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Ministère de la Justice
Direction de la Protection judiciaire de la Jeunesse
Alexis BAEYENS Promotion 2011/2013
Le temps sport au CER de Cuinchy :
La collaboration un moyen de limiter les situations de violences.
Sous la direction de Oumaya Hidri NEYS, Maître de conférence en STAPS
Mémoire de validation de la formation
d'éducateur de Protection Judiciaire de la Jeunesse
Master I – Mention Sciences de l’Éducation et de la Société
Spécialité « Travail éducatif et social »
UFR Sciences de l'éducation – Université Lille 3
École nationale de protection judiciaire de la jeunesse
Pôle territorial de formation Grand Nord
2
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : SPORT ET EDUCATION : définitions théoriques et politiques.
I. Constat de départ et premières définitions
A. Situation de référence et question de départ
B. Sport et institution : premières approches
1) Le sport : un support éducatif pour l’institution
2) Le sport : un support éducatif utilisé par le Centre Educatif Renforcé de
Cuinchy
II. Les politiques d’éducation par la pratique physique et sportive
A. Les politiques d’éducation par la pratique physique et sportive
1) L’opposition politiques/chercheurs
2) Les propositions pour une véritable éducation par le sport
B. Les études ayant utilisé le média sportif
1) Les travaux de R.Pfister et C.Sabatier
2) Le rapport à la règle selon Méard et Bertone
DEUXIEME PARTIE : LE JUDO A L’EPREUVE DE L’EXPERIMENTATION
I. Le projet et ses objectifs
II. La mise en oeuvre
A. Les moyens
1) Les moyens matériels
2) Les moyens humains
3) Les moyens financiers
B. Le déroulement
1) Les méthodes d’animation pédagogique
a) L’utilisation des invariants pédagogiques
3
b) La mise en place de situations problèmes
c) L’utilisation d’une remédiation
2) Le calendrier de progression
III. L’évaluation
TROISIEME PARTIE : LES RESULTATS : EVALUATION DE
L’EXPERIMENTATION
I. Comparatif activité football/judo avec l'exploitation de la grille d'observation.
II- Résultats et analyse des entretiens individuels.
A. Résultats des entretiens.
B. Analyse des entretiens
1) Le sport une activité repérée au CER
2) Les règles et la notion de coopération ont été comprises.
3) Des jeunes capables de se projeter
III. La validation de nos hypothèses.
A. Le comportement des mineurs varient en fonction de l'activité proposée
B. La coopération permet de réguler les facteurs d'opposition
C. La coopération présente lors du temps sport peut être transférable dans d’autres
espaces sociaux
CONCLUSION
Bibliographie
4
INTRODUCTION
L’activité sportive est un média utilisé par de nombreux éducateurs de la Protection
Judiciaire de la Jeunesse. En structure d’hébergement, en unité éducative de milieu ouvert, en
unité éducative d’activités de jour, ce média est largement utilisé. Football, basket ball, tennis
de table, jujitsu, boxe, natation, équitation… sont autant de sports pratiqués par les mineurs
placés sous main de justice.
Mes différents lieux de stage m’ont permis de relever que ce média était utilisé avec
des objectifs définis préalablement ou non. Un match de basket pouvait être organisé juste
avant le repas du soir alors que le soleil venait de faire une timide apparition, des ateliers
jujitsu sont mis en place chaque mercredi dans le cadre du dispositif accueil accompagnement
en milieu ouvert par exemple. Enfin, lors de ma prise de fonction, en tant qu’éducateur
préaffecté au Centre Educatif Renforcé1 de Cuinchy, j’ai découvert que l’utilisation de
l’activité sportive était quotidienne et qu’elle revêtait un caractère obligatoire.
« Le sport, média éducatif » est un thème largement abordé, sur lequel de nombreuses
études ont été menées. D’ailleurs, plusieurs élèves stagiaires de l’Ecole Nationale de la
Protection Judiciaire de la Jeunesse ont travaillé sur ce sujet.
Alors, que faire ? Se dire que le sujet est déjà « épuisé » et qu'il vaut mieux travailler
un autre thème, ou essayer d'ouvrir de nouveaux axes de travail et de nouvelles perspectives.
J'ai choisi la seconde possibilité. En effet, il s'agissait de proposer un mémoire professionnel
abordant un sujet pouvant être un apport pour le service dans lequel je suis pré-affecté. Le
CER de Cuinchy, structure de la Protection Judiciaire de la Jeunesse située dans le Pas de
Calais, propose des séances sportives quotidiennes. Pour autant, la remarque du directeur de
service lors d'une réunion de préparation de la session avec les éducateurs a attiré mon
attention : « les activités sportives ne sont pas traitées également par les éducateurs. Chacun
fait comme il peut avec des objectifs qui différent. Vous faites avec vos capacités personnelles
mais cela n'a pas forcement de sens pour les mineurs. Tout le monde n'est pas formé pour
utiliser l'activité physique et sportive.»2 Il y avait donc un besoin de la structure dans ce
domaine. J’y ai trouvé l’opportunité de repenser l’activité sous d’autres angles.
De plus, ancien étudiant en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives,
1 Les centres éducatifs renforcés ont vocation à prendre en charge, sur le fondement de l’ordonnance du
2 février 1945, des mineurs délinquants multirécidivistes en grande difficulté ou en voie de marginalisation
ayant souvent derrière eux un passé institutionnel déjà lourd. Ils se caractérisent par des programmes
d’activités intensifs pendant des sessions de trois à six mois selon les projets et un encadrement éducatif
permanent. Ils visent à créer une rupture dans les conditions de vie du mineur et à préparer les conditions de
sa réinsertion.
2 Benoist Jolly, directeur du CER de Cuinchy, réunion de préparation sur le projet de service, octobre 2012
5
j’avais forcément une appétence particulière pour le sport, avec le sentiment de pouvoir
apporter ma contribution à ma nouvelle structure d’affectation.
Le Centre Educatif Renforcé de Cuinchy, comme indiqué précédemment, met en place
chaque jour, entre 18 et 19 heures une activité sportive et physique obligatoire pour les
mineurs. Ce créneau horaire quotidien utilisé de manière inégale par les éducateurs a donc
attiré mon attention dès mes premiers jours de prise de fonction. Une situation de tensions
entre deux mineurs avaient connu son (« malheureux ») dénouement lors d’un match de
football organisé sur l’un de ces créneaux.
A partir de cette situation d’affrontement entre deux mineurs, j’ai proposé à l’équipe
éducative une activité permettant de limiter les situations de violence. Mon projet est de
proposer un temps « activité physique et sportive » permettant réellement un travail sur les
comportements violents des mineurs pris en charge au C.E.R.
Il s’agira donc de démontrer dans ce mémoire qu’un sport tel que le judo, conçu
comme support de coopération entre les mineurs, peut permettre de limiter les conduites
agressives.
Pour cela, je chercherai à valider les trois hypothèses suivantes :
- Le comportement des mineurs varient en fonction de l'activité proposée
- La coopération permet de réguler les facteurs d'opposition
- La coopération présente lors du temps sport peut être transférable dans d’autres
espaces sociaux
J’exposerai mon propos en trois parties. La première partie me permettra, après avoir
énoncé plus précisément la situation de départ, de poser les premières définitions théoriques et
les politiques d’éducation en matière d’activités sportives et physiques. En effet, de nombreux
personnages politiques se sont engagés sur le principe de « l’éducation par le sport », idée
contrebalancée par plusieurs études.
Une seconde partie relatera l’expérimentation mise en place. Il s’agira de décrire
précisément le projet, sa mise en œuvre et d’apporter des axes d’évaluation.
Enfin, la troisième partie permettra d’effectuer un retour construit sur l’utilisation de
l’activité « judo » et de valider ou non nos hypothèses.
6
PREMIERE PARTIE : SPORT ET EDUCATION : définitions théoriques et
politiques.
Le média éducatif le plus couramment utilisé dans le domaine éducatif est sans
conteste l’activité sportive. Sa mise en place est souvent légitimée par un besoin pour le
mineur de travailler l’estime de soi, sa confiance en lui, son rapport à la violence ou à la règle.
L’utilisation de ce média répond-t-il à toutes les problématiques ? Est-il adapté à
l’ensemble des mineurs placés sous main de justice ?
Partant d’une situation éducative vécue, que j’expliciterai en première partie, j’en
définirai le cadre théorique et ferai un état des lieux des recherches menées en matière de
politique d’éducation par la pratique sportive et physique.
I ) Constat de départ et premières définitions
Ancien étudiant en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportive, et
notamment en filière « éducation motricité », je suis tout particulièrement attaché à la mise en
place éducative des activités sportives au Centre Educatif Renforcé sur lequel je suis pré-
affecté. Le créneau « sport », investi de manière inégale par les mineurs a donc retenu toute
mon attention lors du choix de mon sujet de mémoire.
A. Situation de référence et question de départ.
Depuis le début de la journée, une tension existe entre deux jeunes confiés au C.E.R.
Déjà à deux reprises, les éducateurs ont dû intervenir pour séparer les mineurs qui voulaient
en venir aux mains. La raison de la tension n'est pas connue de l'équipe éducative.
A dix huit heures, lors de l'arrivée des éducateurs de nuit, un passage de consignes est
effectué. Les professionnels arrivant sur le service prennent donc connaissance de la tension
entre les deux adolescents. Afin de résoudre ce litige, l'équipe éducative décide d'organiser un
match de football durant le temps « sport » (qui est obligatoire) afin de « ressouder le
groupe » et d ' «évacuer les tensions ».
7
Lors de cette rencontre, les deux mineurs en question sont adversaires. Le choix des
équipes a été fait par affinité par les adolescents. Durant le match, plusieurs accrochages
physiques ou verbaux ont lieu, jusqu'à ce qu'une nouvelle bagarre éclate entre les deux
protagonistes. Face à cette situation de violence, les éducateurs décident de mettre fin à la
séance et de rentrer au Centre Educatif Renforcé. Les deux jeunes sont reçus tour à tour dans
le bureau des éducateurs pour effectuer un retour sur leur comportement. Les deux
adolescents se rejettent la faute : «il a commencé à me traiter », « c'est lui qui a mis des coups
en premier »... Ils sont sanctionnés par les éducateurs (retrait de la totalité des cigarettes le
jour suivant). Les mineurs seront également reçus dès le lendemain par le responsable d'unité
éducative.
Cette situation a fait naître un débat au sein de l’équipe éducative. Pour certains, les
éducateurs ayant eu connaissance de la tension entre ses deux mineurs auraient dû choisir un
autre sport que le football qui selon eux renvoie à l'affrontement. Pour d'autres, l'activité
sportive choisie n'a pas agi comme un révélateur de violence. En effet, ils sont persuadés que
l’affrontement était, en fin de journée, inévitable.
Ces échanges, et cette différence d’interprétation au sein de l’équipe éducative m’ont
longuement interrogé.
Quelles activités physiques et sportives peut proposer le CER de Cuinchy pour
tenter de canaliser les tensions entre les jeunes ?
Afin de répondre à cette question, il convient de définir le cadre théorique. Celui-ci me
permettra de mieux appréhender la notion de sport dans l’institution et plus particulièrement
en Centre éducatif renforcé.
B. Sport et institution : premières approches
Définir les notions théoriques est le préalable indispensable à ma réflexion. Le mot
« sport » est un terme générique. Je vais donc ici m’intéresser aux Activités physiques et
sportives. Que représentent-elles pour l’institution ? Comment sont elles présentées par les
formateurs? Comment sont-elles utilisées actuellement sur la structure qui m’accueille ?
8
1. Le sport : un support éducatif pour l’institution
Pour l'institution, « les Activités Physiques, Sportives et Artistiques sont un support au
développement de soi et à l'apprentissage de la vie en société. Elles contribuent aux
apprentissages personnels, à l'éducation de chacun, elles favorisent l'intégration et l'inclusion
sociale et sont vecteurs de comportements sociaux positifs. »3
De même, la commission européenne a également reconnu différentes fonctions
principales au sport4 : « une fonction éducative, une fonction de santé publique, une fonction
sociale, une fonction culturelle, une fonction ludique »
Le guide des activités physiques et sportives précise alors que « toutes ces fonctions
font l'objet d'action éducative au sein des établissements et des services de la PJJ. Le sport
peut donc servir de média pour ces apprentissages. »
Ce guide indique également que l'activité physique est « un espace d'expression et de
spontanéité » permettant alors la mise en œuvre « d'un terrain d'observation privilégié des
comportements et attitudes des jeunes, qui se trouvent libérés lors de la pratique et qui
exprime alors leur manière d'être sans contrainte. »
Il précise enfin qu'il s'agit d'un « lieu de paroles privilégiés » et que « ces temps de
pratique peuvent donc être, pour l'éducateur, un outil supplémentaire à la compréhension, et à
la connaissance des jeunes dont il a la responsabilité. »
Je peux en déduire que ces temps doivent être investis pleinement par les éducateurs.
D’ailleurs, la formation des éducateurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse met en avant
3 axes que permettent de travailler les activités physiques :
Un travail sur l'empathie : en s'appuyant notamment sur les travaux du sociologue
Omar ZANNA5, qui propose de travailler la restauration de l'empathie par la mise en
place d'ateliers de pratique sportive.
Un intérêt sur l'opposition : Benoist JOLLY, ancien formateur à l'ENPJJ expliquait
qu’: « à travers l'engagement des corps dans le cadre de l'activité sportive, la rivalité
3 Guide méthodologique de l'usage des activités physiques et sportives dans l'action d'éducation, avril 2011
4 Premières assises européennes du sport - Olympie les 21 et 22 mai 1999
5 Omar ZANNA, restaurer l'empathie chez les mineurs délinquants, édition Dunod, 2010
9
et l'opposition peuvent s'exprimer sans être destructrice, car elles sont médiatisées par
la règle qui limite et par le cadre qui autorise et réciproquement. »6 . Il ajoute que « la
coopération est la dimension qui vient compléter le processus de socialisation. »
Un travail sur le fond : Pour B.JOLLY : « il s'agit à travers le sport médiateur, d'aider
l'adolescent à retrouver une plasticité intellectuelle et des outils cognitifs qui lui
permettent de transférer dans la vie quotidienne les compétences mise en œuvre
pendant l'activité physique et sportive. »
Je viens de définir ce que sont les Activités Physiques et Sportives, il convient
désormais de s’intéresser à ce qui est mis en place au CER de Cuinchy, terrain de mon étude.
2. Le sport : un support éducatif utilisé par le Centre Educatif Renforcé
de Cuinchy
« S'appuyant sur un cadre ferme et des règles claires et cohérentes posées dès le
départ (activités obligatoires, pas de sorties libres, pas de retour famille avant 5 semaines,
vouvoiement des adultes, téléphone portable interdit), la pédagogie du C.E.R. repose sur la
volonté de faire avec les mineurs. »7
L'équipe du C.E.R., constituée d'un directeur de service, d'un responsable d'unité
éducative, d'une psychologue, de 10 éducateurs et d'un ouvrier professionnel accompagne les
mineurs, placés sur décision du juge des enfants, suite à la commission d'un délit ou d'un
crime le temps d'une session de 15 semaines, 24 heures sur 24 «dans tous les actes et toutes
les tâches de la vie quotidienne afin de favoriser un apprentissage des règles et d'atteindre
divers objectifs comme :
- Reprendre des habitudes de vie adaptées à l'insertion professionnelle
- Se confronter à l'effort
- Travailler une insertion sociale
- Mettre un terme aux actes de délinquance
- Réfléchir sur son parcours
6 Benoist JOLLY, action éducative, octobre 2012
7 Livret d'accueil du CER de Cuinchy, septembre 2012
10
La session se partage donc entre des cycles de 15 jours sur place (chantier, atelier,
travail scolaire, sport) entrecoupée de quatre dégagements organisés hors région avec un
caractère sportif. »8
La vie quotidienne, très rythmée, est découpée comme suit9:
7h30 : Lever, petit déjeuner, douche
9h00 : Activités scolaires (arrivée des éducateurs de jour et départ des éducateurs de nuit)
12h00 : Préparation du repas puis repas
14h00 : Chantier
17h00 : Collation
18h30 : Sport (arrivée des éducateurs de nuit et départ des éducateurs de jour)
20h00 : Préparation du repas puis repas
22h00 : Coucher
Le projet de service précise que « l'activité sportive a une place prépondérante au sein
de la structure. » Concrètement, elle est présente aussi bien lors des temps sur la structure que
sur les camps hors région. Elle est mise en place pour favoriser un temps de décompression au
sein d'un espace réglementé pour les mineurs accueillis, mais est également présentée comme
un média capable de réguler les comportements violents des jeunes. Les activités pratiquées
sont principalement la boxe, le judo, la lutte, la musculation, le football et le basket-ball. Le
choix de l’activité dépend des compétences des éducateurs présents sur le service. Comme
toutes les activités du C.E.R., ce temps est obligatoire.
L’équipe éducative du CER a réfléchi à l’utilisation des activités physiques et
sportives. Celles-ci sont ici utilisées comme média éducatif et sont mentionnées dans le projet
de service, puis reprisent dans le document individuel de prise en charge.
A un autre niveau, des chercheurs et des hommes politiques se sont intéressés à ce
sujet. Je vous propose donc d’aborder les différentes politiques d’éducation par la pratique
physique et sportive, puis de traiter l’utilisation du média sportif par les chercheurs.
8 Projet de service du CER de Cuinchy, septembre 2010
9 Règlement intérieur du CER de Cuinchy
11
II. Les politiques d’éducation par la pratique physique et sportive
"La période qui s'ouvre est favorable à une réflexion sur l'adaptation des politiques
publiques en faveur du développement du sport pour tous." C'est avec ce constat que la Cour
des comptes ouvrait en janvier 2013 son rapport très attendu sur le sport, "Sport pour tous et
sport de haut niveau : pour une réorientation de l'action de l’État". Cependant, les hommes
politiques et les chercheurs se penchent sur la question de l’éducation par le sport depuis
plusieurs décennies. Il conviendra donc dans cette seconde partie de retracer quelles ont été
les différentes politiques mises en œuvre et d’évoquer les études réalisées par les chercheurs.
A )Les politiques d’éducation par la pratique physique et sportive
La notion d’éducation par le sport suscite de multiples interrogations et débats. Les
points de vue divergent. Aussi, je mettrais tout d’abord en exergue l’opposition
chercheurs/politiques, puis j’essaierais de dégager quelques propositions pour une véritable
éducation par le sport.
1) L’opposition politiques/chercheurs
Pour Marc Préel10
, la politique d'éducation par les activités physiques est née presque
par hasard, en 1960. « Le général de Gaulle, furieux du zéro pointé des Français aux J.O. de
Rome, lance une grande politique du sport en France. Rapidement, dès le début des années
70, ces grands investissements dans les infrastructures sportives, qui vont de pair avec la
construction des « grands ensembles » architecturaux, se voient adjoindre une mission
d’œuvre sociale : améliorer l’épanouissement et la santé des Français et pacifier les rapports
sociaux des quartiers populaires. »
Quelques années plus tard, en 1990, «sous les ministres de la ville Michel Delebarre
puis Bernard Tapie, des équipements sportifs de proximité et des animations sportives de
quartiers, animés par des policiers et des éducateurs, voient progressivement le jour. »11
Ainsi, les dispositifs d'éducation par le sport se multiplient. Charrier et Jourdan nous
rappellent que : « depuis 2003, un pôle ressources nationales « sport éducation insertion » du
ministère des sports est chargé de coordonner les actions « d'insertion par les Activités
10 Marc Préel, le sport réduit-il (vraiment) la violence, revue sport à vif
11 Gasparini, L'intégration par le sport, genèse politique d'une croyance collective, revue société
contemporaine, Mars 2008
12
Physiques et Sportives » alors qu'un programme « parcours animation sports » à destination
des jeunes des banlieues est lancé en 2006 par le ministre de la jeunesse et des sports, Jean
François Lamour. »12
Ces différentes politiques, pour marquer l'opinion publique, s'appuient notamment sur
les grands champions français. Pour Gasparini : « les exemples de Zinedine Zidane, Abdelatif
Benazzi, Brahim Asloum, Nicolas Anelka, Thierry Henry, et d'autres nous montrent qu'à la
différence de la culture, de l'économie ou de la politique, le sport semble pouvoir fonctionner
comme un ascenseur social »13
L'éducation par le sport semble ne faire aucun doute pour l'opinion politique, comme
le souligne le rapporteur du Conseil de l'Europe : « Le sport est une activité humaine qui
repose sur des valeurs sociales éducatives et culturelles essentielles. Il est un facteur
d'insertion, de participation à la vie sociale, de tolérance, d'acceptation des différences et de
respect des règles. »14
Pourtant, face à ses orientations politiques, les critiques s’élèvent. En effet, malgré les
différentes actions, l'éducation par les activités physiques et sportives ne semble pas faire
l’unanimité. Ainsi, Marc Préel pointe les investissements faits après les émeutes des cités en
2005 : « on y mit ce qu’on pouvait, dont du sport. 20 millions d’euros de plus pour
l’investissement sportif dans les quartiers difficiles. Une mesure de l’ordre du symbolique qui
porte les crédits du Centre national de développement du sport (C.N.D.S), nouvellement créé,
à 236 millions en 2007 (dont 120 millions d’euros sur trois ans pour un Plan national de
développement du sport). Mais même symbolique, cette rallonge en disait long sur l'idéologie
que pouvait apporter le sport dans la lutte contre la délinquance dans les quartiers. Il ne
fallait pas douter, montrer le chemin, et répéter, encore et toujours, l’évidence : le sport
prévient la violence. »15
Gasparini, quant à lui, est encore plus explicite : « Les contributions les plus récentes
montrent que le sport ne contient pas de vertus éducatives intrinsèques (Gastaut, 2003,
12 Charrier, Jourdan, Pratiques sportives et jeunes en difficulté : 20 ans d’innovations et d’illusions… et des
acquis à capitaliser , in M. Falcoz, M. Koebel (dir.), Intégration par le sport : représentations et réalités, Paris,
L’Harmattan, 2005.
13 Gasparini, L'intégration par le sport, genèse politique d'une croyance collective, revue société
contemporaine, Mars 2008
14 Rapporteur du conseil de l'Europe en 2003
15 Marc Préel, le sport réduit-il (vraiment) la violence, revue sport à vif
13
Falcoz et Koebel,2005, Poli et Besson, 2007) »16
. Il ajoute que : « le recours au sport pour
« intégrer » les jeunes de cité est une simple réponse à un projet politique. ». L'auteur remet
en question également l'utilisation médiatique des grands champions, souvent fer de lance des
politiques d'éducation par le sport : «La réussite de quelques athlètes issus des milieux
populaires et sélectionnés dans les équipes de France de football, de boxe ou d’athlétisme, si
elle contribue au mythe du « salut social » par le sport fait cependant écran à la réalité de
l'impasse dans laquelle se trouvent nombres de jeunes en difficulté d'insertion.» Dans ses
recherches avec Knobe, Gasparini déclare que contrairement aux objectifs annoncés par les
politiques : « La pratique sportive peut aussi bien constituer un facteur d'intégration qu'un
facteur d'exclusion »17
S.Roché18
, sociologue, directeur de recherche au CNRS, a également mené une étude
pour s’attaquer à l'hypothèse d'une éducation par le sport. Non seulement ce n’est pas le cas,
conclut-il, mais c’est souvent l’inverse qui est constaté : « la proportion de délinquants est
deux fois plus élevée chez les jeunes pratiquant une activité sportive. »
Ainsi, Préel nous rappelle l'existence d'une opposition entre personnalités politiques,
pour qui le sport semble représenter un réel levier éducatif et chercheurs. En effet : « l'étude
de Roché ne lui avait pas attiré les bons sentiments de Jean-François Lamour, alors ministre
des sports. »19
De même, Luc Collard, alors maître de conférences à l’université Jules-Verne
d’Amiens (Picardie), s'était également opposé au ministre des sports à l'époque . Luc Collard
a mené une étude pour le compte de l’Education nationale20
. Sa conclusion : « le sport intensif
à l’école augmenterait l’agressivité des élèves. » Il raconte que lorsqu’il a montré les résultats
à l’équipe de De Robien (alors ministre de l'éducation nationale), « ils étaient atterrés,
révoltés, et expliquaient que les résultats étaient faux».
Ces études ne font pas que déranger les ministres. Elles heurtent aussi notre sens
commun, où le sport est devenu une valeur qui figure en bonne place : « le sport est
éducatif ». La première réaction est de rejeter cette idée, comme si la pratique sportive
comportait naturellement un facteur de prévention de la violence. Mais il convient de
16 Gasparini, l'intégration par le sport, genèse politique d'une croyance collective, revue société contemporaine,
Mars 2008
17 Gasparine, Knobe, Le salut par le sport ? Effets et paradoxe d'une politique locale d'insertion » déviance et
société, vol 29, n° 3, 2005
18 S.Roché, « plus de sport, plus de délinquance chez les jeunes », Recherches et Prévisions, n°82, 2005
19 Marc Préel, le sport réduit-il (vraiment) la violence, revue sport à vif
20 L.Collard, Sport et agressivité, édition Désiris , 2004
14
s’interroger sur notre propre pensée. Ces études ont le mérite de donner quelques éléments de
faits sur le sport de masse, mais pose aussi légitimement la question d’une politique du sport
vieille de plus de trente ans. Comme le souligne Duret : « Les discours que l'on tenait il y a 20
ans sur l'intégration par le sport sont caducs non seulement parce que la réalité sociale est
modifiée mais encore parce que les manières de l'appréhender se sont elles mêmes
transformées. »21
Alors qu’en est-il du rôle du sport comme moyen de prévention de la violence ?
Quelles propositions peut-on faire pour une véritable éducation par le sport ?
2) Les propositions pour une véritable éducation par le sport
En partant du postulat que l’activité physique possède un réel potentiel éducatif, quels
pré-requis indispensables doit-on respecter pour faire du sport un véritable vecteur
d'éducation et de citoyenneté ? Je vais tenter de répondre à cette question en m’appuyant sur
différents auteurs ou chercheurs.
Commençons par l’avis de J.P.Acensi directeur de l’Agence pour l’éducation par le
sport, qui travaille depuis dix ans à l’aide aux projets sportifs dans les quartiers et veille à la
mise en place de bonnes pratiques dans la politique sportive. Pour lui, le progrès passe aussi
par une meilleure formation des éducateurs. « Le sport n’a pas de valeur éducative en tant
que tel », explique t-il. « Si les éducateurs sont mauvais, on aura de mauvais résultats. Et
c’est vrai que l’encadrement est souvent un peu trop léger ».
Un premier pré-requis pourrait donc être une formation spécifique en ce domaine des
éducateurs.
Pour Gasparini, le sport peut avoir un intérêt dans le travail social. Toutefois, il précise
que : « l'activité sportive doit s'inscrire dans le cadre d'un projet personnalisé, construit
simultanément par le(s) jeune(s) concerné(s) et par l'éducateur chargé du suivi »22
. Gasparini
et Knobe précisent cependant que l'utilisation des activités physiques et sportives n'est pas un
« produit miracle ». Selon eux : « L'effort développé dans le sport n’entraîne pas
mécaniquement un réinvestissement de cet effort dans d'autres situations, tout comme le
21 Duret, Sociologie du sport, edition PUF, 2006, p9
22 Gasparini, l'intégration par le sport, genèse politique d'une croyance collective, revue société contemporaine,
Mars 2008
15
respect de la règle sportive n’entraîne pas forcement le respect de la règle sociale. »23
La notion de transfert, indispensable au travail éducatif, reste cependant accessible
pour Falcoz et Koebel, mais nécessite certaines conditions : « Le transfert de compétences ne
peut fonctionner que si les situations sont comparables et si le transfert s'accompagne d'une
réflexivité, c'est à dire d'une conscience de réutiliser la règle ailleurs. »24
Un second pré-requis avancé est donc l’inscription de l’activité dans un projet
personnalisé. Le sport pourrait, dans le cadre d’un suivi éducatif exercé par la Protection
Judiciaire de la Jeunesse, faire partie intégrante du Document Individuel de Prise en Charge.
Pour Roché, il faut simplement réfléchir aux conséquences des différents sports
pratiqués, mettre l’accent sur l’éducatif avec des jeux plus collaboratifs. « Cela aurait le
mérite de mettre moins à l’écart toute une population qui ne se sent pas concernée par cette
logique compétitive du sport. »25
L.Collard fait une proposition similaire : « Je ne suis pas pour qu’on se dise : le sport
rend agressif donc on va l’interdire dans les quartiers. Le vrai problème, c’est qu’on applique
le mauvais médicament. On va défendre les sports de combat ou le foot qui rendent agressifs,
alors qu’il faudrait plutôt privilégier les activités de pleine nature, type escalade ou
plongée.»26
Miser sur la technique plutôt que sur la compétition, travailler sur le long terme,
développer des sports moins agressifs et s’en donner les moyens sont des phrases souvent
prononcées par les chercheurs comme par les acteurs de terrain…
Le troisième pré-requis rejoint le précédent puisqu’il s’agit d’effectuer un choix
pertinent quant au sport « utilisé ». Nous pouvons ici faire allusion à la nécessité
d’individualiser la prise en charge.
Ainsi, l'utilisation d'une éducation par le sport fait débat. Véritable support éducatif
pour les uns, il est clairement remis en cause par les autres. Il est donc nécessaire d'effectuer
une recherche sur les études mettant « en jeu » le média sportif notamment dans le rapport à la
23 Gasparine, Knobe, Le salut par le sport ? Effets et paradoxe d'une politique locale d'insertion » déviance et
société, vol 29, n° 3, 2005
24 Falcoz et Koebel, Intégration par le sport : représentations et réalités, édition l'Harmattan, 2005
25 S.Roché, « plus de sport, plus de délinquance chez les jeunes », Recherches et Prévisions, n°82, 2005
26 L.Collard, Sport et agressivité, édition Désiris , 2004
16
violence.
B ) Les études ayant utilisé le média sportif
Deux études portant sur l’utilisation du sport comme média éducatif vont m’éclairer
sur les activités qui peuvent être proposées aux mineurs dont nous avons la charge et celles
qui doivent être évitées car génératrice de violences (travaux de R. Pfister et C. Sabatier).
Elles m’informent également sur les règles transmises et véhiculées (travaux de Méard et
Bertone)
1 ) Les travaux de R.Pfister et C.Sabatier27
Dans un article parue dans la revue EPS, C.Sabatier et R.Pfister avaient mené une
étude sur les phénomènes d’agressivité dans l'utilisation du média sport collectif, et
notamment, le handball. Ils en avaient fait ressortir la notion « d’interaction adversive ».
Selon eux, « une interaction adversive désigne une action par laquelle on s'oppose, une
action réalisée contre autrui, au détriment d'autrui, éventuellement d'un objet ou d'une
circonstance, voire de soi-même ». Ainsi, les institutions en fixant des règles précises,
codifiées, gèrent ce rapport des individus entre eux et celui des individus avec le milieu.
Les interactions adversives sont donc définies de façon spécifique dans le domaine du
sport par référence au code de l'activité considérée. Il convient de différencier les interactions
codifiées (conformes au code, légales) et les interactions adversives non codifiées (IANC) qui
débordent le cadre du règlement, illégales, non conformes au code.
Les IANC se divisent elles-mêmes en deux catégories :
- « les IANC opératoires, relevant d'une agressivité instrumentale, restent liées à la
réalisation de la tâche. Elles ont exclusivement pour cible les adversaires et sont de nature
physiques (c'est-à-dire usage du corps, des membres inférieurs ou supérieurs avec contact
de la cible). Le dommage causé à l'adversaire n'est pas le but recherché, il est la
conséquence d'un but extérieur : entrer en possession du ballon, marquer, défendre son
27 C SABATIER et R PFISTER, Transgression des règles par l'enfant dans la pratique du hand ball en milieu
scolaire, revue STAPS n°36, Presse universitaire de grenoble
17
camp... »
- « les IANC non opératoires, relevant d'une agressivité émotionnelle, réactive, ne
permettent pas à elles seules la réalisation de la tâche motrice. Le but est le tort causé à
autrui, ce qui diffère fondamentalement de l'agressivité instrumentale par la signification
psychologique. Elles peuvent être de nature diverse : verbale et/ou gestuelle (c'est-à-dire
avec des mouvements, des gestes du corps, des mains, des bras, à distance de la cible),
physique (c'est-à-dire avec mise en jeu du corps, des membres inférieurs ou supérieurs
allant au contact de la cible) et s'adresser à des cibles variées (partenaire, adversaire,
arbitre, public, soi-même, objet). »
Afin de mieux comprendre, voici un tableau récapitulatif :
Tableau 1 : Caractéristiques des IANC opératoires et non opératoires.
C.Sabatier et R.Pfister vont mettre en évidence les résultats suivants :
« Les IANC opératoires et non opératoires représentent respectivement 33 % et 67 %
de l'ensemble des observations. Les IANC opératoires recouvrent seulement 1/3 des
interactions recensées. Il est important de souligner la différence qui existe entre ce résultat et
ceux généralement obtenus dans la pratique adulte où « l'opératoire » occupe une part
importante, soit 95 % en handball (Pfister et al, 1991) et 85 % en football (Pfister, 1987).
Chez les enfants étudiés, la place que prend le «non opératoire » est prépondérante alors qu'il
représente une faible part dans la pratique adulte du handball et du football. »
Les IANC opératoires, semblent relever d’une pensée stratégique, qui reste fixée sur le
jeu. Elle parait ainsi plus accessible aux adultes. Le « non opératoire », quant à lui relève
IANC Fonction Cible Nature Exemples
Interaction
Adversive non
codifiée
Opératoire
Instrumentale
orientée vers
la réalisation
de la
tâche motrice
Adversaire Physique Préhension
Rétention
Percussion
Illégale non
conforme au
code.
Non opératoire
Réactive
Hostile, ne
permettant pas
d'opérer
directement la
tâche motrice
Adversaire
Arbitre
Partenaire
Soi-même
Objet Public
Autres
Verbale
Gestuelle
Physique
Altercation,
dispute, insulte,
menace.
Bousculer,
frapper...
en dehors de
l'action.
18
davantage de l’émotion vécue pendant le jeu. « « L'agressivité émotionnelle, réactive » est
prépondérante dans le premier, alors que « l'agressivité instrumentale » est pour une large
part caractéristique du second. Ce processus évolutif représenté par le glissement d'une
agressivité émotionnelle vers une agressivité instrumentale semble sous l'influence des
facteurs « âge » et « expérience ».
En conclusion, C.Sabatier et R.Pfister mettent en évidence la présence de violences
volontaires portées sur l'autre lors de la mise en place d'activités sportives collectives,
notamment chez les jeunes. Mon objectif étant ici de me questionner sur l'utilisation des
activités sportives comme moyen de canaliser les tensions entre les jeunes, il convient de
m’interroger sur les éléments à mettre en œuvre pour éviter les actes agressifs notamment lors
d'activités collectives, faisant partie intégrante du projet du C.E.R. au travers l'apprentissage
de la socialisation des mineurs. En ce sens, la mise en place de règles structurantes et
sécurisantes me semble essentielle. Pour cela, je me suis rapproché des travaux sur les
rapports aux différentes règles, notamment ceux menés par Méard et Bertone (1996).
2) Le rapport à la règle selon Méard et Bertone
Méard et Bertone dans leur étude sur l’intégration des règles en EPS
28 définissent cinq
types de règles.
« les règles institutionnelles : elles sont écrites et dépassent le strict cadre de la
« leçon ». Elles sont de l’ordre de la loi. »
Exemples d’attitudes : Écoute l’éducateur, commencer la séance à l’heure, être en tenue de
sport...
« les règles groupales : elles sont des conventions, des arrangements (à la différence
des règles précédentes) ; elles sont spécifiques à chaque groupe, changeantes et la
plupart du temps implicites. Mais elles sont toujours sous-tendues par de grands
principes (égalité des droits, intégrité des personnes). »
28 A. Méard et S.Bertone, Autonomie de l’élève et intégration des règles en éducation physique, Paris, PUF,
1998
19
Exemples d’attitudes : chacun range le matériel, les équipes doivent être équilibrées…
- « les règles des jeux sportifs : elles sont les conditions du jeu et comportent l’émotion
spécifique de l’activité. Ainsi, pour jouer, il faut que chacun accepte la loi. Ces règles
composent la logique interne de chaque activité. En même temps contraintes et sources de
création, elles induisent des adaptations, des solutions inédites de la part des joueurs. Comme
elles sont complexes, elles imposent une interprétation et des adaptations en fonction du
niveau, de l’âge du pratiquant et des conditions de l’environnement. »
Exemples d’attitudes : accepter les décisions de l’arbitre, s’arrêter quand on commet une
faute…
- « Les règles de sécurité : elles correspondent à des obligations visant le maintien de
l’intégrité des personnes et renvoient à une responsabilité individuelle. Elles sont non
négociables, imposées par l’intervenant aux jeunes ayant peu conscience du danger.
Cependant, elles peuvent être progressivement énoncées par le groupe. »
Exemples d’attitudes : arrêter mon étranglement quand mon camarade tape le sol, enlever les
bijoux, ne pas forcer sur les articulations…
- « Les règles d’apprentissage : elles correspondent aux opérations à découvrir et à faire
fonctionner. Elles peuvent être dictées par l’intervenant (tâche définie), induites par le modèle
à imiter, masquées lors de situations-problème et sont intimement liées aux principes et règles
d’action. »
Exemples d’attitudes : s’interroger face à une situation problème, solliciter l’éducateur,
solliciter ses partenaires…
Les fonctions des règles :
Ces règles ont plusieurs fonctions. En effet, Meard et Bertone distinguent :
- les règles à fonction opératoire (les règles d’apprentissage, du jeu et de sécurité) « qui
engagent prioritairement la mise en œuvre de résolutions cognitives et de pouvoirs moteurs. »
20
- les règles à fonction sociale (les règles institutionnelles, groupales, du jeu et de sécurité)
« qui relèvent de processus socio - affectifs, relationnels, voire moraux. »
Il précise que les règles du jeu et les règles de sécurité ont une double fonction :
- « Les règles du jeu ont une fonction sociale car elles déterminent les pouvoirs respectifs des
joueurs. Elles véhiculent l’émotion de l’activité et peuvent être modifiées dans un but
didactique. Parce qu’elles sont à l’origine des règles d’apprentissage et qu’elles sont
manipulées par les jeunes (la motricité est directement issues de ce qui est « permis »), on
peut penser qu’elles ont aussi une fonction opératoire ».
- « Les règles de sécurité ont une fonction qui dépend du risque perçu par le jeune : soit le
risque (objectif ou imaginé) est perçu. Dans ce cas, il provoque une inhibition et, dès lors, la
règle introduite a plutôt une fonction opératoire (pour dépasser cette inhibition). Soit le
risque n’est pas perçu par le jeune, parce qu’il est éloigné (lésions lombaires) ou inconnu
(claquage musculaire) et alors, la règle de sécurité revient à une règle institutionnelle c’est à
dire une prescription scolaire définie par l’enseignant et indiscutable. »
Les règles de sécurité ont donc une fonction opératoire car elles définissent les
pouvoirs moteurs du jeune et une fonction sociale car, lorsque le risque n’est pas perçu par le
jeune, elles relèvent de l’intervenant et devient une loi.
La présence des règles est donc un premier élément, encore faut il qu’elle soit
intériorisée par les jeunes. Les deux auteurs se sont penchés également sur la question.
L’intériorisation des règles
MEARD et BERTONE repèrent cinq niveaux d’attitudes, de conduites typiques dans le
processus d’intériorisation des règles :
- Tout d’abord, l’anomie (déviance involontaire) : « certains jeunes difficiles ignorent ou
rejettent l’appareillage réglementaire institutionnel, social. Les jeunes dégradent le matériel
de l’établissement, répondent de façon insolente à l’intervenant, briment les camarades plus
jeunes, refusent d’apprendre, de se faire évaluer. »
- Ensuite, l’autonomie négative (déviance volontaire). « Une forme d’attitude rassemble les
21
conduites volontairement et ouvertement déviantes. La bande de délinquants substitue, aux
normes de la culture ambiante qui imprègne l’école, des règles relevant d’une norme non
reconnue socialement mais souvent extrêmement précise, rigoureuse et qui implique des
comportements de soumission. Les sociologues de l’école de Chicago ont montré que ces
conduites étaient souvent renforcées par la rigueur des systèmes « bien – pensants » qui
étiquettent ces « anormaux » et accentuent de ce fait leur identité de marginaux. On peut
penser que le système scolaire fait parfois connaître tant d’échecs répétés à l’enfant
anomique ou simplement non performant que celui-ci se construit une cohérence basée sur le
rejet global de l’école et la constitution d’une contre – culture. »
- Puis, l’hétéronomie. « C’est une catégorie de comportements qui se manifestent par la
docilité, la soumission à la règle scolaire, avec contrôle extérieur. Le système de règles est
imposé de l’extérieur et son application vérifiée, ce qui rend le sujet dépendant de l’adulte qui
énonce et fait respecter ce système de règles. Les élèves « hétéronomes » suivent les
prescriptions et entrent en activité d’apprentissage uniquement sous le contrôle du professeur.
Dés que celui-ci relâche sa supervision, l’élève devient passif ou dévie. L’élève ne comprend
pas la fonction, le sens de la règle et retient son caractère de contrainte. Cette attitude
renvoie à la notion « d’aliénation motivationnelle » qui se produit lorsque l’action d’un
individu a lieu sous une pression sociale. Dans ce cas, le sujet modifie les mobiles habituels
de son activité, il « s’immunise » des sources habituelles de la motivation en même temps
qu’il se déresponsabilise. »
- L’autorégulation. : « Dans ce cas, l’appareillage réglementaire est reconnu. L’élève
attribue un sens aux règles parce qu’il les relie à un principe, un contrat, une loi. C’est une
sorte de soumission volontaire, basée sur la reconnaissance d’une nécessité de la
réglementation. Cet accès à la fonction de la règle permet à l’enseignant de faire l’économie
du contrôle et même de la formulation de la règle. Les élèves suivent les prescriptions et
entrent en activité d’apprentissage sans le contrôle du professeur. »
- Enfin l’autonomie, « dernière étape observable chez les élèves qui se manifeste par une
capacité à négocier, à amender, à adapter une règle. Les élèves suivent les prescriptions,
entrent en activité d’apprentissage sans le contrôle du professeur, engagent des négociations
explicites et proposent de nouvelles règles, justement en rapport avec leur fonction dans la
réalisation d’une tâche. »
22
Il est évident que je ne peux pas imaginer que les jeunes comprennent directement
l’intérêt de la mise en place d’une règle, et lui donne un sens. Pourtant, il semble que
l’intériorisation passe par la compréhension. Il s’agit du principe de la ruse pédagogique. Il
s’agit de créer des situations dans lesquelles le désir va être présent, mais où il va y avoir un
obstacle et cet obstacle permettra à l’éducateur d’introduire un savoir nécessaire, et
notamment, la mise en place des règles.
Je viens ici de clore ma partie théorique. Partant d’une situation de conflit entre deux
mineurs qui a trouvé son apogée durant une activité sportive, en l’occurrence un match de
football, je me suis intéressé à la définition même du sport dans mon institution et plus
particulièrement à la manière dont il est utilisé au Centre Educatif Renforcé de Cuinchy.
L'éducation par le sport utilisée comme une sorte de potion magique que l'on aime à
distribuer ici et là a connu ses heures de gloire et a été portée par les politiques dès les années
60. Les chercheurs se sont intéressés au sujet et ont remis en question cette idée. Les
éducateurs sportifs, les professeurs d'EPS, les encadrants de manière générale sont les
véritables acteurs de l'éducation par le sport mais celle-ci doit s'appréhender dans un cadre
défini, avec des objectifs clairs, pour avoir un impact réel. L'objectif doit rester celui de "se
réaliser" à travers le sport, d'acquérir de nouvelles compétences et de renforcer ses aptitudes
sociales.
Des règles doivent être posées et chaque règle répond à une exigence et à une finalité.
Leur intériorisation dépendra de l’attitude et de la conduite du mineur.
Le Centre Educatif Renforcé de Cuinchy souhaite utiliser le média sportif pour
canaliser les comportements violents des mineurs pris en charge. Il convient alors de réfléchir
aux activités à mettre en place mais aussi avec quelles règles. L’important, étant que ces
règles soient comprises et assimilées, d’où un regard particulier sur l’intériorisation de celles-
ci.
Mon projet est de proposer un temps « activité physique et sportive » permettant
réellement un travail sur les comportements violents des mineurs pris en charge au C.E.R. J’ai
donc proposé à l’équipe éducative de nous appuyer plus particulièrement sur un sport tel que
le judo.
23
Mon étude part donc de la question suivante : En quoi le judo, conçu comme support de
coopération entre les mineurs, peut-il permettre de limiter les conduites agressives ?
Je chercherai à valider les trois hypothèses suivantes :
- Le comportement des mineurs varient en fonction de l'activité proposée
- La coopération permet de réguler les facteurs d'opposition
- La coopération présente lors du temps sport peut être transférable dans d’autres
espaces sociaux
24
DEUXIEME PARTIE : LE JUDO A L’EPREUVE DE
L’EXPERIMENTATION
Cette deuxième partie fait état de l’expérimentation que j’ai mené au CER de Cuinchy.
A la recherche d’un sport qui permette le travail sur les comportements violents, j’ai souhaité
« mettre à l’épreuve » le judo. Ce sport véhicule des valeurs fondamentales qui s'imbriquent
les unes dans les autres pour édifier une formation morale. En Judo, les progrès individuels
passent par l’entraide et par l’union de notre force et de celle des autres. La présence du
partenaire, du groupe est nécessaire et bénéfique à la progression de chacun.
Je vous présenterai donc dans un premier temps le projet et les objectifs recherchés,
puis sa mise en œuvre et enfin l’évaluation de ma démarche.
I. Le projet et ses objectifs
J’ai réalisé cette étude avec un groupe de six jeunes placés au CER de Cuinchy. Les
mineurs accueillis, âgés de 13 à 18 ans, connaissent des difficultés d'ordre familial, judiciaire,
d'insertion ou de santé. Parfois, ces difficultés se cumulent. Certains mineurs ont été jugés ou
mis en examen pour des faits de violence avec arme et /ou en réunion.
Mon projet, comme je l’expliquais en première partie, fait suite à une altercation entre
deux jeunes lors de la mise en place d'un match de football. L'objectif de celui-ci était de
canaliser les tensions du groupe, apparues depuis le début de la journée. Force est de constater
que cet objectif n’a pas été atteint puisqu’une bagarre entre les deux adolescents a éclaté.
Mon projet repose sur la construction d'un cycle de judo. Ce sport a été choisi car il
s'agit d'un sport de préhension, qui est, avant d’être un sport de combat, un art martial, qui
permet d’accéder à différentes notions. Le code moral que porte le judo est chargé de sens :
politesse ( le respect d’autrui), courage ( faire ce qui est juste), amitié ( le plus pur des
sentiments humains), sincérité ( s’exprimer sans déguiser sa pensée), contrôle de soi ( savoir
se taire lorsque monte la colère), modestie ( parler de soi même sans orgueil), honneur ( être
fidèle à la parole donnée), et enfin respect ( sans respect, aucune confiance ne peut naître).
Au-delà de l’aspect technique, ce support permet également d’aborder une notion essentielle
dans la prise en charge des mineurs : l’empathie.
25
Ce projet sera composé d’un objectif général, que je décomposerai en différents
objectifs intermédiaires.
Objectif général :
Passer d’un comportement où les mineurs s'opposent, à un comportement où ils sont
capables de travailler avec l'autre, par l’intermédiaire d’une pratique sportive codifiée : le judo
Objectifs intermédiaires :
1) Personnel
- Permettre au jeune de se dépenser,
- Utiliser ses compétences physiques et psychologiques en proposant une activité
physique et sportive faisant appel à une maîtrise technique et stratégique. L’utilisation de la
force n’est pas suffisante, je dois observer mon adversaire pour mettre en place des
techniques.
- L’initier à des activités encore parfois inconnues.
2) Social
- Apprendre à combattre avec l’autre tout en respectant sa personne et son intégrité
physique : « Je ne me bats pas, mais je combats. »
- Prendre des décisions aussi bien pour le gain du combat que pour éviter la blessure
du partenaire. Par exemple, je lâche la clé de bras si mon partenaire tape sur ma jambe.
- Partager des expériences, des avis, en échangeant face à une situation qui pose
problème.
- Apprendre des normes et codes sociaux.
3) Santé
- Agir en sécurité pour soi et pour les autres en respectant des règles : règles de jeu
(pas de clé au poignet), de sécurité (enlever les bijoux) ou sociales (on ne peut refuser
l’invitation d’un partenaire).
- Prendre conscience de ses limites. Pour que mon partenaire me respecte, je dois
accepter qu’il me soit supérieur. Ainsi, si je suis étranglé, je ne résiste pas inutilement.
- Prendre conscience de la nécessité d’avoir une hygiène alimentaire et corporelle.
Le projet étant défini, et les objectifs fixés, il convient de détailler sa mise en œuvre.
26
II. La mise en œuvre
La mise en œuvre du projet requière un travail préparatoire. Aussi, j’expliciterai dans
un premier temps les moyens nécessaires, puis dans un second temps, je détaillerai le
déroulement de l’activité.
A. Les moyens
Trois types de moyens ont été repérés : des moyens matériels, humains et financiers
afin que l’activité puisse commencer et être pérenne.
1) Les moyens matériels
Le CER dispose d’une salle qui a été adaptée à la pratique sportive. Elle dispose d’un
espace recouvert par des tatamis.
Pour respecter les vêtements des jeunes, l’achat de Kimonos sera nécessaire. Cela
permettra également d’amener les jeunes à entrer dans une pratique codifiée: « je mets mon
kimono, et à partir de ce moment-là, je dois respecter certaines règles ». Celles-ci sont
expliquées par l’organisateur de la séance, en l’occurrence par l’éducateur.
2) Les moyens humains
L’activité sera menée par un éducateur diplômé, accompagné par un collègue, diplômé
ou non.
Trois éducateurs du CER sont diplômés en STAPS. Leur présence est indispensable
pour mener les séances en toute légalité.
Le projet, proposé en réunion de service, a fait l’objet de réactions positives. Certains
collègues se sont portés volontaire pour m’accompagner dans cette démarche.
3) Les moyens financiers
L’achat de kimonos sera nécessaire. Ce produit très résistant pourra être réutilisé à de
27
nombreuses reprises sur les prochaines sessions. Le premier prix pour un kimono est de
13€95.
Il faudra 6 kimonos pour les jeunes et 2 pour les éducateurs, soit un total de 111€60.
B. Le Déroulement
Le projet a débuté trois semaines après le début de la session, soit en octobre 2012. En
mettant en place les séances dès le départ, l'objectif est de placer cette activité comme une
activité obligatoire au CER, tout comme le temps classe ou le chantier. Notre action repose
sur des méthodes d’animations pédagogiques, et prévoit un calendrier de progression.
1 )Les méthodes d’animations pédagogiques
Il me paraît intéressant sur ce point de faire appel à quelques méthodes observées lors
de mon stage en hébergement durant ma première année de formation. Il s’agira de les
compléter par différentes lectures, ainsi que par les apports théoriques dispensés par le site
central.
La première méthode d’animation pédagogique sera d’utiliser les invariants
pédagogiques de Célestin Freinet29
. Puis, je mettrais en place des situations problèmes et
solliciterai une remédiation cognitive chez les jeunes.
a) L’utilisation des invariants pédagogiques :
Ce terme utilisé par Célestin Freinet renvoie à un ensemble de pistes d’action qui sont
indispensables à toute œuvre pédagogique. Les invariants ne décrivent pas de méthodologie.
Ils s’attachent plutôt aux démarches, processus, stratégies, par lesquels ces pratiques sont
élaborées, aménagées, transformées. Ainsi, ce qui est invariant d’un pédagogue à l’autre, ce
n’est pas ce qu’il fait, mais la méthodologie employée pour parvenir aux résultats, c’est à dire
la façon dont il construit sa manière d’agir. Dans notre situation, différents invariants seront
29
Célestin Freinet ( 1896-1966), instituteur, est le fondateur d’une méthode pédagogique originale qui a
influencé l’enseignement primaire jusqu’à nos jours. La pédagogie Freinet, reposant sur l’expression libre
des enfants, le travail et la coopération, a été mise en œuvre dans l’école que le pédagogue a fondé à Vence en
1935 et qui est aujourd’hui encore fidèle à ses méthodes
28
présents :
- La parole : l’éducateur donne du sens par le dialogue. Il intervient pour rappeler les
règles, pour encourager, pour réguler.
- L’animation au sein d’un collectif : il y a pédagogie quand on s’attache à inscrire le
développement de chaque sujet dans un espace social. Ainsi, les objectifs individuels ne
peuvent s’atteindre que par la participation de l’ensemble du groupe. Pour atteindre les
objectifs, je dois considérer mon adversaire davantage comme un partenaire que comme un
opposant.
- La posture de l’éducateur : les séances mises en place, les objectifs visés ne font
pas appel à de grandes théories. L’éducateur « fait avec » ; il fait avec une situation, des
jeunes, un environnement... Ici, la situation s’imagine au départ avec le comportement
inadapté d’un mineur. C’est ce comportement qui vient déterminer l’intervention. De
fait, l’attitude de l’adolescent, qui utilise des techniques dangereuses, dans un cadre non
réglementé, devient alors un véritable support pédagogique pour l’éducateur.
b) La mise en place de situations problèmes
La situation problème30
est une situation que l’éducateur imagine dans le but de créer
un espace de réflexion et d’analyse autour d’une question à résoudre. Chaque séance de judo
devra être pensée pour poser un problème au groupe : comment puis-je sortir d’une
immobilisation ? Comment faire chuter mon partenaire sans tomber avec lui ?...
Mais, se pose alors la question de l’appréciation de la difficulté proposée. Pour
certains jeunes, la situation sera comprise et cernée rapidement, alors que pour d’autres, elle
sera vécue comme une difficulté.
Cette régulation doit être favorisée par l’accompagnement de l’éducateur, mais aussi
des autres jeunes, en essayant, en faisant des erreurs, en comparant, en acceptant d’être
« cobaye » . L’objectif est de créer une réelle dynamique de groupe.
c) L’utilisation d’une remédiation
La remédiation offre une réelle occasion de différencier les apprentissages. L’objectif
30 Cf cours de F..Audebrand : « les situations problèmes », ENPJJ, mars 2012
29
pour les jeunes, est de pratiquer une activité de combat, tout en considérant l’autre.
Quand l’adolescent effectue un étranglement sur son camarade, il est centré sur lui-
même, et n’a que peu d’intérêt envers son camarade. Mais, peut-être est-ce une situation qu’il
a pu vivre ou subir lui-même auparavant ? Il convient alors de proposer une approche
différente.
D’ailleurs, pour Bloom31
: « la remédiation, pour être efficace, doit proposer des
activités d’apprentissage différentes de celles qui ont conduit à l’échec ». Ainsi, l’utilisation
du judo, basée sur un partenariat avec l’adversaire vient bouleverser la logique de départ des
jeunes confiés au CER. Il s’agit de passer d’une attitude de duel, où le seul but est de
soumettre l’autre, à une logique de coopération, où mon action dépend de la réaction de
l’adversaire.
2) Le calendrier de progression
La progression sera décomposée en deux périodes. Une première période sur du travail
au sol, et une deuxième sur les liaisons debout-sol. Chaque période sera composée de deux
séquences, elles-mêmes composées de deux séances. Chaque séance aura comme « fil rouge »
une situation de référence, représentant la situation problème.
Durant les séances, des parties techniques permettront aux jeunes d’avoir des pistes de
réflexions face à la situation de référence.
Période 1 2 séquences 2 séances
31 B. Bloom, Caractéristiques individuelles et apprentissages scolaires, Labor, 1979
30
Période 2 2 séquences 2 séances
Période 1 : Découverte du travail au sol
Séquence 1 : Mettre les jeunes dans une situation
d’opposition afin d’évaluer leurs capacités à s’opposer
individuellement à différents adversaires.
Séquence 2 : Permettre aux élèves de découvrir et
d’explorer les techniques efficaces au regard d’un
problème posé
Séance 1 :
Situation de référence :
Déséquilibrer mon adversaire
en étant accroupi
Objectif :
Etre capable de penser à une
stratégie d’action en prenant en
compte les déplacements de
mon adversaire (je pousse, je
tire…)
Apports techniques :
Tirer, repousser, pousser,
bloquer
Séance 2 :
Situation de référence :
Empêcher mon adversaire de
se retourner à partir de la
position sur le dos.
Objectif :
Etre capable d’utiliser mon
poids de corps pour
immobiliser l’adversaire, tout
en s’adaptant à ses actions
Apports techniques :
Hon gesa gatame (contrôle
fondamental par le travers),
Yoko shio gatame (contrôle
latéral)jambes/épaules)
Séance 1 :
Situation de référence :
Deux jeunes face à face, un
genou au sol. Saisie
obligatoire avant le début
du combat. Combat de
1mn30.
Objectif :
Amener son partenaire
d’une station (genou) à une
autre (sol), en utilisant des
techniques de déséquilibre
(pousser, tirer, retourner…)
Apports techniques :
Crochet de jambe, Sankaku
jime (technique du
triangle)
Séance 2 :
Situation de référence :
Un des jeunes en situation
d’immobilisation. Il a 30
secondes pour sortir.
Objectif :
prendre conscience des
possibilités laissées par
l’adversaire pour retourner
une situation défavorable en
situation favorable.
Apports techniques :
Ude gatame (contrôle du
bras en extension), Kata juji
jime (etranglement en croix,
mains inversées)
31
Période 2 : Découverte des liaisons debout /sol
Séquence 1 : Amener mon adversaire au sol à partir de
la station debout
Séquence 2 : Enchainer techniques debout et
techniques au sol
Séance 1 :
Situation de référence :
Je saisis mon adversaire
qui avance sur moi.
Comment dans ces
conditions puis-je l’amener
au sol ?
Objectif :
Trouver des principes
d’actions efficaces pour
déséquilibrer mon
adversaire lorsqu’il avance
vers moi.
Apports techniques :
Ippon seoi nage (technique
d’épaule), O gochi
(technique de hanche)
Séance 2 :
Situation de référence :
Je saisis mon adversaire qui
cette fois ci recule.
Comment, dans ces
conditions puis-je l’amener
au sol ?
Objectif :
Trouver des principes
d’actions efficaces pour
déséquilibrer mon adversaire
lorsqu’il recule.
Apports techniques :
O soto gari (grand fauchage
extérieur), Ko uchi gari (petit
fauchage intérieur)
Séance 1 :
Situation de référence :
Un jeune face à deux
adversaires. Le premier
vient combattre debout. Dès
la première chute, le
deuxième adversaire
enchaine sur un combat au
sol.
Objectif :
Etre capable de s’adapter à
un changement technique
(passage debout/sol) mais
aussi à un changement de
partenaire et donc de
stratégie.
Apports techniques :
Ippon seoi nage (genoux au
sol), Tani otoshi (barrage de
la jambe au sol)
Séance 2 :
Situation de référence :
Enchaînement de combat :
chaque jeune passe à tour
de rôle devant le même
adversaire. La station de
départ du combat est à
l’initiative de l’adversaire.
Si au bout de 30 secondes
aucun point n’est marqué,
changement de station
obligatoire (si debout passe
au sol, si au sol passe
debout). Le changement de
partenaire s’effectue dès le
premier point marqué ou
après 1 minute.
Objectifs :
Etre capable d’enchainer
combat debout et combat
au sol, avec le même
partenaire ou avec un
partenaire différent.
Apports techniques :
Reprise de l’ensemble des
éléments du cycle.
32
III. Évaluation
L'évaluation de cette étude sera menée en deux temps. Un premier temps qui donnera
lieu à une comparaison suite à l'observation du cycle Judo et de la séance de Football au
travers l'exploitation de la grille d'observation suivante. Je répondrai en toute objectivité à
chacune des questions figurant dans la deuxième colonne.
Pourquoi utiliser une grille ?
La grille d'observation permet de se détacher du déroulement de l'activité et de prendre
un regard neutre et extérieur nécessaire au travail d'analyse. De plus, elle prend en compte, à
la fois, les interrogations de l’éducateur et les réactions des acteurs.
Concernant les items, ils sont volontairement larges afin de ne pas avoir un travail d'analyse
trop figé, mais permettent tout de même de cadrer l’observation afin de pouvoir en faire une
analyse par la suite.
Un deuxième temps donnera lieu à la mise en place d'un entretien avec chacun des
jeunes, s'appuyant sur la grille d'entretien ci-dessous. Cette grille sera ensuite réutilisée afin de
mettre en avant les thèmes majeurs abordés par les mineurs interrogés. Ces thèmes nous
Activité football Activité judo
Avant l'activité Comment la proposition est-elle
faite ?
Comment réagissent les jeunes ?
Quels arguments sont avancés ?
Pendant l'activité Quelle situation est proposée par
les éducateurs ?
Quelles règles sont imposées ?
Quelles interactions (physiques et
verbales) apparaissent entre les
jeunes ?
Après l'activité Que font les jeunes après
l’activité ?
Que font les jeunes dans la
soirée ?
Que disent les jeunes par rapport
à leur participation à l'atelier ?
33
permettront ensuite de créer des indicateurs permettant de valider ou non nos hypothèses.
Jeune: Prénom, La famille : parents, profession, fratrie
Profil: âge, sexe, ville, placé depuis le…,
parcours institutionnel (nombre de
placements…), pratique une activité
sportive en dehors
Le média sport par rapport aux autres
médias du CER
Les sports pratiqués au CER durant la
session
Après la session
-Quelles activités sont pratiquées au
CER ?
- Quelles activités sportives?
-Quand ?
- Qui pratique ?
- Quelle préférence
(sport/Chantier/Scolaire) ?
- Qu’apporte la pratique d’une activité
physique?
-Quels objectifs pour toi ?
- Qui mène les séances ?
- Qui choisit l’activité?
- Quelle est la sanction si tu ne participes
pas ?
- Quelle catégorie de sport? (selon lui)
Différence entre sport
collectif/individuel
Quelle tenue portes-tu pendant
les activités ?
Quand ont lieu les activités ?
Où ?
Quelles sont les règles ?
Qui arbitre?
Qu’est ce que la coopération ?
- Différence entre sport au CER et camp ?
- A quoi le sport peut-il servir ?
-Comment se sent-on à la fin de la
séance ?
- Préférence sport au CER ou en camp ?
- Quelle séance qui t as marquée plus
qu’une autre ?
- Qu’est ce que le sport t'a
apporté ?
- Ces apports vont-ils
t’aider? Même en
dehors du sport ?
- Qu'est ce que tu aurais
aimé faire ?
- Qu'est ce qu'on devrait
changer ?
- Tu vas t’inscrire dans un
club ?
- Tu vas garder contact avec
les jeunes ?
- Avec les éducateurs ?
- Tu vas pratiquer
autrement ?
- Ca a changé quelque chose
pour toi ?
Pourquoi utiliser l'entretien ?
Pour Oumaya Hidri Neys, « l’entretien est une méthodologie qui permet de recueillir
des données de type qualitatif »32
. Il s'agit ici d'analyser le sens donné, par les jeunes placés au
CER de Cuinchy, à une pratique : ce qu’ils pensent de « telle pratique », de « telles règles »,
« tel fonctionnement », …
J’utiliserai ici l'entretien semi directif car, selon Oumaya Hidri Neys « il laisse la
possibilité de s’entretenir tout en guidant de façon discrète mais claire la conversation (sans
« emprisonner l’individu »). Il donne une plus grande souplesse et une plus grande liberté de
32 Intervention sur l’entretien, cours Master 1ere année STAPS Management du sport, octobre 2012
34
parole à l’interviewé qui ne doit pas se sentir enfermé dans un échange de questions et
réponses. »
Afin d’instaurer un cadre contractuel initial, j’indiquerai les motifs et l’objet de la
demande :
L’objectif de l’entretien : « il s’agit d’une recherche menée dans le cadre de mon mémoire
sur la mise en place des activités physiques au CER. » Je ne précise pas la notion de
coopération pour ne pas les influencer.
Le choix de l’interviewé et le mode de prise de contact : « Je souhaite avoir ton avis parce
que tu es au CER depuis début septembre et que, comme chacun des jeunes tu vas pouvoir me
donner ton opinion».
L’enregistrement de l’entretien : « Par contre, j'ai besoin de t’enregistrer, parce je ne
pourrais jamais me souvenir de ce que vont me dire les 6 jeunes. »
Le choix d’interroger uniquement les mineurs est non les professionnels s’expliquent
par le fait, que je souhaite que l’apport éventuel du judo par l’utilisation de la coopération soit
ressenti directement par le jeune, et non une déduction comportementale faite par l’éducateur.
Trois hypothèses ont été avancées afin de valider l’idée qu’un sport tel que le judo,
conçu comme support de coopération entre les mineurs, peut permettre de limiter les
conduites agressives. Comme je viens de vous l’exposer, le projet me permettant de vérifier
mes hypothèses repose donc sur un objectif principal : passer d’un comportement où les
mineurs s'opposent, à un comportement où ils sont capables de travailler avec l'autre, par
l’intermédiaire d’une pratique sportive codifiée : le judo.
Outre des moyens matériels, humains et financiers, la mise en œuvre de mon étude
s’appuie sur des méthodes d’animation spécifiques et un calendrier de progression. La
validation, quant à elle nécessite une évaluation objective reposant sur différentes grilles et
des indicateurs précis.
Il convient désormais, d’étudier dans une troisième partie, les résultats de
l’expérimentation.
35
TROISIEME PARTIE : Les résultats : évaluation de l'expérimentation :
Cette troisième partie est consacrée à l’évaluation de notre expérimentation. Pour ce
faire, il convient tout d’abord d’effectuer un comparatif entre l’activité judo et l’activité
football, puis d’analyser les résultats des entretiens réalisés auprès des mineurs. Enfin, je
terminerai mon étude par la validation (ou non) des hypothèses déterminées en introduction.
I. Comparatif activité football/judo avec l'exploitation de la grille
d'observation.
Activité football Activité judo
Avant l'activité Comment la
proposition est faite ?
Comment réagissent
les jeunes ?
Il est 18h...Lors du passage
de consignes, les éducateurs
de journée informe les
éducateurs du soir que deux
jeunes se sont « accrochés »
toute la journée. Pour faire
face à cette situation, les
éducateurs du soir décident
de mettre en place une
activité football pour
« ressouder » le groupe.
Cette activité est obligatoire
dès lors que les éducateurs
ont décidé de la mettre en
place.
Les jeunes acceptent
l'activité. Néanmoins, un
des deux mis en cause dans
les altercations déclare : « je
joue, mais je ne tiens pas
avec lui ! »
L'activité judo est proposée dès le
début de la session. Elle est
imposée au même titre que le
temps classe ou les chantiers.
Cette activité est obligatoire.
Les jeunes participent à l'activité.
Le groupe n'ayant pas encore eu
de « vécu » ensemble, il ne
semble pas y avoir d'affinité
particulière entre les jeunes.
Aucun mineur ne manifeste son
désaccord.
36
Quels arguments sont
avancés pour lancer
l'activité ?
« Les gars, vous me
paraissez tendus ! On va
faire un petit foot, ça va
vous faire du bien. »
« En plus, ça permettra de
prendre l’air. »
« Nous allons faire un cycle de
judo. C'est un sport de combat,
mais on ne va pas apprendre à se
battre. On va apprendre à réagir
en fonction des réactions de
l'autre. Ce qu'on va apprendre en
judo, je ne veux jamais le voir à
l'extérieur de la salle. »
Pendant
l'activité
Quelle situation est
proposée par les
éducateurs ?
Quelles règles sont
imposées ?
Quelles interactions
« illicites » (physiques
et verbales)
apparaissent entre les
jeunes ?
Les éducateurs proposent un
match à 4 contre 4 avec «
gardien volant » (3 jeunes +
1 éducateur). Les éducateurs
choisissent les deux jeunes
mis en cause dans les
tensions pour former les
équipes.
9 interactions physiques :
3 crocs en jambes, 2 tirages
de maillots, 4 charges
illicites. Sur ces 9
interactions physiques 5 se
passent entre les 2 jeunes en
querelles sur la journée.
7 interactions verbales
principalement insultes et
menaces dont 6 ont lieu
entre les deux protagonistes.
La partie est interrompue
par la bagarre qui éclate
entre les 2 jeunes.
Jeu de déséquilibre de l'adversaire
en partant de la position
accroupis.
Nous ne notons pas d’interactions
physiques illicites. Toutefois on
note 2 interactions verbales,
faisant suite à des excès
d'engagement : «tu m’as
niqué ! », « Bâtard, tu m’as broyé
l’épaule ».
Après l'activité Quelles interactions se
passent immédiatement
Les jeunes s'amusent de la
situation entre les deux
Les jeunes échangent sur les
techniques étudiées et partagent
37
après l'activité ?
Quelles interactions se
passent dans la soirée ?
Que disent les jeunes
par rapport à leur
participation à
l'atelier ?
autres mineurs. Ils les
encouragent à en
découdre : « tu vas le
maîtriser », « montre lui qui
est le patron », « à ta place,
je l’aurais défoncer », « ça
va être le feu ce soir ». Les
deux autres mineurs
continuent à s'insulter. Le
déroulement du match et le
résultat ne sont pas présent
dans les discours.
La situation semble apaisée.
Les éducateurs ont
sanctionné les deux jeunes.
Ils seront vus par le
responsable d'unité
éducative. Pas de dialogue
entre les jeunes, ils
regardent une émission de
télévision.
Aucun retour particulier sur
l'activité
quelques expériences vécues
durant la séance ou dans leur
vie : « une fois, moi, un mec, il
m’a fait exactement la même
chose, il m’a fait trop mal ! »,
« toi, t’as pas mal aux bras ?, moi
j’ai plus de bras ! », « c’est
physique quand même, je suis
mort… ».
Les jeunes jouent tous ensemble à
un jeu de société (monopoly). On
ne repère pas d'affinité
particulière entre les jeunes.
Chacun semble prendre sa place
dans le groupe.
Un jeune dit souhaiter s'inscrire
au club de sa ville. Il a déjà été
initié à un sport de combat.
Plusieurs questions sont posées
par rapport à l'organisation de la
prochaine séance et des
techniques qui seront enseignées.
Un jeune dit ne pas apprécier
l'activité. Selon lui, il n'y a pas de
but puisqu'on ne peut pas l'utiliser
ailleurs qu'en salle de sport : «ça
ne sert à rien de faire ca ».
38
Commentaires :
La proposition de l'activité football intervient suite à un événement : l'altercation entre
les deux jeunes. Elle n’avait pas été programmée dés le démarrage de la journée et donc elle
n’était pas préparée. L'activité judo, quant à elle, est inclue dans le programme des activités et
anticipée. Elle est préparée et donnera lieu à un cycle de progression avec différents objectifs
à atteindre.
La situation proposée diffère également : l'activité football est proposée comme un
match, le but étant alors de battre l'autre. Les éducateurs veillent à séparer les deux jeunes qui
se sont « accrochés » dans la journée et donc à ne pas les mettre dans la même équipe. Ils sont
ainsi, de fait, adversaires.
La situation de judo est présentée comme faisant partie d'un projet. Ce n'est pas une
activité isolée, et elle donnera lieu à d'autres séances. L'objectif n'est pas de battre l'autre mais
d'utiliser au sein d'un exercice de référence des techniques enseignées. Pour réussir à mettre
en place les techniques, il faut coopérer (se laisser faire).
L'activité football donne également lieu à de nombreuses interactions non conformes.
Les deux jeunes qui se sont affrontés sur cette journée semblent profiter du jeu pour
s'échanger quelques coups, ce qui finira pas entraîner une bagarre. On note également
quelques insultes, faisant souvent suite aux coups reçus par les joueurs.
L'activité judo n'a pas donné lieu à des comportements violents. Il est demandé aux
jeunes d'être coopératifs et de ne pas imposer de résistance à l'adversaire. On note tout de
même deux interactions verbales non conformes, faisant suite à des douleurs dues à des excès
d'engagement d'un adversaire réalisant une technique trop brutalement.
A la fin de l'activité football, la séance paraît totalement « éclipsée » par la bagarre
entre les deux jeunes. En effet, c'est cette altercation et non l'activité qui semble au cœur des
attentions des jeunes. Aucune remarque par rapport au déroulement de la séance ni même au
résultat n'a été relevée. Lors de la soirée, chaque jeune regarde la télévision calmement.
L'activité judo semble être davantage au cœur des débats. Les jeunes échangent leurs
ressentis (douleur physique, expériences précédentes…). Un jeune mentionne le fait qu'il ne
comprenne pas le sens de cette activité. Lors de la soirée, l'ensemble du groupe participe à un
39
jeu de société.
Je viens d’effectuer un comparatif entre l’activité « football » et l’activité « judo » en
exploitant les résultats de ma grille d’observation. Afin de pouvoir compléter mon étude, il
convient désormais d’examiner les résultats des entretiens individuels menés auprès des
mineurs ayant participé à la session du CER et donc aux différentes activités.
II- Résultats et analyse des entretiens individuels.
Afin d'éclaircir les résultats obtenus lors des entretiens, j'ai choisi de procéder à une
analyse thématique ( les règles, la notion de coopération, le comportement des mineurs durant
l’activité) via les grilles d'entretien utilisées. Ceci m'a permis d'élaborer littéralement les
résultats dans le but de répondre aux hypothèses de travail.
L’ensemble des mineurs a été interrogé sur la base d’entretiens semi directifs. Ils ont
été réalisés quelques jours avant la fin de la session CER, soit l’avant dernière semaine.
Résultats des entretiens.
Six grilles d’entretien ont été réalisées. J’ai retranscrit fidèlement les propos de chaque
mineur.
40
Jeune 1: Kévin La famille:
Mére : sans emploi Père : Agent territorial 1 sœur
Profil: 17 ans, habite Arras, 3éme
placement. A pratiqué le football en club
ainsi que des activités ponctuelles dans les
autres foyers.
Le média sport par rapport aux autres
médias du CER
Les sports pratiqués au CER durant la
session
Après la session de CER
Activités pratiquées au CER
Les chantiers, le sport et l'école.
Activités sportives
Judo, football, basket, musculation
Préférence parmi les activités
pratiquées
« Ben le sport, comme tout le monde ! »
Objectifs des éducateurs (vu par le
jeune)
« C'est pour qu'on soit crevé avant d'aller
se coucher ».
Objectifs du jeune
« C'est pour me muscler, et apprendre des
nouveaux trucs, comme au judo ».
Animateur de séance
« Ca dépend, des fois on joue juste comme
çà, y a pas d'exercice. »
Choix de l'activité
« Les educs, mais des fois, on peut dire ce
qu' on veut faire. »
Sanction prévue
« Ils disent que c'est obligatoire, mais y en
a plein qui font pas et y a jamais eu de
sanctions. De toute façon ils vont faire
quoi ? On est déjà puni rien que d'être
ici ! »
Catégorie de sport
« En équipe ou tout seul, ça dépend. On
fait du combat, du sport collectif, de la
musculation. »
Différence entre sport collectif/sport
individuel
« individuel c'est tout seul et sport
collectif, ben c'est en équipe. »
Tenue pendant les activités
« Je mets mon survêtement, sauf au judo,
on doit mettre la veste. »
Règles
« Ben ça dépend les sports. Au foot, c'est
les règles du foot, au basket les règles du
basket. Après la muscu, c'est surtout la
sécurité. Le judo aussi. »
Arbitrage
« Personne, on s'arbitre tout seul »
Coopération
« C'est un truc au judo. C'est quand
l'autre doit se laisser faire pour apprendre
les techniques »
Séance marquante
En camp c’était la descente en rappel de
80m. Sinon au CER, ma première séance
de judo. C'était bizarre. On devait faire du
combat mais sans se battre...
Apports
« J'ai découvert de nouveaux
trucs. J'ai pu voir mes
limites ».
Projection
« Euh non. Je vois pas en
quoi jouer au foot ça va
m'aider. »
Les manques
« Des trucs, plus de fight
comme boxe, free fight... »
« Ben déjà demander aux
jeunes ce qu'ils ont envie de
faire. Et après faire du
combat sans avoir le droit de
se battre c'est bizarre. »
Inscription en club
« J'ai envie de faire du
combat. Je vais voir »
Changement de pratique
« Ben non, pourquoi ? »
Bilan
« Ouais, j'ai vu que j'étais
capable de faire des trucs de
fou, comme l'escalade ou le
parapente. »
41
Jeune 2 : Julien
16 ans, originaire d’Ostricourt
La famille:
Mère : agent d'entretien Père : mécanicien 2 sœurs, 3 frères
Profil: , 2éme placement. A pratiqué la
boxe en club.
Le média sport par rapport aux autres
médias du CER
Les sports pratiqués au CER durant la
session
Après la session de CER
Activités pratiquée en CER
Les chantiers, la cuisine, les camps, le
sport.
Activités sportive
Football, tennis, judo, musculation
Préférence
« Les chantiers, ça passe plus vite »
Objectifs des éducateurs (vu par le
jeune)
« C'est pour découvrir de nouveaux
sports ».
Objectif du jeune
« Moi ça me serre surtout pour me calmer.
Et c'est bien aussi pour l'ambiance avec
les autres »
Animateur de séance
« Les éducs. »
Choix de l'activité
« Les éducs aussi.»
Sanction prévue
« Ben y'en a pas. Le sport c'est pas
obligatoire. On doit juste venir, mais si on
fait pas c'est pas grave. »
Catégorie de sport
« Du duel ou du sport collectif »
Différence entre sport co/individuel
« Ben en sport co, c'est toute l'équipe, y'a
toujours quelqu'un pour te rattraper. En
individuel, tu peux compter que sur toi-
même. »
Tenue pendant les activités
« Des vêtements de sport et en judo faut le
kimono. »
Règles
« Ca dépend aussi du sport. Mais y en a
surtout au judo ou en muscu pour pas
qu'on se blesse. Il faut enlever les bijoux,
pas forcer sur les techniques, pas faire les
techniques en dehors... »
Arbitrage
« Les éducs »
Coopération
« C'est quand on travaille avec l'aide de
l'autre ».
Séance marquante
« Moi j'aime bien le judo. Je fais du
combat déjà. J'ai bien aimé la séance sur
les étranglements, parce que fallait nous
faire confiance pour faire ça. »
Apport « Ben moi j'étais
plutôt bourrin avec la boxe.
Là j'ai appris à faire des
choses plus techniques et j'ai
aussi appris des choses aux
autres. »
Projection « Ben je sais pas,
j’pense que j'ai conscience de
ce qui peux être dangereux,
surtout par rapport au judo.
Je vois les limites. En plus
j'ai vu que fallait aussi avoir
quelqu'un pour avancer,
comme avec la coopération
en judo. »
Les manques « De la boxe,
ça me manque.
Il faut demander aux jeunes
qui font du sport en club de
donner des cours. »
Inscription en club « J’le
suis déjà. »
Changement de pratique
« Je pense que je vais essayer
à la boxe d'être moins
bourrin, travailler ma
technique, être plus malin.
C'est mieux de progresser à
deux aussi. »
Bilan « Ben j'ai vu d'autres
manières de travailler. J'avais
jamais travaillé comme çà
avec mon coach. »
42
Jeune 3 : Michael
17 ans , originaire d’Arras
La famille:
Mére : En recherche d'emploi Père : Ouvrier 1 sœur
Profil: 2éme placement. N'a jamais
pratiqué en club.
Le média sport par rapport aux autres
médias du CER
Les sports pratiqués au CER durant la
session
Après la session de CER
Activités pratiquée au CER
L'école, le chantier et le sport
Activité sportive
Escalade, lutte, judo, football,
musculation, tennis
Préférence
« Ben sport, comme tout le monde ! »
Objectifs des éducateurs
« Ca dépend, quand on fait foot, c'est pour
se défouler, sinon, lutte ou judo c'est pour
apprendre des techniques et apprendre à
travailler avec l'autre sans faire mal.
Après l'escalade, c'est pour se faire peur
je pense. »
Objectif du jeune
« Moi c'est surtout pour me défouler. Et
j'aime bien aussi, parce que c'est des
jeux. »
Animateur de séance
« Les éducs »
Choix de l'activité
« Les éducs aussi »
Sanction
« Ben on peut avoir du temps en moins sur
les retours en week end. »
Catégorie de sport
« On a fait du sport co, du sport de nature,
du sport de force et du sport de combat »
Différence entre sport co/individuel
« Sport co c'est l'équipe, individuelle c'est
moi tout seul. »
Tenue pendant les activités
« On met ce qu'on veut, sauf lutte et judo,
c'est le kimono »
Règles
« Y'en a surtout en judo et en lutte, parce
que c'est surtout des techniques. C'est
dangereux, il faut pas se faire mal. Après
les autres sports, c'est les règles de
d'habitude. »
Arbitrage
« Les éducs. Mais des fois, on doit aussi
s'arbitrer tout seul. En combat par
exemple, y'a pas d'arbitre, on doit se
démerder. C'est l'autre qui dit s'il a mal. »
Coopération ?
« C'est quand on fait les trucs à deux pour
être meilleur. »
Séance qui marquante
« J'ai bien aimé la lutte quand on devait
combattre chacun son tour contre le même
adversaire. A la fin il était mort ! »
Apport : « Moi j’faisais pas
de sport avant. Maintenant
j'aime bien. J'ai vu aussi que
le sport de combat c'est pas
forcement violent. Là, j'ai
appris des choses et j'ai pas
eu mal. Je trouve aussi qu'en
sport on était plus pote avec
les autres. »
Projection : « Ben oui, je
sais maintenant qu'on est
meilleur à deux.. ».
Manques « Des sports genre
paintball, karting...
Il faudrait sortir plus, pas
rester toujours enfermé. »
Inscription en club
« Peut être... »
Changement de pratique
« Je vais déjà m'inscrire... »
Bilan
« Déjà j'ai appris à faire du
sport. Je sentais pas mes
muscles avant. Je pensais que
les sports de combats
fallaient toujours se faire
défoncer. Là j'ai appris qu'on
pouvait apprendre avec
l'autre, mais faut se laisser
faire. Au début c'est pas
facile. »
43
Jeune 4 : Jordan
16 ans originaire de Roubaix
La famille:
Mère : mère au foyer Père : sans emploi 2 frères
Profil: 1er placement. N'a pas pratiqué
de sports en club
Le média sport par rapport aux autres
médias du CER
Les sports vécus au CER Après la session de CER
Activités pratiquée au CER
La cuisine, les chantiers, les courses, le
sport, l'école
Activités sportives
Combat, foot, tennis
Préférence
« Le sport, parce que on est tous
ensemble ».
Objectifs des éducateurs
« Y a un educ qui m'a dit que ce qu'on
apprend au sport on peut le réutiliser
ailleurs. »
Objectifs du jeune
« C'est pour qu'il y ait une bonne
ambiance dans le groupe ».
Animateur de séances
« Les éducs »
Choix de l'activité
« Les éducs, mais y a moyen de les faire
changer d'avis...enfin, ça dépend qui fait
le sport. »
Sanction
« Ils tapent sur les week-end »
Catégorie de sport
Combat, raquette, nature, sport co
Différence entre sport co/individuel
« Individuel c'est un face à face toi contre
l'autre, sport co, c'est la guerre, eux
contre nous. »
Tenue pendant les activités
« Le kimono pour le combat, sinon c'est
libre. »
Règles
« Ben c'est les règles comme d'habitude.
Après en combat faut faire attention à
l'autre parce qu'on fait des trucs chauds
quand même ».
Arbitrage
« Un educ. Mais souvent y en a pas en
fait, parce que les éducs jouent aussi. On
peut pas être arbitre et joueur. »
Coopération
« C'est faire un truc ensemble. Genre on a
besoin de tout le monde pour réussir. »
Séance marquante
« Quand on a été au tennis, parce que
j'avais jamais été sur un vrai terrain. On a
pas fait un match, on devait essayer de
faire le plus d'échanges possibles ».
Apports
« J'ai découvert de nouveaux
jeux. C'était bien quand il y
avait pas de compétition,
parce que moi je suis nul en
sport. »
Projection
« Vu que j'ai appris des
techniques, j'ai plus
confiance. J'aimais bien aussi
quand on travaillait avec les
autres. On progresse plus
avec les autres »
Manques
« Je sais pas, c'était bien là.
Y a des sports ou on
progresse pas. Comme quand
on fait que des matchs. Moi
j'aime bien les exercices.
Faut en faire plus. »
Inscription dans un club
« Oui, peut être »
Changement de pratique
« Moi j'osais pas faire du
sport parce qu'on peut se
faire mal. Là, j'ai jamais eu
mal et j'ai pas fait mal à
l'autre non plus. Si je fais un
sport, je vais essayer de faire
ça aussi »
Bilan
« Oui, j'ai fait des trucs que
je pensais pas. Et aussi j'ai
appris à travailler avec les
autres »
44
Jeune 5 : Akim
16 Ans originaire d’Hazebrouk
La famille:
Mère : Mère au foyer Père : inconnu 1 sœur, 3 frères
Profil: , 1er placement en foyer, mais a
déjà été pris en charge 3 fois en famille
d'accueil. A pratiqué le judo en club.
Le média sport par rapport aux autres
médias du CER
Les sports pratiqués au CER durant la
session
Après la session de CER
Activités pratiquées au CER
« L'école, le sport, la cuisine, le graf, les
courses, la peinture, la tondeuse. »
Activités sportives
« Muscu, judo, foot »
Préférence
« Rien »
Objectif des éducateurs
« C'est pour qu'on dorme, comme ça après
on est plus calme. »
Objectifs du jeune
« C'est pour que je devienne bœuf ! »
Animateur de séance
« Les éducs »
Choix de l'activité
« Les éducs »
Sanction
« Rien, le sport c'est pas obligatoire, faut
juste venir pour voir ».
Catégorie de sport
« Intérieur ou extérieur »
Différence entre sport co/individuel
« Sport co c'est tout le monde, individuel
c'est moi contre l'autre. »
Tenue pendant les activités
« En combat faut mettre le kimono, sinon
je viens en short. »
Règles
« Ben y en a pas. Juste au judo faut pas
faire mal et pas utiliser les techniques en
dehors »
Arbitrage
« Personne, juste en judo, on doit
s’arrêter si l'autre le demande. C'est un
peu lui l'arbitre. »
Coopération
« C'est faire avec l'autre »
Séance marquante
« La lutte, quand on était accroché tous
ensemble, et qu'on devait tout faire pour
ne pas tomber en s'appuyant sur les
autres. On a trop rigolé. »
Apports
« J'ai appris des bonnes
techniques et je me suis fait
des potes »
Projection
« Non, je pense pas »
Manques
« Des rencontres avec des
autres foyers.Proposer des
choix pour que les jeunes
s'inscrivent où ils veulent. »
Inscription dans un club
« Ben oui, j'ai envie d'aller
au foot. »
Changement de pratique
« J'ai envie de faire des trucs
d'équipe maintenant »
Bilan
« Avant je faisais tout tout
seul, mais maintenant, c'est
vrai, on peut être meilleur
avec les autres »
45
Jeune 6 : Thomas
17 ans, originaire de Loos
La famille:
Mère : commerçante Père : Plombier 1 sœur
Profil: 6éme placement. A pratiqué le
football en club.
Le média sport par rapport aux autres
médias du CER
Les sports vécus au CER Après la session de CER
Activités pratiquées au CER
Sport, peinture, classe, maçonnerie,
mécanique
Activités sportives
Foot, musculation, tennis de table, judo,
lutte.
Préférence
Le sport et les chantiers
Objectifs des éducateurs
« C' est pour calmer les tensions de la
journée et créer un bon groupe, une bonne
ambiance. »
Objectif du jeune
« Apprendre de nouveaux gestes,
découvrir de nouveaux sports. »
Animateur de séances
« Les éducs, mais on peut intervenir
aussi »
Choix de l'activité
« Les éducs. Mais souvent quand on voit
qui fait la nuit, on sait ce qui va y avoir
comme sport. »
Sanction
« On peut avoir de l'argent de poche en
moins, et si vraiment on abuse, on peut
avoir le week-end diminué. »
Catégorie de sport
« Sport d'équipe, sport de duel, sport de
combat »
Différence entre sport co/individuel
« sport co, c'est un travail d'équipe, sport
individuel, je suis tout seul. »
Tenue pendant l'activité
« Short tee shirt et en combat on doit
mettre le kimono. »
Règles
« Les règles de sport classique, sauf en
combat. On fait de la coopération, donc
on doit apprendre à faire avec les autres.
C'est pas des combats en fait. Y a pleins de
règles à respecter. On fait pas n'importe
quoi."
Qui arbitres ?
« On s'arbitre seul, mais les éducs
viennent aussi. »
Coopération
« C'est faire les choses avec l'aide des
autres ».
Séance marquante
« Au judo quand tous les autres devaient
combattre avec moi les uns après les
autres. Je croyais que j'étais plus fort,
mais au bout de 2 combats, j'étais
tellement mort qu'ils m'ont tous battu
après. »
Apports
« Ben franchement avec le
judo, j'ai vu qu'on était
meilleur à plusieurs, avec
l'aide des autres. »
Projection
« Ben oui, justement pas
rapport à ça, je vais peut être
plus m'aider de mon
entourage. »
Manques
« J'aurai bien aimé des
compétitions, des tournois.
La salle de combat, elle est
trop petite pour 6 »
Inscription dans un club
« Je vais continuer le foot. »
Changement de pratique
« Je pense que j'essayerai de
jouer plus en équipe. Avant je
voulais tout dribbler. »
Bilan
« Ben je crois qu'il faut faire
plus appel aux gens qui
veulent t'aider, comme en
combat. »
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Les entretiens retranscrits, il convient désormais de les analyser afin d’en dégager les
axes forts.
B ) Analyse des entretiens
L’analyse des entretiens met trois points en évidence : le sport est une activité repérée
au CER, les règles et la notion de coopération ont été comprises.
1) Le sport une activité repérée au CER
Un large panel d’activités sportives
Les différents entretiens mettent en évidence un large panel d'activités sportives
relevés par les jeunes : le football, le judo, la lutte, le tennis, le tennis de table, la musculation,
le basket ball, l'escalade, le surf, le parapente.
Une activité réellement obligatoire ?
La place de l'activité sportive apparaît confuse au CER. Pour trois jeunes, elle est
obligatoire au même titre que les chantiers ou que l'activité scolaire. Il s’agit ici d'ailleurs de
la règle officielle. Ainsi, pour les 3 mineurs, le fait de ne pas s'investir dans l'activité sportive
peut entraîner des permissions réduites pour les week-ends.
Cependant pour les autres jeunes, la pratique du sport n'est pas obligatoire. Seule la
présence est obligatoire : «le sport, ce n'est pas obligatoire, faut juste venir pour voir. ». Il
semble que la non participation aux activités sportives n'est pas réellement sanctionnée. Cela
induit le fait que le temps « sport » occupe une place différente des chantiers ou de l'activité
scolaire. L’absence de participation ou l’oisiveté sur ces deux derniers temps est réellement
sanctionnées.
Des objectifs divers
Les mineurs différencient les objectifs annoncés par les éducateurs et les objectifs
qu'ils visent personnellement.
Les objectifs poursuivis par les mineurs ne sont pas similaires, ceux ci ayant des
attentes propres. En revanche, il est surprenant de voir que les jeunes fixent des objectifs très
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différents à l’activité en fonction des adultes qui travaillent ou qui l’encadrent.
Certains des objectifs poursuivis par le jeune et poursuivis par l’éducateur ( selon le jeune
toujours) sont communs : apprendre à travailler avec l'autre, se défouler, découvrir.
Les objectifs relevés sont les suivants :
Pour les éducateurs (vu par les jeunes): fatiguer les jeunes, découverte, se défouler (3),
apprendre à travailler avec l'autre, se faire peur, partager des connaissances.
Pour les jeunes : se muscler (2), découvrir (2), se calmer (2), dynamique de groupe (2)
2) Les règles et la notion de coopération ont été comprises.
Certaines règles repérées
Toutes les activités sportives proposées par le CER ne semblent pas bénéficier de
règles précises. Ainsi, lorsqu'une activité football est proposée, les règles ne semblent pas
annoncées : « c'est les règles de d'habitude ».
A l'opposé, des règles précises sont données pour le judo. Elles concernent la sécurité
et la tenue : port du kimono, règles de sécurités pour éviter la blessure du partenaire. Celles ci
sont mises en avant par l'ensemble des jeunes interrogés. On peut donc penser qu'elles sont
intégrées et appliquées.
L'arbitrage des séances est mis en question par les jeunes. En effet, les éducateurs
participent aux activités. Ainsi, un des jeunes posent clairement la question : « normalement
les éducateurs arbitrent. Mais ils jouent aussi. Peut-on arbitrer et jouer ? ».
L'auto-arbitrage semble ainsi être privilégié avec des interventions ponctuelles des éducateurs
le plus souvent pour veiller aux règles de sécurité.
La coopération définie
L'ensemble des jeunes est en capacité de poser des mots sur la notion de coopération.
La définition est parfois laconique, mais l'esprit de la coopération semble intégré : « c'est
faire avec l'autre. » Certains jeunes précisent que l'on peut être meilleur en fonctionnant en
coopération : « on est plus fort à plusieurs. »
Toutefois, on notera qu'un adolescent renvoie le terme coopération comme une
spécificité de l'activité judo. Ainsi, on peut se poser la question de la réelle compréhension de
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la notion par ce mineur.
3) Des jeunes capables de se projeter
Un court bilan des activités en termes d’apports et de manques a été effectué par les
mineurs. La notion de coopération semble également être « sortie » de l’enceinte de la
structure.
Des apports...
Les adolescents ayant pratiqué les activités sportives au CER reconnaissent des
apports personnels. Ainsi, on retrouve la notion de découverte, de progression avec l'autre, de
développement de confiance...
Un jeune a également noté le plaisir qu'il avait eu en l'absence de compétition car : « il
était nul en sport. ».
Un autre jeune a relevé le fait d'avoir appris une autre méthode de travail (la
coopération) qu'il ne connaissait pas dans son club de sport.
Voici les apports relevés par les jeunes interrogés : découverte, connaissance de ses
limites (2), partage, progression avec les autres, augmentation de la confiance en soi,
nouvelle façon de travailler, absence de compétition.
… Et des manques.
Les jeunes placés m’ont signalé des manques dans la conduite des activités sportives.
Ainsi pour trois d'entre eux, ils ne sont pas suffisamment sollicités dans le choix des sports.
Un mineur propose également de faire appel aux jeunes ayant des compétences pour mener
les séances.
Pour deux jeunes, il est également noté la volonté de sortir du CER, de ne pas rester
dans les murs pour peut-être rencontrer d'autres jeunes, faire des tournois...
Enfin, un jeune met en évidence le matériel insuffisant de la structure avec une salle de
sport inadapté (Il s'agit en effet d'un bureau réaménagé en salle de sports).
Une coopération qui sort des murs.
L'idée de la coopération paraît avoir convaincu le groupe de mineurs. En effet, cinq
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jeunes sur les six expriment le fait « d'être meilleur à plusieurs ». Certains sont également
capables de se projeter au delà de l'activité sportive en évoquant l'intérêt de s'appuyer sur la
famille ou l'entourage. L'idée de collectif revient également régulièrement. Ainsi, on s'aperçoit
qu'un mineur pratiquant le football fait le rapprochement en évoquant le fait qu'il jouera « plus
collectif ».
Enfin, fort de l'expérience sportive au CER, la totalité des jeunes disent vouloir
poursuivre ou reprendre une activité sportive à l'issue du placement.
Pour terminer l’analyse des entretiens, il convient de préciser que chaque adolescent
interrogé a été en capacité de relater une séance qui l’a marqué. On remarque que les séances
de lutte/judo sont régulièrement citées. C'est aussi, le sport qui a bénéficié du plus grand
nombre de séances. Ainsi 5 jeunes décrivent des séances marquantes avec ces activités
supports. Sur ces 5 jeunes, 4 décrivent des séances de coopération, une approche qu'ils ne
connaissaient pas visiblement. Le 5éme jeune a soulevé la notion de confiance qui avait été
laissé par les éducateurs et les jeunes pour accepter de travailler les étranglements.
Il convient désormais de valider ou non nos hypothèses. Elles étaient au nombre de
trois :
- le comportement des mineurs varient en fonction de l’activité proposée,
- la coopération permet de réguler les facteurs d’opposition,
- la coopération présente lors du temps sport peut être transférable dans
d’autres espaces sociaux.
III. La validation de nos hypothèses.
L’activité physique, conçue comme support de coopération permet-elle de limiter les
conduites agressives ? C’est à cette question qu’il convient de répondre en validant ou non
mes trois hypothèses.
A ) Le comportement des mineurs varient en fonction de l'activité proposée
Si on revient sur la comparaison entre l’activité football et l’activité judo, j’observe
une attitude totalement différente des mineurs au cours de ces deux activités. Le match de
football a donné lieu à de nombreuses tensions, à des situations de violences (cf tableau
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comparatif), tandis que l’activité judo a favorisé davantage l’échange et l’apprentissage entre
les jeunes. D’ailleurs, cela se retrouve dans les objectifs avancés par les jeunes : dynamique
de groupe, travailler avec l’autre.
Cependant, je note également que ces deux activités sont proposées de manière
totalement différente : l’une est proposée pour faire face aux comportements des jeunes, pour
apaiser une tension, offrir un nécessaire défouloir (le football), tandis que l’autre est proposée
comme un projet à long terme. Ainsi, est ce le comportement des mineurs qui changent en
fonction de l’activité ou est ce le comportement des mineurs qui changent en fonction de
l’objectif de l’activité mise en place ?
J’ai pu voir dans l’exploitation des entretiens que l’offre sportive proposée par le CER
était très large. Cependant, le projet de l’atelier sport ne semble pas réellement défini, et
chacun propose ce qu’il peut dans ce créneau, sans réellement d’objectifs communs définis
par l’équipe éducative. Les règles de participation des jeunes ne sont d’ailleurs pas très
claires : participation obligatoire ou non ? Tous ces facteurs sont des « variables » sur les
comportements des jeunes.
Alors, oui, le comportement des mineurs a varié avec le changement d’activité, mais
pouvais je réellement comparer deux activités ayant des objectifs différents et n’ayant pas lieu
dans le même contexte ?
B ) La coopération permet de réguler les facteurs d'opposition
La mise en place du cycle judo a permis d’intégrer la notion de coopération, notion sur
laquelle l’équipe insistait beaucoup pendant les séances. Il semble que la coopération ait
trouvé tout son sens auprès des jeunes. Ainsi, comme j’ai pu l’analyser lors du dépouillement
des résultats des entretiens, les jeunes sont capables de définir le terme mais surtout d’en
comprendre les objectifs. Il n’est alors pas anodin d’entendre les adolescents avancer
que : « on est meilleur à plusieurs », « je vais jouer plus collectif », « j’ai appris à partager »,
« on progresse avec les autres »…
La coopération est un état d’esprit que les jeunes pris en charge doivent intégrer. A
l’aide de l’équipe éducative, je suis parvenu sur les séances de judo à cette idée et cela a
permis de réguler les facteurs d’opposition.
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Toutefois, au-delà de l’esprit de coopération, les règles imposées par les adultes, jouent
également une variable déterminante dans les relations entre les mineurs. Ici, chacun a su
mettre en avant l’importance des règles de sécurité dans l’activité judo, tout comme il a pu
signaler l’absence de règles précises lors de l’activité football : « c’est les règles de
d’habitude ». La règle rassure les mineurs et leur fixe un cadre d’évolution commun
permettant de limiter les facteurs d’opposition : « si je veux que mon partenaire me respecte et
si je veux avancer avec lui, je dois respecter les règles qui s’imposent à tous. »
On peut donc avancer que la mise en place d’activité de coopération est un facteur
limitant des oppositions entre les jeunes.
C) La coopération présente lors du temps sport peut être transférable dans
d’autres espaces sociaux
L’objectif de cette étude était d’intégrer la notion de coopération au travers la mise en
place d’un cycle judo. Cependant, je l’ai évoqué, la coopération n’est évidemment pas la
propriété de l’activité sportive. Pour être réellement bénéfique, elle doit être transférée dans
tous les espaces sociaux.
S’il était illusoire de pouvoir mettre cela en place sur le temps de cette étude, les
adolescents semblent avoir compris que la coopération était transférable au-delà de la salle de
sport. Ainsi, ils ont pu aborder l’importance de faire appel à leurs proches en cas de
difficultés, l’importance de pouvoir compter sur l’autre, le fait de progresser plus vite à
deux…
L’absence de compétition, relevé par un jeune durant les entretiens a sans doute
participé à cette compréhension. En effet, la compétition, renvoie à l’affrontement, à la
nécessité d’avoir un vainqueur et donc, un perdant. Ainsi, l’absence de compétition a permis à
tous les jeunes de garder des expériences positives des séances de judo et de pouvoir se
centrer sur la collaboration et non sur le fait de gagner, ce qui aurait pu renvoyer à des
situations d’échec.
La coopération présente lors des activités judo peut ainsi être transférable dans tous les
espaces sociaux.
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CONCLUSION
La mise en place des activités physiques et sportives comme moyen d’éducation ne
fait pas l’unanimité. Pour certains même, c’est une utopie, s’appuyant sur la réussite de
certains champions, qui reste exceptionnelle.
Néanmoins, mon étude basée sur l’utilisation du judo au sein du CER de Cuinchy
montre une évolution dans la relation entre les jeunes et dans leur état d’esprit tout au long de
la session, qui semble aller au-delà du simple temps « sport ».
Cependant, cette évolution est-elle intrinsèque à l’activité ? Il serait présomptueux de
l’affirmer. Il semblerait que ce soit davantage l’utilisation de la coopération au sein du média
sport qui produise un effet positif sur le comportement des jeunes.
Ainsi, on peut penser que l’activité physique n’a pas de valeur éducative en tant que
telle, mais, à partir du moment où elle est pensée, construite, elle devient un support éducatif
pouvant faire levier dans une prise en charge.
Ici, au-delà de la pratique du judo, c’est véritablement la coopération qui semble avoir permis
aux jeunes d’évoluer dans leurs relations et avoir permis d’atténuer les tensions pouvant
exister entre les jeunes.
L’activité n’est alors qu’un support. L’intérêt de cette étude réside dans le fait de
démontrer que peu importe le support que l’on utilise, à partir du moment où l’on peut mettre
en place un système de coopération entre les mineurs. De ce fait, si la coopération peut être
imaginée en chantier, en atelier scolaire ou ailleurs, l’évolution peut être tout autant positive.
L’utilisation du sport, comme moyen éducatif n’a de sens que s’il est utilisé comme
support, comme moyen de transmission et non comme un outil direct qui comporterait des
valeurs intrinsèques. C’est avec de la pédagogie, des règles, la présence de l’adulte, un projet,
que le sport devient un média éducatif.
Cela constitue une véritable évolution dans mon esprit, car au départ de cette étude,
mon sens commun s’orientait sur l’utilisation des activités physique et sportives comme un
moyen simple de faire intégrer des valeurs éducatives aux jeunes, notamment dans les
relations d’opposition. Le constat de départ de cette étude est ainsi venu compromettre une
pensée, un mode de fonctionnement.
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Pour conclure ce mémoire, il me parait important de préciser que cette étude fut
l’occasion de se pencher sur un domaine d’activité que je pensais bien connu. Pourtant, les
découvertes se sont multipliées et les apprentissages diversifiés. Cela vient me rappeler que
l’éducateur est en formation continue, formation qu’il doit nourrir par une alternance
perpétuelle entre théorie et pratique afin de proposer l’accompagnement le plus adapté et le
plus efficace aux mineurs pris en charge.
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BIBLIOGRAPHIE (Par ordre d’apparition dans le mémoire)
Ouvrages
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2010
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Articles
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revue société contemporaine, Mars 2008
M.PREEL, le sport réduit-il (vraiment) la violence, revue sport à vif
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S.ROCHE, « plus de sport, plus de délinquance chez les jeunes », Recherches et
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MEARD et S.BERTONE, Autonomie de l’élève et intégration des règles en éducation
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Textes institutionnels
Guide méthodologique de l'usage des activités physiques et sportives dans l'action
d’éducation, avril 2011
Livret d'accueil du CER de Cuinchy, septembre 2012
Projet de service du CER de Cuinchy, septembre 2010
55
Règlement intérieur du CER de Cuinchy, septembre 2012
Cours/Conférences
Premières assises européennes du sport - Olympie les 21 et 22 mai 1999
B.JOLLY, « action éducative », ENPJJ, octobre 2012
F..AUDEBRAND : « les situations problèmes », ENPJJ, mars 2012
O.HIDRI NEYS : « Intervention sur l’entretien », cours Master 1ere année STAPS
Management du sport, octobre 2012