sculpteur), et enfin des mots où la prononciation orthographique est presque devenue l'unique forme (dompteur).

Mais l'effet Buben peut aussi retarder le changement, de deux façons. D'une part, la graphie peut maintenir des distinctions phonologiques plus ou moins mourantes. Il faut noter cependant que là où Buben donnait l'orthographe comme garant des distinctions, les évolutions ultérieures ont montré que certaines neutralisations se sont accentuées depuis 1935. Contrairement à ce qu'il énonce, la graphie « ai », l'accent grave ou circonflexe, la présence d'une consonne muette subséquente n'ont pas empêché la forte tendance de neutralisation, même sur un corpus de phrases lues, des voyelles moyennes antérieures en syllabe non finale, des deux /A/ et la perte de la longueur vocalique (Walter 1976). D'autre part, l'effet Buben peut freiner l'innovation en empêchant la promotion de variantes phonétiques incompatibles avec les tendances centrales du code phonographique. En comparant les dialectes de l'Inde pourvus ou dépourvus de tradition écrite, Bright & Ramanujan (1964) ont montré que le style formel avait retardé les processus d'innovation les moins conscients. Le même phénomène a été constaté pour les variantes de l'italien dites de prestige (Levin 1988-89).

3. Modes d'action de l'orthographe sur l'usage oral

Ce sont finalement les conditions historiques de l'utilisation et de la transmission de récriture qui ont favorisé l'effet Buben.

108

Page 7: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

3.1. Action directe sur les utilisateurs de Vécrit

Beaucoup d'auteurs soulignent le rôle particulier d'un « pédantisme plus ou moins conscient » dans l'impact de la graphie sur la prononciation (Nyrop 1914). Bruneau (1927) montre que ce phénomène existe déjà dès le XVIIe siècle : Molière se plaint de « cette exactitude de prononciation qui appuie sur toutes les syllabes, et ne laisse échapper aucune lettre de la plus sévère orthographe » . La connaissance de l'orthographe, deuxième niveau de l'instruction jusqu'à la fin du XIXe siècle, que très peu d'enfants atteignent en raison du caractère épisodique de leur fréquentation scolaire (Furet & Ozouf 1977), prend avec le développement de l'instruction un caractère prestigieux. Il est donc tle bon ton de montrer que l'on connaît l'orthographe des mots de tous les jours parmi les locuteurs des classes les moins favorisées, mais aussi celle des mots savants ou étrangers dans les classes plus cultivées (Dauzat 1908, 1940 ; Martinon 1913 ; Jespersen 1976).

Aujourd'hui les médias apportent à domicile l'usage oral manquant à certains, mais à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les termes que les érudits employaient quotidiennement dans les conversations, les autres devaient les déchiffrer. Le manque de tradition orale a ainsi joué un rôle déterminant quand des gens, considérés comme « demi-lettrés » ou « nouveaux lettrés » par bon nombre d'auteurs du début du siècle, ont essayé d'oraliser des mots dont ils connaissaient le sens mais qu'ils n'avaient jamais entendu prononcer : mots rares car savants, techniques ou vieillis ou encore noms propres (Martinon 1913, Grammont 1914 ; Nyrop 1914 ; Fouché 1935 ; Dauzat 1950 ; Blanche-Benveniste & Chervel 1978). Il faut noter que, pendant longtemps, les maîtres d'école ont figuré au nombre de ces utilisateurs de l'écrit « demi-lettrés ». Jusqu'à la fin du XIXe siècle, selon les départements, seuls 20 à 50 % des maîtres d'école possédaient le brevet de capacité et, dans la majorité des cas, ils n'avaient obtenu que le 3e degré du brevet qui indiquait qu'ils savaient « suffisamment lire, écrire et chiffrer pour en donner des leçons » (Furet & Ozouf 1977). Le contact qu'entretenaient les maîtres de cette époque avec la langue légitime passait essentiellement par l'écrit. Condamnés à déchiffrer certains mots sans les avoir jamais entendus, ils produisaient des prononciations orthographiques qu'ils ont pu diffuser dans les campagnes.

3.2. Action indirecte à travers les échanges oraux

Dès le milieu du XVIe siècle, tous les textes, y compris la correspondance privée, sont rédigés en français dans les provinces du Midi, alors que le dialecte reste la langue

109

Page 8: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

parlée jusqu'à la révolution. A cette époque, ce sont les notaires qui font office d'enseignants car « mêlés à la vie quotidienne des particuliers et aux affaires communales, on s'explique qu'ils aient été les éducateurs de leurs concitoyens en matière de langue » (Brun 1935). L'introduction du français s'est donc surtout faite par voie graphique dans les provinces d'oc « où le peuple a suivi la prononciation orthographique des clercs » (Séguy 1978), les formes d'hypereorrection étant « particulièrement fréquentes lorsque les gens parlant habituellement un dialecte essaient d'employer la forme standard de leur pays » (Jespersen 1976). Ensuite, ces variantes régionales, où souvent les lettres finales et internes sont prononcées, se sont diffusées en Île-de- France : « A l'époque où écrivait Alphonse Daudet, respèk (respect) était une prononciation du Midi et du Massif Central ; je me souviens de ma surprise quand, tout enfant, venant de la région auvergnate, j'entendis prononcer respè pour la première fois à Epinal vers 1883 ; depuis respèk a gagné Paris » (Dauzat 1950). Il ne s'agit donc pas ici de l'influence directe de l'orthographe sur le français de Paris mais de celle de l'introduction du français par voie graphique dans les provinces. L'orthographe n'intervient ici que pour l'acceptation d'une variante en conformité avec elle. Il faut noter cependant qu'on ne peut accorder à ces variantes régionales qu'une part modeste des orthographismes car inversement, certaines lettres finales prononcées en français standard sont muettes en français du Midi (Grammont 1914 ; Fouché 1936).

Enfin, le maître d'école, même lettré, provoquait des orthographismes par « zèle pédagogique », tels la prononciation scolaire des consonnes finales ou des liaisons (Durant 1940 ; Encrevé 1988). L'usage préconisé dans les écoles était « de faire toutes les liaisons au cours des dictées, afin de ne pas tendre de pièges aux élèves » (Séguy 1978) et tendait « à épeler et détailler toutes les lettres pour mieux inculquer l'orthographe aux enfants » (Dauzat 1950).

В - Le locuteur face a l'orthographe

Les faits historiques sont donc suffisamment documentés pour qu'on précise les différentes modalités de l'effet Buben. Toutefois, cette revue laisse planer un doute. Comme on l'a vu, il est difficile d'extraire la part spécifique du facteur orthographique de l'ensemble des facteurs de l'évolution, et la méthode de Buben est discutable. Mais la diachronie n'est pas un laboratoire où l'on peut manipuler des variables et isoler des facteurs. Nous allons donc nous retourner vers des disciplines qui ont expliqué comment cet impact du système d'écriture sur la phonologie pourrait se concrétiser au niveau du locuteur, perçu comme agent social, sujet en développement ou siège de

110

Page 9: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

processus mentaux. Si le locuteur possède effectivement la capacité de mettre l'information orthographique à disposition des mécanismes ordinaires de la parole, alors l'imputation causale postulée par Buben sur le plan historique s'en trouvera confortée.

1. Les faits

Les travaux psycholinguistiques et sociolinguistiques recensés se laissent classer selon deux dimensions. Premièrement, certains auteurs ont choisi d'observer l'influence immédiate de l'orthographe sur la prononciation, par exemple l'impact des séquences de lettres sur la parole du lecteur qui or alise un texte placé sous ses yeux. D'autres ont cherché au contraire des effets durables, persistant en dehors du contact immédiat avec l'écrit. Deuxièmement, certains auteurs ont observé l'impact des acquis alphabétiques sur la production de la parole, d'autres sur sa perception.

1.1. L'influence immédiate de l'orthographe

C'est surtout dans le cadre d'études sur la variation phonétique, d'inspiration sociolinguistique ou fonctionnaliste, qu'on a observé l'influence immédiate de l'orthographe sur la prononciation. Plusieurs décennies de travaux variationnistes ont établi en effet que les locuteurs évitaient massivement les variantes non standard lors de la lecture à voix haute. Toutefois, aucune de ces nombreuses enquêtes ne prouve que c'est précisément l'orthographe qui infléchit la prononciation du lecteur vers le pôle formel. Comme le formule Lucci (1983), « il est impossible de savoir, lorsqu'il y a modification d'une prononciation au cours de la lecture, si c'est la vue des signes graphiques qui en est la cause, ou simplement l'incidence de la situation de lecture dans son ensemble, perçue comme plus formelle ». Plusieurs auteurs ont donc tenté d'isoler un effet spécifique de la présence des lettres, différent du mécanisme attentionnel par lequel on décrit, depuis Labov (1976), l'adaptation aux situations formelles.

Morgan (1988-89) a proposé une tâche de lecture de mots et de pseudo-mots à des enfants madrilènes parlant castillan. Il constate que la réalisation interdentale [0] du /k/ situé en fin de syllabe reste rare dans les mots où ce phonème est transcrit par la lettre « x » ou par la lettre « к ». En revanche, elle est plus fréquente lorsque /k/ renvoie à la

lettre « с », qui peut aussi transcrire /9/ à l'attaque de la syllabe. Parce que ce lien entre prononciation et lettres est observé à situation de lecture constante, il suggère effectivement une incidence spécifique des correspondances phonographiques, indépendante de l'incidence globale de la situation. Ce résultat est confirmé par une

111

Page 10: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

expérimentation de Chevrot (1996). Des enfants de 10-11 ans lisent une série de nombres contenant le chiffre « quatre », écrits soit en chiffres, soit en lettres (4000 vs quatre mille). Lorsque les nombres sont écrits en chiffres, le /R/ post-consonantique final de quatre est supprimé dans 75 % des cas (quat'mille). Ce pourcentage chute à 42 % lorsque les nombres sont en lettres. Les deux modalités de lecture étant également formelles, la diminution des suppressions face aux lettres peut être imputée à la présence, sous les yeux des lecteurs, de la graphie « quatre » contenant un « r ».

Cet effet immédiat, en présence de l'orthographe, rend compte en partie des phénomènes diachroniques présentés. Les situations ne manquent pas, où les locuteurs entendent lire, et donc entendent produire des prononciations orthographiques de la bouche de celui qui lit. Si on rappelle que la lecture publique caractérise des contextes officiels (école, sermon, discours) où celui qui oralise est souvent détenteur d'autorité, on voit que ces situations sont autant d'occasions, pour les auditeurs, d'associer implicitement variantes orales orthographiques et exigence de correction linguistique. L'impact de l'orthographe sur la parole lue est donc relayé par l'influence indirecte à travers les échanges oraux, et devient un vecteur de valorisation des prononciations orthographiques .

1.2. Les effets durables de Vorthographe sur la production orale

D'autres recherches ont envisagé un effet direct et durable de l'orthographe laissant, sur la production orale, des traces subsistant en dehors de la présence de l'écrit.

Une série de travaux a pointé ce phénomène chez des enfants fréquentant les premières années de l'école élémentaire. Chevrot (1998) présente trois résultats suggérant que l'apprentissage de la graphie du mot parce que modifie sa prononciation. Premièrement, des enfants pré-lecteurs du début de la première année primaire prononcent systématiquement parce que sans [r] et estiment que la forme pasque est la seule correcte. Deux ans plus tard, les enfants qui produisent la variante avec [r] et la jugent correcte sont ceux qui connaissent le mieux l'orthographe de ce mot. Deuxièmement, des enfants de 10-12 ans ayant échoué dans l'apprentissage de l'écrit présentent les mêmes dispositions que les pré-lecteurs vis-à-vis de la prononciation de parce que. Troisièmement, le /R/ a souvent disparu dans les équivalents de parce que attestés dans les dialectes français, peu ou pas écrits.

On sait en effet que la forme probable de parce que dans la parole est pasque (Léon et Tennant 1988). Confrontés à cette variante lors des échanges oraux, les jeunes

112

Page 11: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

locuteurs construiraient une représentation lexicale de ce mot démunie de /R/. Lors des premières années d'école élémentaire, le contact avec la forme écrite et la lettre « r » qu'elle contient conduirait les enfants à accorder plus d'attention aux rares variantes avec [r] rencontrées dans l'environnement, à les produire, et finalement, à ajouter /R/ à la représentation phonologique.

Mais la cooccurrence temporelle de deux événements n'implique pas leur enchaînement causal, aussi bien sur l'axe développemental que sur l'axe historique. Il est tout à fait possible d'expliquer les corrélations constatées sans postuler une influence de l'orthographe sur l'oral. Chevrot, Beaud et Varga (à paraître) ont donc mis en place une démarche expérimentale susceptible de valider les interprétations issues de l'enquête.

Selon leur première hypothèse, l'usage de la forme écrite de certains mots conduirait les jeunes locuteurs à mettre à jour des représentations phonologiques lexicales incomplètes. Selon leur seconde hypothèse, les mots rares appris à travers la pratique de l'écrit seraient prononcés différemment des mots acquis par l'environnement linguistique oral. Leur représentation phonologique étant déduite d'une représentation orthographique fixe, leur prononciation devrait être plus stable et les suppressions phoné- miques plus limitées. Pour tester ces hypothèses, des élèves de troisième année primaire ont été répartis au hasard dans trois groupes qui devaient apprendre des pseudo-mots désignant des « animaux imaginaires » représentés par des dessins. Chacun de ces pseudo-mots se terminait par un /R/ final post-consonantique, susceptible de suppression (mollopre, quaçontre, etc.). L'apprentissage, réalisé individuellement sur quatre séances, a pris des formes différentes selon les groupes. Le groupe « oral » écoutait des enregistrements où chaque pseudo-mot était présenté avec le /R/ supprimé dans 75 % des occurrences entendues. Le groupe « oral-écrit » écoutait le même enregistrement que le groupe « oral », mais uniquement pendant les deux premières séances. A partir de la troisième séance, cette audition était doublée d'un contact avec la graphie des pseudo-mots, qui contient la lettre « r » (tâches de copie et de lecture silencieuse). Le groupe « écrit » apprenait les mots par un contact exclusif avec la forme écrite. A la fin de chacune des trois dernières séances, deux tâches de production orale — dénomination d'images et syllabation — ont été proposées à chaque enfant afin de mesurer les progrès dans l'apprentissage de la représentation phonologique des pseudo-mots. Les premiers résultats confirment les deux hypothèses. Dans le groupe « oral », les taux de conservation de /R/ stagnent autour de 50 % de la séance 2 à la séance 4. Dans le groupe « écrit », les conservations atteignent, dès la séance 2, des valeurs proches de 100 %. Dans le groupe « oral-écrit », les valeurs augmentent entre la séance 2 et la séance 3, moment où l'écrit est introduit.

113

Page 12: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

Le locuteur humain possède donc un dispositif qui lui permet de mettre l'information orthographique mémorisée à la disposition de la production orale. Cette conclusion est confirmée par les recherches menées auprès de sujets sourds de naissance, qui doivent construire en partie les représentations phonologiques des mots qu'ils prononcent sur la base de leur graphie. Alegria et Leybaert (1991) constatent qu'ils ont tendance à maintenir les prononciations orthographiques hors de la présence de l'écrit.

1.3. Les effets durables de l 'orthographe sur la perception des mots

Une seconde série de travaux a mis en évidence une incidence durable de la connaissance orthographique sur la perception de la parole. Barron (1994) passe en revue les expérimentations suggérant une mobilisation des connaissances orthographiques lors de tâches incluant la perception auditive des mots. Dans certaines de ces expérimentations, on constate que l'information orthographique est mobilisée par des tâches qui, comme le jugement de rimes orales, ont une forte composante métaphono- logique. Dans d'autres expérimentations, c'est la seule présentation auditive d'un premier mot qui semble activer la connaissance de son orthographe, et influencer le traitement d'un deuxième mot entendu.

Les travaux menés autour de J. Morais s'inscrivent dans une autre logique. Morais et al. (1991) font une distinction nette entre un effet de l'orthographe qui aurait lieu pendant l'accès au lexique oral, et un effet de l'orthographe qui interviendrait après cet accès. Ainsi l'effet de l'orthographe sur des tâches comme le jugement de rimes pourrait très bien intervenir après que le mot entendu ait été reconnu. Au contraire, les résultats acquis par Morais et ses collègues (1987, 1991, 1997) suggèrent une influence sur le processus de reconnaissance lui-même. Un aspect important de leur méthode consiste à comparer des adultes portugais illettrés à des lecteurs et à des « ex-illettrés » , de même âge et de même origine sociale, mais qui ont appris à lire tardivement. Cette comparaison porte sur les configurations d'erreurs perceptives apparaissant lors de tâches de reconnaissance de mots à partir d'écoutes dichotiques (un stimulus différent à chaque oreille). Les résultats sont compatibles avec l'idée qu'il existerait deux niveaux de traitement dans le processus inconscient de reconnaissance des mots entendus. Le premier niveau, appelé « perceptuel », traiterait la représentation du signal de parole. Puisque les performances des trois groupes d'adultes portugais sont similaires à ce niveau, il faut en conclure que son fonctionnement est automatisé et imperméable à l'influence orthographique. Au second niveau dit « attentionnel », l'auditeur pourrait diriger son attention — ce qui ne signifie pas sa conscience — vers l'une ou l'autre des

114

Page 13: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

unités présentes dans l'énoncé entendu. A ce niveau, des différences entre les trois groupes suggèrent que l'alphabétisation modifie l'écoute en favorisant l'attention à la structure phonémique du mot. Par exemple, à niveau égal de performance globale, on trouve une plus grande proportion d'erreurs perceptives portant sur un phonème et un seul chez les sujets sachant lire.

2. Les mécanismes explicatifs

Les faits ne manquent donc pas, qui mettent en évidence, chez le leeteur-scripteur confirmé comme chez l'apprenti, une sensibilité des tâches orales à l'information orthographique. Mais cette profusion ne doit pas masquer le problème soulevé par Morais et al. (1991) : à quel niveau du fonctionnement oral se situe cette influence ? S 'agit -il d'une influence « superficielle » agissant après les processus inconscients de traitement de l'oral (par exemple un recours à l'information orthographique pour contrôler le résultat de ces traitements), ou bien d'une influence « profonde » qui modifie le déroulement même de ces traitements ?

2.1. Modèles des relations entre traitement de Voral et traitement de récrit

L'explication de l'effet Buben dans un cadre sociolinguistique tranche a priori pour une influence superficielle. Dans une conception de la graphie comme sur-norme de l'oral (Houdebine 1985, Gueunier et al. 1978), le locuteur, confronté au « choix » entre deux variantes orales, sélectionne celle qui correspond le mieux à la séquence de lettres. La conception psycholinguistique implicite présupposée par les sociolinguistes situe donc d'emblée l'effet Buben au niveau des savoirs conscients et verbalisables par lesquels le locuteur se représente la correction linguistique (Chevrot 1994).

Dans le domaine psycholinguistique, trente années de travaux sur les capacités métaphonologiques ont montré que l'apprentissage d'un système d'écriture alphabétique améliorait la conscience des unités phonologiques et la capacité de les manipuler délibérément (Gombert 1990). Il est probable que ces améliorations favorisent la prise de conscience des variantes de prononciation et l'habileté à les sélectionner conformément à des objectifs « stylistiques ». Toutefois, Morais et al. (1991) remarquent que les tâches métaphonologiques impliquent des opérations intervenant après les processus automatiques et inconscients de production et de perception des mots, notamment quand il y a manipulation intentionnelle de la représentation phonologique (syllaba- tion, comptage ou inversion des phonèmes, etc.). Finalement, l'approche psycholinguis-

115

Page 14: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

tique de la conscience phonologique rejoint la conception sociolinguistique : les apprentissages alphabétiques pourraient modifier l'usage conscient et délibéré des variantes de la prononciation. Mais en aucun cas, on ne peut en conclure quoi que ce soit sur une influence de l'orthographe en direction des processus inconscients et automatiques de production et de reconnaissance des mots parlés (Morais et al. 1991). Nous devons donc examiner la question de la « profondeur » de l'effet Buben dans le cadre de conceptions psycholinguistiques explicitant le lien entre lecture-écriture et connaissances impliquées dans le traitement ordinaire de l'oral.

Pour rendre compte des liens entre connaissances orthographiques et connaissances phonologiques, certaines de ces conceptions postulent la formation de connexions entre unités orthographiques et unités phonologiques, qui deviennent susceptibles de se mobiliser mutuellement par un mécanisme d'activation interactive. Dans une expérience auprès d'adultes néerlandais, Dijkstra et al. (1993) testent l'existence d'un tel mécanisme. Ils montrent que le son [a] isolé est reconnu plus rapidement lorsque sa présentation auditive est suivie de la présentation écrite de la lettre « a ». De même, la lettre « a » isolée est reconnue plus vite lorsque sa présentation visuelle est suivie de l'audition immédiate de [a]. Puisque les temps de réponse au son et à la lettre sont brefs (entre 300 et 400 millisecondes) et puisque le décalage entre la présentation des deux stimuli est court (100 ms entre [a] et « a » ou entre « a » et [a]), ils concluent que l'activation réciproque entre lettres et graphèmes est rapide et automatique. Les connexions entre connaissances orthographiques et connaissances phonologiques étant bidirectionnelles, ce mécanisme peut être utilisé dans des modèles de lecture aussi bien <pie dans des modèles d'écriture. Parmi ces modèles, certains sont plus précis dans la façon dont ils décrivent l'interaction entre orthographe et phonologie.

Dans une étude de neuropsychologie cognitive, Valdois et al. (1995) présentent le profil du patient EA. A la suite d'un accident vasculaire cérébral, EA manifeste des difficultés affectant son usage du français parlé et écrit. Les auteurs interprètent ce profil dans un cadre théorique d'inspiration connexionniste, susceptible de mettre en relation les traitements lexicaux de l'oral et de l'écrit, en production comme en réception. Brièvement, ils rendent compte du système de traitement des mots par trois couches interconnectées d'unités codant respectivement l'information phonologique, sémantique et orthographique '. Dans ce système, un patron d'activation mobilisé sur une des couches par un « input » sensoriel externe est éclairci et stabilisé grâce aux

1 . Une partie de ce cadre théorique a été précisée ultérieurement et a donné lieu à un modèle dont le fonctionnement et la phase d'apprentissage ont été simulés sur support informatique (Ans et al. 1998).

116

Page 15: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

renforcements d'aetivation reçus des deux autres couches. Par exemple, lors de la lecture, la présentation d'un mot écrit à l'entrée de la couche « orthographe » évoque sur cette couche une trace d'aetivation instable. Cette trace mobilise à son tour les patrons d'aetivation correspondants sur les couches « sémantique » et « phonologie ». Progressivement, la succession des cycles d'interaction entre couches contribue à stabiliser l'ensemble du système, notamment l'écho de la séquence de lettres sur la couche « orthographe ».

Le point central concernant notre propos est la capacité de ce cadre à expliquer, par un déficit des connexions entre orthographe et phonologie, toutes les difficultés de EA, notamment ses difficultés sur des tâches orales que l'on considérait jusqu'ici comme exclusivement fondées sur des connaissances phonologiques et sémantiques. Par exemple, EA, qui présente les caractéristiques de la dysphasie profonde, peine à répéter des pseudo-mots ou des vrais mots. Pour ces derniers, il redonne un synonyme fréquent à la place du mot entendu. Cette tendance à remplacer les mots par des synonymes fréquents subsiste d'ailleurs dans ses productions orales non motivées par la répétition. Dans le cas d'un déficit des connexions entre orthographe et phonologie, la stabilisation de la trace phonologique évoquée par un mot entendu est laissée aux seuls soins des interactions entre phonologie et sémantique. Puisque les pseudo-mots proposés à la répétition n'ont par définition aucun écho sur la couche sémantique, leur trace sur la couche phonologique ne se stabilise pas et ne reste pas disponible pour la répétition. De la même façon, ce rôle exclusif du lien entre phonologie et sémantique rend compte de la tendance de EA à remplacer les mots qu'il doit répéter ou produire par des synonymes plus fréquents, dont la forme phonologique est plus rapidement mobilisée par le sens.

La théorie de « l'amalgame » proposée par Ehri (1989, 1997) ou le Modèle Interactif Restreint de Perfetti (1989, 1997) décrivent avec précision comment les connaissances orthographiques nouvelles s'ancrent sur les représentations phonologiques des mots déjà connus sous leur forme orale. Contrairement à Valdois et al. (1995), ces deux auteurs défendent l'existence d'un lexique mental : un endroit de la mémoire où les informations sémantiques, phonologiques et orthographiques concernant chaque mot sont déposées de façon permanente. Dans le cadre défendu par Ehri ou Perfetti, la maîtrise de la lecture et celle de l'écriture dépendent du même processus d'acquisition : la formation, au niveau de chaque mot, d'associations entre les unités orthographiques et les unités phonologiques qui constituent le mot. Chez Ehri, ce processus aboutit à ce qu'elle nomme l'amalgame lexical de l'orthographe, de la prononciation et de la signification. Chez Perfetti, il entraîne la redondance des représentations lexicales : constituées de liaisons bidirectionnelles entre différents niveaux phonologiques et or-

117

Page 16: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

thographiques (mot, syllabe, attaque, rime, phonème), elles assurent une lecture et une écriture qui peuvent opérer avec sûreté et rapidité par des moyens supplétifs et interactifs.

Mais ces amalgames spécifiques à chaque mot se constituent à partir de connaissances générales sur le système alphabétique, notamment des connaissances sur les relations régulières entre graphèmes et phonèmes (Ehri 1997). Au regard de ces relations phonographiques régulières et générales, certains phénomènes lexicaux res- sortent comme des exceptions : les correspondances phonographiques rares ou les lettres muettes. Certaines stratégies permettent aux apprentis de mémoriser ces exceptions. Entre autres, ils élaborent des prononciations spéciales qui régularisent les correspondances phonographiques. Par exemple, ils prononcent le verbe anglais listen en faisant sonner le « t » ordinairement muet. Drake et Ehri (1984) ont d'ailleurs montré que les apprentis scripteurs à qui l'on apprenait à réaliser ces prononciations spéciales retenaient mieux les lettres correspondantes.

2.2. Application à Veffet Buben

Ces théorisations psycholinguistiques offrent un cadre pour comprendre comment l'orthographe pourrait influencer en profondeur les traitements oraux.

Premièrement, l'éclaircissement et la stabilisation des traces d'activation phonologique par les connexions avec l'orthographe rendent compte de l'effet qu'exerce l'orthographe sur la sélection des variantes phonétiques. Dans un cadre théorique tel que celui proposé par Valdois et al. (1995), la production orale d'un mot passe par l'activation des unités phonologiques à travers la signification de ce mot. Le lien entre une signification et certaines unités phonologiques sera plus fort s'il a été souvent mobilisé, en réception ou en production, dans l'histoire langagière du locuteur. Les unités phonologiques variables souvent supprimées dans l'environnement linguistique seront donc faiblement connectées à la signification du mot qui les porte. Il est ainsi probable que la seule force des liens entre signification et phonologie ne suffise pas à mobiliser ces unités variables. Mais l'évocation de la signification d'un mot active également les unités orthographiques qui le constituent, et ces unités mobiliseront à leur tour les unités phonologiques correspondantes. L'unité phonologique variable recevra donc un afflux d'activation supplémentaire à travers les connexions orthographe- phonologie et pourra atteindre le niveau nécessaire à sa production. Par ailleurs, puisque cet afflux supplémentaire d'activation stabilise la trace phonologique, cette

118

Page 17: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

dernière restera plus longtemps disponible pour la mise en œuvre articulatoire ou pour un contrôle plus délibéré.

Deuxièmement, la simple notion d'aetivation interactive entre unités phonologiques et orthographiques ouvre une voie pour comprendre comment l'influence immédiate de l'orthographe pendant la lecture pourrait à terme modifier durablement la sélection des variantes dans les situations ordinaires de communication. Quelques modèles de production de la parole sont également fondés sur l'activation interactive (Dell 1986, 1988 ; Levitt et Healy 1985). Chez certains auteurs, l'activation d'une unité à un moment donné dépend non seulement des afflux qu'elle reçoit momentanément d'autres unités, mais aussi d'un niveau d'aetivation de base, qui la caractérise (Levitt et Healy, 1985). La mobilisation automatique et répétée des phonèmes suppressibles via le graphème correspondant lors de la lecture à voix haute pourrait donc modifier ce niveau de base et accroître leur disponibilité dans les processus ordinaires de production de la parole. Par ailleurs, cette mobilisation des phonèmes étant automatique, elle a également lieu lors de la lecture silencieuse, même si son rôle dans l'accès au sens du mot reste alors limité (Content 1993). De ce fait, ce n'est pas seulement la lecture à haute voix qui pourrait modifier la sélection des variantes mais toute pratique de lecture, y compris chez l'adulte.

Troisièmement, les modèles psycholinguistiques permettent d'expliquer le phénomène d'insertion de nouveaux phonèmes dans des représentations phonologiques qui restent incomplètes avant l'apprentissage de l'écrit. Les données sur le développement phonologique précoce suggèrent que des représentations phonologiques stables émergent progressivement de l'interaction entre production et perception (Plaut et Kello 1998). Si ce principe reste vrai au-delà des acquisitions précoces, il faut rechercher l'origine des insertions phonologiques tardives dans des activités ou des comportements qui provoquent l'articulation ou la perception des variantes longues. Ces conditions sont remplies dans plusieurs situations. On a vu par exemple que l'apprenti scripteur utilisait des prononciations spéciales afin de régulariser et mémoriser l'orthographe des mots qui font exception aux correspondances régulières entre sons et lettres (Ehri 1997, présenté plus haut). Par ces prononciations spéciales, l'enfant est amené à produire les variantes longues de mots dont la représentation phonologique est tronquée au moment des apprentissages alphabétiques. Et il est possible que ces prononciations spéciales dépassent le simple statut de stratégie mnémonique pour s'installer dans l'usage oral ordinaire. C'est de cette façon que l'apprenti scripteur ajouterait un /R/ à la représentation phonologique de parce que (Chevrot 1998, présenté ci-dessus). Chez l'enfant de 7 ans qui ignore que parce que contient /R/, la lettre « r » rencontrée dans la graphie a

119

Page 18: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

statut de lettre muette. Au vu de la relation très régulière existant entre « r » et /R/ dans les relations phonographiques (Ghneim 1997), le jeune loeuteur aura tendance à restituer une liquide face à ce « r » graphique.

С — Implications linguistiques

Finalement, ce détour par l'approche cognitive de l'effet Buben permet de préciser son fonctionnement linguistique et diachronique.

Premièrement, la position centrale des relations orthographe-phonologie dans les modèles psycholinguistiques attire notre attention sur une évidence sémiotique. Dans les systèmes linguistiques sous-tendant l'usage oral, il est exceptionnel qu'un même niveau structurel soit codé par deux séries d'unités en correspondance terme à terme. S'il reste possible qu'une unité significative se limite à un seul phonème, ou un énoncé à une seule unité significative, ces cas de figure sont des exceptions notables aux capacités combinatoires des langues. Par ailleurs, du fait de l'arbitraire du signe, aucune relation terme à terme n'existe entre les composantes de la signification d'un mot et chacun des phonèmes qui constituent ce mot. Or le couplage structurel qui lie un système linguistique oral à un système d'écriture alphabétique introduit justement un double codage aux niveaux du phonème, des constituants syllabiques, de la syllabe et du mot. La redondance qui résulte de cette nouvelle donne sémiotique se manifeste par des voies diverses chez le locuteur : par l'affinement de la conscience phonologique, par la tendance à produire des erreurs d'orthographe alignant la graphie sur la phonie (Lucci et Millet 1994, Malderez 1996) et, bien sûr, par l'influence de l'orthographe sur la prononciation. C'est justement cette redondance structurelle que traduit l'idée de connexions interactives entre unités phonologiques et unités orthographiques.

Deuxièmement, les conceptions cognitives permettent de préciser les conditions qui rendent une écriture alphabétique particulièrement apte à influencer la prononciation. Sur ce point, la position de Levin (1988-89) est claire : plus les correspondances phonographiques sont régulières dans un système donné, et plus cette influence est probable. Si ces correspondances sont trop opaques, l'écriture s'affranchit de la phonologie, et perd la capacité de l'influencer. Cette position doit être amendée au vu des propositions d'Ehri (1997), notamment l'idée que les amalgames spécifiques à chaque mot se constituent à partir de connaissances plus générales sur les relations régulières entre graphèmes et phonèmes. Cette idée définit précisément l'effet Buben comme la régularisation de mots qui font exception à des correspondances phonographiques générales. Soit ces exceptions découlent de la mise en œuvre des principes

120

Page 19: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

de l'écriture elle-même. Dans gageure, c'est la préservation orthographique du lien morphologique avec gager qui entraîne l'utilisation de séquence « ge » pour transcrire /3/, et qui crée finalement la séquence ambiguë « eu ». Soit ces exceptions découlent de phénomènes de variation phonétique installés dans l'oral. L'utilisation de variantes orales privées de /1/ ou de /R/, ou leur apprentissage précoce comme seule forme possible d'un mot, dérogent à une correspondance très régulière entre ces liquides et les lettres « 1 » et « r ». Contrairement à ce qu'affirme Levin, ce n'est pas la très grande régularité globale d'un système phonographique qui favorise la susceptibilité d'une langue à l'effet Buben, mais la présence simultanée de régularités phonographiques locales — par exemple, la correspondance régulière entre un graphème et un phonème particuliers — et d'exceptions lexicales ponctuelles à ces régularités. Vu la fréquence de ce cas de figure dans les systèmes alphabétiques, le champ d'action de l'effet Buben est très large.

Troisièmement, si l'approche cognitive fournit les mécanismes nécessaires à la compréhension de l'effet Buben au niveau du locuteur-scripteur, elle ne suffit pas à épuiser l'explication de ce phénomène, ni à saisir toutes ses implications.

Tout d'abord, le jeu mutuel du cognitif et du linguistique favorise certains apprentissages spécifiquement sociolinguistiques. En effet, dans le cas de variations phonétiques se manifestant par l'alternance entre la présence et l'absence d'un phonème, l'orthographe transcrit généralement les variantes longues, qui sont aussi les variantes socialement valorisées. Même si cet état de fait trouve en partie son origine historique dans la disposition des groupes socialement dominants à faire usage de l'écrit (Levin 1988-89 ; Chartier 1986), il constitue actuellement une donnée très générale des langues à écriture alphabétique. Etant donné cette coïncidence entre graphies et variantes longues, la simple mise en œuvre des processus cognitif s impliqués dans la lecture à voix haute conduit les jeunes lecteurs à produire ces variantes longues et à les entendre. Puisque cet entraînement se réalise pendant un moment très ritualisé de l'activité scolaire, l'enfant apprend à associer les variantes longues à l'exigence de correction linguistique. L'intériorisation de la valeur situationnelle des variantes orales peut donc s'effectuer en dehors de toute action d'inculcation de la part des enseignants, du simple fait de la transcription orthographique des variations et de son traitement cognitif.

Ensuite, une approche cognitive ne suffit pas à saisir les limites de l'effet Buben. Tout locuteur-scripteur compétent du français a la capacité de produire une dictée « à la Pagnol ». Puisque l'activation des unités phonologiques par les unités orthographiques est automatique, pourquoi cette capacité n'est-elle pas actualisée plus souvent ? On peut donc s'étonner de la rareté de l'effet Buben. Inversement, en adoptant un point de vue opposé, on peut s'étonner de l'existence même de l'effet Buben. En effet, le

121

Page 20: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

mécanisme d'amalgame des informations orthographiques et phonologiques peut très bien procéder par alignement de l'encodage orthographique sur la forme phonologique. Comme le note Lueei (1996), sur le plan diachronique, deux tendances rapprochent orthographe et prononciation, et s'opposent à la fuite en avant d'un oral qui évolue face à une graphie stable : les prononciations orthographiques d'une part, les erreurs d'orthographe d'autre part. Mais l'oral est sans doute plus robuste que l'écrit, du fait de son ancrage dans la constitution même de l'humain (Jaffré et David 1996 ; Liberman 1995). On peut donc se demander pourquoi la régularisation des exceptions phonographiques ne se limite pas à la production d'erreurs orthographie jues, qui ont la qualité de laisser intactes les formes orales déjà connues.

Nous pensons que les réponses à ces questions se trouvent justement dans l'interaction de facteurs psycholinguistiques et sociolinguistiques. Si les apprentis lecteurs et scripteurs ne se mettent pas à prononcer toutes les lettres muettes, c'est parce qu'ils connaissent la plupart des mots sous leur forme orale avant d'apprendre à les écrire, mais c'est aussi parce qu'il existe une norme orale génératrice de stabilité. Un enfant qui prononcerait le « p » de compter en lisant ou en parlant se verrait immédiatement repris par l'adulte. Inversement, si l'effet Buben existe malgré la robustesse des acquisitions orales, c'est parce que la solution consistant à aligner la graphie sur la séquence de phonèmes, bien que moins coûteuse sur le plan cognitif , l'est davantage sur le plan social. En effet, la fixité de la norme orthographique sanctionne tout écart dans la scription des mots, alors que la coïncidence de fait entre formes phonologiques longues, graphies et variantes orales valorisées garantit qu'une partie des prononciations orthographiques seront acceptables au regard des normes de l'oral.

Au total, il apparaît donc que l'effet Buben, tel qu'il est constaté en diachronie, émerge de l'interaction entre des facteurs cognitif s, linguistiques, sociolinguistiques.

Bibliographie

AlARCOS-LloraCH, E. (1968). Les représentations graphiques du langage. Interférences de l'expression graphique et de l'expression orale, Le langage, A. Martinet (éd.), Gallimard, 564-567.

AleGRIA, J. & LEYBAERT, J. (1991). Mécanismes d'identification des mots chez les sourds, La reconnaissance des mots dans les différentes modalités sensorielles : études de psycholinguistique cognitive, Kolinsky, R., Morais, J. & Segui, .). (éd.), PUF, 277-304.

ANS, В., CaRBONNEL, S. & VaLDOIS, S. (1998). A Connectionnist Multiple-Trace Memory Model for Polysyllabic Word Reading, Psychological Review, 105 (4), 678-723.

Barron, R.W. (1994). The sound-to-spelling connection : orthographic activation in auditory word recognition and its implication for the acquisition of phonological awareness and literacy skills, The Varieties of Orthographic Knowledge : Theoretical and Developpemental Issues, Berninger, V.W. (éd.), Kluwer Academic, 219-242.

122

Page 21: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

BAUCHE, H. (1920). Le langage populaire, Fayot. BlANCHE-BeNVENISTE, С & CHERVEL, A. (1978). L'orthographe, Maspéro. BRIGHT, W. & RAMANUJAN, A.K. (1964). Sociolinguistic variation and language change, Ninth

International Congress of Linguists, Cambridge, Mouton. BRUN, A. (1935). La pénétration du français dans les provinces du Midi, Le Français Moderne, 3 (2),

149-161. BruNEAU, C. (1927). Manuel de phonétique, Berger-Levrault. BUBEN, V. (1935). Influence de l'orthographe sur la prononciation du français moderne, Droz. CharTIER, R. (1986). Les pratiques de l'écrit, Histoire de la vie privée, tome 3 : de la Renaissance

aux Lumières, Aries, P. & Duby, G. (éd.). Éd. du Seuil, 113-161. CHEVROT, J.-.P., Beaud, L. & VARGA, R. (à paraître). L'apprentissage des unités phonologiques

variables : le cas du /R/ post-consonantique final, LINX. CHEVROT, J.-P. (1994). La variation phonétique : un point de vue cognitif, Langage et Société, 70,

5-33. CHEVROT, J.-P. (1996). Prononciation et situations de lecture : données sociolinguistiques, appro

ches expérimentales, modèles psycholinguistiques, Lidïl 13, 127-158. CHEVKOT, J.-P. (1998). Acquisition phonologique tardive et apprentissage de la lecture-écriture,

Travaux de l'Institut de Phonétique de Strasbourg, 28, 19-37. CONTENT, A. (1993). Le rôle de la médiation phonologique dans l'acquisition de la lecture, Lecture-

écriture : acquisition, Jaffré J.-P., Sprenger-Charolles, L. & Fayol, M. (éd.) Nathan, 81-96. DauZAT, A. (1940). La prononciation des speakers à la radio, Le Français Moderne, 2, 105-108. DaUZAT, A. (1950). Phonétique et grammaire historique de la langue française, Larousse. DELL, G. S. (1986). A spreading activation theory of retrieval in sentence production, Psychological

Review, 93,283-321. DlJKSTRA, T., FRAUENFELDER, U.H. & SCHREUDER, R. (1993). Bidirectional grapheme-phoneme

activation in a bimodal detection task, Journal of Experimental Psychology : Human Perception and Performance, 19, 931-950.

DRAKE, D. & Ehri, L. (1984). Spelling Acquisition : Effects on pronouncing words on memory for their spellings, Cognition and Instruction, 1 , 297-320.

DURAND, M. (1940). Note sur la prononciation de SEPT, Le Français Moderne, 8 (2), 153-156. EHRI, L. (1989). Apprendre à lire et écrire des mots, L'apprenti lecteur, Rieben, L. & Perfetti, С

(éd.), Delachaux et Niestlé, 103-127. EHRI, L. (1997). Apprendre à lire et à orthographier, c'est la même chose, ou pratiquement la même

chose, Des orthographes et leurs acquisitions, Rieben, L., Fayol, M. & Perfetti, C.A. (éd.), Delachaux et Niestlé, 231-266.

ENCREVE, P. (1988). La liaison avec et sans enchaînement. Phonologie tridimensionnelle et usages du français, Les éditions du Seuil.

FoiJCHE, P. (1936). Les diverses sortes de français au point de vue phonétique, Le Français Moderne, 4(3), 199-216.

FURET, F. & OZOUF, J. (1977). Lire et écrire. L'alphabétisation des français de Calvin à Jules Ferry, Les éditions de Minuit.

GhNEIM, N. (1997). Relation entre les codes de l'oral et de l'écrit : contraintes et ambiguïtés, Doctorat, Université Grenoble 3.

GOMBERT, J.-E. (1990). Le développement métalinguistique, PUF. GraMMONT, M. (1914). Traité pratique, de prononciation française, Delagrave. GUEUNIER, N., GeNOUVRIER, E. & KHOMSI, A. (1978). Les français devant la norme, contribution à

une étude de la norme du français parlé, Editions Champion. IIOUDEBINE, A.M. (1985). Pour une linguistique synchronique dynamique, La Linguistique, 21,

7-36. JAFFRÉ, J.-P. & DAVID, J. (1996). Réflexions sur la raison phonographique, Lidil, 13, 159-172. JESPERSEN, 0. (1976). Nature, évolution et origines du langage, Payot. LABOV, W. (1976). Sociolinguistique, Éd. de minuit.

123

Page 22: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

LEON, P. & Tennant, J. (1988). Observations svir les variations morphématiques et phonématiques dans « Apostrophe ». Toronto working papers, SVP, 9, 20-47.

LEVIN, S. (1988-1989). Orthography and Standard Pronunciation, The Lacus Forum, 15, 497-505. LEVITT, A.G., Healy, A.F. (1985). The role of phoneme frequency, similarity and avalaibility in the

experimental elicitation of speech errors, Journal Memory and Language, 24, 713-733. LEVITT, J. (1968). Spelling-pronunciation in modern French : its origin and its functional signif

icance, Linguistics, 42, 43-67. LEVITT, J. (1978). The influence of orthography on phonology : A comparative study (English,

French, Spanish, Italian, German), Linguistics, 208, 43-67. LlBERMAN, A.M. (1995). The relation of Speech to Reading and Writing, Speech and Reading, a

Comparative Approach, de Gelder, B. & Morais, J. (eds.), Erlbaum (U.K.) Taylor & Francis, 17-31.

LlTCCI, V. & MILLET, A. (1994). L'orthographe de tous les jours, enquête sur les pratiques orthographiques des Français, Editions Champion.

LlJCCT, V. ( 1 983). Etude phonétique du français contemporain à travers la variation situationnelle , Publications de l'Université des Langues et Lettres de Grenoble.

LUCCI, V. (1996). La dynamique phonographique actuelle dans l'orthographe française, Lidil, 13, 113-126.

MALDEREZ, I. (1996). Vers la perte de l'opposition du lieu d'articidation des voyelles moyennes arrondies dans la parole des jeunes gens d'Île-de-France, Revue de Phonétique Appliquée, 20, 221-235.

MARTINET, A. (1993). La naissance d'une langue, graphie et phonie ; à propos de « La naissance du français » de Bernard Cerquiglini, La linguistique, 29 (1), 129-133.

MARTINON, P. (1913). Comment on prononce le français, Larousse. MlCHAELIS, IL & PASSY, P. (1897) : Dictionnaire phonétique de la langue française . Complément

nécessaire de tout dictionnaire français, Charles Meyer. Morais, J., Castro, S., Scxiar-Cabral, L., Kolinsky, R. & Content, A. (1987). The effects of

literacy on the recognition of dichotic words, Quaterly Journal of Experimental Psychology, 39A, 451-465.

MORAIS, J., CASTRO, S.L. & KOLINSKY, R. (1991). La reconnaissance des mots chez les adultes illettrés, La reconnaissance des mots dans les différentes modalités sensorielles, études de psycholinguistique cognitive, Kolinsky, R., Morais, .T. & Segui, J., PUF 59-80.

MORAIS, J., KOLINSKY, R., VENTURA, P. & CmYTENS, M. (1997). Levels of Processing in the Phonological Segmentation of Speech, Language and Cognitive Processes, 12 (5/6), 871-875.

MORGAN, T.A. (1989-1990). Orthographic Constraints on Sound Change : The Non-Neutralization of Graphemes in Castillan, The Lacus Forum, 16, 303-312.

NyrOP, K. (1914). Manuel phonétique du français parlé, Alphonse Picard. OHALA, J.J. (1990). There is no interface between phonology and phonetics : a personal view, Journal

of Phonetics, 18, 153-171. PERFETTI, С A. (1989). Représentation et prise de conscience au cours de l'apprentissage de la

lecture, L'apprenti lecteur, Rieben, L. & Perfetti, C.A., Delachaux-Niestlé, 61-82. PERFETTI, C.A. (1997). Psycholinguistique de l'orthographe et de la lecture, Des orthographes et

leurs acquisitions, Rieben, L., Fayol, M. & Perfetti, C.A., Delachaux et Niestlé, 37-56. PLAIT, U.C. & Kello, C.T. (à paraître). The emergence of Phonology from the Interplay of Speech

Comprehension and Production : A distributed Connectionist Approach, The emergence of language, MacWhinney, B. (éd.), Erlbaum.

Su SSI RE (de), F. (1916). Cours de Linguistique Générale, Payot [éd. 1972]. Segiy, J. (1978). Ia> français parlé à Toulouse, Edouard Privât. Tur ROT, C. (1881-83). De la prononciation française depuis le commencement du XV f siècle d'après

le témoignage des grammairiens, Imprimerie nationale.

124

Page 23: L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l

VaIDOIS, S., CARBONNEL, S., DAVID, D., ROUSSET, S. & PeLLAT, J. (199S). Confrontation of PDP Models and Dual-route Models Through the Analysis of a ease of Deep Dysphasia, Cognitive Neuropsychology, 12 (7), 681-724.

WALTER, H. (1976). La dynamique des phonèmes dans le lexique français contemporain, France Expansion.

WANG, W.S.-Y. (1991). Explorations in Language, Pyramid Press.

125