4
L’accordéon Avec son soufflet rouge étoilé d’argent sans doute crevé, ses touches de bois terminées par un petit bouton de nacre, sa courroie de cuir clouée sur le fond ouvragé, il dort depuis longtemps, très longtemps sur une étagère, l’accordéon diatonique d’Antoine, mon grand-père paternel ; sans doute depuis bien avant 1955, l’année de son décès. C’était celui avec lequel il animait, m’a-t-on dit, les mariages bien avant ma naissance. De temps en temps, le soir, il le sortait, s’installait sur la chaise basse au coin de la cheminée et, la tête inclinée et après quelques essais se mettait à jouer les chansons qui lui passaient par la tête ; Agnès, ma grand-mère fredonnait les paroles… Où avait-il appris ? Quand avait-il eu assez d’argent pour s’offrir cet instrument ? Questions sans réponse ! Je me souviens de quelques rares soirées d’hiver où il avait la visite d’Albert Cabirol et de Milou (Emile Falcou) bien plus jeunes que lui. Ils apportaient chacun leut petit bandonéon et ils essayaient de s’accorder pour jouer ensemble … Il avait sans doute appris les rudiments à Louis, mon père, qui massacrait souvent les « Bruyères corréziennes » de Jean Ségurel ; jamais il ne parvenait à jouer d’une façon aussi fluide, coulée et sans fausse note comme Antoine. Je lui avais demandé de m’enseigner cet instrument, mais sans doute par manque de concentration je n’ai jamais pu terminer « Au clair de la lune ». Ce qui est certain, c’est qu’il savait déchiffrer les partitions. Quelques-unes, fragiles, roulées au fond d’une boîte datent sans doute d’avant guerre et de la fin des années 40 pour les plus récentes. Selon les cachets des vendeurs, elles venaient de chez Guillon ou de la maison Cauvet, rue Courtejaire, à Carcassonne ou chez L. Arnaud, Livres, Pianos, Musique, rue Gambetta, Castelnaudary. Certaines portent les noms d’Alban Guilhem (?), de Marinette Guilhem ou de Reine (sans doute Reine Escarguel, fille aînée du boulanger Célestin) ; peut-être lui demandaient-elles de lui jouer la mélodie pour pouvoir les chanter ? Par curiosité, j’ai recherché sur internet s’il existait des enregistrements originaux de ces chansons et j’ai replongé grâce à You tube dans ces marches, fox trot, tangos, rumbas d’un autre temps. Mais la seule que je n’ai pas retrouvée, « Le formidable succès des plages  » est « Pass’moi la vaseline ! Chansonnette fox-trot d’actualité, créée par Lemaire « chantée par toutes les vedettes » ? Un véritable regret ! Jugez vous -mêmes ; les paroles de A. Bossy valent le détour : « Ya des tas d’femmes sur les plages / Qui pour se mettre à la page/ Avec un cran sans pareil/ S’font griller par le soleil/ Mais cette mode nouvelle/ Fait souffrir plus d’une belle / Qui l’épiderme brûlé/Disent affolées /A leur mari / Ah ! Vit’, vite chéri/ Pass’moi la vaseline ou l’huile de Coco/ ça m’cuit sur l’échine / Et dans l’bas du dos/ Pass’moi la vaseline/ pass’m’en sur la peau/ Pass’moi la vaseline/ Et n’cass’ pas le pot !/Ah ! Frotte, frotte comme il faut/ A droit’ à gauch’, plus bas , plus haut !/Ah ! qu’ça fait du bien/ Ne t’arrêt’s pas mon chou / Pass’m’en des talons jusqu’au cou/ Partout ! »

L’accordéon - lacassaigne1950.files.wordpress.comL’accordéon Avec son soufflet rouge étoilé d’argent sans doute crevé, ses touches de bois terminées par un petit bouton

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: L’accordéon - lacassaigne1950.files.wordpress.comL’accordéon Avec son soufflet rouge étoilé d’argent sans doute crevé, ses touches de bois terminées par un petit bouton

L’accordéon

Avec son soufflet rouge étoilé d’argent sans doute crevé, ses touches de bois

terminées par un petit bouton de nacre, sa courroie de cuir clouée sur le fond ouvragé, il dort depuis longtemps, très longtemps sur une étagère, l’accordéon diatonique d’Antoine, mon grand-père paternel ; sans doute depuis bien avant 1955, l’année de son décès.

C’était celui avec lequel il animait, m’a-t-on dit, les mariages bien avant ma naissance.

De temps en temps, le soir, il le sortait, s’installait sur la chaisebasse au coin de la cheminée et, la tête inclinée et après quelques essais se mettait àjouer les chansons qui lui passaient par la tête ; Agnès, ma grand-mère fredonnait lesparoles…

Où avait-il appris ? Quand avait-il eu assez d’argent pour s’offrir cetinstrument ? Questions sans réponse !

Je me souviens de quelques rares soirées d’hiver où il avait la visite d’Albert Cabirol et de Milou (Emile Falcou) bien plus jeunes que lui. Ils apportaient chacun leut petit bandonéon et ils essayaient de s’accorder pour jouer ensemble …

Il avait sans doute appris les rudiments à Louis, mon père, qui massacrait souvent les « Bruyères corréziennes » de Jean Ségurel ; jamais il ne parvenait à jouer d’une façon aussi fluide, coulée et sans fausse note comme Antoine. Je lui avais demandé de m’enseigner cet instrument, mais sans doute par manque de concentration je n’ai jamais pu terminer « Au clair de la lune ».

Ce qui est certain, c’est qu’il savait déchiffrer les partitions. Quelques-unes, fragiles, roulées au fond d’une boîte datent sans doute d’avant guerre et de la fin des années 40 pourles plus récentes. Selon les cachets des vendeurs, elles venaient de chez Guillon ou de la maison Cauvet, rue Courtejaire, à Carcassonne ou chez L. Arnaud, Livres, Pianos, Musique, rue Gambetta, Castelnaudary. Certaines portent les noms d’Alban Guilhem (?), de Marinette Guilhem ou de Reine(sans doute Reine Escarguel, fille aînée du boulanger Célestin) ; peut-être lui demandaient-elles de lui jouer la mélodie pour pouvoir les chanter ?

Par curiosité, j’ai recherché sur internet s’il existait des enregistrements originaux de ces chansons et j’ai replongé grâce à You tube dans ces marches, fox trot, tangos, rumbas d’un autre temps.

Mais la seule que je n’ai pas retrouvée, « Le formidable succès des plages » est « Pass’moi la vaseline ! Chansonnette fox-trot d’actualité, créée par Lemaire « chantée par toutes les vedettes » ? Un véritable regret !Jugez vous -mêmes ; les paroles de A. Bossy valent le détour :

« Ya des tas d’femmes sur les plages / Qui pour se mettre à la page/ Avec un cran sans pareil/ S’font griller par le soleil/ Mais cette mode nouvelle/ Fait souffrir plus d’une belle / Qui l’épiderme brûlé/Disent affolées /A leur mari / Ah ! Vit’, vite chéri/ Pass’moi la vaseline ou l’huile de Coco/ ça m’cuit sur l’échine / Et dans l’bas du dos/ Pass’moi la vaseline/ pass’m’en sur la peau/Pass’moi la vaseline/ Et n’cass’ pas le pot  !/Ah ! Frotte, frotte comme il faut/ A droit’ à gauch’, plus bas  , plus haut !/Ah ! qu’ça fait du bien/ Ne t’arrêt’s pas mon chou / Pass’m’en des talons jusqu’au cou/ Partout ! »

Page 2: L’accordéon - lacassaigne1950.files.wordpress.comL’accordéon Avec son soufflet rouge étoilé d’argent sans doute crevé, ses touches de bois terminées par un petit bouton

Miracle des moteurs derecherche sur le net ! Le résultat dela requête « Pas’ moi la vaseline +Lemaire » effectue unrapprochement surprenant …… pas très loin du 3° couplet......et toujours d’actualité en fin decompte !

Quelques partitions de mon grand-père :

2° couplet :Si elle’s se font la peau bruneCe n’est cert’s pas pour des prunesC’est surtout pour avoir l’airDe joséphine Baker,Ca vous donn’un p’tit air crânePour la danse des bananes,L’on se gratte avec fureurLes jamb’s… ou ailleurs,C’est excitantOn s’trémousse en chantant :

3° couplet :C’est la phrase légendaireDe tous nos parlementaires.Nationalist’, socialoDit au brave populo :Vote pour moi, camarade,Je te pass’rai la pommadeAutant que tu en voudras,Ca n’me gêne pas !Et l’électeurRépond à ces flatteurs :

Et les paroles de chaque refrain sont adaptées au couplet précédent.

Copie d’écran des deux premières propositions :

Milton, « C’est pour mon papa » https://www.youtube.com/watch?v=GK-ALhDI76A

Tino Rossi. « Marinella » https://www.youtube.com/watch?v=f6wTxk39Wns

« Le pe�cheur de lune », version Rina Ketty https://www.youtube.com/watch?v=YeyS-wMUhHQ

« J’attendrai ». Tino Rossi https://www.youtube.com/watch?v=s1KTOgKJazw

« Le chemin des amours ». Tino Rossi https://www.youtube.com/watch?v=vI1C_-8gtv0

Attention ! Les liens fonctionnent à la date de création (mai 2019).

Ci-dessous : Pour écouter une chanson, appuyez sur la touche « Shift » en cliquant simultanément !

Page 3: L’accordéon - lacassaigne1950.files.wordpress.comL’accordéon Avec son soufflet rouge étoilé d’argent sans doute crevé, ses touches de bois terminées par un petit bouton

« La danseuse est créole », 1947. Yvette Giraud https://www.youtube.com/watch?v=lPjupxqcyDI

« C’est pour toi mon chéri », Gisèle Hervé https://www.youtube.com/watch?v=o89bRFknt2k

Jean Ségurel : « Bruyères corréziennes » https://www.youtube.com/watch?v=nUgl9Sf_YrY

« Au beau pays des fleurs » par Marcel’s https://www.youtube.com/watch?v=F05_RE5dUhI

« Coquin d’amour». Georges Milton 1932 https://www.youtube.com/watch?v=PwTxgFGrRc8

La Belle étoile. « On n’a pas besoin de la lune », 1938 Interprétée par Lucienne Delyle 1939 https://www.youtube.com/watch?v=CS8yvq6Tm8o

Alibert : « Je suis du midi » « Fais pas le couillon » https://www.youtube.com/watch?v=5JJGCg8jzVo

Page 4: L’accordéon - lacassaigne1950.files.wordpress.comL’accordéon Avec son soufflet rouge étoilé d’argent sans doute crevé, ses touches de bois terminées par un petit bouton

Pills et Tabet duo 1932. « Prends la route » https://www.youtube.com/watch?v=GtBo_b9akPw

Scotto. « Rosalie elle est partie », 1930. Musique du film « Cendrillon de Paris ».https://www.dailymotion.com/video/xtt4mf

A.G, mai 2019